Tag: Syndicalisme

  • Les structures syndicales face au statut unique : Priorité à la solidarité !

    Par un délégué FGTB, membre du PSL

    Les médias nous ont beaucoup parlé ces dernières semaines des 200 licenciements prévus à la CSC en conséquence des pertes liées à la faillite de Dexia. Le Mouvement Ouvrier Chrétien fait aujourd’hui l’expérience de ce qu’a connu le syndicat socialiste dans les années ‘30 avec les pertes liées à la “Banque du Travail”. Celui qui veut jouer le jeu du capitalisme doit tôt ou tard en payer les conséquences.

    Au-delà des difficultés financières, les syndicats sont aujourd’hui également confrontés aux conséquences du passage au “statut unique” pour leur personnel. Maintenant que la division entre ‘‘ouvriers’’ et ‘‘employés’’ est abolie, du moins en ce qui concerne le délai de préavis, certains sont décidément très rapides pour aller à la curée…

    Quelles structures syndicales ?

    Le SETCa, syndicat des employés de la FGTB, a réagi en appelant à scinder la FGTB en trois structures : industrie, services et fonction publique. Si ça peut sembler logique, cela risque surtout de créer encore plus de tensions. Aujourd’hui, la Centrale Générale, la centrale ouvrière traditionnelle, a la charge des secteurs du nettoyage et du gardiennage. Mais ce sont pourtant des services ? Quant à l’industrie, qu’est ce que ça veut dire ? Le centre de distribution d’une usine automobile, c’est de l’industrie ou des services ? Toutes ces personnes sont aujourd’hui représentées par la même centrale, celle du métal. Et les services publics qui ont été privatisés, doivent-ils rester à la CGSP ou passer aux services et au SETCa ? Toutes sortes de propositions, toutes plus “logiques” les unes que les autres, peuvent bien être lancées, il y aura toujours des conflits de compétences. Seulement, la manière dont ces derniers sont traditionnellement résolus au sein du mouvement ouvrier ne témoigne guère de beaucoup de solidarité, cela se résume essentiellement à la “loi du plus fort”.

    Pour le PSL, la force des travailleurs réside dans leur unité et dans leur capacité à arrêter le travail tous ensemble pour forcer les patrons à se mettre à genoux. La division ne profite qu’aux patrons, raison pour laquelle ils font tout leur possible pour jouer sur celles-ci, avec par exemple les 101 fonctions de référence reprises dans la classification de fonctions professionnelles, dont le but est principalement de donner l’impression que nous ne sommes pas tous pareils.

    Tout ce qui nous divise, nous affaiblit

    Nous sommes donc, en théorie, pour unir les travailleurs sur base de l’employeur, pour par exemple réunir tous les travailleurs œuvrant au sein d’une même usine chimique dans la même structure syndicale.

    Mais cela ne règle pas encore tous les problèmes. On retrouve au sein d’une entreprise de plus en plus de sous-traitants (pour le nettoyage, la comptabilité, la maintenance informatique,…). Sans ces sous-traitants, l’entreprise ne pourrait pas fonctionner. Toutefois, les structures syndicales n’y sont pas adaptées, et contribuent de cette manière – bien qu’inconsciemment – à la politique de division menée par les patrons. Une seule structure syndicale par site d’entreprise serait donc l’idéal. Et ça ne ferait pas de mal si tous les travailleurs qui travaillent pour ces différents patrons devenaient tous membres du même syndicat.

    Des syndicats combatifs et solidaires

    Pour le PSL, le fonctionnement du syndicat doit être basé sur deux piliers. Premièrement, il faut un aspect inclusif, c’est-à-dire un programme qui tienne compte des véritables besoins et attentes de l’ensemble des travailleurs occupés sur un même site, quelque puisse être leur métier ou leur catégorie. S’il s’agit d’une entreprise avec plusieurs sites, alors tous les travailleurs de l’ensemble de ces sites doivent être pris en compte dans ce programme.
    Deuxièmement, le fonctionnement du syndicat doit être basé sur la démocratie, en prenant notamment en compte les droits des courants minoritaires et des avis divergents. L’avis de la majorité simple n’est pas dans tous les cas la meilleure solution. Supposons que, dans un bureau de 100 employés, seulement 10 soient techniciens – selon nous, la majorité des travailleurs – les employés administratifs ne devraient pas pouvoir purement et simplement virer de la table les revendications de ces techniciens.

    Pour le PSL, les syndicats doivent être réorganisés afin de protéger au mieux les intérêts des travailleurs, ce qui signifie prendre en compte les points suivants :

    – Toute réorganisation des structures doit se baser sur un véritable projet inclusif, et non pas sur un partage du gâteau entre dirigeants syndicaux.

    – Toute réforme des structures doit mener à un renforcement du fonctionnement démocratique, ce qui permettrait de chercher à prendre les décisions sur base d’une discussion à laquelle participeraient autant de travailleurs que possible, et dans laquelle on accorderait leurs droits aux groupes minoritaires.

    – Lors de cette réorganisation, il faut réfléchir aux conséquences pour le personnel en ce moment employé par le syndicat. Il serait impensable qu’une reprise inamicale des membres d’un syndicat par une autre centrale puisse conduire à des licenciements auprès de la centrale “perdante”.

  • Pétition : Les travailleurs tunisiens ne sont pas des esclaves !

    Pétition de soutien aux syndicalistes de la SEA LATelec Fouchana

    Liberté syndicale?: nous sommes tous des travailleurs tunisiens

    Constructeur d’avions jusque dans les années 1950, Latécoère connut ses heures de gloire en faisant voler sur ses propres lignes des pilotes prestigieux, Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry. Grand résistant, disparu en mission, l’auteur humaniste du Petit Prince ne se doutait certainement pas que son employeur construirait des usines en Tunisie à la fin des années 1990. Sous la dictature de Ben Ali, à Fouchana et Charguia, des centaines d’ouvrières de la filiale Latelec fabriquent désormais à moindre coût harnais et armoires électriques à destination d’Airbus, Dassault, les plus grands avionneurs mondiaux. «?S’il te plaît… Dessine-moi un mouton?!?» La «?tranquillité sociale?» vantée par le régime tunisien, qui réprimait violemment toute forme de contestation, attire les investisseurs étrangers en quête d’une main-d’œuvre supposée docile et corvéable. En France, des centaines d’emplois sont détruits dans le bassin toulousain.

    Le 14?janvier 2011, emporté par un soulèvement populaire, Ben Ali s’enfuit. Quelques semaines plus tard, sur le site de Fouchana, les employées de Latelec dessinent une révolution. Prenant au mot la direction de Latécoère – qui définit le dialogue social comme «?un élément structurant historiquement de la culture de l’entreprise?» –, Sonia Jebali, Monia Dridi, Rim Sboui et sept de leurs camarades constituent un syndicat UGTT. À mille lieues d’un «?tout, tout de suite?» qui les auraient coupées d’une base peu habituée aux revendications, ces élues militent… pour leur dignité. Quotidiens et envahissants, harcèlements et brimades cessent bientôt. Fortes un an plus tard de 420 adhérentes sur 450 employés, les syndicalistes défendent le simple respect du droit du travail. Latelec le piétine?: heures supplémentaires non rémunérées, salaires dérisoires, congés payés en deçà des conventions légales, classification professionnelle volontairement sous-évaluée, etc. Le syndicat UGTT de Fouchana finit par tout obtenir, au prix d’un terrible rapport de forces?: grèves intenses, tentatives de corruption, tabassages, menaces de mort…

    L’activisme des ouvrières tunisiennes est peu apprécié d’Airbus, principal donneur d’ordres de Latécoère. C’est pour satisfaire les exigences pressantes de livraison de la marque vedette d’EADS que Latécoère procède en septembre 2012 à une relocalisation temporaire de l’activité du site de Fouchana en France. L’effectif chute rapidement de moitié, et les meneuses du syndicat sont renvoyées en mars 2013 – un licenciement déclaré illégal par l’inspection du travail tunisienne, dont l’avis est consultatif. La concurrence entre travailleurs a joué à plein?: pendant quelques mois, les salariés de l’aéronautique toulousaine ont pu se réjouir du rapatriement de l’emploi sur leurs terres. Il fut provisoire?: l’activité vient de faire son retour sur le site de Fouchana, aujourd’hui dépourvu d’un syndicat encombrant.

    En mai 2011, dans un élan unanime de solidarité internationale avec le peuple qui avait fait la révolution de jasmin, le G8 avait promis 70?milliards de dollars aux pays de la rive sud de la Méditerranée. Ils les attendent toujours. De leur côté, Sonia Jebali, Monia Dridi et Rim Sboui demandent leur réintégration dans leur usine. Elles luttent pour leur travail, leur dignité, leur liberté – donnant leurs noms et leurs visages au mot d’ordre de la révolution tunisienne, et aux centaines de milliers de leurs compatriotes dont les attentes ont été déçues. Car loin du soutien de façade affiché par les grandes puissances et les multinationales à la révolution de jasmin, les chiffres parlent?: en Tunisie, 50 sociétés à participation française ont fermé en 2011 et 2012, comme 54 groupes italiens, 14 allemands, etc. «?Quand on travaille en baissant la tête, ils sont contents, résume Mme Jebali. Quand on la relève, ils dégagent.?»

    Loin des déclarations de principe dont le peuple tunisien ne veut plus, nous, élu(e)s, syndicalistes, intellectuel(le)s, membres de la société civile des deux rives de la Méditerranée, demandons solennellement à Latécoère de retirer les poursuites en justice qu’elle a engagées contre Mmes Jebali, Dridi, Sboui et leurs camarades. Nous exigeons leur réintégration immédiate sur le site de Fouchana, pour qu’elles puissent exercer librement leurs droits syndicaux. Nous appelons l’État français à prendre ses responsabilités?: actionnaire d’EADS, il doit signifier à la direction d’Airbus que la liberté syndicale qu’elle a écrasée est un droit constitutionnel. Loin des projecteurs médiatiques, des débats politiciens, les ouvrières licenciées de Latelec nous rappellent que la révolution tunisienne fut d’abord un soulèvement social, démocratique et pacifique. La répression qu’elles subissent est la répression de toutes les aspirations légitimes du peuple tunisien à travailler dignement, dans le respect de sa liberté. Leur combat est le nôtre.

    • Site de la pétition

    Premiers signataires tunisiens?: Kacem Affia (UGTT), Nizar Amami (dirigeant de la Ligue de la gauche ouvrière), Salem Ayari (Union des diplômés chômeurs), Abdelmajid Belaïd (Parti des patriotes démocrates unifiés), Sana Ben Achour (juriste, présidente de l’association Bayti), Riadh Ben Fadhel (Pôle démocratique moderniste), Lina Ben Mhenni (enseignante et blogueuse), Abdessattar Ben Moussa (Ligue tunisienne des droits de l’homme), Tahar Berberi (fédération métallurgie de l’UGTT), Fathi Chamkhi (Raid-Attac-CADTM Tunisie), Noureddine Hached (ancien ministre), Zouhaier Hamdi (Courant populaire), Hamma Hammami (Front populaire), Jilani Hammami (Parti des travailleurs), Radhia Jerbi (Union nationale de la femme tunisienne), Besma Khalfaoui (avocate, ?veuve de Chokri Belaïd), Abderrahmane Lahdhili (Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux), ?Mohamed Lakhdar Ellala (Association des Tunisiens en France), Zied Lakhdher (Parti des patriotes démocrates unifiés), Bouali Mbarki (administration, finances de l’UGTT), Mohamed Msalmi (formation syndicale de l’UGTT), Wael Naouar (Union générale des étudiants de Tunisie), Radhia Nasraoui (Organisation tunisienne de lutte contre la torture), Mongi Rahaoui (député), Karima Souid (députée), Sami Tahri (médias-communication de l’UGTT)

    Premiers signataires français?: Olivier Azam (réalisateur), Olivier Besancenot (NPA), Martine Billard (PG), Marie-George Buffet (députée PCF, ancienne ministre), Compagnie Jolie Môme, Annick Coupé (Solidaires), ?Gérard Filoche (PS), Jean-Pierre Garnier (sociologue), Julien Gonthier (Solidaires industrie), Pierre Laurent (PCF), Frédéric Lebaron (sociologue), Jean-Luc Mélenchon (PG), Gérard Mordillat (écrivain), Cécile Péguin (EELV), ?Gilles Perret (réalisateur), Christian Pierrel (PCOF), Christian Pilichowski (fédération métallurgie CGT), Christine Poupin (NPA), Philippe Poutou (NPA), Gilles Raveaud (maître de conférences en économie), François Ruffin (journaliste), Jean-Christophe Sellin (PG), François Simon (EELV), Maya Surduts (Collectif national des droits des femmes), ?Aurélie Trouvé (conseil scientifique d’Attac), Marie-Christine Vergiat (députée européenne Front de gauche).

  • [INTERVIEW] Abdelhak Laabidi, syndicaliste et militant politique tunisien

    Il y a trois ans, le 14 Janvier 2011, un nouveau chapitre s’ouvrait sur la scène politique mondiale. Le renversement du dictateur Ben Ali en Tunisie, balayé par un mouvement révolutionnaire, a marqué le déclenchement et la source d’inspiration pour l’explosion de mouvements de masse à travers le monde, et pour une transformation complète du paysage politique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. En accompagnement de l’interview ci-dessous, nous vous invitons à lire l’article suivant : “Tunisie: trois ans apres la chute de Ben Ali, la revolution continue”.

    Abdelhak Laabidi, peux-tu te présenter ?

    Je m’appelle Abdelhak Laabidi , marié et père de 3 enfants , militant politique et fervent défenseur des droit de l’homme ; syndicaliste et actuellement secrétaire général de l’UGTT à Béja (secteur de la santé), et militant dans le parti FOVP (Force Ouvrière pour la Victoire du Peuple).

    Comment et quand as-tu commencé à militer?

    Depuis le début, j’étais présent dans chaque manifestation, mais tout cela sans une appartenance claire à un parti politique. Cela a commencé au sein du mouvement lycéen ; d’ailleurs, ma première arrestation fut en 1976, à l’âge de 16 ans, suite à la manifestation contre la visite de Anouar Essadet en Israël.

    La première action que j’ai organisée personnellement fut sous la casquette syndicaliste à Béja, en 2006: une action devant le siège local de l’UGTT. Il y a eu une marche depuis l’hôpital jusqu’au siège de l’UGTT, habillés en blouse blanche. L’itinéraire de cette marche passait devant le tribunal, la commune, la mairie, plusieurs lycées ; c’était une première dans cette ville. Mais suite à cette action, j’ai été trahi par le secrétaire général de l’époque : on m’a délesté de la couverture syndicale et pour punition de m’être insurgé, j’ai été chassé de chez moi.

    Tout comme plusieurs habitants de Béja, ma maison appartenait anciennement aux colons français ; après que ces derniers aient quitté la Tunisie, les Tunisiens ont pu gagner leurs maisons. Cependant il n’y a que moi qui fut viré de chez moi de la sorte, et cela d’une manière des plus barbare: cela s’est passé en plein hiver (et l’hiver de Beja est très rude), mes enfants étaient en pleine semaine d’examen et comble de l’histoire, ma maison a été transformée en un local du RCD ! Vous voyez la symbolique des choses … Suite à cela, ma mère est morte après 4 mois, et j’étais totalement délaissé par sa famille et par tous les partis de gauche de Béja. C’était une période difficile pour moi.

    On sait que dernièrement tu as été agressé. Peux-tu nous parler de cela?

    Le 14 janvier, je me suis dis que la Tunisie allait vivre une ère nouvelle, pleine de liberté et toutes ces bonnes choses. C’était pour moi, si je peux m’exprimer ainsi, mon « orgasme politique ». Dans la réalité je vois clairement que strictement rien n’a changé, et je vis toujours dans un bain constant de harcèlement, qu’il soit judiciaire ou physique.

    Pour mettre l’histoire dans son contexte, il faut savoir que dernièrement je me suis présenté aux élections régionales de l’UGTT, et cela a déplu à certains, qui veulent injecter les pions du parti islamiste Ennahda à ce poste. Pour m’en dissuader, chaque jour ils me provoquent et lancent des sous-entendus. En passant devant un café, des personnes crient « il faut égorger les mécréants et tuer les militants de gauche », et plein de provocations de ce genre. En voyant que je ne cédais pas aux provocations et que je les ignorais, ils se sont dits: s’il ne vient pas à nous, nous viendrons à lui. C’est aussi simple que ca.

    Le samedi 21 décembre à 10h 30 du matin, en sortant de chez moi j’ai été agressé par surprise et passé à tabac par deux personnes. J’ai eu pour séquelle une hémorragie interne dans mon œil ; c’est par chance que je n’ai pas été aveuglé. J’ai aussi eu quelques cotes fêlées et des contusions un peu partout sur mon corps. Heureusement qu’au moment de l’attaque mon fils m’a entendu l’appeler, du coup ils se sont enfuis en le voyant. Je pense qu’ils voulaient me battre à mort ; mais je pardonne en quelque sorte à ceux qui m’ont attaqué car je sais que ce n’est pas leur faute, en premier lieu c’est la pauvreté qui est le réel fautif. Pour une poignée de dinars en effet, ces gens sont capables du pire, c’est pourquoi ils sont la cible des « fascistes »: à la place de leurs offrir un travail décent pour subvenir à leurs besoins, ils préfèrent faire d’eux leurs sbires et hommes de main.

    Quoiqu’il en soit, cette attaque me rendra plus fort, car c’est ceux qui dérangent qui sont visés. Ce fut le cas pour les martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi ; bien sûr, je ne veux pas me comparer à eux, car qu’est ce que vaut mon agression comparé à leur assassinat ? Mais quelque part je sais que je suis sur la bonne voie car je suis entrain de déranger, comme ils l’ont fait en leur temps.

    Mis à part cette agression, l’histoire se répète : je suis aussi souvent mis en examen que je l’ai été avant le 14 janvier (via tribunaux, poste de police, etc ).

    Après la mort de Mohamed Toujeni, agent des forces de sécurité originaire de Beja, le peuple de Beja, suite à son enterrement le 23 octobre, s’est révolté contre Ennahda et sa politique ; le local d’Ennahdha a été incendié. Le 6 février, j’ai été convoqué par la police, et l’agent qui prenait mes dires était lui-même convaincu de mon innocence (car il y avait des photos, des vidéos de surveillance et je n’étais même pas présent dans cette manif-là !)

    Ils ont aussi essayé de m’attaquer dans mon intimité en tentant de s’en prendre à mon « nid familial ». Après le 14 janvier, j’avais repris de force ma maison, et ils ont essayé de me la reprendre avec les mêmes moyens que ceux de Ben Ali et de sa police ; il y a eu un procès dont j’ai retardé le jugement le 17 novembre – motif : « reprise par la force » d’un lieu pour lequel il y a eu jugement, vol, et incendie d’archives. On m’a viré de force, alors j’ai repris ma maison de force en l’occupant ; et l’archive que je suis accusé d’avoir brulé, c’est une archive du RCD et de leur activité ; cela s’est pourtant passé ainsi dans tous les locaux du RCD dans toute la Tunisie.

    Mais je ne céderais pas, coûte que coûte je serai toujours présent à défendre la cause des travailleurs par le billet du syndicalisme, et des pauvres et des délaissés par le billet du parti dans lequel je milite, le FOVP, pour ces causes que la Troïka au pouvoir a trahies dès le début en laissant la situation sociale et politique s’engouffrer de plus en plus.

    Peux-tu nous présenter le FOVP ?

    Le FOVP est un parti de la gauche radicale, issu d’un schisme de la LGO joint par d’autres militants; ce sont des militants qui ont refusé la ligne directive de la direction du Front Populaire, laquelle s’est associée avec Nidaa Tounes et Ennahda pour s’assoir autour d’une table en vue d’une soi-disant « entente nationale ». Je ne comprends pas comment le Front Populaire peut tendre la main à la droite, qu’elle soit barbue ou en costume cravate. Comment pourrais-je m’assoir à la même table que les ex-RCDistes, qui levaient leur bâton bien haut pour me frapper ? Comment, d’autre part, m’assoir à la même table qu’un parti historiquement sanguinaire ? Est-ce cela une « ligne révolutionnaire » ?

    C’est ce qui nous a poussé à quitter la LGO et le Front Populaire, pour un nouveau parti qui est le FOVP, lequel a une ligne révolutionnaire claire, avec en priorité le militantisme pour les causes des plus démunis, des travailleurs, de l’égalité des sexes, des droits de l’homme, de la liberté, liberté d’expression, un pouvoir judiciaire réellement indépendant etc. ; et bien sûr, essayer d’améliorer la conscience de classe, car à cause notamment de la baisse du pouvoir d’achat et de la hausse vertigineuse des prix, on entend des personnes dire que si Ben Ali était resté au pouvoir ça serait mieux. Il faut essayer de sauver cette révolution pour qu’on la revoie s’émuler à l’échelle internationale. Ceci est dans les mains du peuple tunisien, il faut que la révolution aboutisse coûte que coûte ; cette marche sera fatigante et pleine d’embuches, mais espérons qu’elle aboutira ! D’ailleurs, la force populaire a le potentiel de défaire n’importe quelle force réactionnaire.

    Et que pense du rôle de l’UGTT dans tout cela?

    L’UGTT est l’organisation qui détient le plus grand pouvoir dans le pays, celui des travailleurs.

    Tout gouvernement devrait être amené à craindre cette organisation, malheureusement la bureaucratie n’arrête pas de lancer des bouées de sauvetage à ces gouvernements dont tout le monde a vu les échecs répétés dans tous les domaines, qu’ils soient social, politique (étrangère et intérieure), sécurité etc.

    Comment peux-t-on poser la question de l’entente nationale avec des partis qui sont concrètement entrain de paupériser les travailleurs et les couches le plus démunies? La bureaucratie syndicale a encore une fois trahi la cause, et devra assumer cela historiquement.

    Comme elle devra assumer, elle et la direction du Front Populaire, de ne pas avoir oser prendre le pouvoir quand il s’offrait à eux (cela avait pourtant été le souhait du peuple le jour de l’enterrement de Chokri Belaid), et de le donner réellement aux travailleurs et à la population, en créant des comités régionaux et en instaurant l’autogestion, et en multipliant cela à une large échelle.

    Y a-t-il des actions du FOVP qui auront lieu à court terme ?

    Le 6 juin, j’ai organisé à Beja la 17éme commémoration de la mort de Cheikh Imam Issa (=chanteur égyptien révolutionnaire) et on a rendu un hommage au poète Ahmed Najm, parolier du Cheikh Imam au centre culturel de Béja; le FOVP donne beaucoup d’importance à la culture. Pour nous, la musique révolutionnaire et les textes peuvent être un outil important pour élever la conscience de classe du peuple tunisien.

    Le 28 de ce mois aura lieu mon procès au tribunal de Beja, et le FOVP lance un appel à manifester massivement devant le tribunal.

    On a vu que trois syndicalistes ont été malmenés, chacun d’une manière différente en l’espace de deux semaines ; tu as été agressé et passé à tabac, ensuite il y a eu l’arrestation de Abdeslam El Hidouri à Sidi Bouzid, puis des personnes sont entrées de force chez Adnen Hajji en faisant croire à un cambriolage, et on a agressé sa femme en voyant qu’il n’était pas chez lui ; que penses-tu de tout cela ?

    Je pense que la guerre contre les syndicalistes a commencé le jour de la commémoration de l’assassinat du martyr Farhat Hached. Ce jour-là, le 4 décembre 2012, plusieurs syndicalistes ont été attaqués par la milice d’Ennahda ; ils ont essayé de nous faire peur par cette action, mais voyant que les syndicalistes de base n’arrêtent pas de militer, de lancer des actions, des grèves, etc., ils essaient de nous faire taire un par un! Il faut s’organiser, frapper ensemble au cœur de leurs faiblesses, avec des grèves régionales et sectorielles, et puis générale. Car contre ce parti fasciste, il faut être solidaire pour se protéger les un les autres, et pour frapper ensemble.

    Un mot pour conclure ?

    Je veux que les slogans criés spontanément par le peuple tunisien soient exaucés par n’importe quels moyens ; les deux principaux slogans sont: « al chaab yourid isakat al nidham » (=le peuple veut la chute du système) et « al chaab yourid al thawra men jaddid » (le peuple veut une autre révolution).

    Je veux cela pour que mes enfants et la génération à venir n’aient pas à vivre ce qu’on a vécu, et puissent vivre des jours meilleurs et que les Hommes redeviennent des Hommes et la terre un jardin.

    Merci.

  • [BROCHURE] 10 objectifs d’un programme anticapitaliste d’urgence

    La deuxième brochure de la FGTB-Charleroi Sud-Hainaut est maintenant disponible en français et en traduction vers le néerlandais. Il s’agit d’un plan d’urgence autour de 10 thèmes, dans une mise en page qui rappelle la première brochure. Parmi les revendications se trouve la réduction du temps de travail à 32 heures par semaine, sans perte de salaire, avec embauche compensatoire et baisse des cadences ; la re-nationalisation des secteurs libéralisés ou privatisés comme l’énergie, les transports, la Poste, la téléphonie, sous le contrôle des travailleurs et des usagers ; la levée du secret bancaire ; la mise sous strict contrôle de la société de toutes les institutions financières ; …

    Vous pouvez disposer de cette brochure en téléphonant à la FGTB de Charleroi au 071/64.12.62 ou en nous contactant au 02/345.61.81 et via mail à info@socialisme.be. Vous pouvez également la trouver ici en format PDF.

  • Crise politique en Tunisie : des manoeuvres contre-révolutionnaires en cours

    Interview d’Hidouri Abdessalem, chercheur en philosophie, membre du bureau syndical régional de Sidi Bouzid pour l’enseignement secondaire

    A l’heure ou cette interview est publiée, la crise politique en Tunisie traverse son énième épisode. L’ampleur et la profondeur de la colère populaire contre le régime de la ‘Troika’, marquée par l’éruption quasi volcanique de protestations dans tout le pays à la suite de deux assassinats politiques de dirigeants de gauche cette année (l’un, celui de Chokri Belaid, en février, l’autre, de Mohamed Brahmi, fin juillet) constituent la toile de fond et la raison fondamentale de cette crise.

    Image ci-contre : “La révolution continue!”

    Les pourparlers qui se tenaient entre les partis gouvernementaux et ceux de l’opposition, appelés «l’initiative de dialogue national » viennent d’être suspendus ce lundi. En bref, «l’initiative de dialogue national » n’est rien d’autre qu’une tentative des classes dirigeantes de négocier un arrangement « par le haut » qui puisse apporter une solution à la crise politique tout en évitant que « ceux d’en-bas », à savoir les travailleurs et syndicalistes, la jeunesse révolutionnaire, les chômeurs, les pauvres, ne s’en mêlent un peu trop.

    En effet, lorsque les voix provenant de l’establishment, des grandes puissances et des médias traditionnels s’alarment des dangers d’un « vide politique » prolongé en Tunisie, ce n’est pas en premier lieu la montée de la violence djihadiste qu’ils ont en tête; leur principale crainte est que l’exaspération des masses explose à nouveau sur le devant de la scène.

    Le « dialogue national » vise à préparer une retraite ordonnée et négociée pour le pouvoir Nahdaoui, et la mise en place d’un gouvernement soi-disant «indépendant» et « apolitique ». Les discussions ont, officiellement du moins, buté sur le choix du nouveau Premier Ministre, discussions qui exposent à elles seules le caractère contre-révolutionnaire des manœuvres en cours. En effet, les différents noms qui ont circulé pour diriger un futur gouvernement sont tous soit des vétérans séniles de l’ancien régime, soit des néolibéraux pur jus.

    Bien sûr, tout cela n’a rien ni d’indépendant ni d’apolitique. De nouvelles attaques sur les travailleurs et les pauvres sont en cours de préparation, poussées entre autres par le FMI et les autres créanciers de la Tunisie; pour ce faire, les puissances impérialistes et les grands patrons tunisiens plaident pour un gouvernement suffisamment fort que pour être en mesure de maintenir les masses sous contrôle et leur faire payer la crise. C’est ainsi qu’il y a quelques jours, le gouverneur de la Banque centrale a déclaré que la Tunisie « a besoin d’un gouvernement de commandos pour sortir le pays de la crise».

    L’UGTT est de loin la force la plus organisée du pays. Aucun arrangement politique quelque peu durable ne peut être réglé selon les intérêts de la classe capitaliste sans au moins l’accord tacite de sa direction. Pour les travailleurs et les couches populaires cependant, le nœud gordien du problème réside précisément dans le fait que la direction de la centrale syndicale, au lieu de mobiliser cette force pour imposer un gouvernement ouvrier et populaire, pris en charge par un réseau national de comités de base démocratiquement organisés à tous les niveaux, se révèle être un partenaire très coopératif pour la classe dirigeante et les pays impérialistes, dans les tentatives de ces derniers d’imposer un gouvernement non élu au service du grand capital. Tant et si bien qu’elle joue honteusement le rôle moteur dans l’organisation et la médiation de ce « dialogue national ».

    Les dirigeants syndicaux, au lieu de mobiliser sérieusement leurs troupes, ont mis tous leurs efforts à tenter de démêler un accord derrière les rideaux entre les principaux agents de la contre-révolution. Tout cela couronné par l’approbation et la participation directe, dans ces pourparlers, des dirigeants du Front Populaire, malgré l’opposition manifeste d’une large couche de ses propres militants et sympathisants.

    Cette stratégie, comme l’explique Abdessalem dans l’interview qui suit, est une impasse complète, les dirigeants de la gauche et du syndicat délivrant de fait les intérêts de leurs militants sur l’autel des plans cyniques de leurs pires ennemis. Trotsky disait que dans une période de crise profonde du système capitaliste, les directions réformistes « commencent à ressembler à l’homme qui s’accroche désespérément à la rampe, cependant qu’un escalier roulant l’emporte rapidement vers le bas. »

    Cette métaphore résume assez bien le tableau tunisien aujourd’hui. Le pays est au bord d’une crise d’une ampleur sans précédent. Le 30 octobre, deux tentatives d’attentats-suicide ont été évitées dans des zones touristiques. Une semaine avant, dans la région centrale de Sidi Bouzid, au moins 9 membres des forces de sécurité ont été tués dans de violents affrontements avec des salafistes armés.

    En réaction, la section locale de l’UGTT appela à une grève générale régionale dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, mot d’ordre rapidement suivi dans la région voisine de Kasserine, afin de protester contre ces tueries. Ce genre de réflexes indiquent où résident les forces sociales qui peuvent offrir une solution viable et autour de laquelle une véritable alternative politique peut et doit être construite à la misère et la violence croissantes du système actuel.

    Comme le mentionne Abdesslem, il existe aujourd’hui en Tunisie un paradoxe: « les vraies fabricateurs du processus révolutionnaire sont en-dehors de la scène politique ». Le CIO partage largement ce constat. C’est pourquoi il y a une urgence à reconstruire, à l’échelle du pays, une force politique de masse au service de ces « fabricateurs », indépendante des partis pro-capitalistes, et armé d’un programme socialiste clair visant à mettre les principales ressources du pays dans les mains des travailleurs et de la population.

    Il fut un temps où tel était le but affiché du programme de l’UGTT. Lors de son congrès de 1949, l’UGTT demandait ainsi “le retour à la nation des mines, des transports, du gaz, de l’eau, de l’électricité, des salines, des banques, des recherches pétrolières, de la cimenterie, des grands domaines et leur gestion sous une forme qui assure la participation ouvrière.” La réactualisation d’un tel programme, combiné avec des mots d’ordre d’action précis, pourraient revigorer la lutte de masses et transformer radicalement la situation.

    Les militants, au sein du Front Populaire et de l’UGTT, qui veulent poursuivre la révolution et refusent les manœuvres actuelles -et ils sont nombreux- devraient à nos yeux exiger le retrait immédiat et définitif de leurs dirigeants du dialogue national, et demander à ce que ces derniers rendent des comptes auprès de leur base pour la stratégie désastreuse qu’ils ont suivie. Au travers de discussions démocratiques, les leçons des erreurs, présentes et passées, doivent être tirées, menant à un processus de clarification et de ré-organisation à gauche, sur le type de programme, de stratégie et de tactiques nécessaires pour mener à bien la révolution.

    Les militants du CIO en Tunisie sont ouvert à discuter et collaborer avec tous ceux et toutes celles qui partagent ces considérations. Car c’est seulement par ce biais que l’ «outil » et le « programme » révolutionnaires nécessaires, qu’Abdesslem évoque à la fin de l’interview, pourront être forgés en vue des futures batailles.

    Depuis l’assassinat de Mohamed Brahmi, une vague de mobilisations sans précédent contre le régime d’Ennahda a secoué la Tunisie. Quel bilan tires-tu de ces mobilisations?

    Les mobilisations contre le régime d’Ennahda, provoquées par l’assassinat de Mohamed Brahmi, et de Chokri Belaid avant lui, expriment plus largement une reprise du processus révolutionnaire visant à la chute du gouvernement de la ‘Troïka’ et à la chute du système.

    Mais devant l’absence d’un programme clair et d’un groupe révolutionnaire suffisamment influent, ces mobilisations ont été manipulées par la bureaucratie nationale de l’UGTT, par les partis politiques libéraux et par la direction opportuniste des partis de gauche, dans le but de dépasser la crise par l’outil du « dialogue national », sans pousser ces mobilisations vers leurs véritables objectifs: la chute du système.

    Au nom de l’unité dans la lutte contre les islamistes, la direction de la coalition de gauche du Front Populaire a rejoint Nidaa Tounes (un parti dans lequel se sont réfugiées beaucoup de forces du vieil appareil d’Etat et de l’ancien régime), ainsi que d’autres forces politiques, dans l’alliance du ‘Front de Salut National’. Que penses-tu de cette alliance et quelles conséquences a-t-elle sur la lutte de masses?

    La scène politique actuelle en Tunisie est caractérisée par une sorte de tripolarisation: le pôle des réactionnaires islamistes avec Ennahda et ses alliés, le pôle des libéraux de l’ancien régime (avec à sa tête le parti Nidaa Tounes, regroupées sous la direction de Caid Essebsi), et en contrepartie à ces deux pôles, le Front Populaire et l’UGTT.

    A l’époque de l’assassinat de Chokri Belaid, la situation a changé : les forces dites « démocratiques » et « modernistes » se sont regroupées contre la violence et le terrorisme (dans un « Congrès de Salut ») : cette étape a marqué le début de l’impasse politique pour le Front Populaire, car la direction de celui-ci a commencé à faire alliance avec les ennemis de la classe ouvrière et des opprimés, associés à l’ancien régime de Ben Ali.

    Ces derniers sont en compromis indirect avec les islamistes aux niveaux des choix politiques et économiques du pays.

    En conséquence, la lutte de masse a été manipulée et freinée par la direction du Front Populaire et de l’UGTT, suivant le rythme du « dialogue national » et des intérêts de ses différents partis et de leurs agendas politiques.

    Fin juillet, il avait été rapporté que dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, des formes de contre-pouvoirs locaux s’étaient mis sur pied, reprenant la gestion des affaires locales des mains des Nahdaouis. Qu’en est-il aujourd’hui?

    On peut dire que dans les régions intérieures, il y a une sorte de vide politique au niveau des services, de l’administration et de la sécurité. Dans les moments révolutionnaires, les mobilisations lèvent le slogan de l’autogestion, et à sidi Bouzid, nous avons essayé de construire un contre-pouvoir à travers les communautés régionales et locales.

    Mais face à la répression de la police, ainsi que du manque d’appui et de relais de ce genre d’initiatives à l’échelle nationale, on n’a pas pu dégager pour de bon le gouverneur régional de Sidi Bouzid.

    Depuis le début, la position de la direction nationale de l’UGTT a été de s’opposer au double-pouvoir, car ce dernier obstrue le «dialogue » et le « compromis » avec le régime, vers lequel cette direction pousse à tout prix.

    Peux-tu expliquer ce qui s’est passé le 23 octobre et dans les jours qui ont suivi?

    Le 23 octobre, selon la Troïka, est la date de la réussite de la transition démocratique (une fête politique), mais selon les autres partis et pour la majorité de la population tunisienne, c’est la date de l’échec. D’où les protestations massives qui ont repris de plus belle contre Ennahda ainsi que contre les terroristes.

    Mais une fois encore, les mobilisations du 23 et du 24 contre la Troïka ont été manipulées par les partis politiques en place pour améliorer leurs positions dans le dialogue national, et non pas pour la chute du système et du gouvernement.

    Quelle est selon toi la réalité du danger salafiste/djihadiste dans la situation actuelle? Quels sont les rapports de ces groupes avec le parti au pouvoir? Comment expliques-tu la montée de la violence dans la dernière période, et comment les révolutionnaires peuvent–ils face à cette situation?

    Quand on parle politiquement du pole islamiste, on parle d’un réseau d’horizon mondial, articulé avec certaines grandes puissances et avec les intérêts du capitalisme mondial, donc je crois qu’il est difficile de distinguer entre les djihadistes et Ennahda, ou même avec le parti salafiste ‘Ettahrir’.

    On peut considérer les salafistes comme les milices du gouvernent actuel, qui pratiquent la violence avec des mots d’ordre venus d’Ennahda, contre les militants, contre les syndicalistes…Leur objectif c’est de rester au pouvoir à l’aide de ces milices.

    Devant cette situation, je crois que les forces révolutionnaires doivent s’organiser de nouveau, pour continuer le processus dans les régions internes. Devant l’absence des outils et des moyens, cette tâche sera difficile, mais pas impossible.

    Quels sont à tes yeux les forces et les limites du rôle joué par l’UGTT dans la crise actuelle?

    D’une part la direction de l’UGTT a joué un rôle de secours pour tous les gouvernements transitoires depuis le 14 janvier 2011 jusqu’au 23 octobre 2013, entre autres à travers l’initiative du dialogue national. Actuellement elle fait le compromis avec les patrons (l’UTICA). D’autre part, les militants syndicalistes de base essaient de continuer le processus révolutionnaire.

    Quelles sont à ton avis les initiatives à entreprendre à présent pour la poursuite et le succès du mouvement révolutionnaire en Tunisie?

    Ce qui se passe en Tunisie et dans le monde arabe est un processus révolutionnaire continu, avec un horizon nationaliste et socialiste contre le capitalisme et le sionisme, mais actuellement on parle dans le processus d’un paradoxe: les « vrais fabricateurs » du processus révolutionnaire sont en-dehors de la scène politique, et les forces contre-révolutionnaires s’attellent au détournement du processus, donc nous sommes face à une révolution trahie.

    Les initiatives à entreprendre à présent pour la poursuite et le succès du mouvement révolutionnaire en Tunisie, c’est de continuer le processus avec des garanties concernant l’outil, le programme et le parti révolutionnaire. Sur le plan pratique il faut construire des comités locaux et régionaux pour la lutte.

    Quelles leçons/conseils donnerais-tu aux militants socialistes, syndicalistes, révolutionnaires en lutte contre le capitalisme dans d’autres pays?

    Les leçons et les conseils qu’on peut tirer du processus révolutionnaire selon mon point de vue c’est:

    • De viser le pouvoir dès le début du processus et lutter sur la base de tâches révolutionnaires bien précises. Car beaucoup des forces de gauches et de jeunes révolutionnaires et syndicalistes n’ont pas visé le pouvoir à Tunis, mais ont cru pouvoir pousser vers la réforme du système.
    • De s’unifier en tant que forces révolutionnaires contre nos ennemis, et de créer des groupes de lutte avec des moyens qui dépassent la théorie vers la pratique, c’est-à-dire agir sur le terrain jour et nuit.
    • De transformer le conflit avec les ennemis dans les mass media, pour créer une opinion publique contre les ennemis
    • De trouver un réseau de lutte capable de soutenir les protestations qui dépasse l’horizon national, vers l’international.
  • Statut unique : les directions syndicales acceptent un compromis pourri

    Nous n’avons pas encore de texte de loi sous les yeux, tout juste le rapport d’une proposition de compromis imposée par le gouvernement aux partenaires sociaux afin de respecter la date limite du 8 juillet. A cette date, il fallait, selon la Cour Constitutionnelle, mettre fin à la discrimination entre les statuts ouvrier et employé. Le plus surprenant concernant ce compromis, c’est la manière dont le gouvernement est parvenu à le faire passer.

    Par un militant de la FGTB

    Le Premier ministre a souligné la ‘‘touche féminine qui a fait la différence’’ et a permis de parvenir à ce compromis, grâce à la présence de Monica De Coninck, sa chef de cabinet et celle du cabinet Di Rupo. Nous n’avons aucun doute quant au fait que les femmes sont les égales des hommes en politique, mais nous ne remarquons pas grand chose de la prétendue ‘‘préoccupation féminine’’ concernant l’aspect humain. Au final, seuls les patrons sont gagnants, les employés les mieux payés perdent beaucoup, les employés les moins payés perdent un peu et même les ouvriers sont en partie perdants. Et comme cerise sur le gâteau, la plupart des coûts de cet accord seront supportés par la collectivité alors que tout le monde sait pertinemment bien que ce sont les travailleurs et certainement pas les entreprises ou les détenteurs de capitaux qui paient le plus d’impôts. Nous sommes dans de la revue, par deux fois.

    Les délais de préavis

    La base existante pour les délais de préavis, c’était jusqu’ici la loi relative aux contrats de travail du 3 juillet 1978. Cette loi stipule que les ouvriers disposent de courtes périodes de préavis en cas de licenciement, tandis que les employés les moins payés avaient un plus long délai et les employés les mieux payés un délai encore plus long. Dans de nombreux cas toutefois, ce délai de préavis n’est pas effectivement presté mais le patron paie le salaire du préavis, ce qu’on appelle l’indemnité de préavis. Depuis le 1er janvier 2012, les délais de préavis pour les employés supérieurs étaient déjà assimilés aux employés inférieurs dans le cas des contrats conclus après cette date.

    Le délai de préavis pour les employés inférieurs était de trois mois par période entamée de cinq ans. Pour les employés les mieux payés – le seuil pour 2013 avait été fixé à un salaire annuel minimum de 32.254 € bruts – et dont le contrat avait été conclu avant le 1er janvier 2012, la règle était que la période de préavis était décidée par un accord entre l’employé et le patron au moment où le licenciement était signifié. Généralement, la ‘‘formule-Claeys’’ était appliquée (une formule tenant compte de la rémunération, de l’ancienneté et de l’âge de l’employé), cette formule étant régulièrement adaptée en fonction des nouvelles lois, mais il s’agissait de toute façon d’une combinaison plus favorable que pour les employés inférieurs.

    Le compromis actuel prévoit que les délais de préavis seront égaux pour tous les employés et les ouvriers. Les employés perdent leur délai de préavis de trois mois par période de travail entamée de cinq ans. Le nouveau système prévoit que les deux premières années, le nombre de semaines de préavis augmente à chaque trimestre. Après trois années d’ancienneté, une ou deux semaines sont ajoutées et, après cinq ans, trois semaines sont ajoutée par année de travail jusqu’à un maximum de 62 semaines. Après vingt ans d’ancienneté, seule une semaine est ajoutée par année de travail prestée. Contrairement à la loi de 2012, ce système serait appliqué aux contrats déjà en cours avec la nuance que les délais de préavis en cours seraient cassés, mais en raison de l’absence de législation, la manière dont cela sera fait n’est pas encore claire. Conclusion : tous les employés y perdent.

    Mais c’est aussi le cas des ouvriers. Selon la loi actuelle, la période de préavis est de quatre semaines pour les deux premiers trimestres. Avec ce compromis, cela est réduit à deux semaines avant d’ensuite commencer à augmenter. Dans certains secteurs, les ouvriers avaient obtenu au cours de ces dernières années un contrat d’employé ou équivalent concernant la période de préavis, et ces avantages seront dorénavant perdus. Pour le dire autrement: les patrons nostalgiques de la discrimination de statut récupèrent à nouveau les vieilles conditions.

    Les autres discriminations

    Avec cet accord, les syndicats s’engagent volontairement à ne pas entamer de procédure juridique contre les autres discriminations telles que, entre autres, les motifs de licenciement ou les régimes de retraite. Jusqu’ici, il n’existait qu’une obligation limitée de motivation de licenciement, uniquement pour les ouvriers. Le fameux article 63 interdit tout licenciement abusif d’un ouvrier. Ce n’est pas que cela disparait, mais il y a en tout cas, une inversion de la charge dans la mesure où c’était précédemment l’employeur qui devait prouver que le licenciement était justifié et non le travailleur qui devait prouver qu’il n’était pas justifiée. L’accord stipule que cela doit se régler devant le Conseil National du Travail (CNT). Mais le risque est que, sous le couvert de l’égalité, même cette obligation de motivation limitée soit abolie et que les ouvriers se retrouvent les dindons de la farce.

    L’une des principales discriminations dont on entend étrangement à peine parler, est le refus de la pension complémentaire des ouvriers. Dans de nombreuses entreprises, les employés disposent d’une pension complémentaire. Il s’agit d’une violation flagrante du principe européen de non-discrimination et la probabilité qu’un ouvrier remporte son procès à ce sujet est très grande. Avec le compromis, les syndicats s’engagent maintenant à poursuivre les négociations à ce sujet. Mais c’est à long terme, et le risque est grand que les employés en fassent les frais. Après tout, si le coût de la pension extra-légale ne doit pas augmenter et que le gâteau doit être réparti entre plus de gens, ceux qui en bénéficient aujourd’hui devront céder une partie.

    Nous payons deux fois

    Les coûts associés au compromis seront à la charge des salariés ou de la collectivité, ce qui revient au même. Il est prévu qu’une partie de la prime de licenciement soit convertie en reclassement professionnel (en aide à la recherche d’un autre emploi). Alors que précédemment l’on pouvait utiliser son indemnité de licenciement pour, par exemple, repayer sa maison, il faudra désormais en livrer une partie aux entreprises spécialisées dans le reclassement professionnel. Auparavant, ces coûts, dans le cas d’une fermeture d’entreprises ou du licenciement d’un travailleur plus âgé, étaient payés par la collectivité. Qui profite le plus de la nouvelle situation ? Très certainement les entreprises impliquées dans le reclassement et qui considèrent ce terrain comme un nouveau marché émergeant. De plus, la plupart des travailleurs qui retrouvent un emploi par ce biais sont moins rémunérés ou n’ont que des contrats temporaires. Ainsi, les travailleurs devront eux-mêmes payer la précarisation accrue du travail.

    Concernant tous les aspects coûteux du compromis, les patrons recevront des moyens de la part de la collectivité, notamment compris au travers des budgets de l’ONEM. Comme les travailleurs paient la plupart des impôts, ils payent aussi de ce côté.

    Le pire est-il encore à venir?

    Enfin, il est à remarquer que certains secteurs restent des exceptions où les travailleurs disposeront de préavis moindres. C’est le cas des ouvriers de l’industrie de la construction et cela le restera avec le nouveau système, il reste encore à voir comment de telles anomalies sectorielles concernant des périodes de préavis plus courtes pourront être coulées dans la loi. De toute façon, les patrons d’autres secteurs tels que le textile exigerons d’obtenir également une exception sous prétexte qu’ils seraient incapables de pouvoir rivaliser. Si nous acceptons cette logique, il n’y a aucune raison de penser que le même argument ne servira pas dans la chimie ou encore dans le métal. Toutes les entreprises sont sous la pression de la concurrence et demandent à diminuer leurs coûts salariaux. En tant que syndicats, accepter cela signifie d’obtenir effectivement l’égalité des salaires et des conditions de licenciements à long terme, mais alors à un niveau chinois ! Il est grand temps que les syndicats élaborent une stratégie pour empêcher cela. Les concessions faites par les syndicats sous la pression des patrons pour être compétitifs n’ont pas permis à des entreprises performantes telles qu’Opel à Anvers ou Ford à Genk de tenir.

    Au lieu de s’asseoir à la même table que le gouvernement et les patrons pour négocier la réduction des salaires et la dégradation des conditions de travail, les syndicats devraient plutôt utiliser leur temps et leur énergie pour construire la solidarité au-delà des limites des entreprises et des secteurs, au-delà des frontières linguistiques et nationales et lutter avec les ouvriers et les employés des autres pays pour de meilleures conditions de travail pour tous.

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