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Tag: Southampton
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Industrie. Ne jamais gâcher une bonne crise ?
L’annonce de la fermeture de Ford Genk a donné du travail aux médias dominants : comment sauver l’industrie en Belgique ? Le quotidien Flamand De Tijd a proposé un plan d’action de 10 points, Le Soir a proposé 10 mesures de relance avec toute une série de dossiers consacrés à ces mesures d’urgence. On retrouve ce thème décliné de diverses manières dans tous les médias. Mais on n’y trouve rien de neuf. Toutes ces propositions se résument à dérouler le tapis rouge pour les investisseurs industriels. Est-ce vraiment un début de solution ? Le drame de Ford-Genk n’illustre-t-il plutôt pas une fois encore ce qui arrive quand on se plie en quatre pour les désirs du patronat ?
Par Eric Byl
Salaires
La direction de Ford a réfuté l’argument selon lequel ce drame arrivait en conséquence du coût du travail en Belgique, et ça, les patrons ne l’ont pas apprécié. Même la fédération patronale du métal, Agoria, a dû admettre que les salaires à Genk sont actuellement inférieurs de 5% à ceux d’Allemagne (1). Peter Leyman, l’ancien président de l’organisation patronale flamande Voka et ancien directeur-général de Volvo-Gand, a lui-même admis que les coûts de production ne représentent que 10 à 15% du prix d’une voiture à l’achat. Le reste est absorbé par la logistique, le marketing et le développement. Les coûts de travail ne représentent que 6 à 8% (2). Le spécialiste du secteur automobile Vic Heylen affirme quant à lui que les coûts salariaux dans l’assemblage ne représentent que 5,5% des coûts totaux. Mais malgré toutes ces données, l’establishment quasiment au grand complet se mobilise pour nous convaincre que le grand problème, ce sont les coûts salariaux.
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Remplacer l’industrie par une économie de connaissance?Depuis 1995, le nombre d’emplois industriels a diminué de 134.000 postes pour arriver atteindre les 585.000. En 1995, 18,6% de la population active travaillait dans l’industrie, contre 12,6% maintenant (10).
Contrairement à 2003, lors de la dernière grande restructuration de Ford Genk, les médias pensent aujourd’hui que c’est alarmant. Dans le temps, les spécialistes disaient encore que c’en était fini avec l’industrie en Europe de l’ouest et que l’on devait miser sur les centres de connaissances. Les marxistes n’étaient pas d’accord avec cette position. Nous avons souligné l’importance de l’industrie. Nous avons écrit et défendu que si la production se déplace, il ne faudra pas longtemps avant que les centres de connaissance suivent le même chemin. Toute cette idée de l’économie de la connaissance n’a pas encore complètement disparu. Mais, heureusement, ce n’est plus considéré comme une solution magique. Les médias doivent avouer que l’exportation des marchandises est encore beaucoup plus importante que l’exportation des services et que c’est à l’industrie que l’on consacre le plus de recherches et de développements.
Les travailleurs et leurs familles, ainsi que les nombreux militants du PSL, voient tous les jours que l’industrie prend des coups. Pourtant, nous voulons souligner qu’une partie considérable des pertes d’emplois résulte de l’externalisation des activités non-essentielles des entreprises industrielles. La maintenance, le nettoyage et l’administration qui appartenaient à l’industrie sont externalisés et sont maintenant souvent considérés comme étant des services. De plus, les pertes d’emploi ne s’accompagnent pas d’une baisse de la valeur produite. Selon un rapport publié par le Centre pour l’Economie Régionale de l’université de Louvain, l’emploi industriel en Flandre a diminué de 20% entre 2001 et 2010. Mais dans la même période, la valeur ajoutée a augmenté de 40%. Toujours dans cette période, la productivité du travail a augmenté de 50%, avec même avec 200% d’augmentation dans le secteur chimique. (11)
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Pour le gouvernement Di Rupo, la priorité centrale du budget 2013 n’est pas la lutte contre la pauvreté, mais la lutte contre notre prétendu handicap salarial par rapport aux pays voisins. Le Soir et De Tijd en ont fait l’axe central de leur programme en 10 points. Dans son dernier rapport annuel, celui de 2011, la Banque Nationale a calculé que depuis l’introduction de la loi sur la protection de la compétitivité en 1996, les salaires ont en Belgique augmenté 4,6% plus vite que la moyenne pondérée de l’Allemagne, de la France et des Pays-Bas (3). Mais ce n’est le cas qu’à cause de la situation en Allemagne car, durant cette même période, les salaires hollandais ont augmenté 14% plus vite que chez nous. En France, c’était 3% plus vite. Ça, De Tijd ne le dit pas. Toute son attention est concentrée sur l’Allemagne, parce que les salaires y ont augmenté 14% moins vite qu’en Belgique. Et alors, pas un mot sur l’unification allemande et sur la pression à la baisse qui en a résulté pour les salaires. Quand on compare nos salaires avec ceux des pays voisins, il n’est également pas question de prendre en compte les subventions salariales et les autres avantages fiscaux. Ces montants représentent déjà plus de 10 milliards d’euros par an, soit plus de 5,5% de la masse salariale totale. Si ces avantages sont intégrés dans le calcul, notre soi-disant handicap n’est plus que de 1%.
La productivité
Les salaires horaires, ce n’est encore qu’une partie de l’histoire. Selon l’OCDE, un travailleur belge a en moyenne produit une valeur de 59,2 dollars par heure en 2011, contre 59,6 dollars aux Pays-Bas, 57,5 dollars en France et en 55,3 dollars en Allemagne. (4) Ce chiffre prend en compte l’ensemble des secteurs économiques. En mars dernier, PriceWaterCoopers a publié une étude comparant les entreprises privées de plus de 250 travailleurs. Les entreprises du secteur financier, du non-marchand et de l’intérim n’étaient volontairement pas reprises. Pour obtenir le même chiffre d’affaires que 100 travailleurs en Belgique, il en faut 126 aux Pays-Bas, 131 en France, 132 en Allemagne et même 175 en Grande-Bretagne (5).
Au cours des récentes discussions budgétaires, les médias et les politiciens ont évoqué la possibilité de supprimer un jour férié ou d’aller de trouver d’autres manières de prolonger le temps de travail. Sur cet élément également, l’OCDE dispose de données intéressantes. Aux Pays-Bas les salariés travaillent annuellement 200 heures de moins qu’en Belgique en moyenne. En France il s’agit de 100 heures et de 150 heures en Allemagne. (6) Les travailleurs grecs ont peu de temps pour se reposer au soleil, ils travaillent en moyenne 460 heures par an de plus qu’en Belgique. Comme il n’y a quasiment pas de grandes entreprises en Grèce, la productivité y est plus basse. La productivité n’y est qu’à peine plus élevée que dans la majorité des petites entreprises de moins de 10 travailleurs chez nous (34 dollars par heure).
Pourquoi fermer Ford Genk alors ?
Quelles sont les raisons données par les vrais spécialistes du secteur automobile concernant la fermeture des sites à Genk et Southampton ? Ferdinand Dudenhöffer, professeur à l’institut CAR de l’université de Duisburg-Essen : ‘‘Fermer d’autres sites européens était beaucoup plus difficile. A Valence il est difficile de licencier des travailleurs. Là c’est fortement réglementé. Et en Allemagne, c’était aussi impossible au vu des engagements courant jusqu’en 2015 ou 2016.’’ (7) L’analyste Colin Lagnan d’UBS a déclaré que le choix de Genk était logique : ‘‘Fermer un site en Allemagne sera plus difficile sur le plan social’’ (8) The Wall Street Times a dit que la Belgique est un pays ‘‘avec des syndicats plus dociles dans l’automobile.’’ (9)
Des alternatives
Nier que la soif insatiable de compétitivité conduit à la surcapacité serait inutile. L’usine de Genk est une entreprise ultramoderne. Cela vaut aussi pour d’autres entreprises en cours de restructuration ou de fermeture. Les entreprises comprennent des laboratoires modernes, des outils de productions qui peuvent facilement être adapté et toute une machinerie robotisée assistée par ordinateurs. Avec quelques reprogrammations, on y peut produire presque tout.
Pourquoi sacrifier ces richesses à la soif de profit privé et utiliser les moyens de la collectivité pour dérouler le tapis rouge aux requins du profit ? Exproprier ces installations et ces terrains et faire usage des nombreux centres de connaissance de nos universités ainsi que du savoir-faire technique et des travailleurs expérimentés nous permettrait de répondre aux besoins réels : une mobilité écologiquement responsable et rationnellement planifiée, un plan de construction de logements sociaux, de bâtiments scolaires et d’autres infrastructure. Voilà la base d’une véritable politique industrielle. C’est à l’opposé de cette logique de compétitivité où les moyens de la collectivité sont utilisés pour monter les travailleurs les uns contre les autres au détriment de leurs conditions de travail, de leur revenu et de leur environnement.
- De Tijd 24/10/2012. “Zoek de autosector in Europa’s plan voor een industriële revolutie”
- Le Soir 24/10/2012. Leyman: ‘‘chaque centime d’euro compte”
- Un groupe de travail technique du gouvernement pour accompagner le budget 2013 a déclaré que le handicap salarial est de 5,2%. Les détails de ce chiffre ne nous sont pas encore connus. C’est possible mais, comme d’habitude, ces données devront être corrigées lorsque les chiffres véritables arriveront.
- http:/stats.oecd.org/Index.aspx?usercontext=sourceoecd
- Rapport dans ‘De Tijd’ du 28/03/2012. ‘Belg presteert, maar rendeert niet’
- Voire note 4
- De Tijd 30/10/2012 ‘Dudenhöffer: ‘Ford kon enkel Genk sluiten’
- De Tijd 23/10/2012 ‘Sluiting lost overcapaciteit bij Ford op’
- De Tijd 14/09/2012 ‘Autobouwers willen steeds dichter bij hun markt zitten’ (10) De Tijd 25/10/2012 ‘Belgische industrie smelt weg’ (11) Beleidsrapport STORE-B-12-001 ‘Sectoranalyse van de Belgische economie – 3 juli 2012’
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General Motors / Opel annonce la fin de la production de voitures à Bochum d'ici 2016
Les fermetures de sites de construction de voitures se poursuivent en Europe. Organisons la lutte pour la défense de Bochum, de Genk, d’Aulnay-sous-Bois, de Southampton et de Dagenham ! Unifions le combat pour la protection de l’emploi et des usines !
Par Stephan Kimmerle, Comité pour une Internationale Ouvrière
Les dirigeants d’Opel ont joué la carte de la sécurité en postant 50 gardes supplémentaires pour la protection d’un meeting du conseil d’entreprise, tant pour se protéger que pour intimider. Ils se sont aussi assurés que la police soit aux abords de l’usine le 10 décembre 2012, au moment de l’annonce de la fin de l’usine d’automobiles de Bochum, en Allemagne, d’ici 2016.
En moins d’une minute, le patron d’Opel, Thomas Sedran, a exprimé son intention de faire payer aux 3000 travailleurs et à leurs familles la crise d’Opel et de l’industrie automobile en général (voir notre dossier : Industrie automobile européenne : Une autre crise est en cours…)
Les vagues promesses d’une future production de composants n’ont pas réussi à dissiper la colère des 2300 travailleurs qui se sont rassemblés dans la centrale de la Ruhr. Des sifflets et des insultes ont interrompu le discours de Sedran, alors qu’il tentait de justifier l’attaque contre les travailleurs en mettant en avant la surproduction de voiture et la baisse de la demande sur le marché européen. Il a ensuite immédiatement quitté l’usine par la porte de derrière. Un délégué syndical d’IG-Metall a été jeté à terre et quasi étranglé par les gardes de sécurité alors qu’il tentait de lui poser des questions.
La centrale de Bochum a une tradition militante. Une précédente grève avait permis de minimiser les tentatives de la direction pour diviser la main d’œuvre et sous-traiter certaines parties de l’usine en 2000. En 2004, une grève sauvage de 6 jours a été lancée pour protester contre le licenciement de milliers de travailleurs. Pourtant, à présent, Rainer Einenkel, le président du comité d’entreprise d’IG Metall, a appelé à la prudence et a déclaré que les travailleurs ne devaient pas céder à la provocation.
Malgré cela, le lendemain matin, 200 travailleurs ont cessé de travailler et on manifesté devant les portes de l’usine pour exiger plus d’informations au comité d’entreprise, comme nous l’a communiqué le SAV (section du CIO en Allemagne). Dans l’urgence manifeste de montrer qu’ils ‘‘font quelque chose’’, les membres du comité ont enfin arrêté la ligne de production le vendredi 14 décembre pendant quelques heures afin d’informer les travailleurs.
Cela fait un moment que l’équipe de management s’est préparée à cette situation, en réduisant notamment la dépendance d’autres sites de General Motors vis-à-vis de celui de Bochum. A cause de la pause de Noël dans la production et de la réduction forcée des heures de travail en janvier, les travailleurs ne se sentent plus aussi forts que durant leurs précédentes batailles. Des années de réductions d’effectifs ont épuisé les travailleurs restants et réduit leur pouvoir économique. De plus, l’échec de la stratégie des dirigeants syndicaux et du comité d’entreprise, qui consistait à accepter sans cesse des concessions, a intensifié le sentiment de démoralisation.
Cependant, il reste une grande colère qui pourrait provoquer une riposte. Les travailleurs sont conscients que si cette décision est acceptée sans protestation massive, les perspectives de sauvegarde de leurs emplois et de l’usine seront en grand danger. Une stratégie de combat est nécessaire pour organiser et construire le mouvement de grève de Bochum et envoyer des délégations dans d’autres usines pour augmenter la pression sur le syndicat IG Metall afin d’accroitre la lutte.
Une grève à Bochum, ralliée par des délégations de toutes les autres usines menacées de fermeture en Europe ainsi que par des délégations d’autres usines de General Motos et d’Opel, aurait le potentiel de commencer à mobiliser l’une des plus puissantes sections de la classe ouvrière européenne. Les travailleurs du secteur automobile de tout le continent savent très bien que leur avenir est aussi en péril. Les chaînes de production de Ford à Dagenham et Southampton (Grande-Bretagne) et à Genk (en Belgique) sont menacées de fermeture (voir: Ford Genk. Pas de funérailles mais un plan d’action ! Nationalisation et reconversion du site !). En Italie, les patrons de Fiat parlent sans cesse de la nécessité de faire des coupes dans le budget. Ce qu’il faut, c’est une stratégie de lutte pour sauver l’emploi.
Chute libre
Les ‘‘experts’’ allemands de l’automobile critiquent la direction de General Motors, qui aurait dû selon eux fermer l’usine d’Ellesmere Port en Grande-Bretagne à la place de celle de Bochum. Cette stratégie a également été utilisée par des ‘‘experts’’ français suite à la fermeture de l’usine de Ford d’Aulnay-sous-Bois près de Paris. Ils avaient déclaré qu’il aurait mieux valu fermer les usines espagnoles.
Les différents États-Nations en Europe se concentrent sur la défense de l’économie de leur propre pays en se fichant royalement de ce qui se passe ailleurs. Le seul point sur lequel ils se rejoignent, c’est sur le fait que les travailleurs doivent payer et que l’environnement doit être sacrifié pour assurer les profits des entreprises automobiles. Le Commissaire en charge de l’énergie Guenther Oettinger a déjà confirmé dans une lettre à Volkswagen que les limites d’émission de carbone pour les entreprises automobiles en Europe ne changeront quasiment pas. D’autres conflits entre les divers États-nations n’excluront pas une tendance commune qui intensifierait les dangers du réchauffement climatique pour augmenter les profits.
Défendons tous les emplois et toutes les usines !
Malheureusement, ce point de vue nationaliste a aussi été adopté par les dirigeants syndicaux de General Motors, d’Opel et de Vauxhall. Ces entreprises ont fait chanter les travailleurs. Les dirigeants syndicaux de la centrale de General Motors – Vauxhall à Ellesmere Port ont accepté de travailler plus d’heures, pour des salaires moindres et plus de flexibilité, en mai dernier. Cela a été perçu comme le coup de grâce porté aux sites de Bochum et de Rüsselsheim.
Les travailleurs d’Ellesmere Port se sont peut-être sentis soulagés lorsque les dirigeants syndicaux leur ont annoncé qu’ils avaient fait ça pour sauvegarder les emplois. Mais 5 mois plus tard, General Motors a annoncé qu’il ferait travailler 2000 d’entre-eux 4 jours par semaine seulement. En septembre, les centrales de Vauxhall à Ellesmere Port et Luton ont toutes deux cessé le travail pendant une semaine.
La stratégie de concession des syndicats pour ‘‘sécuriser’’ l’emploi a totalement échoué. Les travailleurs de Bochum ont donné des millions d’euros pour obtenir des garanties de production jusqu’en 2016, et à présent ils sont de nouveau la cible d’autres attaques, en plus de faire face à la fermeture de leur usine à cette date.
Il nous faut une stratégie de lutte pour protéger chaque emploi. Avec une réduction de temps de travail sans perte de salaire, des emplois seraient immédiatement sauvés, et payés par les patrons et les propriétaires d’entreprise.
Chaque usine frappée de licenciement doit être nationalisée sous le contrôle des travailleurs. Vu les relations entre les usines et la crise de l’industrie automobile dans le monde et particulièrement en Europe, l’industrie tout entière doit être nationalisée, et la production réorganisée de telle manière que s’il y a trop de voitures, d’autres marchandises nécessaires pourront être produites.
Ces forces de travail talentueuses très éduquées doivent être utilisées pour créer de la richesse qui bénéficiera aux 99% et non pas rejoindre les files de millions de chômeurs européens pour maintenir la richesse des 1%.
C’est dans cette direction que les syndicats doivent mobiliser. Un mouvement de grève issu de la base pourrait faire écho aux exigences de défense des travailleurs et de leurs familles tout en défiant les dirigeants syndicaux en se battant pour des syndicats combatifs et démocratiques.
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100 après le Titanic, le prestige et le profit toujours avant la sécurité
Le Titanic, sa construction, le naufrage et ses conséquences illustrent les grandes divisions sociales de l’époque, divisions qui concernaient non seulement les modes de vies mais aussi les différentes valeurs que l’on accordait aux vies humaines. Cette catastrophe ne fut pas un hasard mais la conséquence d’une société orientée vers la satisfaction des intérêts des plus riches et les bénéfices de l’industrie du transport, avec bien peu d’intérêt pour la vie des travailleurs.
Nick Chaffey et Perry McMillan, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Le Titanic était le plus gros navire de son époque. Il représentait le summum du luxe à flot. A bord se trouvaient quelques uns des plus riches habitants de la planète. Mais la situation de son équipage et des passagers de troisième classe était loin d’être similaire.
Alors que les 700 passagers de première classe profitaient des bons restaurants, de la piscine et des bains turcs, les 1000 passagers de troisième classe ne partageaient que deux salles de bains, une pour les femmes et l’autre pour les hommes. Même les toilettes révélaient cette division des classes : en métal pour la troisième classe, en porcelaine pour la deuxième classe et en marbre pour les millionnaires.
Il n’est guère étonnant que cet écart ait également existé entre les membres de l’équipage ; le capitaine était payé £1.250 par an, un opérateur radio, £48 par an, un pompier, £5 par mois et un intendant, £3 par mois. Alors que le capitaine et les officiers étaient salariés, l’équipage était licencié après chaque voyage. Si un navire était à terre pour deux ou trois semaines, l’équipage se retrouvait ainsi sans emploi durant tout ce temps.
Une société divisée
La vie à bord Titanic révélait le gouffre qui divisait la société, gouffre qui allait perdurer pendant les années à venir et ce, jusqu’à la première guerre mondiale.
Le Titanic fut construit à Belfast, à l’immense chantier Harland and Wolff par une armée de plus de 15.000 travailleurs. A cette époque comme aujourd’hui, de tels projets avaient un prix humain que beaucoup voudraient nous faire oublier. Plus de 245 blessés furent enregistrés et six personnes ont été tuées : pas par accident, mais en raison d’une course aux profits au détriment de la sécurité. Une lutte s’est alors déclarée entre patrons et syndicats.
Pendant la catastrophe elle-même, le désintérêt des super-riches et leur mépris total pour le reste de la société furent révélés aux yeux de tous. A peine moins d’un tiers des membres de l’équipage survécut, 37% des passagers de première classe ont perdu la vie, contre 74% des passagers de troisième classe et 78% de l’équipage.
Un tel départ, avec seulement assez de canots de sauvetage pour un tiers de l’équipage et des passagers reflétait déjà les pressions en faveur du profit et pour répondre aux besoins des plus riches. Les personnes laissées à bord furent jetées dans les eaux glacées et moururent en quelques minutes. Seules 13 d’entre elles furent retirées de l’eau et embarquées dans des canots de sauvetage à peine à moitié remplis. La formation de l’équipage avait été insuffisante et entraina de nombreuses pertes humaines.
Southampton paya un lourd tribut : plus de 50% de l’équipage était originaire de Hampshire, le reste principalement de Liverpool, mais s’était déplacé au sud. Chaque rue de la ville avait perdu quelqu’un, et à une époque où il n’y avait pas de dédommagements, les familles furent jetées dans la pauvreté.
Des leçons tirées de la catstrophe?
On a fait beaucoup de bruit autour des "leçons" apprises hors de cette catastrophe, mais en réalité, les enquêtes n’ont souvent été que de fallacieuses justifications. Pas un seul passager de troisième classe ne fut appelé à témoigner. Les lois et les règlements furent finalement modifiés, mais seulement suite aux pressions exercées par des syndicats et leurs grèves. Quelques jours seulement après le naufrage du Titanic, l’équipage d’un autre navire de la White Star, The Olympic, fit grève pour forcer l’entreprise à augmenter le nombre de canots de sauvetage.
Les syndicats maritimes durent lutter pour que leurs membres aient un meilleur salaire, des horaires moins lourds et un sommeil décent à bord, avec de meilleures conditions d’hébergement.
En scrutant la presse consacrée au 100e anniversaire de l’évènement, on constate que l’essentiel est passé sous silence ; pas par accident, mais pour cacher la réalité brutale de la société. Le mercantilisme marque cet anniversaire.
Un menu de première classe du Titanic a été récemment vendu aux enchères pour un montant de £76.000. Le commissaire-priseur a commenté : ‘‘Rappelons-nous que le Titanic était considéré comme le meilleur restaurant à flot : pour un déjeuner, il y avait plus de 40 choix différents. Cela illustre ce point.’’
Une histoire aseptisée
Le 10 avril, à l’occasion du 100e anniversaire du lancement du Titanic, le dirigeant conservateur Royston Smith a inauguré le musée du Titanic à Southampton, destiné à ne montrer qu’une histoire aseptisée du Titanic, pour en tirer du profit. Mais de façon très ironique, le conseil communal n’a pas pu trouver d’opérateur privé prêt à assumer l’investissement.
Le conseil communal de Southampton a donc surenchéri dans l’infamie en voulant sauvagement réduire les salaires des travailleurs communaux, qui ont magnifiquement combattu en riposte, avec des mois de grèves et de manifestations. Les 7 millions de livres sterlings coupés dans la masse salariale ont servi à financer ce projet de musée alors qu’avec la crise économique actuelle, plus 7000 personnes sont sans emploi et plus de 6000 enfants vivent dans la pauvreté à Southampton uniquement.
Le meilleur hommage que l’on pourrait rendre à ceux qui ont perdu leur vie ainsi qu’à leurs familles serait de vaincre l’agenda d’austérité des conservateurs de Southampton et de lutter pour construire un mouvement de masse capable d’assurer un avenir décent pour les travailleurs qui continuent à être exploités dans l’industrie maritime ainsi que dans l’ensemble de la ville.
Le transport maritime actuel : une croisière vers le désastre?
L’industrie maritime mondiale a été estimée en 2008 à un marché de 20 milliards de dollars, avec des profits colossaux aux opérateurs. Dans l’industrie maritime du Royaume-Uni, les revenus de 2011 étaient de 2,4 milliards de dollars, avec 1,5 million de passagers venant de Southampton. Directement et indirectement, elle emploie des milliers de personnes, mais reste un secteur caractérisé par des emplois précaires et peu rémunérés.
En janvier, le syndicat des transports RMT a rapporté : "A l’heure actuelle, l’équipage de ces vaisseaux est issu d’une multitude de nationalités. Ils sont souvent très peu rémunérés et travaillent dans des conditions précaires. Bien que les entreprises individuelles contestent que les équipages gagnent une part significative de leur argent grâce aux pourboires, le RMT le syndicat des transports, NDLT) dispose de preuves confirmant le mépris généralisé pour le bien être de l’équipage et la sécurité des navires."
La récente catastrophe du Costa Concordia a révélé le peu de changements depuis la catastrophe du Titanic, avec deux incidents survenus depuis lors dans l’Océan indien et aux Philippines.
Alors que les critiques visant le capitaine du navire ont fait la une des journaux, des rumeurs concernant la politique d’entreprise se sont multipliées. Beniamino Deidda, le procureur en chef de Toscane, a critiqué la compagnie ; une attention particulière a été accordée aux ‘‘canots de sauvetage qui ne sont pas descendus, à l’équipage qui ne savait pas quoi faire [et] au peu de préparation dans la gestion de la crise.’’
Dans une interview menée par la police, le capitaine affirme que les chefs d’entreprise ont fait pression sur les navires de croisière afin qu’ils naviguent à proximité de l’ile Giglio, en vue d’offrir un spectacle aux passagers. Alors que le ralentissement économique menace les profits, les raccourcis et autres incidents sont inévitables.
Toutes les preuves démontrent que, sur 100 ans, les profits continue toujours à dicter sa loi sur les mers et océans. Grâce à une campagne soutenue de syndicalisation, la sécurité peut être soumise au plan de l’agenda dans l’industrie des croisières.
Quelques jours à peine avant le naufrage du Costa Concordia, le premier ministre britannique David Cameron s’en était pris au ‘‘monstre’’ de la réglementation de la sécurité et de la santé, promettant de le rendre plus favorable aux entreprises. Seule une industrie dirigée et contrôlée démocratiquement par les travailleurs, une industrie du transport maritime nationalisée, peut garantir que la santé et la sécurité seront placées avant le profit à court terme et les intérêts de l’industrie privée.