Your cart is currently empty!
Tag: South China Morning Post
-
Chine : La grève de Honda, point tournant du mouvement ouvrier naissant
Les grèves des travailleurs des usine de sous-traitance de Honda dans la province méridionale du Guangdong (Canton) ont fait trembler la Chine, « l’atelier du monde ». L’exemple combatif des travailleurs de Honda, dont de nombreux n’ont qu’à peine vingt ans, a engendré une vague de grèves à sa suite à travers toute la Chine, au fur et à mesure que les travailleurs migrants (pour la plupart, des paysans venus chercher du travail en ville en tant qu’ouvriers), surtout dans les entreprises étrangères, qui se tuent à l’ouvrage dans des conditions connues pour leurs longs horaires et leurs bas salaires, exigent des hausses salariales, de meilleures conditions et une « restructuration » des syndicats.
Vincent Kolo, chinaworker.info
La vague de grève ne fait que commencer, mais si elle se poursuit et se développe, elle a le potentiel de transformer le paysage politique et économique de la Chine. Cette vague de grèves est déjà la plus importante explosion de lutte ouvrière depuis 2002, lorsque les ouvriers dans l’industrie lourde se sont battus, sans succès, pour protéger leur emploi et leurs pensions lorsque les entreprises d’Etat ont été vendues et restructurées. Les luttes d’aujourd’hui se concentrent essentiellement sur le secteur manufacturier et de l’exportation, avec sa main d’oeuvre essentiellement constituée de travailleurs migrants. Les grèves actuelles, et en particulier les revendications de l’élection des représentants syndicaux, posent des problèmes majeurs à la dictature « communiste » au pouvoir, qui craint plus que tout la croissance d’un mouvement ouvrier indépendant.
La première grève de Honda, dans la ville de Foshan, province du Guangdong, a été la « plus grande et la plus puissante grève jamais vue par une multinationale en Chine », selon le South China Morning Post. Terry Gou, le patron milliardaire de l’entreprise Foxconn, s’est exclamé : « Ceci est une déferlante. On ne peut plus se baser sur le bas coût de la main d’oeuvre chinoise ». Gou, qui a aussi annoncé de fortes hausses salariales la semaine passée dans son entreprise Foxconn, dans une tentative de rompre le cycle de suicides de jeunes et de désapprobation publique, a prédit le fait que des hausses salariales pour les ouvriers de production chinois allaient devenir « une tendance irréversible ». De nombreuses entreprises dans le même parc industriel de Foshan où se situe l’usine Honda ont relevé les salaires en tant que mesure préventive, probablement poussées par le gouvernement, afin d’éviter que ne se répande la grève à Honda.
Au cours des derniers jours, des grèves ont éclaté dans au moins cinq provinces de Chine, touchant l’industrie automobile, mais aussi des usines de composants électroniques, de caoutchouc, d’équipements sportifs, de chaussures, et de machines à coudre industrielles. Plus récemment, dans la province du Jiangxi, 8000 travailleurs qui fabriquaient les ballons de la Coupe du Monde tant controversés sont partis en grève. Dans presque tous les cas, les grévistes ont proclamé avoir été encouragés par la victoire à Honda Foshan. « Si leur grève n’avaient pas été victorieuse, nos travailleurs ici ne seraient pas aussi unis qu’ils ne le sont à présent » a déclaré une travailleuse migrante de 22 ans à l’usine Foshan Fengfu Autoparts, où 250 travailleurs ont organisé une grève de trois jours du 7 au 9 juin.
Bien que la grève à l’usine de transmission de Foshan, qui appartient entièrement à Honda, ait permis des hausses de salaire de 24 à 32%, les jeunes travailleurs qui se sont confiés à chinaworker.info ont exprimé leur mécontentement et ont insisté sur le fait que le retour au travail ne serait que temporaire à moins que leur liste de 147 revendications ne reçoive une réponse adéquate de la part de la direction de Honda. L’entreprise a négocié une période d’étude de deux mois afin d’ « examiner » ces revendications. Les principaux points incluent le droit d’organiser des élections afin de remplacer les pantins de la direction qui se trouvent à la tête de la branche locale du syndicat officiel contrôlé par l’Etat.
Cela ne fait qu’une semaine que la grève des 1900 travailleurs de l’usine Foshan a été « résolue », pourtant la Chine semble depuis lors être un endroit différent. La grève qui a tout d’abord éclaté le 17 mai a redémarré avec une vigueur renouvelée le 23 mai, après que la direction ait annoncé une hausse misérable de seulement 55 yuan par mois. La revendication des travailleurs était d’une hausse mensuelle de 800 yuan, afin d’aligner les salaires de Foshan sur ceux des travailleurs dans les autres usines d’assemblage de Honda en Chine. Le sixième plus grand producteur automobile au monde a la capacité de fabriquer 650 000 véhicules par an en Chine, tout en prévoyant d’étendre sa production à 830 000 véhicules par an d’ici 2012. La grève de dix jours a été remarquablement solide, malgré les tentatives mafieuses par la direction, par le gouvernement local et par son syndicat pantin de briser la résolution des travailleurs. Sous un régime dictatorial qui interdit les grèves et de véritables syndicats, ceci est une magnifique réussite.
En étouffant l’approvisionnement des pièces détachées, la grève de Foshan a mis à l’arrêt les quatre usines automobiles de Honda dans le Guangzhou et dans le Wuhan, ce qui aurait coûté à l’entreprise 130 millions de dollars en termes de production perdue. Ceci souligne la puissance dévastatrice des travailleurs à l’époque de la mondialisation capitaliste, avec ses chaînes d’approvisionnement complexes, et ses méthodes de production just-in-time. Sans structures formelles, et confrontés à de terribles pénalités légales pour avoir participé à une organisation indépendante, la lutte a été construite en utilisant des affiches sur les murs de l’usine, des messages SMS et par des grèves éclair grâce auxquelles un département en appelait un autre à rejoindre la grève. Ces travailleurs ont fait preuve d’une grande audace tactique : alors que la direction faisait tout son possible pour briser la grève, et que certaines sections se flétrissaient sous la pression, ils ont organisé une marche de 500 travailleurs à l’intérieur du terrain de l’usine, renforçant le moral et mettant en échec l’offensive patronale.
Le 31 mai, les patrons de Honda ont fait monter les enchères dans leur tentative d’écraser la grève. Ils ont mobilisé les cadres du syndicat et les professeurs des écoles d’apprentissage qui fournissent Honda avec une masse d’apprentis – un autre dispositif couramment employé par les multinationales afin de maintenir le bas niveau des salaires en Chine. Les professeurs et les directeurs ont ordonné aux travailleurs de signer de nouveaux contrats comprenant un accord de non-grève, menaçant les apprentis en leur disant qu’ils ne recevraient pas leurs diplômes et devraient faire face à la police pour avoir enfreint la loi. Partout dans le monde, sont apparues des images montrant des nervis à casquette jaune en train de filmer les grévistes, de beugler des ordres et de maltraiter les jeunes travailleurs, leur criant de sortir de l’usine s’ils ne voulaient pas travailler. « Votre action a gravement endommagé la production et l’opération de l’usine », clamait un dirigeant syndical via mégaphone.
Ces « casquettes jaunes » étaient censés être des représentants de la Fédération Panchinoise des Syndicats (FPCS), le seul syndicat légal. Des rumeurs circulent sur internet selon lesquelles le dirigeant de la branche locale du syndicat a été payé 600 000 yuan pour mettre un terme à la grève, et a engagé 100 nervis à 200 yuan par jour pour brutaliser les grévistes. Voilà bien une illustration frappante du véritable rôle des syndicats officiels – un rôle de criminels et de briseurs de grèves. Toutefois, l’incident du 31 mai a encore plus fait enrager les travailleurs de Foshan. « Maintenant, ce n’est plus une question de hausse salariale, mais de garder notre dignité », disait au South China Morning Post (1er juin 2010) un travailleur âgé de 23 ans. Un jour plus tard, le porte-parole du syndicat officiel a été forcé de publier une lettre d’excuse aux grévistes. Ceci n’a que partiellement satisfait à leurs revendications en la matière, cependant, qui demandaient que soient punis les « syndicalistes » coupables d’avoir physiquement attaqué les grévistes.
Lorsque la direction a réalisé qu’elle ne pourrait pas facilement briser la grève par la force ou par l’intimidation, elle a reculé, offrant des hausses salariales nettement améliorées d’environ 400 yuan par mois. Mais ceci est toujours peu comparé à la revendication des travailleurs d’une hausse de 800 yuan. La nouvelle offre est parvenue à diviser la main d’oeuvre, entre une couche qui voulait accepter et d’autres qui préféraient continuer la grève.
Certains travailleurs de Foshan qui ont discuté avec chinaworker.info étaient critiques vis-à-vis du retour au travail, et pensaient que bien plus aurait pu être obtenu, étant donné la puissance de la grève. Certains ont accepté l’accord à contre-coeur, le considérant plutôt comme un « cessez-le-feu » de 2 mois, jurant d’organiser une nouvelle grève si de nouvelles concessions ne sont pas faites. L’équipe de négociation composée de 16 personnes, qui a doublé les structures du syndicat officiel pro-Honda, semble avoir été mis sous une forte pression de la part de l’entreprise et du gouvernement pour faire cesser la grève avant la date anniversaire politiquement chargée du 4 jjuin (jour de commémoration du massacre de la place Tiananmen).
Les experts basés à Beijing qui ont offert leurs services en tant que « conseillers » à l’équipe de négociation ont eux aussi pu insister sur une résolution rapide afin d’éviter que la grève ne soit perçue comme étant « politique ». La manière dont l’équipe de négociation des travailleurs a été sélectionnée reste peu claire étant donné les problèmes de l’illégalité et les risques de victimisation, et est le sujet de discussions ininterrompues. Etablir des structures syndicales indépendantes cachées de l’entreprise et de l’Etat, avec ses espions et ses méthodes de surveillance sophistiquées, n’est pas une tâche facile en Chine. L’internet a joué un rôle crucial tout au long de la grève en fournissant un forum anonyme aux travailleurs afin de discuter des tactiques au jour le jour.
Les discussions et même les controverses parmi les travailleurs de Honda se sont reflétées dans une interview donnée par un travailleur à l’agence Reuters (9 juinb 2010) :
« Nous devons toujours discuter de nombreuses conditions… Ils n’ont accepté qu’une petit nombre des revendications, y compris une très modeste hausse salariale qui est bien en-dessous de ce que nous avions demandé… Pour nous, nous faisons tout ceci simplement parce que nos salaires sont trop bas. Mais notre grève semble avoir causé un impact négatif sur la société et avoir causé des soucis aux cadres locaux. Nous ne voulons pas ceci… par conséquent, certains d’entre nous ont décidé de retourner au travail. »
Il ne fait aucun doute que, cherchant désespérément à mettre un terme à la grève avant l’anniversaire du 4 juin, les autorités « communistes » ont été impliquées afin d’obtenir cet accord à la va-vite en faisant pression sur Honda. On ne sait pas vraiment encore dire à présent quelles garanties ils ont données à Honda. Mais ce problème était particulièrement aigu étant donné le tollé en Chine contre une autre multinationale, Foxconn, où une douzaine de suicides se sont produits cette année dans ses deux usines géantes de Shenzhen. Foxconn est devenu synonyme de l’exploitation inhumaine de la main d’oeuvre chinoise dans ses usines massives qui ressemblent à des dictatures militaires en modèle réduit. Si le but du gouvernement à Honda est de prévenir une potentielle vague d’actions de grèves à la suite de Foshan, toutefois, cette stratégie a clairement échoué.
Ces derniers jours, deux autres usines affiliées à Honda dans le Guangdong ont été touchées par une action de grève. La composition de la main d’oeuvre – à majorité de jeunes migrants – de même que les tactiques et les revendications sont similaires à celles de la grève de Foshan initiale. Au moment où nous écrivons ces lignes, la grève de Foshan Fengfu Autoparts s’est terminée avec une modeste prime salariale, mais une troisième, à Honda Lock dans la ville de Zhongshan, est entrée dans sa troisième journée de grève avec environ 85% des 1400 travailleurs qui soutiennent la grève. Cette usine fournit les verrous et clés pour Honda.
Certains reportages donnent l’impression que le régime chinois a adopté une approche bienveillante par rapport à ces grèves – en particulier contre les capitalistes étrangers – en tant que partie prenante d’un grand stratagème visant à renforcer le pouvoir d’achat et à rééquilibrer l’économie, mettant un terme à sa dépendance actuelle aux exportations extérieures pour se tourner vers le marché interne. Mais ce point de vue est trompeur. La police et les agences de sécurité ont brutalement attaqué les travailleurs de Zhonshang et d’autres grévistes ces derniers jours, pas vraiment une preuve d’un soutien officiel ! Un gréviste migrant de Zhongshang a raconté au South China Morning Post que la police avait distribué des tracts menaçant de trois à cinq ans d’emprisonnement toute personne prenant part à la grève. De même, les travailleurs de Fengfu à Foshan se plaignent d’avoir été forcé à retourner au travail sur base d’une pression massive et de menaces. Cette entreprise, un partenariat entre Honda et une société taïwanaise, a dit aux travailleurs que leur action serait classifiée en tant qu’ « émeute » et que la police pourrait intervenir d’un moment à l’autre.
« Nous voulons être traités de la même manière que les travailleurs de Honda Autoparts », expliquait un travailleur de Honda Lock. Leurs revendications reprennent celles de la grève de Foshan : une hausse du salaire mensuel de base de 930 à 1600 yuan (100 à 180€), un double salaire pour toute heure supplémentaire, des blâmes pour les gardes qui battent les travailleurs, un syndicat « restructuré », et pas de victimisation pour les grévistes. A Zhongshang, de même que lors d’une autre grève chez l’entreprise taïwanaise KOK dans la province du Jiangsu, les médias officiels ont faussement rapporté que la grève était terminée. Ceci est en partie un reflet de leurs propres espoirs, en partie une tentative de semer la confusion dans une situation où les grèves doivent être dirigées de manière complètement clandestine. C’est cette même tactique qui a été utilisée contre les travailleurs de Honda à Foshan, et qui a échoué dans tous ces cas : afin de fournir une preuve que leur grève était toujours bien vivante en son troisième jour, les travailleurs de Honda Lock se sont rassemblé à l’entrée de l’usine et ont commencé à entonner : « Est-ce qu’on y retourne pour 200 ? Jamais ! 300 ? Jamais ! Pour 400 alors ? Jamais ! »
D’autres grèves dans le delta du Fleuve des Perles (province de Guangdong) incluent une action le dimanche 6 juin de la part de 300 travailleurs de chez Merry Electronics à Shenzhen, une entreprise taïwanaise de composants automobiles, qui ont bloqué les routes en guise de protestation contre les changements de pauses. Les patrons de Merry Electronics ont affirmé avoir décidé de rehausser les salaires de +10% pour le 1 juillet, « mais ils ne l’avaient pas encore annoncé au personnel ». Lundi 7 juin, 2000 travailleurs sont partis en grève chez Yacheng Electronics à Huizhou.
Mais les grèves ne se sont pas limitées au delta du Fleuve des Perles ; elles se sont répandues dans le delta du Fleuve Yangtze près de Shanghai, et jusqu’aux provinces de l’intérieur. Dans la province de Shaanxi, 900 travailleurs employés par Brother, un fabricant japonais de machines à coudre industrielles, ont organisé un arrêt de travail du 3 au 10 juin. Dans le district de Pudong à Shanghai, un sous-traitant de Foxconn, TP Displays, a été touché hier par « un arrêt quasi total » en réaction au plan de relocalisation de l’entreprise. Une grève « quasi unanime » de la part de plusieurs centaines de travailleurs du caoutchouc a éclaté vendredi 4 juin à KOK International à Kunshan, province de Jiangsu. Ces travailleurs se sont mis en lutte pour des hausses de salaire, le payement des heures supplémentaires et contre le non-payement par la compagnie de la sécurité sociale et de l’assurance santé. Près de 50 de ces travailleurs ont été blessés lors d’affrontements avec la police le week-end passé : « La police nous a tous battus sans distinction… Ils nous sont rentrés dedans et ont frappé tout le monde, hommes comme femmes », a rapporté une travailleuse. AU moins sept grévistes ont été arrêtés par la police. Mais les grèves en cours en ce moment ne se produisent pas que chez les multinationales. On a fait état d’une grève à l’usine de Qijiang Gear Transmission à Chonqching qui s’est déroulée en même temps que celle de Honda à Foshan.
Les hausses de salaire à deux chiffres qui sont en train d’être arrachées de la part des patrons à travers certains des conflits en cours semblent énormes, mais comme les analystes capitalistes l’ont eux-mêmes fait remarquer, il ne s’agit que de hausses de « rattrapage » – les salaires ouvriers ont été gelés depuis fin 2008 lorsque la crise capitaliste mondiale a frappé la Chine. Dans de nombreux cas, les niveaux de salaires réels ne se sont pas améliorés depuis le milieu des années 90, tandis que l’inflation des prix, et en particulier pour les produits de base tels que la nourriture, a fortement entamé les salaires et alimente le mécontentement des travailleurs. Les travailleurs chinois ont encore un long chemin à parcourir ne serait-ce que pour rattraper le niveau des travailleurs des autres pays soi-disant émergents. Les salaires dans l’industrie manufacturière en Chine ne valent que 5% des salaires ouvriers sud-coréens, et 17% des salaires ouvriers brésiliens.
La part du PIB qui est constituée des salaires n’a fait que diminuer depuis 22 ans, passant de 57% en 1983 à 37% en 2005. Ces statistiques illustrent bel et bien quelle classe est celle qui a payé pour les « réformes » capitalistes mises en place au cours de cette période. Au même moment, la productivité au travail – la quantité produite par chaque travailleur en Chine – a cru de plus de 9% par an lors des cinq dernières années, selon les estimations de la U.S. Conference Board (Wall Street Journal du 7 juin 2010). Pourtant, les syndicats officiels ont récemment rapporté que près d’un travailleur chinois sur quatre n’a reçu aucune augmentation salariale depuis cinq ans. En conséquence, le coût du travail ne représente qu’une minuscule fraction des bénéfices immenses engrangés par les entreprises multinationales opérant en Chine.
Dans le cas de Honda, par exemple, une hausse uniforme de +30% des salaires à l’usine ne réduirait les marges de profit de l’entreprise que 0,6%. Même si l’on se base sur les hausses de salaires obtenues par les travailleurs de Honda à Foshan, avec un salaire relevé à 1650 yuan (180€) par mois, il faudrait 7 ans et demi de travail (sans rien dépenser du tout !) à un de ces travailleurs pour acheter la moins chère Honda Civic fabriquée en Chine. Comme Marx l’a expliqué, la source du profit des capitalistes est la force de travail de la classe ouvrière, ce qui veut dire que les travailleurs ne peuvent pas se permettre de racheter ce qu’ils produisent, poussant par là le système de marché à des crises et à des troubles inévitables.
L’économie chinoise semble avoir bien récupéré, avec un PIB en hausse de +11,9% au premier trimestre par rapport à l’année précédente. Ceci a sans nul doute l’effet d’inciter les couches les plus exploitées des travailleurs chinois et une nouvelle génération relativement intrépide à revendiquer leur part de la reprise économique. Des pénuries de main d’oeuvre existent dans de nombreuses provinces côtières dont les économies sont dominées par des multinationales. Les données du gouvernement ont récemment montré une hausse brusque de +35% dans les postes à pourvoir publiés par les employeurs au premier trimestre de 2010, mais seulement une hausse de +8% dans le nombre de personnes postulantes.
Un important facteur derrière ce développement est la croissance basée sur la propriété foncière dans les provinces de l’intérieur des terres, également alimentée par de grands projets d’infrastructure financés par les gouvernements locaux, qui ont généré des nouveaux emplois dans l’industrie, dans la construction et dans les services, justement dans ces régions de Chine qui sont la source traditionnelle de travailleurs migrants. Beaucoup de personnes, en particulier les migrants plus âgés avec des enfants, préfèrent chercher un travail dans ou près de leur province natale, abandonnant des emplois mieux rémunérés dans les ateliers des provinces côtières. Il semble que la province du Guangdong souffre cette année d’un déficit de 2 millions de travailleurs migrants, et les autres provinces côtières sont confrontées à des pressions similaires.
Mais il y a d’autres facteurs économiques et sociaux derrière la hausse de combativité actuelle sur le lieu de travail, et surtout concernant la nouvelle jeune génération de travailleurs migrants. Ces travailleurs ne considèrent plus la ville comme étant un lieu d’habitation temporaire avant de rentrer à la campagne après avoir économisé assez d’argent que pour bâtir une maison et fonder une famille. Ces jeunes sont de plus en plus urbanisés dans leur vision du monde, et mis en colère par la discrimination et les mauvais traitements systématiques qui forment l’apanage du travailleur migrant. Les nombreux ingrédients présents aujourd’hui dans l’économie et dans la société chinoises (et non des moindres, le caractère de « bulle » extrêmement instable de la reprise actuelle) forment un cocktail explosif. Dans un sens négatif, ceci est démontré par le désespoir à Foxconn, et dans un sens positif, par le flambeau de la lutte qui semble avoir été passé des mains des jeunes grévistes de Honda à celles des travailleurs d’autres usines en Chine.
Afin d’éviter la propagation des grèves actuelles, le régim chinois pourrait tenter une nouvelle tournée d’augmentation des salaires minimums (établis au niveau provincial ou municipal, avec de grandes variations). Ceci pourrait être accompagné d’une propagande massive selon laquelle le gouvernement serait convaincu que les travailleurs méritent « leur juste part » du progrès économique, mais aussi de terribles menaces comme quoi le régime ne tolérera pas les « menaces faites à la stabilité ». A de nombreuses occasions auparavant, nous avons vu une telle combinaison « carotte et bâton » être employée par le parti au pouvoir afin de tuer dans l’oeuf les mouvements populaires. Mais même cette stratégie d’action comporte d’importants risques pour le régime chinois et pour le capitalisme mondial, qui dépend si fortement de la Chine, surtout si ces concessions sont perçues comme étant le résultat de la lutte ouvrière.
Chinaworker.info appelle à la formation de syndicats indépendants et au droit de grève au côté des autres droits démocratiques fondamentaux en Chine. Nous appelons à des hausses de salaires immédiates pour tous les travailleurs afin de compenser les longues années de stagnation et de hausses des prix. Nous exigeons un salaire national minimum de 3000 yuan (330€) pour tous. Nous appelons à la fin des heures supplémentaires obligatoires, et à un contrôle démocratique des travailleurs concernant la sécurité et la santé sur leur lieu de travail. Nous soutenons les luttes des travailleurs afin d’obtenir toute amélioration fût-elle modeste, tout en insistant sur le fait qu’une lutte de masse pour une alternative socialiste est nécessaire afin de garantir des emplois et des salaires décents, de même que le bien-être pour tous. Chinaworker.info et Socialist Action (CIO à Hong Kong) ont organisé et participé à diverses actions de protestation en solidarité avec les travailleurs de Honda en Chine de même que pour ceux de Foxconn.
-
[DOSSIER] La lutte pour des syndicats indépendants en Chine
Le régime annonce des « réformes » syndicales – vers une démocratisation des syndicats d’Etat?
La récente vague de grèves en Chine a revigoré les revendications des travailleurs en faveur de véritables syndicats et de représentants élus. Comment le régime et ses syndicats pantins vont-ils faire face à ce défi ? La démocratisation est-elle à l’ordre du jour ?
chinaworker.info
[box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]
Grève à Honda, au Zhongshan
[/box]Le 17 mai dernier, un travailleur de l’usine de transmission de Honda à Foshan (une Ville de la banlieue de Guangzhou de 6 millions d’habitants), âgé de 24 ans, a pressé le bouton « arrêt d’urgence », mettant de ce fait toute l’usine à l’arrêt. Cet acte intrépide, à l’origine d’une grève de deux semaines, aura été l’élément qui aura fait dévier l’immense locomotive du Travail chinois vers une nouvelle voie entièrement neuve. La grève de Foshan est devenue célèbre en tant que point de départ de la vague de grèves audacieuse de cet été. La plupart des travailleurs impliqués dans cette première grève, tout comme dans celles ont suivis, étaient âgés d’à peine 20 ans. Nombre d’entre eux étaient des internes (logés dans les entreprises), dont les conditions de travail sont plus précaires que celles des autres travailleurs. Par leur bravoure, leur détermination et leur aptitude à improviser des tactiques et des méthodes « sous le feu ennemi » (face aux tentatives de la direction de briser les grèves), cette nouvelle génération de travailleurs émigrés s’est imposée en tant que facteur décisif dans la Chine d’aujourd’hui.
Ces événements dramatiques ont forcé les politiciens et les économistes, partout dans le monde, à en prendre note. Le Wall Street Journal avertit que les grèves sont ‘‘un dilemme pour le Parti Communiste’’, dont les dirigeants sont ‘‘très inquiets quant à un scénario comme celui qui s’est déroulé en Pologne à la fin des années 80, lorsqu’un mouvement syndical indépendant a mené au renversement du gouvernement polonais…’’ (stalinien).
Bien que les grévistes aient remporté ce qui de prime abord semble être une forte hausse salariale, de +25, 30%, et dans certains cas +50%, ces hausses ne sont rien de plus que des ‘‘rattrapages’’. Pendant plus d’une décennie de croissance salariale non-existante ou léthargique, la productivité du travail en Chine s’est accrue de près de +10% par an, rapportant d’énormes bénéfices aux capitalistes, surtout en ce qui concerne les marchés étrangers. Ensuite, la plupart des gouvernements locaux ont imposé un gel des salaires lorsque la crise capitaliste mondiale a frappé en 2008. De nombreux analystes parlent d’employeurs qui ‘‘utilisent la crise comme une excuse’’ afin de maintenir les salaires à la baisse et d’augmenter l’exploitation (journées plus longues, heures supplémentaires non-payées, non-paiement de l’assurance-pension et autres allocations).
Partout dans le pays, les autorités locales ont été plus souples concernant la (non-)mise en application du Code du Travail. Un gérant d’une usine à Dongguan (une autre ville de la banlieue de Guangzhou – 6 millions d’habitants également) disait du gouvernement local qu’il ‘‘ne dit pas qu’il ne faut pas se soucier du Code du Travail, mais à présent c’est «un œil ouvert, l’autre fermé»’’. D’autres régions ont introduit des lois locales qui contredisent le Code du Travail. La loi est ‘‘entrée dans un état de paralysie dans certaines régions’’, selon les termes Qiao Jian de l’Institut Chinois sur les Relations au Travail.
Partout, l’environnement de travail est devenu plus dur à cause de la crise. People’s Daily Online (10 mars 2010) a rapporté que 14,4% des travailleurs ont subi un non-paiement de salaire en 2009 – en 2007 ils n’étaient que 4,1%. Ces statistiques et d’autres retraçant les salaires et le paiement des heures sup’ ont révélé un nouveau transfert de pouvoir et de richesse – sous couvert de la crise – du Travail vers le Capital. Cette pression à la baisse s’est heurtée aux coûts qui montent en flèche, surtout depuis que l’économie s’est rétablie. Le prix du riz a grimpé de +17% en un an, et les légumes frais coûtent +22% plus cher.
Le Premier Ministre Wen a récemment pris la parole devant des dirigeants japonais en visite au sujet des ‘‘salaires relativement bas’’ octroyés par les compagnies japonaises, qui sont la cause des grèves. Les salaires de nombreux sous-traitants chinois sont même encore plus bas. Les médias officiels veulent donner l’impression que le gouvernement soutient les hausses de salaire et même perçoit les grèves d’un bon œil, en tant que manière d’imposer de meilleures conditions aux capitalistes étrangers. Cela n’est qu’un conte de fées. Si c’était vrai, pourquoi les grèves ont-elles dû subir la répression, la brutalité policière, et un boycott des médias afin de limiter la propagation du mouvement ?
Malgré des rapports comme quoi les salaires minimum se sont accrus de +12% en moyenne cette année, le salaire minimum est toujours de tout juste 770 RMB (87€) à Dongguan, et de 960 RMB (108€) à Beijing (une hausse par rapport à 800 RMB en juin 2010). C’est à Shanghai qu’on trouve le plus haut salaire minimum du pays, à 1120 RMB (127€). Avec les pressions du capitalisme mondialisé et sa course vers le bas, les autorités chinoises sont forcées de jouer les équilibristes, entre l’explosion de colère des ouvriers d’une part, et de l’autre la possibilité pour les capitalistes de transférer ailleurs la production, les investissements et les emplois.
Les grèves de 2010 représentent par conséquent, dans une certaine mesure, la revanche des plus jeunes travailleurs après les privations des dernières années. Une confluence de plusieurs facteurs leur a suggéré que l’heure était venue de se battre.
D’abord, il y a eu la reprise de la conjoncture économique et une croissance plus forte dans les régions continentales, ce qui a ouvert un marché de l’emploi alternatif par rapport aux régions côtières, ce qui a ensuite conduit à un manque de main d’œuvre dans certaines parties du Guangdong (1) et d’autres zones exportatrices. En plus de cela, il y a eu beaucoup d’investissements, surtout dans l’automobile. Honda, qui a été touché par au moins dix grèves en Chine, a annoncé des plans pour étendre d’un tiers sa capacité de production en Chine au cours des deux prochaines années. Malgré la hausse des coûts salariaux, la compagnie s’attend à profiter du plus grand et du plus dynamique marché automobile au monde. Un autre facteur crucial derrière les grèves est la nouvelle perception du monde de la nouvelle génération de travailleurs émigrés. Une majorité d’entre eux se considèrent maintenant non plus comme ‘‘paysans’’ ni même comme ‘‘ouvriers-paysans’’, mais comme ‘‘ouvriers’’.
‘‘C’est une nouvelle race. Leur expérience différente fait en sorte qu’ils ont des perspectives différentes… C’est cette société qui a modelé leur mode de pensée, elle leur a coupé le chemin du retour à la maison, et les a laissé sans aucune issue.’’ – Voilà la vision d’un étudiant de Beijing qui travaillait à l’usine de Dongguan l’été dernier (Pensées au Hasard sur la Vie à l’Usine, China Labour Bulletin).
Appel à des ‘‘syndicats réorganisés
Même avant la récente vague de grèves, les statistiques montrent une rehausse de protestations ouvrières. En décembre de l’an dernier, le magazine Liaowang de la Xinhua News Agency, une agence de presse gouvernementale, a rapporté que ‘‘selon la Cour Populaire Suprême, les cours civiles ont accepté 280 000 cas de disputes au travail en 200, 93,93% de plus que l’année précédente. Dans la première moitié de 2009, 170 000 cas ont été accepté, soit 30% de plus’’.
Mais ce qui est encore plus alarmant pour le régime chinois et pour la ‘stabilité’ qu’il chérit par-dessus tout : ‘‘Les incidents de masse provenant de disputes au travail se sont considérablement accrus et ont pris une forme plus violente, augmentant la conscience du public quant à ces enjeux. De nombreux experts et académiciens qui ont été interviewés pour cet article ont confirmé ce point, et ont ajouté que les disputes au travail étaient maintenant devenues une source de conflits majeure dans la société chinoise’’ (Liaowang).
En même temps, le régime est prudent quant à l’usage de la répression. Non seulement les grèves bénéficient d’un soutien considérable parmi els autres travailleurs et les couches moyennes, mais le régime lui-même n’est pas certain que la répression fonctionnera, et craint de déclencher une explosion sociale encore plus large.
La caractéristique la plus importante des luttes de 2010 a été les appels répétés par les grévistes, de Dalian (ville de la province de Liaoning, important port à la frontière Nord-Coréenne, 2 millions d’habitants) à Tianjin (grande métropole adjacente à Pékin, qui lui sert de port maritime, 12 millions d’habitants) en passant par Guangzhou (Capitale de la province du Guangdong (Canton), très importante région industrielle du sud de la Chine – 13 millions d’habitants ) pour des syndicats ‘‘réorganisés’’ et pour une représentation ‘‘de la base’’.
Au cours de la grève à l’usine Honda de Foshan, cette revendication a été posée de la manière la plus vive lorsque 200 nervis, payés par la section locale du syndicat officiel, ont tenté de briser la grève manu militari. Lorsque cette tactique s’est avérée avoir l’effet inverse – plutôt que d’affaiblir la grève, elle a suscité une combativité encore plus grande parmi les jeunes ouvriers – les représentants du syndicat officiel ont été sacrifiés par leur supérieurs bureaucrates et par les patrons de Honda. Quelques jours plus tard, un message d’excuses a été publié par le syndicat : c’était là une des principales conditions posées par les travailleurs pour mettre un terme à la grève.
Ces grèves, et la proéminence de la question syndicale en leur sein, marque un tournant. Ceci du fait du degré d’organisation, de la sympathie générée dans la société en général et par-dessus tout de la conscience quant à la question syndicale. Comme l’a fait remarquer un analyste dans le China Daily : ‘‘La Fédération Pan-Chinoise des Syndicats (FPCS) a réalisé que la grève à Honda est une forme nouvelle d’action ouvrière, très certainement parce qu’elle va au cœur du problème – quel est le rôle légitime du syndicat. Son impact est potentiellement énorme’’ (souligné par le magazine Socialist).
Il y a eu d’autres luttes de masse dans lesquelles la revendication pour des syndicats indépendants a fait surface. Les mouvements dans le Liaonin (2) et dans le Heilongjiang (3) en 2002 en ressortent comme un important exemple. Mais aussi dans d’autres grèves, telle que l’arrêt de travail des ouvriers d’Uniden à Shenzhen (ville de la province de Guangdong, entre Guangzhou et Hong Kong, 9 millions d’habitants) en 2005, le rejet de la FPCS et la revendication d’une vraie représentation ouvrière a été un véritable moteur. Dans le mouvement de 2002, principalement basé sur des xia’gang (travailleurs d’entreprises étatiques qui ont été licenciés), les autorités ont répondu avec quelques concessions symboliques, mais aussi avec une répression totale. Les dirigeants du mouvement ont été arrêtés et emprisonnés. A Uniden, les directeurs de la société et les dirigeants locaux ont coordonné leur réponse afin de noyer la revendication d’un syndicat indépendant en offrant des concessions plutôt généreuses. Cette fois-ci, cependant, à cause de l’étendue des grèves, du haut degré de conscience et d’opposition vis-à-vis du syndicat officiel, et de la position centrale de cette revendication, il ne sera pas si facile pour le gouvernement de s’en dépêtrer. Le génie syndical a été libéré de sa lampe !
Qu’est-ce que la FPCS ?
La FPCS prétend être la plus grande organisation syndicale au monde, avec ses soi-disant 226 millions de ‘‘membres’’. Mais il s’agit d’un syndicat ‘‘jaune’’ (c.à.d, acquis à la cause patronale), qui par-dessus le marché fait partie intégrante de l’Etat chinois. Le président de la FPCS, Wang Zhaoguo, est un membre haut placé de la hiérarchie du PCC (Parti Communiste Chinois), et est un des vice-présidents du Congrès National Populaire. En tant que syndicat, la FPCS possède un historique plutôt unique :
- Elle n’a jamais mené ni soutenu des grèves, et ne s’est jamais battue pour des augmentations de salaire. Depuis 1982, où toutes les grèves ont été interdites, le syndicat condamne ce genre d’action « illégale ».
- Elle n’a jamais protesté contre les arrestations de militants ouvriers ou de meneurs de grève
- Elle recrute ses membres en cooptant les entreprises privées et leur direction dans la structure du syndicat. Pour la plupart des travailleurs, le syndicat n’a aucune présence réelle, la seule preuve de son existence est constituée des déductions de leur « cotisation de membres » de leurs salaires.
La transition vers le capitalisme ‘‘a conduit à une marginalistion tragique de la FPCS’’ dans les années ‘90, selon l’IHLO, une organistion de Hong Kong qui soutient les syndicats démocratiques et indépendants. La base traditionnelle de la FPCS se trouvait dans le secteur étatique en constante diminution alors qu’aujourd’hui, environ 80% des entreprises sont soit privées, soit appartenant à des capitaux étrangers. Craignant un vide de pouvoir dans les usines privées susceptible de causer des dégâts, Pékin a poussé la FPCS dans ce secteur avec pour instruction d’établir des sections et de saboter toute tentative d’auto-organisation de la part des travailleurs.
Là où la FPCS existe – et ceci englobe la plupart des entreprises privées actuelles – elle a ressuscité en tant que ‘‘partenariat’’ entre la direction et le gouvernement local, avec pour objectif de contrôler la main d’œuvre et d’empêcher les protestations et tout mouvement indépendant.
‘‘Dans les entreprises étrangères de la région du delta du Fleuve des Perles – province de Guangdong -, les représentants syndicaux (du moins, là où ils existent) sont désignés par les gouvernements locaux, dont l’intérêt majeur est d’attirer les investissements étrangers. Historiquement, ces gouvernements sont constitués des anciennes brigades ou communes de production, qui maintenant louent la terre aux entreprises et désignent quelques personnes locales ignorantes sur le plan syndical afin de diriger les centrales syndicales. Même certains hauts-gradés syndicaux en parlent en tant que ‘‘faux syndicats’’» (Anita Chan, dans le China Daily du 18 juin 2010)
La FPCS étatique est-elle sur le point de changer ?
A la question de savoir s’il faut s’attendre à du changement, la réponse est à la fois oui et non. Il est clair que la FPCS, en tant que structure étatique, doit modifier ses méthodes face à ces grèves. Si elle refuse catégoriquement les revendications des travailleurs en faveur de syndicats de la base, elle risque de perdre le contrôle de ce processus. Reflétant son approche par rapport au contrôle des médias en notre ère d’internet, le gouvernement va tout d’abord tenter de vendre sa propre version, promue à coups de restrictions et de menaces implicites, plutôt que de laisser se créer un vide dans lequel d’autres forces puissent s’avancer.
Les propositions qui ont jusqu’ici été révélées sont essentiellement cosmétiques, plutôt que de posséder une quelconque substance réelle. Comme toujours, on a droit à de vagues indications quant à un changement à venir, accompagnées de l’adjectif ‘graduellement’. Une chose est sûre : la nature fondamentale de l’Etat de parti unique et de son faux syndicat reste la même. Il est simpliste et naïf de dire, comme l’ont fait certains analystes sur la chaîne d’actualité CNN, que ‘‘la FPCS est maintenant confrontée à un choix : devenir un véritable syndicat ouvrier, ou rester marginalisée’’. Une telle perspective, selon laquelle la FPCS pourrait devenir une authentique organisation ouvrière, est complètement exclue.
Le gouvernement comprend les implications d’un appel à des ‘syndicats réorganisés’, au cas où cette tendance devait poursuivre son élan à travers l’industrie. Un mouvement syndical indépendant, basé sur le prolétariat le plus nombreux au monde, dans sa plus grande base d’exportation, deviendrait une superpuissance économique et politique. Une dictature autoritaire peut faire beaucoup de choses, mais une chose qu’elle ne peut pas faire, c’est partager le pouvoir avec une puissance indépendante rivale. Les initiatives en vue d’une ‘réforme’ annoncée par la FPCS ces derniers mois doivent être comprises dans cette lumière – en tant que manœuvre défensive afin de saboter le mouvement en faveur de véritables syndicats.
La principale fondation de cette ‘nouvelle’ politique est composée de déclarations superficielles et encore floues en vue d’élections sur le lieu de travail. L’objectif est de fournir une soupape de sécurité pour le mécontentement des travailleurs, un mécanisme afin de relâcher la pression, sans pour autant fournir aux travailleurs un réel outil de lutte. Un certain espace va être octroyé pour des élections sur le lieu de travail. Mais le régime voudra garder cela endéans des limites strictes, afin de barricader chaque entreprise en tant qu’entité hermétiquement scellée, et d’empêcher l’émergence de véritables structures de la base. Selon le plan de la FPCS, les travailleurs pourraient recevoir le droit d’élire des délégués d’usine, mais ceux-ci seront placés sous la ‘supervision’ de la hiérarchie syndicale au niveau du district ou de la ville, c.à.d. du gouvernement !
Certains militants et experts des droits au travail applaudissent ce nouveau tour de passe-passe. Han Dongfang, Directeur du China Labour Bulletin de Hong Kong, a décrit la réponse du gouvernement comme étant ‘‘positive’’, affirmant que les nouvelles propositions ‘‘pourraient se révéler être d’une portée historique’’. The Socialist avertit que ce n’est absolument pas ce que la FPCS et le gouvernement ont en tête.
Le fait qu’ils puissent être forcés à faire bien plus de concessions que ce qu’ils ne l’auraient souhaité est une toute autre affaire. Mais cela dépend du niveau de lutte de masse dans la période à venir, et non pas de pseudo ‘réformes’ ou ‘réformateurs’ dont l’influence au sein du gouvernement est négligeable. Le facteur positif dans cette situation est que le gouvernement se sent forcé de battre en retraite – bien qu’une petite retraite. Ceci veut dire qu’il y a plus à gagner, que la lutte de masse est capable d’arracher des concessions encore plus grandes, qui vont encore plus loin !
Personne ne devrait se sentir exagérément impressionné de l’offre d’organiser des élections syndicales locales, de la manière dont elles seront réalisées dans le cadre de la machine à contrôler de la FPCS. Comme le dit le dicton, ‘‘le diable est dans le détail !’’ Selon Liu Jichen du département juridique de la FPCS, les élections proposeront des candidats ‘‘validés par le syndicat’’. Il ajoute que ‘‘Même avec les élections directes [du délégué principal], aucun autre mode d’organisation n’est permis que le système syndical unifié actuel, dans lequel les syndicats de la base sont dirigés par leurs autorités supérieures ». (South China Morning Post du 23 août 2010)
Il est clair que le système d’élections envisagé par Liu et ses amis bureaucrates incorporera sans nul doute des ‘sonnettes d’alarme’ tels que le droit pour les comités supérieurs de la FPCS d’approuver ou de rejeter les candidats au niveau de l’entreprise. Le rôle de ces ‘sonnettes d’alarme’ – de même que celui des odieuses ‘circonscriptions fonctionnelles’ de la ‘démocratie’ hongkongaise – est de garantir le contrôle ultime de la dictature du parti unique et de s’assurer que les travailleurs et les revendications de la base soient filtrées et rejetées en-dehors du système.
La force réside dans l’organisation clandestine des travailleurs
Le régime chinois a une expérience considérable quant à l’organisation d’élections à petite échelle – dans des dizaines de milliers de villages – et celle-ci ne présage pas grand’chose de bon. Non seulement ces élections sont organisées de telle sorte qu’elles excluent toute véritable militance ou organisation de la base, mais elles sont de plus en plus devenues un champ de bataille pour les intérêts éhontés de tel ou tel homme d’affaires ou pour diverses luttes de pouvoirs entre clans.
Si les entreprises perdent le pouvoir de désigner les représentants syndicaux qu’elles possèdent aujourd’hui, elles vont exercer leur pression sur les structures syndicales par une approche plus indirecte, fréquentant les échelons supérieurs de la FPCS de manière plus assidue, et intervenant dans les ‘expériences démocratiques’ à l’échelle de l’usine soutenant leurs propres agents contre les véritables délégués syndicaux. Ceci peut bien entendu être accompli par toutes sortes de moyens, du pot-de-vin aux menaces en passant par la propagande. Ce sont là les leçons à tirer de l’expérience des élections villageoises. C’est donc avec le plus grand scepticisme que les travailleurs de Chine devraient par conséquent traiter les dernières gesticulations officielles autour de la « réforme » syndicale. Ceci ne veut pas dire qu’il faille rejeter ce développement en bloc. Tout symptôme d’une crise au sein de l’appareil dirigeant doit être exploité. Les travailleurs devraient tout naturellement défendre le droit d’élire leurs propres représentants ‘en accord avec la loi’, et tenter d’utiliser ce processus afin de mettre en avant leurs revendications. Mais pour que ceci puisse fonctionner, il est nécessaire de s’organiser de manière informelle et séparée des institutions gouvernementales. Malgré son ‘lifting’ en cours, la FPCS reste pour les travailleurs une organisation hostile et antidémocratique, capable uniquement de saboter la lutte de classe et de limiter la vision des travailleurs à un seul lieu de travail, sans aucune possibilité de forger des liens entre usines et entre villes.
Afin de construire des organisations plus fortes, il est nécessaire d’exploiter même les plus restreints des canaux légaux. Mais à moins que des structures inofficielles, des comités d’usine ou autres organes locaux directement élus et redevables ne soient bâtis derrière l’écran des structures officielles, les travailleurs ne disposeront pas d’un instrument qu’ils puissent eux-mêmes contrôler. L’exemple des travailleurs de Honda à Foshan est encore une fois une grande leçon. Au cours des négociations, leurs représentants ont juré de ne jamais signer un accord sans qu’il ait été soumis au vote de l’assemblée des travailleurs, et ils ont exigé de la direction qu’elle accorde au personnel des temps de pause afin de pouvoir participer à ces assemblées. Le régime de Pékin va tout faire pour résister, et sa capacité à manœuvrer et à attendre est légendaire. Mais la formation de syndicats de la base indépendants n’est maintenant plus qu’une question de temps. C’est là tout le sens à donner à la récente vague de grèves.
(1) Province de Canton (Guangzhou), très importante zone industrielle du sud de la Chine, qui inclut entre autres les villes de Guangzhou, de Foshan et de Dongguan ; 100 millions d’habitants dont 31 millions de travailleurs émigrés (en 2005), même taille que la France
(2) Nord-Est de la Chine, entre la province de Hebei (Pékin) et la Corée du Nord, capitale Shenyang – 43 millions d’habitants pour 5 fois la taille de la Belgique
(3) Nord-Est de la Chine, à la frontière avec la Russie (fleuve Amour), dont la capitale est Harbin – 38 millions d’habitants pour 2,5 fois la taille de la France
-
Chine : Des milliers d’étudiants à Nankin affrontent la police
Les autorités sont angoissées à l’approche du vingtième anniversaire du massacre de Tiananmen
Des milliers d’étudiants ont affronté la police dans la ville chinoise méridionale de Nankin (1), après que les agents de l’administration de la ville aient battu des vendeurs de rue. L’incident s’est produit lundi 18 mai au soir, en période de grande alerte pour les autorités «communistes» au fur et à mesure que se rapproche l’échéance du 4 juin, qui marquera le vingtième anniversaire du massacre de Tiananmen du 4 juin 1989.
Article de chinaworker.info
Cinq étudiants, y compris une fille de l’Université d’aéronautique et d’astronautique de Nankin, ont été battus par la sécurité de la ville, qui désiraient nettoyer la place devant l’université. Ceci a mené à une manifestation et des barrages forts de plusieurs milliers d’étudiants de cette université. Un affrontement sanglant s’est ensuite produit entre la police anti-émeute et des milliers d’étudiants, affrontement qui s’est poursuivi jusque dans la nuit de lundi à mardi à 1h du matin. Trente étudiants ont été blessés, et une voiture de police a été détruite par les manifestants. L’incident a été confirmé auprès du Centre des Droits de l’Homme de Hong Kong et par le commissariat de la Zone de Développement de Nankin de même que par le bureau de sécurité de l’université.
Police aggressive
L’incident entier semble avoir été provoqué par des tactiques agressives de la part des autorités de la ville et de la police. Les photos publiées sur internet et dans le South China Morning Post (de Hong Kong) montrent des manifestants étudiants brandissant des pancartes en anglais et en chinois, avec le slogan «Non-violence et non-coopération», inspiré par le mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis mené par Martin Luther King.
Soulignant à quel point les manifestations étudiantes sont sensibles dans cette période de pré-4 juin, les dirigeants du gouvernement provincial sont arrivés à l’université, afin de s’assurer que le mouvement de protestation soit bien tué dans l’oeuf. Les étudiants disent que tous les professeurs ont été mobilisés pour leur donner des travaux et éviter une nouvelle manifestation. Près d’une centaine de policiers anti-émeute se tenaient à l’entrée de l’université. C’était là le deuxième incident de troubles estudiantins en Chine en moins de dix jours. Le 7 mai, des centaines d’étudiants de l’Université de Zhejiang ont organisé une manifestation sur les routes menant à Hangzhou, à la suite du meurtre d’un étudiant par un chauffard. Cet accident a attiré un énorme intérêt sur internet.
Alors que le déclenchement de ces troubles n’apparaît pas comme étant à première vue politique, ces deux exemples illustrent à quel point la situation est tendue sur les campus à travers toute la Chine, alors que le coût des études monte en flèche, constituant un fardeau pour de nombreuses familles sous la forme d’années d’endettement. Les perspectives d’emploi pour les diplômés s’évaporent également, en conséquence de la grave crise économique.
Tiananmen -1989, les sept semaines qui ébranlèrent le monde
Un nouveau livre de chinaworker.info
Ce livre (en anglais) de 96 pages republie le témoignage de Stephen Jolly, qui était présent lors des gigantesques manifestations estudiantines d’avril-juin 1989 contre l’autocratie et la corruption, et complété par de nouveaux articles de Vincent Kolo et de Chen Mo. Ce livre peut être commandé sur le site chinaworker.info (et sera sans doute disponible auprès de nos membres en Belgique à partir de cet été).
(1) Nankin, 6 million d’habitants, non loin de Shangai, ancienne capitale de Chine et toujours aujourd’hui considérée comme capitale officielle du gouvernement en exil de la République de Chine (Taïwan)
-
Hong Kong: 19 ans après Tiananmen
Rassemblement de 48.000 personnes pour commémorer massacre de Pékin du 4 juin 1989
Dans le contexte du tremblement de terre du Sichuan s’est déroulée la commémoration du 19ème anniversaire du massacre de Tiananmen. Il y a eu à cette occasion un grand intérêt pour l’intervention du Comité pour une Internationale Ouvrière et pour le journal China Worker.
Par nos correspondants de chinaworker.info à Hong Kong, article publié le 6 juin
Près de 50.000 habitants de Hong-Kong se sont réunis en mémoire de la répression brutale de 1989 à Pékin. Mais il ne s’agissait pas simplement de commémorer l’évènement et des revendications comme la fin du régime du parti unique en Chine et à Hong Kong ainsi que l’obtention de droits démocratiques étaient également portées par les participants. De nombreux jeunes ont pris part à la manifestation, avec des vétérans de ces évènements. Beaucoup de jeunes n’étaient d’ailleurs manifestement pas encore nés en 1989, quand la jeunesse et les travailleurs de Pékin ont retenu l’attention du monde entier.
Durant la nuit du 3 au 4 juin 1989, les dirigeants chinois, sous l’autorité du maître des "réformes" capitalistes Deng Xiaoping, ont envoyé les tanks de l’Armée Populaire de Libération écraser les protestations des jeunes et des travailleurs de la capitale. Les principales exigences du mouvement de 1989 concernaient l’instauration de plus grandes libertés démocratiques et la fin de la corruption gouvernementale. Le régime avait pris la décision de réprimer brutalement les protestations après que les rassemblements de masse de la Place Tiananmen à Pékin se soient étendus à 130 villes chinoises et que les travailleurs aient commencé à rejoindre les protestations en construisant les premiers syndicats indépendants et en mettant en avant leurs propres revendications au sein du mouvement. Aucune évaluation précise du nombre de morts n’a jamais été donnée, mais les victimes tuées ont certainement été plusieurs centaines. Quelques sources parlent même de 3.000 décès.
L’écrasement de ce mouvement, qui a coïncidé avec l’effondrement des régimes staliniens à parti unique en Russie et en Europe de l’Est, constitue un point crucial de l’histoire de la Chine. Cela a accéléré le développement de la politique capitaliste néolibérale en Chine, où toute mention de ces événements est aujourd’hui strictement interdite. Une génération de jeunes a grandi dans l’ignorance complète de ce mouvement. Les sites Internet sont contrôlés par 100.000 censeurs qui travaillent à plein temps pour le régime avec l’aide d’équipement spécialement développé pour cet usage par des compagnies américaines de haute technologie comme Cisco et Microsoft, afin d’empêcher toute mention du 4 juin. Cependant, des dizaines de messages cryptés ont été publiés – certains se référant à "notre 19e anniversaire" – mais rapidement enlevés par les autorités.
Le tremblement de terre du Sichuan
Cette année, l’atmosphère autour de la commémoration a été largement influencée par le tremblement de terre de Wenchuan, qui a entraîné jusqu’ici 70.000 décès confirmés et a laissé plus de cinq millions de personnes sans-abri. Les habitants de Hong Kong, comme du reste de la Chine et de beaucoup d’autres pays à travers le monde, ont généreusement contribué aux fonds d’aide. Plus de 43 milliards de yuan ont jusqu’ici été rassemblés en Chine et dans le monde entier. Mais cette atmosphère de solidarité avec les millions de victimes du tremblement de terre coïncide également en Chine avec un raz-de-marée nationaliste à la suite de la révolte de mars au Tibet (dont certaines régions sont dans la zone immédiate du tremblement de terre) ainsi que des polémiques qui entourent les Jeux Olympiques. Le Parti soi-disant "Communiste" au pouvoir a sauté sur l’occasion pour renforcer sa propre position et pour lancer un appel à l’unité nationale sous sa direction. On a pu voir un processus assez similaire dans les pays qui ont été touchés par le tsunami il y a trois ans. En Thaïlande par exemple, Thaksin Shinawatra a été réélu en 2005 avec une majorité écrasante, sous la forte influence de la manipulation réussie par laquelle le gouvernement en place a pu être présenté comme un bon gestionnaire de crise après le tsunami.
En Chine, la vague actuelle d’unité nationale a surtout affecté les couches moyennes de la société chinoise, c.-à-d. ceux qui retirent la plupart des bénéfices de la politique pro-riches du gouvernement. Beaucoup parmi ceux qui se qualifient aujourd’hui eux-mêmes de "démocrates" en Chine et à Hong Kong affirment que le régime chinois "se dirige dans la bonne direction" – même s’il est difficile de trouver n’importe quel soutien effectif venant illustrer cette idée – et déclarent donc que la critique du régime est "décisive". Un commentaire typique à propos du 19e anniversaire de Tienanmen a été publié dans un éditorial du principal quotidien de langue anglaise de Hong Kong, le journal "démocratique" bourgeois South China Morning Post, sous le titre "Il est temps de guérir les blessures de la répression du 4 juin:
"Cependant, il est indéniable que Pékin a gagné depuis une légitimité politique – sérieusement érodée après la répression – pour les réformes économiques qu’il a accompli et pour l’amélioration consécutive du niveau de vie des gens ordinaires… On se rappellera toujours des événements du 4 juin 1989. Mais si nous envisageons l’avenir, il est à espérer qu’ils ne continueront pas à être une source de douleur et de division."
Ce que ce journal et d’autres partisans du capitalisme disent, c’est que tant que les dictateurs "communistes" de Chine continuent d’offrir des profits gigantesques aux capitalistes, ils ne devraient pas être trop fortement critiqués pour le recours à des méthodes dictatoriales. Le président nouvellement élu de Taiwan, Ma Ying-Jeou, a porté la démonstration d’amitié envers le régime de Pékin à de nouveaux niveaux quand il a dit, en référence aux événements de 1989, que le régime chinois devrait "continuer à favoriser la liberté et la démocratie". Le Koumintang, parti de Ma Ying-Jeou (les dirigeants de la Chine avant 1949) a ensuite repris ses négociations ouvertes avec Pékin, négociations par lesquelles il espère renforcer les liens économiques et obtenir une aide non négligeable pour les capitalistes taïwanais.
"Partout, les gouvernements utilisent le tremblement de terre pour faire des excuses et offrir des dédommagements au régime chinois avant les Jeux Olympiques" a expliqué à chinaworker.info l’élu socialiste Leung-“Cheveux longs”-Kwok-hung (il a expliqué qu’il ne couperait ses cheveux que lorsque Pékin aura présenté ses excuses pour le massacre du 4 juin, NDT). "Ils ont besoin de réserves de dollars et du marché de la Chine en raison de la crise dans les banques et l’économie des USA, ils ne peuvent donc pas se permettre de déranger le régime".
« Non au régime du parti unique ! »
Pourtant, en dépit des événements de ces derniers mois, il n’y avait aucune humeur tendant vers le pardon et l’oubli lors de la commémoration de Hong Kong – loin de là. La signification de la manifestation de Hong Kong est que c’est la seule ville en Chine, en raison de son statut juridique spécial qui provient de son histoire coloniale, où de telles démonstrations publiques sont possibles. Les revendications portant sur la fin du règne du parti unique, entendues à de nombreuses reprises à la manifestation, seraient impensables n’importe où ailleurs en Chine. Un récent sondage d’opinion a montré un petit décalage dans l’attitude de la population de Hong Kong par rapport à il y a une année. Le nombre de personnes exigeant de revenir sur la version officielle du mouvement de Tiananmen, qualifié de "criminel" et de "contre-révolutionnaire", est tombé cette année à 49%, contre 55% il y a par an. Mais, toujours selon ce sondage effectué par l’université de Hong Kong, 58% des personnes sondées pensent que le régime de Pékin "a mal agi" le 4 juin.
Certains ont craint que le rassemblement de cette année ne soit affecté par ces facteurs, et particulièrement par la tragédie du tremblement de terre qui domine l’attention des gens. Les organisateurs du rassemblement ont lié les deux thèmes, en transformant la commémoration en nuit de souvenir pour les victimes des deux événements.
L’excellente mobilisation a été extrêmement significative dans ce contexte. Elle illustre à quel point le 4 juin est présent dans les esprits. Les aspirations pour des droits démocratiques et pour la fin de la dictature n’ont pas été atteintes par les catastrophes naturelles ou par le nationalisme pro-régime qui accompagne le projet olympique, qui coûte des milliards de dollars. L’anniversaire de l’année prochaine, symbolique puisqu’il s’agira du 20e, sera une journée de crainte pour le régime chinois.
Lutte pour la démocratie – contre le capitalisme
De plus en plus, même de la zone de tremblement de terre en Chine, des voix critiques s’élèvent au sujet de la corruption des officiels et de la manipulation de la crise par le gouvernement. Les protestations des parents qui ont perdu leurs enfants dans plus de 2.000 écoles effondrées deviennent un sujet particulièrement explosif. Des protestations se sont produites ces derniers jours à ce sujet et le régime – félicité par la presse capitaliste pour son "ouverture" – vient juste de publier des ordres pour interdire tous les rassemblements près des bâtiments scolaires détruits. De nouvelles restrictions pour la presse ont également été imposées et le régime craint que "l’ouverture" ne soit allée trop loin. C’est une chose d’avoir des journaux étrangers et chinois qui montrent des photos des ruines et de la visite de Wen Jiabao; mais c’en est une autre de voir des photos de parents éperdus tenant des photographies de leurs enfants morts ou qui sont traînés per les soldats hors des bureaux du gouvernement local lors d’une protestation. C’est tout autre chose en fait ! Ces voix critiques vont se multiplier dans les prochaines semaines, au fur et à mesure que l’énorme tâche de la reconstruction se précisera. On estime que la reconstruction des maisons effondrées et de l’infrastructure dans la province du Sichuan prendront huit ans. Sans injection de fonds du gouvernement central dans des proportions "Olympiques" – sujet sur lequel règne le silence – des défauts de construction et les retards pour reloger les sans-abris seront inévitables.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI) et chinaworker.info ont eu une intervention réussie dans la manifestation du 4 juin. C’était la plus grande manifestation de l’Est asiatique à laquelle le CIO a participé. Notre matériel abordait les luttes des travailleurs, la répression d’Etat de Tiananmen au Tibet et la nécessité de syndicats démocratiques et indépendants. En mettant en avant dans nos publications que la lutte pour les droits démocratiques aujourd’hui est aussi une lutte contre le capitalisme en Chine et internationalement, nous avons pu jouer un rôle unique dans cette commémoration du 4 juin.
Pour en savoir plus