Your cart is currently empty!
Tag: Serge Ayoub
-
Le phénomène Dieudonné
La France, et par ricochet tout une partie du paysage audiovisuel francophone, a vu augmenter une polémique autour de Dieudonné. Cet humoriste passé par la politique, est devenu un commentateur particulier et fortement controversé de la vie politique française. Le phénomène Dieudonné ne laisse personne indifférent : spectacles interdits, multiples procès intentés contre lui pour ses propos tenus lors de sketchs qui n’en sont plus vraiment,… Dieudonné a été même quasi propulsé au rang ”d’ennemi public numéro 1” par Manuel Valls, le ministre Français de l’intérieur.
Par Alain (Namur)
Dieudonné polarise les opinions. Cela force tout le monde à se positionner pour ou contre lui. De Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière en passant par Bernard Henry lévy, François Pirette, Nicolas Anelka et Tony Parker. Au-delà de ces personnalités, il y a une couche de jeunes principalement issus de l’immigration, habitants des quartiers populaires ou non, et aussi une couche de travailleurs qui apprécient sa posture ”anti-système”. Mais, au-delà de la posture, que signifie réellement le phénomène Dieudonné?
Un phénomène qui n’est pas nouveau
Ce n’est pas la première fois qu’un artiste polarise autant l’opinion ou défraie la chronique dans l’histoire de France. Les artistes ne sont pas isolés du reste de la société, ils ont grandi et ont été éduqués dans celle-ci. De plus, ils ont un rôle particulier dans la division du travail qu’a établi le capitalisme. Afin d’assurer leur besoins, ils doivent s’assurer que leur art trouve un public qui a les moyens de se le procurer. D’une manière ou d’une autre, l’artiste reflète une image de ce qu’est la société dans ses rapports de classes.
Un des plus grands écrivains de langue française du 20ème siècle fut aussi sujet à controverse. Louis Ferdinand Céline fut à son époque aussi un des sujets de polémique du paysage intellectuel français de l’époque. Malraux a écrit de lui : ”si c’est sans doute un pauvre type, c’est certainement un grand écrivain.”
Toute proportion gardée, le parallèle est en effet intéressant avec Dieudonné. Céline fut l’auteur du désormais célèbre et magnifique ”Voyage au bout de la nuit”. Ce livre a été célébré par toute la critique. Le style de Céline a plusieurs particularités, mais une des principales d’entre elles est d’utiliser le langage populaire au contraire de ses contemporains qui écrivaient dans un français académique. Le point de controverse sur Céline porte sur le fait qu’il était connu pour être un antisémite notoire ainsi qu’un misanthrope.
Son attitude lors de l’occupation allemande a été sujette à caution et il a été accusé de collaborationnisme. Il a aussi mis en œuvre son immense talent pour écrire les ordures antisémites que sont ”Bagatelles pour un massacre” en 1937 et ”L’école des cadavres” en 1938. Il se décrivait lui-même comme ”l’ennemi numéro 1 des juifs”. Léon Trotsky disait de lui en 1933 : ”Louis-Ferdinand Céline est entré dans la grande littérature comme d’autres pénètrent dans leur propre maison. Homme mûr, muni de la vaste provision d’observations du médecin et de l’artiste, avec une souveraine indifférence à l’égard de l’académisme, avec un sens exceptionnel de la vie et de la langue, Céline a écrit un livre qui demeurera, même s’il en écrit d’autres et qui soient au niveau de celui-ci. Voyage au bout de la Nuit, roman du pessimisme, a été dicté par l’effroi devant la vie et par la lassitude qu’elle occasionne plus que par la révolte. Une révolte active est liée à l’espoir. Dans le livre de Céline, il n’y a pas d’espoir.”
Dieudonné est à l’image de Céline un personnage rempli de talent. Beaucoup de critiques le décrivent comme étant l’humoriste le plus doué de sa génération. Il a toujours décrit dans ses premiers spectacles, avec Elie Semoun, le quotidien des jeunes de cité dans les quartiers populaires. Par ce biais, il a touché à la politique et à son commentaire. Si l’on compare l’évolution de l’humour de Dieudonné depuis le début de sa carrière dans la année ’90 jusqu’à aujourd’hui, on ne peut que faire le parallèle évident avec la dégradation de la situation économique et sociale en France. Celle-ci est d’autant plus sévère dans les quartiers populaires français (ZUP) qui subissent plus fortement le démantèlement de l’état-providence aux niveaux des écoles, des logements sociaux, de l’infrastructure de loisir et de transport,… Depuis les années ’80, le chômage et l’exclusion sociale frappent massivement les jeunes de cités : la fermeture de l’usine Renault à Boulogne-Billancourt (Boulbi) est ainsi l’illustration que la racine des problèmes se trouve bien dans le système économique.
L’artiste comme reflet de la société
On peut lancer les pires insultes contre l’humour néfaste de Dieudonné ou le boycotter comme le veut une partie de l’establishment français, cela ne répondra pas aux causes qui poussent les gens à admirer sa posture de ”rebelle antisystème”. L’intervention de la France en Centrafrique est sa 40e opération militaire sur le continent africain. Après avoir soutenu les dirigeants contre qui elle prétend lutter, la bourgeoisie française est très mal placée pour donner des leçons de morale à Dieudonné.
La plupart des jeunes qui admirent le soi-disant anti-impérialisme de Dieudonné n’ont pas encore rencontré dans leur quartier des anti-impérialistes véritables, ceux qui considèrent que l’ennemi de notre ennemi n’est nécessairement pas notre ami. Est seulement notre ami celui qui se bas pour les intérêts de la classe des travailleurs, contre ceux de la classe de ceux qui possèdent les leviers de l’économie. Ils apprécient donc l’ersatz que constitue Dieudonné en matière d’anti-impérialisme. L’establishment dirigeant dispose bien de ses propres pions qui commettent des atrocités, pourquoi donc, pensent beaucoup de ses partisans, critiquer Dieudonné qui défend Bachar en Syrie, a défendu Ahmadinejad en Iran ou, mais dans un autre registre, Chavez au Venezuela ? C’est le signe que la conscience de classe et la compréhension des méthodes de luttes efficaces contre le système capitaliste dans ces couches de la population sont à reconstruire.
Dieudonné met en scène les nombreuses erreurs qui résident dans la conscience de ces couches sociales : que ce soit les théories du complot ou les théories négationnistes qui confirment une perte d’autorité des institutions de la bourgeoisie, que ce soit l’antisémitisme diffus qui est, entre autres, lié à l’impasse sur la question Palestinienne.
Dieudonné donne corps à un ensemble de pensées et d’analyses qui ont remplacé l’analyse de classe dans les consciences. Le danger est que, sans une théorie juste, l’erreur pratique n’est jamais loin. Ainsi, à la mort du jeune antifasciste Clément Méric, Dieudonné a cru bon de défendre l’assassin Esteban Morillo et son groupe de néofascistes liés à Serge Ayoub et ses Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR). Cela devrait alerter les anciens des quartiers, car c’est justement aux Ayoub (qui fut plus connu sous le nom de batskin) qu’ils avaient à faire dans la rue.
Dieudonné, un artiste qui ne défend pas notre classe et nos intérêts
Dieudonné n’est pas de notre classe sociale, c’est un business man qui joue au prolétaire ‘victime’ du système. Avant les années 1980 et sa politique néolibérale (qui se base sur le chômage de masse pour détricoter le rapport de force des travailleurs notamment en faisant une pression à la baisse sur les salaires), le peuplement des quartiers populaires était composé d’immigrés qui travaillaient dans des usines où le travail était souvent rude : en tant que manutentionnaire, mineur, opérateur de production, femme de ménage ou encore docker. L’immigration en France était – et est toujours – pour sa plus grande part constituée de prolétaires. Des femmes et des hommes durs à la tâche ont contribué à créer les richesses dont se gavent en premier lieu les capitalistes français.
Dieudonné, lui, ne connait pas le dur labeur du prolo, il donne ses représentations à guichets fermés au prix de 40 euros la place. Certains opéras soi-disant réservés aux bourgeois sont meilleurs marchés. Il a construit un ”système Dieudonné” où il est sa propre marque. Le scandale lui sert de campagne marketing. Il serait intéressant de connaitre son patrimoine pour voir si ces fins de mois sont aussi difficiles que ça…
Il réussit à se faire passer pour un antisystème parce que ceux qui devaient combattre le système ont arrêté de le combattre. Les organisations des travailleurs ont abandonné le combat contre le capitalisme et ce faisant, ils ont aussi abandonné l’encadrement idéologique et social de la classe ouvrière. Les bureaucraties syndicales et les partis de gauche, en premier lieu le PS et le parti communiste, ont abandonné depuis longtemps ceux qui étaient le plus loin des lieux de travail avec des délégations organisés, avant d’abandonner de plus en plus l’ensemble de la classe. Cela permet à tout un tas d’organisation réactionnaire de tout bord de proliférer dans les quartiers populaires. George Marchais, secrétaire général du PCF, parlait déjà à son époque (en 1981) de ”préférence nationale”! Il est dès lors difficile pour les jeunes issus de l’immigration de considérer ce type de parti comme le leur.
Enfin, Dieudonné sépare plus qu’il n’unit la classe. Il s’est prononcé contre le mariage pour tous et a une conception totalement conservatrice de la famille et des valeurs morales. Cette dernière est un des instruments idéologiques qu’utilise la bourgeoisie pour nous asservir. La famille classique permet au capitaliste, entre autres, de ne pas avoir à payer pour la socialisation du travail domestique. Il se présente comme un militant pour la mémoire de l’esclavage et de la colonisation, mais il a la même morale que les anciens esclavagistes et colonisateurs.
Dieudonné, comme artiste, n’est pas la cause mais le symptôme. Pour lutter contre les causes qui réussissent à engendrer un tel phénomène, seul un programme qui défend les intérêts des travailleurs et de leurs familles sera efficace. Ce programme, pour réellement s’attaquer aux causes, doit s’en prendre au capitalisme en France et partout dans le monde.
La construction d’un nouvel outil de discussion collective des travailleurs, des jeunes et des allocataires sociaux est nécessaire pour que toute la classe écarte les fausses solutions et s’unisse de plus en plus massivement contre son seul adversaire: les 1% au sommet de cette société.
Pour terminer, Trotsky avait dit à propos de Céline : ”Céline, tel qu’il est, procède de la réalité française et du roman français. Il n’a pas à en rougir. Le génie français a trouvé dans le roman une expression inégalée. Parlant de Rabelais, lui aussi médecin, une magnifique dynastie de maîtres de la prose épique s’est ramifiée durant quatre siècles, depuis le rire énorme de la joie de vivre jusqu’au désespoir et à la désolation, depuis l’aube éclatante jusqu’au bout de la nuit. Céline n’écrira plus d’autre livre où éclatent une telle aversion du mensonge et une telle méfiance de la vérité. Cette dissonance doit se résoudre. Ou l’artiste s’accommodera des ténèbres, ou il verra l’aurore.”Dieudonné a résolument choisi les ténèbres. Les prochaines luttes du prolétariat français, qui a de grandes traditions révolutionnaires, veilleront à ce qu’il y reste.
Note : Un prochain article abordera plus en profondeur la question du sionisme et de l’antisémitisme.
-
France : L’interdiction des groupuscules néo-nazis est insuffisante pour les stopper
A la suite de l’assassinat du jeune militant antifasciste Clément Méric le 25 juin dernier à Paris, le conseil des ministres a officiellement dissous les groupes d’extrême droite ‘‘Troisième Voie’’ et ‘‘Jeunesses Nationalistes révolutionnaires’’ ainsi que l’association ‘‘Envie de rêver’’ ce mercredi 10 juillet. Leur chef de file, Serge Ayoub, avait cependant déjà annoncé leur autodissolution. S’il sera dorénavant plus difficile de s’organiser pour Serge Ayoub & Co, le terreau sur lequel peut se développer la violence fasciste reste bel et bien présent.
Le meurtre de ce jeune militant antifasciste n’était pas le premier cas de violence fasciste en France. Ces derniers temps, les néonazis se sont sentis encouragés par les grandes manifestations réactionnaires contre le mariage homosexuel et par la nouvelle croissance du Front National dans les sondages. Cela a conduit à une série d’incidents violents, l’assassinat de Clément Méric en constituant le point d’orgue.
La réponse des partis de l’establishment face à cette violence s’est limitée à lancer une procédure de dissolution des ‘‘Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires’’ (JNR), dont était membre le meurtrier présumé de Clément Méric. Les JNR constituaient le service d’ordre du mouvement ‘‘Troisième Voie’’, contre lequel avait également été lancé une procédure d’interdiction. Enfin, l’association ‘‘Envie de rêver’’, l’association exploitant le local du mouvement ‘‘Troisième Voie’’ a subi le même sort. Ces interdictions sont basées sur une loi datant de 1936 interdisant les milices privées, une mesure qui avait été prise à l’époque contre les milices fascistes. Ce n’est pas la première fois que des groupes d’extrême-droite sont interdits en France. Au cours de ces 77 dernières années, pas moins de 49 milices d’extrême-droite ont été interdites. Cette loi a par ailleurs également été utilisée contre des mouvements de la gauche radicale ou régionalistes.
Qui est Serge Ayoub ?
Le leader de ‘‘Troisième Voie’’, Serge Ayoub, n’est en aucun cas une figure irréprochable. Ayoub, alias ‘‘Batskin’’ (en raison de sa préférence pour les battes de baseball dans les confrontations avec ses opposants), est actif depuis le début des années ’80, notamment sur la scène rock néonazie. C’est à cette même période qu’a commencé à se développer le Front National, sous la direction de Jean-Marie Le Pen, et Serge Ayoub s’est impliqué dans les campagnes du FN. Parallèlement, on l’a retrouvé auprès de hooligans, et c’est sur cette base qu’il a constitué son propre groupe, les ‘‘Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires’’ (JNR), à la fin des années ’80. Ce groupuscule a travaillé un moment au sein du mouvement ‘‘Troisième Voie’’ (qui sera dissout en 1992 et relancé en 2010 sous l’impulsion de Serge Ayoub) et même avec le GUD (Groupe Union Défense, organisation étudiante d’extrême-droite). Ce dernier groupe, qui avait lancé ‘‘Unité Radicale’’ en 1998, a été dissous en 2002 après qu’un de ses membres ait tenté d’assassiner Jacques Chirac, à l’époque président français. Ce groupe a toutefois poursuivit ses activités et a fait son retour sur la scène publique en 2009.
Au début des années ‘90, le Front National ne rechignait pas à faire appel aux forces plus ouvertement néonazies comme les JNR, le GUD et autres. Tout en refusant d’endosser toute la responsabilité des actions de ces groupuscules, le FN leur a offert un espace pour développer leurs activités. En 1995, l’ancien dirigeant du FN Carl Lang (qui a depuis lors fondé le Parti de la France, PDF) avait même offert un emploi à Ayoub en tant que permanent du parti, ce que ce dernier a finalement refusé parce que le service d’ordre du FN aurait livré à la police les noms et adresses des skinheads néonazis suspectés d’avoir assassiné un immigré lors du défilé du 1er mai 1995 du FN.
Dans la seconde moitié des années ’90, Serge Ayoub a connu beaucoup de problèmes qui avaient bien moins à faire avec la politique. Il a ainsi été arrêté en mars 1997 pour possession et trafic de stupéfiants. Après quelques temps en prison, il a disparu à l’étranger pour rentrer en France au milieu des années 2000. Il a alors ouvert un bar et a tenté de récupérer ses anciens contacts. Des rumeurs disent que son séjour à l’étranger avait été décidé dans le cadre d’un accord avec la police.
C’est autour de son café parisien qu’il a finalement redonné une nouvelle vie aux JNR et à ‘‘Troisième Voie’’ en 2010. Afin de sortir du pur cadre parisien, il a cherché à nouer contacts avec des nationalistes régionalistes, avec un succès cependant modéré. Au début de cette année, une manifestation nationaliste ‘‘contre l’impérialisme’’ à l’initiative de Serge Ayoub avait réuni quelques centaines de manifestants, avec parmi eux une délégation belge du groupuscule francophone Nation et du groupuscule néerlandophone des Autonome Nationalisten (nationalistes autonomes). Serge Ayoub est quant à lui venu à Bruxelles pour participer au défilé du 1er mai de Nation.
Interdiction des JNR et de ‘‘Troisième Voie’’
L’interdiction des JNR et de ‘‘Troisième Voie’’ survenue cette semaine est la conséquence directe de l’assassinat de Clément Méric. Serge Ayoub avait lui-même décidé d’annoncer fin juin l’autodissolution de ces deux organisations. Maintenant que l’interdiction a été officiellement prononcée, il a décidé de se pourvoir en appel. La fermeture du local de ces néonazis à Paris entraînera sans aucun doute quelques problèmes pratiques pour l’organisation groupée autour d’Ayoub.
S’il y a bien quelque chose que démontre l’actualité récente des groupuscules néonazis français, c’est que des mesures d’interdiction sont insuffisantes pour briser leur activité. De nombreux groupes ont déjà été interdits sans que la violence néofasciste ne disparaisse pour autant. Pour peu que l’extrême-droite ‘‘officielle’’ passe à l’offensive – dans le cas des succès électoraux du FN ou des mobilisations réactionnaires contre le mariage homosexuel – les franches les plus radicales en profitent aussi pour se renforcer et pousser de l’avant leur violence.
Interdire ces groupes peut rendre plus difficile aux néonazis de s’organiser, mais cela ne change rien au terreau sur lequel ils peuvent se développer. Une société caractérisée par la crise et la dégradation sociale qui y est associée offre un espace d’intervention pour les groupes néonazis violents, qui essayent d’instrumenter la colère et le mécontentement en l’orientant non pas vers les véritables responsables de la crise et de l’austérité, mais vers des boucs-émissaires. En cas de poursuite de la casse sociale, ils peuvent même disposer d’un certain soutien dans la population (il suffit de penser à Aube Dorée en Grèce). S’en prendre aux raisons qui expliquent ce soutien signifie de construire une force capable de lutter efficacement contre le système de crise qu’est le capitalisme et pour une alternative.
Le premier test concernant ces mesures d’interdiction ne sera pas long à venir : une manifestation est annoncée à Paris le 14 septembre prochain contre ‘‘la répression socialiste’’. Cet événement est officiellement destiné à soutenir Esteban Morillo, le militant des JNR suspecté d’avoir tué Clément Méric et est à l’initiative d’un ‘‘collectif pour la défense des libertés publiques’’. Il s’agit très clairement d’une tentative visant à continuer à organiser les troupes néonazies de Serge Ayoub. Cette manifestation pourra-t-elle avoir lieu sans entraîner une forte mobilisation pour une contre-manifestation ?
Il faut aussi se demander ce qui va se produire avec les alliés d’Ayoub & Co dans notre pays. Le groupuscule Nation collabore très explicitement avec le mouvement construit autour de la figure d’Ayoub et était notamment particulièrement fier de pouvoir dire que le ‘‘leader’’ français avait participé au défilé marginal organisé par le mouvement le 1er mai. Nation, et d’autres, continuent d’ailleurs de défendre Ayoub et son groupe et essayent de parler de cette violence meurtrière de manière positive, ou au moins de la minimiser.
Contre des groupuscules comme Nation, la vigilance est nécessaire. Leurs alliés français ont clairement démontré qu’ils n’hésitaient pas à recourir à la violence contre leurs opposants. Leurs alliés grecs illustrent qu’une crise profonde peut leur fournir un certain soutien social. A nous d’éviter que des gens puissent se tromper de colère en menant une lutte résolue contre le capitalisme et en construisant une résistance collective de toutes les victimes du système – jeunes, aînés, hommes, femmes, travailleurs de toutes origines et de toutes langues,… – contre les responsables de la crise. Le problème, c’est le banquier, pas l’immigré !
- Dossier sur Serge Ayoub
- Dossier sur Serge Ayoub
-
Violence fasciste mortelle à Paris
Suite aux mobilisations organisées par les réactionnaires français contre le mariage homosexuel au cours de ces derniers mois, l’extrême-droite est passée à l’offensive, de façon violente. Un jeune antifasciste vient d’en être brutalement victime, jusqu’à en mourir. Ce 5 juin, Clement Meric, un militant étudiant antifasciste, a été assassiné en pleine rue par des skinheads néo-fascistes. Il faut riposter contre cette violence néofasciste de la manière la plus appropriée : par une mobilisation de masse qui instaure une pression sur chaque tentative de l’extrême-droite d’aller de l’avant.
Ces derniers mois ont été marqués par quelques grandes manifestations opposées au mariage homosexuel. La droite réactionnaire a pu à cette occasion clairement démontrer qu’elle demeure toujours une force mobilisatrice tandis que l’ampleur de ces événements a renforcé la confiance de l’extrême-droite. Par ailleurs, le Front national de Marine Le Pen a pu jouer sur le mécontentement croissant éprouvé dans la population face aux politiques antisociales désastreuses de François Hollande au cours de toute l’année dernière, sur fond de perspectives économiques peu réjouissantes.
Des groupes d’extrême-droite violents se sont sentis encouragés par ces développements, et certains militants néofascistes ont été plus audacieux. C’est ce qui a conduit à la mort du jeune antifasciste Clément Meric, battu à mort en pleine journée à Paris par un groupe de skinheads. Le principal accusé de ce crime est connu en tant que membre des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR), une organisation dirigée par Serge Ayoub, individu qui est déjà venu à plusieurs reprises en Belgique dans le cadre des activités de groupuscules néonazis belges tels que Nation.
Serge Ayoub a d’abord tenté de nier que les meurtriers étaient militants des JNR, pour ensuite adopter une approche différente en disant que les jeunes militants de gauche avaient commencé. Sur le site belge rechtsactueel.com, qui est animé par un employé du Vlaams Belang, on tente aussi de cadrer les choses dans "un autre contexte" en affirmant que les militants d’extrême-droite n’avaient rien provoqué et qu’ils n’en pouvaient rien si le jeune Clément avait fait une "chute accidentelle". Chez Nation, on dit aussi qu’il s’agissait d’une provocation de la part de militants de gauche tout en rajoutant que l’incident est une affaire purement personnelle, une "bagarre générale qui a mal tournée et non pas d’une agression préméditée d’un groupe contre un individu". La version de Serge Ayoub est donc défendue en Belgique tant par Nation que par rechtsactueel.com. Une nouvelle recrute de Nation, Kris Roman, a par contre déclaré hier sur Facebook: "Les antifas détournent les choses. (…) Si les antifas continuent à harceler les gens, d’autres "momies de gauche" suivront." La déclaration officielle de Nation sur les "provocations" de gauche s’accompagne donc de l’approbation officieuse de cette violence par ses militants.
Les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (JNR) de Serge Ayoub ne constituent pas un club innocent. Serge Ayoub a pour surnom "Batskin" parce qu’il apprécie utiliser une batte de baseball dans des affrontements avec ses opposants politiques. Ce groupe tente de combiner une violence d’extrême-droite avec une rhétorique "sociale". Tout comme pour les autres groupes qui se réclament du "solidarisme", cet aspect social reste toutefois limité à la rhétorique, contrairement aux actes de violence et au racisme. Le parti grec Aube Dorée ne dirige par exemple pas son activité contre les responsables de la crise – les grands armateurs et les autres capitalistes grecs – mais contre les victimes de la crise qui ont une autre couleur de peau ou une autre opinion politique.
Cette année, les JNR ont été à l’initiative d’une manifestation "contre l’impérialisme", selon leurs propres termes, qui a rassemblé environ 800 participants. Cette mobilisation était soutenue dans notre pays par Nation et les Autonome Nationalisten (Nationalistes Autonomes, un groupuscule néerlandophone). Les manifestants y avaient notamment déclaré leur soutien au dictateur syrien Bachar al-Assad. A la fin de l’événement, outre Serge Ayoub, Hervé Van Laethem, de Nation, était orateur. Le 1er mai de cette année, Serge Ayoub est encore venu à Bruxelles pour participer à la manifestation de Nation.
La mort du jeune antifasciste a conduit à la tenue d’actions de protestations et de manifestations. Ce jeudi, il y avait notamment une grande manifestation de deuil et de colère. Des politiciens ont fait valoir qu’ils sont en faveur de l’interdiction des groupes néo-nazis. Nous ne sommes évidemment pas en faveur de laisser aux néo-nazis les possibilités de se construire, mais une interdiction sera insuffisante pour les arrêter. Nous avons besoin d’une riposte active de la part du mouvement des travailleurs.
Seule la mobilisation et la résistance antifasciste est de nature à briser la confiance des groupes néo-fascistes violents. Leur violence n’est pas soutenue par les couches larges de la population. En répondant à leurs mobilisations et à leurs réunions par des mobilisations plus grandes encore, on peut leur rendre particulièrement difficile de s’organiser, ce qui est nécessaire pour les empêcher de franchir des étapes suivantes dans leur offensive violente.
Face aux mobilisations qui renforcent les divisions – comme les actions homophobes – et contre l’extrême droite qui instrumentalise la colère ressentie contre la politique d’austérité, nous avons également besoin d’une réponse politique qui prenne à cœur la défense des intérêts des travailleurs et de leurs familles. Les partis établis et leur politique de casse sociale assurent que le terrain soit fertile pour le racisme et la division, ce sur quoi se basent les groupes violents. Aucune véritable réponse à l’extrême droite n’est à attendre de leur part. Nous avons à construire nous-mêmes ce relais politique. Le potentiel de lutte contre les politiques d’austérité sur le plan syndical et le plan politique est bien présent, le saisir pleinement est tout l’enjeu actuel des antifascistes et du mouvement des travailleurs en général.
-
Bruxelles : Appel à un rassemblement pour Clément Méric
C’est avec tristesse et colère que nous avons appris le meurtre hier d’un militant du collectif antifasciste Paris-Banlieue et syndicaliste à Solidaires Étudiant-e-s, commis par des individus d’extrême-droite. Par ce communiqué, nous tenons à marquer notre solidarité envers ses camarades et à présenter nos condoléances à sa famille et à ses ami-e-s.
Ixelles : Rassemblement sur l’avenue Héger (ULB) marche vers le Square groupe G et commémoration sur place.
Accès : Tram 94, 25 et bus 71 ; arrêt ULB
Alors qu’il sortait d’un magasin près de la gare Saint-Lazare, ce jeune militant étudiant a été lâchement agressé et battu à mort par des membres de l’extrême-droite radicale. Il est décédé des suites de ses blessures, dans la nuit, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Une fois de plus, cette agression sauvage nous montre que le fascisme est une idéologie autoritaire basée exclusivement sur la violence, qui ne tolère aucune forme d’opposition. Une fois de plus, le fascisme nous montre son vrai visage : celui de la barbarie et de la mort. Le mouvement d’extrême-droite des « Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires » est aujourd’hui pointé du doigt. Rappelons que le 1er mai dernier, leur chef, Serge Ayoub, défilait à Bruxelles aux côtés du mouvement belge Nation.
Nous refusons que les partis et gouvernements de l’austérité tentent de récupérer politiquement l’événement voire de donner un alibi à cet acte abjecte – ceux-là même qui par leurs discours ou leurs actes banalisent l’extrême-droite et créent les conditions pour qu’elle grandisse. Nous savons que Clément faisait partie de celles et ceux qui chaque jour luttent réellement face aux classes dominantes pour l’égalité et la justice sociale. Ne nous trompons pas : les extrêmes ne se valent pas. La gauche progressiste a toujours été et sera toujours du côté des dominés. Le fascisme, même lorsqu’il se cache derrière un discours social, est une idéologie profondément raciste, sexiste et homophobe qui sert les intérêts du capitalisme.
Il est plus que nécessaire de continuer à lutter aujourd’hui contre la peste brune qui se répand de plus en plus en Europe depuis la crise économique. Que ce soit en Grèce, en Espagne, en France ou en Belgique, l’extrême-droite se montre de plus en plus agressive et n’hésite plus à se montrer au grand jour. Face à la montée du populisme et de l’extrême-droite, notre résistance doit être toujours plus forte.
Nous considérons que la meilleure preuve de notre soutien et de notre solidarité est de poursuivre indéfectiblement la lutte antifasciste en Belgique et ailleurs contre ces organisations qui propagent la haine.
« Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place. » Pour nous, ces paroles ne sont pas un vain mot…
Un camarade est tombé mais la lutte continue !
- Antifa Bruxelles
- CADTM
- Collectif Alternative libertaire Bruxelles
- Comac
- Étudiants de gauche actifs (EGA)
- Fédération bruxelloises des jeunes socialistes (FBJS)
- Jeunes anticapitalistes (JAC)
- Jeunes FGTB
- JOC
- Ligue Communiste des travailleurs (LCT)
- Parti de Gauche (PG)
- Parti socialiste de lutte/Linkse socialistische partij (PSL/LSP)
- Union syndicale étudiante (USE)