Tag: Secteur culturel

  • « Cancel culture » à Anvers : la N-VA à la manœuvre…

    Le conseil communal d’Anvers a réduit notamment les dépenses en matière de garde d’enfants, d’activités pour la jeunesse et pour la culture. L’échevine Nabilla Ait Daoud (N-VA) veut supprimer les subventions de projets pour la culture et n’indexera pas d’autres subventions culturelles jusqu’à la fin de cette législature. Les économies réalisées devraient générer 720.000 euros par an, un montant relativement faible dans le budget anversois.

    Par Thomas (Anvers)

    Ces projets ont fait l’effet d’une bombe. Les étudiants du Conservatoire de musique d’Anvers ont commencé à exprimer leur mécontentement presque quotidiennement par des actions. Ils ont reçu beaucoup de soutien et de solidarité de la part du monde culturel d’Anvers et d’ailleurs.

    Le collectif « For Future » critique particulièrement que les décisions aient été prises sans concertation. Leur revendication centrale est le retour du dialogue avec les étudiants et l’AKO, le Comité consultatif des Arts d’Anvers, organisme créé dans les années 1990 à la suite de protestations contre les coupes budgétaires.

    Le conseiller communal a d’abord fait la sourde oreille. Lorsqu’un journaliste a interrogé l’échevine à ce sujet, elle a simplement… mis fin à l’entretien ! Finalement, elle a accepté d’accorder une interview à la Gazet van Antwerpen : « Parler aux étudiants n’a aucun sens. Ils sont grossiers et agressifs » ou encore « Les Anversois ne se préoccupent pas des coupes budgétaires dans la culture ». Cerise sur le gâteau, quand on lui a demandé ce qu’elle ferait si elle était une jeune artiste, elle a répondu « Alors je travaillerais pour gagner mes sous, comme tout le monde. »

    Ces déclarations ont plus qu’évidemment déclenché la colère, même dans la majorité communale alors que les plans budgétaires ont été élaborés par l’ensemble de la majorité (N-VA, Vooruit et Open VLD). Tant au niveau flamand qu’au niveau local, la N-VA procède à des coupes systématiques dans le secteur culturel de la manière la plus insolente qui soit. Il s’agit d’une part d’imposer le silence à un secteur critique, d’autre part d’ouvrir la voie à la commercialisation accrue de la culture.

    D’ailleurs, ce n’est pas la première fois. Au début de l’automne, le conseil communal a refusé un poème politique d’une « Stadsdichter » (poétesse officielle nommée par la ville d’Anvers). Avec les coupes budgétaires annoncées, cela a provoqué la démission des 4 autres poètes publics.

    La revendication d’amener l’AKO à la table de négociation est assez faible. Si l’échevine accepte, cela peut mettre toute la mobilisation en jeu sans rien changer sur le fond. D’autre part, cette revendication peut constituer un tremplin vers un contrôle plus démocratique de l’allocation des fonds. Aujourd’hui, cela se fait toujours de manière opaque et dans le strict intérêt des acteurs privés du marché, pas du tout des citoyens.

    Le 28 novembre, le secteur culturel ainsi que le secteur social ont protesté devant le conseil communal qui devait discuter de ces projets budgétaires. Réunir les différentes contestations sociales est très important. Il faut s’unir pour réclamer des crédits suffisants dans les services publics et la culture. Ces crédits doivent être alloués et distribués de la manière la plus démocratique possible.

  • La faiblesse des gouvernements mise à nu par les mobilisations du secteur culturel, un exemple à suivre

    Des actions qui ont fait tomber le rideau sur la fermeture arbitraire du secteur culturel

    L’entrée en action du monde culturel et du secteur du divertissement bénéficiait d’un large soutien, les gouvernements ont été contraints de reconsidérer la décision de fermer ces secteurs. La faiblesse des différents gouvernements a été démontrée au grand jour. L’événement a également illustré à quel point les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie visent principalement à sauvegarder les profits des grands acteurs économiques. Dans ce cadre, la culture n’est considérée que comme un luxe parfaitement facultatif. Le dédain des autorités vis-à-vis du secteur a été maintes et maintes fois démontré depuis le début de la pandémie.

    Le Comité de concertation, dans lequel tous les gouvernements du pays sont représentés, entendait prendre des mesures juste avant les vacances de Noël destinées à faire comprendre que la pandémie n’est pas terminée et que le danger du nouveau variant Omicron n’est pas à prendre à la légère. Mais adopter de nouvelles mesures restrictives étant une question sensible, une solution apparemment “facile” a été choisie : pas de nouvelles mesures, sauf pour les secteurs de la culture et du divertissement. La décision est tombée sur ceux-ci sans la moindre consultation avec les principaux concernés. Pourtant, l’institut scientifique Sciensano avait clairement fait remarquer que les théâtres, les cinémas et les salles de concert ne sont pas des lieux où de contamination massive.

    La mobilisation du secteur culturel a pu compter sur un large soutien. Le dimanche 26 décembre, entre 5000 et 15.000 personnes se sont réunies au Mont des Arts à Bruxelles. Au même moment, des centaines d’autres étaient rassemblées devant le cinéma Sauvenière à Liège. Plusieurs lieux indiquaient clairement leur intention d’entrer en désobéissance civile en restant ouvert malgré l’interdiction. Plusieurs décideurs politiques, y compris de partis présents aux gouvernements, ont alors subitement tourné casaque. Le président du PS, Paul Magnette, a déclaré qu’une erreur collective avait été commise lors du comité de concertation tout en disant soutenir les critiques du monde culturel tout en rejetant la responsabilité de la décision sur les ministres de la culture qui n’ont pas su défendre “leur” secteur. Une décision du Conseil d’État a débloqué la situation et a contraint le gouvernement à revenir sur la fermeture du secteur culturel.

    Le gouvernement fédéral n’est pas le seul a avoir reçu une baffe, c’est le cas de tous les gouvernements du pays. Déjà affaiblis, ils ressortent de l’aventure encore moins vigoureux. Le tandem De Croo-Vandenbroucke est aux prises avec l’opposition interne des partis gouvernementaux, dont l’imprévisible président du MR, George Louis Bouchez, qui a déjà failli faire exploser le gouvernement wallon récemment. Mais le PS tente de se profiler au risque de mettre à mal la coalition Vivaldi. Quant au gouvernement flamand, dont le discours est systématiquement qu’il se débrouille mieux que les autres, ce n’est visiblement pas le cas. Il est lui aussi aux prises avec des tensions internes, le leader de l’Open-VLD Bart Somers déclarant par exemple qu’en s’y prenant de la sorte le gouvernement « Jambon I ne sera pas un succès ».

    Cette mobilisation a clairement mis en évidence la faiblesse des gouvernements. Le mouvement des travailleur.euse.s doit se saisir de l’occasion pour défendre plus catégoriquement les intérêts et les préoccupations de la classe travailleuse et passer à l’offensive.

    N’est-ce pas le moment d’intensifier la lutte en faveur d’un plan massif et immédiat d’investissement public dans les soins de santé ? Pourquoi ne pas appeler à une manifestation nationale, couplée à des revendications telles que l’abolition des brevets sur les vaccins et la nationalisation du secteur pharmaceutique sous contrôle et gestion des travailleur.euse.s ?

    D’autre part, dans ce contexte de hausse rapide de l’inflation, ne serait-il pas temps de développer un véritable plan d’action qui ne se contente pas de donner l’occasion de se défouler, mais vise consciemment à construire un rapport de forces autour de revendications claires, comme l’abolition de la loi sur les salaires de 1996 et la nationalisation de la totalité du secteur de l’énergie pour assurer une transition écologique et des prix abordables pour la population ? Si le mouvement des travailleur.euse.s (tant les syndicats que la gauche) ne s’engage pas dans la lutte pour une transformation de la société, d’autres forces tireront profit du mécontentement et de la frustration.

    Chaque crise illustre l’étendue de l’échec du système tout en aggravant les autres. Les activistes du climat qui scandent le slogan « system change » ont raison. Nous devons renverser ce système où tout est sacrifié pour les profits des actionnaires. La crise sanitaire n’a-t-elle pas suffisamment démontrer dans quel cul-de-sac cela nous mène ? Il suffit encore de penser à la décision de la Commission européenne de donner au gaz et à l’énergie nucléaire un “label vert”…

    Il nous faut un système différent, et celui-ci doit reposer sur les intérêts et les besoins de la majorité de la population. Les moyens ne manquent pas pour cet autre monde : en 2021, les dix personnes les plus riches de la planète se sont enrichies de 400 milliards de dollars supplémentaires. Imaginez ce qui serait possible si les ressources disponibles sur cette terre étaient utilisées démocratiquement pour permettre une vie saine et décente pour toutes et tous ! Cela nécessite de se battre : la transformation socialiste démocratique de la société ne tombera pas du ciel, aucun cadeau ne nous sera donné par les capitalistes qui regardent la planète brûler : nous devons nous organiser et nous battre pour finalement abattre le capitalisme.

  • Occupation du Théâtre national : la culture et les arts sont essentiels !

    Une vague d’occupations a commencé au début du mois de mars avec l’occupation du théâtre l’Odéon à Paris. Elles s’est répandue par la suite vers 70 lieux culturels en France. La Belgique n’a pas tardé à suivre. Le Théâtre National à Bruxelles a été occupé le 19 mars à 16h par des travailleurs du secteur culturel. Au même moment, le comité de concertation reportait une fois de plus le plan « plein air », qui prévoyait des rassemblements de 50 personnes en extérieur dans le cadre d’événements culturels. L’occupation, avec le soutien du directeur du théâtre Fabrice Murgia, est là pour durer.

    Par Marisa (Bruxelles)

    La pandémie a mis en évidence que la culture et les arts sont essentiels pour l’expérience humaine. Le confinement aurait était mille fois pire sans y avoir accès via internet. Mais depuis plus d’un an, les travailleurs et travailleuses du secteur sont privés de leurs lieux de travail, de leurs rémunérations et de leurs perspectives d’avenir. Si la précarité et l’insécurité d’emploi étaient déjà les traits dominants du secteur avant la pandémie, maintenant la situation est catastrophique. En juin 2020, le secteur culturel connaissait un déficit d’activités de 22% et comptait 24% de salariés en moins par rapport à juin 2019. D’autre part, le nombre d’heures prestées a baissé de 43% en mai(1). Ces chiffres ne concernent que les salariés, sans compter tous les indépendants. Ils donnent une idée de l’ampleur des ravages.

    Parmi les nombreuses personnes qui se trouvent sans emploi, certaines disposent du statut d’artiste, certaines ont droit au chômage, certaines peuvent accéder au CPAS et certaines ne touchent rien du tout depuis le début du confinement. Des initiatives de solidarité financière entre artistes comme « SOS relief » ont été mises en place. Ceux qui ont plus des moyens partagent ce qu’ils peuvent avec ceux qui se trouvent dans le besoin. C’est un bel exemple de solidarité. Mais il expose aussi ce système cruel et incapable de répondre aux besoins de la population.

    La colère s’accumule depuis un moment et le temps de passer à l’action est arrivé. Avant l’été, des actions des travailleurs culturels ont finalement permis de débloquer quelques mesures d’aide au secteur. Ces mesures sont toutefois bien maigres. Elles n’ont pas fondamentalement amélioré les conditions de vie des gens. Seule la lutte et la construction d’un rapport de forces permet d’obtenir des victoires.

    L’occupation actuelle du Théâtre national est un acte de protestation contre la situation de précarité et de pauvreté dans laquelle se trouvent les travailleurs des arts et de la culture. C’est aussi un expression du ras-le-bol envers la honteuse gestion de la crise sanitaire par le gouvernement, l’imposition autoritaire et arbitraire de règles sans explication et le manque d’écoute face aux demandes du secteur.

    Très vite, des groupes de travail se sont mis en place pour gérer la communication, la logistique, les actions et les revendications de l’occupation. Chaque soir, les groupes de travail présentent leurs propositions dans l’assemblée générale où les décisions sont prises. Une garderie autogérée accueille les enfants pour permettre aux parents d’y participer pleinement. Une vingtaine des personnes dorment sur place chaque jour, mais pendant la journée les portes sont ouvertes de 9h à 20h à toutes les personnes qui veulent démontrer leur soutien et participer aux activités du théâtre occupé. Leur but est de tenir jusqu’à leurs demandes soient écoutées.

    Des liens ont commencé à être tissés avec d’autres mouvements. Le soutien mutuel entre le mouvement des sans-papiers et le mouvement d’occupation du Théâtre était par exemple évident lors de la journée internationale de lutte contre le racisme du 21 mars. Une action en soutien à la régularisation pour toutes et tous a eu lieu devant l’église du Béguinage, endroit où les sans papiers détiennent une de leurs occupations à Bruxelles. La solidarité envers d’autres secteurs, comme ceux de la santé, de l’horeca ou de la jeunesse se développe également.

    Une des revendications mises en avant par la presse concernant l’occupation du Théâtre national est la réouverture des lieux culturels. Mais en réalité, l’ajout d’autres revendications à celle-ci a été un des sujets les plus discutés aux Assemblées générales, assemblées par ailleurs marquées par un sentiment anticapitaliste généralisé. Finalement, trois revendications principales ont été décidées :

    • l’indemnisation immédiate de tou.te.s les travailleur.euse.s avec et sans statut, de toutes les structures subsidiées ou non, dans toute la Belgique,
    • la régularisation des personnes sans-papiers avec des critères clairs et permanents et une commission indépendante,
    • la répartition équitable des mesures sanitaires sur l’ensemble des secteurs permettant la réouverture des lieux de sociabilité et de culture et ce dans des conditions d’emploi de nos travailleur.euse.s dignes et légales.

    Ces revendications tiennent compte du fait que la troisième vague du Covid est devant nous et que la réouverture doit se dérouler dans les meilleures conditions sanitaires possibles. Pour que le public ne subisse pas de risque, il faut un investissement massif dans le matériel sanitaire, l’aménagement des lieux culturels, les tests Covid rapides, et surtout dans une campagne de vaccination ambitieuse.

    Notre santé n’est pas une priorité pour les multinationales du secteur pharmaceutique et la campagne de vaccination se plie à leurs désirs. Nous sommes en pénurie de vaccins alors que les moyens existent pour en produire en suffisance. Il est évident que le vaccin devrait être un bien public. Sa production et distribution devraient être retirées des mains du privé par la nationalisation sous contrôle et gestion de la collectivité du secteur pharmaceutique.

    Au même temps, la galère financière dans le secteur culturel est bien réelle et pose des problèmes urgents. Les aides ponctuelles ne sont pas suffisantes. Un autre mouvement du secteur culturel, Still Standing, demande des indemnités de chômage temporaire pour cause de crise du Covid-19 et le maintien du statut d’artiste. Nous soutenons certainement cela. Ce n’est pas aux artistes de se payer les uns aux autres : la sécurité sociale doit être renforcée. Il faut une prolongation et l’accessibilité au droit de statut d’artiste et une garantie de revenus pour tous les ménages. Mais la sécurité sociale, comme les services publics, a subi un démantèlement acharné pendant des décennies et cela signifie une individualisation des risques sociaux. Nous devons lutter ensemble, tous secteurs confondus, pour récupérer ce qui a été pillé.

    Une autre question se pose, à quoi ressemblera le secteur culturel et artistique après la pandémie ? La partie du secteur qui fonctionne à petite échelle, la partie la plus vulnérable, est confrontée à des fermetures et des faillites. La tendance à la monopolisation s’accélère, les géants culturels détiennent des parties de plus en plus grandes des moyens alloués et la grande majorité des artistes galère de plus en plus à faire reconnaître son travail.
    Le sujet de la rémunération du travail artistique et culturel est extrêmement sensible et important. Nous devons lutter pour des rémunérations correctes, avec de salaires décents, pendant tout le processus de création et pas seulement lors des quelques prestations. En fait, la création d’un solide service public de l’art et de la culture est nécessaire. Cela nécessiterait un plan massif d’investissements publics et permettrait la création d’emplois aux conditions de travail dignes.

    Le système capitaliste est incapable de répondre à ces besoins. Il est incapable de trouver des solutions pour résoudre les crises sanitaire, économique, sociale, écologique… Organisons-nous pour obtenir des améliorations dans l’immédiat, mais discutons aussi de la manière de planifier l’économie démocratiquement pour qu’elle soit au service des besoins de la majorité. C’est ce que nous appelons une alternative socialiste démocratique.

    1) Que pèse vraiment la culture dans l’économie? | L’Echo

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