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Tag: Relations inter-impérialistes
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Nouvelle guerre froide | Quelles perspectives pour le conflit ukrainien?

La Russie reconnaîtra l’indépendance des deux régions contestées d’Ukraine – Donetsk et Louhansk. Les troupes russes agiront en tant que «gardiens de la paix». C’est une nouvelle étape extrêmement dangereuse de ce qui pourrait devenir la pire guerre que l’Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale.
Par Sotsialisticheskaya Alternativa (section russe d’ASI)
Les bellicistes attisent la folie guerrière depuis plus de trois mois maintenant. Les puissances occidentales ont annoncé que l’occupation russe de l’Ukraine commencerait le 16 février à 3 heures du matin, heure locale. À mesure que l’échéance approchait, les cris des bellicistes se faisaient de plus en plus forts et un certain degré de panique s’est installé en Ukraine. Le gouvernement a annoncé la mobilisation des troupes et des réservistes. Les compagnies aériennes ont cessé de voler, tandis que les places sur les vols encore actifs ont été multipliées par cinq – après tout, la guerre est toujours rentable pour certains ! 40 pays ont annoncé qu’ils évacuaient les familles des diplomates de Kiev – certains vers la ville de Lviv, en Ukraine occidentale. Vingt vols affrétés ont été organisés pour permettre aux VIP, aux oligarques et à leurs familles de fuir, tandis que l’aide et les équipements militaires affluaient en Ukraine.
Pendant ce temps, la population était invitée à «ne pas paniquer» !
À l’approche de l’échéance, un journal russe a commenté avec cynisme que «la guerre a été reportée». Plusieurs Ukrainien·nes ont sans doute soupiré de soulagement à leur réveil mercredi. La porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, a qualifié de «honteuses» les affirmations américaines concernant une attaque imminente. Elle a demandé aux médias de l’informer des futures dates d’une attaque russe contre l’Ukraine afin qu’elle puisse planifier ses vacances. Le 16 février, le Kremlin a déclaré avoir vaincu «l’hystérie suscitée dans le monde entier, qui n’est rien d’autre qu’une campagne d’information absolument sans précédent visant à provoquer et à alimenter les tensions en Europe».
Pourtant, les tensions continuent de s’intensifier. La Maison Blanche affirme que l’invasion de l’Ukraine est imminente. Boris Johnson déclare que le Kremlin va s’emparer de tout le pays, et la ministre britannique des affaires étrangères, Liz Truss, parle d’une prise de contrôle de l’Europe de l’Est par la Russie.
Le Kremlin a contredit ces affirmations, niant tout projet d’invasion. Le ministère russe de la défense a diffusé des vidéos montrant des troupes et des équipements rentrant dans les casernes. Mais au lieu de renvoyer les troupes russes en Biélorussie «pour des exercices conjoints», il a été annoncé qu’elles resteraient pour de bon. La Russie a poursuivi ses manœuvres en organisant de nouveaux exercices de guerre au cours du week-end pour tester des missiles balistiques hypersoniques.
Les combats s’intensifient dans l’est de l’Ukraine
Le week-end a été marqué par de nouveaux signes inquiétants. La matinée de vendredi a commencé par des échanges d’artillerie le long de la frontière entre le territoire contrôlé par Kiev et les républiques contestées de l’est de l’Ukraine – les républiques populaires de Donetsk et Louhansk (RPD/RNL). Comme le soulignent les résidents locaux, il ne s’agit pas d’une nouveauté puisque la guerre se poursuit depuis 8 ans et que plus de 14 000 personnes ont perdu la vie, mais cette augmentation est spectaculaire. Les observateurs de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) rapportent qu’ils ont eu lieu dans plus de 30 endroits. Plus tard dans la journée, la jeep du chef de la police de Donetsk a explosé devant son bureau, bien qu’un résident local ait fait remarquer qu’il n’avait jamais vu des officiers aussi haut placés conduire une voiture aussi bon marché.
Lundi, une réunion télévisée du Conseil de sécurité russe, clairement mise en scène, a eu lieu. L’un après l’autre, les hauts responsables ont appelé à la reconnaissance des deux républiques contestées, la RPD et la RPL. Lorsque le Procureur général a dépassé les bornes en déclarant qu’il soutenait l’appel à l’adhésion de la RPD et de la RPL à la Fédération de Russie, il a été corrigé par Poutine, qui a déclaré qu’il n’en était pas question : nous discutons simplement de la reconnaissance de l’indépendance des deux républiques.
Plus tard dans la soirée, Poutine est apparu à la télévision pour «s’adresser à la nation». Au cours d’une excursion historique d’une demi-heure remontant au 9e siècle, il a expliqué comment l’Ukraine faisait partie de la Russie. Dans une partie importante de son discours, il a attaqué Lénine et les bolcheviks qui, a-t-il dit, «ont créé l’Ukraine moderne en utilisant des méthodes très brutales par rapport à la Russie elle-même en la séparant, en lui arrachant une partie de son territoire historique.» Staline, cependant, selon Poutine, «à la veille et après la “Grande guerre patriotique” [Seconde Guerre mondiale], l’a ramenée dans l’URSS…». Il a ensuite soutenu l’approche stalinienne de la question nationale après la révolution, lorsque Staline a tenté de mettre en place la Fédération socialiste de Russie avec une Ukraine subordonnée à la Russie, en opposition à la formation de l’URSS par Lénine avec l’Ukraine comme partenaire égal.
Il a ensuite décrit la vague de corruption qui s’est emparée de l’Ukraine, l’absence de démocratie, et ce qu’il a appelé le coup d’État d’inspiration occidentale qui a pris le pouvoir en 2014. Il s’est plaint que les personnes au pouvoir organisent un harcèlement, une véritable terreur contre ceux qui s’opposent à ces «actions anticonstitutionnelles». Les politiciens, les journalistes, les militants sociaux sont moqués et humiliés publiquement. Les villes ukrainiennes sont frappées par une vague de pogroms et de violence, une série de meurtres ouverts et impunis. Beaucoup de gens, en regardant ce discours, se demanderont s’il ne parlait pas plutôt de la Russie elle-même !
Il termine en annonçant que la Russie reconnaît désormais officiellement l’indépendance et la souveraineté de la RPD et de la RPL. Les troupes russes ont reçu l’ordre de se rendre dans les deux républiques en tant que «gardiens de la paix». En quelques heures, il a été signalé que des chars russes étaient déjà à Donetsk.
Il s’agit d’un développement extrêmement dangereux. Un haut diplomate américain a suggéré hier que «l’arrivée de troupes russes dans la région du Donbass ne serait pas nouvelle». Mais c’est remarquablement naïf. Il est déjà clair qu’il y aura un conflit sur les frontières des «républiques indépendantes».
Ni la RPD ni la RPL n’occupent l’ensemble des anciennes régions de Donetsk et de Louhansk, des parties importantes de la région, dans le cas de Donetsk, plus de 40 % des 4 millions d’habitants et deux tiers de la zone restent sous le contrôle de Kiev. Leonid Kalashnikov, haut responsable de la Douma russe et membre du parti communiste, a appelé les troupes à prendre le contrôle de l’ensemble des deux régions. Si le rôle des «gardiens de la paix» est de confronter les troupes ukrainiennes à la ligne de front actuelle pour qu’elles s’emparent de ces régions au complet, le risque d’une escalade dramatique de la guerre est bien réel.
Reste-t-il un espoir pour la diplomatie ?
Après la conférence de Munich sur la sécurité qui s’est tenue en fin de semaine, les négociations diplomatiques peuvent se poursuivre, mais il est presque certain qu’il est maintenant trop tard pour faire une différence. La première réaction de Macron et Scholz à l’annonce de Poutine a été d’exprimer leur déception, tout en espérant que les négociations pourraient se poursuivre.
Pendant la conférence de Munich, le président ukrainien Zelensky a exprimé un réel mécontentement face à l’inaction occidentale. Depuis le début, les États-Unis ont essayé de présenter un front uni avec l’UE contre la Russie. Ils ont dû surmonter la résistance allemande à la menace de sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2. Lors de la rencontre, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a félicité la ministre allemande des affaires étrangères et membre du parti vert Annalena Baerbock pour avoir agi de manière coordonnée et complémentaire, tandis que le chancelier Scholz a promis que l’Allemagne avait besoin
d’avions qui volent, de navires qui peuvent prendre la mer, de soldats qui sont équipés de manière optimale pour leurs tâches dangereuses – ce sont des choses qu’un pays de notre taille, qui porte une responsabilité très spéciale en Europe, doit pouvoir se permettre. Nous le devons aussi à nos alliés de l’OTAN.Mais derrière les discours sanguinaires de personnalités comme Johnston, les appels de Zelensky à lancer des «sanctions préventives» contre la Russie sont restés lettre morte.
L’attention s’est ensuite portée sur le président français Emmanuel Macron. Pendant la conférence de Munich, il a annoncé qu’il avait reçu des «assurances personnelles» du président Poutine. Ce n’est pas la première fois, bien sûr, qu’un dirigeant mondial revient d’une conférence à Munich en revendiquant de telles assurances, comme l’a fait l’ancien Premier ministre britannique Neville Chamberlain en 1938 après avoir rencontré Hitler. Le ministre britannique de la défense a parlé de «l’odeur de Munich», laissant entendre que le résultat était une répétition de l’«apaisement» d’avant la Seconde Guerre mondiale. Au moins, Macron n’a pas brandi un morceau de papier. Néanmoins, la prochaine étape prévue devait être un retour au «format Normandie» – des négociations entre la France, l’Allemagne, l’Ukraine et la Russie sur la mise en œuvre de Minsk 2 et le statut de la RPD/RPL. S’il existe aujourd’hui la moindre possibilité d’un accord diplomatique, ce sera dans ce sens.
Il sera loin d’être facile de parvenir à un accord. La Russie utilisera l’occupation effective des deux républiques pour exercer une pression énorme sur Kiev, même si elle n’empiète pas davantage sur le pays. Zelensky, quant à lui, subira d’énormes pressions pour ne pas céder. Mais l’existence même de la RPD et de la RPL empêchera l’Ukraine de rejoindre l’OTAN ou l’UE, les États qui ne peuvent garantir leurs propres frontières n’étant pas acceptés.
Souffrances en Ukraine orientale
Les personnes vivant en RPD et en RPL sont actuellement les plus touchées par la crise. Au cours du week-end, les chefs de guerre pro-russes ont annoncé la mobilisation de leurs forces de défense et l’évacuation des femmes, des enfants et des personnes âgées vers la Russie. Des dizaines de milliers de personnes ont fui pendant la nuit mais ont dû dormir dans des bus vétustes par des températures négatives. Plusieurs ont le sentiment d’avoir été poussé·es par la panique à partir inutilement – une mère de famille a raconté qu’on l’avait persuadée de partir avec ses enfants, sans même avoir le temps d’en parler à son mari.
Pendant ce temps, les politiciens russes sont cyniquement déconnectés de la réalité. Alors que la télévision russe couvre l’arrivée de bus remplis d’enfants réfugiés et de grands-mères en larmes en provenance de l’Est de l’Ukraine, des députés suggèrent qu’ils soient logés dans les appartements de ceux qui sont morts de la covid. D’autres proposent que les employé·es de l’État perdent leur 13e salaire mensuel (une prime de fin d’année destinée à compenser les mauvais salaires) pour payer cette mesure. Les patients qui se remettent de maladies graves sont renvoyés des hôpitaux et les foyers d’étudiants sont repris pour accueillir les réfugié·es.
De nombreux rapports émanant de la RPD/RPL suggèrent un grand scepticisme à l’égard des autorités. Des personnes s’adressant anonymement à la presse affirment que les attaques sont exagérées et se plaignent de ne pas pouvoir parler ouvertement par téléphone, sachant qu’elles sont écoutées. L’un d’entre eux a fait le commentaire suivant : «Les nantis, les hommes d’affaires, les banquiers et les bandits – ils ont tous fui en 2014». D’autres parlent d’une guerre attisée par les politiciens.
Les intérêts des Ukrainiennes et des Ukrainiens ordinaires sacrifiés
L’Ukraine risque d’en subir les conséquences pendant des mois, voire des années. Les entreprises étrangères ont fui et la fièvre de la guerre a entraîné une fuite de capitaux de 15 milliards de dollars, une somme qui fait oublier l’aide financière d’un peu plus de 2 milliards de dollars promise par les États-Unis et l’UE la semaine dernière.
C’est ce qu’a reflété le discours de Volodymyr Zelensky lors de la Conférence sur la sécurité de Munich ce week-end. Il a parlé de l’Ukraine comme du «bouclier de l’Europe», mais s’est plaint que depuis 2014, l’OTAN et l’UE refusent de l’accepter comme membre. Il a averti que le «format Budapest» (l’accord de 1994 en vertu duquel l’Ukraine a renoncé aux armes nucléaires en échange de garanties de sécurité) avait laissé le pays sans armes et sans sécurité. Dans ce cas, a-t-il dit, «nous serons libérés de nos obligations». Il poursuit : « Si on nous dit tous les jours qu’il y aura une guerre demain, que se passera-t-il dans le pays à part la panique ? Qu’adviendra-t-il de notre économie ? Vous nous dites : réalisez des réformes, améliorez votre gestion, luttez contre la corruption – et alors nous vous aiderons. Mais à nos frontières, il y a 150 000 soldats. Peut-être devriez-vous faire quelque chose à ce sujet avant d’exiger que nous fassions quelque chose ? »
Une nouvelle guerre froide
La situation actuelle s’inscrit dans le cadre de la polarisation et du réalignement croissants du monde entre les intérêts impérialistes américains et chinois. L’OTAN a renforcé sa présence en Europe de l’Est, avec des bases en Pologne, en Roumanie et dans les trois États baltes, qui ont tous une frontière avec l’ancienne Union soviétique. 12 000 soldats de l’OTAN soutiennent le quart de million de personnel local dans ces pays. Depuis 2016, le ministère américain de la défense a envoyé une aide militaire d’une valeur de 1,65 milliard de dollars à l’Ukraine, tandis que le Royaume-Uni a envoyé 1,7 milliard de dollars depuis 2020. D’autres puissances de l’OTAN, comme le Canada, la France et la Turquie, ainsi que les pays baltes, ont également apporté leur aide, mais à une échelle bien moindre. Pendant les tensions actuelles, l’OTAN a rapidement envoyé davantage d’unités et d’équipements en Ukraine et chez ses voisins. Il s’agit d’une conséquence réelle de la politique intransigeante de l’administration Biden, qui désigne la Chine comme le «principal concurrent» et la Russie comme «le plus dangereux».
Les efforts de Biden pour persuader l’Allemagne et la France de présenter un front uni se heurtent à leurs intérêts. En effet, si une guerre totale se développe, il y aura une crise économique et une vague massive de réfugié·es. L’Allemagne dépend de la Russie pour son approvisionnement en énergie, notamment en gaz. Des sanctions entraîneront des pénuries d’énergie et une hausse massive des prix pour les consommateurs européens. C’est en partie pour cette raison que les États-Unis ont poussé l’UE à diversifier ses fournisseurs d’énergie, afin qu’elle ne soit pas aussi dépendante de la Russie. L’Allemagne a subi des pressions pour qu’elle retire son soutien à Nord Stream 2, qui attend la certification finale pour commencer à fonctionner.
Dans ce contexte, les États-Unis ont retiré de manière inattendue leur soutien au gazoduc de la Méditerranée orientale, qui aurait permis le transit direct de l’énergie d’Israël et du Moyen-Orient vers l’Europe. Il semble que cela ait été fait pour apaiser la Turquie, car Erdogan a exprimé son soutien ouvert à l’Ukraine dans cette crise, et offre une voie détournée pour transférer des armes à Kiev. Une usine de fabrication de drones turcs a déjà été construite à Kiev.
Après avoir crié au loup pendant des semaines, la Maison Blanche a doublé la mise, prédisant des opérations sous faux drapeau par les Russes comme prétexte pour envahir. La stratégie militaire du Kremlin comprend la conduite d’une «guerre hybride» – l’utilisation combinée de la guerre électronique, de mercenaires (Moscou pourrait faire valoir l’ignorance et nier sa responsabilité de façon plausible), de l’ingérence politique et des provocations. Il n’est pas le seul à le faire. Les forces impérialistes américaines, britanniques, françaises et autres pratiquent depuis longtemps de telles méthodes. Leur utilisation, cependant, dans les coulisses, rend difficile l’analyse de qui a fait quoi, quand et où. Le dangereux mélange de bellicisme occidental et de cyberguerre russe a créé une situation qui sera bientôt impossible à contrôler.
L’impérialisme russe
Les politiques du Kremlin se sont également durcies au cours de la dernière décennie. Lorsqu’il se plaint aujourd’hui de l’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est, il oublie que pendant la première décennie du mandat de Poutine, il a «coopéré» avec l’OTAN, l’autorisant même à utiliser une base aérienne en Russie comme point de passage vers l’Afghanistan. Lors de sa première élection, Poutine a même évoqué la possibilité que la Russie rejoigne l’OTAN ! En 2019, cependant, la Russie est entrée en concurrence directe avec l’OTAN. Après avoir renforcé sa position au niveau mondial en Syrie et en Afrique centrale, elle a accru son influence en Biélorussie et au Kazakhstan. Le plus inquiétant pour l’impérialisme américain est que la coopération sino-russe s’intensifie. Pendant les jeux d’hiver de Pékin, Xi et Poutine ont signé un nouvel accord pour que la Russie augmente ses exportations d’énergie à la Chine en échange d’une opposition commune à de nouvelles «révolutions de couleur».
Les photos des longues discussions à la table de Poutine, d’abord avec Macron, puis avec le ministre des affaires étrangères Sergey Lavrov et le ministre de la défense Sergey Shoigu au bout d’une table encore plus longue, sont révélatrices de l’atmosphère dans laquelle le Kremlin prend désormais ses décisions ! Depuis le début de la pandémie, Poutine est isolé de la société et les conseils qu’il reçoit sont de plus en plus déséquilibrés. Lavrov, lors de sa rencontre, a rendu compte des discussions avec Macron et d’autres. Il a déclaré que, bien qu’aucun progrès n’ait été réalisé sur les principales demandes de la Russie, notamment le retrait de l’OTAN aux frontières de 1997, il y a eu des développements intéressants dans d’autres domaines. M. Lavrov a déclaré qu’il y avait encore de la place pour la diplomatie, mais que si Poutine le voulait, il devrait aller de l’avant avec la reconnaissance de la RPD et de la RPL.
Une décision formelle de reconnaître les deux républiques a été adoptée par la Douma d’État, à l’initiative du parti communiste réactionnaire. Alors que de nombreux députés du parti au pouvoir ont voté en faveur de la résolution, la position du Kremlin a été de prendre note de la décision, de suggérer que les députés de la Douma reflètent l’opinion publique et de laisser à Poutine le soin de décider de la date de signature de la proposition.
Malgré son caractère autoritaire, le régime doit tout de même tenir compte du fait que les Russes accepteront ou non une guerre pour l’Ukraine. 2022 n’est pas 2014, lorsqu’une vague patriotique massive a résulté de la prise de contrôle de la Crimée. Aujourd’hui, la plupart des Russes n’a pas le cœur à une guerre contre l’Ukraine : ils sont aux prises avec une baisse du niveau de vie, une inflation galopante et, pendant la pandémie, plus d’un million de «morts en trop» en Europe de l’Est. La méfiance à l’égard de tout ce que dit le gouvernement s’accroît. Des rapports font état d’une opposition à une invasion totale, même dans les rangs de l’armée et des services spéciaux.
Poutine peut être heureux d’avoir le soutien de Pékin, mais si une guerre prolongée épuise les ressources économiques, il pourrait bien devoir demander à Xi de le renflouer.
La position des socialistes sur l’Ukraine
Cette situation démontre ce que nous disions il y a 30 ans, à savoir que lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, ni les économies, ni les droits nationaux et démocratiques des habitants de la région ne seraient protégés par la restauration du capitalisme.
Les socialistes ne doivent pas prendre parti entre les différentes puissances impérialistes. Il ne nous appartient pas de juger les affirmations des Russes selon lesquelles c’est l’armée ukrainienne qui a déclenché les tirs d’artillerie, ou encore celles de Kiev (reprises par la Maison Blanche) selon lesquelles les forces des républiques contestées sont responsables, que ce sont des opérations sous faux drapeau pour justifier une invasion russe. Il est également possible que les attaques n’aient pas été sanctionnées par le Kremlin, mais que les dirigeants réactionnaires des deux républiques les ont organisées pour pousser la Russie à intervenir.
Ce qui est important, c’est le droit de l’Ukraine d’être un État indépendant. L’Alternative socialiste internationale défend ce droit de manière inconditionnelle. Toutes les troupes impérialistes, qu’elles viennent de Russie ou de l’OTAN, doivent être retirées immédiatement d’Ukraine et d’Europe de l’Est. Pour réduire la tension, les troupes russes qui se trouvent actuellement le long de la frontière devraient retourner dans leurs casernes.
Depuis que l’Ukraine est devenue indépendante (soit depuis l’effondrement de l’Union soviétique), son élite dirigeante et les oligarques qui la soutiennent ont entraîné le pays dans le conflit entre les puissances économiques mondiales. Les ressources naturelles du pays, les banques et les grandes entreprises doivent être retirées des mains des oligarques et des multinationales et devenir propriété publique sous le contrôle démocratique des travailleuses et des travailleurs.
Dans le même temps, l’Ukraine doit respecter les droits de ses propres minorités et régions. Il convient de rappeler que ce sont les tentatives du gouvernement de l’après-Euromaïdan (mouvement qui a mené à la chute du président pro-russe Ianoukovytch en 2014) de restreindre les droits de la langue russe ainsi que la crainte d’une partie de la population face à la croissance de l’influence de l’extrême droite qui ont créé le mécontentement initial que le régime russe a ensuite exploité. Les droits linguistiques doivent être respectés. Si une minorité ou une région souhaite l’autonomie, voire la sécession, elle doit avoir le droit de le faire. Mais toute décision doit être prise sans aucune présence militaire, et lors de votes démocratiques, contrôlés par la population locale.
Nous ne pouvons faire confiance à aucune des puissances impérialistes. L’Occident a démontré à maintes reprises – en Irak, en Syrie, en Serbie, en Libye et ailleurs – qu’il n’est pas le garant de la démocratie ou de la souveraineté. Il défend les intérêts de la classe capitaliste qu’il représente. La Russie non plus n’est certainement pas un défenseur du peuple «slave» qu’elle prétend soutenir – ses propres actions contre le peuple russe lui-même le démontrent. L’État russe agit pour soutenir les intérêts de l’oligarchie russe, tout comme l’Occident. Ses «troupes de maintien de la paix» ne sont pas en Ukraine pour «maintenir la paix» mais pour défendre les intérêts économiques et politiques de l’élite dirigeante russe.
Les socialistes doivent s’exprimer et appeler à un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste. Ce n’est peut-être pas la tâche la plus facile, car beaucoup de militant·es qui se seraient opposé·es aux attaques impérialistes contre des pays comme l’Irak sont maintenant divisé·es. Certains soutiennent la Russie et la Chine dans leur opposition à l’impérialisme américain, d’autres s’opposent à l’agression russe et soutiennent pleinement l’Ukraine et ses bailleurs de fonds impérialistes.
Cependant, en tant que socialistes, nous ne pouvons pas soutenir l’une ou l’autre des puissances impérialistes qui se disputent le sort de l’Ukraine. Son destin en tant que pays indépendant, libre de toute intervention extérieure, ne peut être confié à l’élite dirigeante du capital occidental ou russe. Seule une lutte unie de la classe ouvrière contre les bellicistes dans chaque pays peut créer la situation dans laquelle l’Ukraine peut être véritablement indépendante.
La classe ouvrière ukrainienne devrait jouer un rôle majeur à cet égard. Si elle s’organise pour défendre les foyers et les emplois contre les attaques militaires, si elle veille à ce que la lutte ne soit pas détournée vers des lignes nationalistes ou pro-capitalistes en menant une lutte unie de tous les travailleurs d’Ukraine, indépendamment de leur nationalité ou de leur langue, elle pourrait lancer un puissant appel à la solidarité aux travailleuses et aux travailleurs de Russie, d’Europe et des Etats-Unis. Ainsi unis, la classe ouvrière et la jeunesse peuvent mettre fin au cauchemar de la guerre, garantir le droit à l’autodétermination et ouvrir la voie à une société nouvelle, démocratique et socialiste.
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Non à la guerre en Ukraine ! L’unité des travailleurs est la clé

Les représentants politiques de la classe capitaliste sont incapables de trouver une issue à la crise sanitaire. Mais pour faire la guerre, pas de souci. Le gouvernement fédéral veut dégager 14 milliards d’euros pour la Défense… et quasiment rien pour nos factures d’énergie ou nos soins de santé. Entretemps, 100.000 soldats russes sont massés près de la frontière ukrainienne et le Pentagone prévoit d’envoyer jusqu’à 50.000 soldats en Europe de l’Est.
- Tract en version PDF
- Dossier de Социалистическая Aльтернатива (Sotsialisticheskaya Alternativa, ASI-Russie) “Nouvelle guerre froide : non à la guerre en Ukraine!”
Tout en expliquant ne pas vouloir de conflit, les deux systèmes impérialistes – les États-Unis à travers l’OTAN et la Russie – s’affrontent, attisant la folie guerrière à un niveau tel qu’un léger accident pourrait déclencher une guerre à l’ampleur inédite en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
L’enjeu impérialiste
Le régime de Poutine menace d’une réponse militaire non précisée à moins qu’il ne soit garanti que l’OTAN ne s’étende plus davantage à travers l’Europe de l’Est et retire ses armes aux frontières russes. Les États-Unis, pour leur part, insistent avec arrogance sur le fait que tout pays qui le souhaite peut adhérer à l’OTAN.
Le monde est de plus en plus polarisé entre intérêts impérialistes divergents. Biden considère la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, mais qualifie en même temps la Russie de « plus grande menace » en raison de la manière dont celle-ci utilise sa puissance militaire. Elle a perturbé les projets américains pour l’éviction de Bachar el-Assad en Syrie et est intervenue en Libye. Les intérêts occidentaux ont reculé en République centrafricaine et au Mali, où sont arrivés des mercenaires russes. En 2014, le Kremlin a exploité les événements autour de « l’Euromaïdan » pour prendre le contrôle de la Crimée et consolider sa position à l’Est de l’Ukraine. Depuis lors, malgré les cessez-le-feu négociés à Minsk, le conflit militaire s’est poursuivi et a fait 14.000 victimes.
Le peuple ukrainien, lui, est traité comme un pion. Son destin est décidé par des forces qui échappent à son contrôle. Ce sont les travailleurs et les pauvres d’Ukraine et des pays impérialistes qui perdront leurs vies et leurs foyers en raison de cette guerre inutile, tandis qu’une nouvelle vague de réfugiés sera traitée de manière inhumaine. Les menaces de sanctions n’ont pour effet que d’augmenter les tensions et les factures d’énergie tout en faisant craindre des troubles de livraison de gaz.
Stopper la guerre
Le conflit entre puissances impérialistes aux intérêts divergents crée les conditions du développement des guerres. Aucune confiance ne doit donc leur être accordée pour négocier. Les Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou encore l’OTAN n’ont jamais été capables de stopper une guerre sans en faire payer le prix aux travailleurs et aux pauvres. Les forces et le matériel militaire de toutes les puissances impérialistes – celles de la Russie et celles de l’OTAN – doivent être retirés d’Ukraine et d’Europe de l’Est.
L’Ukraine a le droit de se défendre, mais dans quel intérêt et de quelle manière ? L’élite ukrainienne appelle à « l’unité nationale ». Concrètement, cela signifie la défense du règne des oligarques qui, depuis l’indépendance, ont laissé l’Ukraine sauter d’une crise à l’autre. Alors qu’ils n’ont cessé de s’enrichir, le revenu moyen des ménages est désormais inférieur de 20 % à ce qu’il était en 2013.
Une attaque contre l’un d’entre nous est une attaque contre nous tous
Un puissant mouvement anti-guerre reposant sur l’unité de la classe ouvrière dans la défense de ses foyers et de ses lieux de travail pourrait lancer un appel de classe retentissant aux travailleurs en Ukraine, en Russie, aux États-Unis et ailleurs pour favoriser leur entrée en action afin de stopper la guerre. Cela exige un mouvement international, des manifestations de masse et même des grèves aux États-Unis, en Russie et dans les pays de l’OTAN. Le mouvement ouvrier a un rôle crucial à jouer pour s’opposer à quiconque tenterait de déclencher une guerre entre les peuples, non pas par pacifisme abstrait, mais dans le cadre du combat pour le renversement du système qui cause la guerre : le capitalisme.
- Non à la guerre en Ukraine !
- Impérialismes russe et américain : bas les pattes de l’Ukraine !
- Belgique hors de l’OTAN, l’OTAN hors de Belgique.
- Pas de militarisation de l’énergie : nationalisation du secteur sous contrôle ouvrier, dans toute la chaîne d’approvisionnement.
- Pour la construction d’un mouvement anti-guerre qui force les gouvernements impérialistes à :
◊ Stopper la course à l’armement et le transport de troupes et de matériel militaire vers l’Europe de l’Est.
◊ Stopper la surenchère de provocations et de menaces. - Pour un avenir débarrassé des guerres, du terrorisme, de l’oppression et de l’exploitation : un avenir socialiste démocratique.
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Nouvelle guerre froide : Non à la guerre en Ukraine !

L’unité des travailleurs est essentielle pour lutter contre la menace de guerre
Des tremblements de terre politiques et économiques se préparent à l’échelle mondiale alors que les forces de l’impérialisme américain et chinois passent d’un état de coopération à une concurrence ouverte. Alors que ces forces entrent en collision, l’onde de choc se propage dans le monde entier et désorganise, perturbe et réorganise les relations entre différentes puissances impérialistes. L’épicentre de cette perturbation est actuellement l’Ukraine.
Par Социалистическая Aльтернатива (Sotsialisticheskaya Alternativa, ASI-Russie)
Bien que les deux parties affirment ne pas vouloir de conflit, les impérialismes américain et russe s’affrontent, attisant la folie guerrière à un tel point que la loi des conséquences involontaires pourrait déclencher une guerre chaude, dont l’ampleur potentielle n’aura pas été vue en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Au milieu de tout cela, le peuple ukrainien est traité comme un pion, son destin étant décidé par des forces indépendantes de sa volonté. Ce sont les travailleurs et les pauvres d’Ukraine, et des pays impérialistes qui perdront leurs vies, leurs maisons et leurs moyens de subsistance en conséquence de cette guerre inutile.
Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) s’oppose totalement aux plans des vautours impérialistes et appelle à la construction d’un mouvement anti-guerre de masse reposant sur la solidarité entre travailleurs d’Ukraine, des Etats-Unis et de Russie.
En Ukraine, les bellicistes soulignent que l’invasion est imminente. L’ancien chef des forces spéciales ukrainiennes, Sergey Krivonos, a affirmé à la télévision centrale que des plans sont en cours d’élaboration pour faire venir des milliers de parachutistes russes dans les aéroports autour de Kiev afin de s’emparer de la ville. L’ancien président Porochenko estime que l’attaque consistera en des missiles balistiques “Iskander” tirés depuis la mer et au-delà de la frontière pour détruire les principaux actifs ukrainiens. Le président Zelensky voit les envahisseurs faire entrer les chars par Kharkov. Des témoins oculaires rapportent que les aéroports de fret ukrainiens connaissent une augmentation massive des vols, tandis que dans les parcs des villes, des forces volontaires sont entraînées au combat.
Ces derniers jours, peut-être pour calmer la population, des voix plus sobres se sont élevées à Kiev. Après l’évacuation largement médiatisée des familles des diplomates américains, britanniques et australiens de Kiev, une réunion d’urgence du “Conseil pour la sécurité nationale et la défense” de l’Ukraine a été convoquée. Lors du point de presse, son secrétaire Aleksey Danilov a déclaré : « Nous ne voyons aujourd’hui aucune base pour confirmer une invasion à grande échelle. Il est impossible que cela se produise, même physiquement (…) Aujourd’hui, nous pouvons voir (aux frontières de l’Ukraine) environ 109.000 soldats. Nous voyons environ 10 à 11 000 “convois”, des forces d’escorte. Si nos partenaires pensent qu’il s’agit d’une forte augmentation du nombre de troupes, pour nous, ce n’est pas nouveau. Une augmentation de 2 à 3.000 hommes n’est pas critique. »
Sur ICTV également, le ministre ukrainien de la Défense, Aleksey Reznikov, a déclaré : « Aujourd’hui, à l’heure actuelle, pas une seule force de frappe des forces armées de la Fédération de Russie n’a été formée, ce qui confirme qu’elles ne préparent pas une attaque imminente. » Il a comparé la situation à celle d’avril dernier, ajoutant qu’il n’accordait pas une grande importance à l’idée qu’une attaque aurait lieu le 20 février.
Non à l’intervention impérialiste
Les puissances étrangères continuent cependant à faire monter la température. À l’ouest, les États baltes, la Grande-Bretagne, le Canada et la Turquie envoient des armes et de petits contingents de troupes « pour s’entraîner ». Le Pentagone, selon le New York Times, a préparé des plans pour envoyer jusqu’à 50.000 soldats en Europe de l’Est, et on rapporte aujourd’hui que 8.500 d’entre eux ont été placés en « alerte renforcée ».
En Russie, les informations sont plus difficiles à obtenir. Il est clair qu’il y a une augmentation significative des activités militaires. L’arsenal est déplacé, des exercices conjoints Russie-Biélorussie avec utilisation d’artillerie réelle sont menés à 40 kilomètres de la frontière ukrainienne. Des exercices navals impliquant 140 navires ont été annoncés dans toutes les mers entourant la Russie, du Pacifique à la mer Noire. Des navires des puissances occidentales et de la Russie se déplacent en Méditerranée et en mer Noire.
Les pourparlers se poursuivent sous toutes sortes de formes, mais aucune avancée n’a encore été réalisée.
Les scénarios possibles
Une invasion complète de l’Ukraine par la Russie est l’option la moins probable dans cette situation. Cela n’empêche pas les bellicistes occidentaux de parler comme si elle était déjà imminente. L’Institute for the Study of War, qui se présente comme une « organisation de recherche sur les politiques publiques, non partisane et à but non lucratif », engagée à aider les États-Unis à atteindre leurs objectifs stratégiques, a largement diffusé sa carte des « plans potentiels pour une invasion complète de l’Ukraine ».
Selon cette carte, la Russie attaquera à partir de la Crimée et des républiques non reconnues de Donetsk et de Lugansk (DNR/LNR) pour détourner les forces ukrainiennes. Des forces mécanisées descendront ensuite du nord-est pour encercler Kiev, Dnipro et Kharkiv – 3 villes dont la population combinée dépasse les 5 millions d’habitants. Ensuite, des forces navales ou des troupes envoyées par avion dans la république moldave sécessionniste de Transnistrie envahiront l’ouest pour s’emparer d’Odessa et de la côte de la mer Noire. D’autres troupes entreront par la Biélorussie au nord, traversant au passage les terrains radioactifs autour de Tchernobyl.
Si la Russie devait envahir de cette manière, le coût humanitaire serait impensable. Avec une population deux fois plus nombreuse que celle de l’ex-Yougoslavie, qui a éclaté en guerres interethniques au début des années 1990, faisant 140.000 morts et 4 millions de réfugiés, une occupation de l’Ukraine pourrait faire des centaines de milliers de morts et plusieurs millions de réfugiés. Selon toute probabilité, un tel conflit entraînerait les États baltes voisins et la Pologne.
S’agit-il d’un scénario probable ?
Compte tenu de la volatilité de la région, avec les récents soulèvements populaires au Bélarus et au Kazakhstan, la guerre au Nagorny-Karabakh et les manifestations de masse en Russie, en Géorgie et en Arménie, la politique étrangère agressive de l’administration Biden et les politiques autoritaires et expansionnistes du Kremlin, rien ne peut être exclu. Mais comme le soulignait Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Ce qui déterminera les événements sera l’issue de la lutte politique entre les puissances impérialistes, ainsi qu’au sein des pays impliqués.
Le conflit porte peut-être sur le sort de l’Ukraine, mais le fait qu’au cours de la première semaine de négociations, qui a débuté par un dîner entre diplomates américains et russes à Genève, l’Ukraine n’ait même pas été invitée témoigne du cynisme extrême des puissances impérialistes. Bien que nous soyons maintenant dans la troisième semaine, aucune solution n’a été trouvée jusqu’à présent au cours de ces pourparlers.
La Fédération de Russie s’en tient à ce qu’elle appelle ses lignes rouges : L’OTAN ne doit pas s’étendre davantage en Europe de l’Est, l’Ukraine et la Géorgie ne doivent jamais être autorisées à y adhérer, et les armes de l’OTAN ne doivent pas se trouver aux frontières russes.
Les États-Unis, pour leur part, insistent avec arrogance sur le fait que tout pays qui le souhaite peut adhérer. Depuis lors, plusieurs pays de l’OTAN ont envoyé des armes à l’Ukraine, tandis que l’OTAN elle-même envoie des navires et des avions de chasse supplémentaires en Europe orientale. L’Ukraine est sacrifiée pour être le théâtre d’une guerre par procuration entre les puissances impérialistes.
L’ensemble du processus s’accompagne de dangereuses manœuvres. L’impérialisme occidental, fidèlement rapporté par les médias grand public, ne connaît aucune limite. Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, avant sa rencontre avec le ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov, a déclaré que la Russie avait derrière elle une « longue histoire de comportement agressif ». « Cela inclut l’attaque de la Géorgie en 2008 et l’annexion de la Crimée en 2014, ainsi que « l’entraînement, l’armement et la direction » d’une rébellion séparatiste dans l’est de l’Ukraine. » Il a omis, bien sûr, de mentionner qu’au cours des deux dernières décennies, les États-Unis ont bombardé Belgrade, envahi l’Afghanistan et l’Irak, mené de nombreuses interventions en Syrie, en Libye, au Yémen et dans de nombreuses régions d’Afrique.
Bien que relativement discrets par rapport à la propagande extrême menée lors de la prise de contrôle de la Crimée il y a huit ans, les médias russes diffusent régulièrement des informations sur les provocations prévues par les forces ukrainiennes contre la République populaire de Donetsk et la République populaire de Lougansk (RPD/RPL). Fidèle à ses habitudes, c’est le parti communiste qui chante le plus fort dans le chœur des bellicistes. Il appelle la Douma d’État à reconnaître officiellement la RPD/RPL. Même le porte-parole du Kremlin prévient que cela serait perçu comme l’agression contre laquelle l’Occident met en garde. Joe Biden a affirmé que toute tentative des forces russes de franchir la frontière serait considérée comme « une invasion ». En retardant l’adoption de la proposition, les personnalités pro-Kremlin suggèrent que cela compromet leur « plan B ». Ils ne précisent pas en quoi consiste le « plan A », mais il est suggéré que cela signifie l’aboutissement des négociations.
L’expansion de l’OTAN
Poutine fait souvent référence à la promesse faite par l’impérialisme américain à l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev en février 1990 selon laquelle si l’armée soviétique se retirait d’Allemagne de l’Est, et qu’elle devenait de facto membre de l’OTAN dans la nouvelle Allemagne unifiée, l’OTAN ne s’étendrait pas davantage à l’Est. Depuis lors, l’OTAN s’est étendue de plus de 800 km jusqu’à la frontière entre la Russie et les États baltes. Partie intégrante de la Russie, l’enclave de Kaliningrad est entourée sur toutes ses frontières terrestres par des États de l’OTAN. En 2008, lors du sommet de Bucarest, l’OTAN a conclu une alliance avec la Géorgie et l’Ukraine, dans le but de les faire adhérer à terme. En cas d’adhésion, les forces de l’OTAN s’étendraient sur plus de 4.000 kilomètres de frontière russe.
Désormais annuels, les exercices « Défendre l’Europe » ont impliqué 28.000 soldats en 2021. Ils ont été mobilisés, selon le chef de l’armée américaine en Europe et en Afrique, le général Chris Cavoli « vers des zones opérationnelles dans toute l’Europe, notamment en Allemagne, en Pologne, dans les États baltes, dans d’autres pays d’Europe de l’Est, dans les pays nordiques et en Géorgie. » Ces exercices ne sont qu’une partie des activités des puissances occidentales dans la région. 5.000 soldats, 32 navires et 40 avions ont participé aux exercices des manœuvres maritimes « Sea Breeze » de l’été dernier en mer Noire.
Cela fait partie de la polarisation continue du monde entre les différents intérêts impérialistes. L’administration Biden considère certainement la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, et elle a construit avec détermination des alliances pour la défier au niveau mondial. Dans le même temps, elle considère la Russie comme « la plus grande menace », en raison de la manière dont elle utilise sa puissance militaire pour interférer avec l’expansion des intérêts américains et pour contribuer à diviser les alliés des États-Unis. La Russie a perturbé les plans américains visant à évincer Assad en Syrie et est intervenue en Libye. Les intérêts occidentaux ont été réduits en République centrafricaine et au Mali, où sont arrivés des mercenaires russes.
L’Union européenne mise sur la touche
Ces événements ont marqué une nouvelle étape dans la minimisation par les États-Unis de leurs relations avec l’Europe. La mise en place de l’alliance AUKUS et le départ soudain de l’Afghanistan avaient, comme l’a observé un commentateur, confirmé que : « les Chinois de la Maison Blanche conduisent le bus. Et ils ne considèrent pas l’UE en tant que partenaire utile sur les sujets qui comptent pour les États-Unis ». L’UE n’a pas non plus été invitée aux discussions de la semaine dernière, sauf en tant que membre individuel de l’OTAN.
Cette situation reflète en partie les divisions au sein même de l’UE. Le Kremlin cultive depuis plusieurs années le soutien des forces populistes de droite, notamment en Italie, en France et en Autriche, tandis qu’après la crise de 2014, lorsque la Russie s’est emparée de la Crimée et que le RPD/RPL a été créé, la France et l’Allemagne ont rompu les rangs, intervenant pour tenter de résoudre la question dans ce qui est devenu le Format Normandie, responsable des pourparlers de Minsk. La Pologne aussi, déjà en conflit avec Bruxelles sur la question de savoir si les lois de l’UE l’emportent sur la constitution polonaise, est mécontente que l’UE n’agisse pas fermement sur ce conflit.
Les États-Unis souhaitent une approche unifiée avec l’UE pour appliquer les sanctions. Il semble que les sanctions contre des personnalités du régime russe, y compris, semble-t-il, contre Poutine lui-même, soient acceptées. Mais la France vient de prendre la présidence de l’UE pour six mois. Macron a explicitement déclaré que les sanctions contre la Russie ne fonctionnent pas, tandis que d’autres membres de l’UE ne sont pas d’accord sur ce qui devrait déclencher les sanctions. La sanction qui semble être largement acceptée consiste à couper l’économie russe du système d’information bancaire SWIFT.
Le sort du gazoduc Nord Stream 2 est plus controversé. La production de gaz naturel en provenance de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de Norvège devrait diminuer dans les années à venir, au moment même où la demande devrait exploser, car le gaz naturel est considéré comme une source d’énergie plus propre. Pour remédier à cette situation, la Russie a construit le nouveau gazoduc Nord Stream 2 sous la mer Baltique, qui permettra d’acheminer le gaz directement vers l’Allemagne. Il présente l’avantage supplémentaire de priver l’Ukraine des revenus qu’elle tire du transit du gaz.
Le gazoduc a été rempli à la fin du mois de décembre et attend maintenant que les autorités allemandes délivrent la certification finale pour pouvoir commencer à fonctionner. Un quart du pétrole et plus de 40 % du gaz de l’UE proviennent actuellement de Russie. On estime que Nord Stream 2 a la capacité de répondre à lui seul à un tiers des futurs besoins en gaz de l’UE. Des sanctions contre Nord Stream 2 signifieraient un sérieux affaiblissement de l’économie, en particulier lorsque les prix de l’énergie s’envolent.
C’est pourquoi les États-Unis se sont heurtés à une résistance pour bloquer Nord Stream 2. La nouvelle coalition fédérale allemande a connu sa première crise majeure sur cette question. Le chancelier Olaf Scholz, du parti social-démocrate, s’oppose publiquement aux sanctions contre Nord Stream 2, ce qui reflète les intérêts de l’élite économique allemande. Merkel a soutenu le projet, et l’ancien chancelier Gerhard Schröder est président du comité des actionnaires de Nord Stream 2. La ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock, membre des Verts, appelle toutefois à des sanctions. Elle explique qu’il s’agit d’une “politique étrangère féministe”, bien que si des sanctions et une guerre résultent de cette politique, ce serait un revers majeur pour les femmes en Ukraine et en Russie.
La Turquie, également membre de l’OTAN, est un autre acteur de ce dangereux jeu de guerre. Erdogan a suggéré que le pays pourrait servir d’hôte aux négociations entre la Russie et l’Ukraine, manquant manifestement l’ironie lorsqu’il a critiqué la Russie en disant « Vous ne pouvez pas gérer ces choses en disant ‘je vais envahir quelque chose, je vais le prendre’. »
La Turquie et la Russie ont une relation que l’on peut décrire comme une rivalité coopérative, parfois d’accord lorsqu’il s’agit de critiquer les États-Unis, d’autres fois en conflit comme en Syrie. À la suite de la récente guerre du Haut-Karabakh, où l’Azerbaïdjan a bénéficié d’un soutien important de la part de la Turquie, Erdogan a publiquement soutenu la revendication de Kiev sur la Crimée. Une usine proche de Kiev a commencé à produire des drones de conception turque, qui ont déjà été utilisés dans l’est de l’Ukraine.
Les relations américano-turques sont au plus bas. L’achat par Erdogan de missiles à la Russie en 2019 a entraîné des sanctions de la part des États-Unis. Maintenant, le pays veut acheter des chasseurs américains pour moderniser son armée de l’air. Une partie de l’élite américaine considère toujours Ankara comme un allié potentiel contre la Russie, donc ferme les yeux sur le danger d’un effondrement de l’économie turque, la croissance de l’autoritarisme, et les désaccords précédents par peur de couper complètement les relations, et de laisser la Turquie beaucoup plus proche du pivot Chine-Russie en développement.
Les plans du Kremlin
Conscient que le développement de la guerre froide va, selon toute vraisemblance, pousser le Kremlin à se rapprocher du régime chinois, Biden a intérêt à affaiblir une force militaire aussi importante avant qu’une telle union ne gagne trop de terrain. Les affirmations de la Maison Blanche selon lesquelles cette démarche s’inscrit dans le cadre de sa politique de « promotion d’une action collective mondiale pour stimuler la démocratie » ont été balayées par la précipitation à soutenir la répression brutale du régime du Kazakhstan.
Dans un essai extraordinaire publié par le Kremlin à la mi-2019, Poutine justifie sa conviction que l’Ukraine fait partie de la Russie en se référant, entre autres, à : « Le choix spirituel fait par saint Vladimir… le trône de Kiev [qui] occupait une position dominante dans la Rus antique… la coutume depuis la fin du IXe siècle… le conte des années révolues… les paroles d’Oleg le prophète à propos de Kiev : “Qu’elle soit la mère de toutes les villes russes”. »
À l’approche des temps modernes, il s’en prend aux bolcheviks de Lénine pour avoir permis au peuple ukrainien de décider lui-même de son destin, en disant : « Le droit pour les républiques de faire librement sécession de l’Union a été inclus dans le texte de la Déclaration sur la création de l’Union des républiques socialistes soviétiques et, par la suite, dans la Constitution de l’URSS de 1924. Ce faisant, les auteurs ont planté dans les fondations de notre État la bombe à retardement la plus dangereuse, qui a explosé dès que le mécanisme de sécurité fourni par le rôle dirigeant du PCUS a disparu… »
Ces citations à elles seules réfutent toute suggestion selon laquelle Poutine veut restaurer l’URSS ou, comme le font certaines personnalités de gauche, justifier le soutien à la Russie en tant que régime plus progressiste. Il s’inspire de l’ancien empire russe, évoquant systématiquement une union, selon l’ancienne terminologie tsariste, du Bélarus, de la Malorussie (Ukraine du Nord et de l’Ouest), de la Novorossiya (Ukraine du Sud jusqu’à la Moldavie) et de la Crimée.
Ni dans cet article ni dans la “Stratégie de sécurité nationale” récemment publiée, le Kremlin ne propose une intervention directe pour prendre l’une de ces régions. Mais les commentateurs parlent de “cygnes noirs” – des événements inattendus qui offrent des opportunités d’action. En 2014, le Kremlin a profité des événements autour de l’”Euromaïdan” pour s’emparer de la Crimée et établir une position dans l’est de l’Ukraine. Depuis lors, le conflit militaire s’est poursuivi, faisant jusqu’à présent 14.000 victimes.
Au cours des deux dernières années, d’autres “cygnes noirs” sont apparus. Le soulèvement en Biélorussie, dont la défaite a été provoquée par l’opposition libérale, a ramené le régime bélarusse dans l’orbite du Kremlin. La guerre du Haut-Karabakh a vu la Turquie renforcer son influence en Azerbaïdjan aux dépens de la Russie, mais a permis au Kremlin de renforcer son emprise sur l’Arménie. Le soulèvement au Kazakhstan a vu le régime de ce pays s’éloigner de la stratégie “multi-vecteurs” de Nazarbayev, qui consistait à trouver un équilibre entre la Russie, la Chine et les États-Unis, Tokayev étant devenu dépendant des forces russes pour soutenir son régime.
Mais la nouvelle “stratégie de sécurité nationale” publiée l’année dernière est beaucoup plus affirmative. Selon le directeur du Carnegie Moscow Center, la précédente stratégie écrite en 2015 portait sur une autre époque : « À l’époque, les relations avec l’Occident s’étaient déjà fortement détériorées en raison de la crise ukrainienne, mais étaient encore considérées comme récupérables ; une grande partie de la phraséologie libérale héritée des années 1990 était encore utilisée ; et le monde semblait encore plus ou moins unifié. La version actuelle […] est un manifeste pour une ère différente : une ère définie par la confrontation de plus en plus intense avec les États-Unis et leurs alliés ; un retour aux valeurs russes traditionnelles. »
Il est sans doute vrai que le ton et les ultimatums du Kremlin sont devenus beaucoup plus agressifs.
Comment cela va-t-il se concrétiser dans la pratique ? Le “plan A” semble bien être la poursuite des négociations pour limiter l’expansion de l’OTAN vers l’est. Mais la Maison Blanche ne semble pas prête à accepter un compromis sur cette question. Plus le Kremlin fait monter les enchères avec ses mouvements de troupes et ses jeux de guerre pour faire pression sur l’Ouest, plus l’Ouest déplace des armes vers l’Ukraine et brandit la menace d’une guerre, plus le risque d’une escalade accidentelle est grand. Le “plan B” semble se rapprocher alors que les négociations sont au point mort. Une décision officielle du Parlement et du gouvernement russes de reconnaître les deux républiques confirmerait le processus, par lequel la Russie a commencé à délivrer en masse des passeports russes et à ouvrir les relations commerciales. Les troupes russes se déplaceraient alors dans les deux républiques.
Une nouvelle escalade, si des missiles de l’OTAN sont placés en Ukraine, pourrait entraîner le déplacement des missiles russes vers d’autres pays. Cuba et le Venezuela ont été mentionnés. Une autre option serait une intervention rapide dans la partie principale du pays pour porter un coup à l’armée ukrainienne, avant de se retirer comme cela s’est produit lors de la guerre de 2008 contre la Géorgie, lorsque l’armée russe a attaqué la ville de Gori.
Une escalade plus profonde en Ukraine semble problématique. En 2014, d’âpres combats ont empêché le camp pro-russe d’ouvrir le corridor dans le sud autour de la ville de Marioupol. Poutine a dû renoncer à son objectif initial de s’emparer de l’ensemble de la “Novorossiya”. Aujourd’hui, l’armée ukrainienne est mieux entraînée et équipée, mais surtout, la population ukrainienne considérera une telle attaque comme une invasion et y résistera avec acharnement.
Contrairement à cette époque, où une frénésie patriotique après la prise de contrôle de la Crimée s’est installée, la population russe est aujourd’hui beaucoup plus méfiante à l’égard du Kremlin. L’Omicron a frappé la population largement non vaccinée, tandis que la situation économique et le renforcement spectaculaire de l’autoritarisme ont sapé le soutien au régime. Un sondage d’opinion publié cette semaine suggère que la majorité des Russes ne croit toujours pas qu’il y aura une guerre, bien qu’une majorité la craigne, considérant la situation non pas comme un conflit avec l’Ukraine mais avec l’Amérique, dans laquelle : « L’Ukraine – est un simple pion dans le jeu plus vaste joué par l’Amérique… c’est simplement le jeu des États-Unis, avec les pays occidentaux et l’OTAN, qui utilisent l’Ukraine pour faire pression sur la Russie. »
De manière très significative, les grandes entreprises ont elles aussi peu d’enthousiasme pour une guerre. Le récent krach boursier a fait disparaître 150 milliards de dollars de la valeur des grandes entreprises et le rouble est en chute libre. Pour l’instant, les entreprises ne s’expriment pas. Comme le fait remarquer un banquier d’affaires anonyme : « Si personne ne veut la guerre, ne vous attendez pas à ce que les grandes entreprises se lèvent et expriment leur opposition. Nous sommes devenus des passagers. Les milieux d’affaires ne discuteront de la guerre que dans leurs cuisines. Tout le monde restera silencieux en public. »
Ce commentaire expose cependant un réel danger. Depuis 2014, la base sociale de l’autocratie du Kremlin est devenue de plus en plus étroite. Poutine est de plus en plus isolé, ce qui est aggravé par sa peur du coronavirus. Les visiteurs de sa résidence doivent se mettre en quarantaine pendant deux semaines, avant de passer par un “tunnel de désinfection” spécialement fabriqué. La situation est donc très dangereuse, car il n’y a plus de contrôles, plus de mises en garde pour empêcher le Kremlin de prendre des décisions désastreuses.
L’Ukraine en crise
En apparence, et surtout si l’on écoute les discours du président Volodymyr Zelensky, 2021 a été une bonne année pour l’Ukraine. Le PIB a chuté en 2020 de 4 % pendant la pandémie, il a réussi à croître en 2021 de 3,1 %. Le ministère de l’économie, et Zelensky lui-même, se vantent que le PIB du pays a désormais atteint son plus haut niveau post-soviétique, soit 200 milliards de dollars. Pourtant, cette affirmation ne tient pas la route : selon le même ministère, le PIB en 2020 n’était que de 156 milliards de dollars. En 2008, il était de 180 $ et en 2013 de 183 $.
D’autres statistiques démontrent la situation réelle. Les revenus des ménages sont inférieurs de 20% à ce qu’ils étaient en 2013, l’inflation est officiellement d’environ 10% et le chômage a atteint 9,7%. Lorsqu’il a été élu, Zelensky a promis que le PIB augmenterait de 40% en 5 ans, qu’il ferait pression pour que l’Ukraine rejoigne l’UE et qu’il résoudrait le conflit dans l’Est de l’Ukraine par des négociations avec la Russie. Il a échoué sur tous ces points.
Compte tenu de ces échecs, la cote de Zelensky dans les sondages est en baisse. L’année dernière, dans un élan populiste, il a présenté une loi censée restreindre les droits des oligarques à posséder des entreprises et des médias, ainsi qu’une campagne contre la “corruption”. La première de ces mesures a été considérée comme une attaque contre les oligarques pro-russes, ce qui lui a valu les foudres du Kremlin. Quant aux mesures contre la corruption, comme l’a exprimé un commentateur : « Jusqu’à présent, aucun des principaux corrompus n’a souffert, et il y a une raison concrète à cela : la coopération avec le bureau du président ! »
Alors que les critiques se multipliaient au sein de ses propres cercles, Zelensky a désormais pris des mesures contre certains de ses anciens partisans, limogeant par exemple le président de la Rada, le Parlement, Dmytro Razumkov.
Ces mesures n’ont pas contribué à rétablir sa cote. De fortes augmentations des prix des services publics se profilent également à l’horizon. Selon un sondage d’opinion réalisé en décembre, 67 % de la population estime que le pays va dans la mauvaise direction, contre 36 % il y a deux ans. Seuls 5 % des personnes interrogées ont déclaré que leur situation matérielle s’était améliorée au cours des deux dernières années, tandis que le conflit militaire, la hausse des prix des services publics et les bas salaires ont tous été cités par plus de 60 % des personnes interrogées comme les « problèmes les plus graves ».
C’est dans ce contexte que l’atmosphère guerrière est attisée en Ukraine. En décembre, Zelensky a annoncé qu’un coup d’État pro-russe était sur le point d’avoir lieu. Ce complot semble avoir été régurgité par le Foreign Office de Boris Johnson, qui prétend cette semaine avoir découvert un complot visant à installer un gouvernement pro-russe à Kiev. Cette suggestion est accueillie avec dérision à Kiev. Un ancien porte-parole du ministère ukrainien des affaires étrangères a réagi en déclarant : « Ce scénario ne fonctionnerait que si une véritable invasion prenait le contrôle de Kiev. La ville serait décimée, ses terres brûlées, et un million de personnes fuiraient. Nous avons 100 000 personnes dans la capitale avec des armes, qui se battront… Il y a peut-être un plan, mais ce sont des conneries. »
Cette dernière affirmation du gouvernement de Johnson donne une autre tournure aux divisions en Europe. Essayant sans doute de détourner l’attention de la crise existentielle à laquelle son gouvernement est confronté, Johnson a déclaré que le ministère britannique des Affaires étrangères intensifiait son activité pour faire respecter l’unité de l’OTAN derrière la direction des États-Unis, tout en critiquant la suggestion de Macron selon laquelle il est maintenant temps d’établir une structure de défense européenne, et le flottement du gouvernement allemand sur les sanctions de Nord Stream 2.
En Ukraine, le nombre de personnes qui pensent désormais que la guerre peut être évitée par des négociations est en baisse. Une minorité pense que la Russie prépare une invasion à grande échelle. De l’avis de beaucoup, il est beaucoup plus probable que la Russie fasse une incursion et intensifie son activité militaire dans la zone de conflit entre les républiques non reconnues et le reste de l’Ukraine. Un sondage d’opinion réalisé à la mi-décembre a montré qu’une majorité de personnes vivant en Ukraine résisteraient à une invasion de la Russie, 33 % d’entre elles prenant les armes pour le faire.
La situation est rendue plus complexe par le sentiment d’avoir été abandonnés par l’Occident. Il y a un sentiment croissant d’anti-OTAN avec des commentaires tels que : « C’est comme s’ils nous avaient abandonnés. Seuls la Grande-Bretagne, les pays baltes et la Pologne se portent bien. Et aux États-Unis, le président est mauvais, une loque, mais il y a aussi des gens bien là-bas, qui devraient se lever pour s’opposer au président. »
La polarisation mondiale qui se développe modifie les relations entre la Russie et la Chine. Il n’y a pas si longtemps, elles se disputaient l’influence. Aujourd’hui, elles se rapprochent – toutes deux ont des régimes autoritaires de droite, ont peur de leurs propres peuples et utilisent l’agression américaine dans la guerre froide qui se développe actuellement pour présenter leurs pays comme étant confrontés à une attaque étrangère. Ils ont tous deux soutenu le coup d’État au Myanmar, Lukashenko au Belarus et le régime du Kazakhstan.
La Chine considère la situation en Ukraine comme un autre exemple d’agression américaine. Il y a toutefois une nuance importante. Elle a demandé à Poutine de ne pas déclencher de guerre en Ukraine avant la fin des Jeux olympiques d’hiver. Poutine prévoit d’assister à l’ouverture des jeux et testera sans doute le soutien qu’il peut attendre de Pékin, tandis que si la situation s’envenime en Ukraine, cela créera un précédent pour les actions de la Chine en mer de Chine méridionale et à Taïwan.
La guerre peut-elle être évitée ?
Les différentes parties n’ont peut-être pas l’intention d’intensifier le conflit. Mais avec leur bellicisme et leurs ultimatums, leurs intérêts nationaux/impérialistes, la situation pourrait facilement devenir incontrôlable. Même si une guerre ne se développe pas, étant donné la polarisation croissante du monde entre les différents intérêts impérialistes, ce n’est qu’une question de temps avant que de nouveaux conflits “par procuration” ne se développent ici ou ailleurs. D’où la nécessité de construire un mouvement anti-guerre de masse. Sur quelle base ?
Il ne peut y avoir aucune confiance dans les négociations de paix menées par les puissances impérialistes. C’est le conflit entre les intérêts des différentes puissances impérialistes qui crée les conditions du développement de telles guerres. Les forces et les équipements de toutes les forces impérialistes – Russie et OTAN – doivent être retirés d’Ukraine et d’Europe de l’Est.
L’Ukraine a le droit de se défendre, la question est de savoir dans quel intérêt et de quelle manière. L’élite dirigeante appellera à l’unité nationale, ce qui signifie en réalité la défense du pouvoir des oligarques, qui, depuis l’indépendance, a laissé l’Ukraine sauter d’une crise à l’autre tandis que les riches deviennent tout simplement de plus en plus riches. L’extrême droite et les bellicistes attiseront les humeurs nationalistes réactionnaires, ce qui laissera les Ukrainiens se battre seuls, et plutôt que de mettre fin au conflit, ils augmenteront la haine et prolongeront le conflit.
Mais la guerre n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière. Une classe ouvrière organisée défendrait ses foyers et ses lieux de travail, et unie dans un mouvement anti-guerre puissant en Ukraine pourrait lancer un appel de classe aux travailleurs de Russie et d’ailleurs pour qu’ils agissent eux-mêmes pour arrêter la guerre.
Pour arrêter réellement la guerre, il faut cependant un mouvement international, des manifestations de masse et même des grèves aux États-Unis, en Russie et dans les pays de l’OTAN. Mais comme l’ont montré les précédents mouvements anti-guerre, même les énormes protestations mondiales contre l’invasion de l’Irak, impliquant des millions de personnes, n’ont pas suffi à arrêter la guerre.
ASI soutient l’appel lancé par nos camarades de Sotsialisticheskaya Alternativa en Russie et en Ukraine pour s’opposer à la guerre : « Les socialistes appellent tous les travailleurs et étudiants conscients à commencer à construire un mouvement anti-guerre fort et international, en le retournant contre quiconque tente d’allumer une guerre entre les peuples. Nous ne nous battons pas pour un pacifisme abstrait, mais pour une lutte unie contre le système qui cause la guerre, la pauvreté, la catastrophe climatique et écologique, les pandémies et l’autoritarisme. »
Pour cela, il faut construire des mouvements politiques puissants pour s’opposer aux élites dirigeantes capitalistes qui profitent de la guerre, pour que les compagnies pétrolières et gazières et les autres ressources détenues par les oligarques deviennent des propriétés publiques démocratiques, et pour mettre fin à la domination des bellicistes impérialistes en garantissant les droits réels à l’autodétermination et la construction d’une fédération socialiste véritablement démocratique en Europe et dans le monde.
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L’impérialisme capitaliste d’État chinois

Dans cette première partie, Per-Åke Westerlund examine la croissance de l’impérialisme chinois et ce que cela signifie pour la construction de la solidarité internationale des travailleurs contre le capitalisme international. La seconde partie sera publiée demain.Par Per-Åke Westerlund, Exécutif international de l’ISA
Ces dernières décennies, la Chine, devenue l’atelier du monde, a été le principal moteur de la mondialisation capitaliste. Les entreprises multinationales, en particulier celles des États-Unis, ont réalisé des superprofits sans se soucier de la dictature et des conditions de travail en Chine. Il s’agissait d’un processus gagnant-gagnant pour les classes dirigeantes des deux États – la croissance économique et la faible inflation ont contribué à masquer et à atténuer l’accumulation des contradictions.
Ce processus ne pouvait pas durer éternellement et a commencé à s’inverser. A l’instar de l’impérialisme allemand contre l’Empire britannique jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’impérialisme américain est aujourd’hui concurrencé par Pékin dans tous les domaines – économie, technologie, finances, armée et relations internationales. L’impérialisme “engendre des contradictions, des frictions, des conflits particulièrement aigus et violents”, expliquait Lénine, et à son époque, cela a débouché sur une guerre ouverte. Aujourd’hui, nous avons une guerre froide.
Une confrontation impérialiste à long terme
Le bilan de l’impérialisme américain est clair comme de l’eau de roche. Washington n’a jamais hésité à recourir à la guerre et à la force pour maintenir son pouvoir. C’est la plus grande puissance militaire que le monde ait jamais vue. Son concurrent, l’impérialisme chinois, est une dictature brutale contre les travailleurs et toute opposition. Ces deux forces sont maintenant positionnées pour une confrontation impérialiste mondiale à long terme. La guerre froide variera en intensité, comportera de nouveaux rebondissements et alliances, mais ne disparaîtra pas. En parallèle, la course aux armements s’intensifie, et les dépenses militaires et exportations d’armes atteignent des records.
Les socialistes et la classe ouvrière doivent avoir une position socialiste indépendante et révolutionnaire et organiser la lutte contre toutes les forces impérialistes. Aucune puissance impérialiste, et encore moins les forces militaires, ne pourront jamais “libérer” les opprimés. Les politiciens capitalistes américains qui, aujourd’hui, condamnent soudainement la dictature en Chine, ont fermé les yeux sur celle-ci pendant des décennies – et font encore de même avec des régimes dictatoriaux comme celui de l’Arabie Saoudite. De même, la lutte contre l’impérialisme américain ne peut en aucun cas justifier le soutien au régime de Pékin. Cependant, certains groupes de “gauche” ont soutenu les bombardements américains en Libye en 2011 et d’autres qualifient la critique de la dictature chinoise de soutien à l’impérialisme américain.
Il n’y a aucun doute sur qui profite du régime en Chine aujourd’hui. C’est une société extrêmement inégalitaire qui compte 878 milliardaires en dollars, soit une augmentation de 257 en 2020 et bien plus que les 649 milliardaires américains. Dans la même veine, l’éducation, les soins de santé et le logement sont largement privatisés et les travailleurs n’ont aucun droit sur les lieux de travail. L’accaparement des terres par les autorités et les scandales environnementaux sont fréquents.
Les vrais socialistes se définissent par leur soutien aux luttes des travailleurs partout dans le monde. En Chine, les travailleurs qui luttent pour leurs droits subissent une répression sévère de la part du régime, y compris des enlèvements, la torture et la prison. La machine étatique d’oppression est énorme – des millions de personnes sont employées dans la police, l’armée, les agences de renseignement et l’énorme appareil de surveillance. Ce système fonctionne en coopération avec des entreprises chinoises privées et publiques – mais aussi avec les entreprises américaines et occidentales présentes dans le pays. Les capitalistes et les gouvernements internationaux craignent les mouvements révolutionnaires, quel que soit le pays – s’ils apportent parfois un soutien hypocrite, c’est pour faire dérailler ces luttes et les étouffer de leur étreinte.
Alternative Socialiste Internationale défend la solidarité et le soutien à la lutte des travailleurs en Chine, à Hong Kong et dans le monde. Toute lutte pour les conditions de travail, les emplois, les salaires, l’environnement, l’éducation et d’autres questions importantes devient immédiatement une lutte contre la dictature du PCC (Parti Communiste Chinois) à Pékin. La répression brutale de l’État finit par être utilisée contre toute plaintes et manifestations locales. Par conséquent, les revendications démocratiques – le droit de manifester, d’organiser des syndicats, la liberté d’Internet et des médias – sont au cœur de toute lutte en Chine et à Hong Kong, et sont intimement liées à la lutte pour l’amélioration des conditions de vie et de l’environnement. Les revendications démocratiques deviennent révolutionnaires car elles constituent une menace pour le régime et ne peuvent être obtenues que par une lutte de masse révolutionnaire de la classe ouvrière.
Les socialistes doivent être préparés à la confrontation entre l’impérialisme américain et l’impérialisme chinois. Le véritable internationalisme de la classe ouvrière signifie solidarité et lutte contre le système capitaliste et impérialiste mondial, pour que les travailleurs et les opprimés prennent le pouvoir.
Qu’est-ce que l’impérialisme ?
Le classique de l’analyse marxiste est « l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme » de Lénine, écrit en 1916. Pour comprendre et expliquer cette nouvelle phase, il analyse le capitalisme mondial plutôt qu’un ou deux pays, et les processus sur une plus longue période. C’est ce que les marxistes appellent aujourd’hui des perspectives. L’impérialisme se développe avec la concentration du capital. Les entreprises géantes en croissance deviennent des monopoles, « une loi générale et fondamentale du stade actuel de développement du capitalisme ». Cela signifie qu’en s’associant avec les banques et en étant contrôlé par elles, le capital financier prend le pouvoir. C’est un capitalisme en décomposition et parasitaire : « l’essentiel des profits va aux “génies” de la manipulation financière ». Il n’y a plus de “frontière” entre le capital spéculatif et le capital productif.
Toutes les caractéristiques de l’impérialisme décrites par Lénine existent depuis des décennies en Chine. L’économie produit pour un marché de masse, en Chine et dans le monde, mais l’appropriation des bénéfices est privée, pour les capitalistes étrangers et chinois. Quelques monopoles dominent dans toutes les sphères de l’économie – finance, énergie, internet, etc – et, en Chine, avec des caractéristiques de capitalisme d’État. Lénine, dans L’impérialisme, a montré les « liens personnels » des grandes entreprises avec les banques et le gouvernement, en Allemagne et ailleurs. C’était également le cas pour la confiscation de terres et la spéculation foncière, une question qui a suscité de nombreuses contestations en Chine.
En Chine, les entreprises privées et les puissants capitalistes travaillent main dans la main avec la dictature d’État du PCC. Les plus grands milliardaires sont membres du PCC et les ministres, généraux et dirigeants du parti sont plus riches que n’importe quel autre gouvernement dans le monde. Le concept de “ploutocratie et bureaucratie” de Lénine – les super riches et l’État – a atteint sa perfection en Chine sous la forme du capitalisme d’État. Cependant, comme dans toutes les sociétés capitalistes, cela ne crée en aucun cas la stabilité, mais empile les contradictions et prépare de nouvelles crises.
Pas de super-impérialisme
Lénine s’est fermement opposé à la théorie de Karl Kautsky, selon laquelle l’impérialisme fusionnerait en une seule union, “l’ultra-impérialisme”. Selon cette théorie, les guerres et les conflits cesseraient, tandis que l’exploitation financière se poursuivrait. C’était un argument contraire au marxisme, qui définit la bourgeoisie comme des classes capitalistes nationales, incapables de surmonter leurs intérêts nationaux. En outre, la théorie du super-impérialisme entretenait l’illusion d’un développement pacifique de l’impérialisme. C’était la théorie de Lassalle qui considérait la bourgeoisie comme “une masse grise”, au lieu de comprendre ses conflits internes et ses scissions, sur une scène mondiale.
Selon Lénine, “une caractéristique essentielle de l’impérialisme est la rivalité entre plusieurs grandes puissances dans la lutte pour l’hégémonie, c’est-à-dire pour la conquête de territoires, non pas tant directement pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire et saper son hégémonie”. L’impérialisme moderne signifie “la compétition entre plusieurs impérialismes”. Après la Seconde Guerre mondiale, l’impérialisme américain était le leader du bloc capitaliste, dans une guerre froide contre l’Union soviétique principalement, mais aussi contre la Chine. Ces deux derniers pays étaient des économies planifiées bureaucratiques non capitalistes dirigées de manière dictatoriale par des partis “communistes” qui n’étaient pas de véritables partis, mais l’appareil d’État. Lorsque le stalinisme s’est effondré en Union soviétique et que le capitalisme a été rétabli en Chine, l’impérialisme américain semblait rester la seule superpuissance.
Toutefois, le rapport de forces entre les puissances évolue au fil du temps, principalement en fonction de la puissance économique. La croissance de l’économie chinoise par rapport à celle des États-Unis et le développement de l’Asie comme principale arène de croissance économique ont entraîné un changement progressif et une concurrence. Dans un certain sens, c’est devenu comme la concurrence du capitalisme allemand contre les Britanniques à partir des années 1870. Dans des domaines de production clés tels que l’acier, l’Allemagne est passée de la moitié du niveau de production britannique à une production deux fois plus importante. Sur la base de l’expérience de la Première Guerre mondiale, Lénine a demandé : “sous le capitalisme, quelle autre résolution des contradictions peut être trouvée que celle de la force ?” Aujourd’hui, bien que les États-Unis et la Chine soient tous deux capitalistes, il y a une guerre froide. Ce qui empêche une guerre chaude, c’est l’existence d’armes nucléaires qui pourraient détruire le monde entier. Une raison toute aussi importante est qu’une grande majorité de la population s’oppose à la guerre.
Des incidents militaires et des guerres par procuration, comme en Syrie, sont possibles, mais une guerre totale entre les États-Unis et la Chine n’est pas sur la table pour le moment. La guerre froide se poursuivra et, contrairement à de nombreuses prédictions, les classes dirigeantes des deux camps risquent de perdre du terrain en conséquence. Le soutien initial au nationalisme sera contrecarré par le coût du conflit et les graves crises politiques, économiques, environnementales et sociales internes dans les deux pays et blocs.
Diviser le monde
Dans la définition de l’impérialisme de Lénine, le développement des monopoles et le rôle du capital financier sont liés à la mondialisation : l’exportation de capitaux, le développement des entreprises multinationales et transnationales, et “la division territoriale du monde entier entre les plus grandes puissances capitalistes”. En quelques décennies, à la fin des années 1800, les principales puissances impérialistes se sont partagé le monde. Lénine les appelle “deux ou trois puissants pillards mondiaux armés jusqu’aux dents”. [Ce partage du monde] était le résultat d’un « énorme “surplus de capital”… dans les pays avancés ». Les capitalistes y ont été forcés par la concentration du capital et du monopole. Celle-ci a conduit à une course aux ressources et aux marchés, aux profits et au pouvoir, dans les pays moins développés où “le prix de la terre est relativement bas, les salaires sont bas, les matières premières sont bon marché”. Il s’agissait également d’une “lutte pour les sphères d’influence”.
Dans les années 1800, l’Empire britannique était le premier producteur pour le marché mondial. Sa supériorité technologique dans la production de textiles, de machines, etc., a ruiné la production locale à petite échelle dans d’autres pays, par exemple en Amérique latine. Bien que Lénine ait décrit le processus comme un partage définitif du globe, il a également souligné que “des repartages sont possibles et inévitables”. Cela s’est bien sûr avéré à maintes reprises depuis lors, notamment lors des deux guerres mondiales impérialistes. Les années 1900 ont également vu l’impérialisme américain devenir la puissance impérialiste dominante, reléguant les autres puissances impérialistes au second plan.
Pendant une période relativement longue, l’impérialisme américain a accepté la croissance économique de la Chine, car Pékin semblait accepter de rester une sorte de sous-traitant. Cependant, depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, alors que l’économie chinoise est en passe de devenir la plus importante au monde, plusieurs processus ont modifié l’équilibre entre les deux puissances. Le modèle capitaliste d’État chinois semblait moins endommagé par la crise mondiale de 2008-09 et le régime a pris des mesures audacieuses. En 2015, le programme “Fabriqué en Chine 2025” a été publié : il vise à ce que la Chine devienne le leader dans les domaines de la technologie et à devenir moins dépendant de l’Occident et des États-Unis.
L’initiative Nouvelle Route de la Soie (Belt and Road Initiative, BRI) est un réseau géant d’accords entre la Chine et les gouvernements de plus de 100 pays sur tous les continents. Son lancement montre que la Chine suit la loi générale du capital qui dépasse les frontières nationales. Les routes, les chemins de fer, les ports, les aéroports, les pipelines, etc. de la BRI relieront les États participants à l’économie chinoise par le biais du commerce, de prêts et de dettes. La BRI donne à la Chine un accès aux infrastructures, aux sources d’énergie et aux terres. Elle augmentera l’utilisation de la technologie chinoise dans les pays participants. Les investissements directs étrangers annuels de la Chine ont quadruplé entre 2009 et 2016, atteignant près de 200 milliards de dollars. Au total, les sorties d’Investissement Direct à l’Etranger de la Chine entre 2005 et 2020 s’élèvent à près de 2100 milliards de dollars. Un tiers de cette somme a été investi dans les ressources énergétiques.
Les chemins de fer
Dans L’impérialisme, Lénine écrit : « La construction des chemins de fer semble être une entreprise simple, naturelle, démocratique, culturelle, civilisatrice : elle apparaît ainsi aux yeux des professeurs bourgeois qui sont payés pour masquer la hideur de l’esclavage capitaliste, ainsi qu’aux yeux des philistins petits-bourgeois. En réalité, les liens capitalistes, qui rattachent par mille réseaux ces entreprises à la propriété privée des moyens de production en général, ont fait de cette construction un instrument d’oppression pour un milliard d’hommes (les colonies plus les semi-colonies), c’est-à-dire pour plus de la moitié de la population du globe dans les pays dépendants et pour les esclaves salariés du capital dans les pays “civilisés”. 200 000 kilomètres de nouvelles voies ferrées dans les colonies et les autres pays d’Asie et d’Amérique représentent plus de 40 milliards de marks de capitaux nouvellement investis à des conditions particulièrement avantageuses avec des garanties spéciales de revenus, des commandes lucratives aux aciéries, etc., etc. »
Au cours des dix dernières années, 34 pays ont signé des contrats avec des sociétés chinoises pour la construction de nouveaux chemins de fer. Il s’agit notamment des lignes Chine-Laos, Addis-Abeba-Djibouti, Mombasa-Nairobi, Lagos-Ibadan, et de nombreux autres chemins de fer spectaculaires. Ils sont construits par les principales entreprises chinoises de construction ferroviaire, financés par des prêts de la Chine et faisant également appel à un grand nombre d’ouvriers et de techniciens chinois. Au total, des projets ferroviaires d’une valeur de 61,6 milliards de dollars ont été signés entre des gouvernements et des entreprises chinoises entre 2013 et 2019. Les projets d’infrastructure ne sont pas des œuvres de bienfaisance, mais sont construits pour transporter plus efficacement les importations et les exportations, donnant accès au pétrole, aux minéraux et aux autres ressources naturelles, et établissant un lien politique entre le régime du PCC en Chine et les gouvernements du monde entier.
Les dettes
Déjà en 1916, Lénine soulignait également que le capital financier avait une forte emprise sur les pays dans le besoin. « De nombreux pays étrangers, de l’Espagne aux États des Balkans, de la Russie à l’Argentine, au Brésil et à la Chine, se présentent ouvertement ou secrètement sur le grand marché monétaire avec des demandes de prêts parfois très persistantes. » En outre, il a montré comment les prêts étaient liés à des demandes d’exportation : « La chose la plus habituelle est de stipuler qu’une partie du prêt accordé doit être consacrée à des achats dans le pays créancier, notamment à des commandes de matériel de guerre, ou de navires, etc. »
Dans les années 2000, la Chine est devenue le principal créancier et exportateur de capitaux. Une étude des économistes Sebastian Horn, Carmen M. Reinhart et Christoph Trebesch (Harvard Business Review, février 2020) a révélé que « l’État chinois et ses filiales ont prêté environ 1 500 milliards de dollars en prêts directs et en crédits commerciaux à plus de 150 pays dans le monde. Cela a fait de la Chine le plus grand créancier officiel du monde – dépassant les prêteurs traditionnels et officiels tels que la Banque mondiale, le FMI ou tous les gouvernements créanciers de l’OCDE réunis. »
La plupart des prêts sont liés à des investissements dans les infrastructures et les ressources naturelles par l’État chinois et les entreprises chinoises. Il en résulte une dépendance extrême des pays débiteurs vis-à-vis de la Chine. La plupart des prêts sont basés sur des conditions commerciales ; moins de cinq pour cent seulement sont sans intérêt.
« Pour les 50 principaux pays en développement bénéficiaires, nous estimons que le stock moyen de la dette due à la Chine est passé de moins de 1 % du PIB des pays débiteurs en 2005 à plus de 15 % en 2017. Une douzaine de ces pays ont une dette d’au moins 20 % de leur PIB nominal envers la Chine (Djibouti, Tonga, Maldives, République du Congo, Kirghizistan, Cambodge, Niger, Laos, Zambie, Samoa, Vanuatu et Mongolie). » (Horn, Reinhart et Trebesch).
L’enquête sur les prêts accordés par la Chine, jusqu’en 2017, souligne son rôle majeur dans le capital financier mondial. « Si l’on ajoute les dettes de portefeuille (dont les 1 000 milliards de dollars de dette du Trésor américain achetés par la banque centrale chinoise) et les crédits commerciaux (pour acheter des biens et des services), les créances globales du gouvernement chinois sur le reste du monde dépassent 5 000 milliards de dollars au total. En d’autres termes, les pays du monde entier devaient plus de 6 % du PIB mondial en dettes à la Chine en 2017. » (Horn, Reinhart et Trebesch).
En novembre 2020, la Zambie est devenue le premier pays au cours de la pandémie à faire défaut sur le paiement de sa dette. Sur sa dette de 11,2 milliards de dollars, 3 milliards sont dus à la Chine, mais en réalité ce qui est dû à la Chine est bien plus. Le régime chinois s’est particulièrement intéressé à ce pays qui est le deuxième producteur de cuivre d’Afrique. Pendant la pandémie, Pékin a également promis des prêts pour couvrir l’achat de vaccins chinois, par exemple 500 millions de dollars au Sri Lanka.
Le but des prêts et des connexions chinoises avec les gouvernements et présidents n’est pas d’améliorer la vie des masses pauvres de ces pays. Au contraire, le paiement des dettes prend une part croissante dans les dépenses publiques, les conditions de travail se dégradent et l’exploitation et la pauvreté augmentent, comme c’est le cas actuellement en Zambie. De nombreux régimes de l’initiative “Nouvelle Route de la Soie” sont autoritaires et s’attaquent constamment aux droits démocratiques. Le régime et le système chinois font partie intégrante du système capitaliste mondial.
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Accord sino-iranien – La «nouvelle guerre froide» remodèle les relations internationales

Au ministère des Affaires étrangères d’Iran, après la signature de l’accord de coopération de 25 ans entre la Chine et l’Iran, mars 2021. Photo : Fars News Agency, sous licence Creative Commons Paternité 4.0 International. Un accord de « partenariat stratégique » a été signé entre la Chine et l’Iran fin mars. Il marque une nouvelle étape dans les tensions croissantes entre les impérialismes chinois et états-unien.
Par Nina Mo, Sozialistische LinksPartei (Parti de gauche socialiste, section autrichienne d’ASI)
L’accord récemment signé entre l’Iran et la Chine pour une durée de 25 ans augmente encore les tensions impérialistes entre les États-Unis et la Chine, tout en les révélant au grand jour. Il témoigne de l’influence croissante qu’exerce la Chine au Moyen-Orient, tout en démontrant le déclin l’impérialisme états-unien, en particulier dans cette région. Bien que l’on ignore encore le contenu exact de l’accord final, ses premières moutures prévoyaient que la Chine investisse jusqu’à 400 milliards de dollars dans l’économie iranienne au cours des 25 prochaines années en échange d’une réduction sur ses achats de pétrole iranien. La majeure partie de ces investissements se feront dans le secteur gazier et pétrolier.
L’Iran aurait également promis d’importantes concessions économiques à la Chine, allant jusqu’à lui laisser des monopoles, notamment dans le secteur des technologies, ainsi que dans la mise en œuvre de la stratégie de sécurité de la Chine pour l’initiative « Nouvelle route de la soie ». Avec le renfort de la coopération militaire, l’Iran devrait devenir un important débouché pour les armes chinoises au Moyen-Orient.
Il est difficile de prédire les effets réels de cet accord sur l’économie iranienne elle-même, d’autant plus que les données concrètes n’ont toujours pas été entièrement révélées. Mais cet afflux important de capitaux chinois pose la question de savoir si les entreprises publiques iraniennes s’ouvriront à la privatisation ou si, en général, la présence de capitaux chinois pourrait repousser la part de marché détenue par les entreprises « nationales ». Cela pourrait entraîner encore plus de luttes de classe autour d’enjeux tels que la privatisation, les conditions de travail, etc., ainsi qu’une hausse des conflits au sein du régime lui-même. Le fait que certaines personnalités membres des factions ultra-orthodoxes du régime, liées au corps des Gardiens de la révolution islamique (qui contrôle, par exemple, une grande partie du secteur de l’énergie), se soient opposées à cet accord en est un indice parmi d’autres. Bien sûr, cet accord n’en est encore qu’à un stade précoce, et il reste à voir comment sa mise en œuvre se déroulera.
Incidences politiques et politiques nationales
Certains analystes bourgeois ont tendance à exagérer l’ampleur réelle de l’accord ; en effet, son effet principal et immédiat ne concerne pas tant ses aspects économiques que les stratégies politiques de ses deux parties dans le contexte de la crise du capitalisme mondial et des revirements dans les relations internationales.
Contrairement à ce qu’affirment certaines personnes, cet accord n’apportera pas une nouvelle croissance économique et des investissements économiques permettant de reconstruire massivement l’Iran et d’y créer un grand nombre d’emplois. Étant de plus en plus isolé sur le plan international, et faisant face à une pression grandissante de la part des États-Unis (l’élection de Joe Biden n’ayant en rien contribué à la réduire), le régime iranien considère le partenariat politique avec la Chine comme un contrepoids nécessaire. En outre, avec la forte diminution des exportations de pétrole au cours des dernières années, le régime fait également face à un déficit budgétaire record, ce qui renforcera l’inflation (les premiers effets s’en ressentent déjà).
Vu l’intensification des luttes ouvrières à propos de questions politiques et économiques ces dernières années, le renversement du régime islamique est une menace sérieuse et réelle. Pour le régie, sa propre survie est une de ses préoccupations les plus vitales. Le régime tente de jouer sur la division entre les puissances mondiales pour sortir de sa stagnation économique et éviter une grave crise politique et sociale. Le pays est miné par la pauvreté, la faim et de graves problèmes économiques. La crise de la COVID a été extrêmement mal gérée par le régime ; d’après les autorités, plus de 60 000 personnes sont mortes de la COVID-19 dans le pays. Des évaluations indépendantes suggèrent que les chiffres réels seraient environ quatre fois plus élevés.
Éviter les faux amis : la nécessité d’une riposte propre à la classe ouvrière
Non seulement cet accord a accru les tensions au sein de la classe dirigeante iranienne (les forces ultra-islamistes utilisent leur opposition à l’accord pour renforcer leur propagande nationaliste), il a aussi déclenché une vaste controverse au sein des forces opposées au régime, en Iran comme en-dehors. Une campagne intitulée « Non à la République islamique » (#No2IR), qui s’oppose à l’accord tout en appelant au boycott des élections cette année, a récemment pris de l’ampleur. Il est dominé par des célébrités et des monarchistes tels que Reza Pahlavi, l’ancien prince héritier iranien, l’une des figures les plus en vue de la campagne. Le but de ces forces réactionnaires et monarchistes, en s’opposant à l’accord, n’est pas de défendre les intérêts des travailleurs, des travailleuses et des pauvres, mais d’agir dans leurs propres intérêts et dans les intérêts de l’Occident et de l’impérialisme états-unien. Ils affirment par exemple que le régime iranien a « vendu aux enchères les ressources naturelles et la richesse nationale de l’Iran à la Chine ».
Ce type de propagande nationaliste est particulièrement dangereux, car il se fait l’écho de préoccupations justifiées au sein de la classe ouvrière concernant les interventions économiques étrangères. Après la signature de l’accord, des manifestations ont été organisées par des travailleurs et travailleuses dans diverses villes iraniennes, ainsi que dans d’autres pays par la communauté iranienne en exil, sous des slogans tels que « Ne vendons pas l’Iran ». Ces manifestations ont une perspective nationaliste, et bien qu’elles n’aient pas d’impact majeur pour le moment, elles représentent tant l’opposition à toute politique et mesure prise par le gouvernement qu’une opposition à toute forme d’intervention étrangère. Mais à mesure que la propagande des forces pro-impérialistes s’intensifie, avec des campagnes telles que #No2IR, elles contiennent aussi le danger d’accroitre les illusions envers l’impérialisme occidental ; ce facteur ne doit pas être sous-estimé.
Il est très clair que la nature de cet accord est de consolider les intérêts des classes dirigeantes et des régimes chinois et iranien afin de stabiliser leur régime. En tant que géant économique, la Chine, tout comme les autres puissances impérialistes, cherche à se développer en exploitant une main-d’œuvre bon marché et en s’assurant un accès aux marchés des matières premières et de l’énergie. Il ne faut pas se faire d’illusions : l’attitude des entreprises et du capital chinois n’est en rien différente de celle des entreprises et du capital occidentaux en Iran. Toutes les entreprises occidentales et orientales qui opèrent dans des pays comme l’Iran le font en exploitant les travailleurs et travailleuses et en leur imposant de rudes conditions de travail. Il n’y a aucune véritable différence entre capitaux chinois, états-uniens, russes ou européens ; il n’y pas non plus une combinaison idéale de capitaux « nationaux » et « étrangers » en Iran.
Le mouvement ouvrier d’Iran devrait éviter de tomber dans le piège de considérer l’impérialisme chinois ou états-unien comme offrant une véritable libération pour la classe ouvrière et pour les pauvres. À la place, il doit s’opposer à l’influence néfaste des forces monarchistes, nationalistes et bourgeoises, qui tentent d’utiliser cet accord pour concrétiser leur propre programme. Pour renverser le régime iranien, la classe ouvrière doit adopter un point de vue indépendant de toutes ces forces, pour s’opposer au régime ainsi qu’au système capitaliste lui-même.
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Malgré les projections de croissance, l’économie mondiale reste profondément instable

Il est difficile de surestimer les ravages causés par la récession mondiale déclenchée par une pandémie en 2020. Il s’agit de la plus grande contraction économique depuis la Grande Dépression des années 1930. Dans le monde entier, des heures de travail équivalentes à 255 millions d’emplois ont été perdues. La Banque mondiale estime que le nombre de personnes en situation de “grande pauvreté”, c’est-à-dire vivant avec moins de 1,90 dollar par jour, est passé de 119 à 124 millions de personnes.
Par Tom Crean
Mais tout le monde n’a pas souffert. Selon une analyse du magazine Forbes, la richesse des milliardaires du monde a augmenté de 1.900 milliards de dollars en 2020 ! Les inégalités, tant au sein des nations qu’entre les pays riches et le monde “en développement”, se sont considérablement accrues.
Les économistes capitalistes sont toutefois désormais optimistes quant aux perspectives de reprise économique mondiale en 2021. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment prévu une croissance économique mondiale de 5,6 % en 2021, après une contraction de 3,5 % en 2020. Cette estimation pour 2021 est en hausse de 1,4 % par rapport à leur projection de novembre. Un bon 1 % de la croissance mondiale supplémentaire estimée est attribué à la loi de relance de 1.900 milliards de dollars adoptée par le Congrès américain au début de ce mois.
Cette projection repose sur un certain nombre d’hypothèses très optimistes qui doivent être remises en question. Elle ne tient pas compte non plus de toutes les contradictions sous-jacentes du capitalisme contemporain. La reprise, qui repose largement sur des injections fiscales et monétaires sans précédent et non durables, sera très inégalement répartie et sera probablement de courte durée avant que la tendance de l’économie mondiale à la dépression ne se réaffirme.
Les perspectives concernant la pandémie
Les projections concernant l’économie mondiale ne peuvent évidemment pas être séparées de l’évolution de la pandémie et des progrès de la vaccination de la population. Certains des pays les plus riches, notamment les États-Unis et la Grande-Bretagne (ainsi qu’Israël), ont fait de grands progrès dans la vaccination de leur population après une gestion désastreuse de la pandémie. Environ un tiers des adultes américains et plus de la moitié des adultes britanniques ont désormais reçu au moins une dose de vaccin. Cela permet d’envisager une réouverture plus large et un “retour à la normale” d’ici l’été.
En général, les projections de croissance de l’OCDE reposent sur des hypothèses optimistes quant à l’évolution de la pandémie. Mais même dans les semaines qui ont suivi l’annonce de l’OCDE, nous constatons une fois de plus que les échecs des gouvernements capitalistes à contenir le virus et à élaborer un plan mondial rationnel de vaccination continuent de créer de nouveaux dangers pour la santé de la population mondiale et pour la reprise économique.
La situation dans l’Union européenne (UE) est très révélatrice. L’automne dernier, les médias capitalistes ont salué l’UE comme une réussite au sein des nations les plus riches, notamment par rapport aux États-Unis et au Royaume-Uni. Mais l’UE est aujourd’hui très en retard dans la course à la vaccination, puisque seulement 12 % de la population allemande, par exemple, a reçu au moins une dose. Ce retard est dû en partie à des interruptions d’approvisionnement et à l’impossibilité de s’approvisionner à un stade précoce, le tout aggravé par un processus de distribution extrêmement incompétent. Puis vint la débâcle du vaccin AstraZeneca en Europe, qui a vu la vaccination s’arrêter complètement pendant plusieurs jours avant de reprendre, plusieurs pays européens bloquant ou limitant toujours son utilisation. Cela n’a fait que contribuer à un scepticisme massif à l’égard des vaccins. Tout cela s’est produit au milieu d’une nouvelle vague désastreuse de la pandémie en Europe avec son lot de nouvelles vagues de confinement.
En plus d’être un coup dur pour le prestige des dirigeants de l’UE comme Merkel et Macron, le chaos vaccinal combiné à la nouvelle vague de COVID a porté un autre coup à l’économie européenne et a mis un grand point d’interrogation sur sa capacité à rouvrir complètement le tourisme cet été. Selon les prévisions actuelles, l’économie de l’UE devrait se contracter de 1,5 % au premier trimestre de 2021 (contre une contraction de 0,8 % auparavant), ce qui signifie que l’UE connaît actuellement une récession à double creux.
En dehors des pays riches, le rythme de la vaccination est encore plus lent et n’a même pas commencé dans de nombreux pays. Au rythme actuel, on estime qu’il faudrait des années pour vacciner la population mondiale. L’Inde connaît actuellement une nouvelle vague, tandis qu’au Brésil, la propagation de nouveaux variants dangereux et la négligence criminelle du régime Bolsonaro mettent le système de santé à rude épreuve.
Dès le début, la réponse à la pandémie a été minée par des systèmes de santé qui, même dans des régions relativement riches comme l’Italie du Nord, ont été considérablement affaiblis par des décennies de coupes budgétaires néolibérales. Cette situation est aggravée par l’absence totale d’une réponse et d’une stratégie de vaccination coordonnées au niveau mondial. Les impérialistes de l’UE, du Royaume-Uni et des États-Unis ont protégé les profits et les “droits de propriété intellectuelle” des géants pharmaceutiques et ont refusé de partager gratuitement les vaccins avec le reste du monde, ce qui accélérerait massivement la campagne de vaccination.
Une telle décision ne serait pas seulement dans l’intérêt de la société, mais aussi dans celui des capitalistes. Plus la pandémie poursuit ses ravages dans de grandes parties du globe, plus il est possible que des variants encore plus dangereux se développent et relancent la pandémie. Mais cette ligne d’action rationnelle est bloquée par la concurrence entre les puissances impérialistes.
Au lieu de cela, nous assistons au spectacle du “nationalisme vaccinal”. D’un côté, il y a la thésaurisation des vaccins avec l’UE qui impose des contrôles à l’exportation et l’Inde, un important producteur de vaccins, qui interdit les exportations pour le moment. Les États-Unis sont susceptibles de disposer d’un stock massif de vaccins dans les mois à venir, mais ils se sont très peu engagés à partager leurs excédents avec d’autres pays. Entre-temps, la Chine et la Russie ont utilisé les dons de vaccins à des pays particuliers dans le cadre de leur offensive diplomatique dans le cadre de la nouvelle guerre froide avec les États-Unis. Les États-Unis, l’Inde, l’Australie et le Japon, qui agissent collectivement comme “la Quadrilatérale” en matière de sécurité, ont répondu par un plan visant à produire un milliard de doses de vaccin en Inde, financé par les États-Unis pour l’Asie du Sud-Est, ce qui constitue manifestement une tentative de contrecarrer la diplomatie chinoise en matière de vaccins.
Les difficultés à atteindre l’immunité collective en raison de l’échec total d’une approche globale d’une crise mondiale et le danger de variants plus mortels laissent présager de sérieuses complications pour la perspective de croissance décrite par l’OCDE.
L’effet des mesures de relance américaines sur l’économie mondiale
Toutefois, à moins d’une évolution désastreuse à court terme, les pays riches – en particulier ceux où le déploiement des vaccins est rapide – verront leur économie se rouvrir plus ou moins rapidement au cours de l’année 2021 et un rebond économique significatif est probable. Après un effondrement économique en 2020 touchant 93 pays, les chiffres de croissance sembleront toutefois plus impressionnants qu’ils ne le sont réellement.
Un facteur clé dans les projections de croissance mondiale est la demande refoulée dans un certain nombre de pays riches. Une partie de la population, notamment de la classe moyenne, a économisé de l’argent pendant la pandémie en travaillant à domicile et en ne voyageant pas. Toutefois, ce sont les mesures de relance massives adoptées dans un certain nombre de pays qui contribuent le plus à la demande. Alors que les mesures de relance adoptées aux États-Unis depuis le début de la pandémie équivalent à 27 % du PIB, celles de l’Allemagne équivalent à 20 % et celles du Japon à probablement 30 %.
Mais il est clair que le nouveau plan de relance américain revêt une importance internationale particulière. Il équivaut à un pourcentage stupéfiant de 9% du PIB américain ; l’OCDE prévoit maintenant que l’économie nationale américaine connaîtra une croissance de 6,5% cette année, un niveau de croissance jamais atteint depuis le début des années 80. Les effets d’entraînement de l’augmentation de la demande américaine sur les principaux partenaires commerciaux des États-Unis, notamment le Canada et le Mexique, mais aussi la Chine et l’Union européenne, sont également importants. L’année dernière, la demande des pays riches en Equipement de protection individuels (EPI), ordinateurs, équipements d’exercice et divers autres biens de consommation durables a contribué massivement aux exportations chinoises, permettant à la Chine d’être la seule grande économie à afficher une croissance nominale, même si les performances de l’économie ont été considérablement exagérées par le régime. Sur base du nouveau plan de relance américain, la banque UBS a revu à la hausse ses prévisions de croissance des exportations chinoises pour cette année, les faisant passer de 10 % à 16 %.
Dans les pages financières des grandes publications bourgeoises, on discute beaucoup de la manière dont le projet de loi de relance entrainerait une hausse de l’inflation aux États-Unis et obligerait la Réserve fédérale à augmenter les taux d’intérêt pour couper dans une économie en “surchauffe”. Le plan de relance de Biden et les précédents plans de relance de 2020 ont tous été financés exclusivement par l’emprunt. Après avoir utilisé pendant des décennies le spectre de l’inflation pour justifier des mesures d’austérité, la Réserve fédérale et le département du Trésor américain ont opéré un virage à 180 degrés et déclarent désormais que l’inflation n’est plus une préoccupation majeure. Le directeur de la Fed, Jerome Powell, a déclaré que même si l’inflation se manifestait dans le courant de l’année, elle serait temporaire et ne justifierait pas une hausse importante des taux d’intérêt, ce qui est important car si le coût des emprunts devait augmenter, cela pourrait déclencher la prochaine récession et compliquer les plans de relance. En fait, de nouvelles mesures seront probablement nécessaires, même si elles sont plus ciblées, tandis que les inévitables tentatives de remplacer les mesures de relance par l’austérité risquent de déstabiliser l’économie mondiale au cours de la prochaine période.
Il faut souligner que la capacité des États-Unis à emprunter des sommes aussi faramineuses repose sur des taux d’intérêt historiquement bas et une inflation faible, ainsi que sur la position du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. L’impérialisme américain est dans la position privilégiée de pouvoir accéder à des fonds apparemment illimités à très peu de frais. Comme l’a dit Léon Trotsky à propos des politiques du New Deal dans les années 1930, il s’agissait d’une “politique américaine par excellence”, indisponible à la plupart des pays et certainement pas aux pays pauvres. Et si les mesures de relance des pays riches peuvent donner un certain coup de pouce aux pays pauvres, elles auront également tendance à détourner davantage les investissements des pays pauvres et à exacerber leurs propres crises de la dette.
Biden a maintenant dévoilé un autre plan d’infrastructure massif en deux étapes de 3 à 4 trillions de dollars qui, selon lui, sera financé par une augmentation de l’impôt sur les sociétés et des taxes sur les riches. Bien que cela soit présenté comme faisant partie d’une stratégie de lutte contre le changement climatique et comme un programme d’emploi visant à remédier aux inégalités, ce plan s’inscrit également dans le cadre de l’intensification de la concurrence avec l’impérialisme chinois. Mais alors qu’une partie de la classe dirigeante considérera l’augmentation de l’impôt sur les sociétés comme un prix nécessaire à payer pour atteindre certains objectifs stratégiques, celle-ci rencontrera une résistance importante de la part des sections qui s’opposent à l’augmentation des impôts avec une ferveur toute religieuse.
L’éloignement de la politique néolibérale
L’ampleur des mesures adoptées par la classe dirigeante américaine dans cette crise représente un changement de cap majeur. Se référant à l’ampleur de l’intervention fiscale et à la campagne de vaccination, le Financial Times (3/13/21) a récemment souligné : “Pris dans son ensemble, cet élan d’activisme gouvernemental fait écho au New Deal de Franklin Delano Roosevelt pendant la Dépression et aux réformes de la Grande Société de Lyndon Johnson dans les années 1960. Le président américain et de nombreux démocrates espèrent également qu’il pourra devenir une puissante réfutation du commentaire de Ronald Reagan en août 1986 : “les mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont : “Je suis du gouvernement et je suis là pour vous aider”. Ce mantra a inauguré une période de déréglementation, de faibles impôts, de dépenses intérieures limitées et de croyance dans les marchés libres comme principaux piliers de la politique économique américaine. Ces recettes ont commencé à être remises en question après la crise financière mondiale, même si elles ont été partiellement ravivées sous l’administration de Donald Trump. Pourtant, elles n’ont pas pu faire face aux assauts de la pandémie, qui a laissé les Américains aspirer à une plus grande implication de Washington, offrant à Biden une chance de combler ce vide.”
L’abandon de la politique néolibérale par l’élite américaine que décrit le Financial Times résulte de plusieurs facteurs, comme l’a souligné Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge). Tout d’abord, il s’agit de la deuxième crise massive à laquelle le capitalisme est confronté en un peu plus d’une décennie. Pendant la crise financière de 2008-9, l’accent a été mis sur la politique monétaire, en injectant de l’argent (notamment par le biais de l’assouplissement quantitatif) sur les marchés financiers pour soutenir le système bancaire. Mais comme l’admettent les banquiers centraux eux-mêmes, se concentrer uniquement sur la politique monétaire aurait été désastreux cette fois-ci. Les confinements nationaux ont engendré la menace d’un effondrement de la demande et d’une misère de masse qui ne pouvait être évitée que par une intervention fiscale d’une ampleur sans précédent depuis le New Deal.
Deuxièmement, dans le cas de l’administration Biden, il y a une détermination à “tirer les leçons” de 2008-9. De l’avis de nombreux économistes libéraux, les mesures de relance limitées combinées à une austérité massive dans l’UE et aux États-Unis à cette époque ont rendu la reprise économique ultérieure beaucoup plus lente et moins profonde.
Enfin, la classe dirigeante américaine constate que les inégalités de masse et la polarisation politique extrême ont contribué à la rébellion Black Lives Matter de l’été dernier, puis à la menace de coup d’État de Trump et à l’assaut du Capitole le 6 janvier. Ils se rendent compte qu’ils risquaient de perdre le contrôle de la situation et qu’il est donc nécessaire de faire des gestes pour restaurer la confiance dans l’État afin de prendre de l’avance sur la prochaine explosion sociale.
La situation reste profondément instable
Le rebond probable de l’économie mondiale représente-t-il le début d’une reprise plus générale ? Certains médias bourgeois ont comparé la situation aux conséquences de la Première Guerre mondiale et à l’épidémie de grippe espagnole dévastatrice de 1918-20 qui a été suivie par les “années folles” aux États-Unis et en Europe.
Ces attentes sont infondées. La cause sous-jacente de la crise actuelle et de la crise de 2008-09 est le caractère de plus en plus parasitaire et sclérosé du capitalisme. Durant l’ère néolibérale, qui a débuté à la fin du boom d’après-guerre, à la fin des années 70, la classe capitaliste a restauré sa rentabilité en s’attaquant au secteur public et au niveau de vie des travailleurs. Elle a également profité de l’ouverture de nouveaux marchés après l’effondrement du stalinisme. Cela a conduit à une augmentation massive des inégalités et a sapé la capacité des travailleurs à absorber la richesse produite. Il en a résulté une diminution de la rentabilité des investissements productifs et une baisse de la croissance de la productivité, les capitaux excédentaires étant injectés dans le casino financier.
Le rebond, alimenté par des dépenses massives de l’État, ne résoudrait aucun de ces problèmes. Même aux États-Unis, alors que le rebond pourrait ramener des millions de personnes au travail, il sera loin de résoudre la dévastation causée par la crise de 2020, y compris l’endettement massif affectant de grandes sections de la classe ouvrière, la forte baisse de la participation des femmes au marché du travail, et les centaines de milliers de petites entreprises qui ne rouvriront pas.
Le rebond est également payé par une augmentation massive de la dette publique qui, aux États-Unis, a atteint une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette situation n’est pas viable, d’autant plus qu’il n’y a aucune perspective d’une période prolongée de croissance significative. Au lieu de cela, comme dans toutes les crises précédentes, la classe dirigeante cherchera à présenter la facture de la crise à la classe ouvrière au cours de la période suivante, ce qui ne fera qu’accroître l’avilissement et l’inégalité.
En outre, l’hypothèse selon laquelle l’inflation et les taux d’intérêt resteront très bas, ce qui a permis une telle frénésie d’emprunts, est ahistorique. L’inflation pourrait augmenter à la fin de cette année, même si le contexte global reste déflationniste. Mais quelles que soient les assurances actuelles de la Fed, une forte poussée d’inflation, même temporaire, pourrait forcer une hausse des taux d’intérêt et mettre fin rapidement au rebond.
Outre la possibilité d’une “surchauffe” de l’économie réelle, il y a une crise financière imminente qui est également alimentée par l’injection massive de liquidités sur les marchés financiers depuis mars de l’année dernière, qui ont également contribué à prévenir une implosion. Cela a créé des bulles spéculatives dans les actions et autres actifs, y compris le logement.
Un autre élément déclencheur de la prochaine phase de la crise économique mondiale pourrait être le défaut de paiement imminent de la dette de toute une série de pays pauvres qui ne disposent pas des outils monétaires et fiscaux dont disposent les pays impérialistes et qui ont été généralement frappés bien plus durement par la récession économique. La situation du Liban est particulièrement extrême : la corruption rampante et les dysfonctionnements de l’appareil d’État ont provoqué un effondrement bancaire et une hyperinflation. De larges pans de la population ont été paupérisés. Tel pourrait être le sort de nombreux pays au cours de la prochaine période.
En bref, il n’y a aucune base pour un retour à une situation stable pour le capitalisme. Les gouvernements ont utilisé une puissance de feu monétaire sans précédent pour éviter un effondrement complet en 2008-9. Ils utilisent maintenant une puissance de feu budgétaire et monétaire sans précédent pour faire face à cette crise. Que feront-ils lorsque la prochaine crise frappera ?
ASI a qualifié cette période de dépressive. Cela ne signifie pas que toutes les lignes de tendance doivent constamment pointer vers le bas, mais plutôt qu’il n’y a pas de chemin vers une croissance stable pour le capitalisme. Et une période de dépression ne signifie pas qu’il ne peut y avoir de reprises temporaires, comme ce fut le cas lors de la Grande Dépression des années 1930.
Démondialisation
La tendance dépressive est aggravée par la tendance à la démondialisation. La pandémie a exercé une pression énorme sur les chaînes d’approvisionnement mondiales et a mis en évidence les problèmes massifs du modèle de production “just-in-time”, en particulier dans le domaine des soins de santé, les pays et les régions s’efforçant de garantir l’accès aux fournitures médicales vitales. Plus récemment, le porte-conteneurs Ever Given, coincé pendant une semaine dans le canal de Suez et bloquant une artère commerciale vitale, est devenu emblématique de ces tensions.
La rivalité stratégique entre les États-Unis et la Chine a accéléré le processus de “découplage” économique entre les deux pays. Pendant des années, la Chine a consciemment cherché à utiliser les investissements de l’État pour développer sa force dans les technologies de pointe. Elle a cherché à sécuriser l’approvisionnement en matières premières essentielles au niveau mondial et à renforcer les industries stratégiques. Les États-Unis vont maintenant prendre la même direction. Une pénurie de puces électroniques a déjà entraîné l’arrêt temporaire d’un certain nombre de chaînes de production aux États-Unis, ce qui alimente les discussions sur la manière de garantir l’approvisionnement américain de ce composant essentiel à la fabrication. Tout cela pointe vers plusieurs chaînes d’approvisionnement régionales plutôt que vers un système mondial intégré.
Sous Trump, les États-Unis ont imposé d’importants tarifs douaniers sur les importations chinoises. Certains s’attendaient à ce qu’ils soient annulés ou réduits sous Biden. Mais jusqu’à présent, rien n’indique que ce soit le cas. Au contraire, les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et l’Union européenne ont récemment imposé des sanctions à des responsables chinois en raison de leur politique à l’égard de la minorité ouïghoure du Xinjiang, ce qui a entraîné des contre-sanctions de la part de la Chine. Un nouvel accord d’investissement entre la Chine et l’UE semble désormais compromis. Pendant ce temps, en Chine, des boycotts sanctionnés par l’État sont organisés contre les détaillants étrangers qui ont critiqué leur politique.
On fait souvent la comparaison avec la guerre froide entre l’Union soviétique et les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Mais il s’agissait d’un conflit entre deux systèmes sociaux concurrents qui ne faisaient pas partie d’un marché mondial intégré. Il s’est également produit pendant la plus grande reprise économique de l’histoire du capitalisme. La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui ressemble davantage à la période de l’entre-deux-guerres, de 1918 à 1939, une période de stagnation généralisée pour le capitalisme, avec des rivalités mondiales croissantes.
Un niveau élevé de protectionnisme était également un trait caractéristique de l’entre-deux-guerres, en particulier des années 1930. Il est bien sûr vrai que l’économie mondiale est beaucoup plus intégrée aujourd’hui et qu’il n’est pas facile d’y remédier. Mais c’est la ligne de tendance qui est importante. La réaffirmation des intérêts nationaux et le fait que les pays soient de plus en plus divisés en deux “camps” mineront davantage le type d’économie mondiale intégrée qui existait au cours des dernières décennies. Toutefois, le recours croissant des gouvernements capitalistes à l’intervention de l’État et à une politique économique nationaliste ne permettra pas d’éviter ou de résoudre de nouvelles crises, pas plus qu’il ne l’a fait dans les années 30.
Pas d’issue sous le capitalisme
Si de nouveaux variants ou de nouveaux problèmes liés aux campagnes de vaccination peuvent affecter l’ampleur de la reprise économique cette année, ils ne l’arrêteront probablement pas complètement. Mais le rebond sera temporaire et toute une série de facteurs peuvent déclencher la prochaine étape de la crise. Et, bien entendu, les bénéfices éventuels seront répartis de manière très inégale dans le monde.
Une reprise temporaire peut, cependant, avoir un impact positif sur la lutte des classes dans de nombreux pays, en donnant aux travailleurs plus de confiance pour agir. Dans de nombreux pays, nous avons déjà constaté que les travailleurs de la santé et le personnel enseignant étaient prêts à se soulever malgré leur épuisement.
La colère est massive en raison de la façon dont les systèmes de santé dégradés ont causé tant de pertes de vie et de l’échec à protéger les travailleurs de première ligne pendant la pandémie. Toute tentative d’annuler les aides et les protections qui empêchent les gens de tomber dans la misère suscitera une forte résistance. La demande de changements permanents au profit de la masse de la population augmentera.
L’aspiration à des changements fondamentaux sera encore plus forte à mesure que les effets du changement climatique s’aggraveront. C’est l’autre crise, encore plus profonde, qui a été temporairement reléguée au second plan par la pandémie et la crise économique.
En voyant jusqu’où le capitalisme est prêt à aller pour sauver ce système en décomposition, des dizaines de millions de personnes se demanderont pourquoi nous ne pouvons pas nous débarrasser complètement du capitalisme. Tous les développements contemporains montrent qu’il est urgent d’adopter une planification rationnelle, démocratique et globale, basée sur la propriété publique des secteurs économiques clés, afin de relever les défis auxquels nous sommes confrontés en tant qu’espèce.
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La politique étrangère des États-Unis : le retour à l’impérialisme normal ?

L’administration Biden va-t-elle, comme ce dernier l’a déclaré, “réparer les dégâts causés par le président Trump et tracer une voie fondamentalement différente pour la politique étrangère américaine dans le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui” ?
Par George Martin Fell Brown, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux Etats-Unis)
Avec Trump, la politique étrangère américaine a pris la forme d’un nationalisme erratique. Sous le slogan “America First”, Trump s’est éloigné des alliés traditionnels de l’impérialisme américain, a déclenché des conflits commerciaux et tarifaires et a promis de nous sortir des “guerres sans fin”. Parallèlement, Trump a défendu les intérêts de l’impérialisme américain de manière encore plus nue, en livrant à de dangereux coups de sabre en Chine et en Iran, tout en défendant les politiques les plus réactionnaires d’Israël et de l’Arabie Saoudite.
On peut s’attendre à ce qu’une administration Biden prenne rapidement des mesures qui distingueront nettement la nouvelle administration, au moins au niveau de la rhétorique, par rapport à celle de Trump. Cependant, tout espoir de “remise à zéro” pose problème. La tendance au protectionnisme, les guerres commerciales, la mondialisation et la rivalité entre les États-Unis et la Chine ne sont pas le fruit de la personnalité d’un seul homme. Cela résulte de la profonde crise du capitalisme mondial et l’administration Biden sera incapable de la résoudre.
Le statu quo que Biden veut rétablir ne mérite pas d’être célébré. Alors qu’il était au Sénat, Biden fut un ardent défenseur de l’impérialisme américain, de la “guerre contre la drogue” en Amérique latine à la “guerre contre le terrorisme” au Moyen-Orient. Il a soutenu avec enthousiasme l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan. Toutes ces guerres ont été menées dans l’intérêt des grandes entreprises américaines. Cela s’est poursuivi pendant son mandat de vice-président d’Obama. Voilà l’approche que Biden promet de reprendre. Toute “réinitialisation” des relations mondiales avec l’administration Biden ne représentera pas les intérêts des travailleurs, ni à aux Etats-Unis, ni à l’étranger.
Rétablir les relations
L’un des principaux slogans de politique étrangère de la campagne électorale de Biden était de “renforcer la coalition des démocraties qui nous soutiennent”. Pour ce faire, il faut reconstruire les relations entre les États-Unis et leurs alliés traditionnels mis à mal par l’administration Trump. Biden cherchera à réintégrer l’Accord de Paris sur le climat et l’Organisation mondiale de la santé, que les États-Unis ont quitté avec Trump. Plus largement, l’administration Biden va renouer avec les institutions capitalistes mondiales, telles que l’OTAN et l’Union européenne, dont Trump avait cherché à s’éloigner ou dont il avait activement cherché à saper l’autorité.
Mais les capacités de Biden de “tracer une voie fondamentalement différente” ont leurs limites. L’Accord de Paris sur le climat, par exemple, est extrêmement limité. Le retour des États-Unis ne signifiera pas en soi un changement sérieux dans la course effrénée vers la catastrophe climatique. Le capitalisme européen sera heureux que Biden s’appuie davantage sur l’UE et l’OTAN, adopte une approche plus antagoniste à l’égard de la Russie et s’oppose au Brexit. Mais la crise politique et économique en Europe ne saurait être résolue par une reconstruction des alliances. Le Brexit est considéré comme une affaire réglée et d’autres crises menacent l’unité du capitalisme européen.
La fin de la rhétorique “America First” de Trump peut ralentir la croissance du protectionnisme. Mais si tout cela représente un certain changement et sera perçu, au moins pendant un certain temps, comme faisant partie d’un retour à la “normale” dans les relations mondiales, l’énorme affaiblissement des institutions capitalistes mondiales ne sera pas fondamentalement inversé. La tendance à la déglobalisation ne sera pas non plus inversée.
“Chine. Chine. Chine. Russie.”
Un des conseillers de Biden a été cité dans le Financial Times, décrivant la politique étrangère de Biden comme “Chine. Chine. Chine. Russie”. L’administration Trump était dominée par une guerre tarifaire croissante avec la Chine qui allait à l’encontre de l’orthodoxie néolibérale que Biden représente. Mais il y a des limites à ce que Biden peut, ou même veut, pour changer la dynamique de ce conflit.
Biden peut chercher à conclure un accord avec la Chine pour réduire les droits de douane, mais la politique américaine d’”engagement” avec la Chine, qui a commencé avec la visite de Nixon en 1972 et a conduit à l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2000, est maintenant définitivement terminée. L’idée que la Chine puisse être réformée pour devenir un “partenaire” des États-Unis et des puissances occidentales a été remplacée par la crainte de sa montée en puissance. Une partie de la classe dirigeante américaine souhaite maintenant un changement de régime en Chine. Cela se reflète dans la rhétorique grossière de Mike Pompeo qui a récemment déclaré que les pays étaient confrontés à un choix entre “la barbarie d’un côté et la liberté de l’autre… Nous les avons réveillés à la menace posée par ce monstre marxiste-léniniste”. La rhétorique des Démocrates sera différente, sans pour autant désamorcer le conflit.
Même avant Trump, l’objectif d’Obama avec l’alliance commerciale du Partenariat Trans Pacifique (TPP) dont Trump s’est retiré, était d’”encercler” la Chine et de contenir son développement. Bien que l’administration Obama se soit abstenue de mener une guerre commerciale de grande envergure, il a déclaré dans une récente interview accordée à The Atlantic que “si nous n’avions pas traversé de crise financière, ma position envers la Chine aurait été plus explicitement litigieuse sur les questions commerciales”. Michèle Flournoy, le choix proposé par Biden pour le poste de ministre de la défense, a également adopté une ligne dure en faveur du renforcement de la présence militaire américaine dans la mer de Chine méridionale.
Le refroidissement de la rivalité américano-chinoise n’est pas simplement une question de ce que le gouvernement américain est prêt à offrir. C’est aussi une question de ce que le gouvernement chinois est prêt à accepter. En outre, on peut s’attendre à ce qu’une administration Biden adopte une ligne plus dure que Trump à l’égard de la Russie.
On peut s’attendre à ce que Biden et l’impérialisme américain insistent sur les “droits humains” dans une bien plus large mesure que Trump. Nous pouvons également nous attendre à une diminution des propos sinophobes comme les références de Trump au “virus chinois”. Par contre, il ne faut pas s’attendre à un changement sérieux dans le conflit sur la technologie, y compris l’exclusion par les États-Unis du réseau 5G de Huawei. Nous ne devons pas non plus nous attendre à un renversement de la tendance en cours vers le découplage des économies américaine et chinoise, avec des entreprises qui réduisent ou retirent leurs activités en Chine et l’éclatement de la chaîne d’approvisionnement mondiale en chaînes d’approvisionnement régionales. Mais si l’impérialisme américain peut être en mesure de constituer un front commun contre la Chine parmi un certain nombre de pays capitalistes clés, il le fera dans une position de faiblesse significative par rapport à il y a même une décennie. En réalité, le conflit a affaibli et continuera d’affaiblir les deux puissances.
Les attaques de Biden contre la Chine mettront en lumière la répression du régime du parti “communiste” à Hong Kong et la détention de près d’un million de musulmans ouïgours dans la région du Xinjiang. Le régime du PCC est en effet une dictature brutale et chauvine. Mais les crimes de l’impérialisme américain sont encore pires. Du Vietnam à l’Irak, les Etats-Unis ont massacré des millions de personnes dans le but de défendre le système de profit. En tant que socialistes, nous nous opposons à tout impérialisme, y compris et surtout au “nôtre”.
Le Moyen-Orient
Au Moyen-Orient, une “réinitialisation” des relations mondiales ne serait pas une bonne chose. Biden était un fervent partisan de la “guerre contre le terrorisme” de Bush et de sa poursuite sous l’administration Obama. Pendant l’élection, Biden a consciemment courtisé des personnalités de l’administration Bush comme Colin Powell. Les membres du cabinet qu’il a proposés comme responsables des relations mondiales – Michèle Flournoy pour la défense et Anthony Blinken pour la secrétaire d’État – sont tous de fervents représentants de l’approche impérialiste pourrie vis-à-vis du Moyen-Orient, qui repose sur le soutien aux dictateurs et la conduite de guerres pour maintenir le contrôle du pétrole.
Biden et son équipe vont certainement essayer de poursuivre une approche différente de celle de Trump vis-à-vis du régime iranien. Ils sont certainement déterminés à essayer de relancer l’accord nucléaire iranien dont Trump s’est retiré mais, en pratique, cela pourrait s’avérer impossible. L’Iran exigera la fin des sanctions imposées par Trump, ce qui serait probablement politiquement impossible à accepter pour Biden. Même dans ce cas, l’administration n’aura pas les coudées franches pour relancer l’accord nucléaire. Blinken a assuré que “nous poursuivrons les sanctions non nucléaires contre la mauvaise conduite iranienne dans d’autres domaines”. Sur les dernières semaines de l’administration Trump, Trump et son allié Netanyahu, le premier ministre israélien, ont tenté de provoquer l’Iran dans un conflit direct pour rendre la tâche de Biden encore plus difficile. La dernière action en date est l’assassinat du principal scientifique nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh, très probablement par Israël.
Certains éléments indiquent que Biden adoptera une attitude moins amicale à l’égard du régime saoudien. La relation avec Nétanyahou sera tout aussi glaciale. Mais cela en dit plus long sur l’amitié que Trump avait avec les gouvernements saoudien et israélien que sur l’hostilité de Biden. Sous l’administration Obama, Biden, Blinken et Flournoy ont maintenu des liens étroits avec les deux pays, soutenant l’invasion saoudienne du Yémen et augmentant le financement du programme de défense israélien.
L’engagement de Biden en faveur d’une “coalition des démocraties” sera sérieusement mis à l’épreuve au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L’approche de Biden et d’autres a été remise en question lors du processus de révolution et de contre-révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord il y a dix ans, lors des soulèvements de masse dirigés contre les alliés traditionnels des États-Unis en Égypte et en Tunisie. La dictature d’Abel el-Sisi en Égypte, qui est arrivée au pouvoir par un coup d’État contre-révolutionnaire, servira de test pour déterminer l’engagement de Biden en faveur de la démocratie. Trump était un fervent admirateur de Sisi et Obama, tout en critiquant Sisi, a néanmoins rétabli les relations entre les États-Unis et l’Égypte.
L’Amérique latine
Sous l’administration Clinton, Biden a été l’un des principaux architectes du “Plan Colombie”, une réponse fortement militarisée au commerce de la drogue, axée sur des aides militaires massives au gouvernement de droite en Colombie. Ce plan était accompagné d’une aide économique à la Colombie liée à un engagement de privatisations, de libre-échange et d’austérité. Cela a entraîné des violations massives des droits humains et une pauvreté croissante. Néanmoins, Biden a présenté le Plan Colombie comme l’une de ses principales réalisations en matière de politique étrangère pendant les élections.
Sous l’administration Obama, Biden a supervisé l’Alliance pour la prospérité et le Programma Frontera Sur en Amérique centrale et au Mexique. Ces programmes visaient à stopper l’immigration à la source en fournissant une aide financière pour soutenir les forces de police hautement militarisées dans la région. En pratique, cela a permis de renforcer la répression et la corruption que les gens fuyaient au départ.
Comme pour la politique chinoise, Biden évitera le racisme flagrant mis en avant par Trump. Mais il poursuivra sa propre politique passée de soutien aux gouvernements de droite favorables aux États-Unis dans la région.
L’Amérique latine a connu récemment une recrudescence des luttes de masse. Des manifestations de masse ont eu lieu en Équateur et au Chili en 2019. En Bolivie, le Mouvement vers le socialisme a obtenu une victoire en octobre et a renversé le coup d’État de droite qui avait déposé Evo Morales en 2019. Actuellement, nous assistons à de nouvelles luttes de masse au Pérou et au Guatemala. Toutes ces luttes sont dirigées contre les politiques et les gouvernements que Biden a encouragés par le passé. Une administration Biden ne sera qu’un obstacle à ces luttes et à celles à venir.
La nouvelle vague de luttes en Amérique latine constitue une alternative aux approches de l’impérialisme américain, qu’il soit dirigé par Trump ou Biden. La lutte ouvrière internationale et la solidarité peuvent ouvrir la voie à une véritable “autre voie” pour la politique mondiale.
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RCEP : le combat commence maintenant contre cet accord de libre-échange anti-travailleurs
Le 15 novembre, le partenariat régional économique global (en anglais : Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) a été lancé par quinze gouvernements de la région Asie-Pacifique. L’intention claire des négociateurs était de lancer un accord commercial typiquement néolibéral qui, s’il est pleinement mis en œuvre, réduira les droits de douane et les barrières non tarifaires entre les dix membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) et cinq économies non membres de l’ANASE. L’ANASE est composée du Brunei, du Cambodge, de l’Indonésie, du Laos, de la Malaisie, du Myanmar, des Philippines, de Singapour, de la Thaïlande et du Vietnam. Les cinq “étrangers” sont l’Australie, le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et la superpuissance régionale, la Chine.Par des reporters de chinaworker.info. Cet article est l’éditorial du numéro de décembre du magazine socialiste (社会主义者) de la section Chine-Hong Kong-Taïwan d’Alternative Socialiste Internationale
Le RCEP est considéré comme le plus grand bloc commercial au monde, regroupant 2,2 milliards de personnes (dont 63 % pour la Chine) et environ 30 % du PIB mondial (dont plus de la moitié pour la Chine). L’accord risque de se heurter à une résistance massive des organisations de travailleurs et des mouvements sociaux dans toute la région, et les fortes contradictions entre les gouvernements signataires soulèvent de nombreuses questions quant à sa viabilité.
Le site chinaworker.info propose ici quatre idées à retenir au sujet du lancement du RCEP.
Le RCEP représente une énorme attaque contre les travailleurs, les agriculteurs et la nature
Le RCEP représente un crime gigantesque perpétré par une clique secrète de politiciens et de magnats du monde des affaires capitalistes contre la grande majorité des habitants de la région Asie-Pacifique.
“Cela va encore saper les moyens de subsistance des agriculteurs, des pêcheurs, des peuples indigènes et des paysannes, et menacer les emplois des travailleurs”, déclare le groupe Trade Justice Pilipinas. “Le RCEP ne fera qu’aggraver les inégalités qui existent déjà et qui ont été exacerbées par la pandémie”, prévient le groupe basé aux Philippines.
Sept syndicats répartis dans plusieurs pays de la région ont qualifié le moment de l’accord d’”épouvantable”, survenant au milieu de la pire pandémie depuis un siècle, avec des systèmes de santé débordés et un chômage en forte hausse. Ils avertissent que le RCEP menace d’aggraver ce que les Nations unies prédisent comme la pire crise alimentaire mondiale depuis 50 ans.
L’économie de l’Asie dans son ensemble va se contracter de 2,2 % cette année, selon la dernière enquête du FMI, la première contraction de ce type depuis les années 1960. Même lors de la crise financière asiatique dévastatrice de 1997, l’économie de toute la région a enregistré une croissance positive de 1,3 %. L’accord du RCEP montre plus que tout autre chose le désespoir des quinze gouvernements ; la nécessité d’un discours positif pour apaiser les nerfs des entreprises et relancer les investissements étrangers.
Le RCEP va accroître l’exploitation des travailleurs et de l’environnement. La réorganisation et la régionalisation des chaînes d’approvisionnement, envisagées dans le cadre du RCEP, entraîneront des licenciements massifs, des fermetures d’entreprises, des réductions de salaires et une augmentation des niveaux déjà inacceptables d’emplois précaires. L’Organisation internationale du travail (OIT) rapporte que 68 % de la main-d’œuvre de la région Asie-Pacifique se trouve dans le secteur informel, les jeunes travailleurs de 15 à 24 ans étant les plus touchés. Dans ces emplois, il n’existe pratiquement aucune protection sociale, aucun droit à la retraite ni aucun droit syndical. Au Laos et au Cambodge, deux États membres du RCEP, le secteur informel représente plus de 93 % de l’emploi, mais même au Japon, pays riche, cela représente 20 % de l’emploi.
L’accaparement des terres, les défrichements forcés et l’appauvrissement des petits agriculteurs de subsistance vont augmenter. Le RCEP demande à ses membres d’adhérer au traité de Budapest, qui impose le contrôle monopolistique des semences et des micro-organismes par de grandes entreprises agrochimiques comme Monsanto et la société chinoise Syngenta, affaiblissant encore la position des petits agriculteurs. Les professionnels de la santé avertissent que les règles du RCEP sur les médicaments génériques, si elles sont adoptées, entraîneront une hausse vertigineuse des prix des médicaments dans de nombreux pays de l’ANASE.
Les écosystèmes déjà dégradés seront encore davantage mis à mal. En Indonésie, une zone de forêt de la taille de Brunei est perdue chaque année au profit de grandes entreprises de plantation, d’exploitation forestière et minière. Des batailles de masse ont éclaté ces dernières années impliquant des activistes environnementaux et des peuples indigènes – de la Papouasie occidentale à la Mongolie intérieure – pour bloquer l’exploitation minière et d’autres projets d’entreprises écologiquement destructeurs. Cela inclut des protestations contre des entreprises chinoises et des projets d’infrastructure en Indonésie, en Thaïlande, au Myanmar et dans d’autres États du RCEP, y compris des projets dans le cadre de l’initiative géante chinoise “Belt and Road Initiative” (BRI, également appelé « les nouvelles routes de la soie » en français).
Le RCEP ne contient aucune disposition environnementale. La lutte pour désamorcer la bombe à retardement écologique et climatique et améliorer les conditions de vie des populations rurales pauvres d’Asie ne peut pas reposer sur un lobbying visant à “améliorer” le RCEP, mais sur la revendication de l’abandon pur et simple de cet accord. Des organisations de travailleurs fortes, qui se lient aux masses rurales et leur donnent une impulsion, sont la seule façon de vaincre cet assaut capitaliste. L’internationalisme des travailleurs et leur lutte commune pour mettre fin au système de profit capitaliste et placer toutes les ressources économiques sous le contrôle démocratique de la majorité est la seule réponse, plutôt que l’illusion du capitalisme “national” et du protectionnisme.
Le RCEP est synonyme de nouvelles attaques contre les droits démocratiques
Le RCEP est un “affront à la démocratie”, selon la députée philippine de gauche Sarah Elago. “Les gouvernements ont donné des positions privilégiées aux grands groupes de pression des entreprises au détriment des principes démocratiques de base”, souligne-t-elle. Les négociations du RCEP ont été menées dans le plus grand secret, à l’exclusion des parlementaires élus (lorsqu’ils existent), sans parler des syndicats, des organisations de jeunesse ou des militants ruraux. Le document final de 510 pages, avec des milliers de pages de documents associés, n’a été publié qu’après la signature de l’accord. Pourtant, de puissantes associations capitalistes comme le East Asia Business Council, le Keidanren du Japon et le Minerals Council d’Australie se sont même vu attribuer un rôle officiel dans le processus du RCEP.
L’accélération de l’accaparement des terres et de la saisie des ressources naturelles par les entreprises entraînera une militarisation accrue et une terreur soutenue par l’État dans les régions rurales et les régions où vivent des minorités ethniques. Les protestations de masse des travailleurs et des jeunes en Indonésie, en Thaïlande et à Hong Kong au cours de l’année écoulée ont été sévèrement réprimées. Dans toute la région, les dépenses militaires ont augmenté de 52 % depuis 2018, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.
Le processus du RCEP montre que lorsque des accords visant à augmenter les profits des grandes entreprises sont sur la table, il n’y a pas de différences fondamentales entre les dictatures directes comme la Chine, le Brunei et le Laos, et les gouvernements capitalistes “démocratiques” en Australie, au Japon et en Nouvelle-Zélande.
RCEP : Qui gagne, qui perd ?
Le RCEP et d’autres accords de libre-échange sont des manifestations de l’impérialisme moderne, qui permettent aux classes capitalistes d’exploiter plus efficacement le travail, tant au niveau national que mondial.
Selon l’économiste Michael Plummer, trois pays – la Chine, le Japon et la Corée du Sud – récolteront 90 % des gains de revenus et 88 % des gains commerciaux du RCEP. Les douze autres membres du RCEP devront se chamailler pour les miettes.
Tous les accords capitalistes tentent de duper les gens avec des phrases sucrées sur la “coopération win-win” où tout le monde est gagnant. Mais pour les économies de l’ANASE, pour la plupart “en développement”, le RCEP va renforcer un processus de dépendance économique – en tant que marchés, sources de main-d’œuvre bon marché et de ressources naturelles – vis-à-vis du capitalisme chinois et d’autres grandes économies.
Au cours des dix dernières années, la moitié des membres de l’ANASE ont enregistré un déficit commercial (Cambodge, Indonésie, Laos, Myanmar et surtout les Philippines). Trade Justice Pilipinas avertit que l’adhésion au RCEP augmentera la facture des importations du pays de 908 millions de dollars US mais n’ajoutera que 4,4 millions de dollars US à la valeur des exportations.
Le caractère impérialiste de la Chine sous le règne du Parti soi-disant communiste (PCC) est pleinement révélé par son rôle instrumental dans le déclenchement de ce projet néo-libéral sur les peuples de la région. Les ambitions économiques et géopolitiques du PCC, qui, à l’époque de Xi Jinping, sont de plus en plus poursuivies par la coercition et les menaces, ne sont pas fondamentalement différentes de celles de puissances impérialistes plus établies comme les États-Unis.
La nécessité pour la Chine de consolider sa domination sur l’Asie de l’Est, en tant que contrepoids aux politiques de “découplage” économique et diplomatique des Etats-Unis, est un facteur essentiel qui a motivé le lancement du RCEP. Il s’agit d’une nouvelle escalade significative de la guerre froide, plutôt que d’une quelconque réduction d’échelle. Le régime de Xi sait que lorsque Biden prêtera serment, les politiques anti-Chine de Washington se poursuivront, “bien qu’avec moins de caractéristiques trumpiennes” comme l’a noté Al Jazeera.
Le RCEP représente une victoire diplomatique majeure pour la Chine aux dépens des Etats-Unis, mais une réalisation bien plus limitée en termes économiques. Comme le soulignent les analystes de City Research, “le message diplomatique du RCEP peut être tout aussi important que l’économie – un jolie coup pour la Chine”.
En fait, malgré la fanfare entourant le RCEP, cela ne signifiera que des “gains marginaux” pour l’économie chinoise selon le South China Morning Post de Hong Kong. Si le RCEP devrait apporter un modeste coup de pouce au PIB chinois, “il ne suffira pas à annuler les dommages de la guerre commerciale avec les États-Unis”, a déclaré le journal. Le Petersen Institute of International Economics a prédit en juin 2020 que le RCEP, une fois terminé, ajoutera 0,4 % au PIB chinois d’ici 2030, tandis que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, si elle devait persister (nous pensons que c’est très probable), réduirait le PIB de 1,1 %. Paradoxalement, la suppression des barrières commerciales entre la Corée du Sud, le Japon et les pays de l’ANASE peut conduire à un accroissement des échanges entre ces pays plutôt qu’avec la Chine, sur la base des symétries de ces économies respectives.
Pour combattre efficacement le RCEP, le mouvement ouvrier a besoin d’une évaluation sobre de ce qu’il représente, et non de prendre pour argent comptant la propagande vantarde des différents gouvernements et groupes d’entreprises du RCEP.
Le magazine The Economist a décrit l’accord du RCEP de novembre comme “peu ambitieux”, un point de vue partagé par de nombreux commentateurs capitalistes. Afin d’aller de l’avant, les gouvernements signataires ont été contraints de diluer leurs ambitions et d’adopter un accord nettement plus faible par rapport à de nombreux autres ALE capitalistes. Le RCEP est assez vague sur le commerce des services et contient très peu sur l’agriculture par exemple.
Ces lacunes et insuffisances sont une bonne nouvelle du point de vue de la classe ouvrière. Nous ne devons pas sous-estimer la menace économique très réelle que représente le RCEP, mais sa nature instable et les nombreux conflits entre les États membres font qu’une lutte réussie pour enterrer le RCEP est une possibilité réelle.
Le RCEP va-t-il décoller ?
A ce stade, le RCEP est plus lourd de symbolisme que de substance. Il faudra au moins dix ans, et dans certains cas vingt ans, pour que les objectifs de réduction tarifaire du bloc soient atteints. D’autres parties de l’accord pourraient s’enliser dans des négociations sans fin. L’Inde a participé à 28 des 31 cycles de négociations du RCEP, mais elle s’est retirée du processus en 2019, principalement en raison du défi économique lancé par la Chine.
Les commentateurs soulignent la “voie de l’ANASE”, qui consiste à progresser lentement, progressivement et de façon presque glaciale. C’est le mode de fonctionnement du groupe depuis un demi-siècle, en raison du caractère extrêmement divers et désuni de ses dix États membres. Le RCEP est encore plus diversifié et désuni.
La guerre froide va se jouer autour et aussi à l’intérieur du RCEP avec l’impérialisme américain déterminé à priver la Chine de tout avantage. La polarisation entre les factions pro-américaines et pro-chinoises des élites dirigeantes dans toute la région va probablement s’accentuer. La lutte féroce entre la Chine et l’Australie, cette dernière étant fermement ancrée dans le camp américain, est une indication de ce qui nous attend. Le Japon et la Corée du Sud, tous deux alliés des États-Unis, ont de sérieux différends entre eux. Ceux-ci, comme les tensions ailleurs, peuvent déborder sur les prochains cycles de négociations du RCEP.
Ce différend – avec le charbon australien, le bœuf, l’orge, le vin et d’autres marchandises bloquées par la Chine – a atteint de nouveaux sommets quelques jours seulement après que les deux gouvernements ont signé l’accord du RCEP. Leurs différends économiques sont dans une certaine mesure éclipsés par le clivage diplomatique et politique, la Chine présentant une liste de “quatorze griefs” qui comprennent une couverture médiatique négative, et le gouvernement australien exigeant des excuses pour un tweet provocateur du ministère des affaires étrangères de Pékin, qui a attiré l’attention sur les crimes de guerre commis par le personnel militaire australien en Afghanistan.
Il est peu probable que le RCEP commence avant janvier 2022 car il doit être ratifié par des “parlements” (dont certains ne sont pas élus) dans au moins neuf pays. Bien qu’il soit peu probable qu’il échoue, même le processus de ratification pourrait se heurter à une résistance farouche. Au cours des deux prochaines années, avant que le RCEP puisse être mis en œuvre dans son intégralité, la route sera longue et ardue – un chemin de boue sinueux plutôt qu’une autoroute.
Nous assistons également à la plus importante lutte de pouvoir au sein de l’État PCC depuis trois décennies, incarnée par les signaux très différents émis par le président Xi Jinping et le premier ministre Li Keqiang. Comme Li est le responsable officiel du RCEP, ce projet fera inévitablement partie de la lutte pour le pouvoir. Xi est en général favorable à un programme économique plus nationaliste, avec une plus grande dépendance du capitalisme d’État, tandis que Li représente la couche des capitalistes chinois qui sont favorables à des liens économiques plus étroits avec l’étranger. Bien que Xi ne soit pas fondamentalement opposé au RCEP, sa priorité est la “stratégie de double circulation” pour développer l’économie intérieure chinoise, ce qui signifie que le RCEP pourrait être mis de côté dans la pratique, devenant un accord vide de sens.
La tâche du mouvement ouvrier, des socialistes, du mouvement pour le climat, des étudiants et des militants ruraux est de s’assurer que la résistance de masse nécessaire est mise en place. Le capitalisme est incapable d’”unifier” l’Asie-Pacifique, notamment parce qu’il s’agit d’un système basé sur des États-nations, qui, surtout en période de crise, développent des antagonismes fondamentaux lorsque chaque groupe dirigeant tente de se sauver.
Les socialistes croient en une véritable coopération internationale et en une intégration économique fondée sur les intérêts communs des travailleurs au-delà des frontières nationales. Cela n’est possible qu’en renversant le capitalisme – dans ses deux variantes “nationaliste” et “mondialiste” – et en établissant des économies planifiées, socialistes et publiques sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière et des masses opprimées.
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Tensions en Méditerranée : non au nationalisme et à la guerre, non à l’extraction de gaz naturel !

La découverte de gisements d’hydrocarbures dans les fonds marins de la Méditerranée orientale ajoute un autre facteur à la concurrence entre les classes dirigeantes de Grèce, de Turquie et de Chypre. La crise actuelle, qui dure depuis des mois, est la pire depuis la guerre de 1974, tant par sa durée que par les menaces qu’elle représente.
Déclaration commune de Xekinima (section d’ASI en Grèce), d’Alternative socialiste (section d’ASI en Turquie) et de NEDA (section d’ASI à Chypre)
Les gouvernements grec et chypriote ont désigné des parcelles offshore et conclu des contrats avec de grandes multinationales pétrolières pour la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures.
Cela a pour effet d’acculer objectivement, économiquement et géopolitiquement, la classe dirigeante turque, qui est le seul grand acteur intéressé dans la région à être exclu de l’exploitation des gisements. Le régime d’Erdogan était tenu de réagir vigoureusement – mais c’était un facteur que les gouvernements grec et chypriote ont complètement sous-estimé.
La réponse du gouvernement turc, en revanche, s’inscrit dans le cadre de ses aspirations néo-ottomanes, qui provoquent déjà d’énormes tensions dans l’ensemble de la région, comme le montre son intervention militaire en Libye, avant celle en Syrie, etc.
Les navires de guerre turcs ont escorté les navires de forage turcs en Méditerranée orientale depuis la proclamation de la ZEE (zone économique exclusive ou EEZ en anglais) autour de la République de Chypre. La déclaration d’une ZEE entre la Grèce et l’Égypte, en réponse à la déclaration d’une ZEE entre la Turquie et la Libye, a été suivie par le déploiement de navires de guerre turcs dans la mer autour de l’île de Kastelorizo, qui a été suivi par le déploiement de navires de guerre grecs en réponse.
Pendant des jours, les deux flottes se sont fait face, “les doigts sur la gâchette”. Selon les médias allemands (Die Welt), Erdogan a discuté de la possibilité de couler un navire grec ou d’abattre un avion grec, mais il en a été empêché par ses généraux.
La Méditerranée orientale est actuellement le siège de l’une des plus grandes concentrations de forces navales de la planète : Des porte-avions et des navires de guerre américains, français et russes y sont stationnés, en plus des forces grecques et turques.
Les exercices navals et militaires qui s’y déroulent, parmi les forces qui composent le bloc anti-turc et qui comprennent Israël, l’Egypte et les Emirats arabes unis, ainsi que la Grèce, Chypre et la France, illustrent l’extrême tension qui règne.
Les gouvernements de Grèce, de Turquie et de Chypre, bien qu’ils aient été durement touchés par la pandémie de Covid-19 et la crise économique qu’elle a déclenchée, au lieu de dépenser leur argent pour la santé, la protection et la prospérité de leur population, se lancent dans une nouvelle course aux armements.
Selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung (journal général de Francfort), le gouvernement turc a fait passer les dépenses militaires à 20 milliards de dollars en 2019, ce qui représente 7,8 % du PIB de la Turquie. Parallèlement, la Grèce négocie de nouveaux grands paquets d’armes d’une valeur de 10 milliards d’euros (environ 12 milliards de dollars) pour les prochaines années. La petite économie chypriote, après la levée de l’embargo par les États-Unis, se prépare à acheter de nouveaux équipements militaires plus avancés.
La population des trois pays est très inquiète. Malgré la “propagande patriotique” massive qui se développe tant en Turquie qu’en Grèce, selon un récent sondage, seuls 35 % des Turcs et 46 % des Grecs pensent que leur pays est capable de supporter le coût d’une guerre. Même en Turquie, où l’opinion publique est “habituée” à la guerre constante dans laquelle leur gouvernement est engagé, 60% sont contre une guerre avec la Grèce et seulement 31% y sont favorables.
Les illusions cultivées pendant des années en Grèce et à Chypre, selon lesquelles l’UE et l’OTAN pourraient contribuer à désamorcer la crise et les tensions nationales qui durent depuis des décennies, se dissipent de jour en jour. Il devient de plus en plus clair pour de larges pans de la population que les pays de l’OTAN et de l’UE servent leurs propres intérêts et, en fait, peuvent souvent être en conflit les uns avec les autres, comme le montrent les différentes attitudes de la France et de l’Allemagne au sein de l’UE.
Il est impossible de concilier les intérêts matériels réellement concurrents dans la région dans le cadre du capitalisme. Tout mouvement qui renforce la classe dirigeante grecque et chypriote grecque affaiblit la classe dirigeante turque et chypriote turque et vice versa.
Mais ce qui devrait être clair pour la classe ouvrière et les jeunes en Turquie, en Grèce et à Chypre, c’est que peu importe à quel point les classes dominantes sont prêtes à sacrifier d’innombrables vies dans cette compétition, nous n’avons rien à gagner. Ni des forages, ni des profits qu’ils génèrent pour les multinationales et les capitalistes locaux, ni de la revendication d’îlots rocheux inhabités en mer Égée qui ne servent que des intérêts géostratégiques en cas de guerre, ni bien sûr de la division de Chypre qui se poursuit sans aucune perspective sérieuse de résolution.
Pour toutes ces raisons :
- Nous sommes contre la guerre et le nationalisme qui se développe dans ces trois pays !
- Nous luttons contre l’extraction des hydrocarbures qui sacrifie l’environnement et la paix au profit des multinationales du pétrole.
- Nous appelons à une lutte commune des travailleurs et des jeunes en Grèce, en Turquie et à Chypre (nord et sud) contre les politiques anti-ouvrières et nationalistes des gouvernements et des classes dominantes qu’ils servent.
- Nous luttons pour la construction d’organisations politiques de masse de travailleurs et de jeunes qui lutteront pour le renversement du capitalisme dans nos pays, contre l’intervention impérialiste, et pour le socialisme, dans des conditions de démocratie et de liberté véritables, au sein d’une fédération socialiste volontaire, sur une base égale, non seulement des trois pays mais de toute l’Europe.
