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Tag: Racisme
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Des jeunes de la N-VA impliqués dans un nouveau club d’extrême droite ‘‘Schild en Vrienden’’
Dries Van Langenhove (du cercle conservateur catholique KVHV) organise un groupe néo-fasciste “identitaire”.- Ce club a organisé des séances d’entraînement au combat durant son camp d’été et était le service d’ordre d’un meeting de Francken à Gand.
- Ce groupe est alimenté par les provocations ‘‘trumpiennes’’ de Francken.
On a récemment pu voir apparaître dans les rues des villes étudiantes flamandes des autocollants portant pour slogan : ‘‘Mieux vaut être mort que rouge’’ (Liever dood dan rood), “C’est déjà la faute des socialistes”, “Bouclier et ami” (Schild en vriend’’ (1) ) et “Finissons-en avec COMAC” (Maak komaf met COMAC). Cette campagne d’autocollants est l’œuvre de Schild et Vrienden, un club d’extrême droite composé de membres du NSV (cercle étudiant officieux du Vlaams Belang), du KVHV (cercle étudiant catholique conservateur) et des jeunesses de la N-VA.
Par Koerian (Gand)
Les débuts d’une milice privée
Le groupuscule est né au printemps dernier d’une action conjointe des membres des associations étudiantes susmentionnées lors d’une manifestation contre l’arrivée de Theo Francken à l’université de Gand (Ugent). Ils se tenaient le long du sentier avec des pancartes proclamant ‘‘Des frontières sûres = un avenir sûr’’. Dries Van Langenhove, membre du KVHV et représentant étudiant au conseil d’administration de l’Ugent, avait pris les devants dans ces actions. Le Vif écrivait en mars dernier que Dries Van Langenhove participe aux activités du réseau identitaire européen. Il aurait commencé à poser les bases d’une “Fédération flamande des identitaires” en septembre 2016. Shield en Vrienden pourrait bien en être le résultat.
Ces personnages ne sont pas unis par un véritable programme politique, mais par une haine commune des migrants et de la gauche et par un certain romantisme flamand (comme en témoigne le ‘‘1302’’ sur leurs t-shirts, année de la bataille des Éperons d’or). À en croire l’Instagram de Schild en Vrienden, la formation au combat était particulièrement centrale lors de leur camp d’été.
Ce groupe comprend Stijn Everaert, secrétaire de la N-VA pour Alost et ses environs, Brieuc Suys, cofondateur du réseau réactionnaire flamand SCEPTR et Michiel Vantongerloo, ex-responsable du KVHV à Gand qui c’était fait remarqué par les médias en criant ‘‘du cyanure pour le FDF’’ lors d’une soirée électorale de la N-VA en mai 2014. La fine fleur de la jeunesse d’extrême droite flamande était aussi invitée. Cette année, ils étaient impliqués dans une affaire d’intimidation sexuelle et de menaces de mort contre des membres de Comac. Il semble vouloir aller plus loin que le simple activisme sur Internet et passer à l’intimidation physique. Lors des manifestations en faveur des droits de l’Homme et contre la politique migratoire de Francken, ils viennent systématiquement provoquer les manifestants avec des slogans xénophobes.
Encouragés par les provocations de Trump
Le fait que de tels groupes extrémistes émergent aujourd’hui n’est pas étonnant. Le gouvernement essaie de vendre sa politique d’austérité en cherchant des boucs émissaires pour la pauvreté et la misère qu’il crée. Theo Francken balance une nouvelle attaque ou mesure raciste chaque fois que les déclarations socio-économiques optimistes du gouvernement sont mises à mal. Il suffit de penser à la collaboration avec la dictature soudanaise. Des individus comme Dris Van Langenhove se sentent renforcés par cette situation. Ils pensent qu’ils ont l’opinion publique dans la poche et partent à l’offensive contre les syndicats, la société civile et la gauche.
Cette confiance est toutefois erronée. La majorité de la population n’a toujours rien à voir avec la haine de Shield et Vrienden. Aux États-Unis, plusieurs mouvements d’Alt-Right et de néonazis estimaient que le vent allait souffler dans leurs voiles après la victoire de Trump. Cependant, une mobilisation de 40.000 antifascistes à Boston après le drame de Charlottesville les a renvoyés dans leurs égouts : l’extrême droite n’a pas sa place dans nos rues. Le lendemain, des dizaines de réunions de l’Alt-Right ont été annulées partout aux États-Unis et les néonazis se sont retranchés derrière leurs claviers et sur Internet. La jeune militante tuée à Charlottesville doit cependant nous rappeler le danger que représente l’extrême droite. En Belgique aussi, nous devons répondre à toute manifestation ou action de Shield en Vrienden avec une mobilisation de masse, pour repousser tous les Van Langenhoves de ce monde hors de notre espace public.
(1) Référence aux ‘‘matines de Bruges’’, le massacre d’un millier de partisans du roi de France survenu en 1302 à Bruges.
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La DH, taire la vérité et crier les préjugés: quand attiser le racisme est un métier
Jeudi dernier, la Dernière Heure titrait en grands caractères «les Belges ne veulent pas des migrants!» Sur base d’un «sondage exclusif», le journal renvoyait avec sa «Une» racoleuse vers un maigre dossier de trois pages. Dans un climat de montée de la xénophobie et des idées d’extrême droite, le rôle des médias est fondamental, et des titres comme celui-ci ne sont pas anodins.Par Nicolas P. (Bruxelles)
Article sensationnel, vide journalistique
À côté de la photo d’une femme en bikini et des «visages de charme de la rentrée», un titre accrocheur comme celui-là n’aurait pas pu être mieux accompagné. L’article se composait en tout et pour tout des résultats en graphiques d’un sondage effectués sur 2000 personnes à propos des migrants et des conséquences pour notre pays de leur arrivée. Mais il ne faut pas être linguiste pour savoir que les mots et la manière de poser les questions ont un poids.
Parler de «migrant» plutôt que de réfugié, ça a un poids. En plus d’être inexact il substitue la réalité d’une personne qui fuit la guerre ou la persécution à celle d’un simple voyageur (1).
Demander combien coûte un migrant, c’est nier les chiffres qui prouvent le contraire (2). Interroger sur la somme que chacun serait prêt à donner pour un réfugié, c’est ne pas demander combien il donne en réalité déjà pour financer l’achat d’avions de chasse, compenser l’évasion fiscale des familles les plus riches de notre pays, ou encore payer des parachutes dorés de centaines de milliers d’euros accordés aux patrons d’entreprises publiques (3). Ainsi le patron de la SNCB avec un salaire de 290 000 euros/an ou les diamantaires anversois coupables (4) d’une fraude de plus de deux milliards d’euros ne font l’objet d’aucun sondage d’opinion et très rarement de la «Une» d’un quotidien.
Faire croire que les réfugiés coûtent à l’Etat c’est oublier de dire que ces coûts couvrent essentiellement le salaire d’employés (ASBL, centres Fedasil, administration…) et que le gain pour les finances de l’Etat est en moyenne de 3500€ par individu (les cotisations sociales des réfugiés étant supérieures aux allocations versées). Imposer l’idée d’un afflux d’immigrés, d’une « invasion » c’est oublier de rappeler que nos grand-parents étaient bien heureux de pouvoir se réfugier en France en 1940 et que la situation actuelle de la Belgique en terme d’accueil n’a rien d’exceptionnel cette année et n’atteint que 2 demandeurs d’asile pour 1000 habitants. Enfin focaliser la politique sur l’immigration c’est taire le fait qu’en Europe ce ne sont pas les réfugiés mais bien les politiciens traditionnels et le grand patronat qui sabotent d’arrache-pied nos services publics, saquent nos emplois et détruisent notre sécurité sociale.
Le rôle d’un média n’est pas de crier haut et fort les préjugés qui circulent dans un pays. Effectivement un sentiment anti-immigration domine actuellement dans l’opinion publique. Mais comment s’en étonner ? La crise détruit des milliers d’emplois, les politiciens se lavent les mains de toute responsabilité de leurs politiques antisociales en accusant tour à tour les immigrés de « profiter des allocations » ou de « voler les emplois » et le mouvement social peine à apporter une réponse cohérente et audible.
Les journaux hurlent avec les loups en faisant les gros titres du moindre soupçon d’attentat terroriste, focalisent les débats de société sur la question des immigrés, et nient systématiquement l’évidence des injustices bien réelles dues au capitalisme et à l’austérité.
Même si certains journaux sont particulièrement immondes et malhonnêtes, la majorité des médias privés comme publics participent à la banalisation de la xénophobie et au climat anti-immigration par leurs choix éditoriaux, leur façon de traiter les sujets, le choix des images comme des termes utilisés etc. A l’occasion un journaliste ou l’autre peut se montrer plus honnête et publier des informations correctes qui peuvent être utiles pour démonter les arguments habituels.
Mais corriger des chiffres à coups d’études scientifiques ne suffit pas. Pour réellement répondre à la montée du racisme, il ne suffit pas, comme certains « progressistes » intellectuels le font, de mépriser les gens souvent plus précarisés qui pointent du doigt les réfugiés comme cause du nombre de sans-abris, du taux de chômage ou de l’insécurité. Plus que jamais il est nécessaire de mettre à jour le rôle honteux des Etats européens dans le déclenchement de conflits au Moyen-Orient et ailleurs, dans le pillage des ressources du monde néocolonial, dans le maintien en place de dictatures brutales et meurtrières.
Il faut crier plus que jamais que ce ne sont pas des immigrés qui ont fermé presque toutes les usines de Wallonie ces vingt dernières années. Que ce ne sont pas les immigrés qui se font élire sur de fausses promesses. Que ce ne sont pas les immigrés qui demandent des milliards d’euros pour sauver leurs banques. Pas plus que ce ne sont les immigrés qui obligent tous les gouvernements d’Europe à raboter les pensions, diminuer les allocations et vendre les services publics à des entreprises privées. Tout cela doit être le rôle du mouvement social, via les syndicats, les associations et les partis de gauche et leurs médias.
Que face à tant de violence sociale et de misère une couche importante de la population cherche un responsable, c’est naturel. Mais à l’heure ou l’annonce de la mort en mer de dizaines de réfugiés devient quotidienne, continuer à taire les vraies causes des injustices et à concentrer l’attention sur les réfugiés ainsi qu’à recouvrir de légitimité journalistique les mensonges racistes omniprésents, ce n’est pas seulement médiocre, c’est criminel.
(1) http://www.rtbf.be/info/dossier/drames-de-la-migration-les-candidats-refugies-meurent-aux-portes-de-l-europe/detail_migrant-demandeur-d-asile-ou-refugie-debat-sur-la-terminologie?id=9063772
(2) http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_la-belgique-face-a-un-afflux-massif-de-refugies-reponse-en-chiffres?id=9050959
(3) http://www.lalibre.be/economie/actualite/les-salaires-et-les-parachutes-dores-polemiques-dans-le-secteur-public-524a55db35703eef3a0b54a3
(4) http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_la-belgique-demissionnaire-face-a-la-fraude-de-certains-diamantaires?id=8984142 -
Rébellion de Ferguson : rapport d’un témoin
Rapport de notre camarade Chris Gray du mouvement Alternative socialiste (CIO États-Unis), daté du vendredi 22 aout
Le coin de l’avenue de Ferguson et de West Florissant s’est changé en une place Tahrir pour toute une génération de jeunes Noirs et Bruns radicalisés, qui sont prêts à tout risquer pour la possibilité d’un avenir meilleur. Bien que cette rébellion ait été déclenchée par le meurtre brutal de Mike Brown, l’élément sous-jacent, la raison pour laquelle cette rébellion continue à croitre encore et encore, est parce que tout le monde à Ferguson et en-dehors comprend bien qu’il ne s’agit en réalité pas que de Mike Brown. Ce sont les jeunes qui se trouvent au cœur du mouvement. Ils ressentent en effet un danger mortel : si rien ne change après ce mouvement, alors n’importe lequel d’entre eux pourrait être le suivant.
Les jeunes critiquent Obama et le Parti démocrate. Ils sont sceptiques par rapport aux dirigeants traditionnels de leur communauté, qui appellent les jeunes à “patienter” en attendant que la “justice fasse son travail”. Ils sont très fortement conscients du fait qu’il n’y a pas assez d’emplois, d’écoles, de logements. Mais ce qui est unique, est leur confiance dans leur capacité à transformer la société et à obtenir justice pour Mike Brown via une action collective et militante. Cette confiance leur vient du fait que ça fait deux semaines qu’ils tiennent bon chaque nuit malgré tous les obstacles, malgré la répression violente de l’État, et le fait que les “dirigeants” de la communauté continuent encore et encore à saboter les victoires déjà obtenues ici en répétant aux jeunes, après chacune de ces victoires, qu’ils se sont déjà bien battus et qu’il est temps de rentrer à la maison.
Durant la journée, il est difficile de bien se rendre compte de l’ampleur de ce qui se passe. De petits groupes de gens sont assis sur des chaises sur le trottoir, qui tiennent des panneaux « Justice pour Mike Brown » et « Mains levées, ne tirez pas ». Des journalistes et des équipes télé se baladent à leur aise dans les rues, en prenant des interviews d’un peu tout le monde. Les voitures descendent Florissant Avenue, le trafic est fluide. Il y a quelques policiers de garde. Mais au coucher du soleil, les gens quittent le travail, prennent leur diner, puis commencent à se rassembler sur le trottoir. Un groupe de vingt-trente personnes commence à marcher en criant des slogans inspirés. De plus en plus de personnes les suivent. Les policiers commencent à bloquer les rues et à détourner le trafic. Une fois la nuit tombée, des centaines de personnes marchent déjà sur les trottoirs, certaines colonnes se forment puis se dispersent, mais la foule continue à s’accroitre.
Des énormes camions blindés arrivent en ville, bourrés de policiers en armure, équipement tactique, armes d’assaut et shotguns. Tout le monde les voit arriver, mais pour éviter la provocation, ils préfèrent se garer derrière les magasins où on les voit moins. C’est une armée d’occupation. La plupart d’entre eux ne sont pas de Saint-Louis. Tandis que la plupart des manifestants sont des Noirs, presque tous les policiers sont des Blancs. Lorsque les cortèges deviennent plus gros, ils viennent sur le trottoir pour empêcher des groupes trop gros de se former. Pour ce faire, ils insultent et provoquent les manifestants, les aveuglent avec leurs lampe-torches, font semblant de les mettre en joue… La plupart des arrestations qui ont eu lieu concernent uniquement un-deux manifestants à la fois. Les policiers encadrent la foule ou la bloquent, le cortège est contraint de s’arrêter, il y a de la bousculade, puis les policiers bondissent avec leurs armes d’assaut en joue, et arrêtent un jeune au hasard dans la foule. En cas de résistance, ils tirent à balles en caoutchouc et envoient des gaz lacrymos. Cette tactique n’a pour seul effet que de rendre la situation encore plus tendue. Des centaines de personnes ont déjà été arrêtées de cette manière.
La foule est locale, composée de personnes qui descendent des appartements et des quartiers avoisinants. Personne ne porte de t-shirts politiques, à part ceux avec le slogan « Haut les mains, ne tirez pas », qu’on trouve absolument partout. Des églises ont installé des tables avec de la nourriture et de l’eau. Il n’y a aucun signe de présence syndicale, ce qui est vraiment une honte, vu le fait que les syndicats préfèrent dépenser des millions et mobiliser leurs affiliés pour soutenir les politiciens du Parti démocrate qui finalement ont totalement négligé cette communauté. Si le syndicat fournissait un financement, un soutien et son expérience à ce mouvement, ça pourrait totalement renverser le courant d’opinion selon lequel les non-locaux qui veulent participer au mouvement ne seraient pas les bienvenus à Ferguson. En effet, plusieurs personnalités qui ont voulu intervenir dans le mouvement se sont proprement fait éjecter, mais il faut voir quel type “d’aide” elles étaient venues proposer.
La bourgeoisie tente de récupérer le mouvement
De temps en temps, des libéraux, des prêtres, et des politiciens locaux viennent s’adresser à quiconque veut bien les écouter. Ils disent aux jeunes de « cesser de se faire arrêter pour rien », refusant de reconnaitre que les jeunes Noirs radicalisés de Ferguson ont inspiré et redonné la confiance à toute leur génération. Quelle que soit l’approche et les arguments employés, le discours des libéraux au final peut toujours se résumer à : « Rentrez chez vous, laissez-nous nous occuper de cela ». Les jeunes de Ferguson ne sont pas dupes et connaissent très bien toutes l’histoire des trahisons de la génération précédente qui a fait dériver le mouvement pour les droits démocratiques et la remis entre les mains de l’establishment politique. Les jeunes sont également fort conscients du fait que si ce mouvement est arrivé si loin, c’est uniquement par leurs propres efforts.
C’est la raison pour laquelle Jesse Jackson et Al Sharpton (deux pasteurs évangéliques noirs, membres haut placés du Parti démocrate) ont été hués lorsqu’ils sont arrivés à Ferguson. Incapables de contenir le mouvement, ils sont partis dépités. Mercredi soir, Iyanla Vanzant, une star de la télé qui travaille pour le réseau d’Oprah Winfrey, est venue à Ferguson. Elle a rassemblé 75 personnes autour d’elle et a fait un discours pour tenter de convaincre les manifestants de rentrer à la maison. Tandis que son équipe de cameramans faisait le tour de la foule pour tenter d’obtenir les meilleures images d’elle, les leaders anonymes du mouvement de Ferguson lui ont demandé ce qu’elle entendait au juste. Iyanla a répondu en disant que le mouvement n’a pas une stratégie d’ensemble, qu’en réalité les jeunes ne savent pas ce qu’ils veulent. Ses auditeurs n’en croyaient pas leurs oreilles, eux qui se sont exposé au danger pendant deux semaines et qui tiennent bon malgré tout. Tout le monde a commencé à répliquer, à lui crier dessus. Elle a reculé, est passée du centre de la foule sur le côté puis en-dehors. Elle continuait à vouloir donner sa morale. La foule a continué à résister, d’autres partaient. Finalement, son équipe s’est regroupée autour d’elle pour la faire partir.
Jeudi, la même Iyanla a commencé à mobiliser pour un meeting à 15 heures à l’endroit où Mike Brown a été tué. Elle avait posté une vidéo pour faire parler de son « Défi pour la paix en deux semaines », qui demandait à la population de rentrer à la maison pendant qu’un jury allait se rassembler pour décider du verdict concernant le policier qui a tué Mike. Une grande foule s’est rassemblée, on a attendu un certain temps. Puis elle est arrivée avec son équipe à bord d’un petit convoi de belles voitures, accompagnée de quelques gardes. Le meeting a d’abord pris la tournure d’une véritable assemblée de rue, avec des débats concernant l’évolution future du mouvement. À un moment bien calculé, elle a dit qu’il lui fallait un micro, et tout d’un coup un petit groupe de gens a commencé à s’activer, ont fait passer la foule vers un autre endroit où ils avaient arrangé un podium au bord de la route. Là, elle a annoncé qu’elle avait rencontré les jeunes de Ferguson, et qu’elle avait créé un groupe, qu’elle appelle les “13 Guerriers”, un groupe de jeunes hommes noirs, qu’elle veut voir jouer un rôle de dirigeant dans la lutte, avec elle-même pour les encadrer.
Voilà donc quelle est la dernière tentative de voler la direction de ce mouvement. L’establishment a reconnu le fait qu’il ne parviendrait pas à en reprendre le contrôle sans mettre de son côté une partie des jeunes de Ferguson. Les 13 Guerriers sont tous des garçons. Iyanla a beaucoup insisté sur le fait que ce sont des “guerriers de leur communauté”, sans faire attention au fait que la communauté compte quand même de nombreuses guerrièrEs, de jeunes femmes noires qui se tiennent elles aussi en première ligne tout autant que les garçons. Elles savent bien que la lutte n’est pas seulement affaire de garçon, et elles sont vraiment fâchées de voir leurs efforts ainsi dénigrés. Certains parmi ces “13” sont réellement de bons leaders qui se sont révélés au cours du mouvement, et qui ont mérité le respect par leur courage au cours de la lutte. D’autres parmi eux ne viennent pas de Ferguson, mais sont militants bien placés du Parti démocrate. Ils se sont présentés à la foule. Beaucoup de gens pensent qu’il s’agit d’un pas en avant : l’establishment a enfin reconnu l’importance des jeunes locaux. Mais en même temps, il est clair que les “13 Guerriers” constituent en fait un nouvel outil au service de l’establishment qui veut récupérer le contrôle à Ferguson.
La véritable force
En-dehors de la manifestation, en train de s’adresser à un petit attroupement, je vois un jeune homme qui s’appelle Travis. Il habite dans la rue. Je l’avais vu le soir avant à la télé, sur Fox News, où il défendait brillamment le mouvement devant des notables de droite très offensifs. Lui-même n’avait pas pris le temps de regarder la vidéo de son interview. Travis avait un emploi à mi-temps à Menards (une grande entreprise de supermarchés de quincaillerie), mais au moment où le mouvement a commencé, il a quitté son boulot pour être sûr de pouvoir participer autant qu’il le voulait. « C’est pas très grave de toute façon, ils ne m’appelaient pratiquement jamais ». Dans le mouvement, il est partout à la fois. Il reste tous les soirs jusque très tard, il est en tête de cortège, c’est lui qui lance les slogans, il parle avec les gens. Il encourage les gens à rester, à continuer la lutte, à maintenir le mouvement en vie. Curieusement, personne ne l’a contacté pour faire partie des “13 Guerriers”. Hier au soir, j’ai rencontré deux jeunes femmes, Josie et Peach, qui sont là depuis le début elles aussi. Elles ont toutes les deux un emploi à temps plein – une d’entre elle est également étudiante dans une haute école locale. Voilà la véritable jeunesse guerrière de Ferguson ; cette jeunesse-là n’est pas prête à rentrer à la maison de sitôt.
Un peu plus tard le même soir, des centaines de personnes se rassemblaient sur West Florissant. La police est revenue. Les slogans ont ralliés différentes colonnes. La foule a commencé à grossir, rejointe par de plus en plus de gens. Les passants et ceux qui se tenaient simplement sur le côté ont été absorbés dans la masse. À un moment, le cortège est parti, les slogans résonnant dans la nuit, avec pour seul public les participants eux-mêmes, les journalistes, et les dizaines de policiers fortement armés, assis dans les camions militaires. Travis tenait la bannière à l’avant de la foule. La marche a duré trois heures. Entre deux slogans, je demande aux gens autour de moi ce qu’ils pensent des “13 Guerriers” et du “Défi pour la paix en deux semaines”. Ils me regardent avec de grands yeux, ne comprennent pas de quoi je parle : « Les 13 qui ça ? ». Puis la conversation revient sur son cours habituel, le fait qu’il faut attirer plus de gens encore, et poursuivre le combat. C’est bientôt vendredi soir – le week-end pour de nombreux travailleurs. Tout le monde s’attend à voir beaucoup plus de gens encore arriver.
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USA. Ferguson : C’est tout le système qui est coupable !
Le mouvement à Ferguson a maintenant saisi toute l’attention nationale et même internationale. Dans le pays le plus riche et le plus puissant du monde, c’est toute une communauté qui est à présent brutalisée pour le fait d’exprimer sa colère face au meurtre injuste d’un jeune homme innocent, Michael Brown. Tous les regards sont tournés vers Ferguson ; cela pourrait constituer le début d’un nouveau mouvement pour la libération des Noirs, afin de riposter contre l’inégalité et le racisme.
Texte d’un tract distribué par les militants de Socialist Alternative, parti-frère américain du PSL, à Ferguson et à Saint-Louis
Cette colère fait suite à des décennies de criminalisation des jeunes hommes noirs. Elle est suscitée par un taux de chômage record et par la généralisation des emplois précaires. Elle a été provoquée par les fausses promesses des dirigeants du Parti Démocrate comme Obama et Jesse Jackson. Chaque semaine, plusieurs hommes noirs sont tués par la police. Ferguson a capturé l’attention des médias parce qu’ici, la communauté s’est dressée pour clamer son indignation.
Organisons-nous !
Le comité d’enquête officiel n’est que de la comédie. Il nous faut une enquête indépendante menée par des organisations de la communauté noire et de la classe salariée au sens large, via par exemple les syndicats. Afin d’obtenir cela, nous devons nous organiser avec des assemblées de masse afin de discuter des étapes suivantes et des objectifs de la lutte. Si nous parvenons à définir ce pour quoi nous nous battons et de ce fait gagner la sympathie de la population pauvre partout où elle se trouve, alors ce mouvement peut se propager à tout le pays.
Ferguson est une source d’inspiration pour des manifestations contre la violence policière dans tout le pays, et ce mouvement pourrait être lié aux campagnes pour un salaire minimum de 15 $ de l’heure, pour un refinancement de l’enseignement et pour la fin de la “guerre contre les drogues” raciste. Les syndicats possèdent une influence et des ressources qui pourraient contribuer à la construction de ces luttes et à la défaite de la répression.
« Il n’y a pas de capitalisme sans racisme » – Malcolm X
L’ensemble de ce système, ici et partout dans le monde, repose sur l’exploitation. Les super-riches deviennent de plus en plus riches, tandis que les pauvres reçoivent les licenciements, les coupes budgétaires, et des montagnes de dettes. Les deux partis politiques sont dans la poche des milliardaires. Pour obtenir la justice, nous devons construire un mouvement d’opposition de masse avec des revendications claires, et un parti des travailleurs et des pauvres capable de se dresser face à la politique des super-riches.
Nos revendications :
- Justice pour Michael Brown ! Son assassin doit être arrêté et jugé.
- Enquête totalement indépendante auprès de l’ensemble du département de la police de Ferguson menée par les organisations communautaires et par les syndicats.
- Assemblées de masse à Ferguson afin de discuter des prochaines étapes et de la stratégie face à la répression. Lors de ces assemblées, élection d’une direction du mouvement parmi la communauté de Ferguson.
- Mise en place de coalitions entre groupes communautaires et syndicats afin de propager le mouvement partout dans le pays.
- Contrôle démocratique de la police par les communautés, salaire minimum de 15 $ de l’heure, enseignement et soins de santé de qualité et gratuits pour tous.
- Fondation d’un nouveau mouvement de libération des Noirs en tant que partie prenante de la lutte de la classe salariée contre la violence policière, le racisme, les bas salaires, et les deux partis politiques.
Vœux de solidarité de Kshama Sawant
Kshama Sawant est membre du conseil de la ville de Seattle et porte-parole de Socialist Alternative. Elle a été élue l’an dernier avec 90 000 voix puis a dirigé à Seattle la campagne victorieuse pour le salaire minimum de 15 $ de l’heure.
« J’aimerais exprimer ma profonde gratitude et solidarité envers la population de Ferguson qui a fait ressortir l’immense racisme institutionnel qui existe dans notre société. Nous vivons dans un monde de guerre, de pauvreté, de sexisme, de racisme et de destruction environnementale, mais tout peut changer.
Nous pouvons nous organiser et demander plus. Nous avons gagné un salaire minimum de 15 $ de l’heure pour tous via des manifestations, des campagnes de rue et des actions politiques. Nous avons mis au jour les mensonges des super-riches, comme vous êtes en train de le faire de votre côté. Nous ne vivons pas dans une société “post-raciale”. Ce pays a été bâti sur le racisme. Afin de vaincre la violence policière, le racisme et la pauvreté, nous devons nous en prendre à la racine du problème lui-même : au capitalisme.Ensemble, nous pouvons construire un mouvement indépendant des deux partis, pour un monde avec des emplois corrects, l’égalité des droits et la dignité pour tous. Nous avons tout un monde à gagner, mais nous devons nous organiser et lutter pour l’obtenir ! »
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USA: Ferguson éclate de rage après le meurtre de Michael Brown
Élargissons les protestations – Unité contre le racisme et les inégalités
Le 9 août, un adolescent non armé, Michael Brown, a été tué par un policier à Ferguson, dans l’Etat du Missouri. L’officier de police a ordonné à Brown de s’immobiliser sur le trottoir et, peu de temps après, un coup de feu a éclaté. Selon divers témoins oculaires, Brown a levé les mains en l’air pour bien montrer à la police qu’il ne représentait pas de menace; mais les coups de feu de l’agent ont continué, tuant l’étudiant. Comme son corps gisait sur le trottoir, la communauté de Ferguson a explosé en une juste colère contre la violence policière.
Par Eljeer Hawkins, Socialist Alternative, (partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière aux USA). Article publié le 14 août sur www.socialistalternative.org
La rage bouillonnante entraînée par cette mise à mort s’est exprimée par une manifestation devant les locaux de la police, certains se livrant au pillage et jetant des bouteilles. Ensuite ont suivi des manifestations de masse, majoritairement pacifiques. Plusieurs témoins se sont clairement prononcés contre les déclarations de l’officier de police selon lesquelles Michael Brown avait tenté de lui retirer l’arme des mains.
La répression s’est faite de plus en plus brutale, les forces de police militarisées recourant aux gaz lacrymogènes et aux balles en caoutchouc tandis que les provocations étaient croissantes. Un policier a par exemple ouvertement qualifié « d’animaux » les habitants de Ferguson. La police a créé une zone de guerre virtuelle et a tenté d’empêcher toute couverture médiatique des événements. Des journalistes ont été ciblés par la répression : deux journalistes du Washington Post et du Huffington Post ont ainsi été arrêtés et des journalistes d’Al-Jazeera ont été visés par du gaz lacrymogène. La police a également tiré sur un manifestant mercredi dernier.
Socialist Alternative exige le retrait immédiat de la police. Nous exigeons également qu’une enquête indépendante et approfondie soit menée – en incluant des représentants des organisations afro-américaines, des syndicats et de la communauté locale au sens large – afin de dénoncer les conditions de ce meurtre brutal tout autant que la répression des manifestations. Les forces de police doivent faire l’objet d’une enquête publique dans leur totalité, y compris le responsable des tirs.
Compte tenu de l’incapacité du gouvernement à résoudre ces problèmes, la seule façon de parvenir à une véritable enquête indépendante et de s’en prendre systématiquement aux racines de la violence policières et des profondes inégalités raciales et économiques est de répandre les protestations et les manifestations à tout le pays. Cela nécessitera le regroupement des organismes communautaires et de travailleurs dans de nouvelles organisations de base afin de construire et de coordonner le mouvement de protestation contre les violences racistes de la police.
Un racisme quotidien dans une société profondément divisée
« Tant que le meurtre d’un homme noir ou du fils d’une mère noire ne sera pas aussi important dans le reste du pays que le meurtre du fils d’une mère blanche, celui qui croit en la liberté n’aura pas de repos… »
Ella Baker, militante des droits civiques, 1964
Combien encore ? Combien d’autres devront eux aussi mourir des mains de la police ou de la violence extra-judiciaire? Michael Brown vient de rejoindre la longue liste ceux qui ont violement perdu la vie parmi la classe des travailleurs et les pauvres, les jeunes de couleur étant plus particulièrement frappés, dans cette société capitaliste raciste qui a rendu la vie des gens de couleur tout simplement bonne à jeter et indigne de respect et de dignité. Comment pouvons-nous mettre un terme à cette crise croissante qui place notre jeunesse face à une pauvreté, une violence policière, un racisme brutal et des incarcérations de masse systémiques ?
Le seul «crime» de Michael Brown était d’être noir et pauvre alors qu’il se dirigeait vers la maison de sa grand-mère à Ferguson, une banlieue de St. Louis. Ferguson est composée de 70% de noirs et les forces de police sont à prédominance blanche. Sur une population de 21.000 personnes, un quart des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans certaines des zones environnantes, la pauvreté atteint même les 40%. Chômage et travail à bas sont la norme. Le revenu médian des ménages du quartier bordant la scène du crime n’est que de 14.390 $/an.
Un rapport de la coalition « Missourians to End Poverty » publié cette année démontre que la pauvreté à Saint-Louis est passée de 27,2% en 2011 à 29,3% en 2014. Près d’un million d’habitants du Missouri sont pauvres, sur une population totale d’un peu plus de 6 millions.
A Ferguson et dans de nombreuses autres villes des États-Unis, les policiers sont considérés comme une armée d’occupation par les travailleurs et les personnes de couleur, un peu comme en Irak ou à Gaza. Les tensions raciales débordent depuis des années. Un rapport publié en 2013 par le bureau du procureur général du Missouri a par exemple constaté que la police de Ferguson a stoppé pour contrôle et arrêté près de deux fois plus de conducteurs noirs que de blancs, alors qu’ils sont moins susceptibles d’être impliqués dans la contrebande.
Il faut changer de système !
Pour mettre un terme à la crise qui frappe les jeunes et les confronte à un racisme systémique dans cette société capitaliste basée sur la course aux profits, nous ne pouvons pas laisser la colère tout simplement se dissiper dans l’air.
Le FBI et le Département de la Justice se sont rapidement placés du côté des autorités locales et ont commencé ce qu’ils qualifient d’enquête. Les responsables du Parti Démocrate ont tenté de calmer la frustration de la communauté. Malheureusement, l’Association nationale pour l’avancement des gens de couleur (NAACP, National Association for Advancement of Colored People) ne jette pas tout son poids dans la propagation des protestations et pour s’attaquer à la cause des problèmes.
Ces événements soulignent la nécessité immédiate des travailleurs et de leurs familles d’œuvrer ensemble à la construction par la base d’un mouvement indépendant des travailleurs, des jeunes et des personnes de couleur pour se battre pour des emplois décents, de bons logements, des soins de santé, un enseignement gratuit et de qualité ainsi qu’un salaire décent pour tous et pour mettre un terme à la violence policière par un contrôle démocratique direct de la collectivité sur la sécurité publique. Nous devons tirer les leçons de l’affaire Trayvon Martin (voir notre article à ce sujet) : les manifestations, les actions de protestation, la désobéissance civile et les grèves doivent se propager et s’étendre afin d’instaurer la plus grande pression possible sur la police et le système judiciaire afin de rendre justice à la famille Brown.
Il nous faut construire de nouvelles organisations de masse qui rejettent la politique pro-capitaliste du Parti Démocrate qui n’a été qu’un gigantesque échec en acceptant le statu quo du racisme et de la violence systémiques.
La mort de Michael Brown, d’Eric Garner, d’Oscar Perez Giron, de John Crawford, de Renisha McBride et le cas de Marissa Alexander ne sont que quelques exemples de la violence, de l’humiliation et de la discrimination quotidiennement subies par travailleurs, la jeunesse, et les gens de couleur. Dans cette société capitaliste, la fonction sous-jacente des lois et du système pénitentiaire est d’assurer le maintien d’inégalités massives à seules fins de servir et de protéger le profit, la propriété privée des moyens de production et le prestige de l’élite au pouvoir, essentiellement blanche et masculine. Les 1% les plus riches maximisent leurs profits tout en perpétuant la pauvreté endémique, la négligence des autorités, la corruption et le chômage de masse. En période de crise économique et sociale du capitalisme, la loi et l’élite dirigeante accroissent leurs tactiques de surveillance et de répression pour raffermir leur contrôle sur la société, par crainte d’explosions sociales contre les sombres conditions de vie dont ils sont responsables.Souvenons-nous qu’un an après la rébellion de Watts du 11 août 1965 est né le Black Panther Party for Self-Defense, à Oakland en octobre 1966. Les Panthers ont exprimé une vision socialiste audacieuse, radicale et démocratique, basée sur la lutte contre le capitalisme global et le racisme institutionnel. Comme Malcolm X l’a dit : « Nous déclarons notre droit sur cette terre… d’être un être humain, d’être respecté comme un être humain, de recevoir les droits d’un être humain dans cette société, sur cette terre, en ce jour, ce que nous avons l’intention de réaliser par tous les moyens nécessaires. »
Nous exigeons :
- Qu’une en enquête approfondie soit menée par des forces indépendantes, avec des représentants des organisations afro-américaines, des syndicats et de la communauté au sens large au sujet des tirs de la police contre Michael Brown, de la répression des manifestations et de la violence policière au sens large.
- Que l’ensemble des forces de police de Ferguson soient sujet d’une enquête, ce qui comprend bien entendu l’agent responsable mais ne doit pas se limiter à lui. Les résultats de ces recherches doivent être intégralement rendus publics et ouvertement discutés.
- Que la police soit contrôlée par la collectivité, placée sous la supervision de comités locaux de représentants démocratiquement élus des syndicats et des organisations locales.
- De mener la lutte contre le racisme, la répression, l’humiliation et l’exploitation des travailleurs, des jeunes, des immigrants et des personnes de couleur.
- La garantie d’emplois décents, de bons logements, de soins de santé et d’un enseignement gratuits et de qualité ainsi que d’un bon salaire pour tous.
- Que les manifestations se répandent à l’échelle nationale. Un mouvement construit par la base doit être construit pour exiger la transparence et la fin des méfaits de la brutalité d’une police raciste.
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Les 50 ans de l’immigration marocaine et turque en Belgique
Par Thomas (Charleroi), article tiré de l’édition de mars de Lutte Socialiste
À l’occasion des 50 ans de l’immigration marocaine et turque en Belgique – née de la campagne de recrutement de 1964 des autorités belges – les grands médias nous ont abreuvés de reportages historiques, d’études statistiques et de portraits d’artistes, d’intellectuels ou de politiques issus des communautés marocaines et turques. Les partis traditionnels se réclamant encore de la gauche, et particulièrement le PS, se sont jetés sur l’occasion à l’aune de la campagne électorale.
Si, la campagne de recrutement de 1964 promettait aux travailleurs une vie meilleure en Belgique, une analyse dont la logique part des intérêts de ces derniers ne peut manquer de remarquer à quel point de nombreux problèmes subsistent. Quel programme politique peut répondre aux besoins des travailleurs d’origine belge, marocaine, turque ou autre ?
Replacer les vagues d’immigrations dans leur contexte économique
La Belgique a vu ses infrastructures détruites par la Seconde Guerre mondiale, même si ce fut dans une proportion bien moindre que dans les pays voisins. Le seul acteur capable d’organiser la reconstruction du pays était l’État, avec un secteur public jouant un rôle moteur dans l’économie. Cette situation a également été assurée par la forte activité du mouvement ouvrier au sortir de la guerre, doté d’une conscience socialiste réelle, bien que floue. Le rapport de force entre travail et capital était plus favorable aux travailleurs et à cela s’ajoutait le prestige de l’Armée soviétique. La bourgeoisie a donc été poussée à faire de nombreuses concessions. Après quelques temps, la hausse du pouvoir d’achat et le renforcement des mécanismes de solidarité furent remarquables au sein d’une économie basée sur la demande et l’intervention de l’État, le keynésianisme.
La reconstruction du pays demanda énormément de mains d’œuvre, et l’on dut également faire appel à une main d’œuvre étrangère, tout d’abord en Italie. 300.000 travailleurs furent littéralement importés chez nous (c’est-à-dire sujets d’un commerce entre les autorités belges et italiennes) entre 1946 et 1952. La Belgique a pareillement signé des accords économiques avec différents pays : la Grèce, l’Espagne et, enfin, la Turquie et le Maroc en 1964. Ces vagues d’immigrés ont trouvé embauche dans l’industrie et la construction. C’était la période dite des ‘‘trente glorieuses’’, une parenthèse historique de croissance du capitalisme qui n’a d’ailleurs pas duré trente ans…
Aujourd’hui, la situation économique et sociale a bien changé. Le choc néolibéral de la seconde moitié des années ‘70 a complètement transformé le paysage socio-économique du monde entier. Pour rehausser les taux de profits, la bourgeoisie a lancé une campagne d’attaques systématiques contre toutes les conquêtes sociales des travailleurs. Celle-ci est également accompagnée d’une offensive idéologique réactionnaire, usant du racisme et du nationalisme pour imposer la logique de pensée néolibérale. Les accords économiques destinés à importer de la main d’œuvre ont pris fin après la crise économique de 1974.
L’immigration a également, et de différentes manières, été un outil pour le patronat. Durant la période keynésienne, il était question de combattre la hausse des salaires en faisant rentrer sur le marché du travail une masse de travailleurs prêts à bosser pour moins cher et ainsi tirer l’ensemble des salaires vers le bas (dumping salarial). Puis, avec la période néolibérale qui suivit, et qui est toujours de mise, le patronat utilise la diversité de la classe des travailleurs afin de la diviser et de faciliter son offensive visant au recul social.
Pour autant, les immigrés ne sont en rien responsables de l’état de déliquescence de l’économie et du tissu social. Ils ne sont pas non plus responsables du chômage de masse structurel du système capitaliste. Jamais une étude n’a été en mesure de faire le lien entre une hausse du chômage et l’immigration ! Une partie de la bourgeoisie elle-même avertit de la nécessité de l’immigration dans les pays riches. En Allemagne, la Banque Nationale estime que le pays a besoin de 200.000 immigrés en plus chaque année afin de soutenir la croissance économique, car les immigrés, souvent jeunes, répondent au problème du vieillissement de la population.
La pénurie sociale du système capitaliste
Le capitalisme crée une pénurie sociale permanente dans tous les secteurs de la vie quotidienne : emplois, logements, écoles, crèches, etc. La concurrence et la pression qui s’exerce sur la classe des travailleurs sont de plus en plus fortes. Les frustrations, le désespoir et la colère légitime qui découlent de cette situation poussent à l’exclusion des publics minoritaires. Ce phénomène d’exclusion est encouragé par l’idéologie dominante, comme cela fut illustré par la sortie de Jan De Nul, élu ‘‘Manager de l’année’’ en 2013, qui reproche aux Belges de ne plus vouloir travailler, et à fortiori les immigrés nord-africains. (1) Soulignons aussi que les immigrés ne sont pas les seuls à éprouver des problèmes pour trouver un job, un logement abordable, etc.
La Belgique est une société hautement multiculturelle ; plus de 25% de la population belge a au moins un parent né étranger. On constate néanmoins que les immigrés récents sont encore loin de décrocher le même taux d’emplois ou d’éducation que les habitants d’origine belge. Contrairement à ce que les politiques vont nous chanter dans les semaines à venir, les conditions d’accueil et d’intégration sont exécrables. Comment s’intégrer facilement dans la société alors même que tous les budgets sociaux, sous-financés de longue date, font face à la vague d’austérité budgétaire ?
La politique actuelle du gouvernement et de sa ministre à l’immigration Maggie de Block a remis le drame des réfugiés à l’avant des médias. Les sans-papiers sont le public le plus fragile dans la société. Personne ne fuit sa terre par plaisir, pour se retrouver chez nous, cibles d’une chasse à l’homme quotidienne !
La responsabilité du mouvement ouvrier.
Si le capitalisme porte la responsabilité des divisions au sein de la classe des travailleurs, cette dernière porte en elle la capacité de les combattre et de construire une alternative crédible aux yeux des masses. Et on n’affronte pas des problèmes matériels avec de la morale, on les combat avec une alternative économique !
Si nous pouvons être d’accord avec le forum économique mondial sur un point, c’est sur l’idée que ‘‘l’inégalité sociale devient la menace la plus dangereuse pour la stabilité’’ (2), comme cela est déjà illustré par la perte de crédibilité importante de toutes les institutions bourgeoises, des gouvernements, des partis politiques, des médias de masse, du système judiciaire, de la police, etc. La colère de la jeunesse, d’origine belge ou immigrée, peut alors se traduire par de fausses alternatives : le repli communautaire et religieux, l’extrême droite, le populisme de droite, etc.
Les théories du complot, négationnistes et raciales sont diverses et légions aujourd’hui. Elles démontrent la faiblesse du niveau politique actuel chez de larges couches de jeunes et de travailleurs. Pour rayer ces alternatives prétendument antisystèmes, nous devons reconstruire le mouvement des travailleurs et ses outils politiques et syndicaux, afin qu’il soit capable d’idéologiquement encadrer les travailleurs et les jeunes de diverses origines vers un objectif commun.Hélas, les syndicats ont progressivement abandonné la jeunesse précarisée, les travailleurs sans emplois et les secteurs économiques sans traditions historiques de lutte. Malgré l’existence d’organisations de jeunes et de précaires en leurs seins, les organisations syndicales de masses concentrent l’essentiel de leurs efforts vers les secteurs déjà organisés. Pourtant, les infrastructures et les moyens sont largement présents pour aller au contact de ces couches abandonnées du mouvement des travailleurs et pour construire une classe ouvrière unifiée et combative.
Stop à la division de notre classe.
Il y a différentes façons de lutter pour l’unification de notre classe et de se battre contre le racisme, le nationalisme et les organisations d’extrême droite.
En tant que socialistes révolutionnaires, nous avons pour tâche d’élever le niveau de conscience de classe au maximum – la conscience d’avoir des intérêts communs, totalement opposés à la logique du système actuel – et de faire le lien entre la pénurie permanente du système capitaliste et la montée des idées d’extrême droite. Ceci implique de construire une alternative socialiste face le système actuel.
Il est hors de question de draguer la sympathie des immigrés avec un discours basé sur la religion ou l’ethnie. Au contraire, nous devons politiser leur expérience sur une base de classe, qui les lie au reste du monde du travail.
Le PSL-LSP possède une expérience certaine sur cette question, notamment à travers sa campagne antifasciste flamande Blokbuster, initiée depuis déjà 1991. Nous sommes fiers de cet héritage et nous continuerons à mener la lutte contre l’oppression capitaliste et les discriminations qui en découlent, avec tous ceux qui sont prêts à nous rejoindre dans ce combat.
Le prochain grand événement antiraciste sera la manifestation du 20 mars prochain à Anvers, contre le NSV, l’organisation officieuse des jeunes du Vlaams Belang. Joignez-vous à nous !
Notes
(1) http://trends.knack.be/economie/nieuws/beleid/er-is-gewoon-geen-goesting-om-te-werken-omdat-het-zonder-ook-kan/article-4000333234410.htm
(2) http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/16/selon-le-world-economic-forum-les-inegalites-menacent-la-stabilite-mondiale_4349310_3234.html -
Manifestation antifasciste contre le NSV : Des emplois, pas de racisme !
20 mars 2014, 19h, gare d’Anvers-Berchem
Le NSV (cercle des étudiants nationalistes, le groupe estudiantin officieux du Vlaams Belang) organise chaque année une manifestation – une marche de la haine – dans une ville universitaire flamande. Cette année, c’est au tour d’Anvers. Il y a heureusement systématiquement une contre-manifestation beaucoup plus imposante, ce qui limite l’espace dont peut profiter l’extrême-droite pour manifester ses idées dans la rue. Cette manifestation annuelle contre le NSV constitue la plus grande mobilisation antifasciste du pays, et ce fut également le cas lorsque le Vlaams Belang était électoralement plus robuste. Ce n’est toutefois pas parce que le VB a perdu des plumes sur le plan électoral que le danger est passé ! Les protestations antifascistes restent nécessaires !
Proposition de plateforme pour une contre-manifestation, par la campagne antifasciste flamande Blokbuster
L’austérité, un terrain fertile pour l’extrême-droite
Un rapport de la Croix-Rouge publié en octobre dernier a examiné les désastreuses conséquences de la politique européenne d’austérité. Pour pouvoir se nourrir, des millions d’Européens dépendent d’organisations caritatives. Le chômage des jeunes est en pleine explosion dans tous les pays et est actuellement de 24,4% dans la zone euro. Pas moins de 120 millions d’Européens vivent sous ou au niveau du seuil de pauvreté.
Cette situation suscite angoisse et colère parmi la population, ce sur quoi tente de jouer l’extrême-droite en blâmant diverses minorités, et plus particulièrement les immigrés. Une organisation comme le parti néonazi grec Aube Dorée ne se contente pas de paroles, et plusieurs immigrés sont déjà décédés en Grèce du fait de ses actions. Des militants de gauche grecs ont aussi été victimes de cette violence fasciste, et le rappeur antifasciste Pavlos Fyssas a été assassiné en septembre dernier en raison de ses prises de position politiques. Dans les autres pays, les mesures d’austérité assurent que la montée en puissance de partis d’extrême-droite violents ne soit pas limitée à la Grèce.
Les autorités locales participent à l’avalanche d’austérité
Partout en Europe se développe un désert social en conséquence des mesures d’austérité. Les politiciens établis semblent ne pas pouvoir se réveiller, ils ne font que s’enfoncer plus encore dans la logique néolibérale. Tout au plus sont-ils pinaillent-ils entre eux sur le rythme que doit adopter cette politique de casse sociale. C’est ce à quoi nous assistons en Belgique également, y compris au niveau local depuis les élections communales de 2012. L’avalanche d’austérité est générale.
Le collège échevinal anversois – sous direction N-VA – est aux premières loges de ce processus. La coalition au pouvoir à Anvers s’en ait déjà durement prise aux secteurs culturel et social : les CPAS ont vu leur budget raboté de 8,6 millions d’euros et les soins de santé de 2,75 millions. Au moment où l’impact de la crise se fait douloureusement sentir et que le taux de pauvreté augmente, ces mesures sont synonymes de catastrophe sociale. Parallèlement, le collège échevinal adopte une rhétorique de division, illustrée par les propos de Liesbeth Homans (bras droit de Bart De Wever) pour qui le racisme n’est qu’une excuse utilisée par les immigrés pour justifier leurs échecs. Ce discours ouvre grand la porte à l’extrême-droite. La nouvelle percée du Front National en France constitue à ce titre un sérieux avertissement.
Contre la répression, contre les SAC !
La seule ‘‘réponse’’ des politiciens établis face aux problèmes sociaux causés par leur politique, c’est la répression, notamment avec les Sanctions Administratives Communales (SAC). A Gand, les mendiants s’en sont vu imposer pour avoir fait la manche. A Anvers, on peut en recevoir pour quasiment n’importe quoi, même un ouvrier communal en a reçu une dans le cadre de son travail. L’arbitraire est des plus total, elles peuvent être imposées pour avoir jeté un noyau de cerise à terre ou avoir mangé un sandwich sur les marches d’une église, tout dépend de l’endroit où l’on se trouve. Un moyen bien pratique pour renflouer les caisses communales…
Ces amendes SAC menacent également nos droits démocratiques en ouvrant la voie à la criminalisation de toute forme de protestation. Ainsi, à Anvers, des participants à une action de protestation contre Monsanto se sont vus infliger de telles amendes. Des campagnes comme StopSAC du côté francophone et TegenGAS en Flandre sont bien nécessaires.
Ne laissons aucun espace à l’extrême-droite : NON au NSV !
Le 30 novembre dernier, le NSV a organisé à Anvers un meeting en présence du président de Casa Pound, groupuscule italien se décrivant comme des ‘‘fascistes du 21e siècle’’. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que des fascistes italiens venaient rencontrer le NSV. Par le passé, le président du parti néonazi allemand NPD, Udo Voigt, et le négationniste britannique Nick Griffin ont également pu disposer d’une audience mobilisée par le NSV.
Le NSV est l’organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang, et s’en distingue par sa radicalité. Quand le porte-parole du VB Filip Dewinter a déclaré à la télévision qu’Aube Dorée n’est qu’une caricature, le président anversois du NSV a riposté avec une carte blanche où il qualifiait notamment le NPD allemand comme des ‘‘frères d’armes’’ du NSV. Laisser de l’espace au NSV ouvre la voie à l’importation des pratiques violentes d’Aube Dorée.
Tout ce qui nous divise nous affaiblit !
Ni la droite populiste ni l’extrême-droite n’ont de réponse face à la crise actuelle. Toute leur rhétorique de division ne sert qu’à rendre plus facile l’imposition de la politique d’austérité. Les véritables responsables – cette élite de nantis qui devient de plus en plus riche en dépit de la crise – n’ont rien à craindre de leur part.
L’extrême-droite peut se construire sur base du mécontentement causé par la casse de nos conquêtes sociales. La lutte contre le fascisme et le racisme doit donc également s’attaquer à la logique d’austérité.
Des emplois, pas de racisme !
Faute d’une alternative crédible, certaines couches de la population peuvent se laisser séduire par les slogans populistes de l’extrême-droite. Avec le slogan ‘‘des emplois, pas de racisme’’, nous voulons souligner la nécessité d’une lutte unitaire pour une alternative qui réponde aux problèmes sociaux.
- Pas de reconnaissance du cercle étudiant fasciste NSV à l’Université d’Anvers !
- Non aux Sanctions Administratives Communales et à la criminalisation de la jeunesse !
- Organisons l’opposition aux politiques antisociales !
- Des emplois, pas de racisme ! Pour des emplois décents, des logements abordables et un enseignement gratuit pour tous !
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Comment le racisme pourrait-il être relatif?
La présidente du CPAS de la ville d’Anvers, Liesbeth Homans (N-VA), a déclaré dans une interview que le racisme est un terme relatif souvent utilisé pour couvrir un échec individuel. Il n’est pas rare de voir ainsi des néolibéraux faire porter la responsabilité des problèmes sociaux précisément aux victimes de ces problèmes.
Leur raisonnement est simple : celui qui a difficile à trouver un travail, un logement décent,… l’a bien cherché. En poussant à peine cette logique un peu plus loin, les chômeurs deviennent des paresseux confortablement couchés dans le hamac de la sécurité sociale. La N-VA devrait donc logiquement trouver que l’augmentation du chômage en Flandre au cours de l’année écoulée (+10%) est due à l’augmentation du nombre de paresseux… Ou est passé le ‘‘flamand qui bosse dur’’ cher à l’argumentaire de la N-VA ?
Aurions-nous donc sans nous en apercevoir obtenu l’égalité des chances à tel point que la réussite ou l’échec ne serait qu’une question individuelle et non pas de position sociale ? Plusieurs études, y compris l’enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), ont pourtant constaté que l’enseignement est fortement inégalitaire en Belgique, l’écart est très grand entre les meilleurs et les pires résultats, une situation largement due au facteur déterminant de l’origine sociale. 10% des enfants d’origine pauvre obtiennent leur Certificat d’enseignement secondaire supérieur (CESS), contre 90% des enfants issus de familles à plus riche patrimoine.
La pauvreté est encore plus fréquente dans les populations d’origine marocaine et turque, qui comprennent des taux de pauvreté de plus de 50% en Belgique. Avec l’état actuel de notre enseignement, il est difficile pour les jeunes issus de ces communautés de sortir de la pauvreté. Le risque de sombrer dans le chômage est également plus élevé. En Flandre, un quart des immigrés d’origine extra- européenne sont au chômage. Même chez les immigrés hautement qualifiés, le taux de chômage est de plus de 20%, contre seulement 3% en moyenne. Les agences pour l’emploi préfèrent souvent des gens à la peau pas trop brune et avec un nom bien ‘‘belge’’.
Tout cela n’a rien à voir avec des problèmes individuels, mais tout avec un système dans lequel la discrimination est profondément ancrée. Ce n’est pas une question morale, mais la conséquence directe de la logique d’une société incapable d’assurer à chacun une vie décente et un bon avenir.