Your cart is currently empty!
Tag: Porto Alegre
-
Brésil : réémergence des luttes de masse dans un contexte de crise
A São Paulo, dans la nuit du 13 juin, la police militaire a brutalement attaqué une manifestation pacifique d’environ 15.000 personnes dans le centre-ville. 235 personnes ont été arrêtées arbitrairement par les forces de l’ordre, beaucoup d’entre elles juste pour leur apparence d’étudiant ou pour avoir eu du vinaigre dans leur sac à dos (c’est une manière d’atténuer les effets du gaz lacrymogène). La police anti-émeute a tiré des balles et des bombes en caoutchouc et, en plus des manifestants, beaucoup de journalistes, de photographes et de caméraman ont été blessés. Même ceux qui essayaient de soigner les blessés ont été arrêtés et leur matériel de premiers secours a été confisqué.
André Ferrari – LSR (CIO-Brésil)
[box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]
Depuis l’écriture de cet article, le mouvement est considérablement allé de l’avant et la mobilisation a atteint une ampleur jamais vue depuis 21 ans.
De plus, une importante victoire a été obtenue dans la mesure les gouverneurs de Sao Paulo, Rio de Janeiro et d’autres villes ont dû revenir sur les augmentations de prix du transport. Mais la lutte se poursuit.
[/box]
Cette répression policière s’inscrit dans le cadre d’attaques contre les mouvements sociaux et les pauvres en général. Le Brésil expérimente une nouvelle ère marquée par les signes les plus évidents de crise et de résurgence de luttes des travailleurs et des jeunes. L’année 2012 a compté le plus grand nombre de grèves depuis 16 ans. Les travailleurs du secteur public résistent aux coupes budgétaires et aux attaques contre leurs droits. Les travailleurs du secteur privé demandent également leur part de la croissance économique tant vantée. Mais les effets politiques de ces luttes ont été limités par la division du mouvement, le caractère bureaucratique des dirigeants syndicaux ainsi que par les faiblesses de l’opposition de gauche du gouvernement de Dilma Rousseff du Parti des Travailleurs (PT).
Cependant, l’année 2013 a montré une érosion croissante du soutien politique pour le gouvernement ainsi que l’émergence d’une nouvelle conscience parmi de larges secteurs de jeunes et de travailleurs. L’image du Brésil comme celle d’un pays qui se dirige vers le ‘‘sommet mondial’’ est lourdement minée par une situation de croissance très lente (moins de 1% en 2012) couplée à une haute inflation qui affecte principalement les pauvres.
Alors que le gouvernement a pris un tournant à droite dans sa politique économique (augmentation des taux d’intérêts, privatisation des ports, aéroports, champs de pétrole, …), son soutien dans les sondages est tombé de 8% depuis mars (de 65% à 57%)
L’augmentation des tarifs des transports, déclencheur de luttes dans les grandes villes
Ces dernières semaines, nous avons vu une explosion des luttes populaires, dirigées par la jeunesse enflammée par l’augmentation des tarifs des transports publics. Dans beaucoup de capitales d’État et de grandes villes, les manifestations ont pris une plus grande dimension qualitativement mais aussi quantitativement que précédemment. Dans beaucoup de celles-ci, comme à Porto Alegre, Goiânia, Teresina et Natal, l’augmentation des tarifs fut annulée après les manifestations.
A ce moment, la principale étape de la lutte est la ville de São Paulo. Avec quatre manifestations depuis le 6 juin (cet article date du 14 juin), le mouvement grandit tous les jours. La revendication immédiate est la réduction des tarifs de bus et de métros de 3,20 reals à 3 reals, mais le mouvement remet également en cause la logique du système de transport dans la ville, tourné exclusivement vers les profits d’une poignée d’employeurs. Des tarifs couteux, un surpeuplement et des conditions de pauvreté représentent un cauchemar quotidien pour les travailleurs et les étudiants qui doivent voyager tous les jours dans l’immense métropole.
Au Brésil, on estime que 37 millions de personnes n’ont pas accès aux transports publics à cause de leur coût. Dix millions de plus dépensent la majorité de leurs revenus dans leur trajet pour le boulot et les études dans un transport chaotique de pauvre qualité. Une des revendications soulevées par le mouvement est donc de disposer d’un tarif zéro pour les transports à São Paulo. L’idée est que les industries et que les couches riches de la population doivent payer la plus grande part des prix du transports et non les travailleurs et les étudiants.
Le PT a défendu le projet du taux zéro dans les années 1980, quand le parti était toujours à gauche et était basé sur les mouvements sociaux. L’actuel gouvernement PT dans la ville, dirigé par le maire Fernando Haddad, rejette aujourd’hui ce projet, refuse de revenir sur les privatisations du système de transports et agit avec une fidélité à toute épreuve pour les businessmen du transport.
Le gouvernement d’État de São Paulo, dirigé par Geraldo Alckmin du PSDB (Parti Social Démocrate Brésilien), le principal parti d’opposition de droite au PT au gouvernement fédéral, et responsable du métro de São Paulo, a également refusé de discuter de ces revendications. Alckmin promeut un processus de privatisations des nouvelles lignes de métros et est responsable de la brutale réponse répressive de la police militaire de Sao Paulo durant les manifestations.
Beaucoup de jeunes travailleurs qui ont voté pour Haddad et le PT lors des élections municipales d’octobre de l’an dernier afin d’éviter une nouvelle victoire de la droite traditionnelle, à l’époque dirigée par le candidat PSDB José Serra, sont aujourd’hui profondément déçus du PT. L’unité du PT avec le PSDB contre les revendications du mouvement et dans la politique de répression des manifestations lui coute de larges parts de sa base sociale et électorale.
Les crimes de la Coupe du Monde
Les grands évènements prévus dans le pays dans les années à venir (la Coupe du Monde en 2014 et les Jeux Olympiques à Rio en 2016) servent de prétexte pour une véritable contre-réforme urbaine dans les grandes villes. Les projets de construction liés à la Coupe du Monde causent l’expulsion de milliers de famille de leur maison pour faire place à la spéculation immobilière. Au lieu de servir les gens, les villes sont de plus en plus modelées pour servir le capital. L’espace de la ville est à vendre et tous les obstacles qui se mettent dans le chemin du profit doivent être éliminés. Tout cela sous la façade d’une modernisation et d’une paix sociale.
Les stades sont privatisés, la corruption est courante dans les projets de construction de la Coupe, la surexploitation des travailleurs du bâtiment a causé beaucoup d’accidents et de morts, les contractants complices des gouvernements profitent de façon exorbitante pendant que les droits des résidents des grandes villes sont piétinés. Aujourd’hui, le 14 juin, débute une campagne de luttes nationales des mouvements populaires pour le logement, le Front de Résistance Urbaine, au côté des Comités Populaires de la Coupe du Monde, pour dénoncer les crimes de celle-ci.
Répression et criminalisation des mouvements sociaux
Confrontée à la montée des luttes et à la nécessité d’empêcher les manifestations à la veille de la Coupe des Confédérations (qui débute le 15 juin), la répression policière contre les protestations s’est dramatiquement intensifiée. Occuper les rues – un droit démocratique de base – est ainsi interdit. Dans beaucoup de ville, la répression policière nous a rappelé la période de la dictature militaire. Les décisions de justice interdisant les manifestations, avec l’utilisation de balles et de bombes policières contre les manifestants, montrent que nous vivons une période d’attaques sérieuses contre les droits démocratiques de base de la population.
Après une forte campagne médiatique scandant que les manifestants contre l’augmentation des tarifs de transport étaient des vandales et des hooligans et donc justifiant et supportant la répression policière, l’intense répression de la manifestation du 13 juin a causé un grand émoi et même les média eux-mêmes ont dû changer de ton.
A São Paulo, dans la nuit du 13 juin, la police militaire a attaqué lâchement une manifestation pacifique et organisée d’environs 15.000 personnes dans le centre-ville. La police a arrêté d’une façon totalement arbitraire 235 personnes. La police anti-émeute a tiré des balles et des bombes en caoutchouc indistinctement. En plus des protestataires, beaucoup de journalistes, de photographes et de caméraman ont été blessés.
La répression policière s’intègre dans le cadre d’une avalanche d’attaques sur les mouvements sociaux et les pauvres en général. Dans les grandes villes, comme à São Paulo et Rio, les jeunes noirs des banlieues vivent une véritable situation de massacre. Les viols à Rio de Janeiro ont fortement augmenté dans la dernière période. La violence policière raciste, l’impunité des actions des escadrons de la mort, la violence contre les femmes, la criminalisation de la pauvreté et la répression des droits des organisations populaires, sont une réalité dans les banlieues.
Des dirigeants ruraux sans terre ont été systématiquement assassinés et récemment, deux dirigeants indigènes (des ethnies Terena et Guarani-Kaiwoas) qui se battaient contre le business agricole et le gouvernement pour la démarcation de leur terre ont également été tués.
La lutte de défense des droits démocratiques a acquis une importance centrale dans le contexte de la Coupe du Monde, avec la tentative de créer un véritable état d’urgence dans le pays, interdisant les manifestations et la liberté d’expression.
La ville pour les travailleurs, les jeunes et le peuple !
Ces luttes pour le transport public, les logements et le droit démocratique d’occuper les rues doivent être unifiées dans un grand mouvement national pour les droits des travailleurs, des jeunes et de la population à posséder et contrôler leur propre ville.
Comme résultat à cette lutte, il serait possible de reconstruire les bases pour l’unification et la réorganisation de mouvements populaires de travailleurs et de jeunes combattifs, indépendants des gouvernements et des employeurs. Une rencontre nationale des travailleurs et des jeunes pour porter un plan de lutte pourrait être construit et avancer dans la direction de construire un nouvel instrument unifié de lutte.
C’est ce pourquoi le LSR (section brésilienne du CIO) plaide dans les mouvements sociaux auxquels nous participons et à l’intérieur du PSOL (le Parti du Socialisme et de la Liberté).
Nous luttons pour :
- Une réduction immédiate des tarifs des transports ! Luttons pour les tarifs zéro – faisons payer les patrons pour les transports publics ! Nationalisation des transports publics sous le contrôle démocratique des travailleurs et des usagers ! Non au payement de la dette aux banquiers et aux spéculateurs et pour des investissements massifs dans les transports publics !
- La fin des expulsions des résidents ! Non à l’exploitation sexuelle ! Luttons contre le viol et la violence contre les femmes !
- Assurer les droits des travailleurs de la construction des projets de la Coupe du Monde ! Non à la privatisation de Maracana et à la corruption dans les sites de construction de la Coupe du Monde ! Démarcation des terres indigènes ! Non aux lois d’urgence imposées par la FIFA – Pour le droit d’organisation, d’expression et de manifestation !
- Non à la répression dans les manifestations des jeunes et des travailleurs ! Non à la criminalisation et l’utilisation croissante du système judiciaire contre la lutte sociale ! Liberté immédiate pour tous les prisonniers politiques en lutte contre l’augmentation des tarifs du transport public et d’autres mouvements. Non au massacre de la jeunesse noire dans les banlieues.
- Pour un jour national de lutte unifiée autour des revendications pour les transports publics, des logements abordables, contre les crimes de la Coupe du Monde et pour la défense des droits de manifester et contre la criminalisation et la répression des mouvements sociaux.
- Pour un meeting national des travailleurs et des jeunes pour construire un plan d’action et un forum national uni de luttes.
-
Un Forum Social Mondial très politisé
Le Forum Social Mondial (FSM) s’est déroulé à Tunis du 26 au 30 mars dernier, et a rencontré un succès inattendu. Près de 70.000 militants issus du monde entier s’étaient réunis en Tunisie, un choix des plus approprié. Et force est de constater que le processus révolutionnaire que connait le pays a conduit à une forte politisation.
Rapport de Jeroen Demuynck, collaborateur de Paul Murphy au parlement Européen
[box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]
Socialisme 2013. Dimanche prochain, à l’occasion du week-end "Socialisme 2013", un rapport de la situation actuelle en Tunisie sera livré par Nicolas Croes, rédacteur de socialisme.be et de notre mensuel, de retour de Tunisie.
[/box]
Les militants tunisiens étaient bien entendu présents en masse, ce qui s’est ressenti au niveau des discussions politiques. Le processus révolutionnaire est toujours en cours en Tunisie. L’arrivée au pouvoir du parti islamiste conservateur Ennaha n’a conduit à la résolution d’aucun des problèmes qui furent à la base du soulèvement révolutionnaire. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le PSL est la section belge) était présent avec des militants issus de six pays différents, et les idées marxistes révolutionnaires que nous défendons ont pu compter sur un large écho.
Les organisateurs du FSM ont longtemps douté de la faisabilité de cette édition. Les forums précédents, depuis Porto Alegre au Brésil, avaient connu une participation limitée. Cette crainte a été partiellement confirmée par la participation limitée provenant d’Asie et d’Amérique latine. D’autre part, de nombreuses inquiétudes ont été alimentées par l’instabilité politique du pays, très certainement depuis l’assassinat politique de Chokri Belaïd, le célèbre opposant de gauche (voir notre article à ce sujet).
La très forte participation au Forum, tout spécialement d’Afrique du Nord, est une indication que le processus révolutionnaire en Tunisie et dans la région se poursuit et continue à faire appel à l’imagination de nombreux militants de gauche, mais aussi bien au-delà. De nombreux militants de base tunisiens étaient là, l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) avait environ 1.000 de ses militants présents. Malheureusement, certaines décisions des organisateurs ont eu un effet néfaste qui a conduit à des tensions entre des militants tunisiens et les organisateurs du FSM. Ainsi, les étudiants du campus universitaires avaient dû céder leurs logements à des participants du FSM, sans qu’ils n’en aient été avertis au préalable !
Le processus révolutionnaire est loin d’être terminé
Le sentiment dominant parmi les militants tunisiens est que la révolution est encore à achever. Le processus révolutionnaire se développe et est visible au travers de la forte polarisation politique qui prend place dans le pays. D’une part, la grande majorité de la population s’identifie à la révolution. Mais, deux ans après la chute de Ben Ali, la vie quotidienne reste marquée par de très nombreux problèmes. Le taux de chômage est monumental et toute une génération de jeunes n’a pas de perspectives d’avenir. Quant à ceux qui ont un emploi, ils travaillent souvent dans des conditions très précaires pour des salaires de misère, souvent inférieurs au salaire minimum officiel de 200 dinars (100 euros) par mois.
D’autre part, il y a le gouvernement de coalition dirigé par les islamistes réactionnaires du parti Ennahda et les puissances capitalistes nationales et étrangères qui veulent défendre les intérêts de l’élite. Depuis son arrivée au pouvoir, Ennahda n’a fait qu’appliquer une politique similaire à celle qui prévalait sous le règne du dictateur déchu : encore et toujours la politique néolibérale. Le gouvernement a récemment signé un prêt d’environ 1,35 milliards d’euros avec le Fonds Monétaire International. En contrepartie, le gouvernement a promis d’abolir les subsides d’Etat pour la nourriture et l’essence alors que les prix des denrées alimentaires ont déjà fortement augmenté jusqu’à présent. Pendant ce temps, de nombreuses entreprises sont parties à l’offensive contre les salaires et les conditions de travail.
La façade ‘‘démocratique’’ du gouvernement s’effondre face à son incapacité de répondre aux aspirations sociales et aux revendications de la population. La lutte de classe se développe, et la riposte des autorités se limite à une répression de plus en plus brutale, y compris à l’aide des Ligues de Protection de la Révolution, des milices réactionnaires islamistes radicales qui agissent comme "mercenaires" pour Ennahda.
L’assassinat de Chrokri Belaid est à considérer dans ce cadre. Mais la réponse du mouvement des travailleurs, venus en masse assister à son enterrement, fut une grève générale de 24 heures dans tout le pays. Les revendications de la fédération syndicale UGTT ont malheureusement été limitées à la condamnation de la violence politique. Cette grève aurait pu être utilisée pour développer un plan d’action vers la chute du gouvernement.
Un tel plan disposerait d’un vaste soutien dans la société. Un jeune militant nous a ainsi exprimé sa détresse en déclarant que ‘‘nous n’allons tout de même pas nous laisser voler notre révolution.’’ Ce sentiment est largement partagé, et se reflète en partie dans le score élevé obtenu par le Front populaire, une alliance de partis et d’organisations de gauche qui a déjà obtenu dans les 20% dans plusieurs sondages. Mais en raison de l’absence d’une stratégie claire de la part de l’UGTT et du Front Populaire pour aller de l’avant, beaucoup de jeunes et de militants sont à la recherche de moyens pour accélérer le processus révolutionnaire.
La soif d’idées révolutionnaires
Cette quête d’idées pour renforcer et accélérer le processus révolutionnaire – jusqu’à la question du contrôle des moyens de production et du socialisme démocratique – a été illustrée par l’intérêt qu’ont pu susciter nos divers tracts et notre matériel politique. Dès le premier jour du FSM, la quasi-totalité de nos journaux, livres et brochures avaient disparu. Quant à nos tracts (l’un portant sur la situation en Tunisie, l’autre présentant le CIO, tous deux disponibles en arabe, en français et en anglais), ils ont été pris avec enthousiasme.
Le va-et-vient fut constant à notre stand tout au long du FSM. Souvent, des gens revenaient après avoir lu notre matériel politique afin d’en discuter avec nos militants. Ces discussions ont pu être très poussées politiquement, l’intérêt était grand pour l’idée de vagues de grèves de 24 heures successives jusqu’à la chute du gouvernement et son remplacement par un gouvernement des travailleurs, des jeunes et des pauvres. L’essentiel de nos discussions ont porté sur la stratégie à adopter pour rompre avec le système capitaliste et passer à l’instauration d’une société socialiste démocratique. Il n’était donc pas uniquement question de renverser ce gouvernement pourri, mais aussi de construire un système fondamentalement différent. Cela a créé une dynamique et une ambiance animées à notre stand, avec de petits meetings spontanés réunissant de petits groupes de passants autour de l’un de nos militants. Notre meeting consacré à la lutte internationale contre le capitalisme a pu compter sur une présence de 80 participants, malgré la difficulté de trouver la salle. Ce meeting a également été diffusé en direct sur le site du FSM, et 1.200 personnes y ont assisté virtuellement.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière fera tout son possible pour accroître sa présence dans la région et pour aider à y construire un mouvement révolutionnaire conséquent armé d’un programme socialiste.
-
Vague de protestations contre Lula
Forum social mondial de Porto Alegre
Honoré comme le grand héros de la gauche au Forum de 2003, Lula, après 2 années de politique néo-libérale, fut cette année confronté aux protestations des participants. De grands groupes de jeunes et de travailleurs ont exprimé leur mécontentement lors de la marche d’ouverture du FSM et au stade où Lula faisait son speech.
Els Deschoemacker
Lui et ses partisans furent interrompus par un brouhaha bruyant à chaque fois que la politique gouvernementale du PT était évoquée: réforme des pensions des fonctionnaires et de l’enseignement supérieur, libéralisation des services publics et limitation des droits syndicaux. Ces 2 dernières années, des protestations se sont élevées des travailleurs du secteur bancaire, des paysans sans terre et des sans-abri. Tous espéraient que le PT allait arriver à améliorer leur sort, l’indifférence du gouvernement a brisé leurs illusions.
Lula, alors qu’il devenait un allié des capitalistes et du FMI, s’est heurté à une résistance croissante de sa base. Celle-ci avait élu l’ancien cireur de chaussures et dirigeant syndical comme président, mais elle n’obtint en retour qu’une douche froide : les premiers plans d’austérité arrivèrent 3 mois à peine après les élections. Les discussions sur la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs suivirent rapidement. Elles ne devinrent concrètes qu’avec l’exclusion de 4 parlementaires du PT refusant de voter la réforme des pensions qui mena au rassemblement des « radicaux du PT » – c’est comme ça que les dissidents étaient appelés – avec certaines sections syndicales et partis de gauche radicaux dans une nouvelle formation: le PSol.
Socialismo Revolucionario, l’organisation sœur du MAS/LSP au Brésil, appelait déjà à un nouveau parti des travailleurs et a joué un rôle important dans la mise sur pied du PSol. Bien que peu puisse déjà être dit sur le développement de ce parti – les forces politique en présence diffèrent beaucoup – il est déjà clair qu’il y a là un potentiel énorme.
Grâce à son intervention durant les 2 premiers jours du Forum, le Psol a dominé les discussions chez les jeunes et les travailleurs. Plus de 1.800 participants ont fait de la deuxième conférence nationale du PSol un événement très animé. La discussion portait sur la voie à suivre: se concentrer premièrement sur la participation électorale ou surtout sur les mouvements de lutte? La sympathie de la jeunesse radicalisée et des travailleurs n’est pas encore acquise. Leur question est surtout: comment éviter que le PSol ne suive le même chemin que le PT. Le PSol va devoir répondre à cela avant de pouvoir devenir l’instrument de lutte de la jeunesse et des travailleurs combatifs.
Le point culminant du FSM était le meeting avec Chavez. Plusieurs heures avant le meeting il y avait déjà de longues files sous le soleil brûlant. Chavez est populaire grâce à sa confrontation avec le capitalisme vénézuélien et l’impérialisme et grâce à ses projets sociaux. Il est vu comme une alternative au néolibéralisme de Lula. Pour la première fois, il a parlé, devant les 25.000 participants, du «socialisme» et a cité divers révolutionnaires. Tout indique que Chavez est poussé dans une direction plus radicale par les masses qui le maintiennent en place malgré les tentatives de coups d’état et de lock-outs de l’élite. Heureusement pour Chavez le prix élevé du pétrole lui laisse une certaine marge économique. Il gagne du temps, mais à terme, les mesures prises jusqu’à maintenant ne vont pas suffire. Chavez est devant un choix crucial: ou il suit les masses en démocratisant et en approfondissant la révolution vénézuélienne, en prenant vraiment l’option d’une société socialiste, ou il reste quelque part à mi-chemin entre le capitalisme et le socialisme, jusqu’au moment où la bourgeoisie aura rassemblé assez de forces pour évincer Chavez du pouvoir et réprimer avec encore plus de force les travailleurs et les paysans.
-
Accord interprofessionnel. Elio et Freya dans le camp du patronat
Accord interprofessionnel
Pour la première fois en Belgique, un accord interprofessionnel a été rejeté par un syndicat, la FGTB. Le contenu de l’accord sera cependant appliqué car le gouvernement a décidé de l’imposer d’autorité.
Guy Van Sinoy
A l’annonce du rejet par la FGTB, la bourgeoisie a poussé des hurlements grotesques: «La FGTB saute à la gorge du patronat» (L’Écho, 8/2/05). La CSC et la CGSLB, qui avaient approuvé le projet, n’ont pas osé signer sans la FGTB et ont appelé le gouvernement à l’appliquer intégralement par voie d’autorité. Ce que le gouvernement s’est empressé de faire quelques jours plus tard.
Un projet qu’il fallait zapper
Le projet d’accord prévoyait: une norme de hausse salariale maximale de 4,5% [y compris l’in-dex (on prévoit 3,3%), les augmen-tations barémiques (0,5% l’an), la hausse tendancielle du salaire moyen due à la diminution d’emplois non qualifiés (0,5% l’an)]. Etant donné la hausse de productivité (de 1 à 1,5% l’an), une norme de 4,5% signifie une baisse réelle des salaires par unité produite.
Le projet prévoyait aussi que la limite des heures supplémentaires passerait de 65 heures à 130 heures. Le gouvernement avait promis 250 millions d’euros de cadeaux au patronat pour faire passer plus facilement l’accord.
Accepter un tel accord, c’était se mettre un carcan autour du cou avant de négocier les conventions collectives dans les secteurs. La manifestation syndicale du 21 décembre à Bruxelles (50.000 manifestants) a montré que les militants de base ne voulaient pas d’un tel carcan.
Fracture communautaire ?
La CSC a approuvé le projet à 74,8%, la CGSLB à 67%. La FGTB l’a rejeté à 52% (67% de non en Wallonie, 55% de non à Bruxelles, 52% de oui en Flandre). Immédiatement les médias ont parlé de « fracture communautaire » au sein de la FGTB. Quand il s’agit d’essayer de diviser les travailleurs, la presse au service de la bourgeoisie n’en rate pas une!
Au comité national de la FGTB, les centrales détiennent 2/3 des mandats et les régionales 1/3. C’est donc le poids des centrales qui pèse le plus dans la balance, et en particulier celui des grosses centrales. Le SETCa a rejeté le projet à 98% et la CMB (métal) à la majorité des 2/3. La Centrale générale a voté pour, mais d’extrême justesse: à Anvers et à Gand l’accord a été rejeté. La CGSP a voté pour à 80%, le textile et le transport à 100%. La Centrale de l’Alimentation : 50% pour, 49% contre.
A la CSC, la LBC (les employés en Flandre, la plus grosse centrale de la CSC), a voté contre, de même que la CNE (les employés du côté francophone). La CNE et la LBC couvrent notamment le secteur du non-marchand, actuellement en lutte. Les fédérations CSC de Liège, Verviers, Mons, Brabant wallon, Charleroi ont voté contre. Anvers a voté contre à 100%. Au Limbourg il y a eu une forte opposition.
Qu’est-ce que ça change ?
Si le gouvernement l’impose, cela revient-il au même que si l’accord avait été signé? Pas du tout. Il faut savoir que la norme de 4,5% n’est qu’indicative. Autrement dit, dans les conventions de secteurs il est légalement permis d’aller au-delà. Si l’accord avait été accepté par les syndicats la norme aurait aussi été indicative, mais dans la mesure où les syndicats l’auraient acceptée, elle devenait un engagement moral à respecter dans les conventions de secteur. Cette norme de 4,5% a donc beaucoup moins de poids, en particulier pour les centrales qui ont massivement voté contre.
Elio et Freya dans le camp du patronat
Personne ne doutait que la ministre de l’Emploi Freya Van den Bossche (SP.a), qui trouvait l’accord «fantastique», l’appliquerait d’autorité s’il était rejeté par les syndicats. Cela fait un bon bout de temps que les politiciens du SP.a (Vandenbroucke, Vande Lanotte, Luc Van den Bossche,…) s’en prennent ouvertement et cyniquement au monde du travail.
Elio Di Rupo par contre, à force de gesticulations verbales, parvient encore à donner du PS l’image d’un parti de gauche moderne. Mais c’est au pied du mur qu’on voit le maçon ! A peine rentré de Porto Alegre où il était allé faire le guignol, Elio a donné le feu vert à Verhofstadt pour faire appliquer le contenu de l’accord.
Le SP.a et le PS sont les meilleurs garants de la politique de la bourgeoisie. Ceux qui votent pour ces partis, en pensant que c’est un moindre mal, se mettent eux-mêmes la corde au cou. Les travailleurs ont besoin d’un nouveau parti. Le MAS entend participer à ce travail de reconstruction du mouvement ouvrier. Et, dans l’immédiat, le meilleur moyen de progresser dans cette voie est de nous rejoindre.