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  • Charleroi : le Front de Gauche ''voit rouge'' au débat de la FGTB

    Le Front de Gauche de Charleroi a été invité ce lundi 8 octobre à la FGTB pour un débat organisé dans le cadre des élections communale. Les 6 partis présentant une liste complète étaient représentés, avec Monsieur Magnette pour le PS. Comme l’a précisé un article de la Nouvelle Gazette : le Front de Gauche a vu rouge !

    La FGTB avait posé une série de questions aux divers partis portant sur le chômage et la pauvreté, sur le redéploiement économique, sur le logement, les crèches et les services publics, sur la culture, sur la place que les partis donnent à la FGTB comme interlocuteur, sur la lutte contre l’extrême droite et la place réservées aux aînés et aux jeunes.

    Chaque parti a répondu aux questions, tous défendant le bilan de l’ancienne majorité, tous donnant des réponses formatées et consensuelles. Magnette en particulier a, comme dans beaucoup des débats où il se rend, expliqué qu’il fallait arrêter de tomber dans le misérabilisme, que tout n’était pas si noir, qu’il y a beaucoup de choses positives qui se passe à Charleroi. Sur le chômage, il a expliqué que nous ne devions pas nous inquiéter pour les finances communales, car le fédéral a prévu de compenser la surcharge financière des CPAS conséquente aux exclusions du chômage. Sur l’emploi, il a expliqué, comme beaucoup de ses camarades de la future majorité PS-MR-CDH-ECOLO que le problème venait du manque de formation des carolos. Et il donna un chiffre ; sur l’ensemble des policiers de Charleroi, seul 5% sont réellement carolos.

    Sur la question du rapport avec les syndicats, Monsieur Magnette a expliqué qu’il espérait qu’un jour on aurait un syndicat carolo qui ressemblerait à celui de liège où, selon lui, bon nombre de syndicalistes participent au développement de la ville. Que voulait-il dire ? Qu’à Charleroi les syndicalistes ne veulent pas participer au développement de la ville ? Ou est-ce une critique de la combativité des syndicalistes carolos et une réponse à l’appel que la FGTB Charleroi a fait lors du premier Mai dernier? Appel qui clamait la responsabilité du PS dans les diverses attaques que subissent les travailleurs depuis les années 80 et qui, en conséquence, propose de « Rassembler à gauche du PS et d’ECOLO. » Car disent-ils, « Il y a la des forces vives, actives, militantes et anticapitalistes porteuses d’espoir pour le monde du travail », ce qui n’est clairement plus le cas du PS.

    Cyprien, du MR, après avoir expliqué que dans l’actuelle majorité communale tout le monde y met du sien, nous a parlé du besoin de faire venir des investisseurs. Sur l’emploi, il allait dans le sens de Magnette sur la manque de formation des carolos et la preuve en serait toutes ces plaques d’immatriculation françaises que l’on voit sur les parking de certaines entreprises du zoning.

    Germain du PTB a pour sa part parlé du manque de logements et de crèches publiques. Il a alors parlé de la nécessité d’un plan d’urgence sociale pour répondre à la situation dramatique dans laquelle se trouvent beaucoup de carolos. Il termina ensuite par un appel à voter pour le PTB.

    Benjamin Dusaussois, membre du Parti Socialiste de Lutte, a ensuite prit la parole au nom du Front de Gauche de Charleroi. Voici quelques extrait de son intervention :

    « Je viens parler ici au nom du Front de Gauche, et vu que tout le monde ici ne nous connaît peut être pas encore, je vais nous présenter. Le Front de Gauche est une liste unitaire qui regroupe des travailleurs, des syndicalistes, des jeunes, des pensionnés, des allocataires sociaux, des personnes issues du monde associatif et des membres du Parti Communiste et du Parti Socialiste de Lutte. Rien à voir avec le Parti qui se dit socialiste ici a coté. Notre projet est de constituer une vaste coalition anti-austérité ainsi qu’un relais politique large véritablement de gauche.

    Maintenant, sur les questions de la FGTB même si c’est bien évidemment difficile de répondre à 10 question en 10 minutes.

    Sur le Chômage,

    Pour le Front de Gauche Charleroi, si de véritables socialistes avaient le pouvoir à Charleroi, ils considéreraient leur commune comme premier lieu de combat contre les mesures d’austérité imposées par les différents niveaux de pouvoir, qu’ils soient européen, fédéral ou régional.

    De véritables socialistes s’opposeraient fermement à l’actuelle réforme du chômage défendue par le gouvernement fédéral.

    De véritables socialistes organiseraient la lutte pour son retrait et iraient jusqu’à faire de la désobéissance civile organisée afin de ne pas l’appliquer, un peu à l’image du bourgmestre espagnol d’Izquierda Unida dans le sud de l’Espagne qui refuse lui aussi d’appliquer l’austérité dans sa commune et essaie de pousser les communes voisines à faire de même.

    Et ils ne proposeraient pas, comme le fait le 8ème sur la liste du PS, Philippe Van Cau, sur son mur Facebook, de mettre les chômeurs au travail gratuitement pour la ville en échange de leur allocation ! J’espère que vous direz un mot la-dessus Monsieur Magnette.

    Pour répondre à la question de la pauvreté galopante et des manques de revenus de la ville. Ceux qui veulent faire croire qu’on peut sortir Charleroi de sa lente descente aux enfers dans le cadre de l’actuel budget communal sont des menteurs. Seule une lutte massive pour augmenter les ressources budgétaire, provenant par exemple du fond des communes, peut donner à Charleroi les moyens dont la ville a besoin. De l’argent, il y en a, dans les poches du patronat, des actionnaires et des banques. De véritables socialistes organiseraient la construction d’un rapport de force en faveur des 99% pour aller le chercher.

    Sur la question du redéploiement économique,

    Au FDG, nous considérons que c’est la soif de profits et la logique destructrice et chaotique de l’économie de marché qui est responsable de la fermeture de nombreuses entreprises. Des entreprises qui font des profits, comme l’expliquait Nico Cué, ici même il y a peu de temps, pour ArcelorMittal, mais dont les profits ne suffisent pas aux actionnaires pour continuer à produire.

    Si les profits de la sidérurgie ne suffisent pas aux patrons et aux actionnaires, ils nous suffisent à nous !

    Nationalisons sans rachat ni indemnité et sous contrôle des travailleurs et des syndicats toutes ces entreprises qui veulent fermer. Et produisons pour nous même. De l’acier, on en aura toujours besoin, et certainement à Charleroi quand on voit les travaux énormes qu’il va falloir faire pour remettre la ville en état.

    Sur la formation,

    Je m’insurge contre l’idée selon laquelle les gens ne trouvent pas de travail car il ne sont pas assez formés. Comme s’il suffisait d’être formé pour décrocher un emploi ! Les diplômés universitaires que je connais et qui sont au chômage ou travaillent comme agent de sécurité sont là pour témoigner que le problème fondamental n’est pas le manque de formation, mais le manque d’emploi.

    Nous sommes évidement d’accord de stimuler et de créer de nouveaux outils afin de pousser les gens à se former, mais on considère que le meilleur stimulant sera la perspective d’un emploi réellement existant.

    Sur le logement social,

    Je ne m’attarde pas car on a un programme fort similaire à celui du PTB et Germain a déjà parlé la-dessus, tout comme sur la question des crèches. Nous sommes d’accord sur la nécessité de répondre à l’urgence sociale.

    Sur la culture,

    J’avoue ne pas être un spécialiste des questions culturelles. Mais il y a une ou deux choses que je sais. C’est que quand je vais au cinéma ou à une activité culturelle le soir, je dois rentrer 40 minutes à pied vu qu’il n’y a plus de transport en commun. Que quand je veux aller à certaines activités comme "rire sur la ville" je dois payer entre 40 et 60 euros pour une place. Je n’ai pas cet argent et beaucoup de jeunes ou de chômeurs ne l’ont pas non plus.

    Les seules activités culturelles que je peux faire c’est d’aller courir sur un terril, ou traîner avec une bande de potes aux abords des usines à l’abandon de la région, ou aller au café. Si la culture peut être utilisée pour redynamiser la ville, il faudrait qu’elle soit accessible et on retombe donc sur la question des moyens budgétaires de la ville.

    Sur la question de la FGTB comme interlocuteur,

    Un socialiste du début du siècle avait une image. Le mouvement des travailleurs, c’est comme un boxeur: il a deux bras pour lutter. Son premier bras, c’est le syndicat, l’outil ou les travailleurs sont massivement organisé pour défendre leurs conditions de travail.

    Son deuxième bras, c’est un parti politique, qui se ferait le relais politique des revendications concrètes des luttes des travailleurs et permettrait la prise du pouvoir. On est obligé de constater qu’aujourd’hui, les travailleurs se batte avec un bras dans le dos. Seul le syndicat lutte encore. Tandis que le deuxième bras, le parti, n’existe plus. Les socialistes ne le sont plus depuis bien longtemps et c’est devenu très clair depuis que Di Rupo est premier ministre.

    Avec le Front de Gauche, on pense qu’on a besoin de nos deux bras pour lutter en faveur d’une société plus juste et plus égalitaire. Et qu’on doit donc construire une nouvelle formation politique qui soit véritablement de gauche. Le Front de Gauche de Charleroi n’a pas la prétention d’être cette nouvelle formation mais on s’inscrit dans la continuité de l’appel du premier Mai lancé par la FGTB de Charleroi. Après les élections, on participera, avec d’autres je l’espère, à la construction d’une vaste coalition anti-austérité qui pourrait enfin donner ce prolongement politique aux luttes syndicales.

    Avant de conclure, vu que mon temps se termine, un mot sur l’extrême droite.

    Dans la lutte contre l’extrême droite, il y a deux éléments. Tout d’abord, il faut les empêcher d’occuper le terrain, car le jour ou ils pourront tranquillement déverser leur discours de haine dans la rue sans que personne ne s’interpose, on est foutu. Et on est donc ouverts au lancement d’une campagne de lutte contre l’extrême droite à Charleroi après les élections.

    Mais il y a un deuxième point qui est très important. C’est le fait de lutter contre les causes qui poussent de plus en plus de gens à voter pour l’extrême droite. Et si les gens votent pour eux, c’est qu’ils en ont ras le bol de la situation, ras le bol de la galère dans laquelle ils s’enfoncent de plus en plus chaque jour. Et je n’ai pas peur de le dire, le Parti Socialiste est responsable,

    Quand Van Cau père a dit de la lutte de Splintex que c’était une tâche noire pour la Wallonie, des travailleurs ont répondu qu’ils voteraient FN, et je comprends leur colère. Moi-même comme vous le voyez, je suis en colère.

    Quand Di Rupo mène l’austérité et pousse les gens dans la misère, beaucoup en réaction se tourneront vers l’extrême droite. On doit donc proposer une véritable alternative politique de gauche qui permette à la colère des gens de se manifester dans des propositions concrètes comme par exemple un logement décent pour tous, un emploi bien payé pour tous et plus encore. La lutte contre l’extrême droite passe aussi par la lutte pour une société plus juste, c’est-à-dire par la construction d’une alternative aux partis traditionnels.

    Et pour conclure, un mot sur la question de la place des jeunes et des moins jeunes.

    Je vais répondre de manière un peu détournée. Les anciens devraient avoir le droit de bénéficier pleinement d’une pension bien méritée après une vie de dur labeur. Et les jeunes devraient avoir le droit à une vie décente et un futur meilleur. Mais ce n’est clairement pas ce qui est en train de se passer. Et la faute en reviens aux partis traditionnels qui acceptent la logique du système capitaliste, qui acceptent de gérer les crises en les faisant payer à la population.

    Je propose donc, en tant que militant syndical, une vaste campagne de syndicalisation massive de la jeunesse, pour leur apprendre à lutter pour une société où on respecte ses anciens en leur donnant une véritable pension. Pour leur apprendre à ne compter que sur eux mêmes pour se construire un futur meilleur.

    Et dans le même temps, en tant que militant politique j’appelle à la construction d’une organisation politique qui se ferait le porte-parole de leurs revendications.

    Merci. »

    Après avoir applaudis cette dernière intervention, les militants dans la salle ont pu poser leur question. Un premier intervenant a parlé de la situation difficile des chômeurs et, quand Magnette, pour on ne sait quelle raison, a sourit, le militant s’est énervé, lui criant "Tu ris?, mais ce n’est pas drôle ! il y a des gens qui crèvent de faim !"

    Une autre personne est intervenue pour parler des statuts et sous-statuts. Notamment des titres services et du fait qu’on oblige des gens à retourner au chômage alors qu’ils ont du travail, simplement parce qu’ils perdent un statut qui donnait des avantages financiers à l’employeur. Un délégué de la Sonaca est intervenu pour répondre à ce qui a été dit sur le fait qu’il y a de nombreux Français qui travaillent dans des entreprises du coin. Pour lui, c’est clair, c’est la faute aux employeurs et non au manque de formation des carolos.

    D’autres questions du même genre sont posées et un tour de réponses des partis commence. Les divers représentant des partis traditionnels interviennent pour expliquer les problèmes de budget de la ville, en donnant des chiffres par rapport à Liège. Ils ont également expliqué le besoin de mixité sociale, de faire venir des revenus plus élevé à Charleroi. Il ont affirmé qu’ils étaient contre le problème que sont les pièges à l’emploi en réponse à la question de la salle et particulièrement le représentant du CDH, ce qui n’a pas manqué d’étonner l’assemblée. Ils ont également rappelé qu’il ne fallait pas tomber dans la caricature et que tout n’allait pas si mal.

    Seul Germain et Benjamin sont intervenus dans le sens de la salle, critiquant le bilan de la majorité et leur vision angélique de la situation à Charleroi. Germain parlant du besoin d’avoir un élu de gauche au conseil communal et Benjamin appelant à construire un rapport de force sur le terrain avec un plan d’action. Benjamin a également interpellé Magnette : "vous n’avez pas répondu à mon interrogation de tout à l’heure, que voulez-vous dire par : il faut réorganiser l’administration communale. Est-ce comme votre huitième de liste le propose, mettre les chômeurs gratuitement à disposition de la ville?"

    La salle a ensuite eu de nouveau la parole et les critiques se sont faites plus vives encore vis-à-vis du PS. Monsieur Magnette y répondant en disant qu’il ne comprenait pas pourquoi il répondait aux invitations de la FGTB, car on lui crie dessus à chaque fois et que si ça continuait ainsi, il ne viendrait plus. Mais la salle insiste, explique qu’on n’attend rien du MR et du CDH, mais que c’est du PS qu’on attend quelque chose. Le vétéran syndical Gustave Dache est alors intervenu également pour, entre autres, critiquer la vision du PS et des autres partis traditionnels selon laquelle tout ne serait pas si terrible à Charleroi. Il pose alors la question : "Les politiques vivent-ils sur la même planète que nous ?"

    Les politiques ont alors de nouveau eu la parole, pour la dernière fois. Sans que rien de bien intéressant ne sorte de leur réponses. Magnette a toutefois été obligé de déclarer que si c’était vrai, il condamnerait les déclaration de son huitième de liste.

    Enfin, Benjamin a dit un dernier mot que voici :

    "Je veux répondre à la question de Paul, qui semble s’étonner de ce que certains ici s’énervent et lui crient dessus. Peut-être même encore plus que sur le MR et le CDH de qui personne n’attend rien ici. Ce n’est pas parce qu’on aime crier et s’énerver, moi par exemple j’ai systématiquement une migraine lorsque je sors de ce genre de débat ou je m’énerve également. La raison de cet énervement c’est que vous ne répondez pas à une question pourtant simple : Pourquoi vous dites vous socialiste alors que votre parti participe à la mise en place de l’austérité ?"

    Magnette souffle immédiatement : "Tu n’était pas là, la fois dernière pour t’en rendre compte."Ce a quoi Benjamin répond en disant : "ben si, j’étais présent la fois dernière et je faisais partie de ceux qui vous ont crié dessus depuis le fond de la salle. Et je vais continuer en répondant à une question à laquelle on n’a pas encore répondu : les politiques vivent-ils sur la même planète que nous ?

    Je suis tenté de dire que non, parce que quand on touche entre 10 et 15000 euros par mois comme Paul, on ne vit pas dans les même conditions. Est-ce qu’on a faim ? Est-ce qu’on a froid ? Parce que moi j’ai froid pour le moment, car le chauffage, je vais pas le mettre avant le mois de novembre. Et laissez-moi vous dire, je me souviens du titre de votre livre, "Le bel avenir du socialisme". Eh bien il est pas beau votre socialisme et je vous le dis, votre avenir c’est celui du PASOK en Grèce, c’est la faillite !

    Pour conclure, je vais répéter une chose, car ma grand-mère me dit toujours qu’il faut taper sur le clou. De l’argent, il y en a. Pas dans mes poches, mais dans les poches des riches, comme le montre cet article de la presse patronale, "les Belges n’ont jamais été aussi riches" et dans les poches des entreprises, mais comme le montre cet autre article, nos 500 plus grandes entreprises ne payent que 5,44% d’impôts. Pourtant, on verra après ces élections où les partis traditionnels vont aller le chercher leur argent, que ce soit au fédéral ou à la commune.

    Alors j’ai envie de dire, pour répondre à notre camarade du CDH qui nous disait tout à l’heure qu’il n’y avait plus de guerre en Europe qu’au contraire, il y a bel et bien une guerre en Europe, et pas une guerre entre la Grèce et l’Allemagne comme certains veulent nous le faire croire. Pas une guerre entre flamands et wallons, pas une guerre entre étrangers et belges. Mais une guerre de classe pour savoir qui va payer la crise."

    Le débat s’est alors terminé tout d’abord par une interpellation de René Andersen, ancien cheminot et tête de liste du Front de Gauche à Charleroi, sur la situation a la SNCB puis par une intervention d’un ancien militant socialiste qui a énuméré les différentes attaques contre les travailleurs auxquelles le Parti Socialiste a participé depuis les années ’80, en parlant de trahison honteuse.


    Article de La Nouvelle Gazette

  • Charleroi : Des loyers abordables pour des logements de qualité !

    Plusieurs milliers de familles sont sur liste d’attente pour un logement social. Découragés, beaucoup de ceux qui y ont droit ne s’inscrivent même plus. Les promesses électorales n’ont jamais été tenues et la pénurie de logements sociaux publics tire le coût de l’ensemble des loyers vers le haut. La majeure partie des locataires consacrent plus de 30% de leur budget au logement, ce qui est une aubaine pour les promoteurs immobiliers et les «marchands de sommeil ». Il est possible d’y remédier par la construction de logements neufs, par l’acquisition ou la location de logements inoccupés à rénover, et par la réquisition si nécessaire.

    Luttons tous ensemble pour :

    • un plan de construction et de rénovation massive de logements sociaux !
    • un minimum de 15 000 nouveaux logement sociaux publics de qualité pour Charleroi dans les 4 ans afin de résoudre la pénurie !

    MILITONS !

    Qu’est ce que le Front de Gauche ?

    Le Front de Gauche est une liste unitaire qui regroupe des travailleurs, des syndicalistes, des jeunes, des pensionnés, des allocataires sociaux, des personnes issues du monde associatif et des membres du Parti Communiste (PC) et du Parti Socialiste de Lutte (PSL). Notre objectif est de constituer une vaste coalition anti-austérité ainsi qu’un relais politique large véritablement de gauche.

    Comment participer ?

    Diffuser des tracts, organiser des rencontres avec des candidats, ses collègues et sa famille, coller une affiche à sa fenêtre, participer aux assemblées pour discuter et élaborer la construction du Front de Gauche… Chacun peut contribuer à cette campagne, chacun peut participer à la construction d’une véritable gauche.

    Des élus du Front de Gauche ?

    Contrairement aux politiciens traditionnels, les candidats du Front de Gauche s’engagent :

    • A développer activement la résistance contre les politiques d’austérité et à ne participer à aucune coalition avec les partis pro-austérité.
    • A ne pas s’enrichir grâce à la politique. L’éventuel surplus sera entièrement consacré à construire et à soutenir la résistance aux attaques antisociales.
    • A présenter les prises de décisions collectives et démocratiques des militants et sympathisants.


    SAMEDI 6 OCTOBRE – 17H MEETING DU FRONT DE GAUCHE – MAISON DES 8 HEURES, PLACE CHARLES II – CHARLEROI

    > Evénement Facebook

  • Charleroi : Des emplois communaux décents !

    À Charleroi, il y a seulement un emploi disponible pour 40 chômeurs. Il faut s’attaquer au chômage, pas aux chômeurs. Ce qu’il faut, c’est des emplois de qualité pour tous. La commune pourrait montrer l’exemple en lançant un vaste programme de travaux publics répondant aux besoins urgents de la population, construction et rénovation des logements, des crèches, des écoles… Mais aussi en diminuant le temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires pour l’ensemble des travailleurs communaux. Ce ne sera possible que si nous nous décidons à aller chercher l’argent là où il est !

    Luttons tous ensemble pour :

    Créer des emplois statutaires en nommant les agents et en introduisant la semaine de 32h sans perte de salaires avec embauches compensatoires !

    MILITONS !

    Qu’est ce que le Front de Gauche ?

    Le Front de Gauche est une liste unitaire qui regroupe des travailleurs, des syndicalistes, des jeunes, des pensionnés, des allocataires sociaux, des personnes issues du monde associatif et des membres du Parti Communiste (PC) et du Parti Socialiste de Lutte (PSL). Notre objectif est de constituer une vaste coalition anti-austérité ainsi qu’un relais politique large véritablement de gauche.

    Comment participer ?

    Diffuser des tracts, organiser des rencontres avec des candidats, ses collègues et sa famille, coller une affiche à sa fenêtre, participer aux assemblées pour discuter et élaborer la construction du Front de Gauche… Chacun peut contribuer à cette campagne, chacun peut participer à la construction d’une véritable gauche.

    Des élus du Front de Gauche ?

    Contrairement aux politiciens traditionnels, les candidats du Front de Gauche s’engagent :

    • A développer activement la résistance contre les politiques d’austérité et à ne participer à aucune coalition avec les partis pro-austérité.
    • A ne pas s’enrichir grâce à la politique. L’éventuel surplus sera entièrement consacré à construire et à soutenir la résistance aux attaques antisociales.
    • A présenter les prises de décisions collectives et démocratiques des militants et sympathisants.


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  • Charleroi : Des crèches publiques pour tous ! Des écoles gratuites et de qualité en suffisance !

    Des crèches publiques pour tous !

    Le nombre de crèches publiques est très faible vis-à-vis des besoins réels. Il est de plus en plus difficile de trouver une place. C’est ce qui explique que les coûts des crèches privées soient si élevés, jusqu’à 600 €. Les partis établis comptent tout au plus maintenir le taux de couverture actuel, sans l’augmenter.

    Des écoles gratuites et de qualité en suffisance !

    Nos écoles tombent en ruine et sont manifestement sous-financées. Le nombre d’élèves par classe augmente, diminuant la qualité de l’enseignement. Le manque de moyens dont souffrent les écoles est systématiquement compensé par une augmentation des frais que les élèves doivent payer pour leurs fournitures scolaires, les cantines ou les voyages. Le bien-être des élèves et les conditions de travail des enseignants ne font qu’empirer.

    Luttons tous ensemble pour :

    • accorder plus de moyens publics à l’enseignement (7% du PIB) pour davantage d’enseignants, des classes plus petites et une rénovation massive des bâtiments scolaires!
    • multiplier massivement le nombre de crèches publiques et élargir différents types de services qui permettent de combiner famille, travail et loisirs.

    MILITONS !

    Qu’est ce que le Front de Gauche ?

    Le Front de Gauche est une liste unitaire qui regroupe des travailleurs, des syndicalistes, des jeunes, des pensionnés, des allocataires sociaux, des personnes issues du monde associatif et des membres du Parti Communiste (PC) et du Parti Socialiste de Lutte (PSL). Notre objectif est de constituer une vaste coalition anti-austérité ainsi qu’un relais politique large véritablement de gauche.

    Comment participer ?

    Diffuser des tracts, organiser des rencontres avec des candidats, ses collègues et sa famille, coller une affiche à sa fenêtre, participer aux assemblées pour discuter et élaborer la construction du Front de Gauche… Chacun peut contribuer à cette campagne, chacun peut participer à la construction d’une véritable gauche.

    Des élus du Front de Gauche ?

    Contrairement aux politiciens traditionnels, les candidats du Front de Gauche s’engagent :

    • A développer activement la résistance contre les politiques d’austérité et à ne participer à aucune coalition avec les partis pro-austérité.
    • A ne pas s’enrichir grâce à la politique. L’éventuel surplus sera entièrement consacré à construire et à soutenir la résistance aux attaques antisociales.
    • A présenter les prises de décisions collectives et démocratiques des militants et sympathisants.


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  • Charleroi : Le 14 octobre, votez pour le changement – PRENEZ LE POUVOIR !

    Face aux politiques d’austérité menées à tous les niveaux de pouvoir, il est urgent de proposer une alternative. Le Front de Gauche à Charleroi a pour vocation de créer une telle alternative et tient à poser deux principes fondamentaux à son projet politique. Tout d’abord, nous sommes résolument opposés à toutes les mesures d’austérité qui n’auront pour effet que d’accroître les inégalités et ne résoudront nullement la crise. Le Front de Gauche à Charleroi s’engage donc à combattre toute mesure d’austérité déjà prise ou à venir. Ensuite, nous estimons que la démocratie ne doit pas être un vain mot. Il est primordial que toutes et tous soient impliqués au maximum dans la gestion et les prises de décision qui les concernent. Cela doit être vrai dans le cadre de la commune mais également au sein même du Front de Gauche, où toutes celles et tous ceux qui partagent nos valeurs de solidarité et de progrès participent directement à l’élaboration de nos programmes, activités…

    Tract du Front de Gauche, avec liste des candidats


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    La commune, premier terrain de lutte contre l’austérité

    Les mesures d’austérité, qu’elles soient imposées par le gouvernement Di Rupo ou par les autres entités fédérées, vont largement accroître les inégalités et mettre à mal des populations déjà fragilisées. Ceci se vérifie particulièrement dans notre commune. Il est primordial de mettre en place une politique sociale d’envergure au niveau communal, pour empêcher le fossé de se creuser et aller de l’avant.

    Tous ensemble, on peut :

    • réaliser un plan de construction et de rénovation massive de logements sociaux!
    • accorder plus de moyens publics pour l’enseignement (7% du PIB) pour davantage d’enseignants, des classes plus petites et une rénovation massive des bâtiments scolaires !
    • multiplier massivement le nombre de crèches publiques et élargir différents types de services qui permettent de combiner famille, travail et loisirs.
    • créer des milliers d’emplois statutaires en nommant les agents et en introduisant la semaine de 32 heures sans perte de salaires avec embauches compensatoires.
    • construire une vaste coalition antiaustérité ainsi qu’un relais politique large véritablement de gauche dans le respect de chaque tendance.
    • mettre en place une société guidée par les principes de la planification écologique.
    • prendre le pouvoir et construire une démocratie réelle en vue d’établir la justice sociale.

    Un programme impayable ?

    Nous rejetons le diktat de la pensée néolibérale. Nous devons abolir la dette et les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises. Nous pouvons régler la facture en imposant les grandes fortunes et les profits. Nous avons besoin d’un refinancement massif des communes et des budgets pour satisfaire les besoins de l’ensemble de la population et non pas une logique d’austérité. Jamais les richesses, le potentiel technique et scientifique n’ont été aussi importants qu’aujourd’hui.

    Nous devons nous libérer du carcan de l’économie de marché qui ne profite qu’à quelques-uns.

    VOTEZ FRONT-GAUCHE

    QU’EST CE QUE LE FRONT DE GAUCHE?

    Le Front de Gauche est une liste unitaire qui regroupe des travailleurs, des syndicalistes, des jeunes, des pensionnés, des allocataires sociaux, des personnes issues du monde associatif et des membres du Parti Communiste (PC) et du Parti Socialiste de Lutte (PSL). Notre objectif est de constituer une vaste coalition anti-austérité ainsi qu’un relais politique large véritablement de gauche.

    COMMENT PARTICIPER?

    Diffuser des tracts, organiser des rencontres avec des candidats pour ses amis, ses collègues et sa famille, coller une affiche à sa fenêtre, participer aux assemblées pour discuter et élaborer la construction du Front de Gauche… Chacun peut contribuer à cette campagne, chacun peut participer à la construction d’une véritable gauche.

    DES ÉLUS DU FRONT DE GAUCHE?

    Contrairement aux politiciens traditionnels, les candidats du Front de Gauche s’engagent :

    Contactez le Front de Gauche : frontdegauchecharleroi@gmail.com

    • à développer activement la résistance contre les politiques d’austérité et a ne participer à aucune coalition avec les partis pro-austérité.
    • à ne pas s’enrichir grâce à la politique. L’éventuel surplus sera entièrement consacré à construire et à soutenir la résistance aux attaques antisociales.
    • à présenter les prises de décisions collectives et démocratiques des militants et sympathisants.

    LISTE FRONT-GAUCHE

    PROVINCE

    1. LAGAE Stefanie 27 ans enseignante
    2. HERICKS Thomas 35 ans infographiste sans emploi
    3. PIERRET Cécile 75 ans retraitée
    4. ROUSSELET Matthieu 35 ans artiste
    5. DOMINO Gaetano 59 ans chef de gare SNCB
    6. WAUTHIER Synthia 26 ans mère au foyer
    7. DUSAUSSOIS Benjamin 29 ans sans emploi
    8. FAUCONNIER Martine 63 ans éducatrice
    9. ANDERSEN René 66 ans retraité SNCB

    COMMUNE

    1. ANDERSEN René 66 ans retraité SNCB
    2. LAGAE Stefanie 27 ans enseignante
    3. MORTELETTE Pierre 62 ans électricien
    4. PIERRET Cécile 75 ans retraitée
    5. DUSAUSSOIS Benjamin 29 ans sans emploi
    6. HERICKS Thomas 35 ans sans emploi
    7. WAUTHIER Synthia 26 ans mère au foyer
    8. DECKERS Olivier 28 ans apprenti tatoueur
    9. DEVILLIER Mauricette 65 ans retraitée
    10. ROUSSELET Matthieu 35 ans artiste
    11. ANDRE Nelly 71 ans retraitée
    12. GONSETTE Jean-François 48 ans employé
    13. LECLERCQ Gisèle 75 ans retraitée
    14. PASTORELLI Guido 59 ans retraité
    15. RUBBENS Alicia 36 ans ouvrière
    16. LECLERCQ Daniel 63 ans retraité
    17. FAUCONNIER Fabienne 60 ans ouvrière
    18. LOUIS Philippe 46 ans ouvrier sans emploi
    19. LOUIS Odette 75 ans retraitée
    20. DURVAUX Marc 61 ans technicien
    21. LECHIEN Simone 60 ans ouvrière
    22. KEGELART Jean-Luc 61 ans électricien
    23. HAGON Anne 69 ans retraitée
    24. PASTORELLI Salvatore 47 ans ouvrier
    25. FAUCONNIER Martine 63 ans éducatrice
    26. DOMECIJN Camille 60 ans ajusteur SNCB
    27. LAMBRICHTS Claude 69 ans retraité
    28. BENBELLAT Isabelle 55 ans retraitée
    29. LANGLOIS Dominique 44 ans éducateur A2
    30. HELBACH Léa 82 ans retraitée
    31. TIRLEROUX André 70 ans retraité (permanent syndical)
    32. PIRAUX Josette 54 ans ouvrière
    33. LEMIELLE Jean-Marie 63 ans ouvrier
    34. PASTORELLI Vincenza 42 ans ouvrière sans emploi
    35. ANDRIOLA Angela 55 ans ouvrière
    36. PIETTE Léon 69 ans retraité SNCB
    37. PAUL Anne-Marie 64 ans retraitée
    38. BLAIRON Alain 60 ans ouvrier
    39. MYS Murielle 48 ans sans emploi
    40. DOMINO Gaetano 59 ans chef de gare SNCB
    41. TAYENNE Martine 57 ans éducatrice
    42. STAMPER Josette 56 ans caissière
    43. WATTIEZ Isabelle 43 ans sans emploi
    44. CHAVATTE Raymond 62 ans monteur
    45. PICHON Françoise 51 ans docteur es lettres
    46. VANDEWALLE Luc 55 ans entrepreneur
    47. HARDENNE Dominique 56 ans secrétaire médicale
    48. PASTORELLI Fabrizio 35 ans sans emploi
    49. CRABBE Daniel 58 ans ajusteur SNCB
    50. BUFFIN Nadine 53 ans employée SNCB
    51. MORTELETTE Olivier 36 ans conducteur SNCB
  • Grèce : Echec de la formation d’une coalition pro-austérité et nouvelles élections

    Pour un gouvernement de gauche ! Pour une politique anti-austérité, favorable aux travailleurs et socialiste !

    A la suite du séisme politique constitué par les élections du 6 mai dernier, caractérisées par un rejet massif des partis pro-austérité soumis à la ‘Troïka’ (Fonds Monétaire International, Banque Centrale Européenne et Union Européenne), les principaux partis ne sont pas parvenus à former un gouvernement de coalition. Les tentatives du président grec de parvenir à un gouvernement ‘d’unité nationale’ ou de constituer un ‘gouvernement de technocrates’ n’ont pas eu plus de succès. De nouvelles élections cruciales se tiendront donc, au plus tard le 17 juin.

    Par Nikos Anastasiades, (Xekinima, CI0-Grèce) et Niall Mulholland, CIO

    Les partisans de Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) soutiennent fermement la décision du parti de gauche Syriza de refuser de se joindre à un gouvernement composé de partis pro-austérité tels que le parti social-démocrate Pasok et le parti de droite Nouvelle Démocratie.

    Syriza

    Lors de ces élections, Syriza (une coalition de la gauche radicale) est passé de 4,6% à 16,78%, remportant ainsi 52 siège et devenant de ce fait la deuxième force politique du pays, largement sur base de son approche anti-austérité et de son appel à un gouvernement de gauche.

    Lors de la semaine écoulée, les principaux partis politiques ont désespérément tenté de trouver un moyen d’échapper à la tenue de nouvelles élections. La classe dirigeante grecque est désorientée au vu du fait que ses soutiens traditionnels – la Nouvelle Démocratie et le Pasok – ont dramatiquement perdu les élections. Ce résultat est la conséquence directe de leurs mesures d’austérité qui frappent le pays depuis des années, entraînant un flot de misère et de pauvreté, de sans-abris, de chute drastique des conditions de vie et de suicides. Pour la fin de cette année 2012, il est prévu que le Produit Intérieur Brut aura chuté de pas moins de 20% depuis 2008, tandis que le chômage frappera 25% de la population active.

    Les dirigeants de la Nouvelle Démocratie et du Pazok, de même que la plupart des medias, ont très hypocritement blâmé Syriza d’avoir conduit le pays vers de nouvelles élections. Mais le dirigeant de la formation de gauche radicale, Alexis Tsipras, a très correctement rejeté ces accusations en déclarant que l’establishment politique espérait surtout que Syriza devienne complice d’un véritable crime en participant à l’élaboration de nouvelles attaques antisociales.

    L’aversion de ces partis et de l’establishment grec face à la tenue de nouvelles élections démocratiques provient surtout du fait que Syriza menace d’y devenir le plus grand parti en remportant entre 20,5% et 28% (en fonction des sondages). Syriza est ainsi la seule formation politique à voir son soutien croître dans les sondages, alors que tous les autres chutent. La Nouvelle Démocratie devrait obtenir 18,1% des voix et le Pasok seulement 12,2% : les taux les plus bas pour ces deux formations depuis près de 40 ans ! Cela reflète la popularité croissante de l’opposition publique de Syriza à toute nouvelle mesure d’austérité.

    La menace de l’extrême-droite

    Le parti néofasciste Aube Dorée a également remporté un certain succès lors des dernières élections, et est entré au Parlement pour la première fois. Mais nombreux sont ceux qui ont voté pour ce parti afin de “punir les politiciens” et qui peuvent maintenant voir l’étendue du caractère anti-classe ouvrière de ce parti d’extrême-droite. Aube Dorée s’effondre maintenant dans les sondages, sous les 3% selon certains, ce qui signifierait que ce parti n’obtiendrait aucun élu aux nouvelles élections.

    Les travailleurs et leurs familles ne peuvent cependant pas prendre cette menace à la légère. Depuis qu’Aube Dorée a remporté des sièges au Parlement, ses partisans ont attaqués physiquement plusieurs immigrés. Xekhinima appelle à la création de comités antifascistes locaux afin de démocratiquement organiser l’auto-défense de la population. Ces comités doivent concerner les quartiers, les écoles, les universités et les lieux de travail. Si la gauche échoue à offrir une alternative viable et socialiste face à la crise, l’extrême-droite peut obtenir de nouveaux succès et la classe dirigeante grecque (qui a dans le passé déjà recouru à l’imposition d’un régime militaire pour défendre ses intérêts) pourrait également prendre plus de mesures autoritaires afin de s’en prendre au mouvement ouvrier.

    Une sortie de l’eurozone ?

    Les partis patronaux recourent à la menace et disent que la Grèce sera forcée de quitter l’eurozone si de nouvelles élections sont tenues et que Syriza arrive au pouvoir avec sa politique opposée aux coupes d’austérité. Les dirigeants de Syriza affirment vouloir prendre des mesures destinées à augmenter le niveau de vie de la population et à revenir sur les mesures d’austérité tout en maintenant la Grèce à l’intérieur de l’eurozone. Alors que la vaste majorité des Grecs s’opposent au programme d’austérité, ils désirent également rester au sein de l’eurozone. De façon bien compréhensible, ils craignent un avenir qui s’inscrirait sans la monnaie commune.

    Les médias et les politiciens bourgeois ne cessent de prévenir de ce qui arriverait en cas de départ de la zone euro : une chute encore plus dramatique du niveau de vie, la banqueroute financière et une hyperinflation des prix. Sans surprise, un récent sondage d’opinion a mis en avant que 78% des sondés désiraient un gouvernement qui fasse tout son possible pour rester au sein de la zone euro. Mais en même temps, rester dans la camisole de force de l’euro ne promettrait qu’une austérité sans fin aux Grecs, et un nombre croissant d’entre eux exige de quitter la zone.

    Mais malgré la volonté des dirigeants de Syriza de rester dans l’eurozone, même s’ils appliquent leur politique dans un nouveau gouvernement limité à une renégociation ‘radicale’ des conditions de renflouement du pays, ils feront face à une opposition résolue de la part de l’Union Européenne et des capitalistes grecs, ce qui conduirait probablement la Grèce à être éjectée de l’eurozone. La Troïka a indiqué qu’elle était prête à discuter de certaines clauses du renflouement, mais pas des thèmes principaux, ce qui signifie très clairement une poursuite dans l’offensive contre les conditions de vie de la population grecque.

    Pourtant, Syriza ne prépare pas encore ses membres, ses partisans et plus généralement la classe ouvrière face aux conséquences d’une confrontation avec la Troïka, les marchés et la classe dirigeante grecque. De la même manière, Syriza ne tient pas encore compte de la plus que probable féroce campagne qui se déchaînera contre cette formation de gauche radicale dans les médias et du fait des partis bourgeois au cours de la nouvelle campagne électorale.

    Certains dirigeants de Syriza défendent que s’ils forment un nouveau gouvernement, la Troïka devra faire face à son propre bluff, et sera forcée de faire de grandes concessions car les dirigeants de l’Union Européenne sont terrifiés à l’idée d’un défaut de paiement de la Grèce et d’un départ de l’euro. Cela causerait une nouvelle crise financière et une profonde dépression à travers l’Union Européenne, avec la menace que des pays comme l’Espagne, le Portugal et l’Irlande soient également forcés de quitter l’euro. C’est vrai, mais certains dirigeants européens craignent que le pays ne soit sur une pente glissante qui pousse irrésistiblement la Grèce à l’extérieur de l’eurozone, et ils se préparent, de même que les marchés financiers, à faire face à cette éventualité.

    Angela Merkel et le président de la Commission Européenne Jose Manuel Barroso ont ouvertement prévenu que si la Grèce ne respectait pas les engagements pris par les précédents gouvernements, le pays devrait quitter l’euro. Cela peut partiellement être une menace pour forcer l’arrivée d’une coalition d’austérité de même qu’une tentative visant à faire prendre conscience de ce qui peut arriver à chaque pays de l’eurozone qui oserait se dresser contre la Troïka.

    Un gouvernement de gauche

    Dans cette situation, que doit faire la gauche ? Xekinima accueille avec enthousiasme l’appel public de Syriza pour un gouvernement unitaire de gauche. Syriza devrait ouvrir et développer ses structures en tant que large alliance de gauche afin que de nouvelles couches de travailleurs et de jeunes rejoignent l’initiative et puissent démocratiquement décider de la politique du parti. Xekinima soutient l’unité d’action des partis de gauche pour les prochaines élections et appelle à voter pour Syriza.

    Syriza devrait lancer un appel pour redynamiser les actions de masse sur les lieux de travail, dans les écoles et les quartiers et pour des syndicats combatifs et démocratiques, avec la tenue d’assemblées de masse aux niveaux local, régional et national afin d’impliquer largement les travailleurs et leurs familles dans les discussions portant sur le programme, les revendications et les tactiques électorales afin de faire massivement campagne pour un gouvernement de gauche et assurer que la pression existe pour que ce gouvernement lutte contre l’austérité et pour les travailleurs.

    Le Parti Communiste (KKE) et Antarsya (la Coopération de la gauche anticapitaliste) ont tous les deux adopté une approche sectaire avant les dernières élections et ont rejeté les propositions unitaires de Syriza, avec en résultat une stagnation de leur soutien électoral. A la surprise de millions de travailleurs, la direction du KKE continue d’ailleurs de refuser la constitution d’un bloc avec Syriza. Sous la pression de leur base, et de la classe ouvrière en général, une partie d’Antarsya a de son côté indiqué qu’elle était prête à travailler avec Syriza. De nombreux membres du KKE parlent eux aussi de faire d’unité. Xekinima enjoint Syriza à lancer un appel clair et conséquent orienté vers la base du KKE et des autres forces de gauche pour constituer un bloc basé sur une plateforme anti-austérité afin de lutter pour un gouvernement de gauche armé d’un programme socialiste.

    Xekinima fera campagne dans ces élections pour un gouvernement de gauche radicale, pour une politique anti-austérité et favorable aux travailleurs avec un programme socialiste destiné à changer de société.

    Un programme pour l’unité d’action de Syriza et du KKE autour de l’opposition à toutes les mesures d’austérité, pour l’annulation de la dette, pour l’expropriation et la mise sous le contrôle public et démocratique des principales banques et industries et pour un renversement socialiste de la société gagnerait un soutien massif parmi la classe ouvrière, la jeunesse et la classe moyenne. Mais une politique favorable aux travailleurs déchainerait les foudres des patrons à travers l’Europe, et ils organiseraient rapidement l’éjection de la Grèce hors de l’eurozone.

    Hors de l’euro, un gouvernement des travailleurs devrait instaurer un programme d’urgence avec un contrôle étatique sur les importations, les exportations ainsi que sur le capital, tout cela étant destiné à prévenir de toute évasion de capitaux organisée par les grands patrons, les actionnaires et les multinationales. Des comités démocratiques devront assurer la distribution de médicaments, de nourriture, d’essence et d’autres denrées vitales pour les travailleurs.

    Un gouvernement des travailleurs en Grèce devra également se lier aux mouvements de lutte des travailleurs dans les autres pays de l’eurozone, et plus particulièrement en Espagne, au Portugal, en Irlande et en Italie afin de rompre la dictature de la Troïka, des patrons, de l’Union Européenne et du capitalisme. Ces pays pourraient constituer une confédération sur une base socialiste et commencer à coordonner leurs économies de façon démocratiquement planifiée, dans le cadre de la lutte pour une confédération socialiste européenne, sur une base volontaire et égalitaire. Cela remporterait un soutien enthousiaste et massif parmi toute la classe ouvrière européenne.

  • “We live in a political world” Le Parti Communiste et Bob Dylan

    Cet automne s’est éteint Irwin Silber, membre de la Ligue américaine de la jeunesse communiste et rédacteur en chef du magazine américain de musique folk Sing Out ! dans les années 60. C’est lui qui avait initié la campagne contre Bob Dylan l’accusant d’avoir prétendument trahi les mouvements radicaux de l’époque. Frank Riley, un ancien député travailliste du Lancashire, s’est penché sur la relation entre Dylan et le Parti Communiste.

    Jamais un artiste populaire n’avait reçu autant d’attaques virulentes et de critiques que Bob Dylan lors de son apparition au Newport Folk Festival en mai 1965 et, par la suite, lorsqu’il est passé à l’électrique. Cette polémique a perduré pendant des années et fait même encore écho aujourd’hui. La performance de Dylan à Newport a eu des répercussions considérables, pas seulement dans le monde de la musique folk, mais aussi sur la musique populaire basée sur les traditions américaines, en particulier la musique rock.

    Bob Dylan a ramené les paroles pleines de sens dans les chansons populaires. En plus de cela, il a produit de véritables textes poétiques et a été, pour le meilleur ou le pire, l’inspirateur d’une multitude d’auteurs-compositeurs. Même les Beatles ont déclaré s’être écartés de paroles niaises sous l’influence de Dylan. Mais le rôle du Parti ‘‘Communiste’’ (CP) – aux Etats-Unis et, plus tard, en Grande-Bretagne – qui dans un premier temps l’a porté aux nues pour ensuite tenter de le démolir, n’a pas été correctement expliqué. Les partis ‘‘Communistes’’ étaient les alliés du régime bureaucratique d’Union Soviétique, soutenant l’Etat totalitaire comme étant le véritable socialisme et justifiant toutes les dérives de la politique soviétique.

    Lorsque Dylan est monté sur scène à Newport avec un groupe de rock électrique et a entamé la chanson Maggie’s farm, une adaptation d’une vieille chanson folk, Penny’s Farm, il a créé un véritable tollé au sein des traditionalistes folk. Pete Seeger, qui était à l’époque (et toujours maintenant d’ailleurs) le leader vétéran de la scène folk américaine et qui a figuré sur liste noire durant l’ère Maccarthiste, a quasiment fait une attaque. Il y a beaucoup de légendes concernant cette journée : on raconte notamment que Seeger aurait tenté de couper les fils électriques avec une hache et que lui et le manager de Dylan, Albert Grossman, se seraient battus dans la boue.

    Seeger a admis que s’il avait eu une hache, il aurait coupé les câbles et les tensions entre les organisateurs et l’équipe de Dylan dans les coulisses seraient avérées. Ce qui est certain, c’est que Dylan a été hué par une grande partie du public. L’ordre a dû être rétabli et, finalement, Dylan est revenu sur scène avec une guitare acoustique et a chanté certaines de ses chansons « acceptables ».

    Dans quelle mesure l’explosion de Newport a été organisée et préparée, personne ne le sait vraiment. Mais il semblait bien y avoir une véritable organisation derrière les protestations qu’il a reçues à tous les concerts de sa tournée mondiale qui a suivi. Sa conversion à l’électrique n’était pourtant pas si étonnante. Son album Bringing It All Back Home, mi acoustique mi électrique, sur lequel figurait la chanson Maggie’s Farm, était en vente depuis des mois.

    En fait, Dylan avait commencé à jouer du rock’n roll à l’école. Il avait même joué du piano à quelques concerts avec Bobby Vee. Dans le ‘‘yearbook’’ de son école, dans lequel les étudiants écrivent ce qu’ils comptent faire après leurs études, même si ses projets étaient d’aller à l’Université du Minnesota, il a écrit : ‘‘Rejoindre Little Richard’’. Sa prétendue ‘‘trahison’’ était simplement un retour aux sources. Il a d’ailleurs changé plusieurs fois de style au cours de sa longue carrière, ce qui a souvent ravi, troublé ou irrité les fans, ses homologues et les critiques.

    Le jeune Robert Allen Zimmerman, devenu par la suite Bob Dylan, originaire de Hibbing, une ville minière du Minnesota, est rapidement devenu célèbre en 1962-63 grâce à plusieurs chansons contestataires qu’il avait écrites dans la tradition populaire, notamment Blowin ‘in the Wind et The Times are A-Changin. Depuis lors, Dylan a écrit et interprété toutes sortes de chansons populaires américaines à partir de diverses traditions – folk, rock, blues, country, gospel, même jazz – devenant, sans doute, l’auteur-compositeur et interprète le plus influent dans l’ère de l’après-guerre. Bien qu’il ait été initialement présenté comme une sorte de Messie politique, et soigneusement entretenu par le Parti Communiste américain inconsciemment et contre sa volonté, il est soudainement devenu un ‘‘traître’’.

    Un nouveau Woody Guthrie?

    Dylan est arrivé à New-York en 1961 alors qu’il était âgé de 19 ans. Il était passionné par la musique du chanteur folk Woody Guthrie auquel il avait rendu visite avant sa mort dans un hôpital du New Jersey. Guthrie était un proche sympathisant du Parti Communiste. Ses collègues, dirigés par Pete Seeger, ont repopularisé ce qu’ils considéraient comme des chansons du peuple dans le cadre de leur activité politique. Bien que Guthrie n’ait probablement jamais rejoint officiellement le Parti Communiste, il acceptait la ligne du parti tout autant que ses camarades qui étaient membres. Il a d’ailleurs eu, pendant un moment, une colonne dans le journal du Parti Communiste, le People’s Daily World. Il a également écrit et chanté des chansons de paix entre 1939 et 1941, pendant la période du pacte Hitler-Staline, lorsque les partis Communistes en Grande Bretagne et aux Etats-Unis s’opposaient à la guerre.

    En fait, selon Seeger, c’est Guthrie qui a en premier changé la ligne quand Hitler a envahi l’Union Soviétique. Seeger raconte : ‘‘Woody a eu un sourire sur le visage. Il m’a dit ‘‘Bon, je suppose que nous n’allons plus chanter de chansons pacifistes’’. Je lui ai dit ‘‘Quoi ? Tu veux dire que nous allions supporter Churchill ?’’. Il m’a dit ‘‘Churchill a retourné sa veste. Nous allons retourner notre veste’’. Il avait raison’’. (Interview de Phil Sutcliffe, Mojo n°193, décembre 2009). Il est intéressant de constater qu’ils n’ont pas dit que c’était Staline, mais Churchill, qui a été obligé de retourner sa veste.

    Guthrie est devenu célèbre aux Etats-Unis particulièrement avec sa chanson This Land is Your Land qu’il concevait comme un hymne radical, une alternative au God Bless America de Irving Berlin. Cependant, le fond de sa chanson correspondait plus au rêve américain qu’à une revendication pour la collectivisation des terres. Il a d’ailleurs été engagé par les organismes gouvernementaux pour promouvoir le New Deal de Roosevelt. Il a été payé pour chanter dans les villes touchées par la crise et dans les villages qui allaient être détruits pour faire place à des projets hydroélectriques, notamment le barrage de Grand Coulee, qui est devenu le titre d’une de ses chansons.

    Dylan fréquentait le Greenwich Village à New York, un quartier ouvrier et bohémien. Talent précoce, il a été nourri par beaucoup d’artistes plus âgés qui gravitaient autour de Seeger. Il est tombé amoureux de Suze Rotolo, une artiste de 19 ans qui militait dans le mouvement pour les droits civiques (elle apparait sur la couverture du deuxième album de Dylan Freewheelin’). Ses parents ayant été des ouvriers communistes militants, Rotolo était ce qu’elle appelait ‘‘un bébé à couche-culotte rouge’’. Elle a grandit dans ce milieu.

    Les membres du Parti Communiste, Seeger et Irwin Silber, éditeurs de Sing Out !, un magazine qui présentait les nouvelles chansons, étaient constamment en contact avec Rotolo, faisant en sorte qu’elle garde leur protégé sous la main. Mais il semble qu’elle n’était pas vraiment consciente de ce qu’ils faisaient. Pour ce qui la concernait, elle voulait juste aider Bob. Ils espéraient que Dylan deviendrait le nouveau Woody Guthrie et contribuerait à la diffusion de leur version du socialisme en devant la grande star du monde folk.

    Dylan a avoué : ‘‘Elle vous dira combien de nuits je suis resté éveillé pour écrire des chansons que je lui montrais en lui demandant si c’était juste. Parce que je savais que son père et sa mère étaient associés aux syndicats et elle était familière aux concepts d’égalité et de liberté depuis plus longtemps que moi. On vérifiait les chansons ensemble.’’ (Robert Shelton, No Direction Home : The Life and Music of Bob Dylan). Plus tard, il a dit qu’il ne savait pas qu’ils étaient communistes et que même si il l’avait su, il n’en aurait pas tenu compte. Dave von Rong, chanteur folk qui se surnommait lui-même ‘‘le maire troskyste de la rue McDougall’’ (Greenwich Village), est également devenu l’ami de Dylan et a rapidement découvert que celui-ci était apolitique.

    Un explorateur musical

    Ceci ne veut pas dire que Dylan n’était pas sincère dans ses chansons sur les droits civiques et ses actions. Son amour de la musique afro-américaine et son éducation juive ont fait de lui un antiraciste naturel. Les artistes noirs avaient également un très bon rapport avec Dylan – il n’a jamais été considéré comme un libéral blanc qui se donne bonne conscience. Les artistes noirs américains, de la famille Staples, en passant par Stevie Wonder à Jimi Hendrix, ont enregistré des chansons de Dylan. Bobby Seale (un des fondateurs du Black Panther Party For Self Defense) a consacré un chapitre de son livre Seize the Time à une discussion avec Huey P Newton, le leader des Black Panthers, sur le morceau Ballad of the thin man de Dylan. Ironiquement, pendant que le Parti Communiste attaquait cette chanson et d’autres, Columbia records a failli ne pas la sortir sous prétexte qu’elle était communiste.

    Harry Belafonte, un chanteur noir qui avait connu le succès dans le mainstream (style de jazz apparu dans les années ‘50), a consacré beaucoup de son temps et de son argent à promouvoir de nouveaux artistes noirs. Néanmoins, il a permis à Dylan de connaitre sa première expérience d’enregistrement en lui permettant de jouer de l’harmonica sur son album Midnight special. Dylan recourt encore occasionnellement à des commentaires politiques dans ses chansons.

    Dylan a été grandement sous-estimé par ceux qui cherchaient à l’exploiter, y compris par le PC. Loin d’être le plouc de Hibbing, Dylan profitait sans scrupule de ceux qui pouvaient être bénéfiques à sa carrière. Ses camarades d’école et ses amis musiciens de Saint Paul et de Minneapolis l’avaient bien compris. Il ‘‘absorbait’’ tout ce qui pouvait être utile plus tard, d’où son surnom ‘‘d’éponge’’ pour ses ‘‘emprunts’’ de tout ce qu’il pourrait utiliser musicalement : les idées, les chansons et les arrangements. Il tente toujours de justifier cela en disant qu’il était un ‘‘explorateur musical’’.

    Ce à quoi les musiciens folk autour de Seeger se sont vraiment opposés en 1965 n’était pas le passage de Dylan aux instruments électriques, mais son refus d’écrire plus de chansons ‘‘qui pointent du doigt’’ (tel que Dylan appelait les chansons protestataires). Ils l’ont accusé d’être ‘‘introspectif’’ et donc implicitement d’être réactionnaire. C’était, en fait, un écho du ‘‘réalisme socialiste’’ et de la ‘‘culture prolétaire’’ stériles qu’avait adopté Staline et qui se manifestaient dans les instances folks de la pureté musicale.

    La scène folk britannique

    En Grande-Bretagne, un développement similaire s’est développé dans le monde de la musique folk. En 1951, le Parti Communiste de Grande-Bretagne (le CPGB) a publié une brochure ‘‘La menace américaine sur la culture britannique’’. La menace perçue sur la musique britannique a été prise avec sérieux par les membres du Parti Bert Lloyd (mieux connu comme le folkloriste A. L. Lloyd) et par le chanteur folk Ewan MacColl (de son vrai nom Jimmy Miller), auteur de la chanson populaire Dirty Old Town qui parle de sa ville natale, Salford.

    MacColl, après avoir rencontré le folkloriste américain et membre du Parti communiste Alan Lomax, dont la secrétaire s’est révélée être Carla Rotolo, la sœur de Suze, a changé son attention vis-à-vis de la musique folk. MacColl et Loyd ont entrepris, avec succès, d’instaurer un ‘‘revival’’ folk en Grande-Bretagne. Il y avait beaucoup d’échanges créatifs entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Effectivement, il est évident que Pete Seeger, dont la sœur Peggy, chanteuse folk, est devenue par la suite la compagne de MacColl, a modelé le revival folk aux Etats-Unis sur le travail de Lloyd et MacColl.

    Cette année a également été celle de la rédaction du programme du CPGB, La Route Britannique du Socialisme, une affirmation complètement réformiste de la théorie stalinienne du ‘‘socialisme dans un seul pays’’. Les théories musicales de MacColl découlaient directement de cela. Un débat sur ce qu’étaient les chansons ‘‘pures’’ et ‘‘ouvrières’’ a fait rage dans le monde folk britannique, avec MacColl en chef d’orchestre. Il a finalement adopté la position absurde que si un chanteur était anglais, alors la chanson devait être anglaise, un chanteur américain, la chanson devait être américaine et ainsi de suite. Ils ont également précisé les définitions de ‘‘traditionnel’’, ‘‘commercial’’, ‘‘ethnique’’, ‘‘amateur’’, etc. Cela a été adopté en tant que politique dans une majorité groupes sur lesquels MacColl et ses supporters avaient de l’influence.

    Entre alors, dans ce champs miné, Bob Dylan. En 1962, Dylan vient en Grande-Bretagne. Après quelques difficultés à entrer dans le Club de Singer, installé dans le pub Wakefield de Londres, on l’a autorisé à chanter trois chansons, dont deux à lui. Des témoignages contemporains disent que MacColl et Peggy Seeger, qui tenaient le club, étaient hostiles. Comme Dylan était peu connu, une explication pourrait être qu’Alan Lomax leur ait parlé de lui. La relation entre Dylan et Carla Rotolo battait de l’aile, une relation immortalisée dans le morceau Ballad in Plan D : ‘‘Pour sa parasite de sœur, je n’avais aucun respect’’, ce qui peut l’expliquer. Ou cela pourrait être qu’ils ne considéraient pas ses propres chansons comme du folk ‘‘combatif’’. Plus tard, quand Dylan a été déclaré traitre par le PC, MacColl a été un pas plus loin et a annoncé que le travail précédent de Dylan n’avait pas été de la vraie musique folk.

    La campagne pour les droits civiques

    Dylan n’a été impliqué que rarement dans les actions politiques publiques. Il s’est rendu dans les états du sud aux Etats-Unis avec Pete Seeger pour supporter la campagne de droit de vote des noirs. Il a également chanté, avec Joan Baez, aux côtés de Martin Luther King sur la plateforme de la Marche sur Washington – là ou a été prononcé le fameux discours ‘‘J’ai fait un rêve’’. (L’activité politique de Baez provient d’un mouvement Quaker de paix : son père était un éminent physicien qui a refusé de travailler sur des projets liés aux armes et ses chansons traditionnelles folks lui viennent de sa mère moitié écossaise moitié américaine).

    Quand il était dans le sud avec Seeger, Dylan a chanté une nouvelle chanson, Only a Pawn in Their Game, sur le récent meurtre du leader du mouvement des droits civiques, Megdar Evers. Tout le monde savait que le coupable était Byron De La Beckwith, un membre du Ku Klux Klan. Mais cela a pris 30 ans (jusqu’en 1994…) pour trouver un jury du Mississipi prêt à le condamner. Dans sa chanson, Dylan accuse fermement le capitalisme, en montrant que les blancs pauvres sont utilisés comme des pions par la classe dirigeante pour diviser la classe ouvrière. ‘‘Le pauvre homme blanc est utilisé dans les mains de ceux-là comme un outil’’, un extrait qui résume le contenu de cette chanson.

    Seeger a affirmé avoir trouvé ce nouveau point de vue intéressant (No Direction Home, film documentaire de Martin Scorsese (2005)). Cela montre la position libérale du PC: voir le racisme simplement comme une question de blancs et de noirs. Les mots de Dylan, au contraire, reflètent une certaine conscience de classe.

    The « Judas » protest

    Un mois après la débâcle de Newport, le 28 aout 1965, Dylan a joué à Forest Hills avec un groupe de rock nouvellement formé basé sur The Hawks et qui prendra plus tard le nom de The Band. Une foule de 14.000 personnes a applaudi les 45 premières minutes acoustiques du concert et a ensuite hué la deuxième moitié du concert quand le groupe est monté sur scène. Le 24 septembre 1965, à Austin aux Texas, Dylan a débuté une tournée autour de l’Amérique et puis du monde qui a durée une année entière. L’évènement de Forest Hills s’est répété partout. Jamais encore on avait vu des gens acheter des tickets de concert pour exprimer un tel mécontentement sonore. Levon Helm, le batteur, a été tellement dégouté qu’il a renoncé avant la fin de la tournée américaine et a été remplacé.

    Alors que la tournée avait atteint la Grande-Bretagne en mai 1966, la tendance était installée. A Edinburgh, la Ligue des Jeunes Communistes a débattu et a décidé d’organiser une grève quand les instruments électriques sont apparus sur scène. Des évènements similaires sont arrivés à Dublin et à Bristol. La presse a très peu couvert cela, excepté pour le Melody Maker qui a fait la une le 14 mai. Avant le concert à Manchester, la société universitaire de Folk a tenu un meeting lors duquel a été voté le boycott du concert.

    C’était dans ce contexte que s’est déroulé l’extraordinaire concert au Free Trade Hall de Manchester le 17 mai 1966. Lors de la première partie du concert, il n’y a eu comme d’habitude aucun problème. Après trois chansons dans le second set – ironiquement, immédiatement après la chanson ‘‘communiste’’ Ballad of a Thin Man – les protestations ont commencé. Une fille s’est approchée de Dylan et lui a donné un bout de papier, sur lequel était écrit, on l’apprendra plus tard, ‘‘Dis au groupe de rentrer chez eux’’. Ensuite, dans un moment de silence entre deux chansons, on a pu clairement entendre le cri de protestation ‘‘Judas !’’. Dylan était visiblement et audiblement furieux et secoué – ce concert figure à présent officiellement sur un cd, après des années de contrebande.

    Bien que cela soit généralement vu comme le summum de cette période bizarre, les choses sont devenues bien plus sérieuses à Glasgow, ou un fan, armé d’un couteau, a tenté de pénétrer dans la chambre d’hôtel de Dylan. Personne ne peut véritablement accuser le Parti Communiste à propos de ce dernier évènement, mais il y a toujours un doute sur le fait que ses membres dirigeaient les évènements extraordinaires de la tournée de 1965-66, basées sur une interprétation stalinienne déformée de la culture prolétaire mêlée à une dose malsaine de nationalisme.


    Note:

    ‘‘Nous vivons dans un monde politique’’ est la première ligne de la chanson Political World qui ouvre l’album O Mercy (1989) de Bob Dylan

  • Conférence-débat : “Le mouvement ouvrier : hier, aujourd’hui et… demain”

    Ce vendredi soir s’est déroulé à Courcelles un débat fort intéressant consacré aux luttes qui se développent face à la crise du capitalisme et à celles à venir en Belgique. Les orateurs étaient Gustave Dache, témoin et militant de la grève générale de l’hiver 60-61 (que l’on ne présentera plus aux habitués de ce site…) et Sandro Baguet, du Parti Communiste. Le débat était présidé par Laurent D’Altoé, coordinateur des Activités d’éducation permanente de la FGTB, et a pu compter sur la présence de plusieurs syndicalistes.

    Il s’agissait de la clôture d’une exposition consacrée à la grève générale de 60-61 organisée par les ASBL Progrès et Culture et Cenforsoc. A l’inauguration, le 14 janvier, avait déjà pris place la projection d’un DVD de témoignages de militants syndicaux de l’époque, sous la présidence de Robert Tangre, président du Progrès et conseiller communal à Courcelles, membre du Parti Communiste et tête de liste du Front des Gauches pour le Sénat lors des élections de 2010. Le 18 avait aussi eu lieu la projection du film "Il y a 50 ans: la grève" , avec encore une fois un débat, présidé cette fois-là par Thierry Van Loo, documentaliste de Cenforsoc.

    Toutes ces personnes étaient encore là pour la clôture, et le débat a vraiment été la conclusion de cette semaine de commémoration. La tonalité de cette dernière discussion était partagée entre impatience, voire pessimisme, au sujet du ‘‘calme social belge’’ et enthousiasme face aux luttes qui commencent à se développer à travers le globe face à la crise. Les différents échanges et interventions (durant plus de 2h30) ont permis d’aborder en profondeur les luttes récentes (les deux journées de grève générale de 2005 contre le Pacte des Générations, le mouvement pour plus de pouvoir d’achat en 2008,…) et divers conflits (à La Poste, à la SNCB,…) pour en tirer les leçons. L’absence de réelle volonté de lutte de la part des directions syndicales, l’absence de tout plan d’action, a clairement été pointée du doigt. Mais il a aussi beaucoup été question des changements qui s’opèrent sous la surface de la société et qui peuvent à tout moment surgir, comme cela a parfaitement été illustré par la révolte des masses en Tunisie.

  • Manifestation antifasciste à Liège: Non à la librairie fasciste !

    Depuis la mi-juillet, la librairie PRIMATICE, diffuseuse d’ouvrages d’éditeurs fascistes français, s’est installée dans le quartier historique de Hors-Château, au n°58, au coin de la rue Velbruck. On peut y trouver des livres comme "La politique sociale du IIIe Reich", "La judéomanie" ou encore "L’Islam devant le National-Socialisme", vendue par un individu partisan du rétablissement de la peine de mort et du droit du sang et donc de la préférence nationale en matière d’emploi…

    Nicolas Croes

    Le Front Anti-Fasciste (FAF) a donc décidé de coupler la commémoration de la nuit de cristal – quand, en 1938, les nazis ont organisé leur premier pogrom d’ampleur – à une mobilisation contre cette librairie. A cet appel, un peu plus de 200 personnes se sont donc rassemblées et ont défilé, sous la pluie et le froid, vers cette librairie.

    Ce sont principalement des organisations politiques qui ont mobilisé et étaient présentes : aux cotés du FAF se trouvaient le Comité pour une Autre Politique et le Mouvement pour une Alternative Socialiste avec son organisation de jeunesse Résistance Internationale, bien sûr, mais aussi Comac (le mouvement de jeunes du PTB) quelques membres du Parti Communiste et des anarchistes. Des sans-papiers étaient également présents, ainsi que quelques syndicalistes, mais à titre individuel uniquement. En vain pouvait-on chercher les partis traditionnels, qui brillaient par leur absence…

    Devant la librairie, les différentes organisations ont pris la parole. Georges Robert, du FAF, a précisé que cette librairie « est une antenne de la librairie parisienne Primatice qui diffuse des ouvrages d’extrême-droite à la tête de laquelle on retrouve Philippe Randa, connu pour être un auteur fasciste. Notre objectif est de mettre la pression pour que cette librairie ferme ».

    Nous avons également eu l’occasion de nous exprimer, en mettant en avant que nous ne devons pas uniquement nous battre contre l’extrême-droite organisée. La majorité des électeurs du FN ou du VB ne sont pas des nostalgiques du IIIe Reich, beaucoup d’entre eux ont des difficultés à trouver un emploi, un logement social,… et face à l’argument « sans les étrangers, il y aurait plus de place pour les belges », les partis traditionnels n’apportent aucune solution (voir notamment notre article sur Di Rupo et l’immigration). Ils sont même responsables de la politique antisociale qui pousse bien des gens vers l’alternative nauséabonde de l’extrême-droite. Il est honteux de remarquer qu’un pays aussi riche que la Belgique a un taux de pauvreté de 15% ! Dans ce cadre, à côté du combat antifasciste « traditionnel », il nous faut également lutter contre ce système d’exploitation qui engendre la frustration sur laquelle l’extrême-droite peut se développer. Tout ce qui nous divise nous affaiblit dans la lutte contre le capitalisme !

    Il est important de mobiliser contre ce genre de librairie. L’absence de réactions face à ce genre de pratique laisse se développer une certaine confiance chez les néo-fascistes, confiance qui pousse certains d’entre eux à devenir des assassins, comme le cas de Hans Van Themsche l’a illustré à Anvers.

    D’autres actions sont prévues, notamment ce 19 novembre devant le conseil communal de Liège.

  • Hongrie 1956 : quand les conseils ouvriers ont fait trembler la bureaucratie soviétique et la bourgeoisie du monde entier

    Cédric Gérôme

    Ce 23 octobre 2006, cela faisait exactement 50 ans que s’est déclenchée la révolution hongroise de 1956. Cet anniversaire, ainsi que les violentes émeutes qui l’ont accompagné, ont remis la Hongrie et le souvenir de la révolution au centre de l’actualité. L’ensemble de la presse et des politiciens se rejoignent tous pour saluer au passage « la première révolution dirigée contre la tyrannie communiste ». Contre la tyrannie ? Très certainement. Mais de là à faire l’amalgame stalinisme = communisme, il n’y a qu’un pas que la majorité des commentateurs bourgeois franchissent allègrement. Lors de la commémoration du soulèvement de 1956, organisé ce mardi en grande pompe par le gouvernement hongrois, José Manuel Barroso, président de la Commission Européenne, n’hésitait pas à dire que « les Hongrois, par leur sacrifice, ont préparé la réunification de l’Europe ». Les groupes d’extrême-droite hongrois, quant à eux, revendiquent la paternité de la « révolution contre les communistes, qui sont d’ailleurs toujours au pouvoir. » Face à cet amas d’hypocrisie et de confusion idéologique, il ne nous semble pas superflu de revenir sur les événements de ‘56, ses acteurs, son caractère et ses implications…

    Hongrie 1956 : quand les conseils ouvriers ont fait trembler la bureaucratie soviétique et la bourgeoisie du monde entier

    « Comment les dirigeants pourraient-ils savoir ce qui se passe ? Ils ne se mêlent jamais aux travailleurs et aux gens ordinaires, ils ne les rencontrent pas dans les bus, parce qu’ils ont tous leurs autos, ils ne les rencontrent pas dans les boutiques ou au marché, car ils ont leurs magasins spéciaux, ils ne les rencontrent pas dans les hôpitaux, car ils ont leurs sanas à eux. »

    « La honte n’est pas dans le fait de parler de ces magasins de luxe et de ces maisons entourées de barbelés. Elle est dans l’existence même de ces magasins et de ces villas. Supprimons les privilèges et on n’en parlera plus. » (Gyula Hajdu et Judith Mariássy, respectivement militant communiste et journaliste hongrois en 1956)

    1) La Hongrie au sortir de la guerre

    Après la deuxième guerre mondiale, les Partis Communistes et l’URSS avaient acquis une grande autorité suite à la résistance héroïque de la population russe contre l’invasion du pays par l’armée nazie. L’URSS sortit renforcée de la guerre : ayant repoussé l’armée allemande jusqu’aux frontières de l’Elbe, elle avait conquis la moitié d’un continent. La conférence de Yalta en février 1945 consacra cette nouvelle situation : les parties de l’Europe qui avaient été « libérées » par l’Armée Rouge resteraient sous la sphère d’influence russe.

    La fin de la seconde guerre mondiale était allée de pair avec une radicalisation des masses et des événements révolutionnaires dans toute une série de pays. En effet, les masses ne voulaient pas seulement en finir avec le fascisme ; elles voulaient aussi extirper la racine sociale et économique qui l’avait fait naître : le capitalisme. Dans la plupart des pays européens, la bourgeoisie devait faire face à des insurrections de masse. Mais s’il y avait bien un point sur lequel les Partis Communistes stalinisés et les capitalistes s’entendaient parfaitement, c’était sur le fait qu’une révolution ouvrière devait être évitée à tout prix. Dans les pays capitalistes, les PC –tout comme les partis sociaux-démocrates- usèrent de leur autorité pour venir en aide aux classes dominantes, en ordonnant aux partisans de rendre les armes et en participant à des gouvernements d’ « union nationale » avec les partis bourgeois (en France, en Italie, et en Belgique notamment). En vérité, il s’agissait bien là d’une contre-révolution, mais sous un visage « démocratique ». En France, pour ne citer qu’un seul exemple, les groupes de résistance, sous l’instruction des dirigeants staliniens, durent rendre leurs armes au prétendu « gouvernement de Libération Nationale ». Maurice Thorez, secrétaire général du PCF de l’époque, déclarait : « Les Milices Patriotiques ont très bien servi dans la lutte contre les nazis. Mais maintenant, la situation a changé. La sécurité publique doit être assurée par la police régulière. Les comités locaux de libération ne peuvent pas se substituer au pouvoir du gouvernement. »

    Dans les pays de l’Est (Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Pologne, etc), si l’entrée de l’Armée Rouge avait souvent été perçue comme une libération, la bureaucratie du Kremlin était pourtant déterminée à maintenir la situation sous son contrôle et à empêcher que la classe ouvrière entre en mouvement de manière autonome. Petite anecdote illustrative : en Bulgarie, lorsque la machine militaire nazie s’effondra durant les mois d’automne 1944, les milices ouvrières, à Sofia puis dans d’autres villes, désarmèrent et arrêtèrent les fascistes, élirent des tribunaux populaires, organisèrent des manifestations de masse. Sentant le danger, le Haut Commandement russe ordonna tout de suite à ses troupes stationnées dans le pays : « Faites tout pour revenir à la discipline antérieure. Abolissez les comités et les conseils. Nous ne voulons plus voir un seul drapeau rouge dans la ville. »

    Après la guerre, dans des pays comme l’Italie ou l’Allemagne, la bourgeoisie avait sciemment maintenu dans l’appareil d’Etat du personnel politique ou militaire ayant occupé des fonctions importantes sous le fascisme ; les staliniens, quant à eux, firent exactement la même chose à l’Est. A cette époque, gagner les masses à un programme révolutionnaire n’aurait été que trop facile ; mais c’était là précisément ce que la bureaucratie stalinienne voulait éviter à tout prix. Dans les pays occupés par l’Armée Rouge, nombre de communistes et de travailleurs actifs dans la résistance seront liquidés, car jugés peu fiables. Qualifiés pendant la guerre de « braves combattants », ils devenaient à présent des « bandits », des « forces ennemies », voire même des « éléments pro-hitlériens », et étaient soumis en conséquence à la plus sévère répression. Plusieurs milliers d’entre eux seront torturés ou exécutés, pour la simple raison d’avoir voulu contester la toute-puissance de la bureaucratie. Pour mener à bien ce travail peu reluisant, les meilleurs alliés que les staliniens pouvaient trouver étaient…les vermines de l’ancien régime, convertis en « communistes » pour l’occasion. En Roumanie, le vice-Premier ministre du gouvernement nouvellement formé, un certain Tatarescu, avait par exemple dirigé en 1911 la répression contre un soulèvement dans les campagnes qui avait causé la mort de 11.000 paysans. En Bulgarie, le premier ministre, le Colonel Georgiev, et le ministre de la guerre, le Colonel Velchev, avaient tous deux été membres de la Ligue Militaire, une organisation fasciste sponsorisée par Mussolini. En Hongrie enfin, en décembre 1944, un gouvernement de « libération » fut formé ; son premier ministre était Bela Miklos, à savoir le tout premier Hongrois à avoir reçu personnellement des mains d’Hitler la plus grande décoration de l’ordre nazi !

    La population hongroise avait connu la défaite d’une première révolution en 1919. Ensuite elle dût subir les conséquences de cette défaite par l’instauration du régime fasciste de l’Amiral Horthy. Celui-ci liquida avec zèle les syndicats, tortura et massacra les communistes et les socialistes par milliers. Pendant la guerre, le pays fut occupé par les troupes nazies, accompagnées d’une nouvelle vague de terreur. Compte tenu de ces antécédents, il est clair que pour la population hongroise, le fait de constater qu’un régime qui portait sur son drapeau les acquis de la révolution russe d’octobre 1917 reconstruise l’appareil d’Etat avec les pires crapules de l’ancien régime n’en était que plus insupportable.

    Après la guerre, la Hongrie, comme tous les pays tombés sous l’égide de l’Armée Rouge, s’intégra au modèle économique russe et nationalisa son économie. A la fin de 1949, le processus de nationalisation de tous les principaux secteurs de l’économie hongroise était achevé. Bien évidemment, cela ne se faisait pas à l’initiative ni sous le contrôle des masses ouvrières : dès le début, celles-ci furent placés sous le joug d’une bureaucratie parasitaire calquée sur le modèle de l’URSS, qui disposait en outre d’une des polices secrètes les plus brutales de tout le bloc de l’Est, et s’accaparait, de par ses positions politiques, des privilèges exorbitants : en 1956, le salaire moyen d’un travailleur hongrois était de 1.000 forints par mois. Celui d’un membre de base de l’A.V.O. (=la police politique) était de 3.000 forints, tandis que le salaire d’un officier ou d’un bureaucrate de haut rang pouvait varier entre 9.000 et 16.000 forints par mois.

    Sur papier, beaucoup de travailleurs hongrois restaient encore membres du Parti Communiste. Cependant, cela était davantage lié au climat de terreur régnant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti, plutôt qu’à des considérations politiques. Pour preuve, en octobre 1948, l’éditeur principal du « Szabad Nep » -le journal officiel du parti- se plaignait lui-même du fait que seuls 12% des membres du parti lisait le journal. Autre chiffre particulièrement révélateur de la répression politique qui sévissait en Hongrie à cette époque : entre 1948 et 1950, le PC hongrois expulsa de ses rangs pas moins de 483.000 membres !

    2) La rupture

    Le bureaucratisme stalinien constituait un système de gouvernement et de direction économique de moins en moins adapté aux nécessités de son temps, et de plus en plus en contradiction avec la situation réelle, tant en URSS que dans les pays dits « satellitaires » d’Europe de l’Est. L’annonce de la mort de Staline par le Kremlin en mars 1953 fut perçue comme un signal par les populations ouvrières du bloc de l’Est et ouvrit une période de résistance dans ces pays contre les méthodes de terreur et de despotisme qui devenaient chaque jour plus intolérables. En juin de la même année, les travailleurs de Plzen, un des principaux centres industriels de Tchécoslovaquie, démarrèrent spontanément une manifestation de masse demandant une plus grande participation de leur part aux décisions dans les usines et sur les lieux de travail, la démission du gouvernement ainsi que la tenue d’élections libres. Deux semaines plus tard, le 17 juin 1953, les travailleurs de Berlin-Est se rebellaient à leur tour par des manifestations et des grèves, mouvement qui culminera dans une grève générale se répandant comme une traînée de poudre dans toute l’Allemagne de l’Est. Il sera réprimé sans ménagement par les troupes russes, au prix de 270 morts.

    Les dirigeants de l’URSS comme des pays « satellitaires » commençaient à s’inquiéter. Il fallait trouver les moyens de calmer les esprits, les voix de plus en plus nombreuses qui s’élevaient contre le régime d’oppression politique imposé à la population. Effrayée par la possibilité d’explosions plus importantes encore, la bureaucratie décida d’adopter un « cours nouveau » : une certaine relaxation politique consistant en réformes et concessions venues d’en-haut (=initiées par la bureaucratie elle-même) afin d’éviter une révolution d’en-bas (=une révolution politique initiée par la classe ouvrière). Ainsi, en Hongrie, les tribunaux de police spéciaux furent abolis, beaucoup de prisonniers politiques furent libérés, il fut permis de critiquer plus ouvertement la politique du gouvernement. Sur le plan économique, on accorda plus d’importance à la production de biens de consommation et moins à l’industrie lourde. Dans les campagnes, on mit un frein aux méthodes de collectivisation forcée. Cependant, cela ne fit qu’ouvrir l’appétit aux travailleurs et aux paysans ; car ce que ceux-ci désiraient en définitive, c’était chasser pour de bon la clique dirigeante du pouvoir.

    Historiquement, l’année 1956 fut incontestablement une année cruciale dans la crise du stalinisme. Car si 1956 fut l’année de la révolution hongroise, cette dernière n’était elle-même qu’une composante d’une crise générale traversée par les régimes staliniens. La révolution de 1956 marquait un point tournant : elle indiquait la fin d’une époque et le début d’une ère nouvelle. Précurseur d’autres mouvements contre la bureaucratie stalinienne, tels que le Printemps de Prague de 1968, elle était la première véritable révolution dirigée contre ceux-là même qui continuaient à se proclamer les héritiers de la révolution russe de 1917. Or, comme Trotsky l’avait expliqué déjà 20ans auparavant, ceux qui se trouvaient au Kremlin n’étaient plus les héritiers de la révolution, mais bien ses fossoyeurs.

    Déjà, en février 1956, au 20ème congrès du PC russe, et trois ans après la mort de Staline, Nikita Kroutchev, premier secrétaire du parti, avait lancé une véritable bombe politique dans le mouvement communiste mondial en exposant son fameux « rapport secret », qui détruisait le mythe du « Petit Père des Peuples » et dévoilait publiquement la terreur de masse, les crimes abominables et la répression politique menée méthodiquement par le régime de Staline pendant des années. Auparavant, ne pas avoir la photo de Staline chez soi était considéré comme un acte de défiance au régime. A présent, on transformait en diable celui qui avait été mystifié des années durant comme un dieu vivant ! Les raisons de ce revirement peuvent en être trouvées dans cet extrait d’un article de la « Pravda » -organe de presse du PC russe- : « Le culte de la personnalité est un abcès superficiel sur l’organe parfaitement sain du parti. » Il s’agissait de donner l’illusion que maintenant que le « Petit Père des Peuples » avait trépassé, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

    Mais les travailleurs n’étaient pas dupes. En outre, il est difficile de continuer à pratiquer une religion à partir du moment où l’on a détruit son dieu. Car si Kroutchev et ses supporters tendaient à rompre avec les aspects les plus tyranniques du stalinisme, ils étaient bien incapables, de par leur propre position, à s’attaquer à la racine même de cette tyrannie : c’est pourquoi Kroutchev se verra obligé d’écraser dans le sang la révolution hongroise en utilisant les mêmes méthodes que celles qu’il avait dénoncées quelques mois plus tôt.

    3) L’explosion

    De juin à octobre 1956, un mouvement important des travailleurs polonais oblige la bureaucratie polonaise à faire d’importantes concessions. Des postes dans le parti sont attribués à des anti-staliniens et fin octobre, le poste de 1er secrétaire du parti est attribué à Gomulka, un vieux communiste relativement populaire qui avait été jeté en prison par Staline. Si Gomulka restait un homme de l’appareil, sa nomination à la tête du parti était malgré tout perçue comme une victoire importante. Un responsable haut-placé du régime commente ces événements en affirmant qu’ « il faut voir ces incidents comme un signal alarmant marquant un point de rupture sérieux entre le parti et de larges couches de la classe ouvrière. » Toutefois, en Pologne, la bureaucratie sera capable de maintenir le mouvement sous contrôle. Mais en Hongrie …

    En Hongrie, depuis quelques mois, l’agitation s’était accentuée, essentiellement parmi les intellectuels et dans la jeunesse, autour du cercle « Petöfi », formé fin ‘55 par l’organisation officielle des jeunesses communistes (DISZ). Celle-ci prend des positions de plus en plus virulentes par rapport au régime : « Il est temps d’en finir avec cet Etat de gendarmes et de bureaucrates » est le type de déclarations que l’on peut lire dans leurs publications. La « déstalinisation » leur permet à présent d’exprimer au grand jour ce qu’ils pensaient depuis longtemps tout bas.

    A partir de septembre et de début octobre, les travailleurs commencent à leur tour à s’activer. En octobre, lorsque les travailleurs et les jeunes apprennent la nouvelle de ce qui s’est passé en Pologne, il se sentent pousser des ailes. Le 21 octobre, les étudiants de l’Université Polytechnique de Budapest tiennent une assemblée, où ils réclament la liberté de la presse, de parole, d’opinion, la suppression du régime du parti unique, l’abolition de la peine de mort, l’abolition des cours obligatoires de « marxisme ». Ils menacent d’appuyer leur programme par des manifestations de rue s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Le 22 octobre, le cercle Petöfi lance pour le lendemain le mot d’ordre d’une grande manifestation publique en solidarité avec leurs frères polonais.

    L’interdiction initiale de la manifestation, plusieurs fois répétée à la radio, puis la décision soudaine de l’autoriser, produisent un effet de choc. La population tout entière a pu constater les hésitations des dirigeants, et elle voit la décision finale des autorités comme une capitulation devant la force potentielle du mouvement. La manifestation est un succès, rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes. En tête, des jeunes portent d’immenses portraits de Lénine. On peut lire des slogans tels que « nous ne nous arrêterons pas en chemin : liquidons le stalinisme », « indépendance et liberté » etc. Vers 18h, les bureaux et les usines se vident, et les ouvriers et employés qui sortent du boulot rejoignent les étudiants. Le mouvement gagne en ampleur, les transports publics s’arrêtent de fonctionner ; on dénombre bientôt plus de 300.000 manifestants dans les rues de Budapest.

    Un groupe de plusieurs centaines de personnes issues de la foule décident de se rendre à la Place où se dresse une statue géante en bronze de Staline et la déboulonnent. Une délégation de 16 personnes se rend à l’immeuble où est localisé le centre de radio de Budapest, afin de tenter de diffuser leur appel sur les ondes. Comme la délégation tarde à sortir de l’immeuble, la foule s’impatiente. C’est dans la confusion générale qu’éclatent les premiers coups de feu dans la foule, tirés par des membres de l’A.V.O. Il y a trois morts. Ensuite, les premiers tanks et camions arrivent en renfort. Cette échauffourée met le feu aux poudres : la révolution hongroise a commencé.

    4) La force des travailleurs en action

    Les travailleurs commencent à s’armer pour riposter : certains s’emparent d’armes dans les armureries, d’autres se rendent vers les casernes. Comme à Barcelone en 1936, certains soldats leur ouvrent les portes, leur lancent des fusils et des mitraillettes par les fenêtres, ou amènent carrément dans la rue des camions chargés d’armes et de munitions et les distribuent à la population. Beaucoup rejoignent les rangs des manifestants. Dès le 24 au soir, il n’y aura pratiquement plus aucune unité de l’armée hongroise qui obéisse au gouvernement. Seule la police politique combat les insurgés. Des barricades commencent à se dresser ; dans certains quartiers de Budapest, même des enfants apportent leurs jouets pour aider à la construction des barricades.

    Les batailles de rue durent toute la nuit. A une heure du matin déjà, la plupart des grosses artères de la ville sont occupés par des travailleurs armés. Vers 8h du matin, le gouvernement hongrois annonce qu’il a fait appel à l’aide militaire russe pour écraser ce qu’il appelle « des petites bandes de contre-révolutionnaires armés qui pillent la ville. » Les bureaucrates du Kremlin et leurs agents de l’appareil hongrois sont décidés à conserver à tout prix le contrôle de la situation, quitte à noyer dans le sang la révolution naissante. Cette décision ne fait que renforcer la détermination des révolutionnaires et radicalise encore davantage le mouvement. Le premier conseil de travailleurs et d’étudiants est formé à Budapest.

    Les chars russes commencent à entrer dans la ville dans la matinée du 24 octobre. Au début, certains soldats russes envoyés pour écraser l’insurrection ne savent même pas qu’ils sont en Hongrie : on leur a raconté qu’ils ont été envoyés à Berlin pour « combattre des fascistes allemands appuyés par des troupes occidentales. »

    Les combats de rue se prolongent pendant plusieurs jours. Rapidement, les quartiers prolétariens deviennent les bastions de l’insurrection. Un correspondant de « The Observer » explique: « Ce sont les étudiants qui ont commencé l’insurrection, mais, quand elle s’est développée, ils n’avaient ni le nombre ni la capacité de se battre aussi durement que les jeunes ouvriers. ».

    Dès l’annonce de l’envoi de troupes russes, la grève générale insurrectionnelle est déclarée ; elle se répand rapidement dans tout le pays. Elle se traduit immédiatement par la constitution de centaines de comités et conseils ouvriers qui s’arrogent le pouvoir. Avant le 1er novembre, dans tout le pays, dans toutes les localités, se sont constitués, par les travailleurs et dans le feu de la grève générale, ces conseils qui assurent le maintien de l’ordre, la lutte contre les troupes russes et contre celles de l’A.V.O. par des milices d’ouvriers et d’étudiants armés ; ils dissolvent les organismes du PC, épurent les administrations qu’ils ont soumises à leur autorité, assurent le ravitaillement de la capitale en lutte.

    Un journal aussi réactionnaire que « La Libre Belgique » publiait le lundi 23 octobre l’interview d’un certain Nicolas Bardos, docteur en sciences-économiques, qui a fui la Hongrie en 1956. Celui-ci relate : « A la sortie d’une pause de nuit, je suis tombé dans la rue sur une manifestation où ouvriers et employés étaient accompagnés d’étudiants derrière un drapeau troué. Deux jours plus tard, je me suis rendu compte de la décomposition de l’Etat. Tout s’est arrêté et réorganisé très vite. Des conseils ouvriers se sont mis en place… ». Ces conseils renouent spontanément avec les formes d’organisation caractéristiques de la démocratie ouvrière : ils sont élus par la base, avec des délégués révocables à tout moment et responsables devant leurs mandats. Leurs revendications politiques diffèrent, mais tous comprennent : l’abolition de l’A.V.O., le retrait des troupes russes, la liberté d’expression pour tous les partis politiques, l’indépendance des syndicats, l’amnistie générale pour les insurgés emprisonnés, mais aussi et surtout la gestion par les travailleurs eux-mêmes des entreprises et des usines.

    Ce dernier point apporte un démenti flagrant à la version prétendant que cette révolution était dirigée contre le « communisme » en général. Le 2 novembre 1956, un article paraît dans « Le Figaro » affirmant ceci : « Les militants hongrois sont soucieux de restaurer une démocratie à l’occidentale, respectueuse des lois du capitalisme. » Cette affirmation est pourtant contredite par les militants révolutionnaires eux-mêmes. La fédération de la jeunesse proclame fièrement : « Nous ne rendrons pas la terre aux gros propriétaires fonciers ni les usines aux capitalistes » ! Dans le même registre, le Conseil Ouvrier Central de Budapest déclare : « Nous défendrons nos usines et nos terres contre la restauration capitaliste et féodale, et ce jusqu’à la mort s’il le faut. » Certes, dans l’atmosphère générale, des réactionnaires ont pu s’infiltrer et pointer le bout de leur nez. Pas plus. Un seul journal réactionnaire a paru. Il n’a publié qu’un seul numéro, car les ouvriers ont refusé de l’imprimer dès le lendemain. Cela n’a pas empêché les journaux bourgeois en Occident de parler de « floraison de journaux anti-communistes ».

    5) Les chars russes

    Au fur et à mesure que les soldats russes restent sur place, ils comprennent de mieux en mieux pourquoi on les a envoyés : ils n’ont pas vu de troupes occidentales, ils n’ont pas vu de fascistes ni de contre-révolutionnaires ; ils ont surtout vu tout un peuple dressé, ouvriers, étudiants, soldats. Certains soldats russes doivent être désarmés et renvoyés vers la Russie, du fait qu’ils refusent d’appliquer les ordres. D’autres fraternisent avec les révolutionnaires et rejoignent carrément le camp des insurgés. Dès le second jour de l’insurrection, un correspondant anglais signale que certains équipages de tanks ont arraché de leur drapeau l’emblème soviétique et qu’ils se battent aux côtés des révolutionnaires hongrois « sous le drapeau rouge du communisme ».

    L’utilisation de l’armée russe à des fins répressives devient de plus en plus difficile. Après un premier repli stratégique pour s’assurer des troupes plus fraîches et plus sûres, le 4 novembre, le Kremlin lance une seconde intervention, armée de 150.000 hommes et de 6.000 tanks pour en finir avec la révolution. Une bonne partie des nouvelles troupes viennent d’Asie soviétique, dans l’espoir que la barrière linguistique puisse empêcher la fraternisation des soldats avec les révolutionnaires hongrois.

    Pendant quatre jours, Budapest est sous le feu des bombardements. Le bilan de la deuxième intervention soviétique à Budapest est lourd : entre 25.000 et 50.000 morts hongrois, et 720 morts du côté des soldats russes. La répression par les troupes de l’A.V.O., qui « nettoient » les rues après le passage des tanks, est extrêmement féroce : des révolutionnaires attrapés dans les combats de rue sont parfois pendus par groupes sur les ponts du Danube ; des pancartes sont accrochées sur leurs cadavres expliquant : « Voilà comment nous traitons les contre-révolutionnaires ». Tout cela se fait bien entendu dans l’indifférence totale des soi-disant « démocraties » occidentales. Le secrétaire d’Etat des USA affirme dans un speech à Washington : « D’un point de vue de la loi internationale sur la violation des traités, je ne pense pas que nous puissions dire que cette intervention est illégale ». Ce positionnement de l’impérialisme américain permet d’apprécier à sa juste valeur l’ «hommage » rendu aux insurgés de ’56 par George W.Bush lors de sa visite en Hongrie en juillet dernier !

    Les combats durent pendant huit jours dans tout le pays. Si l’intervention des chars russes leur a assénés un sérieux coup, les travailleurs ne sont pourtant pas encore complètement battus. Une semaine après le déclenchement de la seconde intervention russe, la majorité des conseils ouvriers sont encore debout. Une nouvelle grève générale, assez bien suivie, aura même encore lieu les 11 et 12 décembre ! Pourtant, le répit obtenue par la réaction à travers cette deuxième intervention militaire–nettement plus efficace que la première-, combinée au manque d’un parti ouvrier révolutionnaire avec une stratégie claire visant à destituer la bureaucratie de ses fonctions, permet à la terreur contre-révolutionnaire de déclencher une offensive sans précédent. Le 20 novembre, les derniers foyers de résistance commencent à s’éteindre. Début décembre, le gouvernement lance la police contre les dirigeants des conseils ouvriers ; plus d’une centaine d’entre eux sont arrêtés dans la nuit du 6 décembre. Sous les coups de la répression, les conseils ouvriers nés de la révolution disparaissent les uns après les autres. La révolution hongroise recule.

    Le 26 décembre 1956, la force des conseils ouvriers hante encore la bureaucratie. Un ministre hongrois, un certain Gyorgy Marosan, déclare que « si nécessaire, le gouvernement exécutera 10.000 personnes pour prouver que c’est lui le vrai gouvernement, et non plus les conseils ouvriers. »

    Le 5 janvier 1957, en visite à Budapest, Kroutchev, rassuré, affirme qu’ « en Hongrie, tout est maintenant rentré dans l’ordre. »

    Le 13 janvier de la même année, la radio diffuse une annonce officielle déclarant qu’ « en raison de la persistance d’activités contre –révolutionnaires dans l’industrie, les Tribunaux ont désormais le pouvoir d’imposer la peine de mort à quiconque perpétuera la moindre action contre le gouvernement. » Cela implique le simple fait de prononcer le mot « grève » ou de distribuer un tract.

    6) Conclusion

    La version que la bourgeoisie présente de ces événements est sans ambiguïté : le peuple hongrois a démontré sa haine du communisme et sa volonté de revenir au bon vieux paradis capitaliste. Pour des raisons quelque peu différentes, la version des staliniens s’en rapproche étrangement : les révolutionnaires sont sans vergogne qualifiés par la bureaucratie de « contre-révolutionnaires », de « fascistes », d’ « agents de la Gestapo ». Dans un cas comme dans l’autre, les insurgés sont présentés comme des éléments pro-capitalistes. Or il n’en est rien : tout le développement de la révolution hongroise dément une telle analyse.

    En 1956, le programme qu’exprimaient des millions de travailleurs de Hongrie à travers les résolutions de leurs conseils et comités, reprenait dans les grandes lignes le programme tracé vingt ans plus tôt dans « La révolution trahie » par Trotsky, où celui-ci prônait pour la Russie une révolution politique contre la caste bureaucratique au pouvoir, comme seule issue afin d’empêcher un retour au capitalisme qui renverrait l’Etat ouvrier des décennies en arrière.

    Trotsky disait : « L’économie planifiée a besoin de démocratie comme l’homme a besoin d’oxygène pour respirer ». Les travailleurs ne refusaient pas la production socialisée ; ce qu’ils refusaient, c’était que cette dernière se fasse au-dessus de leurs têtes. Ils se battaient pour le véritable socialisme, c’est-à-dire un socialisme démocratique. C’est pour cette raison que la victoire des conseils ouvriers était apparue comme un péril mortel à la bureaucratie de l’URSS. De plus, son exemple était un danger direct pour toute la hiérarchie de bureaucrates de que l’on appelait hypocritement les « démocraties populaires ». Mao, Tito, et tous les autres, sans exception, supportèrent sans hésiter la ligne suivie par Moscou. Le Parti Communiste Chinois alla même jusqu’à reprocher aux Russes de ne pas avoir réagi assez vigoureusement pour écraser la révolution hongroise. Dans les pays occidentaux, les PC estimaient que l’intervention soviétique était inévitable et nécessaire si l’on voulait « sauver le socialisme » : il leur en coûtera des dizaines de milliers de membres, le PC anglais perdant plus du quart de ses effectifs.

    Malheureusement, les travailleurs hongrois se sont lancés dans la révolution sans disposer d’une direction révolutionnaire permettant de faire aboutir le mouvement jusqu’à sa conclusion : là était le gage d’une possible victoire. Il est regrettable que certains commentateurs de gauche tirent des conclusions complètement opposées. C’est le cas de Thomas Feixa, journaliste au « Monde Diplomatique », qui écrit : « La grève générale et la création de conseils autonomes opérant sur la base d’une démocratie directe bat en brèche la formule du parti révolutionnaire défendue par Lénine et Trotsky, celle d’une organisation autoritaire et centralisatrice qui réserve les décisions à une élite savante et restreinte. » La contradiction qui est ici posée entre les conseils ouvriers d’un côté, et le parti révolutionnaire de l’autre, n’a pas de sens. Les conseils ouvriers existaient également en Russie : les soviets, qui permettaient précisément que les décisions ne soient pas « réservées à une élite savante et restreinte », mais impliquaient au contraire la masse de la population dans les prises de décision. Que les soviets aient finalement perdu leur substance et furent sapés par la montée d’une bureaucratie totalitaire qui a fini par gangréner tous les rouages de l’appareil d’Etat, c’est une autre histoire que nous n’avons pas l’espace d’aborder ici. Mais une chose est certaine : la victoire des soviets russes a été permise parce qu’ils disposaient d’une direction révolutionnaire à leur tête, représentée par le Parti Bolchévik. Si l’héroïsme des travailleurs hongrois avait pu être complété par l’existence d’un parti tel celui des Bolchéviks en 1917, le dénouement de la révolution hongroise aurait été tout autre, et la face du monde en aurait peut-être été changée.

    Andy Anderson, auteur anglais d’un livre appelé « Hungary ‘56 », explique quant à lui : « Les travailleurs hongrois ont instinctivement, spontanément, créé leurs propres organes, embryon de la société qu’ils voulaient, et n’ont pas eu besoin d’une quelconque forme organisationnelle distincte pour les diriger ; c’était ça leur force. » Encore une fois, ce qui constituait la faiblesse principale du mouvement –sa spontanéité- est ici transformée en son contraire, et présentée comme sa force principale. Il est d’ailleurs assez révélateur de constater qu’aucun de ces deux auteurs n’aborde la question de savoir pourquoi la révolution hongroise a échoué. Elle a échoué car il manquait aux travailleurs hongrois la direction capable de coordonner leur action, de construire un soutien solide dans les populations ouvrières des autres pays de l’Est par une stratégie consciente visant à étendre la révolution à l’extérieur et ainsi desserrer l’étau qui pesait sur les révolutionnaires hongrois, de déjouer les pièges de la bureaucratie et, surtout, de balayer définitivement celle-ci du pouvoir. C’est bien à cause de cela que les conseils ouvriers sont restés en Hongrie à l’état d’ « embryons de la nouvelle société » et ne sont jamais devenus des organes de pouvoir effectifs.

    Sources :

    • « La révolution hongroise des conseils ouvriers », Pierre Broué.
    • « Hungary ‘56 », Andy Anderson
    • « Le Monde Diplomatique » (octobre 2006)
    • « La Libre Belgique » (23 et 24 octobre 2006)
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