Tag: Parlement britannique

  • Retour sur la crise de Suez de 1956

    Le 5 novembre 1956, les paras britanniques et français descendent sur Port Saïd, en Égypte, afin de prendre contrôle de l’accès au canal de Suez. Deux mois plutôt, devant une foule enthousiaste, le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait déclaré : ‘‘nous défendrons notre liberté. J’annonce la nationalisation du canal de Suez.’’ Au vu des récents évènements révolutionnaires en Egypte, il est bien entendu utile de revenir sur la crise de Suez et sur le Nassérisme.

    Dossier de Dave Carr

    La Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis avaient refusé d’accorder à l’Égypte un emprunt pour la construction du barrage d’Assouan, un projet qui avait pour objectif de rendre l’eau disponible toute l’année, d’étendre les surfaces irriguées, d’améliorer la navigation sur le fleuve et de produire de l’électricité. Nasser a répliqué qu’il prendrait les 100 millions de dollars de revenus du canal de Suez afin de financer le projet.

    Cette nationalisation a, bien entendu, glacé le sang de l’impérialisme britannique et français. Nasser avait maintenant le contrôle d’un passage stratégique par où défilaient les stocks de pétrole arabe vers l’occident. De plus, il commençait à obtenir de plus en plus de soutien de la part des ouvriers et paysans pauvres dans toute la région. Ces mouvements menaçaient directement les régimes fantoches de différents du Moyen-Orient.

    Après 1945, les ouvriers et paysans du monde colonial étaient entrés dans un nouveau stade de leur lutte anti-impérialiste et pour la libération nationale et sociale. Les jours de la domination directe des vieilles puissances coloniales étaient désormais comptés.

    Le Premier ministre britannique Anthony Eden avait été encouragé par son gouvernement conservateur pour tenter de remettre le royaume britannique plus fortement en avant sur la scène internationale. Malgré le déclin économique et politique grandissant de l’impérialisme britannique consécutif à la seconde guerre mondiale, Eden pensait que la Grande-Bretagne pouvait jouer un rôle de premier plan dans le cours des grands évènements mondiaux. La classe dirigeante française pensait elle aussi qu’il était possible de redorer le blason de la gloire coloniale du pays. Mais l’approche brutale de l’impérialisme français au cours des guerres coloniales avait conduit à la défaite de la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, déjà entamée, allait elle-aussi bientôt se solder par une cuisante défaite conduisant au retrait du pays.

    Réaction occidentale

    ‘‘Nous bâtirons ce barrage avec les crânes des 120.000 ouvriers égyptiens qui ont donné leur vie pour la construction du canal’’. Cette déclaration de Nasser avait constitué, pour les ouvriers et les chômeurs des bidonvilles du Caire et d’Alexandrie ainsi que pour la population de la région entière, une attraction énorme.

    La réaction de l’occident était prévisible. Tant au Parlement britannique qu’au Parlement français, Nasser a été comparé à Mussolini et Hitler. En Grande –Bretagne, les médias bourgeois et les parlementaires conservateurs n’avaient de cesse de parler de ‘‘Nasser-Hitler’’, tandis que les parlementaires travaillistes ou libéraux demandaient eux-aussi des mesures contre l’Égypte. Le Premier Ministre Eden ne le désirait que trop, et les avoirs du canal de Suez ont été immédiatement gelé dans les banques britanniques. Il s’agissait de presque deux tiers des revenus du canal.

    Le dirigeant du Parti Travailliste Hugh Gaitskell a soutenu le gouvernement conservateur auprès des Nations Unies, et a même déclaré qu’une intervention armée n’était pas à exclure contre Nasser. Le Premier Ministre français Guy Mollet promettait lui aussi une sévère riposte.

    Le gouvernement britannique a tout d’abord voulu montrer qu’il désirait résoudre la crise de façon diplomatique. Une conférence de 24 pays maritimes a été convoquée à Londres afin de discuter de la ‘‘menace contre la libre navigation internationale’’. Pendant ce temps, l’armée appelait les réservistes, et une grande force navale a commencé à se rassembler.

    En réponse, Nasser a lancé un appel pour une grève internationale de solidarité à l’occasion du début de la conférence. Le 16 août, des grèves massives ont donc eu lieu en Libye, en Égypte, en Syrie, en Jordanie et au Liban, ainsi que de plus petites actions de solidarité au Soudan, en Irak, en Tunisie et au Maroc. Partout, les ambassades britanniques et françaises étaient assaillies par des manifestants.

    La conspiration

    Le président américain Eisenhower, en pleine campagne électorale, a refusé de soutenir toute intervention militaire franco-britannique. L’impérialisme américain était en fait engagé dans un bras de fer avec les impérialismes français et britanniques pour gagner de l’influence dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    Le prétexte servant à intervenir en Égypte a été une intervention israélienne armée dans le Sinaï, négociée au préalable avec les gouvernements français et britanniques. Les troupes britanniques et françaises sont ensuite venues s’interposer entre les troupes israéliennes et égyptiennes pour ‘‘protéger’’ le canal de Suez.

    Les représentants des gouvernements israéliens, français et britanniques s’étaient réunis secrètement le 24 octobre dans le voisinage de Paris, à Sèvres, et un pacte avait été conclu lors de cette réunion. Le Ministre des Affaires étrangères britannique, Anthony Nutting, a plus tard ouvertement expliqué que l’intervention britannique faisait partie d’une ‘‘conspiration commune avec les Français et les Israélien’’. Les Protocoles de Sèvres stipulaient que ‘‘L’État hébreu attaquera l’Égypte le 29 octobre 1956 dans la soirée et foncera vers le canal de Suez. Profitant de cette agression ‘surprise’, Londres et Paris lanceront le lendemain un ultimatum aux deux belligérants pour qu’ils se retirent de la zone du canal. Si l’Égypte ne se plie pas aux injonctions, les troupes franco-britanniques entreront en action le 31 octobre.’’

    Israël a utilisé le prétexte d’attaques transfrontalières de Palestiniens et du fait que le port d’Eilat avait été fermé par Egyptiens, et sont donc passé à l’offensive le 29 octobre. Le lendemain, comme convenu, les Français et les Britanniques lançaient un ultimatum commun pour imposé aux deux pays de se retirer à une quinzaine de kilomètres du canal.

    L’Égypte a bien entendu refusé cet ultimatum hypocrite. Les troupes britanniques et françaises sont donc intervenues. Les aéroports égyptiens ont été attaqués et, le 5 novembre, la zone de canal a été envahie. 1.000 Egyptiens, principalement des civils, sont décédés lors de l’invasion de Port Saïd.

    La défaite

    Le mouvement ouvrier s’est mobilisé contre cette intervention et, à Londres, une grande manifestation s’est tenue à Trafalgar Square. Lorsque les manifestants sont parvenus aux environs de Downing Street, où réside le Premier Ministre, des confrontations avec la police ont eu lieu.

    Au même moment, une révolte ouvrière éclatait en Hongrie, contre la dictature stalinienne, et cette révolte a été écrasée par les tanks soviétiques. Le même jour, l’Égypte était envahie.

    Les conséquences internationales ont été extrêmes. Les plupart des pays arabes ont rompu leurs relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne et la France. Le pipeline britannique de Syrie a été saboté et l’Arabie Saoudite a bloqué les exportations pétrolières destinées à la Grande-Bretagne tandis que les USA exigeaient un retrait d’Égypte. L’Union Soviétique menaçait elle aussi de représailles.

    La faiblesse économique et politique de l’impérialisme britannique a été révélé au grand jour à la lumière de ces évènements. Le canal de Suez a été bloqué, des navires coulés. Très vite, l’essence a dû être rationnée en Grande Bretagne. De leur côté, les Etats-Unis ont refusé d’accorder un emprunt au pays, et ont empêché le gouvernement britannique d’en avoir un de la part du FMI. La Livre britannique a chuté, et ses réserves de monnaie étrangères ont rapidement été épuisées.

    Après six semaines, les troupes britanniques et françaises ont dû quitter l’Egypte, en pleine déroute, de même que les troupes israéliennes. Nasser est apparu comme le grand vainqueur qui avait humilié l’impérialisme. En Grande Bretagne, le Premier Ministre Eden a été brisé politiquement et moralement, et a dû démissionner.

    Après la crise de Suez, le processus révolutionnaire dans la région a connu un nouveau dynamisme.

    Qu’est ce que le nassérisme?

    Nasser est parvenu au pouvoir après un coup d’Etat militaire contre le monarque corrompu Farouk, renversé en 1952. Le Roi Farouk était une marionnette de l’occident, et plus particulièrement de l’impérialisme britannique.

    A ce moment, 6% de la population du pays détenait 65% des terres cultivables tandis que 72% de la population devait se contenter de seulement 13% de la terre. Il y avait des millions de paysans sans terre ou de chômeurs, obligés de vivre dans les bidonvilles du Caire et d’Alexandrie. Les occupations de terres et les grèves s sont développées, mais aucune formation politique des travailleurs n’était en mesure de conduire les ouvriers et les paysans dans la lutte pour le pouvoir. Le colonel Nasser a profité de ce vide politique.

    Ce dernier a opéré diverses réformes, tout en laissant le capitalisme intact. Il recourait à une rhétorique socialiste afin d’obtenir le soutien des ouvriers, mais n’a en même temps pas hésité à arrêter et à faire fusiller des dirigeants de grève. Il désirait recevoir l’appui des puissances occidentales, mais s’est finalement appuyé sur la bureaucratie soviétique en contrepoids contre l’impérialisme. Cet exercice d’équilibre dans son propre pays et face aux pouvoirs étrangers a assuré qu’il devienne un dictateur avec des caractéristiques de type bonapartiste.

  • Ecole d’été du CIO – Europe: Développement de la crise économique, sociale et politique

    Cette crise est la plus sévère depuis des décennies et la nouvelle génération qui participe maintenant aux luttes arrive au moment des mobilisations de masse en Tunisie, en Égypte, en Espagne, en Grèce,… Cette nouvelle génération peut aujourd’hui écrire l’histoire. Aucun pays d’Europe n’est pas affecté par ces évènements.

    Résumé de l’introduction à la discussion de Peter Taaffe

    La période que nous connaissons est faite de changements abrupts. Dans tâches qui, avant, se concevaient sur quelques années se produisent maintenant en quelques semaines, voire en quelques jours.

    Aujourd’hui, la Grande-Bretagne n’est pas le pays le plus avancé sur le terrain de la lutte des classes, mais ce qui se produit avec Rupert Murdoch intéresse les masses, et la situation est certainement plus profonde qu’au moment du Watergate aux USA à la fin des années ’60. Ce scandale touche le plus grand géant des médias au monde, et éclabousse le monde politique, il met à nu la conspiration capitaliste qui uni les médias, les politiciens et les grands patrons. Cela a bien entendu toujours existé mais, là, ce fait est démontré au grand jour, aux yeux de tous les britanniques et ailleurs. Cela peut entraîner la chute de l’empire Murdoch, mais aussi celui du gouvernement Cameron. Murdoch n’a même pas de considération pour son propre système. Il a dit au Parlement britannique que son modèle est celui de Singapour, un pays où la répression envers le mouvement ouvrier est très grande, et le salaire d’un parlementaire de un million de livres par an. C’est une véritable provocation. Murdoch a aussi été impliqué dans la surveillance de nos camarades à l’époque de la lutte contre la Poll Tax en Grande Bretagne, ainsi que dans la campagne contre le militant de gauche radicale écossais Tommy Sheridan.

    Le point le plus important de cette discussion, c’est la crise économique. Les bourgeois craignent énormément la généralisation de la situation de la Grèce, de l’Espagne,… à tous les pays d’Europe. Ces évènements valident une fois de plus la théorie de la Révolution Permanente du révolutionnaire russe Léon Trotsky. Nous avons vu les événements passer très vite d’un pays à l’autre. Nous aborderons le Moyen Orient et l’Afrique du Nord dans une autre discussion, mais il est clair que cela a influencé et enthousiasmé les luttes à travers le globe. Et alors que certains affirmaient que la lutte de classe n’existait pas en Israël, nous assistons maintenant à des luttes et à des occupations de place en Israël également. (Depuis lors, quelque 150.000 employés municipaux israéliens ont été en grève, en solidarité avec la contestation contre l’explosion des prix des logements. Le pays vient de connaître les plus grosses mobilisations de son histoire, NDT).

    Il n’y a pas de voie de sortie aisée pour la crise des capitalistes, et des mouvements tel que celui des Indignés ne vont pas stopper maintenant. La politique de la bourgeoisie n’a jusqu’à présent pas marché du tout. Les injections de liquidités ont pu stabiliser la situation, sans créer les conditions pour un nouveau développement sain. Obama avait comparé cela au débat avec le new deal de Roosvelt, mais ses injections n’ont eu pour but que de sauver les institutions financières et bancaires, alors que le New Deal était composé d’un minimum d’investissements dans l’économie réelle (infrastructure,…). Là, les plans de sauvetage ont entraîné des plans de licenciements un peu partout, ce qui a amplifié les problèmes.

    Cette crise n’est pas cyclique, elle est systémique. C’est le système lui-même qui est en crise. Bien sûr, il n’y a pas de crise finale du capitalisme tant que la classe ouvrière ne prendra pas le pouvoir. Le capitalisme trouvera toujours un moyen de sortie sans cela, y compris vers un scénario ‘‘à la Mad Max’’, comme on peut le voir actuellement au Mexique avec la ‘‘guerre de la drogue’’.

    Ce qu’on voit aujourd’hui en Grèce avec la destruction des conditions de vie sans que la situation ne s’améliore doit servir de modèle pour la classe ouvrière des autres pays: le capitalisme n’a rien d’autre à nous offrir.

    Plusieurs données permettent de voir que nous sommes dans une situation pire que dans les années ’30. Certains économistes disent d’ailleurs que le modèle à prendre en compte aujourd’hui n’est pas la crise des années ’30, mais la grande dépression de la fin du XVIIIe siècle. Certains salaires ont été descendus jusqu’à 600 voir 500 euros par mois.

    Aujourd’hui, la Grèce illustre le mieux la crise et le potentiel pour la classe ouvrière. On dit qu’il y a une rémission depuis 2009 au niveau économique, le problème, c’est que personne ne l’a remarqué, et certainement pas la classe ouvrière ! Partout en Europe, cette dernière subit des attaques. La production industrielle a à peine augmenté de 0,4% en Grande Bretagne, de 0,2% en France, et elle décroit en Grèce ou en Espagne. L’Allemagne constitue une exception, elle a encore une bonne base industrielle, et en termes de machines et d’outils, la Chine est une bonne destination pour les exportations, mais la Chine peut s’enfoncer dans la crise. Il n’existe aucune source de stabilité. Le capitalisme mondial va très certainement expérimenter une nouvelle chute de l’économie. Après avoir un peu remonté, la chute sera dure, et c’est déjà ce qu’expérimentent plusieurs pays européens.

    La dette mondiale est de 2,6 fois le PIB mondial, soit deux fois plus qu’après la crise de 29. Au niveau de l’emploi, on est face à un chômage de masse de longue durée. Aux USA, le nombre de chômeurs actuels est bien plus important que dans les années ’30 (en pourcentage, officiellement 10%, plus probablement 20%). Dans certains pays, comme l’Espagne, le taux de chômage chez les jeunes atteint les 40%. Même en grande Bretagne, on estime qu’il y a 800.000 travailleurs qui n’ont pas travaillé depuis au moins un an. Dans les entreprises, c’est l’occasion d’une offensive pour les patrons. Une entreprise a ainsi licencié tous ses travailleurs, pour les réengager de suite avec de moins bonnes conditions de travail. Un hôpital où nous avons des camarades, en Angleterre, connaît des contrats ‘‘O heures’’, où c’est le patron qui décide du nombre d’heurs de travail.

    Les bourgeois n’ont qu’une réponse: augmenter l’austérité et planifier la pauvreté. Le phénomène de l’appauvrissement constant de la classe ouvrière de Marx se vérifie. Marx n’a jamais dit que c’était linéaire, il reconnaissait que c’était possible pour la classe ouvrière de voir ses conditions de vie s’améliorer avec une croissance économique, mais que la tendance générale était à l’appauvrissement.

    La tendance générale est à l’inflation, avec une tendance à la hausse des prix de l’alimentation et du pétrole, ce qui alimente la colère des masses. La situation de paquets de stimulants, de plans de relance, vont accélérer cela, et l’on risque de se retrouver dans une situation de stagflation, où la stagnation économique se conjugue à une grande inflation.

    La Grèce est actuellement le maillon le plus faible du capitalisme européen, mais c’est l’avant-garde du mouvement ouvrier en Europe. Il y a eu 11 grèves générales depuis le début de la crise, et la jeunesse s’implique massivement. Au Portugal, il y a eu une manifestation de plus de 200.000 personnes sous le slogan ‘‘ce pays n’est pas un pays pour les jeunes’’, ça aurait été mieux s’ils avaient parlé du système, bien sûr, mais c’est un pas en avant. Le mouvement des indignés est clairement inspiré par les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient. La Grèce connaît pas mal d’éléments d’une situation prérévolutionnaire. L’Espagne et le Portugal aussi, mais peut-être pas à ce point. Pour l’Irlande, qui est en dépression constante, cela est moins le cas. La conscience des masses n’est pas gravée dans les esprits, elle découle de la situation générale, et des sauts de conscience sont à prévoir.

    Dans ce contexte, les opportunités qui s’offrent aux révolutionnaires marxistes vont augmenter. Nos camarades, partout dans le monde, ont préservé un noyau, un parti international qui va pouvoir sérieusement démontrer ce dont il est capable dans la période à venir. L’Irlande est un exemple de ce que nous pouvons faire quand la situation s’ouvre, avec les initiatives que nous avons prises, notamment autour de l’ULA (United Left Alliance, liste de gauche que nous avons initiée, et qui a remporté cinq élus aux dernières élections, dont deux de nos camarades, NDT). Comparons cela au NPA en France, ou au Bloco au Portugal. Durant des années, nous avons été à contre courant, c’était difficile mais, maintenant, la situation s’ouvre. La Grande Bretagne n’est pas immunisée à ce processus. En février, 750.000 personnes ont défilé dans les rues de Londres, et la grève du secteur public en juin était la plus grande depuis 20 ans. Même en Chine, l’augmentation des révoltes de masse pose la question de la révolution, mais dans un sens général et pas encore directement, dans un contexte de répression gigantesque. En Grèce aussi, la répression est aussi énorme. La facture de gaz lacrymogènes doit au moins être aussi grande que la dette du pays!

    Trotsky décrivait les bourgeois comme des gens aveugles, s’avançant vers le précipice. On est dans cette situation aujourd’hui, la bourgeoisie ne sait pas quoi faire. Les partis traditionnels bourgeois sont en crise profonde, ce qui affecte aussi les dirigeants syndicaux. Aujourd’hui, du point de vue social, pas encore politique, les masses sont massivement à gauche des organisations de gauche. Quand les politiciens bourgeois parlent de la crise de l’idéologie, c’est la crise de leur idéologie, mais le problème est qu’il n’y a pas encore d’alternative. En Grèce, 80% des sondés d’une étude ont dit que la société va dans le mauvais sens, mais 47% disent qu’aucun parti ne les représente.

    Mais même dans le pays le plus calme d’Europe, la Norvège, l’extrême droite peut faire des choses, comme nous l’avons vu avec les attentats d’Oslo. Il en va de même pour Marine Le Pen, qui a même apporté son soutien à la jeune immigrée victime de l’agression de DSK. Elle a aussi attaqué les syndicats, qui ne défendent plus les travailleurs selon elle. Cela veut dire que l’extrême-droite doit avoir un fort contenu social pour être capable de capitaliser sur la situation, et c’est en soi une indication intéressante, qui illustre la nécessité de construire de nouveaux partis larges pour représenter la classe des travailleurs, tout en défendant fermement les idées du socialisme.

    Le rejet de la politique dans le mouvement des Indignés, c’est le rejet de la politique bourgeoise. Des groupes de gauche radicale se sont cachés pour intervenir dans le mouvement, et ont stoppé de se présenter comme des organisations politiques, une attitude opportuniste. Cette haine est profonde, mais aussi saine dans le sens où elle s’exprime contre les politiciens, y compris des anciens partis de gauche, et contre les dirigeants syndicaux. Il fallait construire là dessus. Nous sommes toujours ouvertement intervenus, sans connaître de rejet complet, mais bien des difficultés.

    Pour la suite, le mouvement ne peut pas exister sans appui réel de la classe ouvrière. Le mouvement de la classe ouvrière ne va pas se développer de manière linéaire. Il y aura des défaites, des retraits, et une organisation révolutionnaire est également testée à sa manière de gérer les reculs. Il peut y avoir des éléments de désespoir dans la jeunesse aujourd’hui, certainement dans une situation de chômage de masse. ‘‘Soit on se bat, soit on s’enfuit.’’ Une partie de la jeunesse en Espagne ou en Grèce essaye d’ailleurs d’émigrer, mais dans une période de crise généralisée et globale, l’émigration ne constitue pas une véritable alternative.

    Concernant le défaut de paiement de la Grèce, c’est une discussion que nous avons depuis un moment au CIO. La classe capitaliste européenne fonce contre la classe capitaliste grecque. Dans la crise de l’Argentine, le choc entre les masses et l’élite a été très rapide. Le président s’est enfui en hélicoptère, un peu comme la fuite de Saigon en ‘75. Des éléments similaires peuvent se produire. L’Argentine était un des principaux pays dirigeants de l’Amérique latine, maintenant, ce n’est plus rien. Cette crise de la dette grecque est une crise d’une monnaie qui a refusé une fiscalité unique. Certains disaient que l’euro allait conduire à une sorte d’Etats-Unis d’Europe. Il est clair que les Etats capitalistes ont besoin d’être organisés collectivement, la production actuelle s’organise au moins à l’échelle d’un continent. Mais seule la classe ouvrière est capable d’organiser l’Europe sur une base socialiste et démocratique. Les contradictions entrent les différentes bourgeoisies nationales sont trop fortes.

    Il reste encore la question de l’environnement, qui est une part importante de nos actions, comme nous l’avons vu en Allemagne avec le mouvement contre le nucléaire ou ‘‘Stuttgart 21’’. Cette question est destinée à devenir plus importante. Nous avons beaucoup de chiffres sur les conditions de production de voiture en Chine par exemple, en 2018, la Chine se retrouverait à produire autant que le reste du monde en 2000.

    En France, la situation est plus calme. Sarkozy peut être battu par Hollande ou Aubry, et on a suggéré un moment qu’il aurait pu être dépassé au premier tour par Marine Le Pen, c’est une expression du chaos politique, un phénomène qui ne touche pas que la France. En Belgique, il n’y a toujours pas de gouvernement réel, mais toujours le gouvernement en affaires courantes. La question nationale est à l’avant-plan de la scène politique, ce que l’on a également pu voir sous l’effet de la crise en Pays basque ou en Écosse. Même en Italie, les forces contestant l’unification italienne se développent. Nous ne sommes pas opposés à la séparation. Mais nous ne devons pas mettre ça en avant tant que ce ne soient les masses qui le fassent.

    Cette période est une période clé pour le CIO. La classe ouvrière entre en action, une nouvelle génération entre en action, c’est à nous de les aider à tirer les leçons des victoires et des défaites du passés, tout en étant réalistes sur les possibilités actuelles. Avec les 30 dernières années d’ossification et de destruction des organisations du mouvement ouvrier, il faudra des années pour reconstruire la conscience suffisante pour clairement engager l’assaut contre le capitalisme.

    Aujourd’hui, 3 multinationales contrôlent 90% du commerce international de grains et 500 milliardaires dominent la planète. La misère et la pauvreté ne peuvent être stoppées sans lutter contre ce système pourri. Il en va aussi de l’intérêt de notre environnement. La lutte pour le socialisme et une économie démocratiquement planifiée est une nécessité de la plus haute importance. Sans cela, le genre humain va au devant d’une grande catastrophe.

  • Royaume-Uni : Une révolution très britannique ?

    Pour une extension de la démocratie authentique

    “Une révolution très britannique” a bruyamment titré le Telegraph, après l’expulsion de Michael Martin, Président de la Chambre des Communes, une première depuis 1695. Jonathan Freedland poursuivait dans le Guardian : «Le Président de la Chambre sort, tandis qu’une odeur de révolution se répand dans l’air. I say, tant mieux… Nous vivons en effet une époque révolutionnaire – et ce changement radical, anticonventionnel est possible».

    Peter Taaffe, Secrétaire Général du Socialist Party, CIO-Angleterre et Pays de Galles

    Car article est la suite d’un précédent texte paru sur socialisme.be: Raz-de-marée de scandales politiques au Royaume-Uni : à bas les voleurs et leur système!

    Est-ce là le spectre du “jacobinisme”, ou juste une hyperbole journalistique ? Pas si on écoute les voix enragées de la “rue”, dans les transports en commun, dans les conversations sur les lieux de travail ou sur la BBC à «Question on Time». Qui plus est, plutôt que de retomber, la vague de colère et d’amertume de masse, face à l’avidité sans gêne de leurs «représentants parlementaires» a grandi sans cesse avec les révélations quotidiennes de nouveaux faits de pillage de notre argent par les parlementaires. Par exemple, le parlementaire Tory Douglas Hogg, qui avait réclamé des milliers de livres pour le nettoyage des douves de son château, a maintenant été mis de côté pour les prochaines élections. Un travailleur, résumant l’humeur générale, a déclaré au Sunday Times que «L’électorat britannique doit envier Ali Baba. Lui n’a eu affaire qu’à quarante voleurs!» Un autre faisait ce commentaire : «A partir de maintenant, je vais utiliser le mot «parlementaire» au lieu de «grippe-sou»».

    La parlementaire New Labour Margaret Moran a conservé sa propriété, mais a maintenant promis de rembourser l’argent dépensé sur sa résidence secondaire à Southampton. Mais cela n’a nullement adouci le commentaire d’une personne interrogée par le Sunday Times : «C’est bien simple. Elle devrait être arrêtée. Ils devraient tous être arrêtés».

    Comme le Socialist (journal du Socialist Party, NDLR) l’a fait remarquer, les révélations du Telegraph ont totalement discrédité la soi-disant élite de la «classe politique», constituée des dirigeants et de l’immense majorité des parlementaires des trois principaux partis politiques. Afin de détourner l’attention, ces dirigeants ont eu recours à des mesures cosmétiques – la démission du Président de la Chambre, la «mise à pied» d’une poignée de parlementaires, y compris des démissions et la promesse de «se tenir à l’écart» des prochaines élections générales, et la promesse de Gordon Brown d’une «enquête extérieure» concernant les demandes de remboursement de frais des parlementaires dans le futur. Mais seule une «enquête» par des comités impliquant des travailleurs ordinaires peut réellement commencer à constituer une menace pour les parlementaires. Il est probable qu’aucune des mesures proposées ne sera capable de satisfaire la masse des gens, totalement dégoûtée des parlementaires qui ont demandé le remboursement de «télévisions à écran plat» – comme l’inénarrable parlementaire New Labour de droite Gerald Kaufman – ou un «matelas pour enfant» – comme Michael Glove, ce «vautour de la culture» -, etc.

    En réalité, le Telegraph n’a pas appelé à une révolution – pas même à une «révolution politique» dans le cadre du capitalisme – mais à des mesures minimales. Tout en jetant des accusations à la tête des parlementaires, l’ancien propriétaire du Telegraph – un des journaux les plus à droite du Royaume-Uni, si pas du monde – languit en ce moment dans une prison de Floride pour une corruption d’une ampleur qui fait de l’ombre même aux actions honteuses des parlementaires britanniques. Dans les faits, le Telegraph, les médias capitalistes et les dirigeants des trois grands partis capitalistes ne souhaitent que retoucher quelque peu leur système. Ils ont ouvertement utilisé le licenciement du Président de la Chambre afin d’échapper à leur responsabilité dans des pratiques douteuses du même acabit ; eux aussi ont bénéficié de «remboursement de frais» inacceptables.

    Peu de publicité a été donnée au fait que la belle-mère de Cameron (le porte-parole des Tories) a offert des meubles à un parlementaire Tory qui, à son tour, en a réclamé le remboursement au bureau de la Chambre des Communes ! Clegg, le dirigeant Libéral-Démocrate, est lui aussi impliqué, de même que Gordon Brown lui-même. C’est chez les anciens électeurs Labour – broyés par le chômage de masse, les coupes dans le niveau de vie et dans les salaires – que se fait ressentir le plus grand dégoût aux hypocrites du New Labour.

    Il y a également une acceptation tacite, inexprimée, qu’il ne faut s’attendre à rien d’autre venant des «aristos» dans les Tories. Mais de nombreux travailleurs et personnes de la classe moyenne, surtout ceux de l’ancienne génération – malgré l’expérience brutale de Blair pendant la guerre d’Irak et les attaques menées par Blair et Brown sur les droits des travailleurs – gardaient un vague espoir que le New Labour était quelque peu « différent ». Cet espoir a maintenant été totalement mis en pièces, avec la révélation que le New Labour ne diffère en rien des Tories et des Libéraux-Démocrates, remettant en cause son droit à être considéré comme une représentant des travailleurs.

    La plupart des “mécréants” qui se retrouvent dans cette situation – en réalité, des gens plongés jusqu’au cou dans la corruption – ne subissent d’autre blâme qu’un appel à «rembourser» ce qu’ils ont volé. Mais comme le disait un pensionné, «Si moi j’allais au magasin et prenait une bouteille de shampoing sans la payer, on ne me demanderait pas seulement de la rembourser, mais je serais aussi arrêté et je devrais payer une amende». Assiégé par cette rage de masse, le gouvernement, poussé par les Tories et la presse, y compris le Telegraph, souhaite concentrer la discussion sur la manière dont on pourrait «améliorer» le Parlement, plutôt que de mettre un terme au «déficit démocratique» criant du Parlement dans sa forme actuelle. Un allié de Gordon Brown a confié à Seamus Milne, chroniqueur du Guardian, que «Il y a un dangereux vide. Si l’élite au pouvoir ne saisit pas l’opportunité, les gens vont la renverser».

    Mais le besoin pressant de changer le Parlement est maintenant mis à l’avant dans la vision du peuple britannique. Le fait de remplacer Martin avec n’importe quel autre parlementaire parmi les candidats au poste de Président de la Chambre – de la manière la plus incroyable, certains parlementaires New Labour ont mis en avant pour ce poste John Bercow un ancien Thatchérien de la ligne dure, qui se trouve maintenant au centre-gauche des Tories – ne va pas changer la situation d’un iota. Le dégoût de masse ressenti vis-à-vis des parlementaires de tous les partis, et même du Parlement lui-même dans sa forme actuelle, ne pourra pas être atténué par des mesures dérisoires, même déguisées en «révolution».

    Le Socialist Party se bat pour l’établissement d’une société socialiste démocratique et d’un Etat ouvrier démocratique gérés et contrôlés à tous les niveaux par les travailleurs. Même sans les récents développements, la masse des gens au Royaume-Uni accepte et soutient le concept de démocratie, y compris le Parlement, dans un sens général. Mais ce que nous avons au Royaume-Uni est une démocratie capitaliste, dans laquelle la classe salariée peut dire ce qu’elle veut – et même cela est attaqué par la «société de surveillance» – tant que les grands capitalistes et leurs représentants politiques restent ceux qui prennent les véritables décisions.

    N’est-ce pas ce que nous avons vu avec trois partis quasiment identiques, qui défendent encore le «marché libre» qui est en train de causer tant de dévastation économique pour le peuple britannique ? Les élections au Parlement sont des choix périodiques afin de savoir lequel des trois principaux partis capitalistes aura la chance d’opprimer et d’attaquer la classe salariée et les pauvres pendant les cinq prochaines années. Les «gagnants» sont récompensés avec la plus grosse part du butin : prestige, limousines gouvernementales, salaires énormes, etc. Mais même les «losers» se retrouvent dans une situation de «gagnant-gagnant», comme l’a révélé le récent scandale. Non contents de faire partie des 5% des plus hauts salariés du pays – sur base de leur salaire uniquement – ils ont «rehaussé» ce traitement grâces aux pratiques répugnantes révélées par le Telegraph.

    Nous défendons tous les droits démocratiques acquis par les travailleurs à travers la lutte, y compris l’élection de représentants à un Parlement, ce qui est le niveau actuel de compréhension et de perspective de la majorité des gens au Royaume-Uni. Toutefois, la réalité est, comme tous les analystes sérieux l’admettent maintenant, que le Parlement actuel n’est rien de plus qu’un grand parloir, et encore. Les parlementaires ne sont qu’un bétail votant pour la politique décidée par une petite cabale du gouvernement et son armée de Ministres, chefs de cabinet, secrétaires privés parlementaires – le « personnel votant ». Les véritables affaires sont dirigées par le gouvernement et, de plus en plus, par une petite cabale autour du Premier Ministre lui-même. Ils règnent à travers l’Etat y compris la fonction publique, qui exécute leurs décisions. Mais, comme l’Histoire l’a montré, des périodes de grandes convulsion sociale – et nous traversons une telle période en ce moment – voient la classe salariée se mettre en branle pour tenter de combler le fossé entre le «législatif» – le Parlement – et l’«exécutif» – le gouvernement et la machine d’Etat.

    La réponse face à la situation antidémocratique que nous vivons à présent n’est pas de se débarrasser des institutions de représentation telles que le Parlement, mais de mettre en oeuvre une démocratie plus généreuse, une expansion des moyens d’implication de la masse des gens dans la formulation et dans la mise en œuvre des décisions, avec un contrôle direct sur leurs représentants. Ceci signifierait, en premier lieu, l’abolition de la Chambre des Lords (la «Chambre des Fraudes») et de la monarchie. Ces institutions ont été gardées en réserve, pas pour des raisons décoratives ou historiques, mais en tant qu’armes potentielles qui peuvent être utilisées contre un Parlement ou un gouvernement radical qui menacerait le pouvoir des grandes entreprises à l’avenir.

    Sous le capitalisme, un système bicaméral – deux chambres parlementaires – n’est pas un sceau «démocratique» sur la législature principale. Ce système peut être utilisé afin de contrecarrer la volonté populaire, en particulier au cours d’une période radicalisée, révolutionnaire, en utilisant la «Chambre supérieure» ou le «Sénat» contre les mesures dans la législature qui menaceraient les intérêts des classes possédantes.

    Par conséquent, ce dont le Royaume-Uni a besoin est d’une Assemblée unique, qui combine les pouvoirs législatifs et exécutifs. Celle-ci devrait être élue par un élargissement de la franchise électorale, en particulier en impliquant les jeunes en leur donnant le droit de vote dès l’âge de seize ans.

    Le fait d’élire des parlementaires pour une période de quatre ou cinq ans à un poste où ils reçoivent un salaire indécent mène inévitablement à la situation qui scandalise en ce moment le peuple britannique. Une forme de représentation proportionnelle véritablement démocratique devrait immédiatement être mise en œuvre afin de briser le monopole des trois partis pro-capitalistes, et permettre à ce qu’une authentique voix des travailleurs émerge, en particulier via l’édification d’un nouveau parti de masse des travailleurs.

    Les capitalistes n’ont aucun fétiche par rapport aux arrangements électoraux. Ils vont passer de l’un à l’autre, en fonction de quelle forme d’élections servira le mieux leurs intérêts et leurs partis. Voyons par exemple l’étourdissant carrousel organisé par les capitalistes italiens lors des cinquante dernières années, passant sans arrêt d’une forme de représentation proportionnelle à une autre et vice-versa, avec maintenant la tentative de Berlusconi de créer un système «bipartite» à l’américaine.

    Leur position est déterminée non pas par «principe», mais par la meilleure manière de s’assurer que la majorité soit détenue par les partis de droite pro-capitalistes (y compris la social-démocratie). De la même manière, les véritables socialistes luttent pour la meilleure et la plus équitable forme d’expression pour le point de vue de la majorité de la population.

    Dans les années ‘70 et ‘80, lorsque la menace d’un gouvernement Labour de gauche – mené par une figure publique telle que Tony Benn – était une réelle possibilité, les capitalistes se préparaient à abandonner au vénéré système du «tout au premier», pour le remplacer par un système de représentation proportionnelle. La plupart de leurs suggestions ont pris la forme du Vote Alternatif, qui visait à mettre au pouvoir les coalitions pro-capitalistes, avec un «cordon sanitaire» autour d’un Labour alors radicalisé.

    Nous rejetons toute forme d’élections antidémocratique telle que celle-ci, qui a la faveur des Libéraux-Démocrates et même aujourd’hui de certains analystes capitalistes. Des élections organisées une fois tous les deux ans seraient un avantage par rapport au cycle actuel de cinq ans. Mais même des élections organisées sur une base encore plus régulière – comme la revendication des Chartistes qui voulaient des élections chaque année – ne pourraient surmonter l’absence frappante de tout contrôle au jour le jour sur les représentants au Parlement qui a été révélée par cette crise.

    Le fait d’élire les parlementaires via des assemblées locales démocratiquement organisées et élues (plutôt que par une campagne d’affichage et dans les médias) serait un grand pas en avant. De même en ce qui concerne le suivi et le contrôle permanent des parlementaires par leurs électeurs, et le droit de révocation immédiate par ces mêmes gens.

    Dans certains pays – comme les Etats-Unis ou le Venezuela – il existe des mesures permettant la “révocation” des représentants du peuple, essentiellement à travers toutes sortes de référendums. Mais un moyen plus direct d’exercer la révocation n’est pas nécessaire dans le système actuel, ce qui fait que le Parlement et les parlementaires actuels restent hors de contrôle.

    Les parlementaires ne devraient pas recevoir plus que le salaire moyen d’un travailleur qualifié. Il est remarquable de noter que cette revendication, qui a constitué une pierre d’angle du programme du Socialist Party trouve maintenant un écho dans certaines couches de la presse capitaliste. Par exemple, Aditya Chakrabortty, dans l’article «Une nouvelle politique» paru dans le Guardian, a écrit que «Le salaire de 64.766 £ par an les place confortablement parmi les 5% des personnes au plus grand revenu. Le salaire médian au Royaume-Uniest de 25.100 £ ; mais si on regarde du côté des pensionnés et des allocataires sociaux, on se rend compte que la moyenne de la population vit avec 16.000 £ par an». Sa solution est de «lier les salaires des parlementaires au revenu moyen. Mettons-les, disons à deux fois le salaire moyen, et n’augmentons leur salaire que en fonction de l’évolution du revenu moyen. Ceci devrait rappeler aux politiciens que leur job est de représenter leur électeurs – et leur donner un intérêt dans l’amélioration du sort de ces électeurs».

    Nous applaudissons cette proposition. Sa suggestion ne va sans doute pas le mettre dans les petits papiers des parlementaires, mais trouvera sans doute un écho parmi la population, de même que les positions de Dave Nellist, Terry Fields et Pat Wall (d’anciens parlementaires du Labour, représentants de l’aile marxiste qui existait alors en son sein et qui est le prédécesseur du Socialist Party, NDLR) ont pu en trouver un, et constituent encore maintenant un véritable exemple. Chakrabortty est trop généreux en suggérant qu’un parlementaire devrait recevoir deux fois le salaire moyen – puisqu’il montre bien que la plupart des gens vivent sous le salaire moyen – mais il se dirige dans la bonne direction.

    Nos suggestions sont là pour aider à faciliter la lutte des travailleurs contre l’offensive du capital, qui ne peut que s’aggraver à cause de la crise organique du capitalisme. Il ne fait aucun doute qu’il y a dans la campagne menée par le Telegraph un élément de tentative de «coup d’Etat» contre le gouvernement Brown, campagne reprise par l’ensemble de la presse capitaliste et par la direction Tory. L’effondrement probable du soutien au Labour lors des élections de juin sera utilisé comme un levier non seulement pour se débarrasser de Gordon Brown, mais aussi en tant que plaidoyer pour des élections nationales anticipées, qui pourraient maintenant être organisées bien avant que le mandat parlementaire actuel se termine en juin 2010.

    Un gouvernement Cameron est maintenant clairement perçu par les patrons comme la meilleure option pour leur système. Dave le «Compatissant» appartient au passé, vu qu’avec chaque jour qui passe, Cameron ressemble un peu plus à une réincarnation de Thatcher. Les analystes capitalistes parlent ouvertement de la nécessité d’un gouvernement Cameron, le seul qui serait prêt à lancer l’offensive contre le mouvement ouvrier et la classe salariée. Selon leur raisonnement, ceci sera nécessaire afin de résorber le gigantesque déficit budgétaire, qui s’élèvera probablement à 12-13% du PNB, pour une valeur de 175 milliards de livres. Ils sont forcés de tolérer ce déficit pour l’instant, afin d’éviter une dépression totale. Mais sur une base capitaliste, ce déficit ne peut être réellement résorbé que par une offensive brutale, en particulier contre les salaires des travailleurs du secteur public et le massacre à la tronçonneuse généralisé des services publics.

    Comme dans la période qui a précédé l’arrivée au pouvoir de Thacther, c’est là l’objectif conscient des capitalistes britanniques. Par conséquent, un gouvernement Cameron serait bien pire dans ses intentions que ne l’était même celui de Thatcher à son début. Un tel objectif garantit une confrontation ouverte entre le gouvernement les classes qu’il représente d’une part, et la masse des travailleurs d’autre part. D’énormes conflits sociaux, y compris la grève générale, seront à l’ordre du jour.

    Par conséquent, dans la crise actuelle, nous nous battons pour la forme la plus large possible, la plus extensive, de démocratie, afin de rehausser la lutte de la classe ouvrière. Mais nous reconnaissons aussi que, du point de vue de la classe salariée et du mouvement ouvrier, il n’existe dans le cadre du capitalisme aucune forme « parfaite » de démocratie ou d’arrangement électoral. Par exemple, la Chambre des Représentants américaine organise des élections tous les deux ans, mais ne représente d’aucune manière que ce soit la majorité de la population américaine. La masse de la classe salariée américaine est confrontée à près de 500.000 licenciements par mois, un nombre incroyable de saisies immobilières, et l’intention de massacrer les emplois et les services dans le secteur public, comme on peut le voir en ce moment en Californie.

    Mais aucune véritable solution ne peut provenir n’aucune des deux chambres du Congrès américain. La «démocratie» américaine est dominée par de gigantesques machines capitalistes bâties autour des partis républicain et démocrate, lesquelles sont à leur tour au service des milliardaires et de leur «démocratie du dollar», agissant comme un écran de protection pour leur système. Tout comme au Royaume-Uni, il y a un besoin urgent de l’alternative d’une nouvelle opposition radicale de masse pour la classe salariée, qui peut alors chercher à utiliser cette démocratie électorale théorique en sa faveur.

    La même tâche se pose aujourd’hui au Royaume-Uni. La classe salariée disposait dans le passé une voix politique de masse, jusqu’aux années ‘70 et ‘80, dans la base ouvrière du Labour Party, lequel s’est aujourd’hui effondré dans son avatar du New Labour, sous la coupe de Blair et Brown. Par conséquent, si on doit même se contenter de la mise en œuvre des revendications démocratiques nécessaires, le facteur le plus urgent pour contribuer à cette réforme est la création d’un nouveau parti des travailleurs de masse. Sans cela, toutes sortes de faux prophètes, de démagogues irresponsables de la droite, et toute une série d’ «indépendants» vont apparaître pour s’installer dans le vide politique qui existe aujourd’hui.

    La tentative d’Esther Rantzen (une présentatrice télé active dans des programmes de charité pour les enfants maltraités ou pour la Birmanie) de prendre le siège de Margaret Moran (une parlementaire Labour dont le total des «remboursements de frais» s’élève à 168.569 £) – “Je suis une célébrité, donnez-moi un siège” – pourrait être le signe avant-coureur de l’arrivée de toutes sortes de soi-disant «indépendants» – Martin Bell (un célèbre reporter de guerre, qui a été en 1997 le premier élu indépendant au Parlement britannique depuis 1951) est lui aussi en train de dépoussiérer son costume blanc – ce qui montre le dangereux vide qui existe à l’heure actuelle. Mais ces indépendants ne seront capables d’occuper le vide que s’il un nouveau parti des travailleurs de masse, ou des pas en avant vers la création d’un tel parti, ne sont pas urgemment entrepris. C’est pourquoi la campagne «No2EU, Yes to Democracy» soutenue entre autres par le Socialist Party et le RMT (le syndicat des transports), est si importante. De même, la décision du PCS (le syndicat du secteur public et des ex-secteurs publics) d’entamer une discussion quant à la présentation et au soutien de candidats syndicalistes est une nouvelle étape cruciale dans la création d’une telle force.

    Le New Labour a démontré encore et encore – et de manière encore plus évidente dans cette crise-ci – qu’il se tient fermement dans le camp du capitalisme. Alice Mahon a enfoncé le clou en prenant la décision de quitter le New Labour après dix-huit ans au Parlement, déclarant que le New Labour est «irréformable». Par conséquent, dans ce débat autour Parlement, les véritables socialistes et les travailleurs doivent réclamer une extension de la démocratie réelle, en luttant pour des réformes démocratiques et pour la forge d’armes politiques, et par-dessus tout la création d’un parti des travailleurs de masse, capable de défier les partis capitalistes et leur système, en combattant pour une démocratie socialiste véritable.


    Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO

    Cet article est issu de la section Angleterre et Pays de Galles du CIO.

    Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

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