Tag: Organisation Internationale du Travail

  • Ils bloquent nos salaires ? Bloquons leur politique !

    Le blocage des salaires imposé par le gouvernement Di Rupo pour les années 2013-2014 (et destiné à perdurer avec la révision de la loi de 1996 sur la formation des salaires) a fait grincer bien des dents, et il y a de quoi. Nos factures, elles, poursuivent leur courbe ascendante, et avec les diverses manipulations du calcul de l’indexation automatique des salaires, celle-ci ne correspond pas à l’augmentation réelle du coût de la vie quotidienne.

    Vous devenez rouges de colère en tenant en main votre facture d’électricité? Soyez certain que cet argent est bien géré : Elia (gestionnaire du transport d’électricité en Belgique) l’a notamment utilisé pour engager son ancien patron, Daniel Dobbeni, comme consultant. Salaire : 400.000 euros pour 170 jours… soit 2.400 euros par jour ! Les syndicats s’opposent bien entendu à ce gel des salaires révoltant, certainement au regard des salaires scandaleux des patrons des entreprises publiques et privées. La presse en a largement fait écho.

    C’est d’abord la centrale des métallos wallons et bruxellois de la FGTB (MWB) qui a déposé une requête auprès du Conseil d’Etat, rejointe ensuite par la centrale des employés de la CSC (la CNE). Ensuite, la FGTB, la CSC et la CGSLB ont ensemble déposé une plainte auprès de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), toujours contre le gel des salaires. Dans ces deux cas, l’argumentation est la même : l’arrêté royal ne respecte pas la liberté de négociation.

    ‘‘Ce gel nous empêche de négocier une hausse des salaires, ce qui est pourtant l’un des droits de base du travailleur. C’est une violation des conventions de l’OIT en matière de liberté de négociation’’, a défendu le président de la CSC Marc Leemans. C’est très correct. Mais, dans le cas de l’OIT, la Belgique peut être condamnée… à rien du tout. Ce ne serait qu’une condamnation morale qui serait ‘‘tout de même un camouflet pour notre pays’’, poursuit Leemans, ‘‘La Belgique se retrouverait alors en compagnie de pays comme la Colombie ou le Guatemala, souvent pointés du doigt par l’OIT.’’ Patronat et gouvernement n’ont qu’à bien se tenir…

    Nous n’avons aucun problème à utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition pour défendre les travailleurs, leurs acquis sociaux et leurs droits, y compris la justice belge et l’OIT. Mais soyons clairs : sans le poids de la lutte active du mouvement organisé des travailleurs, jamais nous n’aurions eu la journée des 8 heures, ni même le droit de simplement faire grève !

    Sans construction d’un rapport de force, dans la rue et dans les entreprises, impossible de faire face au tsunami antisocial que nous réservent le patronat et ses marionnettes politiques. Les petits outils juridiques et autres ne doivent servir qu’à renforcer la lutte effective, pas de prétexte pour éviter de mener le combat sur le terrain. Les syndicats avertissent que le système de concertation sociale belge est sans cesse rompu par le patronat et son avidité. Il serait grand temps d’en prendre acte, d’en tirer les conclusions pratiques et d’en revenir au syndicalisme de combat et de lutte qui n’aurait jamais dû être délaissé.

    Avant l’été, tous les appels à l’action avaient pu compter sur une réponse enthousiaste et massive, mais nous en sommes restés à attendre le prochain pas à poser, sans perspectives de plan d’action clair et constructif. Nous avons perdu un temps précieux, mais il n’est pas trop tard pour organiser notre combat.

    Le 26 septembre dernier, une petite manifestation a eu lieu à Bruxelles contre le gel des salaires à l’initiative de la CNE, de la régionale bruxelloise de la CGSP-ALR (Administrations Locales et Régionales) et des Comités Action contre l’austérité en Europe. Ce fut une action limitée mais qui, incontestablement, s’est située dans la voie à suivre pour obtenir un réel résultat : celle de la résistance active.

  • En Bref…

    Chaque samedi, nous publions dans cette rubrique quelques faits marquants, des citations, de petites vidéos,… Aujourd’hui, petit retour, Bruno Tobback et la grève, ou encore le chômage des jeunes en Espagne, qui dépasse maintenant les 50%!


    Les raisons de la crise

    On pouvait lire cette semaine sur le site du quaotidien flamand Standaard: ‘‘L’industrie allemande a au cours des dix dernières années considérablement réduit les coûts du travail, une initiative prise par le gouvernement Schröder en 2003. Les entreprises allemandes ont produit à bon marché au détriment du reste de la zone euro. ‘‘L’amélioration de la compétitivité des exportateurs allemands est de plus en plus identifié comme la cause structurelle des difficultés récentes dans la zone euro’’, déclare ainsi l’Organisation des Nations Unies à Genève. (…) L’Organisation Internationale du Travail (OIT) a aussi des critiques, surtout parce que ce modèle de croissance économique ralentit. ‘‘Les coûts salariaux allemands sont systématiquement sous ceux de ses concurrents, la croissance ralentit et cela réduit les recettes publiques. Pire encore, les pays en crise ne peuvent pas compter sur leurs exportations pour compenser leur faible demande intérieure, parce que leur industrie ne peut pas bénéficier de la demande intérieure plus élevée en Allemagne. "


    Tobback contre la grève

    Le président du SP.a Bruno Tobback est contre la grève générale de ce lundi. Cela n’est guère surprenant pour beaucoup de monde. Il a déclaré au Soir: "Je comprends les préoccupations des syndicats, mais une grève générale est quelque chose d’extraordinaire. Vous devez garder la bombe atomique pour une guerre mondiale, pour la bataille finale pour un gouvernement de droite prend des mesures de droite." Il n’a probablement pas encore remarqué que notre pays est déjà gouverné par un gouvernement de droite…


    Wilders chute dans les sondages aux Pays-Bas, tandis que le SP se porte mieux

    La situation politique aux Pays-Bas a longtemps été instable, avec des variations importantes entre chaque suffrage. Lors des dernières élections nationales, le Parti de la Liberté de Geert Wilders fut l’un des grands vainqueurs. Mais son soutien s’effondre. Le parti de gauche SP (pour ‘Parti Socialiste’) ressort particulièrement victorieux des derniers sondages. Le SP obtiendrait 32 sièges si les élections prenaient place maintenant, soit 17 siège de plus qu’actuellement ! Le PVV de Wilders descendrait par contre à 20 sièges, alors qu’il en avait reçu 24 en 2010. Les trois partis traditionnels (CDA, VVD et PvdA) a continué à lutter. Le CDA tombe à 12 sièges (-9), le VVD à 30 sièges (-1) et PvdA (l’équivalent de notre PS) à 17 (-13). Cela signifie que les trois principaux partis n’auraient que 59 des 150 sièges du Parlement. L’institut de sondage Gallup affirme que la hausse du soutien du SP s’explique en raison de la récession qui se profile, avec le chômage et les licenciements qui l’accompagnent.


    Le chômage des jeunes explose en Espagne

    Le chômage en Espagne continue d’augmenter de façon spectaculaire. Lors du dernier trimestre de 2011, il y avait 5,3 millions de chômeurs dans le pays (soit 22,9% de la population), c’était environ 300.000 de plus qu’au troisième trimestre de 2011. L’augmentation est particulièrement élevée parmi les jeunes. Fin septembre, le taux de chômage de la jeunesse était «seulement» de 45,8% contre 51,4% aujourd’hui : plus de la moitié !


    Tourner autour du pot

    Le site Express.be cette semaine a parlé d’une confrontation entre un journaliste irlandais et chef de la Banque centrale européenne. Sa question était : ‘‘Pouvez expliquer au peuple irlandais pourquoi il doit payer des milliards d’euros aux banques européennes en compensation pour des obligations non garanties, alors que les Irlandais ordinaires n’ont rien fait ?’’ La réponse est un exemple classique de l’expression "tourner autour du pot" .

  • Tunisie: La révolution est-elle terminée?

    Les élections pour l’Assemblée Constituante qui se sont tenues le 23 octobre dernier en Tunisie avaient été conquises de haute lutte par les mobilisations révolutionnaires de masse du début d’année, en particulier suite à la deuxième occupation de la place de la Kasbah. Pourtant, l’immense majorité des élus à l’assemblée Constituante sortie des urnes n’ont pas joué le moindre rôle dans la révolution, quand ils ne s’y sont pas même opposés jusqu’à la dernière minute.

    Un militant du CIO récemment en Tunisie

    En fait, l’enthousiasme des masses à l’égard des élections était plutôt limité, et ce alors qu’elles avaient la possibilité de voter “réellement” pour la première fois dans le cadre d’élections qui soient autre chose qu’une pure mascarade trafiquée aux résultats grotesques connus d’avance.

    ‘‘Transparentes’’, ces élections l’étaient sans aucun doute davantage que ce que la population tunisienne avait connu durant ces dernières décennies, ce qui n’est pas vraiment difficile. Pour autant, le pouvoir de l’argent, le soutien des milieux d’affaire, les pratiques d’achats de voix, l’activité des réseaux de l’ancien parti mafieux et des médias toujours dans les mains de proches de l’ancien régime ont accompagné cette campagne électorale.

    Ces élections ont été l’occasion d’une surenchère de la part des médias occidentaux, vantant une supposée participation “spectaculaire”. Pour l’occasion, les dirigeants impérialistes – qui en début d’année s’étaient fort bien accommodés de la répression meurtrière contre les manifestants tunisiens, voire qui lui avaient offert leurs services – ont tous applaudi en cœur ce “festival de la démocratie”. Des chiffres farfelus parlant de plus de 90% de votants ont même circulé.

    Toute cette propagande a un but évident: elle vise à présenter ces élections comme l’épisode qui clôture pour de bon le chapitre révolutionnaire, ouvrant la voie à un pouvoir “légitime” et “démocratique”. Les masses ont maintenant eu ce qu’elles voulaient, tout le monde doit retourner au travail, et arrêter la “dégage mania”…Mais qu’en est-il réellement?

    Un taux de participation pas si spectaculaire

    S’il est vrai qu’une frange non négligeable des électeurs avait décidé de se rendre aux urnes pour se réapproprier un droit dont ils avaient été privés toute leur vie, une analyse sérieuse des résultats montre cependant qu’une partie tout aussi importante de la population n’a même pas considéré utile d’aller voter.

    Le taux de participation global n’est que de 52%. Quand on sait que 31,8% de ceux qui ont voté (près d’un million 300 mille personnes) ont eu leurs voix “perdues” (car ayant voté pour des listes qui n’ont pas récolté suffisamment de suffrages pour obtenir un siège à l’Assemblée), cela relativise sérieusement l’assise sociale de l’Assemblée Constituante, et du gouvernement qui en sortira. Au plus on s’approche des couches qui ont été au cœur des mobilisations révolutionnaires (dans la jeunesse et dans les régions plus pauvres de l’intérieur du pays en particulier), au plus le taux d’abstention s’envole, traduisant une profonde méfiance à l’égard de l’establishment politique dans son ensemble.

    Ennahda, un parti fait de contradictions

    Le parti islamiste Ennahda a remporté 41% des voix, et 89 sièges a l’Assemblée sur 217. La victoire de ce parti s’est appuyée sur un travail méthodique d’intervention dans les quartiers populaires et les mosquées. Auréolé de l’image de martyr dû à leur persécution sous l’ancien régime (le secrétaire général du parti, Hamadi Jebali, futur premier ministre, a passé 14 ans dans les geôles de Ben Ali), vu comme un parti “de rupture” face a la myriade de partis issus de l’ancien parti unique le RCD (jusqu’à 40 des partis en lice), Ennahda a su se construire une base certaine de soutien, profitant aussi de la faiblesse et des erreurs nombreuses de la gauche.

    Arrosé d’aides financières provenant, entre autres, du riche régime Qatari, le parti a déployé tout un réseau d’organisations caritatives actives parmi la population pauvre, et a fait du clientélisme une véritable méthode de campagne. Il faut y ajouter l’exploitation des sentiments religieux d’une partie de la population, aidée en cela par une campagne centrée sur ‘‘l’identité’’ dans laquelle les partis bourgeois laïcs se sont mordus les doigts, la laïcité – dont le terme n’existe même pas en arabe – étant pour beaucoup associée aux élites de la dictature, aux mesures répressives du pouvoir de Bourguiba et de Ben Ali, ainsi qu’aux campagnes racistes contre les musulmans dans la France de Sarkozy.

    Bien que la direction du parti soit maintenant engagée dans une opération de séduction vis-à-vis des grandes puissances impérialistes, montrant “patte blanche” quant à leur politique en matière de mœurs et de droits des femmes, Ennahda demeure sous la pression de courants islamistes plus radicaux qui, encouragés par la victoire électorale de ce parti, ont augmenté leur visibilité et leurs activités au cours de la période récente. Au début du mois de novembre, une grève du personnel de la fac de Tunis a eu lieu, afin de protester contre le harcèlement et les agressions dont certaines enseignantes et étudiantes font l’objet du fait qu’elles ne portent pas le voile.

    Les dirigeants d’Ennahda vont être amenés à jouer sur plusieurs tableaux. Alors que Rached Ghannouchi, principal dirigeant d’Ennahda, s’est récemment lancé dans une diatribe contre la langue française assimilée à une “pollution”, la direction du parti caresse les capitalistes français dans le sens du poil. D’un côté, le parti se profile comme un parti “du peuple”, de l’autre il s’appuie sur le modèle turc ultralibéral, fait de privatisations et d’attaques systématiques contre les droits de la classe ouvrière.

    ‘‘Le capital est bienvenu’’

    C’est une chose de remporter des élections, c’en est une autre de satisfaire les revendications d’un peuple qui vient de faire une révolution. Et sur ce plan, Ennahda sera attendu au tournant. La principale préoccupation des dirigeants du parti depuis le 23 octobre n’a été que d’étaler leurs promesses d’allégeance au marché, aux hommes d’affaire et aux investisseurs privés, visant à montrer qu’islamisme et Big business peuvent faire bon ménage. ‘‘Le capital national et étranger est bienvenu’’, a insisté Abdelhamid Jelassi, directeur du bureau exécutif d’Ennahda. Ce souci de défendre les intérêts de la classe capitaliste ne peut qu’entrer en contradiction avec la soif de changement social qui continue d’animer de larges couches de la population.

    Cette soif de changement social s’est clairement illustrée par les émeutes qui ont explosé à Sidi Bouzid, dans les jours qui ont suivi les élections, suite à l’annonce de l’annulation dans six régions de la liste électorale “El Aridha” pour cause d’irrégularités. Cette liste, menée par un arriviste millionnaire, ancien supporter de Ben Ali, qui a mené campagne au travers de sa chaine satellitaire émettant depuis Londres, sans mettre un pied en Tunisie, était encore complètement inconnue il y a quelques mois.

    En parlant pédagogiquement un langage qui s’adresse aux pauvres et à leurs problèmes, il a cependant été capable de rafler 26 sièges à l’Assemblée! Son discours était fait de promesses sociales telles qu’une allocation de chômage de 200 dinars pour tous les chômeurs, des soins de santé gratuits, des transports gratuits pour les personnes âgées, etc.

    Cet exemple démontre par la négative l’espace qui existe pour la gauche radicale, si du moins celle-ci s’efforce de développer un programme qui traduise les aspirations sociales des travailleurs, des chômeurs et des pauvres, et lie ces revendications sociales avec une lutte conséquente pour un changement fondamental de la société. Malheureusement, sur 110 listes présentes aux élections, pas une n’avait un tel programme socialiste clair à proposer. Cela explique en partie pourquoi les partis de la gauche radicale, le PCOT et le Mouvement des Patriotes Démocrates, n’ont récolté que 3 et 2 sièges respectivement.

    Rien n’a vraiment changé

    La colère populaire reste partout latente, du fait que, près d’un an après l’immolation de Mohamed Bouazizi, la situation sociale n’a fait que se dégrader pour la majorité de la population. Côté pile, Bouazizi reçoit à titre posthume le ‘‘prix Sakharov pour la liberté’’ au Parlement européen; côté face, le silence est de mise concernant le fait que la situation de désespoir qui a poussé Bouazizi à s’immoler par le feu reste le lot de la majorité des jeunes Tunisiens. “Des emplois ou la mort” était ainsi le slogan d’un récent sit-in à la raffinerie pétrolière de Bizerte, dans le Nord du pays. Le taux de chômage a explosé, le pays comptant actuellement plus de 700.000 chômeurs officiels, chiffre probablement plus proche du million dans la réalité.

    Les prix de l’alimentation de base sont en forte hausse eux aussi, tandis que la zone euro, principal débouché commercial des exportations tunisiennes, traverse une crise économique sans précédent. Beaucoup des raisons objectives ayant poussé la population tunisienne à faire la révolution sont donc toujours présentes dans leur quotidien.

    Le refrain “rien n’a changé” est de plus en plus audible, celui d’une “deuxième révolution” aussi. Parallèlement, les libertés démocratiques restent très précaires et sont régulièrement remises en question par des accès de violence de la part des forces de sécurité. La torture continue de manière récurrente dans les commissariats, et le gigantesque appareil policier continue de pendre comme une épée de Damoclès au-dessus de la révolution.

    La veille même des élections, la police a chargé violemment un sit-in devant les bâtiments gouvernementaux, sit-in organisé par des jeunes blessés par balles pendant l’insurrection. Ils demandaient simplement que leur assistance médicale soit prise en charge par les autorités. Ces jeunes héros de la révolution sont traités comme des chiens, pendant que les snipers, assassins et autres hommes de main de l’ancien régime continuent de courir en liberté.

    La mobilisation “Occupy Tunis” du 11 novembre dernier, en solidarité avec le mouvement international des Indignés, qui a vu la plus grosse manifestation dans les rues de Tunis depuis le mois d’août, a elle aussi été violemment attaquée par la police sans raison apparente, si ce n’est la volonté d’intimider ceux qui continuent à vouloir “revendiquer”.

    Et ceux-ci sont nombreux: depuis la fin des élections, une nouvelle vague de grèves secouent beaucoup de secteurs. Les travailleurs du secteur touristique, les mineurs de fer du Kef (Nord-Ouest), les travailleurs de la brasserie Celtia, les employés des chemins de fer et ceux de la sécurité sociale, tous ont connu des mouvements de grève successifs et solidement suivis. Malgré la propagande incessante présentant les grévistes comme des “irresponsables”, le récent rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) de septembre 2011 est venu confirmer que “les salaires en Tunisie restent faibles malgré des taux de profit en hausse.”

    Ces mouvements continuent cependant à souffrir d’un manque de coordination, due au refus systématique de la direction exécutive de l’UGTT d’assister ces luttes, de leur donner un caractère plus général et des mots d’ordre précis.

    Les bureaucrates de la centrale, amis d’hier du dictateur Ben Ali, ont été impliqués dans toutes les basses manœuvres du gouvernement transitoire pour faire payer la crise économique et la dette de l’ancien régime aux travailleurs et aux pauvres, et pour tenter de restaurer la situation aux bénéfices des capitalistes et des multinationales.

    Cette manière de poignarder les travailleurs dans le dos de la part de la bureaucratie syndicale corrompue, et le peu d’empressement qu’ont eu les dirigeants de la gauche radicale a contester ouvertement cet état de fait – malgré l’esprit de lutte inconditionnel qui anime beaucoup de leurs militants – ont empêché que tout le poids de l’UGTT soit mis dans la balance. Ceci a incontestablement joué en faveur des Islamistes, qui se sont vus offert un boulevard d’intervention vers les couches les plus pauvres et les chômeurs, dont le sort a été largement ignoré depuis des mois par la direction de l’UGTT.

    Pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres

    Si nous comprenons que certaines illusions peuvent exister quant à l’avènement d’un nouveau pouvoir élu, nous devons sobrement reconnaitre que la nouvelle Assemblée Constituante ne représente pas les aspirations du peuple Tunisien, et que tout parti qui s’appuie sur la continuation du système capitaliste pourri n’aura rien de bon à offrir a la masse de la population tunisienne.

    Or, aucun des partis engagés dans les pourparlers pour la formation du nouveau gouvernement (Ennahda, le Congrès pour la République, et Ettakatol) ne remet en question la soumission de l’économie tunisienne aux grands groupes capitalistes, pas plus que le paiement de la dette aux institutions financières internationales. En gros, ils se préparent à continuer la politique économique de l’ancien régime.

    La situation en Tunisie demeure explosive. La combinaison de crises que traversent le pays, et l’expérience accumulée par les masses lors de la dernière année – dont la plus importante est la rupture du mur de la peur – vont inévitablement se cristalliser dans de nouvelles explosions de lutte. Ces luttes doivent pouvoir bénéficier d’un prolongement politique, un parti de masse qui se batte pour un gouvernement des travailleurs, des couches populaires et de la jeunesse.

    Au lieu de proposer la cotation en bourse des entreprises et des actions précédemment détenues par les familles mafieuses, comme le suggère Ennahda, un tel gouvernement prendrait comme mesure immédiate leur nationalisation, sous le contrôle démocratique des travailleurs et de la population, comme point de départ d’un vaste plan visant a réorienter la production et l’économie au service du développement du pays et de l’amélioration du niveau de vie des masses.

    Les graines d’une société socialiste, basée sur la coopération et la solidarité des travailleurs, ou les notions d’exploitation, de profit et de corruption auraient disparu, se sont affirmés au travers du formidable mouvement révolutionnaire tunisien. La priorité est de construire un parti qui puisse organiser les couches qui se retrouvent autour d’un tel objectif, afin de faire germer ces graines, et de prévenir un retour en arrière au profit de la poignée de capitalistes qui profite de la misère et du chômage du plus grand nombre.

  • Il nous faut une campagne nationale contre les licenciements de délégués !

    La direction Suisse de BRC n’aime pas les syndicats et les actions collectives. Elle cherche donc à sanctionner une action de grève de façon individuelle, et trois travailleurs ont été licenciés suite à la résistance collective contre l’absence d’un accord sur la convention collective dans le secteur pétrolier. Les trois licenciés l’ont été sans que la direction n’utilise de prétexte de ”faute grave”, ce qui indique que la direction sait elle-même très bien que les ‘raisons’ invoquées ne tiennent pas la route.

    Une année avant les élections sociales, il nous faut une offensive pour assurer une véritable protection aux délégués. Actuellement, cette protection est telle une passoire, pleine de trous. Peut-être que la menace d’une grosse indemnité de licenciement a des effets dans de petites entreprises, mais dans les multinationales qui empochent des profits de plusieurs milliards d’euros, cela n’est pas le cas. Ce n’est pas la première fois que des délégués sont licenciés. Chaque fois, il y a des actions de solidarité, mais il est temps d’aller plus loin.

    Il y a officiellement une possibilité de réintégration d’un délégué licencié abusivement. Mais cette décision revient aux patrons. Tant que la réintégration reste un choix libre, elle reste difficile à mettre en pratique.

    Afin de mieux protéger les délégués, il faut que la réintégration devienne obligatoire et exécutoire. Les patrons qui ne l’acceptent pas doivent être lourdement pénalisés. Pour que cela puisse être obtenu, il faut mobiliser et construire un rapport de force. Le droit de grève et la protection des délégués ont été obtenus de cette façon, et c’est aussi la seule manière de défendre nos droits.   

    La mobilisation nationale du 30 juin est un premier pas, mais il nous en faut d’autres sur le plan national, avec les différents secteurs et les différents syndicats. Il ne faut pas attendre, car ces prochains mois, les délégués seront en soldes (juste avant la procédure des élections sociales de 2012, le licenciement abusif coûte moins cher pour les patrons).

    Peut-être que le président de la FGTB, Rudy De Leeuw, peut utiliser cette occasion de l’action à BRC afin d’annoncer une initiative en cette direction?Peut-être que le président de la CSC, Luc Cortebeeck, peut utiliser sa position de vice-président de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour s’attaquer vraiment aux violations du droit à l’action collective (comme prévu dans le Traité nr. 98 de la OIT)  en Belgique? Les dirigeants syndicaux doivent prendre une initiative nationale pour obtenir une véritable protection des délégués !

     Solidarité internationale

    Afin de concrétiser notre solidarité, le tract syndical de BRC a été traduit en Français et en Anglais. Aujourd’hui, et les jours à venir, ce tract sera distribué par nos organisations politiques sœurs en France et en Grande-Bretagne. Cela sera notamment le cas à la raffinerie de Petit Couronne (France) et de Coryton (Grande Bretagne). De cette façon, les travailleurs sauront là aussi comment la direction de BRC traite les syndicats.

  • Un pied-de-biche patronal pour fracasser le statut des employés

    Chômage économique

    C’était un point tout en haut de la liste des patrons pour la Saint-Nicolas. Aujourd’hui, il n’y a pas un politicien qui puisse se permettre de ne pas en parler. Pas un “expert” qui ne le mette en avant. Pas un auteur qui ne le cite. En cette période de crise, l’élargissement du chômage économique “en faveur” (sic) des employés semble inévitable. Afin de sauver des emplois ? C’est ce que l’on voudrait nous faire croire.

    Par Eric Byl

    Mais les syndicats des employés – tant le SETCa que la CNE – ne sont pas dupes. Pour eux, le patronat se sert de la crise pour faire le forcing. Les patrons veulent imposer leur propre vision de la nécessaire « harmonisation » du statut des ouvriers et des employés, à travers un nivellement vers le statut le moins favorable aux salariés.

    Cela fait longtemps que l’on discute de la distinction entre ouvriers et employés. Le temps où les ouvriers effectuaient le travail “manuel”(1) et les employés le travail “intellectuel”(2) est bien loin derrière nous. Si on ne peut pas faire de différence sur base des prestations fournies (3), d’autres critères peuvent être pris en compte comme la périodicité de la paie, le niveau de responsabilités, la déclaration à la Sécurité sociale ou encore les conditions liées aux conventions collectives. Mais cette distinction est contraire aux directives européennes ainsi qu’aux conventions de l’Organisation Internationale du Travail (4).

    C’est pour cela que, lors de l’accord interprofessionnel de 2001-2002, tout le monde était d’accord pour que soit fixée une définition permettant une harmonisation des deux statuts endéans les six ans. Mais que devrait contenir ce statut harmonisé ? Syndicats et patrons sont en totale opposition sur cette question. Le patronat veut imposer les actuelles durées de préavis des ouvriers, tandis que les syndicats veulent évidemment imposer celles des employés. Rien d’étonnant à cela : la durée du préavis pour les ouvriers belges est la plus courte en Europe, tandis que celle des employés est la plus longue. Le patronat souhaite aussi que le calcul de la durée du préavis ne se base plus uniquement sur la protection sociale du salarié, mais aussi – comprenez : mais surtout – sur les “besoins économiques” de l’entreprise.

    Pour les patrons, l’harmonisation des statuts des ouvriers et des employés s’inscrit dans un contexte “d’amélioration de la compétitivité”. En bref : les coûts doivent diminuer et la flexibilité augmenter. Le patronat veut faire passer le coût de la flexibilité et des préavis vers la sécurité sociale (dont dépendent les indemnités de chômage). Pour harmoniser les pécules de vacances ou abandonner le non-paiement du premier jour de maladie pour les ouvriers, les patrons ne sont pas pressés. Par contre, pour le chômage économique pour les employés, ils voudraient pouvoir l’appliquer le plus vite possible.

    Le SETCa et la CNE ont bien compris que c’est le statut d’employé lui-même qui est en danger. Les patrons veulent instrumentaliser la crise pour le briser en recourant à l’arme du chômage économique sous le prétexte d’éviter les licenciements. Les syndicats ne veulent pas séparer la question de l’introduction du chômage économique pour les employés du reste du débat concernant l’harmonisation des statuts et, en premier lieu, de l’augmentation des indemnités de licenciement pour les ouvriers. Ils mettent aussi en avant des alternatives au chômage économique pour les employés en cas de chute de l’activité, comme un droit accru au crédit-temps, avec toute la souplesse d’application nécessaire, et des mesures qui lieraient la réduction collective de la durée du temps de travail à des baisses de charges (5).

    Mais ils ont également laissé entendre que si des mesures de chômage économique pour les employés sont imposées, ils revendiquent alors qu’elles soient limitées dans le temps, couplées à des garanties concernant la sécurité de l’emploi et qu’elles ne puissent pas être décidées unilatéralement par l’employeur, mais après consultation des représentants des travailleurs. Ils demandent de plus une allocation supplémentaire en compensation de la perte des revenus, qui devraient être financée par des contributions patronales extraordinaires et/ou une taxe sur le capital (les dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale seraient estimées à 120 millions d’euros).

    Nous soutenons les syndicats dans leur opposition face aux tentatives de miner le statut des employés et nous appelons nos lecteurs à signer leur pétition (6) à ce sujet. Mais nous regrettons qu’ils aient, avant même d’engager la bataille, laissé la porte ouverte à ce que les travailleurs soient quand même ceux qui devront payer pour la crise, via les crédits-temps ou les baisses de charges patronales.

    Selon De Tijd (7), en 2007, les 104 entreprises belges cotées en Bourse, excepté Fortis, ont engrangé 15,4 milliards d’euros de profits. La même année, les actionnaires ont reçu 9,6 milliards d’euros en dividendes. En 2008, pour la première fois, les mêmes entreprises ont remis un bilan en perte, pour un total de 3,6 milliards d’euros. Cela n’a pourtant pas empêché ces entreprises de verser à nouveau 3,5 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires et de maintenir les super-salaires de leurs cadres dirigeants. Malgré une perte record de 28 milliards d’euros l’an dernier, Fortis a “récompensé” ses 9 directeurs avec un bonus approchant 20 millions d’euros !

    Avant de porter le débat sur l’extension du chômage économique, on ferait mieux d’aller chercher les responsables de la crise. Eux disposent apparemment encore de larges réserves.


    Notes

    1. Loi du 10 mars1920
    2. Loi du 7 août 1922
    3. Loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail
    4. Convention n°111 de l’OIT
    5. Les mesures Di Rupo – Vande Lanotte
    6. www.votrecontratendanger.be
    7. “De Tijd” du 14 avril 2009
  • Ensemble, résistons pour le droit de grève.

    Personnel en solde, droit de grève en liquidation.

    Alors que la lutte ouvrière d’Alost, fin du 19e siècle, constitue l’arrière-plan de la comédie musicale Daens, l’agression patronale de l’époque redevient actuelle. Malheureusement pas sous la forme d’une comédie musicale mais bien dans le monde réel des huissiers, des piquets de grève et des directions qui économisent sur leur personnel.

    Par Bart Vandersteene, porte-parole du MAS (LSP)

    L’histoire de Daens raconte comment les directeurs d’usines se sont entendus entre eux pour effectuer une pression commune sur les salaires et augmenter la flexibilité (entre autres, en faisant tourner le même nombre de machines avec moins d’ouvriers). Cela doit sembler très actuel pour les travailleurs de Carrefour dont la direction veut diminuer les salaires de 30% et augmenter la flexibilité, via le précédent brugeois. A l’époque de Daens, il était demandé de travailler plus pour un salaire moindre et ceux qui protestaient recevaient une raclée. La différence aujourd’hui ? La gendarmerie de l’époque n’existe plus ; maintenant, on retourne à la tradition des shérifs (comme celui de Nottingham que Robin des Bois combattait), sous la forme d’huissiers.

    L’arrestation de 30 militants syndicaux à un piquet de grève de Ninove est alléede pair avec une interdiction d’actions. Toute une série d’«experts», parmi lesquels des représentants d’organisations patronales et d’autres libéraux mais aussi le professeur Blanpain, ont proclamé que des piquets de grève empêchant l’accès à une entreprise seraient «illégaux» car ils compromettraient «la liberté de travail et d’entreprise».

    Ceci rappelle quasi littéralement l’argumentation de la loi anti syndicale Le Chapelier et le décret D’Allarde (datant tous deux de 1791 et importés chez nous pendant la période napoléonienne) : «Tout attroupement d’artisans, d’ouvriers, de domestiques, de journaliers ou de ceux qui, suite à leurs incitations, s’opposent au libre exercice de l’industrie et du travail de qui que ce soit… sera considéré comme attroupement séditieux et sera, en tant que tel, dispersé par la force publique…». L’envoi d’huissiers sur base de requêtes unilatérales et avec astreintes est une application actuelle de cela. Les Napoléons patronaux déplorent encore toujours la suppression en 1919 de la législation susmentionnée.

    Il y a tout un tas de bases légales pour le droit à des actions collectives, piquets de grèves inclus. Ceci est garanti par la Charte Sociale Européenne et les règles de l’Organisation Internationale du Travail. Différents tribunaux, dont la Cour de Cassation, ont confirmé que les piquets de grève et/ou les barrages routiers font partie du droit de grève. Il y a quelques années encore, le Comité Européen des Droits Sociaux a jugé que des astreintes contre un piquet de grève sont inacceptables. Il n’a jamais été question d’un projet de loi pour confirmer cela : ce n’était pas une priorité pour les membres du parlement.

    Les juges aussi ont leurs priorités. L’enquête judiciaire suite à la méga fraude du géant du textile Roger De Clerck (Beaulieu) traîne depuis plus de 18 ans et il ne semble pas que cela aboutira à une condamnation, étant donné que le « délai raisonnable » est dépassé. Toutefois, lors d’une grève sur l’implantation-Beaulieu de Wielsbeke, tout a pu aller très vite : en un rien de temps, des huissiers ont été mobilisés pour casser la grève. Il est frappant de voir comme la justice belge peut se montrer rapide et efficace lorsqu’il s’agit de casser une grève.

    Auparavant, les matraques des gendarmes s’occupaient de la dispersion des piquets. Il semble que cela n’était pas assez douloureux et c’est sans doute pourquoi, à présent, les grévistes se voient infliger des astreintes astronomiques. C’est ainsi que les patrons foulent aux pieds des accords pris par le passé… En 2002, un soi-disant «accord de parole» a été conclu, dans lequel les employeurs s’engageaient à ne plus procéder à des requêtes unilatérales contre les grévistes. Ces dernières semaines, nous avons malheureusement constaté de nombreuses fois que les patrons sont loin d’être des «gens de parole».

    Pour défendre le droit à l’action collective et s’opposer à la détérioration des conditions de travail et de salaires, nous ne pouvons évidemment pas compter sur le patronat, ni sur les politiciens traditionnels, ni sur la justice. A un moment où l’on ressort Marx pour analyser la crise des capitalistes et où Daens (sponsorisé par Fortis) chante l’agression patronale, nous devons tirer une leçon : une opposition commune des syndicalistes rouges et verts peut offrir un contrepoids.

    Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. Au niveau syndical, sous forme d’actions de protestation massives, il est possible d’arrêter 30 personnes mais 300 ou 3000 ? Au lieu d’engager le combat entreprise par entreprise, il est nécessaire de faire preuve de solidarité. Pour construire un rapport de force, il nous faut aussi mener le combat sur le terrain politique. L’expérience que nous tirons de la politique gouvernementale ainsi que du manque d’opposition nous apprend qu’il ne faut pas compter sur le PS ou le Spa ni sur Ecolo ou Groen. Aujourd’hui, ce n’est pas aux piquets de grève que l’on trouve les « socialistes » mais bien dans les conseils d’administration de Carrefour (Willy Claes), Ethias (Steve Stevaert), Dexia (Patrick Janssens et Frank Beke), BIAC (Luc Van Den Bossche)… Il y a nécessité d’un nouveau parti politique qui reprenne, défende et soutienne les exigences syndicales pour engager le combat aux côtés des travailleurs.

  • “A travail égal, salaire égal!” La grève des femmes de la FN de Herstal

    1966 (16 février – 8 mai)

    Le 16 février 1966 éclatait une grève qui allait devenir historique : celle de 3.000 ouvrières de la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre (FN) de Herstal. Cette grève est devenue historique pour deux grandes raisons :

    1. Les grèves de femmes sont rares : celle de la FN fut la plus importante, car elle a duré 12 semaines, elle fut massivement suivie du début à la fin, elle s’est concrétisée dans un slogan (“A travail égal, salaire égal !”) pouvant être repris par toutes les femmes travailleuses et elle s’est terminée par une victoire (même si celle-ci ne fut que partielle)

    2. Elle a eu lieu à un moment charnière : 5 ans après la grande grève de l’hiver 60-61 contre la Loi unique (1 million de travailleurs au moment le plus fort de la grève) et 2 ans avant Mai ’68 qui a permis la relance d’un nouveau mouvement féministe dans la jeunesse. La grève de la FN a donc été marquée par la combativité issue de 60-61 et elle a servi de référence pour les toutes les femmes qui voulaient défendre et étendre leurs droits dans les années qui suivirent.

    Jean Peltier

    Quarante ans après, certaines idées fausses se sont parfois développées quant à cette grève, notamment l’idée que ce fut la première grève des femmes en Belgique et que cette lutte s’était heurtée à l’opposition des ouvriers.

    La revendication “A travail égal, salaire égal !” et le mouvement ouvrier

    Pendant la première phase de développement du capitalisme industriel en Belgique (1800-1870), les femmes et les enfants sont massivement intégrés à la production dans des emplois non qualifiés, surexploités et sans droits. Vers 1860, les femmes représentent 35% de la main-d’oeuvre, non qualifiée et surexploitée: le salaire d’une ouvrière représente en moyenne la moitié du salaire d’un manoeuvre masculin adulte. En 1900, après que la bourgeoisie ait décidé de “reconstruire” la famille ouvrière, les femmes représentent encore 26% de la main-d’oeuvre.

    Durant tout le 19e siècle, la grande majorité des hommes – les bourgeois mais aussi les prolétaires – ont une vision profondément sexiste, marquée par la religion : les femmes sont inférieures aux hommes, leur faiblesse est naturelle, leur place est à la maison pour s’occuper de l’entretien de la famille et des enfants.

    La création en 1885 du Parti Ouvrier Belge (l’ancêtre du PS) représente un grand pas en avant : la Charte de Quaregnon affirme que “le parti ouvrier est le représentant non seulement de la classe ouvrière mais de tous les opprimés sans distinction de nationalité, de culte, de race ou de sexe”. Le POB lutte donc pour l’égalité civique et le suffrage universel pour tous. Néanmoins, la position dominante au sein du parti reste que la place naturelle de la femme est au foyer pour s’occuper du ménage et des enfants. Mais comme on est encore loin de cette situation idéale (!) et que les femmes doivent travailler, il est juste que, à travail égal, elles touchent un salaire égal. L’objectif central reste pourtant que le salaire de l’homme devienne suffisant pour pouvoir se passer du travail de la femme et lui permettre de retourner à la maison.

    Après la 1ère guerre mondiale, le travail des femmes se développe en tant qu’employées dans les bureaux des usines et dans les administrations. L’agitation sociale grandit, les travailleurs obtiennent la journée des 8 heures et des hausses de salaires. Les femmes participent aux mouvements de grève et les premières grèves de femmes ont même lieu, notamment celles des ouvrières polisseuses sur métal de Liège et Herstal en 1920, des vendeuses de grands magasins en 1920 aussi et, en 1922, celles des ouvrières du textile à Verviers (qui dure 5 mois!).

    Le mouvement syndical (qui reste totalement dominé par les hommes) revendique “A travail égal, salaire égal” mais ne fait que très peu d’efforts pour imposer cette revendication dans la réalité. La patronat finit par accepter – en théorie – cette idée mais il la contourne dans la pratique, en imposant des petites différences entre les postes et les opérations de travail entre hommes et femmes qui font qu’il n’y a presque jamais de travail égal… et donc pas de salaire égal !

    Après la 2e guerre mondiale, les nouvelles institutions internationales comme l’O.N.U. et l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.) inscrivent dans leurs principes l’idée “A travail égal, salaire égal”. En 1957, le Traité de Rome, qui crée le Marché Commun (l’ancêtre de l’Union européenne) entre six pays dont la Belgique, reprend lui aussi le principe “A travail égal, salaire égal” dans son article 119. Bien entendu, ce principe n’est mis en oeuvre nulle part, mais l’application de l’article 119 deviendra la revendication centrale des ouvrières en grève de la FN.

    Pour le patronat belge, la revendication de l’égalité salariale entre hommes et femmes est un “luxe impossible”. Les arguments pour justifier cela sont déjà les mêmes que ceux qu’on entend à tout moment aujourd’hui : la concurrence internationale est trop forte, la mise en oeuvre du Marché Commun empêche de faire des “folies”. Pour le patronat, le salaire féminin reste un appoint et les femmes au travail sont trop instables et trop souvent absentes (maladies, accouchements, soins des enfants) pour qu’on puisse les considérer de la même manière que les hommes.

    Les femmes jouent un rôle actif dans tous les grands mouvements de grève en Belgique – en 1936, en 1950 lors de l’Affaire Royale et en 1960-61 – mais elles restent marginales dans le mouvement syndical (tant à la FGTB qu’à la CSC) tout comme dans le Parti Socialiste Belge.

    La F.N. de Herstal

    La F.N. est un fleuron de l’industrie liégeoise depuis 1886. Elle a une production variée : les armes surtout mais aussi les motos et même, pendant un temps, les autos. En 1966, elle emploie 13.000 travailleurs. C’est une entreprise florissante qui peut donc se permettre de payer des salaires élevés. Les femmes sont 3.900 à la F.N., soit 30% de l’ensemble des travailleurs. Il y a 350 employées pour 3.500 ouvrières.

    A la F.N., les ouvrières occupent le bas de l’échelle à tous les points de vue :

    – elles sont engagées comme manoeuvres spécialisées (le grade le plus bas) : elles font le gros oeuvre sur les pièces avant de les apporter aux ouvriers qualifiés (des hommes) qui font la finition.

    – elles n’ont pas suivi d’études préparatoires et apprennent donc leur métier dans l’usine;

    – leur travail se fait dans des conditions dégueulasses que montre très bien le documentaire TV (huile, bruit, manque d’hygiène, absence de vêtements de protection,…);

    – elles sont appelées les “femmes-machines” (elles ne sont que le simple prolongement de la machine qui leur dicte le rythme du travail).

    – L’encadrement est totalement masculin, du grand patron au régleur des machines en passant par les ingénieurs et les contremaîtres.

    – Les femmes n’ont aucun espoir de promotion : la F.N. organise des formations qui sont officiellement ouvertes à tous, hommes et femmes, mais réservées à ceux qui ont ont suivi à l’école des cours techniques de mécanique (ce qu’aucune femme n’a fait !).

    – Les inégalités salariales sont criantes : l’ouvrier le moins qualifié qui entre à la F.N. est payé directement en classe 4 et peut régulièrement progresser; par contre, les femmes se répartissent dans les classes 1 à 3 et ne peuvent espérer monter plus haut puisqu’elles ne suivent pas les formations internes à la F.N. !

    – enfin, dans la vie syndicale de l’entreprise, les femmes restent sous-représentées : si elles représentent 30% de la main-d’oeuvre, il n’y a que 6,5% de déléguées à la FGTB et 9% à la CSC.

    Chronologie de la grève des femmes de la F.N.

    8 nov. 65 : Début des discussions au niveau national pour l’établissement d’une nouvelle convention qui doit réduire les différences salariales entre hommes et femmes dans le secteur du métal. Le patronat fait traîner les négociations. A la FN, la direction refuse toute négociation dans l’entreprise tant qu’un accord national n’est pas signé.

    Janvier 66 : Nombreuses réunions syndicales dans l’entreprise sur le thème “A travail égal, salaire égal”. Le mécontentement augmente.

    9 février : Débrayage spontané des femmes. Après avoir tenu une assemblée où les délégations syndicales promettent de faire pression sur la direction de l’usine, elles acceptent de reprendre le travail.

    16 février : Après une assemblée syndicale où les délégations annoncent que la direction ne veut pas bouger, les femmes partent spontanément en grève contre l’avis des délégués. Les hommes manoeuvres (les moins bien payés) touchant 32 francs l’heure et les femmes 25 francs, elles réclament 5 francs/heure d’augmentation. Les femmes présentes à l’assemblée font le tour de l’usine pour lancer le mouvement. 3.000 ouvrières partent en grève.

    17 février : 1ère assemblée générale de la grève. 3.000 femmes partent en cortège de l’usine, jusqu’à la salle de réunion. Les permanents syndicaux demandent la suspension de la grève mais les femmes refusent. 1.000 ouvriers sont déjà en chômage.

    18 février : Un accord national est signé : il ne garantit que 1 franc/heure d’augmentation.

    19 février : La direction de la FN refuse d’aller plus loin que l’accord national.

    21 février : 2e assemblée générale. Les directions syndicales commencent à reprendre le mouvement en main. Ils reconnaissent la grève et dénoncent la présence d’éléments indésirables qui n’ont rien à voir avec la F.N. en visant les militants extérieurs à l’usine du Parti Communiste de Belgique (le PC officiel, pro-soviétique), du Parti Communiste Wallon (une scission du PCB, pro-chinoise) et du Parti Wallon des Travailleurs (scission de gauche du PSB dans lequel militent les trotskistes). Des ouvrières des ACEC à Herstal et de Schreder à Ans partent en grève en solidarité. Après l’AG, les ouvrières les plus combatives et les plus méfiantes vis-à-vis de l’appareil syndical, appuyées par le PCW, constituent un Comité d’Action pour élargir la grève et appeler à la solidarité. 28 février :

    3e assemblée générale : les directions syndicales affermissent leur contrôle sur la grève. Elles font voter la création d’un Comité de Grève de 24 femmes (18 FGTB et 6 CSC), moins pour diriger la grève (ce sont les permanents qui conservent l’essentiel des contacts avec la direction de la FN et les instances syndicales nationales) que pour éliminer les influences plus à gauche, comme le Comité d’Action. 3.000 ouvriers sont en chômage. Les premiers versements de solidarité avec la grève arrivent.

    Début mars: Une pétition de solidarité des hommes avec les ouvrières en grève circulent. La majorité de travailleurs de l’entreprise – encore au travail ou en chômage – signe cette pétition. Les syndicats et les mouvements féminins (liés au PSB, au PC et au Mouvement Ouvrier Chrétien) popularisent la grève. Le conciliateur social fait une proposition d’augmentation de 3 francs/heure en plusieurs étapes.

    3 mars : 4e assemblée générale : 2.500 ouvrières rejettent les propositions du conciliateur et votent la prolongation de la grève. Le Comité de grève est chargé de gérer la solidarité financière venant de l’extérieur et est tenu au courant de l’évolution des négociations par les syndicats. Son nombre de membres est porté à 29 et il intègre des membres du Comité d’Action dont l’influence va diminuer peu à peu.

    9 mars : 5e assemblée générale : la direction ne bougeant pas, la grève est prolongée. A la tribune se suivent interventions de solidarité de mouvements féminins et de délégations d’entreprises et lecture des premiers messages de l’étranger.

    Mars : Les difficultés financières grandissent mais la solidarité s’organise de mieux en mieux. Les commerçants offrent des produits, les délégations et les centrales syndicales organisent des collectes un peu partout, les quotidiens de gauche lancent des souscriptions de soutien, des dons arrivent de syndicats d’autres pays européens. Le Comité de Grève se réunit tous les jours pour organiser la remise d’argent et de colis aux ouvrières en grève et aux chômeurs en difficulté. Les ouvrières des ACEC-Herstal partent elles aussi en grève. Dans une autre usine de la région où les ouvrières sont parties en grève, la direction accorde une augmentation salariale substantielle aux femmes.

    21 mars : 6e assemblée générale : la direction de la FN refuse toujours de négocier des augmentations supérieures à l’accord national. La grève est prolongée. Le nombre d’ouvriers au chômage atteint 4.000 et des secteurs entiers de l’usine sont à l’arrêt. A l’assemblée, une représentante de la CGT française reçoit une ovation extraordinaire et 2.500 ouvrières chantent La Marseillaise. Le journal télévisé de la RTB évoque la grève pour la première fois (après cinq semaines de grève !).

    24 mars : Une délégation des Comités d’Action des femmes de la FN et des ACEC-Herstal se rend aux ACEC-Charleroi pour appeler les ouvrières à partir en grève (des assemblées d’ouvrières des ACEC-Charleroi réclament une grève depuis des semaines mais elles sont bloquées par les permanents syndicaux); plusieurs centaines d’ouvrières des ACEC débraient et se rendent dans les sièges syndicaux pour engueuler les permanents.

    28 mars : 7e assemblée générale : les dirigeants syndicaux liégeois dénoncent à la tribune les tentatives de la direction pour briser la grève par des informations mensongères dans la presse… et condamnent publiquement la descente du Comité d’Action à Charleroi. Pour faire baisser la tension, les syndicats annoncent une manifestation à Herstal le 7 avril. La grève continue aux ACEC-Herstal et chez Schreder à Ans. A Charleroi, les dirigeants syndicaux imposent un nouveau délai avant un départ en grève.

    Fin mars : Intense activité dans les séances parlementaires et dans les couloirs du parlement autour de la grève de la FN et des revendications d’égalité salariale hommes-femmes. Mais rien n’avance.

    7 avril : Après 51 jours de grève, une manifestation se déroule à Herstal en présence de responsables syndicaux liégeois et de quelques parlementaires de gauche. Les cas de misère se multiplient (il est fréquent que plusieurs personnes de la même famille travaillent à la FN) tandis que la solidarité continue à s’amplifier.

    12 avril : Malgré l’opposition de l’appareil syndical, les ouvrières des ACEC-Charleroi partent en grève. Un Comité d’Action des ouvrières des ACEC-Charleroi se forme à l’initiative du PCW.

    15 avril : 8e assemblée générale : des négociations reprennent avec la direction mais rien n’avance. La grève est donc une nouvelle fois prolongée.

    19 et 23 avril : La grève se termine aux ACEC, d’abord à Charleroi puis à Herstal, sur des augmentations salariales de 2 francs pour les femmes et des engagements de révision des classifications.

    25 avril : 5.000 personnes manifestent à Liège sur le slogan “A travail égal, salaire égal” : les femmes de la FN forment le gros de la manifestation mais il y aussi des délégations d’entreprises de tout le pays ainsi que des délégations des Pays-Bas et de France.

    Fin avril : 9e assemblée générale : les propositions patronales, considérées comme insuffisantes, sont rejetées. Près de 5.000 ouvriers sont en chômage technique.

    4 mai : Syndicats et direction tombent d’accord sur un accord : 2 francs/heure à la reprise du travail et 0,75 franc au 1er janvier 1967.

    5 mai : 10e assemblée générale : la bureaucratie syndicale jette tout son poids dans la balance pour faire voter l’acceptation de l’accord devant une assemblée convoquée à la hâte et moins nombreuse que d’habitude. L’accord est finalement accepté au scrutin secret par 1.320 oui et 205 non. Beaucoup de femmes acceptent cet accord du bout des lèvres parce qu’elles sont épuisées financièrement mais elles trouvent son contenu insatisfaisant.

    Après la grève : Même si la rentrée est douloureuse et que beaucoup d’ouvrières sont déçues, la combativité des femmes permettra par la suite d’obtenir de nouvelles augmentations salariales à la FN, plus importantes pour les femmes que pour les hommes. Une nouvelle grève de trois semaines en 1974 permettra l’ouverture aux femmes d’une soixantaine de fonctions qui leur étaient fermées jusque là et de nettes améliorations en matière d’hygiène et de conditions de travail.

    Traits marquants et leçons de la grève des femmes de la F.N.

    1. Dès le départ, le mouvement a été massif et uni; c’était tellement évident pour tout le monde qu’il n’y a jamais eu besoin de faire un piquet de grève pour faire respecter la grève pendant les douze semaines !

    2. Dans sa première phase, le mouvement a aussi été spontané et radical. Les appareils syndicaux ont été débordés et placés devant le fait accompli de la grève. Des militant(e)s d’extrême-gauche (PCB, PCW, PWT) ont joué un rôle important dans le déclenchement de la grève et dans l’impulsion de la solidarité. Dès le premier jour, un Comité d’Action a regroupé les militantes les plus radicales pour ne pas laisser les appareils syndicaux enterrer un mouvement qu’ils ne souhaitent pas.

    3. Débordée par le déclenchement de la grève, la bureaucratie syndicale a montré une grande intelligence tactique. Elle a reconnu la grève au bout de quelques jours (elle ne pouvait pas faire autrement!) et elle a entrepris de la récupérer en créant un Comité de Grève officiel pour réduire l’audience du Comité d’Action.

    4. Les hommes ont été fortement aux côtés des femmes dès le début de la grève (la pétition de soutien aux femmes a été massivement signée et aucun homme n’a fait le jaune en acceptant de faire le travail des femmes !). Et ils sont restés solidaires même quand la moitié d’entre eux ont été réduits au chômage technique. Le sexisme n’a pas disparu mais il a reculé fortement devant le courage et la détermination des ouvrières grévistes.

    5. La solidarité de classe a été énorme : collectes réalisées par les délégations syndicales d’entreprises, dons des centrales syndicales, collectes réalisées par les partis de gauche (des secteurs du PSB, le PCB, le PCW, le PWT) et par des mouvements féminins liés aux syndicats et aux partis de gauche,… La solidarité est même venue de commerçants et de professions libérales d’Herstal et de la région, preuve que la classe ouvrière peut polariser autour d’elle des couches populaires plus larges quand elle lutte de manière décidée. Enfin, il y a eu une solidarité importante à l’étranger (France, Pays-Bas, Allemagne, Italie) venant des mêmes mouvements (syndicaux, politiques et féminins) qu’en Belgique.

    6. Sous la pression de la combativité des femmes et malgré leur faible représentation dans les syndicats (à la FN et ailleurs), la grève a été organisée d’une manière partiellement démocratique. Les points positifs principaux ont été : des assemblées hebdomadaires où la poursuite de la grève était chaque fois discutée et mise au vote, les interventions de solidarité de délégations d’entreprises, de centrales syndicats, de mouvements féminins, l’élection d’un comité de Grève,… Mais cette organisation a rencontré des limites dues au contrôle réel exercée par la bureaucratie syndicale : les A.G. ont été dirigées par les permanents (de l’entreprise et de la régionale), les négociations nationales et avec la direction sont restées le privilège des dirigeants syndicaux, le Comité de Grève n’a pas dirigé celle-ci mais a été essentiellement cantonné à la gestion de tous les problèmes sociaux (une tâche essentielle mais limitée),…

    7. L’extension du mouvement n’a pas été facilitée par les appareils syndicaux. Le meilleur moyen de faire pression sur le gouvernement et le patronat était d’élargir le mouvement né à la FN et suivi par les ACEC et Schreder par un appel à la grève dans d’autres entreprises à forte proportion de femmes. Les bureaucraties syndicales de Liège n’ont pas suivi cette orientation. Pire encore, l’appareil des métallos FGTB de Charleroi (soumis au PSB) a tout fait pour empêcher la grève aux ACEC-Charleroi (et la casser une fois qu’elle a eu démarré). Les ouvrières de la FN se sont donc trouvées très seules dans un conflit qui n’aurait sans doute duré douze semaines si les syndicats avaient élargi rapidement le mouvement.

    8. Les deux manifestations sont venues très tard : celle de Herstal après 7 semaines et celle de Liège après 10 semaines ! Et encore, les syndicats n’ont organisé la manif de Herstal que parce que les femmes les plus combatives essayaient d’étendre le mouvement par elles-mêmes (en envoyant des délégations à Charleroi) et qu’il fallait détourner l’énergie des ouvrières vers quelque chose de moins dangereux pour la bureaucratie. De plus, les syndicats n’ont pas essayé de mobiliser massivement pour ces deux manifs (5.000 personnes à Liège pour une manifestation de solidarité avec une grève qui dure depuis dix semaines, c’est très peu).

    9. Les mouvements féminins ont joué un rôle positif en élargissant la solidarité et en menant une campagne idéologique bienvenue contre les idées réactionnaires telles que “la place de la femme est au foyer et pas en usine” ou “le salaire de la femme n’est qu’un salaire d’appoint” encore bien vivantes chez les hommes (et même chez une partie des femmes !) à l’époque. Mais, étroitement liés au PSB et aux syndicats, ces mouvements féminins n’ont pas pu, ni voulu remettre en cause la direction exercée par les bureaucraties syndicales.

    10. Les “petits” partis de la gauche radicale (quelques centaines de membres tant au PCW qu’au PWT, c’est plus de membres et surtout plus de travailleurs membres qu’au PTB et au MAS aujourd’hui !) ont joué un rôle actif et positif pour développer la solidarité mais aussi l’initiative autonome des femmes. Mais le sectarisme stalinien du PCW l’a souvent isolé dans l’action.

    11. La combativité des femmes de la FN a été extraordinaire et la solidarité a montré qu’un large courant dans la classe ouvrière se reconnaissait en elles et était prêt à les soutenir. Ce qui a manqué pour que leur combat se termine par une victoire éclatante plutôt que par une demie-victoire, c’est, comme souvent, l’existence d’un courant syndical combatif solidement organisé et d’un parti révolutionnaire implanté dans les entreprises qui auraient pu les aider à contrer le réformisme et le contrôle pesant de la bureaucratie syndicale et du PS sur le mouvement ouvrier.


    Pour en savoir plus :

    – “La grève des femmes de la FN en 1966” un livre de Marie-Thérèse COENEN paru en 1991 aux éditions Pol-His du CRISP (il est toujours disponible en librairie)

    – “La première grève féminine d’Europe. les leçons de la grève de la FN”, article paru dans le numéro d’octobre 1966 de “Lutte de Classe”, la revue de la section belge de la Quatrième Internationale (voir Francine pour plus de renseignements)

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