Tag: NVA

  • Vers un gouvernement fédéral sans la N-VA ?

    Dans le cadre des négociations menées par l’informateur, Paul Magnette, il n’y a toujours pas de discussion officielle sur une éventuelle coalition. Dans les médias, la discussion est sortie du cadre stérile ‘‘PS et N-VA doivent se retrouver’’. Alors que le choix entre les deux options – violette-jaune ou arc-en-ciel – divise les deux candidats du second tour à la présidence du MR (Bouchez et Ducarme), Mathias De Clercq, Bourgmestre Open-VLD de Gand, défend ouvertement une coalition arc-en-ciel dans une carte blanche du Standaard (8 novembre).

    Par Anja Deschoemacker

    Magnette déclare avec optimisme : ‘‘Un véritable dialogue a commencé’’ (De Standaard, 19/11), faisant état d’un ‘‘consensus croissant’’ dans le domaine de la justice, sur l’augmentation des pensions les plus basses et du taux d’emploi et sur la nécessité de maîtriser le déficit budgétaire croissant.

    Le fait qu’il souligne l’importance de la société civile – encore une fois fortement attaquée par le gouvernement flamand – indique clairement qu’il va dans le sens d’un gouvernement sans la N-VA. Un gouvernement arc-en-ciel serait majoritaire au parlement, même si ce n’est qu’avec un seul siège.

    Querelles chez les Bleus

    Aucun des deux candidats à la présidence du MR n’est issu de l’aile sociale-libérale du parti. Leur duel semble pourtant se dérouler entre une ligne de droite dure (Georges-Louis Bouchez) proche d’une coalition violette-jaune, et une ligne de centre-droit (Denis Ducarme) plus proche de l’arc-en-ciel.

    Ainsi, dans une double interview dans Le Soir, Bouchez avançait que les pensions des fonctionnaires devaient être réduites pour augmenter celles des indépendants. Ce à quoi Ducarme répondait que Bouchez menaçait d’isoler le MR avec une telle proposition: ‘‘Sur un sujet aussi sensible (…) il est prématuré de donner des signaux qui seront considérés comme courageux par une série de catégories sociales’’.
    Ces discussions ressemblent à celles qui divisent l’Open-VLD entre d’une part ceux qui soutiennent l’appel de De Clercq en faveur de l’arc-en-ciel (le clan Verhofstadt, par exemple) et la droite dure incarnée par des personnalités telles qu’Alexander De Croo et le leader de la fraction parlementaire Egbert Lachaert.

    CD&V : Quels liens avec le mouvement ouvrier chrétien ?

    En novembre, plusieurs personnalités du mouvement ouvrier chrétien flamand (ACW) se sont ouvertement prononcées contre la violette-jaune et contre l’actuel accord de la coalition de droite en Flandre. Ces derniers mois, Luc Van Gorp, Président national de la mutualité chrétienne, et Marc Leemans, Président national de la CSC, ont tous deux fait des déclarations soulignant la distance entre leurs mouvements respectifs et le CD&V.

    Dans De Gids (magazine de Beweging.net, l’ACW), Peter Wouters (Président) et Sandra Rosvelds (Cheffe du bureau d’études) déclarent qu’il est ‘‘troublant’’ de voir ‘‘comment dans chaque domaine politique la société civile est mise sous pression’’. Et aussi ‘‘Ceux qui sont critiques, paient la note dans la société civile. Qui plus est, nous craignons que ce ne soit aussi l’intention sous-jacente.’’ Une carte blanche au nom personnel de Renaat Hanssens (Bureau d’études de la CSC) dans De Standaard du 18/11 répond à l’opinion exprimée par Eric Van Rompuy qu’une coalition arc-en-ciel/orange serait ‘‘trop à gauche’’ : ‘‘Lors de la coalition précédente le CD&V a choisi une coalition très à droite (…). Cela a mené à un affrontement quasi permanent avec le syndicat chrétien, à l’aliénation d’une partie importante de la base et à une défaite électorale historique. Et maintenant, le parti opte pour… remettre le couvert’’.

    Le 21 novembre, l’hebdomadaire Knack rapportait que des sources au sein du CD&V indiquent que le parti est prêt à abandonner sa résistance à ‘‘l’arc-en-ciel’’. L’extension de l’arc-en-ciel au CD&V ajouterait 12 sièges; le CDH en apporterait 5 autres.

    L’avertissement de la Commission européenne est clair : ‘‘l’arc-en-ciel’’ sera aussi un gouvernement d’austérité

    L’avertissement que la Belgique a reçu de la Commission européenne dissipe les illusions de tous les gouvernements régionaux – flamand, bruxellois et wallon – qui voudraient considérer certaines dépenses comme ‘‘hors du budget’’. La Belgique ne serait pas éligible à la ‘‘flexibilité des investissements’’ (Le Soir, 21/11), ce qui ‘‘n’encourage pas’’ les efforts de Magnette pour aboutir à un gouvernement de centre-gauche progressiste.

    Lutte Socialiste ne s’est jamais fait d’illusions : la description que fait Geert Bourgeois du PS comme un parti avec des ‘‘recettes d’extrême gauche’’ vient d’une autre planète. Le PS n’a pas été le défenseur des revendications de la classe ouvrière depuis des décennies. Plutôt que d’être fondamentalement différent des autres partis traditionnels, il tente de limer les contours les plus tranchants de la politique d’austérité pour planter à travers la gorge du mouvement ouvrier l’exigence de la bourgeoisie belge de démantèlement de l’État-providence.

    Au sein des syndicats, les délégués combatifs n’ont pas à déposer les armes, bien au contraire. Si un gouvernement arc-en-ciel/orange est formé, les miettes que le mouvement ouvrier ramasserait d’une part ne serviront qu’à voler des morceaux entiers du gâteau d’autre part. Seules des luttes de masse dans la rue et dans les entreprises peuvent arracher de véritables réformes progressistes et empêcher une nouvelle destruction de l’État-providence – dont il ne reste que peu de choses. Le message est le suivant : Pas d’illusions ! Et préparons-nous à la bataille !

  • Comment la N-VA peut-elle garder son poids électoral avec sa politique antisociale?

    Jusqu’ici, à en croire les sondages, la participation au pouvoir n’a pas encore discrédité la N-VA. C’était pourtant l’un des objectifs des partis capitalistes classiques et des grands patrons pour le gouvernement Michel. Leur objectif était de ramener ce parti pas tout à fait fiable à de plus justes proportions. Entretemps, tout ce que pouvait rapporter un gouvernement aussi ouvertement de droite était toujours bon à prendre. C’est alors que l’arrogance du petit patron qui estime ne devoir tolérer aucune opposition syndicale a déferlé sur nous tous.

    Par Peter Delsing

    Les populistes de droite allaient-ils tenir debout avec leur rhétorique de division et leur avalanche d’austérité? Malgré une résistance sociale massive? Malgré l’opposition de l’opinion publique à l’augmentation de l’âge de la pension et au saut d’index ? En théorie, on aurait pu croire que ‘‘l’opposition de gauche’’ actuelle en Flandre, le SP.a et Groen, allaient saisir la situation les doigts dans le nez, mais compte tenu de leur opposition tiède à l’austérité, dont ils ne rejettent pas le principe et qu’ils ont appliquée lorsqu’ils étaient au pouvoir, et de leur approche purement moraliste de la question des migrants, ils ne menacent pas véritablement De Wever.

    À la fin de l’été, alors que les réfugiés attiraient toute l’attention, la N-VA semblait repoussée dans les sondages, principalement au bénéfice de l’extrême-droite du Vlaams Belang. De Wever a réagi consciemment avec des déclarations visant à positionner la N-VA. Il ne s’est pas soucié du respect de la Conventions de Genève et a défendu l’instauration d’une sécurité sociale distincte pour les demandeurs d’asile. Les six millions d’euros que les demandeurs d’asile reçoivent comme allocations familiales ne sont que des miettes en comparaison des milliards d’euros que les patrons et les actionnaires reçoivent en cadeau chaque année (voir article ci-dessus). Mais accuser les demandeurs d’asile de tous les péchés au monde a l’avantage de détourner l’attention des vrais pillards de la sécurité sociale: les riches et leurs amis politiques, N-VA en tête.

    Reprendre des idées du Vlaams Belang et ensuite titiller par ce biais les autres partis bourgeois, ça a marché. La N-VA est revenue à 31% dans les sondages. Ce qui avait été perdu du fait de la politique antisociale a été récupéré en se profilant de manière plus radicale comme le champion de l’égoïsme afin de mobiliser les incertitudes des classes moyennes en faveur de ‘‘solutions radicales’’. Même certains travailleurs s’y sont laissé prendre.

    Cela s’explique principalement en raison de la faiblesse de la gauche officielle. Si cette dernière ne parvient pas à marquer des points avec ce gouvernement antisocial, quand cela se produira-t-il? Hélas, le PTB/PVDA s’est orienté vers ses partis pour devenir ‘‘la gauche des partis de l’austérité’’ plutôt que de construire un front anti-austérité de principe avec les courants de gauche, les syndicalistes combattifs, la jeunesse radicalisée, les activistes de la société civile,…

    Quoi qu’il en soit, les 100.000 manifestants du 7 octobre peuvent allumer la mèche de la résistance sociale, et pas seulement sur leur lieu de travail. Imaginez que ces 100.000 syndicalistes et progressistes poussent la discussion au-delà de leur entreprise, qu’ils s’organisent politiquement à l’échelle de leur ville et nationalement ! Avec un parti de lutte large au fonctionnement démocratique et avec un programme qui défend les intérêts de notre classe sociale avec acharnement, nous pourrions commencer à sérieusement contrer la rhétorique de la classe dominante.

  • ‘‘Waarom twijfelen aan’’ Une critique bienvenue de la N-VA

    Dans ce livre (qui pourrait être traduit par ‘‘Pourquoi douter’’, mais qui n’est hélas pas (encore?) disponible en français , NDLR), Sven Naessens livre une masse d’arguments bien utiles sur le modèle de pauvreté proposé par la N-VA, que ce soit pour des discussions entre collègues ou au café.

    Par Geert Cool

    L’approche est parfois prudente – devons-nous vraiment justifier que nous n’avons rien personnellement contre De Wever & Co ? Est-ce si évident ? – mais ce départ en douceur ne porte pas atteinte à la critique acerbe du programme antisocial défendu par la N-VA. Et c’est peut-être en effet utile de directement parer aux critiques personnelles, ce qui fut l’angle d’attaque de Liesbeth Homans, proche de De Wever, contre le livre ‘‘Thatcher aan de Schelde’’ (Thatcher à l’Escaut) de Jan Vrancken. En jouant ainsi, la N-VA essaye d’éviter toute discussion sur le contenu.

    J’ai particulièrement trouvé à propos les passages consacrés au programme socio-économique de la N-VA et à la réalité néolibérale d’aujourd’hui. Alors que l’élite de super-riches ne cesse de s’enrichir (le livre rappelle qu’Oxfam a publié que 85 personnes sur terre possèdent aujourd’hui autant que la moitié la plus pauvre de l’Humanité), la grande majorité de la population voit ses moyens décliner. De nombreux besoins de base restent insatisfaits faute de moyens, mais quand les marchés financiers entrent en eaux troubles, des centaines de milliards issus des caisses de la collectivité leur sont envoyés. ‘‘Mille milliards injectés dans quelque chose qui ne sait plus tenir debout, on appelle ça le marché libre, en criant sur le même temps ‘‘Il n’y a plus d’argent’’ Cela ne pouvait conduire qu’à des soulèvements en Europe.’’

    Ce livre accuse à hauts cris l’écart croissant entre riches et pauvres, et explique que cet écart est devenu simplement plus gigantesque encore avec la crise. La politique défendue par la N-VA ne va faire qu’exacerber ce processus. Entre 1996 et 2011, les réductions d’impôt pour le patronat ont augmenté de 283%, mais les néolibéraux en veulent plus. Sven se demande – à juste titre – combien d’emplois auraient pu être créés en utilisant tout cet argent. Les néo-libéraux des différents partis n’ont que des sacrifices à nous offrir au niveau de nos salaires directs et indirects, mais pour eux, le ciel est sans limites. Sven expose au grand jour la nature profonde de la N-VA, un parti qui ne sait regarder qu’aux intérêts des riches. Pourquoi par exemple la N-VA garde-t-elle le silence sur les fraudes diamantaires à Anvers alors que ses dirigeants ne savent pas commander un café sans parler de la ‘‘fraude sociale’’ des chômeurs ?

    Mais je n’approuve pas certains arguments ou suggestions, qui ne vont parfois pas assez loin. Appliquer une taxe des millionnaires sans contrôle public sur le secteur financier entier (pour éviter la fuite des capitaux par exemple) peut conduire à un résultat inefficace, comme en France. La Corporation Mondragon, en Pays Basque, apparaît également comme un exemple de la manière dont les choses peuvent être différentes. Le modèle des coopératives nous démontre en effet que les patrons ne sont pas nécessaires, mais dans le cadre d’un système capitaliste, les limitations restent énormes. Dans quelle mesure pouvons-nous faire face, par exemple, à la spirale à la baisse des salaires et des conditions de travail ? Mondragon a également ouvert des usines en Chine pour y profiter des bas salaires et éviter de procéder à des licenciements dans son propre personnel en Pays Basque. N’est-ce pas une illustration frappante des limites du modèle ?

    Dans la résistance contre la droite et la domination des idées néolibérales, renforcée par l’essor de la N-VA, nous avons besoin de critiques bien fondées telles que celles que l’on trouve dans ce livre. Mais la gauche se doit d’être plus offensive : une gauche décomplexée contre une droite décomplexée! Diminution collective du temps de travail avec embauches compensatoires et sans perte de salaire, augmentation du salaire minimum à 15 euros de l’heure, salaire minimum de 1.500 euros par mois, collectivisation du secteur financier et d’autres secteurs clés de l’économie (énergie, sidérurgie,…), gratuité et extension des transports en commun,… nous avons suffisamment de réponses concrètes à apporter en lien avec les besoins réels de la population et capables de constituer un pont vers une alternative socialiste à ce système capitalisme malade.

  • De l’intérêt de la crise politique pour le mouvement ouvrier – Un regard réellement socialiste sur la crise politique persistante

    La tentative de conciliation de Vande Lanotte était qualifiée de tantième ”négociation de la dernière chance”. A nouveau, aucun accord n’a été obtenu, mais il apparaissait en même temps qu’il ne s’agissait pas de ”la dernière chance” non plus. Les négociations continuent sous la direction de Vande Lanotte, avec De Wever et Di Rupo, et de nouveaux pourparlers ”cruciaux” vont suivre. Le gouvernement en affaires courantes sous la direction d’Yves Leterme a entretemps reçu du Roi la demande d’élaborer un budget pour 2011 avec un déficit plus bas que prévu.

    Texte d’Anja Deschoemacker au nom du Bureau Exécutif du PSL

    L’homme et la femme de la rue ne savent plus que penser. La dépression, le cynisme et surtout le défaitisme sont aux prises avec le fou rire, bien que ce soit un rire jaune. Entretemps, les institutions internationales, y compris les institutions de crédit, commencent en avoir assez. Les journaux sont remplis d’articles consacrés à la menace issue des marchés financiers. Selon le bureau de recherche du marché CMA, le risque d’une faillite de la Belgique a considérablement monté au cours du dernier trimestre, jusqu’à atteindre 17,9% (site web du quotidien flamand De Tijd, 10 janvier 2011). Avec cela, notre pays occupe aujourd’hui la 16e place des pays à risque, contre la 53e il y a neuf mois.

    Cela doit être fortement nuancé. Même si la crise politique et l’absence d’un gouvernement stable attire évidemment l’attention et peut donner des idées aux spéculateurs, il est insensé de mettre la Belgique au même niveau que la Roumanie, comme fait le CMA. Ceci étant dit, il est évidemment correct de dire que le taux d’intérêt croissant que la Belgique doit payer sur ses emprunts coûte une masse d’argent, certainement au vu du fait que les intérêts que paie notre pays sur sa dette d’Etat représentent aujourd’hui déjà à peu près 11% du PIB.

    Si ces éléments sont actuellement très fortement mis en avant dans les médias et si les dangers sont encore souvent exagérés, c’est surtout afin de mettre pression sur les partis impliqués dans les négociations pour enfin conclure un accord et former un gouvernement. Si la NVA ne peut pas y être poussé, même pas quand la crise financière frappe à nouveau, cela constituera la donnée devant servir pour gouverner sans la NVA, car la NVA ne veut pas gouverner et ”nous ne pouvons pas entretemps voir sombrer le pays”.

    Au vu du fait que la Flandre – et donc aussi la Belgique – risque de devenir ingouvernable si les partis traditionnels perdent encore du soutien électoral et que la NVA l’emporte encore, la pression des marchés financiers et des institutions internationales va devoir être très grande avant que le CD&V ne soit prêt. Ce parti qui a durablement été le plus grand parti du pays, le meneur de jeu ultime, est aujourd’hui dans une situation où son existence même est menacée. C’est l’explication principale de son comportement capricieux.

    Le CD&V dit “non, sauf si” – ou était-ce quand même ” oui, mais”?

    Après la déclaration de Wouter Beke selon laquelle le CD&V ne voulait pas se mettre autour de la table avec les sept partis sur base de la note de Vande Lanotte, sauf si des adaptations fondamentales sur des points essentiels étaient préalablement adoptés, la confusion a totalement éclaté. Le bureau du CD&V aurait décidé de dire ”oui, mais” (selon Torfs et Eyskens), mais le G4 du parti (Kris Peeters, Yves Leterme, Steven Vanackere et Wouter Beke) aurait modifié cette décision après que des contacts aient eu lieu avec la NVA pour dire ”non, sauf si”. Wouter Beke a clairement été surpris des réactions et surtout de la décision de Vande Lanotte de démissioner. C’est du poker à haut niveau…

    Et en première vue, cela semble avoir marché. Vande Lanotte peut maintenant quand même continuer à négocier, bien qu’accompagné de deux ”belles mère”: De Wever et Di Rupo. Qu’il n’y ait maintenant aucune garantie que ce triumvirat ne parvienne à quelque chose, pour le dire le plus doucement que possible, peut être clair au vu des premières réactions. Tant la NVA que le CD&V voudraient maintenant emprunter un chemin où moins de thèmes seraient discutés, mais où les réformes concernant ces sujets seraient plus profondes. Le socio-économique est évident mais, pour la NVA, cela signifie par exemple de revendiquer la scission de toute la politique du marché de l’emploi. Les réactions du CDH, du PS et d’Ecolo ont clairement été ”non!” Le CD&V s’oppose d’ailleurs lui aussi à une scission de la sécurité sociale et de l’Onem, ce parti est aussi sous pression de l’ACW (le Mouvement Ouvrier Chrétien en Flandre) et de l’ACV (la CSC en Flandre) qui s’y opposent également.

    Le CD&V et la NVA veulent plus de responsabilisation des gouvernements régionaux et des adaptations dans la note sur Bruxelles, où joue surtout la veille contradiction entre régions et communautés. L’existence de ces deux structures est une exemple typique de ce qu’on appelle le compromis belge : les communautés ont étés créés sur demande de la Flandre qui voulait mener une politique culturelle propre (la Communauté Germanophone utilisant ce développement pour pouvoir elle aussi disposer de compétences communautaires), les régions ont étés créés sur demande de la Wallonie pour pouvoir mener sa propre politique économique. Les deux s’imbriquent et entraînent une structure d’Etat très compliquée.

    Pour les politiciens flamands, les communautés sont les plus importantes. C’est pour cela que les politiciens et les journalistes flamands parlent tout le temps de deux ”Etats régionaux” et que des propositions reviennent pour que Bruxelles soit gérée à partir de la Flandre et de la Wallonie. Ils nient donc que la création d’une Région de Bruxelles a créé une nouvelle réalité qu’on ne peut pas simplement éviter et que l’application d’un Bruxelles géré par les communautés peut conduire dans la capitale à de grandes différences, et même à une politique de séparation. Ils laissent aussi de côté le fait qu’à peu près la moitié de la population bruxelloise ne se considère comme faisant partie ni d’une communauté, ni de l’autre.

    Pour les politiciens francophones, les régions sont la structure de référence, de manière à ce que deux régions (la Wallonie et Bruxelles) se retrouvent face à la Flandre, ce qui renforce évidemment leur position. Ils refusent le développement de ”sous-nationalités” à Bruxelles, ce avec quoi le PSL est d’accord, mais ils passent à côté de la réalité historique que les Flamands ont dû se battre pour avoir, par exemple, le droit à un enseignement néerlandophone, car les compromis qui étaient conclus à ce sujet avant la création des communautés n’ont jamais été réellement appliqués et la politique visant à repousser le néerlandais et à privilégier le français continuaient tout simplement.

    Maintenant que des nouveaux compromis doivent être conclus, ces vielles contradictions continuent à jouer parce que les compromis du passé n’ont pas résolu l’affaire, mais l’ont seulement temporairement ”concilié”.

    Est-ce que ça va finir un jour?

    Les partis francophones ont évidemment tous négativement réagi face au refus du CD&V et de la NVA de se remettre autour de la table à sept. Car eux aussi veulent des adaptations à la note de Vande Lanotte, mais en direction inverse. Ecolo a déclaré être d’accord pour continuer de négocier autour de cette note, avec des amendements, mais le PS et le CDH ont attendu jusqu’aux déclarations du CD&V et de la NVA pour laisser entendre un ”oui, mais”. Le découragement monte : est-ce qu’un accord finira par arriver un jour ?

    Dans sa première déclaration après l’échec de la note Vande Lanotte, Elio Di Rupo a créé une ouverture envers le MR. Cette ouverture a été de suite refermée – les propositions du MR de travailler sur base de l’article 35 de la constitution et de commencer à discuter sur ce que nous voulons encore faire ensemble à partir d’une feuille blanche n’ont pas aidé Reynders à se réimposer – mais c’était un manœuvre tactique importante. En fait, Di Rupo disait ainsi que le PS n’est pas seulement préparé à fonctionner avec la NVA dans un gouvernement qui est de centre-gauche pour le reste, mais également au sein d’un gouvernement de centre-droit. La NVA a fait savoir auparavant qu’elle préférait impliquer les libéraux afin de pouvoir mener une politique sociale (plus) à droite.

    La NVA a aussi laissé savoir qu’elle était en faveur d’une augmentation des compétences pour le gouvernement sortant et être préparée à donner un soutien de tolérance à plusieurs mesures budgétaires, entre autres autour du dossier du droit d’asile et de l’immigration, ce qu’ils avaient déjà proposé à Leterme en octobre. Il est donc clair que pour la NVA, un gouvernement de (centre) droit est un objectif important, un objectif qu’on ne sait pas obtenir sans les partis libéraux comme tant les sociaux-démocrates que les chrétiens-démocrates, et dans une moindre mesure les verts, sont gagnés à l’idée d’une politique d’austérité socialement emballée et accompagnée au lieu d’une thérapie de choc qui conduirait sans doute à une lutte du mouvement ouvrier. Mais il est très clair qu’avec le MR, il serait encore beaucoup plus difficile d’arriver à un accord autour du dossier symbolique par excellence – la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde – au vu des intérêts électoraux du MR/FDF dans la périphérie de Bruxelles. Si Vande Lanotte échoue à nouveau, une tentative de formation d’un gouvernement de centre-droit sans les verts et avec les libéraux n’est pas exclue.

    La pression sur la NVA augmente aussi dans les médias flamands, et il est clair que ce parti constitue un obstacle sérieux pour parvenir à la formation d’un gouvernement. Mais est-ce qu’il y a la possibilité d’arriver à un accord, avec ou sans la NVA ? Les commentaires dans les médias sur les contradictions de la note de Vande Lanotte montrent qu’il s’agit des même qu’il y a trois ans : la responsabilisation des gouvernements régionaux et la place des Communautés à Bruxelles face à celle de la Région.

    Dans le passé, ces contradictions ont toujours été – temporairement – conciliées dans les structures belges sur base de compromis où chaque côté recevait partiellement ce qu’il voulait en échange de concessions de l’autre côté. Cette tradition de compromis – pas seulement sur la question nationale et la langue, mais aussi en conciliant les contradictions entre travail et capital et celles entre les piliers catholiques et laïque – fait que la politique en Belgique est fortement caractérisée par le pragmatisme.

    En Belgique, tous les commentateurs disent unanimement : ”la politique c’est l’art de faire des compromis”. Les coalitions sont ici la forme gouvernementale traditionnelle. Participer aux coalitions était déjà l’objectif du Parti Ouvrier Belge avant la Première Guerre Mondiale (sur le plan communal), et toutes les forces flamingantes ou régionalistes wallonnes ou bruxelloises ont dans le passé été prises dans des coalitions, une récompense pour leur volonté de compromis.

    Maintenant, il semble que la NVA ne veut pas s’inscrire dans ce processus, ou du moins veulent ils visiblement en faire monter le prix tellement haut que ce ne soit plus acceptable du côté francophone. Mais nous ne devons pas nous tromper : pour la bourgeoisie aussi, par la voix de ses organisations comme la FEB, nombre de revendications de la NVA sont inacceptables. Le dernier rapport du FMI également appelle bien à la responsabilisation des gouvernements régionaux, mais appelle également à éviter que la concurrence entre les régions ne fasse des dégâts à l’unité du marché de l’emploi. Comme le rédacteur en chef du magazine Knack l’écrivait il y a des mois, la Belgique fonctionne pour le patronat comme la vache à lait parfaite, il ne veut en aucun cas s’en débarrasser. A la table des négociations, le PS n’est pas seulement le représentant de la Communauté francophone, mais aussi celui de ces cercles du Grand Capital.

    La NVA reçoit un soutien pour son refus de rentrer dans ce jeu: une rupture avec cette politique des coulisses. Les études du comportement électoral illustrent toutefois que de grandes parties de l’électorat gagné par la NVA n’a rien à voir avec le programme de ce parti, on vote pour la NVA après avoir déjà conclu qu’on ne doit rien attendre des autres partis si ce n’est plus de la même chose. Plus de la même chose, c’est encore quelques décennies de modération salariale, une politique menée ces trente dernières années et qui conduit à ce qu’aujourd’hui, une famille a besoin de deux salaires afin de maintenir le niveau de vie de vie qui pouvait dans le temps être assuré par un salaire. Encore quelques décennies de sous-financement de toute l’infrastructure et de tous les services publics, avec comme résultat des crevasses dans les routes, des retards dans les transports publics, les listes d’attente dans chaque secteur des soins,… Encore quelques décennies d’augmentation de la pauvreté (de 6% dans les années ’80 à 15% aujourd’hui), de sous-emploi et de chômage, d’insécurité sur l’avenir,…

    Mais avec la NVA, tout ça ne s’arrêtera pas, bien au contraire. Le parti peut bien se poser idéologiquement comme parti conservateur et non pas libéral, ses revendications socio-économiques sont par contre ultralibérales. Il semble totalement échapper à la NVA que c’est cette politique libérale qui a conduit à la crise mondiale actuelle. Ou est-ce que la NVA pense que le néolibéralisme mène partout à un bain de sang social et à l’appauvrissement, mais que par une ou autre magie la population flamande peut être sauvée ? Il semble aussi échapper à la NVA que leur idée que l’Europe se développera vers une sorte d’Etat national pour les régions européennes – dans laquelle peut pacifiquement s’évaporer la Belgique et la Flandre pacifiquement et presque automatiquement devenir indépendante – a toujours été utopique et qu’avec la crise financière-économique, la direction que prend aujourd’hui l’Union Européenne est plutôt une direction qui disperse les pays européens plutôt que de les rassembler pour la construction d’une véritable fédération européenne.

    Ce qui échappe aussi à la NVA, c’est le fait que ”la Flandre” est tout sauf unanime – même si les partis flamands le sont – sur la nécessité d’un démantèlement des dépenses sociales et des services publics. En 2008, les fonctionnaires flamands ont protesté contre la diminution de leur pouvoir d’achat et, maintenant, ces mêmes fonctionnaires devraient accepter sans lutter qu’on mette fondamentalement un terme à leurs pensions?

    Si la NVA n’est pas préparée à avaler un accord qui satisfait la bourgeoisie – une réforme d’Etat répartissant l’austérité sur différents niveaux – ce parti ne va pas prendre place au gouvernement. Si ce n’est vraiment pas possible autrement, elle serait éventuellement reprise mais seulement le temps nécessaire pour lui brûler les ailes au gouvernement. A côté de ce chemin, il ne reste à la bourgeoisie que la stratégie de pourrissement, où la NVA est brûlée justement en la gardant hors du pouvoir, si nécessaire avec le prix d’encore quelques années de crise politique et, entre autres, des élections se suivant rapidement.

    Un accord est donc possible si De Wever peut imposer un compromis à son parti et si les “pragmatiques” l’emportent sur les ”romantiques flamands”. Si ce n’est pas le cas, le feuilleton va sans doute encore continuer quelque temps pour alors inévitablement conduire à un certain moment à des élections. La pression externe – de la part de l’Europe, des institutions internationales, la menace des marchés financiers,… – va sans doute être nécessaire pour forcer tous les partis à un accord (et pour en même temps donner l’excuse au fait que cet accord sera sans doute en-dessous du seuil minimum aujourd’hui mis en avant par les partis concernés).

    La Belgique a-t-elle encore un avenir ?

    Comme cela a déjà été dit, dans le passé, des compromis ont été conclus conduisant à chaque fois à une période de pacification. Ces compromis étaient possibles sur base de l’énorme richesse produite par la classe ouvrière belge et qui créait la possibilité d’acheter un accord. Les partis régionalistes ou nationalistes flamands ont toujours obtenu des concessions partielles, et on s’assurait en même temps que toutes sortes de verrous étaient instaurés pour éviter la désintégration du pays. L’attribution de plus de pouvoir et de poids des structures belges vers la Flandre en pleine floraison économique et vers la Wallonie frappée de désindustrialisation, s’accompagnait de doubles majorités et d’autres mesures de protection pour les minorités nationales comme les mesures de conflits d’intérêt et la procédure de la sonnette d’alarme. La pleine reconnaissance du bilinguisme à Bruxelles s’est accompagnée d’une Région bruxelloise, qui constitue aujourd’hui la pierre d’achoppement la plus importante contre la désintégration du pays. L’élite flamande ne sait unilatéralement proclamer l’indépendance que si elle accepte la perte de Bruxelles, ce qui n’est pas en train de se faire immédiatement, qu’importe à quoi peuvent bien rêver nombre de membres de la NVA.

    De l’autre côté, il est aussi clair qu’il devient toujours plus difficile de conclure des compromis. Ces trente dernières années, une partie de plus en plus grande de la richesse est allée vers les couches les plus riches de la population, les capitalistes. Les presque 90% de la population qui vivent de salaires et d’allocations ne reçoivent aujourd’hui même plus la moitié des revenus qui sont produits avec le travail de la classe ouvrière en Belgique. Les salaires et les allocations ont été de plus en plus vidées pour faire à nouveau monter les profits, mais les revenus de l’Etat – impôts et sécurité sociale – ont aussi été toujours plus écrémés. Aujourd’hui, l’Etat fédéral n’est plus dans la position d’acheter n’importe quoi. La question actuelle n’est pas de savoir si on sait parvenir à atteindre une situation ”gagnant-gagnant”, et même pas ”gagner un peu, perdre un peu”, mais à un équilibre sur ce qui est perdu, et donc à une situation ”perdant-perdant”. Cela explique la difficulté.

    Mais le plus probable à ce moment est que – finalement – un compromis soit trouvé. Un compromis bancal qui ne va pas conduire à la stabilité – seulement à plus de coupes dans les dépenses sociales et les services publics, alors que les manques y sont déjà grands. Un compromis donc, dont on peut dire avec certitude qu’il ne va qu’encore augmenter les tensions.

    Et le mouvement ouvrier?

    Il était là et il regardait… Par manque de parti des travailleurs, les intérêts de la classe ouvrière n’entrent pas en ligne de compte dans ces négociations et ne vont certainement pas être à la base d’un accord. Qu’importe ce que dit le PS, ils ont déjà prouvé plus que suffisamment au cours des trente dernières années qu’ils sont préparés à faire tout ce que la bourgeoisie demande. Bien que le PS reste plus à l’arrière-plan et se cache derrière les partis flamands qui ont toujours livré le dirigeant du gouvernement, il est tout comme le SP.a à la base du vol du siècle (passé) : vider presque tous les acquis d’après-guerre du mouvement ouvrier petit à petit, avec une tactique du salami.

    La NVA n’agit clairement pas dans l’intérêt de la classe ouvrière en Flandre, Bart De Wever a rendu cela très clair très tôt dans les négociations, quand il a appelé le Voka – qui a toujours été une des organisations patronales la plus extrême sur le plan des revendications ultralibérales – ”mon patron”. S’il y avait un réel parti des travailleurs en Flandre, qui mène réellement la lutte pour les intérêts des travailleurs flamands, il serait déjà rapidement clair que le Voka – et la NVA avec lui – ne représente qu’une petite minorité de la population flamande, cette minorité qui veut faire travailler pour elle la majorité au coût le plus bas possible. Par manque d’un parti des travailleurs qui réagit aux attaques des partis bourgeois et petit-bourgeois en prenant en main la lutte de classe pour la classe ouvrière, et qui y donne une direction, un climat peut être créé où les intérêts des patrons flamands peuvent être représentés comme les ”intérêts de la Flandre”.

    Il n’y a pas de short-cut. La bourgeoisie n’est pas capable de concilier définitivement et complètement la question nationale en Belgique, la seule chose qu’elle a à offrir est encore quelques exercices d’improvisation et d’équilibre avec comme objectif final de maintenir son système et ses privilèges. Une conciliation réelle de contradictions nationales ne peut se faire que si les moyens sont mis à disposition pour garantir à chacun en Belgique une vie et un avenir décent. Des emplois à plein temps et bien payé pour tout le monde, assez de logements abordables et de qualité, un enseignement de qualité et accessible pour offrir un avenir à nos enfants, des services publics et une sécurité sociale avec assez de financement pour couvrir les besoins,… sont des revendications qui doivent nécessairement être remplis, sans aucune discrimination, pour mener à une fin aux tensions. Un développement harmonieux de l’économie belge avec comme but de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population et d’en finir avec les pénuries sur le plan social (et donc en finir aussi avec les luttes pour savoir qui peut disposer de ce qui reste comme moyens) devrait mettre fin au chômage colossal et au manque de perspectives qui règnent dans nombre de régions wallonnes, mais certainement aussi à Bruxelles et dans des villes comme Anvers et Gand, où de grandes parties de la jeunesse ouvrière n’a aucune perspective pour l’avenir, sauf le chômage et la pauvreté. Il ne faut pas attendre ce développement harmonieux de la bourgeoisie. Le capital ne va que là où il y a beaucoup de profit à faire à court terme.

    Tant que ces énormes moyens produits par la classe ouvrière en Belgique disparaissent dans les poches des grandes entreprises et de ceux qui sont déjà super-riches, ni une Belgique unifiée ni une Flandre indépendante ne sait fonctionner. Ces moyens sont nécessaires pour qu’une société réussisse, que ce soit à l’intérieur de la Belgique ou – si une majorité de la population le souhaite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – dans le cadre d’une fédération de régions indépendantes. Le PSL ne résiste pas à la disparition de l’Etat belge comme nous le connaissons, mais au fait que la rupture se base sur la destruction totale des acquis du mouvement ouvrier belge (comme la NVA le propose en réalité). Ces moyens sont en d’autres mots nécessaires aussi bien pour une scission pacifique et harmonieuse du pays, si cela était désiré, que pour une réparation de l’harmonie dans le ”vivre ensemble” en Belgique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre en mains ses affaires. Sur le plan syndical, nous ne pouvons pas nous faire imposer un mauvais accord interprofessionnel parce ”mieux n’est pas réalisable”. Rien, sauf l’appauvrissement, n’est réalisable. Si l’économie repart en chute, stagne ou se relance temporairement et partiellement, si des luttes ne prennent pas place, les patrons vont de nouveau s’en aller avec les profits et les travailleurs vont en payer le coût. Mais aussi sur le plan politique, nous devons de nouveau pouvoir mener la lutte si nous voulons obtenir le maximum sur le plan syndical. Le choix pour le soi-disant moindre mal sous la forme d’encore un fois voter pour les partis existants qui prétendent encore de temps en temps agir dans les intérêts de la classe ouvrière (mais qui ces dernières décennies ne le font plus en actes) a conduit dans le passé au démantèlement social, à une capitulation relative du mouvement ouvrier devant les revendications des patrons. Dans l’avenir cela ne serait pas différent, sauf en pire.

    Avec ce vote pour le moindre mal, le mouvement ouvrier prend une position passive, ce qui signifie qu’elle subit tout simplement le processus actuel de réforme d’Etat – qui est en fait la préparation du plan d’austérité drastique qu’on va essayer de nous imposer. Les directions syndicales ont déjà plusieurs fois appelé avec les organisations patronales à un accord sur la réforme d’Etat et la formation d’un gouvernement, qu’importe le gouvernement. Mais nous ne voulons pas de n’importe quel gouvernement, nous ne voulons pas avoir un gouvernement simplement pour avoir un gouvernement.

    Pour pouvoir sortir de ce scénario, les militants syndicaux doivent augmenter la lutte contre toutes tentatives du patronat de nous faire payer la crise. Nous devons sur le plan syndical refuser un mauvais accord interprofessionnel et mener la lutte pour une augmentation du salaire brut, contre les contrats précaires et pour assez de moyens pour la création d’emplois décents. Sur le plan politique, nous devons nous préparer à agir contre n’importe quel gouvernement quand il veut nous présenter la facture. Dans la lutte pour nos intérêts, les idées et les forces peuvent grandir pour arriver, pour la deuxième fois dans l’histoire, à la création d’un véritable parti des travailleurs. Un vrai parti des travailleurs peut élaborer une solution définitive à la question nationale en Belgique: une démocratie conséquente, qui tient compte des droits sociaux et culturels de tous les groupes de la population, basée sur une économie planifiée démocratiquement élaborée et qui développe tout la territoire de la Belgique sur le plan social et économique, c’est une condition cruciale. Ce n’est possible que si la bourgeoisie est privée de son pouvoir dans la société.

    Un tel parti des travailleurs ne va pas tomber du ciel, mais va se développer sur base de la lutte et des leçons tirées de cette lutte par les masses des travailleurs, comme ça c’est passé dans le temps avec le vieux parti ouvrier, aujourd’hui bourgeoisifié. Une fois qu’une lutte plus massive et maintenue commence pour maintenir des conditions de vie décentes dans cette crise de longue durée du capitalisme, les délégués et militants des mouvements sociaux vont tirer des conclusions plus profondes. L’histoire nous montre que ce processus, une fois commencé, peut développer très vite, certainement s’il y a une minorité consciente sous la forme d’un parti socialiste révolutionnaire capable de développer ses racines dans le mouvement ouvrier dans ce processus.

    Il n’y a donc pas de raccourci. Dans la période qui vient, il y aura sans doute une continuation de la crise politique, pendant laquelle le pays est géré par le gouvernement en affaires courantes, en fait un gouvernement technique qui n’en a pas le nom. Si un gouvernement avec la NVA est formé, il va être de courte durée, le tantième gouvernement de combat à l’intérieur. Si les négociations ne peuvent plus être tirées dans le temps, nous pouvons avoir à faire à des élections dans les mois prochains, bien que cette perspective diminue à mesure que la menace des marchés financiers augmente.

    A un certain moment un compromis devra être trouvé, qui consistera à ce que la grande majorité de la population – les travailleurs et leurs familles, les gens qui vivent d’allocations, les petits indépendants – paye la facture de la crise capitaliste. Ce compromis va, comme toujours, être de double sens et donner vie à de nouvelles contradictions et tensions. Bien qu’aujourd’hui les forces ne sont pas là pour imposer la désintégration de la Belgique, le maintien de la Belgique sur base capitaliste va de plus en plus être miné jusqu’à ce que cela devienne intenable à un certain moment. La faute dans le raisonnement de beaucoup de flamingants contents de ce processus n’est pas que ce processus ne se passerait pas, mais réside dans l’illusion que cela pourrait se passer pacifiquement et avec des négociations.

  • Evaluation des élections du 13 juin 2010 : La NVA et le PS ensemble pour assainir 22 milliards d’euros

    Ces élections ont marqué une nouvelle étape de la crise politique. Un seul vainqueur côté flamand : la N-VA de Bart De Wever. Côté francophone, c’est le PS qui a cartonné (35,7% au Sénat et 37,5% à la Chambre). Envolée l’euphorie du Didier Reynders de 2007. Quant à la percée d’Ecolo de 2009, elle ne s’est pas confirmée. D’autre part, le Bureau du Plan estime que 22 milliards d’euros d’assainissement budgétaire seront nécessaire pour retrouver l’équilibre en 2015.

    Texte issu du Comité National du PSL-LSP

    Les résultats électoraux n’étaient pas vraiment surprenant. Ces élections étaient la tantième étape du développement d’une crise politique qui a surtout fait surface depuis 2007 mais qui commençait déjà à bloquer le fonctionnement de l’Etat fédéral en 2004.

    En 2004, des partis différents du niveau fédéral sont arrivés au pouvoir dans les gouvernements régionaux, signe révélateur du fait que la position des différents partis bourgeois devenait constamment plus volatile. Sous la direction d’Yves Leterme, le gouvernement flamand a presque directement entamer une guerre contre le gouvernement fédéral, en mentionnant par exemple la scission de BHV dans l’accord gouvernemental flamand (alors qu’il s’agissait d’une compétence fédérale), mais aussi sur base d’un nombre de dossiers liés au marché de l’emploi. Le gouvernement fédéral avait toujours plus une image d’irrésolution, d’un «gouvernement d’annonces» jamais concrétisées à cause de disputes internes…

    Cette volatilité s’est surtout développée en Flandre. L’année 1999 avait constitué une cassure avec le passé : pour la première fois depuis les années ’50, le CVP n’a pas pu prendre la direction du gouvernement. Guy Verhofstadt est monté au pouvoir avec le gouvernement arc-en-ciel, puis une deuxième fois avec le gouvernement viole. En 2004, le CVP (devenu entretemps) CD&V a regagné la direction en Flandre, de même qu’en 2007 au niveau fédéral, mais en cartel avec la NVA, rentrée au gouvernement flamand en 2009 (après la cassure du cartel imposée par le CD&V). Aujourd’hui, le CD&V (le parti de «monsieur 800.000 voix» en 2007) est tombé sous les 20%, pour la première fois de son histoire et il s’en est fallu de peu que Bart De Wever ne répète le score d’Yves Leterme.

    En comparaison, le paysage politique francophone semble être un oasis de sérénité. L’euphorie de Reynders en 2007 est vite retombée. Ce 13 juin, le PS a cartonné avec un double message : se présenter à la fois comme le défenseur des acquis de l’Etat-providence et comme le défenseur des francophones dans les négociations avec les partis flamands. Son soutien électoral illustre un penchant pour la sécurité et la stabilité, le «vote utile» contre la violence flamande et libérale dans le cadre de l’austérité très dure qui frappe partout en Europe.

    La Belgique est-elle dès lors un «pays à deux pays» ? Oui et non. Les médias, les partis politiques et tout un tas d’institutions sont séparées pour les deux grandes communautés, la situation sociale et économique y est différente, mais les partis politiques bourgeois des deux côtés sont tous au service des intérêts de la même bourgeoisie. Finalement, les intérêts de cette bourgeoisie – stabilité, mais aussi renforcement du taux d’exploitation – forcent les partis à parvenir à un compromis, des deux côtés. Même le dirigeant de la NVA, Bart De Wever, recherche une certaine pacification. Selon ses propres termes, il n’est «pas un révolutionnaire» et la décomposition de la Belgique n’est selon lui pas un processus révolutionnaire, mais bien un processus évolutionnaire dans le cadre du développement de l’unification européenne. Il continue visiblement à croire en une perspective d’unification européenne approfondie sur base capitaliste. Il n’est pas certains que toutes ses troupes sont sur la même ligne mais, pour le moment, Bart De Wever est le roi, y compris vis-à-vis de ses propres rangs.

    Victoire la NVA – un nouveau «parti populaire» en Flandre ?

    Quelle est la stabilité de la position dirigeante de De Wever ? La NVA peut elle remplacer le CD&V comme l’instrument le plus important de la bourgeoisie ? Non. La NVA est un petit parti petit-bourgeois qui représente l’opinion des petits patrons flamands et entre autres «le bons sens» qui dit que quand les choses vont moins bien en Flandre, il faut arrêter de subventionner «la politique socialiste» en Wallonie. Mais il s’agit aussi de la volonté de se débarrasser de certains mécanismes de protection sur le marché de l’emploi (voire de tous), sans trop se soucier de l’impact de ces mesures en termes d’approfondissement de la crise du capitalisme. La NVA combine les revendications de l’organisation patronale flamande Voka – un nationalisme flamand rationnel et chiffré, basé sur l’égoïsme économique – avec une aile plus romantique de nationalistes flamands historiques.

    Il y a une différence entre ces deux ailes. Pour la première, le plus important est une réforme d’Etat socio-économique conduisant à une exacerbation de la concurrence entre régions. Pour la deuxième, il s’agit surtout de dossiers linguistiques ou symboliques. L’échange entre une réforme d’Etat socio-économique et un plan d’austérité (ce sur quoi le PS serait préparé, selon un article de De Standaard basé sur des déclarations anonymes d’un intime de Di Rupo) et certaines concessions de la Flandre dans le cadre du dossier BHV, du financement de Bruxelles et sans doute aussi dans la réforme d’Etat (entre autre le maintien d’une sécurité sociale nationale) est beaucoup moins évident à avaler pour le deuxième groupe que pour le premier.

    La question à poser est la suivante: Bart De Wever est-il prêt à utiliser sa nouvelle position de force afin de servir les intérêts de la bourgeoisie belge ? Si ce n’est pas le cas, nous allons droit vers une période de pourrissement de la situation, une période de chaos et d’instabilité où la Belgique sera constamment plus dans le collimateur des spéculateurs. Cela donnerait le prétexte aux partis bourgeois, avec les verts, pour prendre les choses en main avec un gouvernement d’unité nationale incluant les verts si nécessaire. Dans ce cas, les médias feront tout pour faire porter le chapeau à la NVA et la présenter comme la responsable de la crise tout en soumettant Bart De Wever au même calvaire médiatique qu’Yves Leterme : passer de héro à zéro.

    Les premiers développements – juste avant les élections déjà, mais aussi les jours après – semblent montrer que Bart De Wever est effectivement prêt à servir la bourgeoisie belge: accepter un premier ministre francophone, déclarer que la réforme d’Etat sera basée sur un compromis, assurer que la NVA n’aspire pas à une décomposition du pays à court terme,… La question est alors : peut-il convaincre son parti et sa base ? La véritable question est : combien de temps faudra-t-il pour que Bart De Wever se soumette au calvaire d’Hugo Shiltz ? Avec le Vlaams Belang qui va attaquer chaque concession et les nationalistes flamands déchainés au sein même de la NVA, le travail de sape peut commencer très tôt même si, dans un premier temps, il ne sera pas fort visible à cause du triomphe de De Wever et des concessions qu’il est capable d’obtenir du PS. Ces concessions vont devoir être substantielles pour ne pas être confronté de ses propres remarques du passée sur le «poisson gras» (à obtenir pour la Flandre) et les «cacahuètes» (qu’il fallait au contraire éviter).

    A côté de cela, son parti sera également responsable du plan d’austérité demandé par la bourgeoisie pour les années à venir. Si la coalition la plus probable actuellement devient réalité – la «coalition calque» avec les partis des gouvernements régionaux, qui rejette les partis libéraux dans l’opposition – son parti serait en effet la composante la plus à droite dans ce gouvernement, celle qui va devoir pousser le plus pour les assainissements et moins d’impôts.

    Il est très peu probable que la NVA soit capable de répéter une deuxième fois son score du 13 juin, que cela soit après une formation et une participation gouvernementale “réussie” ou après une formation “non réussie”. Ce parti ne dispose pas de la large assise dans la société et des nombreux relais dans «la société civile» qui ont permis au CD&V de se rétablir après son déclin de 1999. Sa base électorale est quasi totalement nouvelle et provient de tous les partis – le développent et le déclin ultra-rapide de la LDD illustre à quel point ces votes peuvent repartir aussi vite qu’ils sont venus.

    Il est moins facile de prédire qui va reprendre les affaires en main une fois terminée l’illusion De Wever. Tout le monde reconnait que les 30% de suffrages pour la NVA ne sont pas une expression de soutien pour le programme de la NVA. Cela exprime surtout que l’électeur – après que chaque parti flamand et institution flamande lui ait dit et répété qu’il faut une réforme d’Etat pour garantir la sauvegarde du bien-être – a voté pour le parti, et surtout pour la personnalité, qu’il pensait le plus apte à concrétiser cette réforme d’Etat. De toute façon, il n’y avait pas d’autre alternative. Vers où vont se diriger toutes ces voix une fois qu’il est clair que De Wever ne pourra pas apporter de solution face aux problèmes socio-économiques ?

    Une certaine recomposition du paysage politique flamand s’impose pour pouvoir assurer une stabilité. Le CD&V à nouveau rebondir après le score de ces élections, historiquement le plus bas, mais un retour à sa position passée de valeur sûre seule à décider avec qui former un gouvernement est presque impossible. Le SP.a non plus n’est pas capable de prendre la direction, c’est un partenaire de coalition, pas un dirigeant. Quant à l’Open VLD, il va essayer de rétablir son aile droite (tant dans le cas d’une «coalition calque» que dans le cas d’une coalition d’unité nationale), mais les rêves de parvenir à être un «parti populaire» sont de l’ordre du passé. Groen n’est pas réellement considéré, et le parti vert n’est cité que comme «dépanneur» et en conséquence de son lien avec Ecolo. Après une éventuelle période chaotique avec Bart De Wever, ces partis pourraient jouer sur l’argument de la «stabilité» et obtenir ainsi une certaine restauration de leur soutien. Mais si la victoire du NVA démontre bien quelque chose, c’est qu’en Flandre, tous les partis traditionnels sont discrédités jusqu’à l’os.

    Le PS cartonne en Wallonie – Un modèle de stabilité?

    Les partis traditionnels flamands ne peuvent même pas rêver d’un tel score – un tel soutien électoral, c’est de l’ordre du passé pour eux. Ce score montre que le PS est le seul parti bourgeois qui a réussi à maintenir une position d’autorité en tant que défenseur de l’intérêt général. C’est évidemment un parti bourgeois étrange, un parti qui s’est imposé à la bourgeoisie comme le seul capable de maintenir un contrôle sur le mouvement ouvrier socialiste dans son bastion – la Wallonie – et de lui faire avaler les assainissements.

    C’est ce rôle que le PS a joué (avec le SP.a) au cours du Plan Global. Elio Di Rupo s’y réfère d’ailleurs plusieurs fois, notamment quand il affirme que le PS est contre une politique d’austérité libérale, mais qu’il est capable d’assainir. Il se réfère alors lui-même au Plan Global, le plus grand plan d’austérité structurel de l’histoire de la Belgique. «Structurel», car ce plan a un effet d’assainissement permanent, comme avec la norme salariale et l’index-santé (deux des mesures du Plan Global) qui assurent que nos salaires représentent moins d’année en année.

    Il ne faut avoir aucune illusion: le PS veut assainir et va assainir. C’est une question d’emballage. Aux termes de «plan d’austérité», le PS préfère des termes comme «Pacte Social bis» (qui semblent indiquer qu’il s’agit d’une amélioration et non pas d’une détérioration), dans lequel une érosion ultérieure des revenus de la sécurité sociale est compensée par une «Cotisation Social Généralisée» (ce à quoi appelle d’ailleurs CSC et FGTB!).

    Le PS est un parti bourgeois particulier, un parti qui s’est toujours caché derrière “le CVP” ou “les flamands” et derrière l’Europe (ce que font tous les partis bourgeois belges) pour masquer leur responsabilité dans la politique asociale. Cette fois-ci, le PS a mené campagne sans parler des 22 milliards euros d’assainissements qui, aux dires du Bureau du Plan, sont nécessaires pour obtenir l’équilibre budgétaire en 2015 (les autres partis francophones ont adopté la même attitude, à l’exception du Parti Populaire ultra-néolibéral de Modrikamen). Mais cet objectif est néanmoins accepté par le PS au gouvernement fédéral (et il en va de même, indirectement, avec le CDH et Ecolo au niveau des régions). Maintenant, le programme électoral du PS va pratiquement entièrement disparaître à la poubelle, ou peut-être dans une armoire afin de pouvoir ressortir aux prochaines élections, où le PS affirmera qu’il a bel et bien défendu ces revendications sans arriver à convaincre ses partenaires gouvernementaux.

    Le carton du PS a bien des similitudes avec les 800.000 voix de Leterme en 2007, qui exprimaient la recherche de stabilité et de valeurs sûres. C’était une phase du développement de la crise politique, économique et sociale qui était dominante à ce moment. Aujourd’hui, en Flandre, cela a été remplacé par la volonté de changement qui, faute d’une alternative ouvrière crédible, s’oriente vers la formation petite-bourgeoise la plus remarquable et crédible du moment. Le PS, lui aussi, ne parviendra pas à maintenir cette victoire de façon permanente. Avec Elio Di Rupo comme premier ministre, le tour de passe-passe du PS – «le parti d’opposition au gouvernement» – sera beaucoup plus difficile à reproduire. Dans une «coalition calque», Elio Di Rupo est presque certain de devenir premier ministre. Mais même dans le cas d’une coalition d’unité nationale, la seule alternative si la formation d’un gouvernement calque échoue, Di Rupo serait presque incontournable comme premier ministre.

    Ce nouvel épisode pourrait alors constituer un point tournant du développement du PS, un point où la perte graduelle de sa position de force (qui a précédemment conduit à la victoire du MR en 2007 et aussi à la montée du parti petit-bourgeois Ecolo comme joueur sérieux – au moins temporairement) abouti à une position beaucoup plus précaire comparable, mais pas tout à fait, à l’affaiblissement du CVP/CD&V en Flandre. Ce n’est pas tout à fait comparable car au PS, il y a aussi l’élément de la bourgeoisification qui joue. Cette bourgeoisification a totalement abouti au niveau interne, mais le PS a pu jusqu’à présent préserver sa position électorale ainsi que, dans une mesure sans cesse moindre, son image dans la classe ouvrière wallonne. Avec le PS comme partenaire dirigeant de la coalition, ces illusions peuvent être rapidement brisées, certainement au vu des critiques déjà très dures présentes dans les milieux syndicaux à l’encontre du PS.

    Les libéraux dans les cordes – une famille politique bourgeoise en réserve à l’opposition

    Pour la bourgeoisie, c’est un des grands avantages d’une coalition calque. Les deux partis libéraux peuvent bien traverser une crise interne, ce sont tous les deux de loyaux serviteurs de la bourgeoisie. Ce scénario offre une protection relative contre le développement ou le renforcement d’une autre formation petite-bourgeoise, en conséquence de l’affaiblissement à venir de la NVA. Le candidat le plus probable pour profiter de cet affaiblissement est le Vlaams Belang, un problème bien plus grand que la NVA ou la LDD pour la bourgeoisie belge. La NVA et la LDD sont des formations petite-bourgeoises sur lesquelles la bourgeoisie n’a pas une influence directe et dominante, mais ces partis ne traduisent pas leurs éventuels points de vue radicaux (sur le plan social et communautaire) en action radicale.

    La NVA n’est pas “séparatiste” d’une façon dangereuse pour la bourgeoisie. Une décomposition de la Belgique dans l’Europe comme processus plus ou moins naturel accompagné de compromis, c’est une toute autre chose qu’une déclaration d’indépendance de la Flandre unilatérale, ce à quoi appelle le Vlaams Belang. En principe, la NVA et la LDD peuvent être achetés avec des postes pour ensuite être «gouvernés à mort», comme cela s’est passé déjà produit avec succès dans le cas de la défunte Volksunie et du FDF. Mais il est impossible d’intégrer le Vlaams Belang dans un gouvernement sans provoquer des troubles profonds dans la société.

    Y a-t-il une possibilité de compromis concernant BHV, une réforme d’Etat socio-économique et un plan d’austérité structurel?

    y a-t-il possibilité d’un compromis sur tout cela entre Elio Di Rupo et Bart De Wever? La presse, qui la veille des élections encore parlait de l’incompatibilité de ces deux-là, semblait penser 24 heures plus tard que ce serait «difficile, mais faisable». A entendre les déclarations publiques de De Wever et Di Rupo, ils semblent être d’accord.

    Nous avons toujours affirmé que les partis traditionnels peuvent arriver à un tel accord parce qu’ils veulent avant tout exécuter le programme de la bourgeoisie – les divergences d’opinion portent sur la manière de faire (à côté des intérêts de carrière personnelle des politiciens en question). Nous verrons dans les semaines et mois à venir si Bart De Wever est lui aussi prêt à presque tout pour servir la bourgeoisie. Mais le pouvoir est une force d’attraction importante : les multiples postes qui pourraient tomber dans les mains de la NVA sont difficiles à refuser.

    Evidemment, Bart De Wever connait mieux que n’importe qui l’histoire du mouvement flamand dans ces relations avec l’Etat fédéral. Mais la NVA se trouve prise en étau. Si la NVA joue le rôle de «sauveur de la patrie» avec le PS en concluant un nouveau compromis (quelque peu) durable sur les relations entre structures fédérées, un compromis où la régionalisation de compétences et le renforcement de l’autonomie fiscale sera compensé par des mesures renforçant la cohérence fédérale (sinon, il n’y a pas de compromis possible avec les partis francophones et la formation de gouvernement échouera). Cela fera des dégâts dans son soutien stable, nationaliste flamand, et peut même à terme mener au départ de certains nationalistes flamands (et peut-être même à court terme, surtout au vu du fait que des développements prennent parfois place de façon ultra-rapide aujourd’hui). Par contre, si la NVA conserve cette base et ses principes, elle devra dans quelques mois faire face à une attaque d’ensemble des institutions bourgeoises qualifiant la NVA de «provocateur d’instabilité» à un moment de risques économiques énormes. Il n’est pas exclu que la NVA décide quand même de rester de côté faute de concessions suffisantes de la part du PS qui, d’une position très forte, va revendiquer un accord «rationnel» et «équilibré» avec le soutien de la bourgeoisie des deux côtés de la frontière linguistique. Dans ces deux derniers cas, il sera impossible à la NVA de reproduire son score de 30% à de prochaines élections, et Bart De Wever en est conscient.

    La coalition calque est possible pour le PS, mais il parlait dans sa campagne d’un gouvernement d’unité nationale, c’est-à-dire avec le MR. Nous n’avons assisté à aucun duel tel que ceux de 2007 entre les deux partis. Les résultats électoraux offrent d’autres solutions, mais selon quelques messages parus dans la presse, il y aurait toujours aujourd’hui des voix dans le PS pour défendre une coalition avec le MR. Cela offrirait une protection contre les attaques inévitables de la part du MR-FDF lors d’un éventuel compromis sur BHV et la réforme d’Etat. De l’autre côté, la coalition Olivier protègerait plus le PS contre une perte à sa gauche (vers Ecolo et, dans une moindre mesure, vers le CDH par le mécontentement au sein de la CSC et du MOC) à cause du programme d’austérité structurel qui arrive. Sur base des résultats électoraux actuels, la coalition calque offre plus d’avantages au PS.

    Le PS a laissé des ouvertures pour un compromis. En ce qui concerne BHV, le PS est beaucoup moins concerné que le MR et le CDH, mais une scission pure ne serait pas défendable pour le PS, certainement après l’instabilité politique de ces dernières années. Le PS va revendiquer le maintien de la sécurité sociale nationale, mais aussi un démantèlement «national» de cette sécurité sociale avec la proposition d’Onkelinx (réduction de la part de financement basée sur les charges sur les salaires jusqu’à 50% des revenus de la sécurité sociale) et avec une «Cotisation Social Généralisée», une «solidarité» des meilleures salaires avec les salaires bas, des meilleures pensions avec les plus basses pensions (on parle ici de charité, pas de sécurité sociale). Le PS va aussi vouloir certaines mesures symboliques contre le grand capital et/ou les spéculateurs. De l’autre côté, le PS est partisan d’une régionalisation ultérieure de la politique du marché de l’emploi.

    Nous ne pouvons pas encore prédire quel accord arrivera exactement, nous n’avons en ce moment que quelques pièces de puzzle en main, certaines ayant des chances de faire partie d’un accord. Généralement, nous pouvons dire que le PS est d’accord sur le principe de pousser, au moins partiellement, un programme d’assainissement vers les régions et les communautés.

    Conclusion provisoire

    Le PS et la NVA vont sérieusement tenter de parvenir à un accord. Aucun des deux ne peut se permettre de saboter les négociations avec des revendications impossibles et des ultimatums. Leur réussite est très incertaine, mais pas impossible non plus. Si cette phase se termine sans réussite, le prochain pas le plus probable ne sera pas de nouvelles élections, mais bien une tentative de formation d’un gouvernement d’unité nationale. Si cela échoue aussi, ou si ce gouvernement éclate par tensions internes ou par pression externe, nous arriverons de nouveau à une situation de crise politique absolue, et il n’est pas exclu que de nouvelles élections soient alors organisées. Au vu du fait que le prochain gouvernement devra assainir 22 milliards, selon la bourgeoisie, le prochain gouvernement risque d’être instable, qu’importe sa composition.

    La façon dont ces assainissements sont introduits a un effet important sur leurs chances de réussir. Une coalition calque – avec seulement un parti de droite «pur» au vu des liens du CD&V (et en moindre mesure du CDH) avec l’ACW/MOC et l’ACV/CSC – ne va pas chercher une confrontation rapide et dure avec le mouvement ouvrier, sauf sous une pression extrêmement lourde (p.ex. une éventuelle nouvelle vague de problèmes chez les banques, une spéculation internationale contre les valeurs belges,…). Tous les partis gouvernementaux, sauf la NVA, ont des doutes sur le moment où doit s’arrêter la politique anticrise (entre autres les mesures de chômage temporaire) pour être remplacée par l’austérité. Différentes institutions, comme le gouverneur de la Banque Nationale actuellement, avertissent contre une politique d’austérité trop dure et plaident pour un mélange dans lequel de nouveaux impôts prennent aussi une place importante. Ces partis ne vont d’ailleurs pas faire de cadeaux à la NVA sur ce plan. Si la NVA essaie trop de contrarier cela, une certaine mobilisation de la part de la direction syndicale avec des actions symboliques n’est pas à exclure.

    Généralement, sur le plan social, nous devons nous attendre à un “compromis à la belge”, c’est-à-dire à un accord présenté comme étant «équilibré», dans «l’intérêt général» et dans lequel tout le monde a sa «dose de sucre» (en réalité, il s’agit toujours d’un kilo pour le patronat et d’un grain pour les travailleurs) et qui exige des sacrifices de «tout le monde». Ce compromis devra aussi impliquer tous les joueurs, en d’autres termes, il devra s’agir d’un compromis impliquant étroitement les directions syndicales. S’il y a quand même une pression pour mener des actions généralisées, l’argument selon lequel «l’alternative, c’est le chaos» est déjà tout prêt après cette dernière série d’élections.

    Les assainissements vont être élaborés et appliqués aussi graduellement que possible. Avec une réforme d’Etat, ces assainissements seront aussi partagés entre les différents niveaux de pouvoir. Les gouvernements essayeront ainsi d’éviter toute confrontation dure, simultanée et générale. Dans un premier temps, une lutte généralisée est le moins probable.

    Mais la situation, tant sur le plan politique que sur le plan économique, est spécialement instable. Sous la surface, à côté de la peur de l’avenir, il y a aussi une colère qui peut éclater à n’importe quelle occasion, à n’importe quel moment. Le point faible de la classe des travailleurs est et reste sa direction, ou mieux, son manque de direction. Même si les syndicalistes ont massivement voté pour le PS en Wallonie, cela n’est pas à cause d’illusions concernant le fait que le PS serait «leur parti», mais parce qu’il s’agit du «moindre mal».

    En différents lieux en Wallonie et à Bruxelles, tant le MOC que des centrales syndicales socialistes n’ont pas seulement invité le PS pour des débats, mais ici et là également le PTB et, dans une moindre mesure, le Front des Gauches. S’ils l’ont fait, c’est d’une part parce cela ne constitue pas un danger dans l’ambiance actuelle de la société, mais aussi parce que, dans leurs rangs, de nombreuses critiques s’élèvent contre l’appel traditionnel à voter pour le PS. Avec l’appel de Luc Cortebeeck (le président de la CSC) à voter pour des «partis responsables» (CD&V, SP.a, Groen et même VLD), la direction de la CSC en Flandre montre surtout dans quelle mesure elle est un agent de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. Cela illustre aussi à quel point il est devenu impossible pour cette direction d’appeler seulement à voter pour le CD&V, ce qui va aussi offrir des opportunités pour la gauche à l’intérieur de la CSC.

    Le PSL/LSP doit, dans la situation à venir, attentivement suivre les développements à l’œuvre, et surtout être prêt à intervenir lors des développements rapides de la lutte. Un point central sera notre mot d’ordre que les syndicats doivent rompre leurs liens avec les partis gouvernementaux. Les syndicats et les militants syndicaux en lutte ont un rôle fondamental à jouer dans la construction d’une voix politique capable de représenter la lutte, un outil politique indépendant des partis qui ont choisi le camp du patronat depuis longtemps déjà. D’autre part, si la future réforme d’Etat comprend la régionalisation de secteurs/compétences avec beaucoup de personnel, il faudra aussi mener campagne autour de la nécessité de l’unité syndicale au-delà la frontière linguistique et contre de possibles régionalisations de syndicats.

  • Crise politique : Le théâtre de guignols continue…

    Le mouvement ouvrier doit se préparer pour sa propre lutte

    Lors d’une conférence de presse, Jo Vandeurzen (président du CD&V) et Bart De Wever (président de la NVA) ont donné un message clair : il faut une réforme d’Etat et les partis francophones doivent faire un « geste » en ce sens (alors que ces derniers demandent justement aux partis flamands de rétablir la confiance après le vote de la scission de BHV…)

    Anja Deschoemacker (09/11/07)

    Les libéraux francophones ne doivent pas compter sur une reconnaissance ouverte qu’il ne peut être question d’une grande réforme d’Etat dans ces circonstances. La logique du « compromis à la belge » est justement que tout le monde doit baisser sa culotte au même moment, pour qu’après l’on puisse se lancer des fleurs grâce à ce que chacun a pu obtenir. C’est là la preuve ultime du sérieux politique et du fait d’être un homme d’Etat.

    Les déclarations de Frank Vandenbroucke, le flamingant de service du SP.a, selon lesquelles le cartel CD&V/NVA se donne en spectacle pour éviter de devoir montrer qu’il se met à plat ventre sur la question de la réforme d’Etat, contiennent certainement des éléments de vérité. La nouvelle présidente du SP.a, Caroline Genez, fait aussi allusion au manque de crédibilité du CD&V et de la NVA sur le plan communautaire. Nous ne pouvons qu’espérer – dans l’intérêt même du SP.a – que cela ne devienne pas le message central de leur « opposition », si du moins leur but est de regagner quelques voix chez les travailleurs.

    Tout cet épisode clarifie à nouveau l’évidence que le mouvement ouvrier n’a plus rien à attendre de ce parti. Peut-être prononcera t’il encore quelques mots contre l’introduction du service minimum durant les grèves des services publics (bien qu’un un tel accord a déjà été signé sous leur règne à De Lijn – les TEC flamands). Selon l’ancien chef de cabinet de Vande Lanotte (SP.a lui aussi), Jannie Haeck, actuellement grand patron de la SNCB, il serait préférable de réfléchir à un temps minimum d’annonce pour les grèves. En d’autres mots : les syndicats ne seraient alors plus en état de reconnaître des grèves spontanées ! Même en dehors du gouvernement fédéral, et sans perspective d’en faire partie, le sommet du SP.a ne peut pas s’empêcher de corriger les devoirs de la bourgeoisie !

    De son côté, si le PS va certainement faire plus de bruit (également par rapport aux thèmes sociaux), il aura grande peine à se détacher totalement de la politique néolibérale qu’il a lui-même mené 19 ans durant sur le plan fédéral et qu’il continue d’ailleurs encore à mener sur le plan régional avec, entre autres, le Plan Marshall. Le terrain communautaire va certainement devenir le point central de son opposition. Mais au moins sera-t-il vu comme une équipe de défense alors que son pendant du nord a, dans les faits, rejoint les revanchistes flamands.

    Et quoi maintenant pour la formation ?

    Le vote dans la Commission de la Chambre sur la scission de BHV où la majorité flamande a imposé sa volonté de manière unilatérale avec une seule abstention (du parlementaire bruxellois de Groen ! Tinne Van der Straeten) est un fait sérieux. C’est un véritable problème pour les équilibres qui ont été constitués en Belgique : la protection de la minorité francophone en Belgique en compensation de la protection de la minorité flamande à Bruxelles.

    Les francophones ont maintenant pris en main les mécanismes de protection introduits pour les diverses minorités, en commençant par celui de conflit d’intérêt introduit par le Parlement de la Communauté Française le lendemain du vote sur BHV. Cette procédure signifie que la question de BHV est de nouveau arrêtée au niveau parlementaire et passe à des négociations entre communautés (avec PS, donc). Ce report peut, dans le meilleur des cas, permettre aux différents négociateurs pour la formation du gouvernement, et à Leterme en premier, d’avoir un peu de temps pour mettre enfin sur pied un gouvernement. Dans le passé, un « sentiment de crise » a déjà été nécessaire pour arriver à des accords communautaires.

    Mais tout ne devient pas facile pour autant. Les deux partis les plus forts dans les négociations, le CD&V et le MR, sont liés à des partenaires embêtants qu’ils peuvent à peine contrôler : la NVA et le FDF. Leurs déclarations et provocations sans fin n’ont pour effet que de casser sans cesse l’illusion de « confiance » méticuleusement créée. Qu’importe le nombre de fois où Reynders et Leterme vont aller assister à un match de foot ensemble, ils sont tous deux aussi dépendants de ces partenaires afin de maintenir leur position de parti dominant dans leur communauté.

    Directement après le vote, Reynders est retombé sur ses pieds en répétant à nouveau son plaidoyer pour un gouvernement surtout socio-économique: la cas « BHV » est reparti vers des négociations entre les communautés tandis que la réforme d’Etat avec une majorité des deux tiers peut être le problème d’une « commission de sages ». Cela semblait confirmé par la communication du roi et du formateur, la tantième crisette dans les rangs du CD&V et de la NVA a cependant conduit à la conférence de presse citée au début de cet article. Reynders ne doit pas penser qu’il peut pousser le CD&V dans une position où il sera le seul à baisser sa culotte.

    Au plus dure est ce théâtre de guignols, au plus monte la pression pour obtenir un gouvernement. Le déficit budgétaire commence à faire peur, de mauvaises prévisions économiques sont publiées,… Finalement, une solution va être trouvée, qui peut aller d’un « gouvernement normal » (ce que veut le CD&V) à un « gouvernement socio-économique » (ce que désire le MR, mais qui ferait perdre la face au CD&V) qui sera de courte durée, c’est-à-dire avec un accord gouvernemental jusqu’en 2009. Des variantes plus « exotiques » existent aussi : un gouvernement (partiellement) technocratique (du type « socio-économique »), une coalition fédérale totalement asymétrique, ou encore un gouvernement d’unité nationale : la tripartite classique, qui est presque toujours un gouvernement de crise.

    Une solution arrivera, pour la simple raison que l’alternative voulue par la NVA et le Vlaams Belang, l’indépendance de la Flandre, n’est voulue que par une petite minorité, tant parmi les travailleurs et leurs familles que parmi la bourgeoisie. Cette dernière aime bien utiliser la question nationale pour diviser le mouvement ouvrier au moment de l’attaque, mais elle n’aime pas du tout que la question nationale bloque l’application de son programme – même si ce n’est que pour la raison que, sans gouvernement, elle ne peut pas introduire une attaque sur les restes de l’Etat – providence. Leur opinion, « la voix de la raison », va finalement être reprise par le CD&V comme par le MR, à moins que ces derniers ne veulent perdre la confiance de la classe qu’ils veulent défendre. Ceux qui ne sont pas préparés au compromis vont en payer le prix: Reynders peut encore voir que le PS, qu’il déteste tant, rejoindre le gouvernement alors que le CD&V peut en cas de chaos total payer un prix électoral élevé si il est vu comme responsable du désordre.

    Les deux partis vont devoir apprendre la leçon que le PS et le SP ont appris lors de la précédente grande crise de formation (’87-’88, le précédent record de 148 jours) : pour arriver au gouvernement, il ne faut pas seulement gagner les élections, il faut aussi être préparé à mener la politique de ses maîtres et donc… de temps en temps être préparé à baisser sa culotte en ce qui concerne les promesses électorales. Il faut cependant savoir faire cela tout en le masquant, ce en quoi le CD&V était l’exemple ultime quand il s’appelait encore le CVP. De leur côté, le PS et le SP.a ont chacun prouvé au cours des dernières 19 années que des fesses nues et le rouge de la honte ne sont en rien un problème pour eux.

    Quant à messieurs De Wever et Maingain, leur avenir sera-t-il fait d’un poste de ministre ou de l’isolation politique? Tout comme le CD&V et le MR ont besoin de la NVA et du FDF, ces derniers ont aussi besoin des premiers. La NVA a aujourd’hui 5 sièges au Sénat et la dernière fois qu’elle a participé aux élections indépendamment du CD&V, elle n’a à peine obtenu que 5% ! Le FDF n’est pas non plus au sein du MR par grand amour et par grande unité programmatique, mais bien parce que le MR offre des carrières confortables. Dans cette question, les personnes clefs ne sont évidemment pas De Wever et Maingain (la politique belge n’a jamais eu un manque de fous du roi) : ce sont Leterme et Reynders. Tous deux peuvent dire adieu à leur carrière s’ils perdent aujourd’hui dans le poker politique qui occupe le pays depuis déjà 5 mois.

    Les syndicats ont raison de mettre en garde

    Les directions de la FGTB et de la CSC ont, à juste titre, dévoilé lors d’une conférence de presse commune ce qui se déroule derrière les rideaux – la « colle » entre Leterme et Reynders est clairement leur volonté de lancer un nombre d’attaques structurelles au service des supers profits du patronat. Leur réussite dépendra plus de la lutte du mouvement ouvrier contre une nouvelle attaque sur les restes de « l’Etat – Providence » (Etat – Providence que nous avons acquis par la lutte) que de la division communautaire et du cirque auquel nous sommes forcés d’assister depuis des mois.

    Le climat à venir est déjà visible : des données sont publiées sur un déficit budgétaire de 1,5 milliard d’euros, chiffre qui pourrait augmenter jusqu’à 3 ou 4 milliards pour 2008 « avec une politique qui n’est pas changée ». De plus, les perspectives de croissance économique ont été révisées par le bas pour 2008 et l’on parle dans les médias des « 50 mensonges gris » du gouvernement précédent autour du dossier des pensions. Et il faut encore compter le coût des 2 milliards d’euros nécessaires pour augmenter les allocations les plus basses (une douceur que le CD&V veut offrir) et de nouveau quelques milliards pour les diminutions d’impôts et de charges salariales (entre autres, de nouveau, sur les heures supplémentaires). Par contre, l’intérêt notionnel – qui a, notamment, permis à Electrabel de voir ses impôts diminuer de pas moins de 30 millions d’euros – n’est remis en question par aucun des négociateurs pour le futur gouvernement.

    S’ils arrivent à former un gouvernement – et d’une façon ou d’une autre, ils vont y parvenir- les attaques sur le mouvement ouvrier ne vont être longues à attendre. C’est aussi la raison qui explique toutes ces propositions sur une limitation du droit de grève. Le cirque communautaire va durer avec une commission, avec des séances bruyantes dans la Chambre et le Sénat, avec des déclarations musclées et tout cela au moins jusqu’aux élections de 2009. Si le mouvement ouvrier se laisse dévier ne serait-ce qu’un petit peu par cette division communautaire, nous courrons droit aux défaites.

    Pour cette raison, c’est une bonne chose que la FGTB ait appelé à une concentration des militants ce vendredi 16 novembre. Mais une concentration de 1000 syndicalistes ne va pas faire une grosse impression et n’a de sens que comme point de départ pour une campagne d’information large parmi les membres des syndicats pour les préparer à la lutte qui va devoir être menée. Cela doit à son tour être le point de départ d’un plan d’action et de mobilisation pour réagir collectivement à chaque attaque d’un gouvernement qui sera sans aucune doute un gouvernement instable.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop