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  • Intervention au Mali : Impérialisme ou "guerre humanitaire" ?

    Face aux terribles méthodes réactionnaires des djihadistes qui ont pris le pouvoir au Nord du Mali, aux côtés du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), l’intervention militaire française (qui reçoit entre autres l’appui logistique de l’armée belge) s’est présentée comme une aide extérieure – à la demande des Maliens "eux-mêmes" – pour défendre la ‘’démocratie’’ et les ‘’droits de l’homme’’. Il est certains que les terribles méthodes des groupes djihadistes réactionnaires révulsent à juste titre. Doit-on pour autant soutenir cette intervention ? Quelles solutions sont réellement capables de pacifier la région ?

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

    • Sahel : Non à la guerre au Mali ! L’intervention impérialiste va approfondir la crise et l’instabilité

    Une situation sociale désastreuse

    Malgré ses grandes ressources naturelles (le Mali est le troisième producteur d’or d’Afrique), ce pays est aujourd’hui l’un des plus pauvres au monde. En 2011, il s’est classé 175e sur les 187 pays pris en compte par l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies. Le taux de mortalité infantile est faramineux, de même que la malnutrition, l’analphabétisme… ce à quoi s’ajoute aussi la pratique largement répandue de l’excision.

    Toute la région au Nord du ‘’Mali vert’’ connait une situation plus dramatique encore. Cette région a toujours été défavorisée en termes d’investissements et d’infrastructures, tant durant la période de la colonisation française qu’après l’indépendance (en 1960), et plus particulièrement encore sous la dictature du général Moussa Traoré (à partir de 1968). De plus, les pluies se tarissent en raison du réchauffement climatique, une catastrophe pour tous les peuples de la région qui dépendent quasi uniquement de l’élevage et de fermes. Cette situation globale liée à la chute du tourisme (en conséquence de la crise et de l’augmentation des violences) a laissé des villes comme Tombouctou totalement sans ressources à l’exception de l’aide humanitaire limitée – et souvent intéressée – venue de l’occident et d’ailleurs (notamment, précédemment, de la Libye de Kadhafi).

    Il n’est pas exagéré de dire que les zones désertiques du Nord constituent un véritable océan de misère, de colère et de désespoir. Voilà le terreau pourri sur lequel ont pu proliférer mafias de trafiquants de drogue, milices armées, combattants de type Al-Qaïda, kidnappeurs, etc.

    La responsabilité du régime de Bamako

    Les problèmes dans le Nord du Mali sont connus de longue date. Les révoltes y ont été nombreuses, particulièrement en 1990. Ce fut d’ailleurs l’un des facteurs (mais ni le seul, ni le plus important) qui a conduit à la chute de la dictature de Traoré en 1991. Il a fallu attendre 1996 pour que les différents groupes touaregs brûlent symboliquement leurs armes en échange de promesses d’investissements destinés à améliorer les terribles conditions de vie en vigueur dans cette région. Mais ils ont largement été trahis, et ne furent pas seuls dans ce cas.

    La dictature de Traoré s’est effondrée à la suite d’une véritable révolte des masses, avec une mobilisation extraordinaire de la jeunesse (qui a connu de régulières explosions de colère depuis 1977), des femmes et de la base de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM). Grèves générales et manifestations de masse ont déferlé sur le pays pour réclamer la fin de la dictature, mais aussi plus de justice sociale.

    Faute de prolongement politique résolu à s’en prendre aux racines du système, un vide a été laissé pour qu’une aile de la hiérarchie militaire opère un coup d’État afin d’assurer une ‘’transition démocratique’’ avant tout destinée à préserver la structure de l’État et le système d’exploitation tout en sacrifiant le dictateur (gracié en 2002). Malgré tout, le régime présidentiel autoritaire a eu du mal à être installé, et les protestations de masse se sont poursuivies (notamment en 1993).

    Le régime a continué à se plier en quatre pour servir les intérêts de l’impérialisme, essentiellement français, et s’est soumis de bonne grâce aux diktats du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale en appliquant un politique néolibéral sauvage qui a détruit les services publics existants. Ce fut plus particulièrement le cas dans les années 2000, sous le règne d’Amadou Toumani Touré, le putschiste de 1991 élu à la présidence en 2002.

    Socialisme ou barbarie

    Ni en Afghanistan, ni en Irak, ni ailleurs, la guerre n’a été la solution pour instaurer la démocratie, mais, par contre, la ‘’lutte pour la démocratie’’ a systématiquement servi à masquer la défense des intérêts impérialistes. Dans le cas du Mali, il s’agit de s’assurer le contrôle des ressources de la région, au Mali, mais aussi au Niger voisin. La France puise plus d’un tiers de l’uranium nécessaire à ses centrales nucléaires au Niger. Elle vient d’ailleurs de décider d’envoyer ses troupes spéciales pour protéger l’uranium du géant français du nucléaire, Areva (c’est la première fois que les forces spéciales servent de milice pour une entreprise privée). La ‘’Françafrique’’ existe toujours bel et bien, comme l’avait encore illustré l’Opération Licorne en Côté d’Ivoire, pays lui aussi voisin du Mali. Si une grande partie de la population peut aujourd’hui favorablement accueillir les troupes étrangères face au danger du djihadisme réactionnaire, la réalité du ‘’Malifrance’’ ne va pas être bien longtemps masquée. Aujourd’hui, de nombreux rapports font déjà état de crimes de guerre des deux côtés du conflit, tandis que les troubles se sont étendus jusqu’en Algérie, où les braises du sanglant conflit interne des années 90’ n’ont jamais été éteintes.

    Seul un mouvement organisé sur une base de classe et résolu à livrer aux masses le contrôle des ressources du pays est apte à résoudre les divers problèmes entre ethnies (Touaregs, Bambaras, Dogons, Bozos…), en éliminant la division fratricide que peut entraîner la lutte pour la survie en désespoir de perspectives communes.

    Les travailleurs et les pauvres du Mali jouissent d’une longue tradition de lutte, un tel mot d’ordre n’a rien d’un fantasme.

  • Sahel : Non à la guerre au Mali ! L'intervention impérialiste va approfondir la crise et l'instabilité

    La crise des otages de quatre jours qui a eu lieu dans le complexe gazier d’In Amenas dans le Sud-Est de l’Algérie ainsi que son issue sanglante a constitué un véritable choc au niveau international. Ce raid et la riposte de l’armée algérienne ont tué au moins un travailleur algérien, 37 otages et 29 preneurs d’otages. Ces derniers étaient membres de la brigade Al Multhameen, la ”Brigade des Masqués”, qui a annoncé de nouvelles attaques contre des intérêts étrangers à moins que ne cesse l’offensive militaire étrangère au Mali. Dans la foulée, le Premier ministre britannique, David Cameron, a averti que la lutte contre le terrorisme en Afrique du Nord pourrait continuer "des décennies".

    Cédric Gérome, Comité pour une Internationale Ouvrière

    Nombreux sont ceux qui sont légitimement repoussés par les actions des groupes djihadistes réactionnaires tels que celui qui a effectué cette opération en Algérie. Cela s’est ajouté aux nombreux rapports faisant état des horribles méthodes qui prévalent sous le joug imposé par les combattants islamistes dans le Nord du Mali (exécutions sommaires, torture, amputations, lapidations, interdiction de la musique, destruction de lieux saints,…). Cette barbarie constitue la principale réserve de munitions idéologiques aux défenseurs de l’intervention militaire de l’armée française dans cette région, qui semble actuellement avoir un important taux de soutien dans l’opinion publique. Les derniers sondages indiquent que le soutien pour "l’Opération Serval" au sein de la population française est actuellement de plus de 60%. Néanmoins, les récents développements en Algérie indiquent que cette offensive militaire terrestre, contrairement aux arguments officiels, est susceptible de générer davantage de crise et de violence dans la région.

    Pour le moment, la plupart des rapports des médias indiquent que les Maliens, dans leur grande majorité et en particulier dans le Sud, accueillent favorablement l’intervention française. Avec la propagande qui accompagne inévitablement ces épisodes de guerre, à ce stade, beaucoup de maliens pourraient véritablement penser et espérer que l’intervention du gouvernement français pourrait les protéger contre certains des groupes armés qui terrorisent la population du Nord.

    L’état d’esprit de la population dans les différentes régions du pays est toutefois difficile à estimer de façon indépendante, surtout dans le Nord, puisque tant le ”gouvernement de transition” malien (qui est essentiellement la façade politique d’un régime militaire) que les militaires français interdisent l’accès aux zones de combat aux journalistes. Dans ces zones, les soldats ont reçu l’ordre de ne pas laisser passer les journalistes, certains ont même vu leur matériel être saisi par les autorités.

    Le fait que tant d’efforts soient effectués afin d’éviter toute libre information est en soi une raison suffisante pour faire naître de sérieux soupçons quant au véritable agenda des dirigeants maliens et de l’impérialisme français. Cela pourrait-il être lié d’une façon ou d’une autre avec l’accumulation de rapports qui parlent d’atrocités commises par l’armée malienne ? Quelques jours seulement après le début des opérations militaires, la Fédération internationale des droits de l’homme, Human Rights Watch et Amnesty International dénonçaient déjà des cas d’exécutions sommaires du fait de l’armée malienne et des milices pro-gouvernementales.

    Représailles ethniques et violations des droits de l’homme par l’armée malienne

    Lors de la reprise de villes précédemment perdues par l’armée malienne, soutenue par les forces françaises et de la CEDEAO (la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), les punitions collectives contre la population locale et les règlements de comptes sanglant avec les minorités touareg et arabe, en particulier, on connu une escalade.

    Dans les villes de Sévaré et de Niono, au centre du Mali, les preuves de massacres, de ”chasse à l’homme”, de cadavres jetés dans les puits par l’armée, de soldats empêchant les témoins de quitter la ville et d’autres graves violations se sont amassées depuis quelques jours. Deux jeunes habitants interrogés par un journaliste français ont expliqué que "Etre arabe, touareg ou habillé de façon traditionnelle pour quelqu’un qui n’est pas de Sévaré suffit à vous faire disparaître. Le port de la barbe est un suicide."

    Le Modèle malien

    Ces exemples dévoilent le côté sombre d’une guerre engagée sous la bannière des ”droits de l’Homme” et de la ”démocratie”. Tout cela porte un sérieux coup à la version d’une guerre du ”bien contre le mal” telle que décrite par les politiciens capitalistes occidentaux. Un rapport d’Amnesty International a par exemple mis en lumière, avant même que l’offensive militaire n’ait commencé, que le recours à des enfants-soldats n’est pas la pratique exclusive des combattants djihadistes. Des officiers maliens et des milices pro-gouvernementales font de même.

    La réalité est que l’exemple malien de ”démocratie” et de ”stabilité” tant vanté n’a jamais existé. Le régime d’Amadou Toumani Touré ("ATT") était corrompu, clientéliste et autoritaire. Beaucoup de ses propres hauts fonctionnaires ont directement été impliqués dans le trafic de stupéfiants et ont trempé dans des trafics et des enlèvements de toutes sortes, avec l’aide de certains de ces gangsters du Nord et du Sahara actuellement désignés comme étant des ”terroristes” et contre qui se mène la guerre actuelle.

    La vérité qui dérange, c’est que les activités d’AQMI (Al Quaïda dans la Maghreb Islamique) et d’autres groupes armés a été tolérée des années durant par le régime de Bamako. Ces groupes ont été un élément essentiel dans les circuits criminels qui ont contribué à l’enrichissement personnel et à la corruption de hauts fonctionnaires du gouvernement et de l’armée (d’après le Bureau de lutte contre la drogue des Nations Unies, 60% de la cocaïne présente en Europe aurait transité par le Mali). Ces groupes avaient également l’avantage de pouvoir être utilisés comme un contrepoids à l’influence et aux exigences des Touaregs.

    Dans l’armée, les généraux siègent dans des bureaux richement décorées tandis que les soldats ont parfois envoyés au champ de bataille sans matériel appropriés, sans bottes par exemple. Le ressentiment et la colère des soldats du rang contre la corruption de la hiérarchie et contre le refus du régime d’ATT de mener une lutte sérieuse contre les groupes armés du Nord ont constitué un élément clé dans le processus qui a conduit au coup d’Etat militaire de mars 2012 réalisé par des officiers subalternes. Ce coup d’État, ironiquement, a été dirigé par un capitaine de formation américaine, Amadou Sanogo, et a entraîné la disparition du ”régime démocratique” d’ATT.

    Les puissances occidentales, dans un premier temps, ont craint que la nouvelle junte au pouvoir n’échappe à leur contrôle et l’ont donc rejeté. Ils ont même décidé, après le coup d’Etat, de suspendre l’aide au Mali, entraînant toute la société dans une pauvreté plus grande encore. Ils ont ensuite changé d’attitude en se rendant compte que Sanogo, qui avait tout d’abord adopté une rhétorique anti-élite et populiste afin de s’attirer du soutien, était hésitant et s’est finalement montré prêt à collaborer avec l’impérialisme.

    Le Nord du Mali: un désastre social et humanitaire en cours

    Les effets dévastateurs provoqués par les politiques néolibérales du régime d’ATT, soutenu par l’Occident, ont permis au capital français de dominer des pans importants de l’économie malienne, ont ruiné la vie de beaucoup de gens et ont considérablement augmenté le chômage de masse, la pauvreté, la précarité.

    Le Mali est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres au monde, se classant 175e sur 187 pays en 2011 selon la grille de l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies. Ce pays a un taux de mortalité infantile et maternelle, de maladies et de malnutrition plus élevé que dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, et un taux d’analphabétisme de 75%.

    La marginalisation sociale de longue date du Nord du pays ainsi que le manque d’investissements et d’infrastructures dans cette région ont créé un océan de misère extrême et un niveau très élevé de ressentiment et de désespoir.

    En outre, tous les experts affirment que la sécheresse va s’approfondir dans le Sahel et que les pluies se tarissent en raison du réchauffement climatique. Il s’agit d’un désastre environnemental de grande ampleur pour tous les peuples de la région, car ils dépendent presque entièrement de l’élevage et de fermes.

    La forte baisse de l’activité économique touristique suite à l’augmentation du niveau de violence a été un facteur aggravant, avec un impact désastreux sur certaines régions et villes complètement dépendantes du tourisme pour leur survie (comme Tombouctou).

    Ce cocktail a créé une catastrophe sociale monumentale qui fut le terreau fertile du développement d’un territoire quasiment sans droit, fait d’une interaction complexe de mafias de trafiquants de drogue et de milices armées, aux côtés de combattants de type Al-Qaïda, de kidnappeurs et de bandits de toutes sortes.

    Une guerre pour la domination et le profit

    Une série de turbulences politiques ont été connues depuis l’épisode du coup d’État de Sanogo, qui a reflété la crise politique organique du pays et est l’acte de naissance de l’actuel gouvernement intérimaire. Formellement, la légitimité démocratique de ceux qui détiennent le pouvoir à Bamako est réduite à zéro. Cela n’empêche pourtant pas le gouvernement français d’exploiter le fait que ce régime militaire a ”demandé” à la France d’intervenir. Il ne s’agit que de la propagande destinée à alimenter l’idée que l’intervention militaire a été décidée suite à la demande d’aide du ”peuple malien” !

    Mais combien de temps sommes-nous censés croire que cette guerre n’a rien à voir avec le fait que le Mali possède de l’or, de l’uranium, du bauxite, du fer, du manganèse, de l’étain et du cuivre ? Ou avec le fait que ce pays est voisin du Niger, la source de plus d’un tiers de l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires françaises ?

    La dure réalité est que cette escalade militaire dans le Sahel, sous la bannière de la ”guerre contre le terrorisme”, ne vise à rien d’autre qu’à servir les intérêts impérialistes de la France : garantir la poursuite du pillage des immenses ressources de la région aux avantages de ses multinationales et de ses institutions financières.

    Les entreprises françaises ne sont pas les seules à avoir un appétit croissant pour cette région du monde. Les investissements directs chinois au Mali ont été multipliés par 300 de 1995 à 2008. Le Mali occupe effectivement avec la Zambie, l’Afrique du Sud et l’Egypte le sommet de la liste des pays africains où la Chine réalise ses plus gros investissements.

    Un rapport conjoint de l’office allemand des Affaires étrangères et du ministère de la défense montre qu’un budget de plus de trois millions d’euros a été alloué aux activités allemandes au Mali depuis le début de l’année 2009. Une dépense supplémentaire de 3,3 millions d’euros est prévue pour les années 2013 à 2016. De toute évidence, cette guerre s’inscrit dans un contexte plus large de compétition entre les différents puissances afin d’étendre leur influence régionale et de garantir leur accès à des ressources et des marchés importants.

    Vers un ”Sahelistan” ?

    Politiciens et commentateurs capitalistes ont prévenu du danger de l’instauration d’un ”Sahelistan”, un paradis pour les groupes terroristes de la région du Sahel.

    Bien entendu, aucun militant marxiste ou progressiste ne peut éprouver de la sympathie pour les djihadiste d’Al-Qaïda et d’autres groupes de ce type, dont l’idéologie et les méthodes constituent un danger mortel pour le mouvement ouvrier et les masses pauvres en général. Un lieu où les couples d’adolescents risquent la mort par lapidation s’ils se tiennent la main en public est une perspective répulsive pour l’écrasante majorité des travailleurs et des jeunes.

    Ces groupes prétendent appliquer la volonté de Dieu, mais ne sont pas exempts de contradictions. Ainsi, ces groupes ont des pratiques telles que l’amputation ou le fouettement de gens qui fument des cigarettes tout en étant eux-mêmes impliqués dans la contrebande de cigarettes et de drogue. Pour certains de ces groupes, l’idéologie religieuse n’est qu’une préoccupation de second ordre, et parfois tout simplement une couverture pour leurs activités mafieuses.

    Ces groupes réactionnaires ne sont que des champignons naissant sur un organe pourri qui est incapable de fournir à la majorité de la population, et surtout aux jeunes, un moyen d’aller de l’avant et d’avoir une vie décente. La peur, le manque de moyens de survie, l’absence de ressources financières, le besoin de protection, ou tout simplement l’absence d’alternative intéressante pour lutter contre la corruption des élites locales et les envahisseurs étrangers sont autant de motivations pour rejoindre ces groupes. En l’absence d’un mouvement fort et indépendant de la classe ouvrière uni aux pauvres des villes et des campagnes qui se mobilise pour offrir une perspective et un programme de changement social et politique, ces groupes armés peuvent continuer à exister et à se développer.

    Tout cela ne rend pas l’intervention militaire plus justifiable, de même que cela n’enlève en rien la responsabilité des puissances impérialistes bellicistes et de leurs marionnettes au pouvoir à Bamako face à cette situation.

    Les premiers rapports des frappes aériennes françaises contre les villes de Gao et de Konna, la semaine dernière, faisaient état d’entre 60 et 100 personnes tuées dans ces deux villes, y compris les enfants déchiquetés par les bombes. Les responsables militaires français ont eux-mêmes averti que des dizaines de morts parmi les civils sont presque ”inévitables”, puisque les rebelles vivent parmi la population et utilisent une tactique de guérilla pour se cacher.

    L’intervention militaire: une solution miracle?

    Tout cela jette de sérieux doutes sur l’objectif d’une brève campagne militaire de "quelques semaines". Encore une fois, c’est une chose d’envahir un pays et d’engranger de premiers succès militaires, mais c’en est une autre de se retirer et de compter sur une armée faible, impopulaire, fragmentée et corrompue pour reprendre le contrôle d’un territoire immense sans s’en prendre à la moindre des causes de la situation sociale explosive qui prévaut. La comparaison avec le bourbier afghan vient légitimement à l’esprit: selon le dernier rapport du Pentagone sur les progrès des forces afghanes, une seule des 23 brigades de l’armée afghane est "capable de fonctionner sans aucune aide extérieure".

    Peter Chilson, des Affaires étrangères américaines, a écrit : ”Le vaste désert du Nord du Mali est un endroit difficile à vivre, sans même parler de guerre. Pendant huit mois de l’année, la température y dépasse 120 degrés Fahrenheit en journée (48 degrés Celsius), dans un pays vaste et peu peuplé où il est facile de se cacher, surtout pour les forces djihadistes qui connaissent bien le terrain. Toute armée, qu’importe sa taille et son équipement, aura difficile à les chasser."

    La France peut être incapable d’éviter un engagement à long terme avec ses propres forces militaires. Au fur et à mesure que le nombre de blessés civils augmentera et que l’occupation occidentale et ses abus réveilleront les amers souvenirs de la période coloniale, cette intervention pourra précisément fertiliser le sol pour les djihadistes et d’autres groupes réactionnaires et leur attirer de nouveaux candidats pour participer à la ”croisade contre le maître colonial".

    A mesure que se poursuivra le conflit et que ses dramatiques conséquences seront exposées, l’atmosphère de relative acceptation cèdera place au doute, à la réticence et à l’hostilité. L’opposition va grandir et devenir plus audible. En France, les illusions envers la politique étrangère du gouvernement soi-disant ”socialiste”, qui serait fondamentalement différente de celle de Sarkozy, aura du mal à se maintenir. Toute l’idée défendue par François Hollande de la fin de la ”Françafrique” sera de plus en plus considérée pour ce qu’elle est : une plaisanterie cynique.

    Par ailleurs, ce qui s’est passé dans le Sud de l’Algérie n’est peut-être que le premier exemple d’une longue série d’effets boomerangs. En conséquence de cette intervention, plusieurs choses peuvent revenir à la face de l’impérialisme. Le chaos se répand et les problèmes de la région vont s’accumuler.

    Socialisme ou barbarie

    Un mouvement organisé sur une base de classe qui lierait la lutte contre la réaction fondamentaliste à un programme économique audacieux visant à exproprier les grandes entreprises et les grandes propriétés foncières ainsi qu’à résoudre les problèmes sociaux et la corruption pourrait rapidement obtenir un large soutien parmi la population malienne.

    Un tel mouvement pour l’égalité sociale devrait respecter les revendications et les droits de toutes les minorités ethniques et culturelles de la région afin de gagner en sympathie dans le pays comme sur la scène internationale.

    La construction d’un tel mouvement de masse peut apparaître comme une solution lointaine pour beaucoup de gens. Mais il s’agit du seul moyen de sortir de ce cauchemar grandissant. Le système capitaliste a montré à maintes reprises, partout sur le continent africain et au-delà, que le seul avenir qu’il a à offrir est de plonger la majorité de la population dans un cycle de barbarie, de crise économique, de guerre et de misère.

    • Non à l’intervention impérialiste dans le Nord du Mali ! Retrait des troupes étrangères du Mali – retrait des troupes françaises du Sénégal, de Côte-d’Ivoire, du Burkina Faso, du Tchad,…
    • Non à l’Etat d’urgence, pour le rétablissement de toutes les libertés démocratiques au Mali !
    • Pour la construction de comités de défense multiethniques démocratiquement organisés par la population malienne afin de chasser toutes les milices réactionnaires, mais aussi de résister à toute tentative d’occupation néocoloniale militaire du Nord !
    • Pour l’autodétermination des Touaregs! Tous les peuples du Sahel et du Sahara, ainsi que tous les peuples au sein de chaque pays, doivent avoir l’égalité des droits, et doivent décider de leur propre avenir !
    • Les richesses du Mali appartiennent au peuple malien ! Pour le contrôle et la gestion démocratique des grandes propriétés foncières, de l’Office du Niger, des mines et des secteurs stratégiques de l’économie malienne par les travailleurs et les pauvres, et non pas des gestionnaires corrompus ! Pour la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous contrôle démocratique !
    • Pour le financement d’un plan de développement économique basé sur les besoins des masses maliennes et contrôlées par elles !
    • A bas le régime de Bamako ! Pour un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres, afin de commencer la mise en œuvre de politiques socialistes pour développer le pays, sur base de la lutte commune des masse, organisées démocratiquement de la base.
  • Nigéria : La “Journée de l'Enfant” 2012

    Luttons pour défendre les droits de l’enfant et pour une société meilleure

    Nous avons célébré ce 27 mai la journée de l’Enfant au Nigéria. Mais cela n’est au final qu’une journée de plus où les politiciens capitalistes se lamentent et poussent des hauts cris face à l’horreur à laquelle sont confrontée des millions d’enfants de part le monde, tout en promettant solennellement de ne rien faire jusqu’à l’an prochain.

    Seun Ogunniyi et HT Soweto, SPN (CIO-Nigeria)

    La journée de l’Enfant est célébrée à diverses dates dans de nombreux pays du monde. Au Nigéria, cette journée est surtout observée par le gouvernement et par les ONG. À part donner un jour de congé aux élèves, pratiquement rien n’est fait par le gouvernement afin d’utiliser cette journée pour mettre en avant le véritable plan social qui est nécessaire afin de mettre un terme à la multitude de problèmes qui affectent les enfants. En général, ce n’est qu’une nouvelle occasion pour les gouvernements et les politiciens de faire résonner la fanfare, tout en laissant les problèmes irrésolus jusqu’à l’année suivante. Même la plupart des ONG censées défendre les droits de l’enfant oublient souvent d’utiliser cette journée afin de proposer un programme de campagne pour lutter pour une véritable amélioration des conditions sociales des enfants.

    Selon le CIA Fact Book, 42% de la population nigériane est composée d’enfants. Sous les conditions de vie brutales que connait la vaste majorité des Nigérians, les enfants constituent un très grand groupe social vulnérable qui est particulièrement menacé.

    Une enfance de cauchemar

    Très peu de gens dans notre pays, à part quelques enfants de familles riches et bien placées, peuvent dirent avoir eu une enfance heureuse, et ce, surtout depuis le début de la politique néolibérale anti-pauvre qui a commencé dans les années ’80.

    La vieille génération qui a grandi dans les années ’70 et au début des années ’80 garde cependant toujours de bons souvenirs de leur jeunesse. Pour la nouvelle génération, ces souvenirs paraissent être des contes de fées. Cela en raison des conditions de vie effroyables que la plupart des parents et des familles connaissent au Nigéria. Mis à part quelques moments de bonheur que les familles ouvrières tentent de créer pour leurs enfants, il n’y a que très peu de choses faites par le gouvernement pour assurer une enfance heureuse.

    Le Nigéria est un pays tout aussi âpre pour les enfants qu’il l’est pour les adultes. Les maux du capitalisme et de la société immensément inégale qu’il a créée sont durement ressentis par la plupart des enfants de familles ouvrières et pauvres pendant leurs premières années. La malnutrition, les maladies telles que la polio et la méningite, les mauvaises conditions de logement, la pauvreté, les violences, les viols, le manque d’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux autres besoins de base laissent tout autant de cicatrices qui ne disparaitront pas à l’âge adulte.

    Le Nigéria a un très haut taux de mortalité infantile, à 93,93 pour mille naissances. Comparons cela à 6,31‰ aux États-Unis. Cela est la conséquence de l’effondrement du système de soins de santé publics. Une majorité des enfants naissent dans les églises, dans les mosquées, chez le marabout, et autres lieux insalubres, parce que la plupart des familles pauvres ne peuvent pas se permettre le cout des hôpitaux privés. Cela explique aussi pourquoi nous ne disposons d’aucune statistique exacte du taux de naissances, puisqu’une majorité des naissances se déroulent là où on personne ne les enregistre.

    L’effondrement des soins de santé publics signifie que la santé des enfants est de plus en plus mise à mal. Le Projet national pour le contrôle de la malaria lancé par le ministère de la Santé a découvert qu’environ 300 000 enfants nigérians meurent de la malaria chaque année, et que 4 enfants sur 10 sont infectés par le parasite de la malaria. Le Nigéria est aussi le pays avec le record mondial de transmission du sida de la mère à l’enfant. Selon M. Mitchel Sidible, directeur exécutif du Programme des Nations-Unies pour le sida (UNAIDS), ‘‘Nous avons aujourd’hui au Nigéria 70 000 bébés qui naissent chaque année avec le sida’’ (This Day, 29 avril 2012). On estime également à 1,8 millions le nombre d’enfants orphelins du sida au Nigéria (dont les parents sont morts du sida).

    Ces conditions affreuses qui affligent les enfants ne pourraient être autrement dans un pays où 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté et n’a pas accès à de bonnes maisons, à l’électricité ni à de l’eau potable, malgré le fait que le Nigéria est un des premiers producteurs de pétrole sur le plan mondial. Les familles à bas revenu ne peuvent pas se permettre une alimentation même la plus basique, les soins de santé, l’éducation et autres besoins sociaux pour leurs enfants.

    Les conditions des enfants sous aussi un reflet de l’oppression que subissent les femmes sous le capitalisme. La situation est bien pire pour les mères célibataires, qui sont souvent sans emploi. Du fait du manque de crèches ou de homes à financement public qui pourraient aider les mères pauvres ou célibataires à élever leurs enfants, le nombre de bébés abandonnés augmente de plus en plus au Nigéria.

    Pour les enfants abandonnés, la survie lors des premières années est un véritable défi. Paradoxalement, le gouvernement a laissé l’accueil des enfants abandonnés à des ASBL, à des organes religieux et à des individus charitables, ce qui signifie que seuls quelques-uns de ces enfants abandonnés connaitront la chance d’être recueillis et élevés. La majorité d’entre eux meurt au coin d’une rue où leur mère – souvent une mère célibataire, ou dont le père a refusé la responsabilité d’élever l’enfant – les a abandonnés dans l’espoir qu’un Bon Samaritain les ramasse.

    Exploitation et violence sur les enfants

    Après leur naissance difficile, beaucoup d’enfants connaitront très tôt la joie du travail. Le travail des enfants est un phénomène de plus en plus répandu au Nigéria. Rien que dans notre pays, l’Organisation internationale du travail estime à plus de 12 millions le nombre d’enfants âgés de 10 à 14 ans qui est contraint aux travaux domestiques ou à la prostitution. Il n’est guère surprenant de constater que ce nombre correspond presque entièrement au nombre estimé d’enfants non-scolarisés au Nigéria. Sans un accès à l’éducation, les enfants deviennent vulnérables et se voient contraints de travailler.

    Toutefois, la hausse du travail des enfants est étroitement lié aux attaques sur le revenu de la classe ouvrière et des familles pauvres. Les politiciens des principaux partis anti-pauvres au pouvoir tels que le PDP et l’ACN préfèrent ne pas mentionner ce fait et au lieu de ça, faire porter le blâme aux parents. Parfois, certains gouvernements régionaux ont menacé ou même tenté de faire passer des lois qui pénalisent les parents dont les enfants sont trouvés en train de travailler dans la rue.

    Cependant, cela ferait bien longtemps que le problème du travail des enfants aurait été résolu si on pouvait juste le faire disparaitre par un ou deux décrets. Mais la cause véritable du travail des enfants se trouve dans l’abandon du financement des infrastructures publiques par le gouvernement et dans les conditions de misère que connaissent la majorité massive des parents ouvriers et des familles pauvres. Et seule une politique visant à améliorer les conditions de vie des parents travailleurs pourra réellement enclencher un début d’amélioration des conditions pour les enfants aussi.

    Les parents qui ont perdu leur emploi ou dont le salaire ne suffit pas à subvenir aux besoins de base de leur famille se voient souvent contraints de créer leur propre petite entreprise (épicerie, etc.) afin d’accroitre le revenu familial. C’est dans de tels cas que l’on voit les enfants, bien souvent dès l’âge de cinq ans, parcourir les rues après l’école afin de vendre leur marchandise. On en voit même dans la rue pendant les heures d’école – ce qui signifie certainement qu’ils ne sont pas scolarisés. Cette pratique, en plus d’influencer négativement les performances académiques des enfants, a aussi pour conséquence le fait qu’ils sont fatigués et que leur esprit ne peut se consacrer au temps de jeu et de repos que requiert leur âge afin de pouvoir se développer en individus normaux, énergiques et heureux.

    Il y a aussi la menace de la traite et du trafic d’enfants. Des parents pauvres ou ignorants se voient souvent promettre une “vie meilleure” pour leurs enfants qu’ils abandonnent ensuite à des trafiquants. Le manque de services sociaux public et l’inaction du gouvernement ne leur laisse que peu de choix, ils sont facilement trompés par les fausses promesses des esclavagistes.

    Les violences faites aux enfants au sein de la famille comme en-dehors sont également en croissance. À cause des médiocres conditions de logement au Nigéria, les familles ouvrières et pauvres vivent entassés les uns sur les autres dans un seul logis où se retrouvent souvent cinq à dix autres familles, sans toilettes ni salle de bain privée ; les enfants manquent souvent d’espace où pouvoir grandir en toute sécurité. Souvent, et surtout au moment où ils entrent dans l’adolescence, ils deviennent victimes d’adultes qui bien souvent vivent dans le même bâtiment ou dans la même enceinte. Parfois, cela se passe à l’école.

    Nous voyons de temps à autre dans les médias des rapports terrifiants concernant les violences faites aux enfants. Parfois, les enfants sont abusés par leur famille proche ou par leurs voisins. M. Michael Gbarale, cadre de l’organisation Stepping Stones Nigeria à Port Harcourt, a par exemple estimé qu’en six mois, pas moins de 18 cas de viols ont été rapportés rien qu’à Port Harcourt. Gbarale, cependant, se plaignait que seuls deux de ces dix-huit cas aient eu des conséquences judiciaires. Tous ces cas incluaient une fillette de 13 ans violée par un groupe de garçons, un homme qui harcelait ses deux sœurs âgées de 6 et 3 ans, et une fille de 10 ans violée sous la menace d’une arme à feu (Vanguard, 10 mars 2012).

    Il y a une culture de silence autour du viol, due aux conséquences sociales que cela entraine. Les violences faites aux enfants sont souvent cachées, laissant l’enfant victime sans aucun soutien psychologique. Dans certains endroits du pays, des centaines d’enfants accusés d’être des “enfants-sorciers” sont enfermés dans d’étroites cellules par des institutions spirituelles. Ils sont souvent torturés pendant des journées entières. La police ne donne souvent qu’une réponse fortement inefficace aux plaintes de viols ou de harcèlement. Parfois, tout ce qu’elle peut faire est d’enfermer les coupables, mais il n’y a jamais d’aide médicale ou psychologique pour les enfants victimes. Les conséquences sociales de tout ceci est une masse d’enfants traumatisés qui, ayant connu l’expérience d’une forme de violence ou d’une autre, conservent ce traumatisme à l’âge adulte.

    S’en prendre aux véritables coupables

    La cause des horribles conditions de vie des enfants est le capitalisme et l’inégalité, la misère en plein milieu d’un pays d’abondance, et l’insécurité de vie qu’il crée pour l’immense majorité des familles de travailleurs et pauvres. Selon l’Office national des statistiques, plus de 100 millions de Nigérians vivent avec moins de 2 dollars par jour, sur une population du pays estimée à 170 millions.

    L’immense majorité de la population est dépourvue d’un accès à des services de base qui sont nécessaires pour assurer aux enfants une enfance décente, tels que des logements vivables, des emplois corrects pour leurs parents, l’électricité, l’accès à l’éducation et aux soins de santé. La politique gouvernementale de sous-financement de l’enseignement – afin de faire payer les frais par les parents et par le secteur privé – signifie que plus de 12 millions d’enfants en âge d’être éduqués ne vont pas à l’école. Les filles sont une grande majorité de ces enfants non-scolarisés.

    Bien que l’enseignement, s’il faut en croire le Child Rights Act étatique, soit un droit pour chaque enfant, les enfants nigérians sont dans les faits frustrés de ce droit. Au Nigéria, le Child Rights Act promulgués en 2003 par le gouvernement fédéral avait pour objectif d’assurer la protection des droits de l’enfant. L’article 1er, qui concerne le droit à la vie, est renforcé par les articles 7 et 8 qui donnent à chaque enfant nigérian le droit à un enseignement de qualité et à des soins de santé. Il y est clairement établi que le gouvernement doit rendre l’enseignement obligatoire et gratuit pour tous, tout en encourageant un accès égal à l’enseignement pour toutes les couches de la société, y compris les enfants handicapés. Malheureusement, ce texte de loi n’est pas entré en vigueur à tous les niveaux de gouvernement. On retrouve la même situation d’insouciance gouvernementale concernant l’accès à des infrastructures sociales de base en ce qui concerne l’accès aux soins de santé.

    Les petites filles et les enfants handicapés courent souvent encore plus de risques de ne pas pouvoir entrer à l’école à cause de la misère ou du fait du manque d’infrastructures capables d’assurer leur accueil. Dans un pays tel que le Nigéria, où les médecins et les enseignants partent régulièrement en grève à cause du fait que le gouvernement s’inquiète moins de leur sécurité sociale que de celle des autres travailleurs, un enseignement et des soins de santé de qualité ne sont pas garantis.

    Les gouvernements à tous les niveaux, via leur politique du “partenariat public-privé”, ont abandonné l’enseignement et la santé aux mains de quelques investisseurs privés. Ces derniers ont assuré leur commercialisation. Les parents sont à la merci des propriétaires des écoles privées, parce que les écoles étatiques sont mal équipées et sous-financées. Malheureusement, nombre de ces écoles privées, malgré les énormes factures qu’il faut payer pour pouvoir y accéder, ne sont bien souvent rien d’autre que des taudis manquant par exemple d’espace de récréation dans lequel les jeunes élèves puissent apprendre et développer leurs capacités mentales et physiques, en plus de pouvoir participer à des activités sportives.

    La vie des enfants mise en péril au nom du profit

    Sous le capitalisme, la situation ne peut qu’empirer et seule une alternative socialiste peut améliorer la condition des enfants à tous points de vue. C’est parce que le capitalisme fait toujours passer le profit avant le bien-être des gens, y compris les conditions de vie des enfants. L’affaire Pfizer, dont le procès a duré 15 ans, est un bon exemple de cela.

    En 1996, une épidémie de choléra, de rougeole et de méningite a éclaté au Nigéria. Des représentants de Pfizer, une des plus grandes compagnies pharmaceutiques au niveau mondial, se sont alors rendus à Kano au nord du Nigéria pour y administrer un antibiotique expérimental, nommé trovafloxacine (ou Trovan), à environ 200 enfants. Environ 50 sont morts, tandis que nombre d’autres ont développé des difformités physiques et mentales. Selon les rapports, ‘‘Les chercheurs n’ont pas obtenu de formulaires d’assentiment signés, et le personnel médical de Pfizer n’a pas informé les parents que leurs enfants allaient recevoir un médicament expérimental.’’

    En 2001, les familles des enfants, ainsi que les gouvernements de l’état de Kano et du Nigéria, ont attaqué Pfizer en justice au sujet de ce traitement et pour ‘‘utilisation d’une épidémie afin d’accomplir des tests sur des sujets humains sans approbation, en plus d’avoir expressément sous-dosé le groupe contrôle traité aux antibiotiques traditionnels et ce, dans le seul but de truquer les résultats de l’expérience au profit du Trovan.’’ Il a fallu 15 ans de procédures judiciaires et de scandale public au Nigéria et dans le monde, pour contraindre Pfizer à payer des compensations aux familles des victimes.

    Cette affaire a révélé au grand jour la putréfaction de l’élite dirigeante corrompue du Nigéria, qui n’a pas établi la moindre protection ou régulation contre l’usage de nouveaux traitements et d’expérience médicales. Là où les lois et régulations existent, elles sont en général ignorées par les bureaucrates du ministère de la Santé qui sont dans la poche des compagnies pharmaceutiques. Cette manière de procéder est similaire à celle adoptée par les compagnies pétrolières qui suivent des pratiques de production et de fonctionnement brutales et dangereuses, causant des destructions à l’environnement, aux sources d’eau potable, aux étangs de pêche, à l’agriculture et aux conditions de vie en général dans la région du delta du Niger et ce, avec le plein assentiment des autorités.

    Dans ce contexte d’effondrement du secteur de la santé et de corruption légendaire des hauts fonctionnaires dans le ministère de la Santé et dans le gouvernement, les Nigérians sont considérés comme guère plus que des cobayes pour les multinationales pharmaceutiques qui ne respectent rien, pas même la vie humaine, dans leur recherche frénétique de profit. Une étude récemment publiée par des chercheurs nigérians de l’Université de Lagos a révélé qu’une énorme proportion des médicaments utilisés pour traiter la malaria (produits par de grandes multinationales) ne correspondent en réalité pas aux normes de traitement requises ! Malgré le tollé que cette étude a provoqué dans la société, le seul résultat en a été une série de dénis dans la presse, quelques remontrances et beaucoup de “c’est pas moi c’est lui”.

    Tout ceci démontre bien que le même style d’affaire peut très bien se répéter à nouveau encore et encore dans le futur, causant de nouvelles dévastations et morts d’enfants.

    Une vie décente est possible, pour les enfants comme pour les adultes

    Il faut que les syndicats, les groupes de défense des droits de l’homme et les organisations pro-masses se réunissent pour établir un programme d’actions afin de lutter pour le droit des enfants, y compris le droit à l’éducation, à une vie décente, à des soins de santé et à un avenir.

    Alors que de nombreux gouvernements ont souvent adopté une rhétorique très dure à l’encontre du “travail des enfants” – en particulier du colportage de rue -, ils ont toujours adopté une démarche contre-productive qui consiste à menacer les parents pauvres qui demandent à leurs enfants d’aller vendre des marchandises afin d’arrondir le budget familial. Mais la véritable cause du travail des enfants reste les conditions de misère de masse qui afflige des millions de familles travailleuses et pauvres – misère empirée par la politique néolibérale capitaliste de sous-financement et de commercialisation de l’enseignement.

    C’est pourquoi toute campagne qui vise à protéger les droits des enfants doit également inclure et mettre en avant d’une manière la plus énergique qui soit la revendication d’un enseignement réellement gratuit à tous les niveaux, de même que la gratuité des soins de santé, en plus de la création de services publics étatiques tels que des orphelinats, des centres d’accueil, et autres services de garde des enfants pour les mères célibataires, tout cela sous le contrôle démocratique des parents, des travailleurs et de la communauté. Seule l’organisation de ce genre de services sociaux et leur extension à l’échelle nationale, y compris dans les zones rurales, pourra apporter le début d’une solution et d’une vie décente pour les enfants du Nigéria.

    Aucun des partis politiques du Nigéria ne possède le moindre programme capable de libérer les enfants des conditions horribles auxquelles ils sont confrontés en grandissant. D’ailleurs, ces partis ne disposent pas non plus d’un programme capable de résoudre la crise du chômage, du sous-développement, de la misère de masse et de l’inégalité qui ravage la société. En vérité, la politique de privatisation, de commercialisation et de dérégulation qui est mise en œuvre par tous les partis dirigeants actuels partout dans le pays ne fait qu’aggraver la situation en détruisant les derniers vestiges de tout programme social au niveau de l’enseignement et des soins de santé, ce qui ne fait qu’ajouter aux problèmes sociaux qui affectent les enfants.

    Il est temps de bâtir un parti politique alternatif des travailleurs, des jeunes, et des pauvres, qui puisse apporter une réelle politique pro-pauvre afin d’endiguer les problèmes sociaux qui affectent les enfants et populations vulnérables dans la société, tout en montrant aussi la voie hors des conditions de misère de masse qui afflige la vaste majorité des Nigérians, une misère au milieu d’un pays d’abondance.

    Une véritable solution à la condition sociale de l’enfant nigérian ne pourra émerger qu’à partir du moment où seront nationalisés les secteurs-clés de l’économie du Nigéria, sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population laborieuse. Il sera alors possible de récupérer la richesse volée par les 1 % et de commencer à l’investir afin de restaurer notre infrastructure sociale décrépie et de fournir un enseignement, des soins de santé et tous les services nécessaires à une vie décente pour nos enfants, qui pourront alors grandir en sachant qu’ils auront un avenir une fois adultes.

    Cela signifie que la lutte pour défendre les droits des enfants et pour assurer la survie de la prochaine génération ne sera victorieuse qu’une fois le capitalisme et sa politique anti-pauvre seront éliminés et que le Nigéria sera restructuré selon des lignes socialistes et démocratiques.

  • Le capitalisme a continué à aggraver la situation des femmes

    Rejoignez la lutte pour une alternative socialiste

    La journée internationale de la Femme est un événement annuel célébré le 8 mars partout dans le monde. Il offre l’occasion de mettre en avant la triste situation pour les femmes du monde et de réaffirmer la manière dont nous pourrons en sortir, tout en célébrant la contribution héroïque des femmes à la lutte des travailleurs contre les divers maux engendrés par le capitalisme. Bien que cette journée tire sa source des luttes des femmes américaines du 19ème siècle pour de meilleures conditions de travail et un salaire égal, elle est par la suite devenue une journée internationale de la Femme sur base d’une résolution des femmes socialistes de la Seconde Internationale lors d’une conférence en 1910. Les Nations-Unies célèbrent depuis 1975 cette journée chaque année en tant que journée des Nations-Unies pour les droits de la Femme et pour la paix dans le monde, dans un effort évident de détourner l’attention des véritables problèmes auxquels sont confrontées les femmes.

    Par Seun Ogunniyi, Democratic Socialist Movement

    Le thème de cette année, selon les Nations-Unies, est “L’autonomisation des femmes rurales : mettre un terme à la faim et à la pauvreté”. De la part d’un organe aussi procapitaliste que les Nations-Unies, il ne s’agit là de rien d’autre qu’un discours “langue de bois”.

    Il est totalement utopique de vouloir mettre un terme à la faim et à la pauvreté sur base du système capitaliste soutenu par les Nations-Unies, pour qui seuls comptent le profit. De telles déclarations hypocrites ne manquent pas chez cette agence du capitalisme mondial. Par exemple, il y a la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui défend certains droits sociaux et économiques tels que le droit fondamental de chaque enfant à recevoir une éducation quel que soit son genre. Mais sur base de la politique capitaliste néolibérale de commercialisation et de privatisation de l’enseignement, qui conduit à un enseignement payant, l’enseignement est un droit souvent hors de portée des pauvres. Le problème de la faim et de la pauvreté ne provient pas du manque de ressources pour le résoudre. De fait, les progrès de la science et de la technologie ont fait en sorte qu’il est dès aujourd’hui possible de reléguer la pauvreté et la faim au rang de mauvais souvenirs. Mais cela est impossible à cause du capitalisme, qui défend les profits de quelques-uns aux frais de la survie de l’humanité.

    Ceci explique également pourquoi au Nigéria, malgré les immenses ressources humaines et naturelles dont dispose ce pays, la misère est une expérience quotidienne pour la vaste majorité de la population. Même Sanusi Lamido, le gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, estime la proportion de la population qui vit sous le seuil de pauvreté à 70%. Cependant, les maux du capitalisme affectent les femmes de manière disproportionnée comparée aux hommes. Les femmes portent un double fardeau du fait de limitations culturelles et économiques. Cela n’est pas le propre du Nigéria, mais est un phénomène global qui résulte du capitalisme et de la nature patriarcale de la société. La femme subit comme tout le monde la soif de profit du capitalisme, mais son fardeau est alourdi du fait du patriarcat qui attribue dans la société les rôles supérieurs aux hommes, et subordonne la femme aux caprices des hommes. Cette fracture se retrouve à tous les niveaux de la vie sociale.

    Enseignement

    Les statistiques des Nations-Unies et autres montrent constamment que le taux d’analphabétisme est plus élevé parmi les femmes que parmi les hommes. On estime à 65 millions le nombre de filles dans le monde qui ne vont pas à l’école, dont une bonne partie provient d’Afrique de l’Ouest. Au nord du Nigéria, le nombre d’enfants qui ne vont pas à l’école est très élevé, et la proportion de filles par rapport aux garçons à l’école est d’une fille pour deux garçons. Bien entendu, cela provient de pratiques culturelles et de croyances qui considèrent le genre féminin comme inférieur au masculin. De plus, confrontés aux choix de devoir envoyer soit leur fils, soit leur fille à l’école en raison de contraintes financières ou d’un accès difficile, il est plus probable que les parents sacrifient leur fille. Cela n’aurait pas été le cas s’il y avait un système d’enseignement public correctement financé qui garantisse un enseignement gratuit et de qualité à chaque enfant quel que soit son genre.

    Trafic d’enfants pour le travail et la prostitution

    La demande en petites filles capables de servir à la maison est très élevée dans diverses régions du pays, surtout à cause de la mentalité, issue des rôles sociétalement attribués à chaque genre, selon laquelle elles seront plus aptes à accomplir les tâches domestiques que les garçons. De plus, à cause de la pauvreté dans le pays, certains parents considèrent comme un moyen de se délivrer du “fardeau de l’éducation des enfants” le fait de donner leurs enfants à des membres de leur famille, voire à des inconnus. Dans de telles situations, c’est même souvent de bon cœur qu’ils abandonnent leur fille. Dans la plupart des cas, l’argent issu de ce trafic est utilisé pour permettre l’accès à l’école à leurs autres enfants (souvent des garçons). Parfois, de tels enfants se voient contraints de se prostituer.

    Santé

    La condition de la femme ne s’améliore pas lorsqu’elle devient adulte. La femme au Nigéria souffre énormément de la piètre situation des soins de santé. Cela est pire encore dans les zones rurales, où les centres de santé sont inadéquats et fonctionnent avec peu de personnel. Par exemple, les femmes au Nigéria souffrent de toute une série de complications lors de la gestation et de l’accouchement. Selon le Centre de recherche et d’action pour la santé féminine (Women Health and Action Research), le taux de mortalité des mères au Nigéria est de 608 pour 100 000, ce qui est le deuxième pire taux au monde après l’Inde.

    Riposte

    Mais les femmes du Nigéria ne se résignent pas à l’idée qu’elles ne peuvent pas améliorer leur situation. Au fil des années, les femmes ont toujours répondu au défi de la lutte pour une meilleure société, depuis les émeutes des femmes d’Aba en 1929, jusqu’à la récente grève générale qui a été la plus grande de l’histoire de notre pays.

    La hausse du prix du pétrole, qui est passé le 1er janvier 2012 de 65 à 141 nairas le litre, déguisé sous la forme d’une suppression des subsides par le gouvernement Jonathan, a déclenché une grève générale de six jours de même que des manifestations de masse qui ont vu des millions de Nigérians descendre dans les rues. L’économie a été dans les faits complètement bloquée. Les magasins, les écoles, les banques et l’industrie ont été fermés, ce qui a selon Afrinvest West Africa Ltd. mené le gouvernement nigérian à perdre près de 1,94 trillions de nairas (3,1 milliards de dollars)

    Le fait le plus saillant dans ce mouvement a été le rôle des femmes dans les manifestations qui ont éclaté dans quasi chaque partie du pays. Les femmes ont complètement démonté le mythe selon lequel les femmes africaines ne sont que des observatrices passives de leur propre histoire. Par exemple, à Kano, des femmes vêtues de hijab occupaient la “place de la Liberté” aux côtés des hommes. Dans d’autres parties du pays, des militantes ont rejoint les hommes dans l’organisation des manifestations, et on pouvait les voir à l’avant des colonnes avec leurs propres banderoles et pancartes, portant divers slogans visant à dénoncer les attaques néolibérales sur leurs conditions de vie.

    Dans les usines des états de Lagos et d’Ogun, nous avons vu de jeunes femmes jouer un rôle actif partout où il y avait des luttes pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Dans le delta du fleuve Niger, des femmes ont joué des rôles actifs dans la lutte contre la dégradation environnementale provoquée par l’exploitation pétrolière de la région.

    Une alternative socialiste

    Tout comme cela a été le cas pour l’ensemble du mouvement des travailleurs, les luttes des femmes n’ont pu arracher que des concessions et des gains temporaires. Par conséquent, ce qu’il faut est une solution permanente, qui ne pourra jamais être garantie sous ce système capitaliste d’exploitation et de profit. Cela ne veut pas dire que nous devons cesser la lutte pour des progrès. Au contraire, nous devons poursuivre l’agitation en faveur de l’égalité des chances, d’un enseignement et de soins de santé gratuits et de qualité, d’emplois et de logements décents et pour tous, etc. Cependant, les gains temporaires qui peuvent être obtenus sous le capitalisme grâce aux luttes de masse des masses opprimées ne pourront devenir permanents que via une reconstruction socialiste de la société, qui permettrait de changer la base de la production afin de satisfaire les besoins de la société et non l’avidité et la soif de profits de quelques-uns, en plus de mettre un terme à toute forme d’oppression et d’exploitation.

    Tout en célébrant la journée internationale de la Femme, nous, membres du Democratic Socialist Movement (DSM), nous dévouons à la construction d’une formidable alternative politique des travailleurs basée sur un programme socialiste, qui lutte pour émanciper les femmes travailleuses pauvres en même temps que toutes les autres sections exploitées de la société, et afin de placer les ressources de la société au bénéfice de tout un chacun. Nous appelons toutes les femmes, tous les jeunes et tous les travailleurs à rejoindre le DSM dès aujourd’hui.

  • Nigéria : meeting du DSM pour débattre de l'état de la nation

    ”Seule une révolution socialiste peut sauver le Nigéria – un pays immensément riche, mais dont la majorité des citoyens sont perpétuellement pauvres” – Segun Sango

    Le dimanche 19 février 2012, le Democratic Socialist Movement (DSM, section nigériane du CIO) a organisé un meeting à Lagos, dont le but était de réunir nos membres, et aussi et surtout les nombreux membres potentiels que nous avons rencontrés à Lagos au cours de la grève générale et des actions de masse de janvier dernier contre la hausse du prix de l’essence.

    Une discussion extrêmement intéressante a eu lieu sur l’état du Nigéria et sur les perspectives de progrès. Entamant la discussion, Segun Sango (Secrétaire général du DSM) a expliqué que la dernière grève générale en janvier est la confirmation que les masses laborieuses, les jeunes et les pauvres du Nigéria sont bel et bien capables d’accomplir une transformation révolutionnaire au Nigéria.

    Lanre Arogundade a ajouté que cette dernière action ne devrait pas seulement renouveler notre confiance en notre capacité d’accomplir le changement ; nous devons également tirer des leçons utiles afin d’assurer la victoire de la lutte future. Une leçon cruciale tirée de la grève générale est le fait que nous avons besoin d’un parti ouvrier de masse afin de prendre le pouvoir politique.

    Ceci est crucial, étant donné le fait que la situation va de mal en pis, malgré les promesses de palliatifs afin d’éviter que les gens ne soient trop fortement touchés par la suppression partielle des soi-disant subsides sur l’essence. Les prix de l’alimentation, des transports et d’autres produits et services de base, qui ont flambé au moment de la hausse du prix de l’essence, ne sont pas encore revenus à leur niveau d’avant janvier. D’ailleurs, l’Office national des statistiques a dit que le taux d’inflation dans le pays s’est tout d’un coup hissé à 12,6% en janvier, comparé à 10,6% en décembre, avant la hausse du prix de l’essence.

    À présent, la “sonde publique pour la gestion du subside” organisée par l’Assemblée nationale est en train de créer la frénésie des médias ; toutefois, tout cela n’est qu’un cirque : il n’y a toujours aucune preuve fiable de la volonté du gouvernement de réellement faire quelque chose contre la corruption dans le secteur pétrolier.

    Cela n’est pas une surprise. L’ensemble de l’appareil gouvernemental lui-même est corrompu ; le capitalisme lui-même est un système de corruption organisée. Tout en prétendant sonder la corruption dans le secteur pétrolier, les membres de l’Assemblée nationale se servent allègrement des parts du gâteau national. De récentes révélations ont montré que les 109 sénateurs vont recevoir 1,7 milliards de naïras par personne (8,2 millions d’euros!) pour pouvoir s’acheter une jeep. Ceci, en plus de toute la flotte de véhicules de luxe qui appartient déjà aux membres de l’Assemblée nationale.

    Tout cela se retourne contre les promesses du président Jonathan qui avait dit vouloir s’attaquer au gaspillage de l’argent du gouvernement ; cela montre aussi à quel point aucun des problèmes (la corruption en faisant partie) qui ont fait descendre les masses dans les rues en janvier ne fait l’objet de la moindre attention de la part du gouvernement.

    Segun Sango a expliqué que tout ce gaspillage et toute la la corruption de l’élite dirigeante n’est pas quelque chose d’accidentel, mais est une caractéristique du capitalisme. Cette caractéristique n’est d’ailleurs pas le propre du capitalisme au Nigéria, mais également du capitalisme au niveau international, comme nous pouvons le voir sur base de l’avidité des grandes entreprises, des banquiers et des politiciens qui sont en train de mettre l’ensemble de l’économie européenne à genoux, et aussi comme nous pouvons voir la manière dont la facture de la crise est en ce moment présentée aux travailleurs et aux jeunes via une politique d’austérité brutale.

    Le capitalisme est un système fondamentalement injuste. Il y a de la richesse dans la société, mais au lieu d’être utilisée pour améliorer le sort de tous, elle est accaparée par les capitalistes, dans le gouvernement comme en-dehors. Un nouveau rapport de l’Office national des statistiques (ONS) montre que les inégalités de revenu au Nigéria se sont accrues de 0,429 en 2004, à 0,447 en 2010 – ce qui indique que nous sommes en présence d’appauvrissement de masse qui a lieu malgré toutes les fables au sujet de la croissance économique.

    Le plan de transformation de Jonathan : qu’a-t-il à offrir ?

    Selon l’ONS un nombre effarant de 112 519 000 Nigérians vit dans des conditions de pauvreté relative. Ce nombre représente 69% de la population totale du pays, estimée à 163 millions. Plus inquiétant encore, est le fait que le taux de pauvreté s’accroit alors que la croissance du PIB est estimée être de 7,75%. Selon le statisticien en chef de l’ONS, le Dr. Yemi Kale, le taux de pauvreté officielle pourrait même être passée à 71,5% en 2011. De même, 23,9% de la population est sans emploi.

    Ces statistiques ensanglantées sont le reflet économique de la faillite de la politique capitaliste néolibérale des régimes précédents, que le plan de transformation du président Jonathan désire maintenir et intensifier. Le plan de transformation est un paquet de réformes néolibérales qui visent la privatisation, la dérégulation et la commercialisation, tout cela dans le but de servir les intérêts des riches. Selon ce plan, la Compagnie électrique du Nigéria sera démantelée pour être vendue pour une bouchée de pain à diverses compagnies privées. L’implication de cela est une hausse du tarif de l’électricité, ce qui va encore plus peser sur les masses laborieuses et les pauvres. Et sans compter les milliers d’emplois qui seront perdus. Les travailleurs de l’électricité sont déjà en train de compter les jours avant de recevoir l’annonce du licenciement de masse qui accompagnera la restructuration.

    Déjà l’année passée, il y a eu une hausse du tarif, alors que la vaste majorité de la population n’a même pas l’électricité ou doit la produire soi-même avec des générateurs. Selon l’Association des entreprises du Nigéria, le piètre état du réseau de distribution électrique est le principal facteur qui explique les fermetures d’entreprises, la délocalisation des lignes de production et les centaines de milliers de pertes d’emplois qui ont eu lieu ces dix dernières années.

    Cette année, une nouvelle hausse du tarif est en train d’être préparée par le gouvernement fédéral ; c’est même selon eux une des conditions pour une privatisation réussie de l’électricité publique, afin de rendre le secteur plus profitable pour les investisseurs privés. Cela seul expose l’ensemble du processus de privatisation comme n’étant pas une tentative d’améliorer la génération d’électricité, mais comme une simple opération profit. Lorsque les requins spéculateurs en auront totalement pris le contrôle et la possession, les masses devront s’attendre à un déclin drastique de l’accès à l’électricité, tandis que les tarifs grimperont au plafond.

    C’est cette même politique anti-pauvres et anti-croissance qui est en train d’être appliquée à d’autres secteurs de l’économie. L’éducation et les soins de santé sont de plus en plus commercialisés. Le camarade Nicholas a raconté lors du meeting son expérience à l’hôpital général public de Lagos, où il a dû payer 30 000 naïras (140 euros) rien que pour les soins prénataux pour sa femme enceinte. Dans un pays où le salaire minimum est d’à peine 18 000 nairas (86 euros) par mois, cette histoire montre bien ce que doivent endurer les familles ouvrières et de la petite classe moyenne pour avoir accès à des soins.

    Il ne faut donc guère s’étonner du fait que la plupart des accouchements se passent dans des églises et autres lieux innommables, vu que les familles ne peuvent se permettre le cout élevé des soins de santé. Le même scénario se déroule dans l’éducation. Dans les universités et hautes écoles du pays, les frais d’inscription sont en train de passer à 100 000 nairas (480 euros), voire 200 000 naïras (960 euros) par an, et même, dans le cas de l’Université d’État de Lagos, à 348 000 naïras (1670 euros) ! Il est intéressant de constater que l’ensemble des partis politiques, y compris le Congrès pour l’action du Nigéria (Action Congress of Nigeria, ACN, principal parti d’opposition), sont unis derrière ces attaques néolibérales sur l’enseignement public. En fait, les institutions publiques dans des états gouvernés par l’ACN sont celles dont les frais d’inscription sont les plus élevés.

    Tous les partis d’opposition entonnent le même refrain : il n’y a pas d’alternative à la manière de gérer la société, à part la politique néolibérale ». Dans l’état de Lagos, le gouvernement ACN a vendu toute un tronçon routier, l’autoroute express Lekki-Epe, à des requins privés et ce, sous le masque d’un “partenariat public-privé”. La construction de cette route avait débuté dans les années ’80, et tout ce que la compagnie privée devait faire était ajouter une ou deux bandes le long de 49 kilomètres de la route. Même si seuls 6 de ces kilomètres ont été pour l’instant achevés, la compagnie a déjà installé un péage, et prévoit d’en construire deux de plus ! La construction d’un péage sur une route publique a été la source de nombreux troubles et actions de protestation qui ont été cruellement réprimées par le gouvernement.

    Le camarade Chineda a raconté une autre fraude du partenariat public-privé organisé par l’ACN à Lagos : le système de transports rapides par bus “Lagbus”. On présente souvent ce système comme un merveilleux exemple de partenariat public-privé réussi, mais la réalité est toute autre. Tout comme la concession de l’autoroute express Lekki-Epe, Lagbus n’est rien d’autre qu’une couverture pour utiliser l’argent public afin de mettre sur pied des entreprises privées pour des pontes du parti et pour leurs copains privés. La compagnie Oando, dont le directeur, Wale Tinubu, est le neveu de Ahmed Bola Tinubu, un des dirigeants politiques de l’ACN, est le seul fournisseur de diesel à Lagbus, alors qu’Oando vend son diesel à un prix plus cher à Lagbus qu’à ses autres clients.

    Évidemment, cet arrangement deverait être non-profitable pour une véritable entreprise, mais la réalité est que Lagbus n’est qu’une façade qui sert à faire partir les ressources de l’État vers des poches privées. La majorité du personnel gagne environ 25 000 nairas par mois (120 euros). Les chauffeurs de bus gagnent 35 000 nairas (170 euros), mais il travaillent plus de 60 heures par semaine ! Du fait de la mauvaise gestion, de nombreux bus sont en panne, ce qui signifie qu’il faut bientôt s’attendre à des licenciements. La compagnie a aussi toute une histoire d’attaques sur les droits démocratiques de ses travailleurs à rejoindre un syndicat, tandis que la victimisation est monnaie courante.

    Mais il y a en réalité un mode alternatif de gestion de la société capable d’assurer que les ressources de la société soient utilisées pour répondre aux besoins des masses laborieuses et pauvres plutôt qu’à ceux des politiciens bien nourris et des grandes entreprises, tels que nous le voyons aujourd’hui. Ce mode alternatif de gestion de la société que défendent les socialistes, c’est la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratique du public. Les socialistes s’opposent à toute privatisation, parce que nous pensons que les ressources de la société appartiennent au peuple, et par conséquent doivent être propriété collective. C’est pourquoi nous insistons sur le contrôle et la gestion démocratiques des entreprises nationalisées, afin de pouvoir impliquer les masses laborieuses et pauvres dans la gestion de l’économie et de la société.

    La question nationale

    Un autre aspect de l’état de la nation que les socialistes et les masses laborieuses doivent analyser avec une grande attention est la question nationale. Cela, d’autant plus qu’auparavant, vu la montée du Boko Haram – un groupe islamiste fondamentaliste du Nord-Est – dont les brutales activités terroristes et assassinats perpétrés au cours des trois dernières années menacent de déstabiliser le pays.

    Segun Sango a expliqué que la crise ethno-religieuses qui semble tellement insurmontable est en réalité née du fait que le Nigeria actuel est composé de divers peuples hétérogènes qui ont, sans aucune consultation, été forcés de cohabiter dans un même pays par les colonialistes britanniques, qui n’aspiraient qu’à une exploitation facile et profitable des ressources du pays. Aucun de ces peuples n’a été consulté, il n’y a jamais eu aucune discussion démocratique quant à la volonté ou non de ces différentes nationalités de continuer à vivre ensemble et si oui, sur quelle base.

    L’indépendance du Nigeria a été partiellement négociée sur base de cette division ethnique et religieuse ; l’impérialisme britannique a donné le pouvoir à la section de la classe dirigeante qu’il estimait la plus malléable. Toutefois, à cause des positions pro-capitalistes (tant sur le plan de vue économique que politique) des élites dirigeantes de toutes les principales nationalités qui ont formé le gouvernement au Nigeria depuis l’indépendance, les tensions et divisions ethniques et religieuses, plutôt que de s’atténuer, n’ont fait que s’aggraver, reflétant la lutte des diverses élites nationales pour s’accaparer leur part de la richesse sociale.

    Ce n’est pas pour rien que le Nord compte le plus haut niveau de pauvreté et d’analphabétisme, malgré le fait que des élites du Nord ont dirigé le Nigéria pendant des décennies. Le dernier rapport de l’ONS a montré que le Nord-Ouest et le Nord–Est avaient en 2010 les plus haut taux de pauvreté du pays, à 77,7% et 76,3% respectivement. De tous les 36 états de la fédération nigérianne, c’est Sokoto qui a le plus haut taux de pauvreté : 86,4% !

    C’est pourquoi les socialistes défendent constamment le fait que sans justice au niveau de la répartition de la richesse sociale, il ne peut y avoir le moindre espoir d’une solution durable à la question nationale. Le DSM appelle à une conférence nationale souveraine véritablement démocratique et indépendante qui soit dominée par des représentants élus des travailleurs, des pauvres, des jeunes et différents groupes ethniques afin de discuter de si oui ou non le Nigéria a encore un sens, et si oui, selon quelles modalités.

    Cependant, une conférence nationale souveraine indépendante soulève la question de quel gouvernement mettra en vigueur ses résolutions. Ce ne sera certainement pas le gouvernement des pillards pour qui le statu quo injuste peut bien continuer vu qu’ils en tirent profit. Cela soulève la question de la nécessité d’un parti politique ouvrier capable de se battre pour le pouvoir politique et d’amener un gouvernement réellement démocratique des travailleurs et des pauvres, le seul à même de faire appliquer les décisions d’une telle conférence nationale souveraine.

    Les socialistes soutiennent le droit à l’auto-détermination des peuples. Toutefois, nous devons bien expliquer que séparer ou diviser le Nigéria ne constituera pas une solution magique à la crise du sous-développement, du chômage et de la misère qui ravage les masses laborieuses du Nord, de l’Ouest, de l’Est, de la Ceinture moyenne et du delta du Niger.

    Ce n’est pas pour rien que les gouverneurs et politiciens de la région du delta du fleuve Niger, d’où provient la plupart du pétrole du pays, sont aussi parmi les plus corrompus. Malgré les 13% de dérivés que les états de cette région reçoivent tous les mois du gouvernement fédéral en plus des allocations mensuelles, le niveau de sous-développement, de misère, de chômage et d’effondrement des infrastructures publiques telles que routes, enseignement et soins de santé, est alarmant. L’élite dirigeante de la région du delta du Niger ne fait qu’amasser et amasser tout l’argent, en abandonnant son peuple à une vie de misère et de pénurie. Si ces mêmes éléments devaient se retrouver à la tête d’une éventuelle nation indépendante du Delta du Niger, il ne faudrait alors pas s’attendre à la moindre amélioration des conditions de vie de la population. Cette perspective vaut également pour toutes les zones géopolitiques où les élites capitalistes dirigeantes sont aussi corrompues et anti-pauvres.

    Tout en soutenant le droit à l’auto-détermination, nous insistons sur la nécessité pour les masses laborieuses et les pauvres de se battre pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres qui n’appliquera pas une politique néolibérale de privatisations, mais qui utilisera les ressources de la société dans l’intérêt de tous. Les socialistes pensent qu’une sécession sur une base capitaliste n’amènera rien de plus que la continuation de la même inégalité de revenus et de misère de masse au milieu d’un pays d’abondance. Par conséquent, les socialistes défendent un Nigéria unifié, mais cette fois-ci sur base de principes démocratiques, d’une justice socio-politique et du socialisme.

    La direction travailliste

    La manière dont la récente grève générale “illimitée” a été tout d’un coup interrompue avant qu’elle n’atteigne ses objectifs n’a fait que souligner encore plus le fait que les dirigeants syndicaux actuels n’ont aucun programme alternatif capable de mener les travailleurs dans la lutte pour le pouvoir politique. La grève générale et les actions de masse qui ont fait descendre des dizaines de millions de Nigérians dans les rues et ont dans les faits coupé toute l’économie du pays pendant plus d’une semaine, ont soulevé la question du pouvoir politique. Toutefois, les dirigeants travaillistes n’étaient pas préparés pour cela, ni idéologiquement, ni politiquement, malgré l’énorme potentiel organisationnel que représentent les syndicats au Nigéria. Ceci explique pourquoi ils ont été si facilement mis sous pression par le gouvernement qui a accusé le mouvement d’œuvrer avec l’opposition pour chasser Jonathan de son fauteuil de président avec son slogan de changement de régime.

    Il est intéressant de constater que la direction travailliste n’a pas officiellement soulevé ce slogan. D’ailleurs, aucun des partis d’opposition, aucun des politiciens de l’opposition qui ont participé à l’assemblée quotidienne place de la Liberté Gani Fawehinmi à Ojota Lagos n’ont repris ce slogan de manière consciente. Seuls le DSM et le JAF (Joint Action Front, une plate-forme de lutte syndicale) ont soulevé ce slogan de manière consciente, mais l’ont complété par un appel à une alternative économique et politique ouvrière. Le JAF a appelé à un changement de système. Sur nos tracts, nos bannières, dans nos journaux, nous proposions le slogan “À bas le gouvernement Jonathan, pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres”. Cependant, ce qui a réellement effrayé l’élite dirigeante était le fait qu’à partir du troisième jour de grève, le slogan “Jonathan dégage!” commençait à devenir très populaire parmi de larges couches de manifestants à Lagos et à travers tout le pays. Il était très clair que les événements étaient en train d’atteindre un point qui pouvait être dangereux pour le régime et au final pour le système.

    Par conséquent, les dirigeants travaillistes ont dû intervenir pour se dissocier spécifiquement de l’appel à un “changement de régime”, et ont déclaré la fin de la grève au moment où ils se sont considérés incapables de mener les travailleurs plus en avant vers l’étape suivante qui était la lutte pour le pouvoir politique. De plus, les dirigeants travaillistes actuels ne sont pas fondamentalement opposés à la politique néolibérale anti-pauvre de privatisation et de dérégulation ; ils ne désirent au mieux qu’à l’encadrer afin de lui donner un visage plus humain. Le principal élément qui faisait défaut à cette grève massive, tout comme aux mouvements précédents, était l’absence d’un parti politique ouvrier de masse, qui aurait pu se saisir de cette opportunité afin de fournir une direction au mouvement, surtout à partir du moment où la direction travailliste battait en retraite, et afin de cristalliser la colère et le potentiel du mouvement de masse jusqu’à la conquête du pouvoir politique. C’est là une des raisons pour lesquelles nous avons constamment appelé les socialistes, les travailleurs, les artisans et les jeunes à diffuser l’idée de la nécessité de la formation d’un parti ouvrier de masse.

    Un parti de masse des travailleurs et des pauvres

    La meilleure manière de rapidement organiser une puissante alternative politique capable de concourir pour le pouvoir lors des prochaines élections en 2015 et après est de voir le mouvement ouvrier jouer un rôle dirigeant dans la formation d’un tel parti. Mais cela ne peut se produire sans une direction syndicale combative, capable de comprendre la tâche historique de la classe ouvrière dans la direction des autres couches des opprimés dans la lutte pour le pouvoir politique. L’exemple du Labour Party formé par le NLC (Confédération des syndicats du Nigéria) mais abandonné à des carriéristes et à des politiciens professionnels montre que cette compréhension n’existe pas chez les dirigeants syndicaux actuels.

    Par conséquent, l’agitation en direction d’un parti de masse des travailleurs doit être reliée à une campagne parmi la base syndicale pour une direction syndicale combative. Elle doit également être liée à la revendication de la démocratisation des syndicats et à l’implication de la base des travailleurs dans la gestion des syndicats et dans la prise de décision collective quant à la manière dont le mouvement ouvrier doit répondre aux attaques néolibérales du gouvernement.

    La tâche de la construction d’un parti ouvrier de masse est de la plus haute importance. Comme l’a répété Segun Sango, tout en menant la campagne pour la formation d’un tel parti ouvrier de masse, nous devons saisir chaque opportunité, quelles que soient les limitations et les difficultés, pour construire une alternative politique socialiste dès à présent. C’est dans ce cadre que se pose la question de la transformation du DSM en un véritable Socialist Party, reconnu officiellement. Bien entendu, les lois électorales antidémocratiques présentent une myriade d’obstacles financiers et autres sur la voie vers l’enregistrement d’un véritable parti capable de représenter et de se battre pour les intérêts des masses laborieuses, des jeunes et des pauvres. Mais avec notre détermination, nous pouvons les surmonter.

    Contrairement à ce qui s’est produit lors des deux dernières élections, où aucune alternative politique n’existait pour la classe ouvrière et la jeunesse, même un petit Socialist Party nous offrirait une occasion d’intervenir dans les élections et de mettre en avant un programme économique et politique socialiste.

    Selon Lanre Arogundade, une organisation telle que la nôtre est nécessaire pour fournir aux masses laborieuses une issue à la crise du capitalisme au Nigéria. Il y a par conséquent la nécessité de redoubler d’efforts dans la construction du DSM. Cela inclut de faire en sorte que notre message puisse atteindre toutes ces personnes avides de changement que nous avons rencontrées au cours de la dernière gréve générale, et que nous nous battions politiquement pour les gagner à la cause du socialisme.

    Le meeting s’est clôturé sur un appel aux dons qui a récolté la somme de 5500 naïras (26€), plus 3000 naïras (14€) en promesses de dons.

  • Côte d’Ivoire : pas encore hourra

    Il ne fait aucun doute que la capture de Laurent Gbagbo le 11 avril 2011 par les forces de Alassane Ouattara (énormément aidées par l’armée française) a apporté un immense soulagement à l’immense majorité des Ivoiriens, soumis à l’expérience traumatisante d’une nouvelle guerre civile après les élections de novembre 2010. Ces élections avaient produit deux “présidents”. Ouattara, un ancien premier ministre du dictateur Houphouët-Boigny, avait été déclaré vainqueur des élections par la commission électorale, et validé par les Nations-Unies.

    Peluola Adewale, Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

    Cependant, le président sortant Laurent Gbagbo avait rejeté le verdict en prétextant des irrégularités dans le nord du pays, et avait forcé le conseil constitutionnel – qu’on a dit dirigé par un de ses amis – à annuler les votes du Nord, ce qui avait mené à sa réélection. Les nations impérialistes occidentales et la CEDEAO ont quant à elles reconnu Ouattara en tant que vainqueur et ont imposé toutes sortes de sanctions à Gbagbo pour le contraindre à quitter, mais sans résultat. Cette impasse a mené à une grave crise de violences sectaires, qui a couté la vies à 1500 personnes et contraint un million de gens à l’exil. Gbagbo n’a pu être dégagé que par la force de l’armée française qui a bombardé son arsenal et son palais jusqu’à le forcer à sortir de son bunker, pour pouvoir être cueilli par les soldats de Ouattara.

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    Tandis que la capture de Gbagbo a apporté un certain soulagement avec la fin de la guerre civile prolongée, les militants de la classe ouvrière et par le peuple ne devraient pas applaudir le rôle de l’impérialisme. Car c’est de la même manière que l’impérialisme a lâché sa puissance militaire contre le régime dictatorial et pro-capitaliste de Gbagbo, qu’il tentera de réprimer brutalement tout véritable mouvement ouvrier qui menacerait le règne et l’emprise du capitalisme et de l’impérialisme.

    Malgré le prétexte selon lequel l’intervention de l’impérialisme, avec ses bombes et ses tanks était justifié par la nécessité de protéger les civils, sa mission avait pour véritable objectif ses propres intérêts égoïstes. Cette justification peut facilement être remise en question par les développements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, où les impérialistes soutiennent militairement le mouvement contre la dictature de Mouammar Kadhafi qui avait lancé la terreur d’État pour réprimer l’opposition, alors qu’au même moment ils gardent le silence par rapport aux atrocités commises par les dirigeants pro-occidentaux du Bahreïn, de Syrie et du Yémen. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, deux alliés majeurs de l’Occident, ont en effet envoyé des troupes et des tanks pour briser et tuer les opposants au Bahreïn, sans aucune condamnation de la part de l’Occident. Une différence importante entre la Libye et certains des autres pays de la région où se déroulent des révoltes de masse est que la Libye possède de grandes réserves de pétrole, les plus grandes d’Afrique, tandis que les autres ne possèdent que très peu de pétrole. En fait, certaines études ont révélé que les réserves du Yémen seront épuisées d’ici 2017, tandis que celles du Bahreïn ne pourraient encore durer que 10-15 ans. En plus, le contrôle et les immenses profits des multinationales pétrolières occidentales n’ont jamais été menacés dans ces pays.

    Il faut cependant insister sur le fait que c’est le vide créé par l’absence d’un grand mouvement de la classe ouvrière capable d’arrêter la dégénérescence de la crise politique en guerre civile qui a été exploité par l’impérialisme français pour satisfaire ses propres intérêts. Les travailleurs ont prouvé avec des grèves et des protestations de masse contre les attaques néolibérales qu’ils ont organisées au cous des dernières années du régime Gbagbo qu’ils étaient capables de se dresser au-dessus des divisions ethniques et religieuses exploitées par l’élite capitaliste dirigeante, et de s’unir dans la lutte pour leurs intérêts communs et pour une meilleure vie.

    Par conséquent, un mouvement centralisé de la classe ouvrière aurait pu mobiliser la masse des Ivoiriens, des travailleurs, des paysans et des artisans contre la xénophobie, contre l’ethnicisme et la guerre, et aurait pu les organiser en un grand mouvement politique capable d’arracher le pouvoir des mains des diverses factions de l’élite capitaliste dirigeante qui ont plongé le pays dans une abysse de crises économiques et politiques, mais aussi de contrer l’emprise de l’impérialisme sur l’économie. Si un tel mouvement avait existé, en opposition aux manœuvres et aux conflits des cliques rivales, il aurait donné aux travailleurs une plateforme à partir de laquelle créer leur propre alternative sous la forme d’une véritable assemblée des travailleurs – formée de représentants élus des ouvriers, employés, des paysans, des petits commerçants, des artisans et des groupes ethniques – qui aurait pu constituer un gouvernement transitoire qui aurait agi en faveur des intérêts des travailleurs et des pauvres et qui aurait organisé de nouvelles élections véritablement démocratiques, sans l’interférence des Nations-Unies, cette organisation pro-capitaliste.

    Bien que Ouattara a gagné la guerre pour le poste de président de Côte d’Ivoire, il n’a pas gagné la paix. Il y a encore des quartiers à Abidjan et ailleurs dans le pays qui sont fermement sous le contrôle de jeunes armés qui se sont battus d’un côté ou de l’autre pendant la guerre. Les milices des “Jeunes Patriotes” pro-Gbagbo contrôlent Yopougon, tandis que les “Commandos invisibles” pro-Ouattara dirigent Abobo et d’autres quartiers du nord d’Abidjan. Ces deux groupes ont continué à se battre contre la nouvelle Force républicaine de Ouattara qui cherche à les désarmer et à reprendre le contrôle de ces zones. Les “Jeunes Patriotes” sont fâchés par l’arrestation de Gbagbo et ont le potentiel de former un nouveau groupe rebelle. Les 5000 personnes qui forment les “Commandos invisibles” qui se sont battus aux côtés des forces de Ouattara contre Gbagbo cherchent une reconnaissance et leur “part du butin” pour le rôle qu’ils ont joué. De fait, les “Commandos invisibles” étaient déjà entrés en conflit contre les forces de Gbagbo à Abidjan avant que les “Forces nouvelles” ne débarquent du Nord. Les “Forces nouvelles” sont constituées des anciens groupes rebelles qui contrôlent le nord du pays depuis 2002. Pendant ce temps, Ibrahim Coulibaly, le fameux chef des “Commandos invisibles” a été tué dans une fusillade avec les Forces républicaines. La question centrale reste cependant de savoir si la mort de Coulibaly (un ancien garde du corps de Ouattara) mettra un terme à une des principales menaces au retour de la paix dans le pays.

    En plus des activités des milices armées qui sont nées de la guerre civile et de la prolifération des armes à feu dans le pays, il y a toujours le problème fondamental qui se trouve à la racine de la crise politique, c’est-à-dire la question nationale non résolue. Ce problème est toujours bien vivant. Le concept xénophobe d’“ivoirité” – le fait d’être un vrai Ivoirien – qui est un élément central dans la crise n’a pas disparu. Ce concept signifie que la plupart des Ivoiriens du nord du pays (duquel provient Ouattara) ne sont pas de “vrais Ivoiriens”, et ne peuvent donc diriger le pays. Ce prétexte a été utilisé dans le passé pour empêcher Ouattara (qui a pourtant été premier ministre auparavant) de se présenter aux élections.

    Cette folie xénophobe n’a pas été inventée par Gbagbo, mais il l’a jugée utile pour pouvoir se maintenir au pouvoir. Elle a été créée par Henri Konan Bédié lors d’une précédente lutte pour le pouvoir avec Ouattara qui allait décider de qui succéderait à leur maitre à tous les deux, Houphouët-Boigny, après que celui-ci soit mort à la fin de 1993, après plus de trente ans au pouvoir. Cette lutte ne suivait aucune morale, elle avait uniquement pour but de savoir qui serait la personne qui pourrait manger l’argent des privatisations et des coupes dans les budgets publics. Avant la mort de Houphouët-Boigny, Bédié était président de l’Assemblée nationale, et Ouattara était premier ministre.

    Ce concept diviseur a marginalisé la plupart des gens originaire du Nord, et qui partagent une culture similaire à celle des immigrants en provenance des pays voisins, comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Il a ainsi été repris par la plupart des Ivoiriens, à une période au cours de laquelle commençait le déclin du pays qui avait autrefois l’économie la plus prospère de toute l’Afrique de l’Ouest. De la sorte, il était facile pour les élites dirigeantes d’accuser les immigrants (qui constituent 30% de la population) d’être responsables de la crise économique en réalité causée par le capitalisme.

    En plus de l’“ivoirité”, Gbagbo a aussi beaucoup joué avec le sentiment anti-impérialiste afin de s’attirer une partie de la population, et ainsi s’accrocher au pouvoir. Cependant, malgré tous les beaux discours que Gbagbo déclame aujourd’hui contre l’impérialisme français, il n’a jamais représenté une menace pour les immenses intérêts économiques de l’élite dirigeante française. Pierre Haski a révélé dans le journal The Guardian que « Pendant les dix années de Gbagbo au pouvoir, les entreprises françaises ont reçu les plus gros contrats ; Total a gagné l’exploration pétrolière, Bolloré la gestion du port d’Abidjan, Bouygues les télécoms » (The Guardian de Londres, 5 janvier 2011). Qui plus est, il a dans les faits dirigé le pays sur base de l’agenda économique capitaliste néolibéral dicté par le FMI, dont il a signé le programme. Néanmoins, leur relation est devenue plus tendue après l’incident du bombardement de 2004, lorsque les forces françaises ont détruit la force aérienne de Côte d’Ivoire en réponse au bombardement d’une base militaire française qui se trouvait dans la zone tampon entre les rebelles et le gouvernement Gbagbo pour faire respecter le cessez-le-feu. C’était d’aillleurs les troupes françaises qui avaient aidé à repousser l’avancée des rebelles vers le Sud lorsqu’ils avaient semblé assez forts que pour pouvoir envahir tout le pays, et qui avaient aussi permis d’obtenir le cessez-le-feu de 2002. La France a apparemment agi de la sorte afin de maintenir ses intérêts, qui sont principalement localisés dans le Sud.

    Ce n’est pas un secret que l’impérialisme occidental, et surtout la France, possède d’importants intérêts économiques en Côte d’Ivoire. La France a par exemple 500 entreprises qui dominent d’importants secteurs de l’économie. Le pays est le premier producteur mondial de cacao (qui sert à faire le chocolat), avec 40% de la production mondiale. C’est aussi un producteur majeur de café et de bois, et il y a aussi eu une hausse de la production de pétrole brut, de même que des gisements d’or et de diamants dans le Nord. De plus, dans un rapport de la Commission internationale d’enquête au sujet des plaintes de violations des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, réalisé entre le 19 septembre et le 15 octobre 2004, il était mentionné la découverte de champs de pétrole dont les réserves pourraient faire du pays le deuxième ou troisième producteur africain de pétrole brut. La Commission a aussi fait état de la découverte d’immenses gisements de gaz, dont les réserves sont suffisantes pour cent ans d’exploitation.

    Il n’y a aucun espoir d’amélioration de la vie de la majorité des Ivoiriens sur base de l’alternative offerte à présent dans la personne de Ouattara, le champion de l’impérialisme. Il ne faut pas être prophète pour conclure que l’ancien premier ministre de Houphouët-Boigny, qui est plus tard devenu vice-directeur du FMI, va diriger le pays selon les dictats de l’impérialisme mondial. John Campbell, l’ancien ambassadeur américain au Nigéria, qui fait maintenant partie du Conseil des relations extérieures, une institution pro-impérialiste, a quelque peu renforcé ce point en disant que : « Ouattara a certainement l’expertise technique requise pour gérer l’économie ». Pour l’impérialisme, une meilleure gestion de l’économie signifie gérer l’économie selon ses propres dictats.

    Déjà la Côte d’Ivoire a été reprise dans le programme des pays pauvres très endettés (PPTE) de la Banque mondiale et du FMI, qui fait partie d’une procédure visant à effacer une partie de la dette dans laquelle le pays a été plongé par le gouvernement pro-impérialiste et caricatural de Houphouët-Boigny. Cela veut dire que le pays a dû rembourser sa dette et mettre en route une politique économique dure d’ajustements structurels (un programme capitaliste néolibéral) telle que définie par le FMI et par la Banque mondiale afin de pouvoir faire partie de cette initiative. Il ne fait aucun doute que Ouattara, en vieux cheval de guerre de l’impérialisme, n’hésitera pas le moins du monde à lancer de telles attaques néolibérales sur les travailleurs. Rappelons-nous seulement qu’il a aidé Houphouët-Boigny à imposer et à mettre en œuvre les mesures d’austérité et le programme d’ajustement structurel du début des années 90. Pour lui, le néolibéralisme, qui a déjà prouvé être extrêmement dévastateur pour le développement, est un remède à des maux économiques. Toutefois, depuis mars 2009 la Côte d’Ivoire a rempli les conditions pour faire partie du programme des PPTE, ce qui signifie que Gbagbo n’a pas trop mal travaillé du point de vue de la Banque mondiale et du FMI en mettant en place les attaques néolibérales demandées par ces institutions. Le FMI a félicité Gbagbo pour ce résultat, et lui a demandé d’accélérer les dernières “réformes” nécessaires pour terminer le plan PPTE. Il ne fait aucun doute que Ouattara, en sa qualité de véritable agent du FMI, fera encore mieux que Gbagbo de leur point de vue.

    Les travailleurs et les pauvres de Côte d’Ivoire vont réaliser que leur niveau de vie ne va pas réellement s’améliorer sous le gouvernement Ouattara (s’il n’empire pas), et que ce gouvernement ne parviendra pas non plus à garantir une paix durable. C’est pourquoi les dirigeants syndicaux radicaux, les militants de gauche et les socialistes devraient immédiatement entamer le processus de construire un mouvement ouvrier uni, qui rassemble tous les travailleurs, tous les paysans et tous les pauvres, de toutes les ethnies et de toutes les religions, contre la xénophobie, contre la violence sectaire, et contre les attaques néolibérales antipauvres, et qui revendique de meilleures conditions pour les travailleurs en ce qui concerne l’éducation, les soins de santé, le logement, et des emplois décents. Ce mouvement devrait aussi exister en tant qu’alternative politique ouvrière qui se batte sur base de la résistance aux programmes capitalistes néolibéraux et pour une alternative socialiste dans la lutte pour le pouvoir politique.

  • Niger : Enlèvements en plein centre de Niamey – Terrorisme au Sahel : ça doit cesser !

    L’enlèvement et la mort de deux jeunes Français le week-end dernier au Niger révèle l’ampleur de l’arrogance de l’élite impérialiste française

    Vendredi soir, le 7 janvier, deux amis, Antoine de Léocour, et Vincent Delory, prenaient tranquillement leur verre au maquis Le Toulousain, en plein centre de Niamey, lorsqu’ont fait irruption quatre hommes armés qui leur ont ordonné de les suivre. Moins de 24 heures plus tard, les deux jeunes hommes trouvaient la mort dans la steppe malienne au terme d’une course-poursuite digne des plus lourdingues des films d’action.

    Au départ, on avait cru qu’il s’agissait d’un règlement de compte de la part d’un prétendant jaloux, vu qu’Antoine s’apprêtait à se marier avec une Nigérienne, raison pour laquelle son ami Vincent venait d’arriver au Niger, pas même deux heures auparavant, pour lui servir de témoin. Qui pouvait croire à une prise d’otage ? En plein centre de Niamey, cela ne s’était encore jamais vu. En plus, le même soir, dans le même maquis, étaient présents des poissons autrement plus juteux : le chef de la coopération espagnole, le directeur d’Oxfam, etc. tous témoins de l’enlèvement.

    Pourtant, sitôt les premiers accrochages armés pendant la nuit au niveau d’un barrage routier, il a fallu se résoudre au fait que oui, il semblait bien que l’on avait à faire à un enlèvement d’otages par AQMI (al-Qaïda au Maghreb islamique). La course-poursuite entre l’armée nigérienne et les ravisseurs s’est poursuivie toute la nuit et le lendemain, passé la frontière malienne. C’est là qu’est intervenue l’aviation française, mettant un terme sanglant à l’aventure.

    Pourquoi est-ce justement ces deux jeunes Français (âgés de 25 ans), dont l’un n’avait jamais mis les pieds au Niger auparavant, qui ont été enlevés ? La faute à pas de chance. Cette aventure a révélé la barbarie profonde des terroristes d’AQMI. AQMI jusqu’ici ne s’attaquait qu’au personnel de la société minière Areva, qui exploite les gisements d’uranium dans le nord du Niger qui fournissent à la France un tiers (!) de sa production d’électricité totale. Cela avait permis aux soi-disant “moudjahidines” de se doter d’un certain soutien en tant que “combattants anti-impérialistes” (en particulier de la part de la population locale majoritairement touarègue, qui soufre de la pollution radioactive), puisqu’ils allaient même jusqu’à revendiquer la nationalisation des mines. Ce soutien leur a permis de se constituer un vaste réseau d’informateurs et de ravitaillement, masquant leurs pratiques mafieuses de trafic de drogue et d’armes passant par les routes du désert.

    Mais ce week-end, ils se sont attaqués à une toute autre cible : deux jeunes Français choisis purement au hasard. Les guérilleros d’AQMI sont tout bonnement rentrés dans un endroit où ils savaient qu’ils allaient trouver des Blancs, en ont chopé un au hasard (Vincent), qui a été suivi par son ami Antoine, et sont partis avec. C’est-à-dire que n’importe qui peut être ciblé. Donc que tous les blancs au Niger sont ciblés (reste à voir si AQMI s’en prendrait aussi aux non-Français, mais c’est probable). AQMI a également envoyé un pied de nez à la junte militaire au pouvoir, en opérant dans un café se trouvant à peine à 300 m de la Présidence ! Donc, tous les blancs sont ciblés, partout au Niger. Voire partout au Sahel, vu que cet enlèvement fait suite à une tentative d’attentat à la bombe à Bamako, capitale du Mali, pas même une semaine auparavant – une grande première également.

    À l’annonce de la mort de ces deux innocents, les premières réactions pour les Nigériens ont été une grande tristesse et une grande inquiétude pour l’avenir. La situation se dégrade. Cela est confirmé par exemple par la liste de l’International Crime Threat Assessment rédigée par les États-Unis : en 2000, aucun pays du Sahel ne figurait sur cette liste ; en 2010, tous les pays de zone sahélo-saharienne étaient, à un degré ou à un autre, touchés par la criminalité transnationale et le terrorisme. Les Nigériens sont un peuple en général fier de son hospitalité et de sa non-violence – surtout quand on compare la situation dans le pays par rapport à ce qui se passe quotidiennement au Nigéria voisin. En plus, le départ précipité de l’ensemble des blancs présents au Niger aurait une répercussion certaine sur l’ensemble du commerce et de l’emploi (vu le nombre d’ONG occidentales qui emploient énormément de personnel nigérien, cadres comme petit personnel). D’ailleurs, le couvre-feu imposé dès 19h à l’ensemble de la population blanche du Niger commence déjà certainement à avoir un effet.

    Même au-delà de ça, à partir du moment où l’ensemble du territoire nigérien devient “zone rouge”, quid du tourisme ? L’économie de la région d’Agadez (centre de la culture touarègue au Niger, dans une région de grande beauté naturelle et qui accueillait beaucoup de visiteurs chaque année) est déjà dévastée, la plupart des artisans touaregs se sont repliés à Niamey… – où aller maintenant ?

    Mais au fil de la semaine, la tristesse a fait place à l’incompréhension puis à la colère et à l’indignation.

    L’incompréhension d’abord, parce que les communiqués émis par l’armée française sont en contradiction flagrante avec ceux de l’armée nigérienne. Notamment concernant le nombre de pertes des deux camps, la capture ou non de terroristes par les forces nigériennes pour interrogatoire, la présence inexpliquée de gendarmes nigériens qui apparemment accompagnaient les terroristes, et évidemment, les circonstances du décès des deux malheureux otages.

    La colère ensuite, parce que si les médias français comme nigériens se sont longuement étalés sur l’identité des deux otages, sur leur vie, leur famille, etc. avec photographies, grandes déclarations du Ministre de la défense Alain Juppé et organisation d’une marche blanche dans leur ville natale, absolument rien n’est dit concernant les trois gendarmes nigériens tués dans l’aventure (le Capitaine Aboubacar Amankaye, le maréchal des logis Abdallah Aboubacar et le gendarme de 1ère classe Abdou Alfari ). Il a fallu attendre l’édition du journal gouvernemental le Sahel du 12 janvier pour avoir leurs noms, accompagnée d’une photo en noir et blanc d’un brancard recouvert d’un drap – on suppose que l’un d’entre eux se trouve en-dessous. D’ailleurs, l’ensemble de la presse nigérienne semble n’avoir eu que faire de l’événement, toute concentrée qu’elle était sur l’organisation des élections communales et régionales du 11 janvier. Les seules informations provenaient des chaines françaises. Pas un merci, rien. Tout cela a contribué à donner l’idée que la vie de deux Français vaut plus que celle de trois Nigériens. Eh quoi, on n’est pas des êtres humains ou bien ?

    L’indignation enfin, parce qu’il semble de plus en plus se confirmer qu’alors que les soldats nigériens étaient tout proches des terroristes, l’aviation française a ouvert le feu sans même en aviser ses alliés (ou laquais ?) nigériens. L’autopsie des corps de Vincent et Antoine a révélé que l’un est mort d’une balle dans le visage tirée à bout portant (vraisemblablement de la part d’un des terroristes qui, voyant leur opération échoué, s’est vengé sur les otages), l’autre de brulures graves – il serait donc apparemment décédé dans l’incendie du véhicule des terroristes après que celui-ci ait essuyé les tirs français. Vincent et Antoine auraient donc été sacrifiés par leur propre gouvernement. De même que certains soldats nigériens qui, il le semble, se sont vus eux aussi canardés par l’aviation française.

    La revendication de l’enlèvement par les chefs d’AQMI a encore plus retourné le couteau dans la plaie : ceux-ci, loin de se désoler de la perte de leurs hommes et de leur matériel, et de l’échec de leur mission de prise d’otages, se félicitent au contraire d’avoir infligé plus de pertes à l’ennemi que leurs propres pertes (ils parlent de 25 blessés et tués nigériens), et d’avoir semé le désordre entre les états-majors français et nigériens.

    En réalité, il semble à présent que, alors qu’AQMI aurait pu se voir discrédité par cette manœuvre à l’arbitraire répugnant, cette organisation ait été dépassée en barbarie par l’armée française elle-même. L’armée française, en voulant régler cette affaire elle-même et de la manière la plus musclée possible («Ne rien faire, c’est donner un signal que la France ne se bat plus contre le terrorisme», Alain Juppé), a en réalité contribué à miner encore un peu plus sa propre réputation.

    Beaucoup de Nigériens sont aujourd’hui scandalisés du fait que ce soit à nos compatriotes de payer pour des histoires qui, finalement, “ne nous concernent pas”, et qu’en plus, il semble que le chef actuel de l’État, le dictateur débonnaire Salou Djibo, ait donné son accord à l’intervention française. Ce “grand patriote” se retrouve donc quelque peu compromis dans cette affaire.

    Le terrorisme, fruit de l’impérialisme

    Les vrais responsables de la situation d’insécurité croissante sont les Sarkozy et les Juppé, mais au-delà des exactions d’un gouvernement, c’est l’ensemble de la classe dirigeante impérialiste française qui est responsable de cette affaire, les Lauvergeon et Co, patrons des mines d’uranium qui irradient la nature, le bétail et la population du Sahara pour tirer un immense profit, sans rien donner en retour au pays à qui appartiennent les richesses exploitées, à part des cacahouètes.

    Avec leurs amis spéculateurs et du FMI, ils ont contraints à la faillite et à la misère l’ensemble du continent africain. Aujourd’hui encore, ils manipulent la politique de leurs anciennes colonies en soutenant tel dictateur par-ci (comme Ben Ali en Tunisie), tel président soi-disant élu par-là (comme Ouattara en Côte d’Ivoire). La démocratie ? Seulement quand ça les arrange ! Dès qu’un président ose se dresser contre eux, on le renverse ou on l’assassine. Au-delà de ça, ils corrompent les élites nationales qui sont réduites au rang de bourgeoisie compradore purement parasitaire.

    Il n’y a en ce moment au Niger aucun parti des travailleurs digne de ce nom, qui pourrait servir de relais aux justes revendications du peuple nigérien. C’est d’ailleurs aussi le cas au Mali et en Algérie. Cela crée un vide politique, c’est-à-dire que toute cette colère face au pillage en bonne et due forme des richesses du pays et face à la corruption des élites nationales se retrouve sans aucun outil de lutte politique pour canaliser cette colère en quelque chose de constructif. De même en ce qui concerne les justes revendications nationales du peuple touareg. Et donc, ce vide politique est petit à petit en train d’être occupé par les organisations islamistes réactionnaires, qui sont perçues par les masses comme étant les seules à oser se dresser contre la domination de l’impérialisme, les seules à donner une réponse à l’aliénation des masses. C’est un réel danger. Les islamistes n’ont rien d’autre à offrir que la barbarie. Il faut tout faire pour éviter que la peste islamiste ne se répande au Niger ou au Mali, comme elle s’est répandue en Somalie, au Yémen et au Pakistan.

    Mais les élites corrompues de France et d’Afrique n’offrent aucune solution à part le massacre d’innocents, qui ne fait que renforcer ces organisations qu’elles disent vouloir combattre.

    Travailleurs français comme nigériens : contre l’impérialisme !

    Au cours de son Quatrième Congrès en 1922, l’Internationale Communiste déclarait déjà dans ses “Thèses sur la question nègre” que «l’ennemi de la race nègre est aussi celui des travailleurs blancs. Cet ennemi, c’est le capitalisme, l’impérialisme. La lutte internationale de la race nègre est une lutte contre le capitalisme et l’impérialisme.» Et un peu plus loin : «Le peuple nègre n’est pas le seul à souffrir de l’oppression du capitalisme et de l’impérialisme : les ouvriers et les paysans d’Europe, d’Asie et d’Amérique, sont aussi les victimes de l’impérialisme ; la lutte contre l’impérialisme n’est pas la lutte d’un seul peuple, mais de tous les peuples du monde».

    Ces thèses ont été illustrées le week-end dernier par le mépris avec lequel le gouvernement français a traité la vie des deux jeunes Français, n’hésitant pas à ouvrir le feu. Le prestige de la France avant tout. Il fallait “donner une bonne leçon aux terroristes”, montrer que “c’est nous qu’on est les plus forts” (on pourrait même croire qu’ils ne voulaient pas que l’armée nigérienne leur vole la vedette en arrêtant elle-même les terroristes).

    Un internaute, commentant la situation sur le site TamTam info, disait aussi ceci : «On sait, pour parler d’une autre affaire, que Florent Lemaçon avait été tué sur son bateau par des tirs “amis” (on dit aussi “tirs fratricides”) c’est-a-dire par ses compatriotes français et non par les pirates somaliens. De même, l’humanitaire français de 78 ans, Michel Germaneau est mort parce qu’il ne pouvait plus prendre ses médicaments (il était cardiaque) et non pas par la faute de ses ravisseurs “parce qu’ils voulaient se venger” comme on a voulu nous faire croire.» Avant de conclure : «Désinformation ou mépris ? Les deux».

    Mais à quoi s’attendre d’autre quand on voit le mépris ouvert avec lequel l’élite française, regroupée autour de son président Sarkozy, traite au quotidien la vie de ses concitoyens en France même ? Ce gouvernement qui est sourd aux aspirations de son peuple, qui passe sa réforme des pensions malgré des journées d’action regroupant des millions de Français, qui attaque les fonctionnaires, qui privatise les chemins de fer, la poste, l’électricité, tout en arrosant de milliards d’euro ses amis banquiers. Un gouvernement qui envoie l’armée faire dégager des grévistes ! Qui au moindre problème, cherche à dévier l’attention en inventant de faux débats comme la question des Roms, le port du voile, bref, qui se cherche des bouc-émissaires pour masquer sa propre politique mafieuse.

    L’État français se fait de plus en plus musclé, en France comme dans ses anciennes colonies. Il est urgent que le peuple africain arrête de considérer tous les Français comme des envahisseurs, mais considère au contraire les travailleurs français comme des alliés potentiels dans la lutte contre la détestable et criminelle élite française.

    Combler le vide politique, construire un mouvement de lutte

    Pour lutter contre le terrorisme et l’impérialisme, il est urgent de construire un mouvement populaire large et démocratique, qui regroupe l’ensemble des ouvriers et des employés, et des représentants des petits commerçants, des artisans, des chauffeurs de taxi, des étudiants et des jeunes en galère, des éleveurs, des agriculteurs, des pêcheurs du bord du fleuve… et des pauvres en général, pour organiser et diriger la lutte contre le gouvernement nigérien pro-impérialiste actuel, comme celui qui va sortir des urnes. Ce mouvement pourrait prendre une forme similaire à celle de la Coalition de la société civile (Lasco) au Nigéria, et devrait se doter d’un parti politique.

    Ce mouvement devrait être armé d’un programme socialiste et internationalise, appelant à la (re)nationalisation, mais sous contrôle des travailleurs, des secteurs-clés de l’économie, comme l’ensemble des mines d’uranium et d’or, des champs pétroliers, des banques, et des services publics comme les télécommunications, l’eau, etc. afin de mettre en commun l’ensemble des ressources du pays pour un plan de développement socialiste du pays basé sur les aspirations de comités populaires élus et armés dans chaque quartier, village, etc. et avec une attention particulière sur la question touarègue.

    Enfin, le Niger ne se développera pas seul, et la tentation serait grande pour l’impérialisme d’envoyer ses escadrons de la mort semer la terreur et assassiner les leaders de ce mouvement populaire. C’est pourquoi nous prônons l’organisation de ce mouvement à une échelle internationale, dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans toute l’Afrique, et au niveau mondial, avec notamment des liens forts et fraternels avec le peuple travailleur français en lutte contre son élite dirigeante.

    C’est ainsi seulement que l’on pourra une bonne fois pour touts couper l’herbe sous les pieds des terroristes et des islamistes, et enfin assurer un développement et une paix durables au Niger et en Afrique.

  • [DOSSIER] Côte d’Ivoire: Des tensions croissantes

    Les élections présidentielles conduisent le pays au bord d’une guerre civile totale et aggravent la crise du capitalisme

    Le fait que les élections du 28 novembre en Côte d’Ivoire ait produit deux Présidents – Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo – n’est pas une surprise, bien que les travailleurs s’étaient attendu à ce que ces élections leur apportent le retour à la paix. Le pays a été divisé en deux depuis la tentative de coup d’État de 2002 et la rébellion qui s’en est suivi, chaque moitié ayant son propre gouvernement de facto.

    Peluola Adewale, Democratic Socialist Movement (CIO – Nigeria)

    Le Nord est contrôlé par les rebelles des Forces nouvelles (FN), tandis que le Sud est sous contrôle de Gbagbo, avec le soutien de l’armée régulière et de la milice des jeunes. Par conséquent, sur cette base et avec le sentiment d’ethnocentrisme qui a caractérisé la politique ivoirienne au cours des deux dernières décennies, il est naturel que quel que soit le vainqueur officiel, le résultat des élections serait âprement contesté par le perdant.

    La commission électorale a déclaré gagnant Ouattara, un nordiste et ancien Premier Ministre sous feu Félix Houphouët-Boigny, tandis qu’à peine quelques heures plus tard, la Cour constitutionnelle – dont on dit qu’elle est dirigée par un important allié de Gbagbo – a annulé certains votes dans le Nord en parlant de fraude électorale et a décerné la victoire à Gbagbo. Selon les observateurs internationaux, bien qu’il y ait eu quelques cas d’irrégularités à travers le pays, les élections ont été globalement libres et transparentes, et la victoire revient à Ouattara. De son côté, la mission des Nations-Unies qui, selon les termes de l’accord de paix qui a enclenché le processus électoral, est mandatée pour certifier la bonne conduite et le résultat des élections, a donné son aval à Ouattara. Les deux candidats ont tous deux affirmé être Président et ont nommé leur propre cabinet, tandis que la crise post-électorale a déjà pris la vie de 173 personnes et poussé 20 000 personnes, essentiellement des femmes et des enfants, à se réfugier dans des camps au Libéria. Il y a aussi l’allégation selon les Nations-Unies de l’existence de deux fosses communes remplies des corps des victimes des partisans de Gbagbo. Ceci a été nié par le camp Gbagbo.

    La “communauté internationale”

    La “communauté internationale”, qui est l’euphémisme pour désigner l’impérialisme occidental (la France, ancienne puissance coloniale et qui a de très importants intérêts économiques en Côte d’Ivoire, assistée par l’Union africaine et par la CEDEAO, communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), exerce une pression continue sur Gbagbo pour qu’il accepte le verdict de la commission électorale et qu’il quitte le fauteuil du Président. Les États-Unis et l’Union européenne ont interdit de séjour Gbagbo et ses proches et ont gelé leurs avoirs sur leur territoire. La Banque mondiale et la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest ont gelé son financement pour tenter d’affaiblir son emprise sur le pouvoir. De fait, les dirigeants des pays de la CEDEAO, dont la plupart sont voisins immédiats de la Côte d’Ivoire, ont menacé de recourir à la “force légitime” au cas où Gbagbo refuserait de quitter le pouvoir. Une telle intervention n’a pas non plus été exclue du côté des gouvernements américain et britannique. Quelques jours avant que la CEDEAO n’annonce la possibilité d’employer la force, William Fitzgerald (adjoint-assistant au Secrétaire d’État américain aux Affaires étrangères) y avait fait allusion. « Y a-t-il une option de déstabilisation et d’envoi d’une force de stabilisation ? Bien entendu, toutes les options sont ouvertes, mais probablement pas une force américaine. Ce pourrait être une force africaine » (Bloomberg, 21 décembre 2010).

    Toutefois, la soi-disant préoccupation de la “communauté internationale” pour des élections démocratiques est une hypocrisie. Qui a haussé le ton face à la fraude flagrante lors des élections parlementaires en Égypte ? Ou même par rapport aux élections truquées au Nigéria en 2007. L’impérialisme ne crie à la fraude électorale que lorsque c’est le “mauvais” candidat qui l’emporte, ou lorsqu’il craint que la fraude ne provoque une révolte populaire.

    L’“ivoirité”

    Jusqu’ici, Gbagbo a refusé de bouger et reste imperturbable face à toutes les pressions et menaces. Il a continué à stimuler le sentiment nationaliste contre le “complot international” qui vise à le chasser. Il a trouvé un public auprès de toute une section de la population ivoirienne qui a depuis longtemps adhéré au principe de l’“ivoirité” – le fait d’être un “vrai” ivoirien –, un concept qui a été introduit et grossi par les différentes sections de l’élite qui se sont succédé au pouvoir depuis 1993 en tant qu’outil pour se maintenir en place et continuer le pillage du pays en dépit des rigueurs socio-économiques. Cette frénésie xénophobe n’a pas été inventée par Gbagbo, mais il l’a trouvée utile pour préserver son pouvoir. Ce concept avait tout d’abord été créé de toute pièces par Henri Konan Bédié dans une précédente lutte pour le pouvoir avec Ouattara afin de savoir lequel des deux allait succéder à leur maitre à tous les deux, Houphouët-Boigny, après sa mort fin 1993 après plus de trois décennies au pouvoir. Avant la mort de Houphouët-Boigny, Bédié avait été Président de l’Assemblée nationale et Ouattara, Premier Ministre.

    Selon la politique de l’“ivoirité” prônée par Bédié, toute personne dont les deux parents n’étaient pas ivoiriens, n’était pas éligible pour un quelconque poste politique et ne pouvait bénéficier de certains droits sociaux, tels qu’accéder à la propriété terrienne. Ce concept diviseur a marginalisé la plupart de la population d’origine nordiste, qui sont des mêmes ethnies que les immigrants économiques en provenance de pays voisins, comme le Burkina Faso, le Mali ou le Niger. Il a touché un nerf sensible chez la plupart des Ivoiriens, dans une période où le déclin de ce qui était l’économie la plus prospère de toute l’Afrique de l’Ouest avait atteint un point critique. Par conséquent, il était facile pour les élites dirigeantes de faire des immigrés – qui constituent environ 30% de la population – les boucs-émissaires des souffrances économiques infligées par la crise capitaliste.

    Les “Jeunes Patriotes”

    En plus de l’armée, Gbagbo a à sa disposition une milice de jeunes connue sous le nom de “Jeunes Patriotes”, qui sont principalement des jeunes chômeurs mobilisés par l’“ivoirité” et un nationalisme malsain, et qu’il déploie sans hésiter contre toute menace à son pouvoir. Selon la Banque mondiale, plus de 4 millions de jeunes hommes sur un total de 20 millions sont sans emploi. Ceci constitue un véritable réservoir d’outils politiques pour l’élite égocentrique au pouvoir. Les “Jeunes Patriotes” dont le dirigeant, Charles Blé Goudé, est un Ministre du cabinet de Gbagbo, ont joué un rôle central dans les attaques sur la population française et blanche en 2004, après que l’armée française ait détruit l’ensemble de la Force aérienne de Côte d’Ivoire en réplique au bombardement d’une base française dans le Nord, qui avait couté la vie à neuf soldats français et à un Américain. Ils sont aussi contre l’afflux de Nordistes et d’immigrés qui fournissent une main d’œuvre à bon marché et prennent les quelques emplois disponibles à la place des autochtones dans le Sud, surtout à Abidjan. Tout comme en 2002, les Jeunes Patriotes ont été impliqués dans les attaques sur des Nordistes depuis l’éclatement de la crise post-électorale.

    Les “Jeunes Patriotes” se présentent comme anti-néocolonialistes, surtout contre les Français, qui contrôlent fermement l’économie ivoirienne (la plupart des entreprises du pays et des ports appartiennent à des Français), et qui chercheraient à renverser Gbagbo afin de maintenir le pays dans son état d’État vassal. Toutefois, les pogroms sur les Nordistes et les immigrés les révèlent comme de pantins utilisés pour perpétrer des attaques xénophobes et ethniques.

    Gbagbo et l’impérialisme français

    Gbagbo n’a jamais été le premier choix de l’impérialisme français pour la direction de son principal avant-poste en Afrique. Avec son passé radical, Gbagbo était au centre des actions de protestation contre la “démocratie” du parti unique de Houphouët-Boigny. Celui-ci dirigeait le pays en tant que son fief personnel et en a fait une mine d’or pour les exploiteurs les chercheurs de fortune français. Le régime de Houphouët-Boigny bénéficiait d’un soutien sans faille de la part de l’impérialisme occidental, puisqu’il était bon pour leurs intérêts économiques, et aussi en tant qu’instrument contre les dirigeants radicaux et pro-Moscou en Afrique en cette période de Guerre froide. On a par exemple rapporté que Houphouët-Boigny a joué un rôle central dans le renversement de Kwamé Nkrumah au Ghana et de Thomas Sankara au Burkina Faso. Après la légalisation des partis d’opposition, Gbagbo était le seul leader de l’opposition qui était assez courageux que pour se dresser et contester les toutes premières élections présidentielles de Côte d’Ivoire en 1990 contre le monstre politique qu’était Houphouët-Boigny. Dix ans plus tard, Gbagbo a été porté au pouvoir par une insurrection de masse qui a renversé le dictateur militaire de l’époque, Robert Guei, qui avait refusé de reconnaitre sa défaite aux élections présidentielles de 2000, que tout le monde estimait avoir été remportées par Gbagbo.

    À ce moment-là, devant le soutien populaire, l’impérialisme français n’avait pas d’autre choix que de s’accommoder de Gbagbo, laissant de côté leur appel à de nouvelles élections à cause de la décision de la Cour suprême d’exclure la candidature de Ouattara parce qu’il n’était pas ivoirien. Mais Gbagbo n’était pas une menace pour les immenses intérêts économiques de l’élite dirigeante française. Toutefois, malgré toutes les déclarations anti-françaises énoncées aujourd’hui par Gbagbo, Pierre Haski révèle dans le Guardian de Londres que « Tout au long des dix ans qu’a passé Gbagbo au pouvoir, les entreprises françaises ont eu tous les plus gros contrats : Total pour l’exploration pétrolière, Bolloré pour la gestion du port d’Abidjan, Bouygues pour les télécoms » (The Guardian de Londres, 5 janvier 2011). Par ailleurs, il a de fait dirigé le pays sur base d’un agenda capitaliste néolibéral, et il a signé en 2001 un programme d’encadrement qui soumet l’économie aux dictats du FMI. Néanmoins, la relation entre les capitalistes français et Gbagbo est devenue plus tendue à la suite de l’incident du bombardement de 2004, qui a également renforcé les soupçons du camp Gbagbo comme quoi la France était impliquée dans la rébellion nordiste qui a éclaté en 2002. Toutefois, ce sont les forces françaises qui ont aidé à repousser l’avancée des rebelles vers le Sud lorsqu’elles ont semblé assez fortes que pour envahir tout le pays, et qui ont facilité le cessez-le-feu de 2002. La France s’est apparemment vue forcée de faire cela afin de garantir la sécurité de ses entreprises, principalement situées dans le Sud.

    C’est une base militaire française qui avait été conservée en tant que composante de la zone tampon dans le Nord après l’accord de cessez-le-feu qui a été bombardée par les forces ivoiriennes en 2004, et qui ont plus tard avoué que c’était une erreur. Auparavant, Houphouët-Boigny avait signé un pacte de défense en 1961 qui avait réduit la Côte d’Ivoire au statut d’avant-poste militaire de la France et qui avait permis le maintien de la présence française, avec le 43ème bataillon d’infanterie marine stationné à Port-Bouet dans les quartiers sud d’Abidjan.

    Crise politique – Prétexte pour de nouvelles attaques sur les travailleurs

    Il ne fait aucun doute que la crise politique causée par la guerre civile a eu des conséquences désastreuses sur l’économie et sur la vie de la population, en particulier dans le Nord, où l’accès aux services sociaux tels que l’éducation, les soins de santé et l’électricité a disparu. La crise a par contre fourni un prétexte à Gbagbo pour lancer des attaques sur la population des travailleurs et des paysans, tout en assurant à l’élite dirigeant autour de Gbagbo qu’elle puisse manger tant qu’elle le désirait. La seule exception à ce pillage du pays par Gbagbo a été les ressources du nord du pays, comme l’or et les diamants, qui servent de vache à lait pour les rebelles. Même si il y a eu un embargo international sur les ventes de diamants, il y a des débouchés par la contrebande. Les exportations de cacao et d’autres produits agricoles comme le café, qui proviennent surtout du Sud, n’ont pas été fondamentalement touchées. De plus, les revenus de l’exportation du pétrole ont fortement augmenté lors de la période du boum mondial du pétrole, et n’ont diminué que l’année passée à cause de la récession économique mondiale. De fait, au cours de cette période, le revenu du pétrole, dont l’extraction offshore n’est pas menacée par la rébellion ni par la crise, a surpassé celui du cacao. Il y a eu des cas et des rapports largement publiés de scandales financiers impliquant des hauts cadres du gouvernement, surtout concernant le revenu du cacao. Comme c’est le cas dans la plupart des pays africains, il n’y a pas eu d’audit indépendant des secteurs du cacao et du pétrole.

    La politique économique du gouvernement est conçue pour huiler la machine du gouvernement et les privilèges pour ses fonctionnaires, tandis que le peuple fait la file pour recevoir les miettes. Comme de grosses quantités sont destinées aux poches des membres du gouvernement, les services sociaux et les conditions de vie des travailleurs se sont détériorées non seulement dans le Nord mais aussi dans le Sud à cause du manque de financement et des attaques néolibérales. Les dépenses publiques dans les soins de santé en terme de pourcentage du PIB sont les troisièmes plus basses de toute l’Afrique sub-saharienne. Le gouvernement a aussi pressé le revenu des cultivateurs de cacao pour accroitre son revenu. Selon les chiffres de la Banque mondiale de 2008, les cultivateurs ivoiriens ne reçoivent que 40% du prix du cacao sur le marché mondial, alors qu’au Ghana ils en reçoivent 65%, et au Nigéria 85%. Une énorme proportion de paysans ivoiriens vivent dans la misère, malgré le fait que ce sont eux qui sont la colonne vertébrale de l’économie du pays. Ils sont contraints de faire travailler des enfants afin de réduire les frais de production du cacao et de pouvoir tirer un quelconque bénéfice de leurs ventes.

    Riposte de la classe ouvrière

    Bien entendu, il y a eu des ripostes contre les attaques, avec des grèves des travailleurs de différents secteurs comme la santé, l’éducation et les gouvernements locaux, surtout entre novembre et décembre 2009. Toutes ces grèves ont rencontré la répression du gouvernement, avec l’arrestation et la détention des militants ouvriers, dont certains ont été trainés en justice et ont été condamnés. Dans le secteur privé aussi les travailleurs ne sont pas restés sans rien faire. Les dockers et les routiers sont partis en grève en 2009. Des milliers de dockers ont bravé les mesures de répression de leurs employeurs privés qui avaient appelé la police armée, et ont tenu leur action pendant deux semaines, du 2 au 17 juin. Il y a eu aussi toutes sortes de manifestations de masse contre les hausses du prix officiel du carburant et la hausse des prix de l’alimentation en 2008. Les paysans sont partis en grève en 2004 et 2006 pour demander leur part du revenu du cacao.

    Il est clair que les différentes sections de la population laborieuse sont prêtes à la lutte pour un meilleur sort que celui que leur réservent les élites répressives et kleptomanes. Yacouba Fandio, chauffeur de taxi à Abidjan, a par exemple dit à l’IRIN (l’agence de presse des Nations-Unies) qu’il était intéressé à participer à des actions de protestation, mais ne l’avait pas fait jusque là. « À chaque fois, on entend qu’une manifestation va être organisée contre le cout de la vie, mais elle est annulée au dernier moment. La prochaine fois qu’on dit qu’il va y avoir manif, il y aura tellement de gens qu’ils vont bien finir par devoir écouter » (IRIN, 31 mars 2008). Malheureusement, il n’existe pas de fédération syndicale viable qui puisse rassembler la colère de tous les travailleurs et des pauvres pour organiser une grève générale et des manifestations de masse.

    Le chouchou de l’impérialisme

    Toutefois, il n’y a aucun espoir d’un meilleur futur pour les Ivoiriens ordinaires sur base de l’alternative que représente Ouattara, le champion de l’impérialisme. Pas besoin d’une boule de cristal pour tirer la conclusion que l’ancien Premier Ministre de Houphouët-Boigny, qui est ensuite passé vice-directeur à la gestion du FMI, va diriger le pays en obéissant à l’impérialisme au doigt et à l’œil.

    La Côte d’Ivoire a déjà été listée parmi l’initiative de la Banque mondiale et du FMI des pays pauvres très endettés (PPTE), en tant qu’étape préliminaire pour bénéficier d’une remise d’un allègement du fardeau de la dette dans laquelle elle a été plongée par l’archétype de dictateur africain pro-impérialiste qu’était Houphouët-Boigny. Ceci signifie que pour recevoir cette remise de dette, le pays doit mettre en œuvre des politiques économique d’austérité dure et d’ajustements structurels, soit un programme capitaliste néolibéral, selon les termes qui lui sont dictés par le FMI et la Banque mondiale. Il ne fait aucun doute que Ouattara accomplira ces attaques néolibérales sans ciller, quel qu’en soit le cout pour la population laborieuse. Ouattara est un vieux cheval de l’impérialisme. Il faut se rappeler que c’était lui qui avait été mandaté par Houphouët-Boigny pour imposer et appliquer les mesures d’austérité et le programme d’ajustement structurel au début des années ’90. Pour lui, le néolibéralisme qui a prouvé être le fléau du développement est en réalité un remède économique. Toutefois, la Côte d’Ivoire avait atteint le point de décision du PPTE en mars 2009, ce qui signifie que Gbagbo ne s’en est pas trop mal tiré non plus en terme d’application des attaques néolibérales dictées par la Banque mondiale et le FMI. Le FMI a félicité Gbagbo pour son travail et lui a demandé d’accélérer les “réformes” en direction du point d’achèvement de PPTE. Il ne fait qu’aucun doute que Ouattara, en véritable agent bleu du FMI, fera mieux que Gbagbo à cet égard.

    Ce n’est un secret pour personne que l’impérialisme occidental, et en particulier la France, a d’important intérêts économiques en Côte d’Ivoire. La France y a par exemple environ 500 entreprises qui dominent d’importants secteurs de l’économie. Le pays est le plus grand producteur de cacao au monde, pour 40% de la production mondiale. Il est aussi un producteur majeur de café et de bois, en plus de l’augmentation de sa production de pétrole. Il y a des dépôts d’or et de diamants dans le Nord. Il y a aussi un rapport de la Commission d’enquête internationale qui parle de la découverte de gisements pétroliers dont les réserves pourraient faire de la Côte d’Ivoire le deuxième ou troisième plus grand producteur de pétrole africain, en plus d’immenses gisements de gaz, assez pour une centaine d’années d’exploitation.

    Afin de pouvoir reprendre la pleine exploitation de l’économie et des ressources du pays, cela va dans les intérêts de l’impérialisme de mettre une terme à la guerre civile actuelle. Selon ses calculs, cela pourrait être effectué par Ouattara qui bénéficie d’un soutien de masse dans le Nord dont il est originaire, et soutenu par les rebelles dont il a nommé Premier Ministre le dirigeant Guillaume Soro. Il est également apprécié par certaines sections dans le Sud. Il n’est pas impossible que Ouattara ait reçu d’importants votes de la part des Baoulés, le plus grand groupe ethnique du pays (et duquel était originaire Houphouët-Boigny), puisque l’ex-Président Bédié leur a demandé de voter pour lui. Bédié, qui est arrivé troisième au premier tour, a tiré la plupart de ses voix des Baoulés, qui sont pour la plupart cultivateurs de cacao, et qui avaient des comptes à régler avec Gbagbo sur base de la baisse constante de leur part du revenu du cacao, et de son opposition historique à Houphouët-Boigny. Ouattara leur a promis que s’il était élu Président, Bédié serait son “patron”, et qu’il installerait tout de suite son gouvernement à Yamoussoukro, qui jusqu’ici n’est que la capitale nominale (Abidjan restant la capitale de facto), et qui était la ville natale de Houphouët-Boigny.

    Le spectre de la guerre

    Jusqu’ici, la pression de l’impérialisme occidental et de son pion – la CEDEAO – n’a fourni aucune solution. Il n’est pas impossible que la CEDEAO, sous l’injonction de l’impérialisme occidental, mette à exécution sa menace d’utiliser la force pour chasser Gbagbo du pouvoir au cas où les moyens diplomatiques venaient à échouer. Ceci ramènera certainement le spectre du conflit ethnique entre Ivoiriens, et mettrait en danger les vies et les biens de millions d’Africains provenant d’autres pays qui seraient brutalement assaillis par les partisans de Gbagbo. L’explosion d’une guerre civile pourrait déclencher des troubles sociaux et des tensions dans des pays comme le Burkina Faso, dont environ 3 millions de nationaux travaillent en Côte d’Ivoire. Déjà, les Nigérians vivant en Côte d’Ivoire ont prévenu le gouvernement de Goodluck Jonathan des conséquences de l’intervention militaire qui se prépare. De plus, la Côte d’Ivoire n’est pas le Sirra Leone, où l’ECOMOG a pu facilement intervenir pour chasser du pouvoir un putschiste. L’armée ivoirienne, jusqu’ici loyale à Gbagbo, est une véritable force, tandis que les fervents sentiments nationalistes qui vivent parmi toute une couche de la population faciliteraient à Gbagbo la mobilisation d’un grand nombre de jeunes, dont certains sont déjà organisés au sein des “Jeunes Patriotes”, afin de prendre les armes contre l’occupation et les forces étrangères. La popularité de Gbagbo parmi certaines sections de la population dans le Sud, par exemple, s’est accrue après les attaques françaises de 2004.

    Les organisations ouvrières, socialistes et pro-peuple au Nigéria et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest doivent commencer à se lever et à organiser des actions de masse contre le projet d’interférence militaire dans la crise ivoirienne, tout en appelant de la manière la plus claire qu’il soit à l’unité de classe des travailleurs et des pauvres de Côte d’Ivoire quels que soient leur appartenance ethnique, leur religion ou leur nationalité.

    Même un départ “volontaire” de Gbagbo n’est pas une garantie pour la restauration d’une paix durable. En effet, c’est une impasse sans issue visible. L’option du partage du pouvoir avec un “gouvernement d’unité nationale” comme on l’a vu dans des circonstances similaires au Kénya ou au Zimbabwé a jusqu’ici été exclue par la “communauté internationale”. La dégénération en une guerre civile ouverte, avec une implication active de forces étrangères, régulières comme mercenaires, semble être la prochaine phase de la crise. Ceci reviendra à un plongeon en enfer du type de celui qu’on a vu en Afrique centrale pour la population, qui a déjà été la plus touchée par des années d’attaques néolibérales et de crise politique.

    Mouvement uni des travailleurs et assemblée du peuple démocratiquement élue

    Seule l’unité et l’organisation des travailleurs peut mettre un terme à cette horreur. Les grèves et les actions de masse que les travailleurs ont menées contre les attaques néolibérales au cours des dernières années ont prouvé qu’ils peuvent se dresser au-delà des divisions religieuses et ethniques qui sont exploitées par l’élite capitaliste égoïste au pouvoir, et qu’ils peuvent s’unir pour lutter pour leurs intérêts à tous, pour une vie meilleure. Le problème est qu’il semble qu’il n’y a pas de mouvement central des travailleurs qui puissent mobiliser la masse des Ivoiriens, des ouvriers, des paysans et des artisans contre la xénophobie, l’ethnicisme et la guerre, et qui puisse les organiser en un grand mouvement politique capable d’arracher le pouvoir à toutes les factions d’élites capitalistes qui ont plongé le pays dans cette abysse de crises économiques et sociales. Par conséquent, il est grand temps de construire un authentique mouvement de masse des travailleurs, qui puisse également contester l’emprise du capitalisme sur l’économie.

    Les dirigeants syndicaux radicaux, les militants de gauche et les socialistes doivent immédiatement appeler à une conférence pour la construction d’un mouvement unifié des travailleurs qui unisse les ouvriers, les paysans et les pauvres de toutes ethnies et de toutes les religions contre la xénophobie, l’ivoirité et la guerre ethnique, et qui mobilise une résistance de masse contre tous les conflits ethniques et sectaires, et aussi contre la possible intervention militaire qui est en train d’être considérée par la CEDEAO. Un tel mouvement pourrait être la base pour la formation d’un parti des travailleurs, armé d’un programme socialiste. En opposition aux manœuvres et aux luttes des cliques rivales, les travailleurs ont besoin de leur propre alternative : la création d’une assemblée véritablement populaire – formée de représentants élus des ouvriers, des paysans, des petits commerçants, des artisans et des nationalités ethniques – qui pourrait former un gouvernement intérimaire qui agirait dans les intérêts des travailleurs et des pauvres. Un tel gouvernement serait capable d’organiser de nouvelles élections libres, sans interférence de l’agence pro-capitaliste que sont les Nations-Unies, dans lesquelles un parti des travailleurs pourrait mener campagne sur base de la résistance contre les programmes capitalistes néolibéraux et pour une alternative socialiste.

    Les ouvriers, les paysans et les pauvres doivent réaliser que l’“ivoirité” et la xénophobie sont des produits de la crise du capitalisme qui a ravagé le pays depuis les années ’90, et qui a continué à s’accroitre avec l’aggravation des problèmes socio-économiques causée par la politique néolibérale antipauvres qui est soutenue par toutes les factions de l’élite dirigeante qui entrent à présent en guerre. Quel que soit le vainqueur de cette guerre, Gbagbo ou Ouattara, les travailleurs et les pauvres de Côte d’Ivoire vont rapidement réaliser que leur niveau de vie ne va pas s’améliorer, s’il n’empire pas. Ceci va définitivement approfondir le mécontentement social et pourrait ouvrir la porte à une lutte de masse et à la recherche d’une alternative qui puisse relever la conscience en faveur d’une alternative socialiste pour le pays.

  • Nigéria : Les élections générales de 2011 seront-elles différentes de la farce de 2007 ?

    Le problème clé est : quel choix nous offre-t-on ? Que défendent les différents partis ? Et, l’un d’entre eux représente-t-il les intérêts de la classe ouvrière, des pauvres et de tous ceux qui s’opposent à la classe capitaliste corrompue ?

    Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

    Le professeur Attahiru Jega, président de la Commission électorale indépendante nationale, et le président Goodluck Jonathan ont, à plusieurs reprises, juré que les élections générales de 2011 seront bel et bien libres de tout incident. Même les pays capitalistes avancés, les principaux bénéficiaires du système capitaliste au Nigéria et dans d’autres pays sous-développés, expriment leurs sentiments selon lesquels le reste du monde serait heureux d’assister à des élections transparentes et paisibles en 2011. Lors de ses premières interventions devant les médias, le nouvel ambassadeur américain au Nigéria, M. Terence McCulley, a résumé son point de vue et celui des pays impérialistes lorsqu’il a déclaré : ‘‘J’espère que le processus de 2011 sera meilleur et respectera la volonté du peuple nigérian.’’ Par conséquent, nous posons la grande question : les élections générales de 2011 au Nigéria seront-elles plus “transparentes” et “respecteront-elles la volonté du peuple nigérian” mieux que la grande farce qui a été connue sous le nom d’“élections générales” de 2007 ?

    Les commentateurs bourgeois voudraient pouvoir répondre immédiatement à cette question avec une note d’optimisme. Ils se dépêcheront de mettre en avant le passé radical du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) actuel, largement perçu comme un militant respectable, en tant qu’ancien président du syndicat du personnel académique des universités (Academic Staff Union of Universities – ASUU), un syndicat de gauche, et qui ne va certainement pas permettre que qui que ce soit utilise la CENI pour manipuler ou truquer les élections. Au contraire de l’ancien président Obasanjo, qui avait ouvertement déclaré que les élections fédérales de 2007 seraient une affaire de “vie ou de mort”, le président Jonathan a, au cours de ses divers discours et visites auprès des gouvernements régionaux à travers le pays, répété à de nombreuses reprises sa promesse selon laquelle le gouvernement va assurer des élections libres et honnêtes en 2011, où chaque vote comptera. Hélas, si l’on prend en compte de manière scientifique l’ensemble des principaux facteurs, logistiques et politiques, qui détermineront la nature de ces élections, le peuple nigérian devrait s’attendre à ce que la période postélectorale soit faite d’une continuation de la détérioration de son mode de vie et d’attaques encore plus grandes sur ses droits démocratiques, quel que soit le parti ou la coalition qui sortira vainqueur de ce processus, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des régions.

    Une autre période électorale dominée par le chaos et les intérêts personnels

    À moins d’un amendement de la constitution de 1999, de nouveaux gouvernements doivent être élus aux niveaux fédéral et régionaux avant le 29 mai 2011. Ceci signifie donc que la CENI doit faire tout ce qui est en son pouvoir afin d’organiser les élections générales partout dans le pays avant la fin avril 2011. Au moment où nous écrivons, la CENI a provisoirement décidé que le mois de janvier sera utilisé pour commencer à établir le nouveau registre des électeurs, la condition minimale pour la tenue d’élections démocratiques, surtout étant donné que beaucoup de questions se posent quant à la crédibilité et à l’exactitude du registre des électeurs actuel, qui a été compilé par la CENI dirigée par le très douteux Professeur Maurice Iwu. Cela signifie que la CENI n’aura qu’environ deux à trois mois pour rédiger le nouveau registre des électeurs qui reprendrait au moins 80 millions de Nigérians sur une population estimée à 140 millions. Jusqu’à présent, on attend toujours que soient rédigés le Décret électoral et l’amendement constitutionnel qui doivent servir de base légale à ces élections ! Et si on prend aussi en compte que la période d’après les élections sera comme d’habitude dominée par les disputes et plaintes de tous les candidats, et le processus qui est requis pour résoudre tout ce bazar par la voie légale, alors il semblera clair à tout élément conscient de la jeunesse et de la classe ouvrière que les élections de 2011 ne seront rien d’autre qu’un grand vacarme, un autre tour de magouilles et de chamailleries !

    Mais pour les masses laborieuses du Nigéria, l’enjeu va au-delà d’un registre électoral crédible pour une élection démocratique. Le véritable enjeu est : quel choix avons-nous ? Que défendent tous ces différents partis, et y a-t-il l’entre eux qui représente les intérêts de la classe ouvrière, des pauvres, et de tous ceux qui s’opposent à la classe dirigeante corrompue ?

    Que ce soit le PDP actuellement au pouvoir, ou que ce soit un des grands partis d’opposition, tous, sans exception, défendent une politique anti-pauvres dans tous leurs programmes et mesures économiques.

    Au lieu de se pencher sur un programme et sur des mesures qui puissent mettre à contribution les immenses richesses naturelles et humaines que possède le Nigéria, afin de garantir des conditions de vie décentes pour tout un chacun, tous ces partis qui nous dirigent, au fédéral comme dans les régions, se bousculent pour proposer et mettre en œuvre des mesures anti-pauvres qui ne vont faire qu’empirer les conditions de vie du peuple nigérian partout dans le pays. C’est pourquoi tous les PDP, ANPP, ACN, APGA et même le gouvernement de l’Etat d’Ondo qui est le seul à être contrôlé par le Labour se font les champions de mesures capitalistes pro-riches de privatisation, dérégulation, commercialisation, etc. À présent, dans tout le pays, quel que soit le parti politique au pouvoir, l’Etat ou les conditions des infrastructures de base telles que les routes, l’électricité, l’eau, ou des services sociaux indispensables telles que le logement, la santé ou l’éducation n’ont jamais été pires. Malgré cette situation déplorable, tous les partis dirigeants sont bien décidés à poursuivre la mise en œuvre d’une politique qui ne fera que remplir encore plus les poches des éléments capitalistes et des grandes corporations.

    C’est pourquoi tous ces grands partis prônent religieusement le concept du “partenariat public privé” en tant que meilleure solution pour développer l’économie et l’industrie ruinées du Nigéria. Selon ce concept douteux, le manque honteux de bonnes routes carrossables est censé être compensé par des profiteurs privés qui seront autorisés à construire des routes puis à prélever des péages afin de récupérer leur investissement. Mis à part le fait que sur base de l’expérience concrète, cette approche a déjà montré qu’elle ne peut s’appliquer qu’à certaines routes potentiellement bien profitables, le cout réel de cette politique pour la société est impossible à chiffrer. Selon l’idéologie pro-riches et pro-capitaliste qui prévaut aujourd’hui et qui est embrassée par tous les partis dirigeants, chaque aspect essentiel de la vie, comme le logement, la santé, l’éducation, les offres d’emploi, les routes, les voies aériennes et fluviales, est une marchandise qui ne devrait être accessible qu’à ceux qui ont l’argent de se la payer.

    C’est la raison centrale pour laquelle tous les partis au pouvoir partout dans le pays se sont mis d’accord sur le fait que l’éducation, la santé, l’électricité, l’eau, etc. doivent être entièrement privatisés au bénéfice des marchands de profits.

    Il était donc aisé de prévoir que les grands partis bourgeois et leurs apprentis égoïstes ne se sont focalisés que sur des questions de division, telles que la “régionalisation”, le “caractère fédéral”, les embrouilles “Nord-Sud” ou “chrétiens-musulmans” et toutes sortes d’autres histoires qui n’ont rien à voir avec le vrai problème, à savoir comment apporter des conditions de vie décentes aux masses de la population, qu’elles habitent dans le riche delta du Niger, ou dans le reste du Nigéria.

    On constate malheureusement que la morale pro-riche et pro-capitaliste qui constitue désormais la base de la politique des partis dirigeants en ce qui concerne l’économie ou la société a été maintenant ouvertement ancrée dans les affaires politiques et dans le processus électoral. À présent, le Décret électoral tout comme la direction de tous les partis politiques au pouvoir ont prescrit d’immenses sommes, appelées “frais de nomination”, pour quiconque désire se présenter en tant que candidat. Dans les faits, ceci signifie que seuls de gros richards et/ou les personnes sponsorisées par ces mêmes sacs à pognon peuvent espérer jouer un rôle quelconque dans les élections à venir. Il suffit donc de faire remarquer qu’une campagne électorale où seuls peuvent se présenter les plus riches personnes au sein des divers partis, ne pourra jamais être appelée “transparente” ni ne reflétera la “volonté” des Nigérians dans leur masse. En outre, la véritable raison pour laquelle de nombreux candidats à la candidature se disaient prêts à payer eux-mêmes leur “frais de nomination” est qu’ils espèrent bien pouvoir rembourser ces couts électoraux en mangeant l’argent public si jamais ils parvenaient à être élus. Par conséquent, les masses ordinaires doivent affronter bien en face le fait que ces élections ont déjà été truquées à leur détriment, bien avant que la campagne électorale à proprement parler n’ait même commencé.

    Une méga-coalition des partis d’opposition peut-elle changer les choses ?

    Certains prétendent que seule une grande coalition de tous les partis d’opposition parviendra à reprendre le pouvoir au PDP et ainsi à mettre un terme à la putréfaction qui domine à présent l’ensemble du paysage économique et politique de notre pays. Hélas, cette proposition qui semble de prime abord attractive ne peut se réaliser que si les soi-disant partis d’opposition ont un programme et une manière d’être qui soient fondamentalement différentes du détestable PDP qu’ils cherchent à remplacer. À présent, il y a beaucoup de bruit au sujet des grands partis d’opposition qui sont en train de s’associer afin de présenter une alternative unie et coordonnée face au PDP.

    Il faut cependant noter que ceci n’est pas quelque chose de nouveau dans la politique du Nigéria. Au cours des premières et deuxièmes Républiques, les partis d’opposition ont formé ce qu’on a appelé la Grande Alliance Progressive Unie (United Progressive Grand Alliance – UPGA) et l’Alliance des Partis Progressistes (Progressive Parties Alliance – PPA). Sous le régime civil actuel, il y a eu des discussions quant à l’éventuelle formation d’une méga-coalition des partis d’opposition afin de chasser le PDP du pouvoir. Toutefois, dans la mesure où la plupart des éléments de cette soi-disant opposition sont toujours impossibles à différencier du parti qu’ils désirent remplacer, ce phénomène réduit du coup leur opposition aux simples calculs égoïstes qui leur permettront d’être ceux qui hériteront ensuite de la responsabilité de l’injuste ordre économique et politique existant. De la sorte, tous ces partis d’opposition n’ont jamais été capables de mettre sur pied une véritable plate-forme d’opposition contre le parti au pouvoir.

    Par conséquent, tout comme dans la période précédente, le désir actuel de former une méga-opposition contre le PDP lors des élections de 2011 peut au final être sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles de tous ces individus qui souhaitent devenir présidents, gouverneurs, sénateurs, etc. et surtout maintenant, étant donné l’énormité scandaleuse des salaires et des dotations de responsables politiques, en plus de tous les privilèges et opportunités de piller les ressources et l’argent public que tous ces postes octroient.

    Y a-t-il un espoir pour les masses ?

    Sur base de la configuration politique du moment, les élections générales de 2011 ne seront comme d’habitude rien de plus qu’une compétition pour le pouvoir politique de la part de différentes sections de l’élite de bandits capitalistes au pouvoir. Malgré les promesses de Jega et de Jonathan d’organiser des élections libres et démocratiques, le résultat des élections, dans la situation actuelle, sera certainement à l’avantage des riches et de ceux qui contrôlent aujourd’hui le pouvoir politique en utilisant une combinaison d’argent et d’appareils d’État.

    Seuls un véritable programme ouvrier, avec la perspective d’utiliser les ressources humaines et naturelles du pays de manière planifiée et démocratique pourra fournir une plateforme politique réellement capable de susciter le soutien enthousiaste et les sacrifices héroïques de la part des masses populaires, et pourra triompher des politiciens capitalistes égoïstes et de tous les partis politiques au pouvoir lors des élections de 2011. Malheureusement, la grande majorité des dirigeants syndicaux et du Labour Party formé par le Congrès du travail nigérian (Nigeria Labour Congress – NLC) ne sont pas en ce moment en train de réfléchir ou de travailler à une telle alternative politique et économique pour la classe ouvrière. Au lieu de s’efforcer à bâtir le Labour Party en tant que voix politique des masses laborieuses, ses principaux dirigeants font tout ce qui est possible pour en faire tout bêtement un autre parti bourgeois.

    Le Labour Party ne dispose pas d’un programme économique et politique clair qui soit radicalement différent de celui des grands partis capitalistes tels que le PDP, l’ANPP, l’ACN, etc. Dans l’état de Ondo, qui est le seul à être gouverné par le parti, on professe la même politique néolibérale, pro-capitaliste de privatisation et de dérégulation des secteurs-clés de l’économie. Aujourd’hui, afin d’espérer devenir président ou gouverneur sous le régime PDP au pouvoir, les candidats doivent payer à leur parti la somme non remboursable respectivement de 10 millions et de 5 millions de naïras (50 000 € et 25 000 €). Ce qui est très embarrassant, c’est que c’est la direction du Labour Party qui a été la première à mettre en place cette mesure honteuse, et que le PDP n’a en fait fait que copier le Labour. Donc, plutôt que d’avoir un Labour Party qui se développe en tant que plate-forme pour la classe ouvrière et pour les masses opprimées en général, il est en train de rapidement devenir un autre parti bourgeois, un phénomène qui pourrait rendre le parti incapable de décoller pour de bon, sans parler de véritablement servir les intérêts politiques et économiques des masses populaires lors des élections à venir.

    Les principaux dirigeants syndicaux n’ont malheureusement pas offert une véritable alternative ouvrière face à la pourriture politique et économique du capitalisme. Politiquement, ceci est causé par leur perspective qui s’efforce de faire du mouvement ouvrier un arbitre cherchant à obtenir des élections libres et démocratiques entre les différentes couches de bandits capitalistes ! Au lieu de chercher à construire un parti politique ouvrier indépendant avec pour but de former un gouvernement ddes travailleurs et des pauvres, qui ferait passer les secteurs-clés de l’économie entre les mains du public, via leur contrôle et leur gestion démocratiques par des comités élus de travailleurs, de paysans et de jeunes, en tant que base pour garantir les besoins politiques et économiques de tout un chacun, et non pas seulement des quelques éléments capitalistes et des classes moyennes, comme c’est aujourd’hui la règle – au lieu de faire cela donc, la plupart des dirigeants Labour actuels conservent la perspective erronée selon laquelle les véritables intérêts des masses laborieuses peuvent être obtenues sans devoir renverser ce système injuste.

    Par exemple, d’importants dirigeants du NLC et de la Confédération syndicale (Trade Union Congress – TUC) croient réellement qu’une oasis économique, capable de pourvoir aux besoins économiques des travailleurs, peut être créée à travers des projets économiques directs de la part des syndicats. Voilà l’impression qui est créée par des dirigeants centraux des deux fédérations syndicales qui existent en ce moment, tandis qu’ils sont en train de négocier des prêts valant des milliards de naïras afin de mettre sur pied des services de transport gérés par les syndicats.<^>Le Président-général de la TUC, Peter Esele, a récemment tenté de fournir un genre de justification théorique pour ce qui n’est rien de plus qu’une tentative d’effectivement intégrer le mouvement ouvrier dans le ccapitalisme, en défendant le fait que les besoins de la classe ouvrière doivent être satisfaits par la création d’entreprises sans but lucratif et “pro-labour” dans le cadre global de l’économie capitaliste ! Écoutez-le plutôt : « Je n’appartiens pas à l’école de pensée selon laquelle le Labour devrait être neutre, parce que je crois que c’est par la participation que nous pourrons pousser le pays dans la direction vers laquelle il doit aller. Le Labour ne doit pas être neutre ; nous devons avoir une position sur tous les enjeux, et une manière dont on peut faire cela, est qu’il nous faut des muscles financiers. Donc, si nous nous asseyons tous dans une pièce et perdons notre temps à nous critiquer, et non pas afin d’offrir des solutions ni d’apporter de nouvelles idées, je ne pense pas que je veux appartenir à un tel mouvement » (The Guardian du 5 novembre 2010).

    Oui, nous autres membres du DSM sommes entièrement d’accord avec Esele sur lee fait que « Le Labour ne doit pas être neutre et doit avoir une position sur chaque enjeu », que ce soit un enjeu économique ou politique, et qui a le potentiel de susciter l’intérêt des travailleurs, positivement ou négativement. C’est pourquoi, depuis notre fondation, nous avons toujours défendu le contrôle public sur les secteurs-clés de l’économie, y compris les banques, et leur contrôle et gestion démocratique par les travailleurs et par les couches populaires. Cependant, cette stratégie révolutionnaire doit être radicalement différente de la conception de Esele qui désire apporter des « muscles financiers » aux syndicats, un phénomène qui ne ferait qu’accentuer l’étranglement bureaucratique du mouvement syndical, avec le développement de syndicats qui se reposent en grosse partie sur le business et non sur les cotisations de leurs membres, ce qui sape le pouvoir des travailleurs de la base à exercer un contrôle sur leurs dirigeants.

    Les défis à relever par les masses

    Sur la base de tout ce que nous venons d’expliquer, les travailleurs et les pauvres ne peuvent s’attendre après les élections de 2011 qu’à un approfondissement de leurs souffrances et de l’oppression. Toutefois, les capitalistes et les exploiteurs ne doivent pas trop se réjouir de la faiblesse politique des dirigeants syndicaux et du Labour Party qui en ce moment tend à renforcer l’idée fausse qu’il n’y a pas d’alternative à la putréfaction capitaliste actuelle et à l’échec complet des politiciens capitalistes. Mais il ne faut pas non plus oublier ni sous-estimer le bon côté de la situation politique actuelle.

    Malgré le manque d’une direction générale et cohérente de la part des hauts dirigeants syndicaux, il y a une nouvelle tradition de lutte et de résistance qui se développe parmi les sections de la classe ouvrière. Le personnel enseignant de toutes les universités de la zone sud-est sont en ce moment en grève à durée indéterminée depuis des mois dans certaines zones pour de meilleures conditions de travail et plus de moyens pour l’éducation. Depuis quelque temps, les syndicats du secteur de l’électricité mènent de l’agitation contre la privatisation de la Compagnie énergétique du Nigéria (Power Holding Company of Nigeria – PHCN) et pour un financement adéquat du secteur. Les travailleurs de la santé dans de nombreux états de la fédération sont soit en grève, soit en train de mener une agitation féroce pour plus de financement des hôpitaux publics et pour de meilleures conditions de service pour toutes les couches du personnel. Bien que l’Histoire ne se répète jamais de la même manière, il ne faut pas oublier que seulement deux mois après la farce des “élections” de 2007, il y a eu une grève générale massive et largement sooutenue qui n’a malheureusement pas permis de satisfaire aux revendications parce que les dirigeants syndicaux ont signé un compromis boiteux.

    Ce qui manque par contre, et c’est regrettable, est une lutte et une campagne unies impliquant les travailleurs du public comme du privé, aux niveau fédéral comme régional, et une direction nationale cohérente au sein des syndicats et sous la forme d’un véritable parti ouvrier qui puisse donner à cette résistance ouvrière non-coordonnée la vision et la force appropriées. Quoiqu’il en soit, la direction du NLC et de la TUC ont accepté d’organiser une grève d’avertissement de trois jours du mercredi 10 novembre au vendredi 12 novembre 2010, quant au refus du gouvernement du président Jonathan de faire appliquer le salaire minimum pourtant ridicule de 18 000 naïras (85€) par mois qui a été négocié avec les représentants du gouvernement aux niveaux fédéral et régional.

    C’est là un premier pas dans la bonne direction, qui s’était long fait attendre. Nous, membres du DSM, avons toujours défendu l’idée que seule des actions de masse et non pas des “tactiques de relations industrielles” peuvent forcer les élites dirigeantes de tous les différents partis politiques à mettre en application des mesures capables d’améliorer le mode de vie de la population. Force est pourtant de constater que la direction du mouvement ouvrier n’apparait pas encore vouloir accepter le fait que la lutte de masse est une nécessité et non pas un outil pour “effrayer” ou “intimider” la classe dirigeante. Écoutons John Odah, le secrétaire général du NLC : « Nous soupçonnons le président Jonathan d’être en train de faire pression sur les gouverneurs d’état pour qu’ils n’appliquent pas le nouveau salaire minimum national. Le président Jonathan a un rendez-vous avec l’Histoire. Il peut soit se placer du côté des travailleurs opprimés et voir son nom être inscrit en lettres d’or dans les cœurs des Nigérians, soit se ranger du côté des gouverneurs et rater l’occasion en or d’être adulé par les travailleurs nigérians » (The Nation du 7 novembre 2010).

    Plutôt qu’une perspective futile, qui cherche apparemment à liguer une section des brigands capitalistes contre l’autre, le DSM appelle de tous ses vœux à des mobilisations et à des luttes de masse y compris des manifestations et des grèves, là et quand elles sont nécessaires, avec une attention particulière sur la construction d’un parti politique ouvrier de masse qui puisse arracher le pouvoir de manière permanente aux pillards capitalistes et sur cette base commencer l’édification d’une société socialiste véritablement démocratique, dans laquelle les ressources de la société seront véritablement utilisées pour pourvoir aux besoins de tous et non pas d’une infime minorité, comme c’est le cas dans l’injuste désordre capitaliste actuel.

  • [DOSSIER] Nigéria : La Présidence de Goodluck Jonathan

    Un développement positif et une amélioration des conditions de vie au Nigéria sont-elles possibles ?

    Après beaucoup de raffut, c’est le Dr Goodluck Jonathan qui est devenu Président du Nigéria ce 6 mai 2010, à la suite du décès du Président Musa Yar’Adua, mort en plein mandat des suites d’une longue d’une maladie. Comme d’habitude, plusieurs commentateurs bourgeois et autres crabes, qui soutiennent toujours le gouvernement en place quel qu’il soit, ont intensifié leurs pirouettes. A en croire ces éléments, Goodluck Jonathan est doté d’une aura divine ; ils insistent sur la manière dont il est devenu gouverneur et maintenant Président sans jamais s’être présenté à aucune élection en son nom propre !

    De l’édition d’octobre de Socialist Democracy, journal du Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

    Et maintenant, ces diseurs de bonne aventure veulent que les Nigérians aient foi dans le fait que Goodluck Jonathan va utiliser sa soi-disant « chance » providentielle pour apporter un bouleversement positif à l’économie et aux conditions de vie de la population. Nous demandons donc : le Nigéria et les Nigérians connaîtront-ils un développement positif et une amélioration de leur niveau de vie sous la dispense du Président Jonathan ?

    Il est très important de constater que les principaux porte-parole gouvernementaux sont récemment apparus porteurs de statistiques et de données hautement optimistes qui toutes tendant à la conclusion que les beaux jours sont déjà arrivés dans le secteur économique. Pour ces éléments bouffis de leurs propres illusions, tout ce qui est maintenant requis pour soutenir ces supposés lendemains qui chantent est une détermination gouvernementale afin d’accomplir certaines réformes économiques généralement appréciées par le capital financier mondial et ses politiciens antisociaux locaux.

    Prenant récemment la parole devant une conférence de presse avec Mme Aruna Oteh, Directrice Générale de la Commission pour la Sécurité et pour l’Echange, et le Commissaire aux Assurances M. Fola Daniel, le Ministre des Finances M. Olusegun Aganga a joyeusement affirmé que «notre économie se porte bien». Ils ont entre autres déclaré que le PIB a augmenté de +7,2% au cours du premier trimestre de 2010, comparé à un plongeon de -8,8% au premier trimestre 2009 et de -6,6% en 2008. Ils ont également affirmé que le secteur non-pétrolier s’est accru de +8,15% comparé au premier trimestre de 2009, contre +7,9% entre 2009 et 2008. Mais malgré tout, le chômage est toujours officiellement estimé à 19,47%.

    Quelques jours plus tard, le 28 juillet 2010, lors d’une réunion du Conseil Exécutif Fédéral, le Gouverneur de la Banque Centrale M. Sanusi Lamido Sanusi a lui aussi déclaré que «il n’y a aucune raison de s’alarmer» si l’on considère les perspectives économiques globales du pays. Selon lui, le PIB a augmenté de +7,63%, l’inflation est maintenant modérée, les marchés d’échange avec l’étranger sont stables, de même que le taux inter-banques et le taux du marché, et il a conclu en disant que les banques travaillent très bien. Et, apparemment pour soutenir les bons développements dont il a parlé, il a allégrement annoncé que la Banque Centrale du Nigéria, la Banque de l’Industrie et les banques commerciales au Nigéria se sont mises d’accord pour signer un contrat de 500 milliards de naïra (2,4 milliards d’euros) afin de financer les secteurs de l’énergie et de la manufacture.

    Selon les termes de M. Sanusi, «Il faut que ça change. Nous croyons que l’industrie bancaire peut servir de catalyseur pour le secteur. Chaque banque qui a participé aux 130 milliards de naïra (600 millions d’euros) que nous avons déboursés doit contribuer à hauteur de 65 milliards de naïra avec ses propres fonds. Au-delà du soutien financier, nous fournissons aussi des conseils et des analyses d’impact afin de soutenir la croissance du secteur manufacturier». S’adressant aux Correspondants de la Chambre d’Etat après la réunion, le Ministre d’Etat pour l’Information et la Communication, M. Labaran Maku, a débordé de remerciements à M. Sanusi pour sa «franchise et son cœur» sans pareils, en particulier pour sa «détermination à pousser de l’avant avec des réformes critiques, malgré les pressions de groupes aux intérêts contraires qui cherchent à renverser les réformes qui ont sauvé de la crise profonde les secteurs financiers de la nation». M. Maku a conclu en déclarant que «le Gouvernement est confiant dans le fait qu’avec tout ce qui se passe en termes de réformes et de convergence politique, l’économie de la nation connaîtra une croissance durable dans les années à venir».

    Entre propagande et réalité

    Il y a deux leçons basiques que les couches conscientes du mouvement ouvrier et de la jeunesse doivent tirer de toutes ces fausses affirmations et performances, telles que le renouveau de l’économie nationale, qui sont aujourd’hui publiées par les hauts sommets du Gouvernement. Tout d’abord cela démontre que sous la Présidence de Jonathan, la gestion économique et la gouvernance en général sont toujours largement considérées par l’élite bourgeoise comme n’étant rien de plus qu’un art de propagande qui n’a rien ou pas grand’chose à voir avec la réalité. Deuxièmement, cela démontre également l’incapacité totale des mesures préférées des élites capitalistes à garantir un développement suffisant et un niveau de vie décent malgré les ressources naturelles et humaines abondantes de la nation. Tout en se donnant des tapes dans le dos les uns aux autres pour se féliciter des soi-disant merveilleuses réalisations qui sont aujourd’hui en train d’être enregistrées grâce à la combinaison de leur politique macro et micro-économique, et en même temps qu’ils éructent de fausses promesses quant à la croissance durable et la hausse des niveaux de vie, chaque secteur-clé de l’économie et les conditions de vie de l’écrasante majorité de la population ont continué à aller de mal en pis.

    «Entre 1985 et 2004, l’inégalité au Nigéria a empiré de 0,43 à 0,49%, ce qui place le pays parmi ceux qui ont les plus haut taux d’inégalité au monde. De nombreuses études ont démontré que malgré ses vastes ressources, le Nigéria se classe parmi les pays les plus inégaux du monde. Le problème de la pauvreté dans le pays est en partie une conséquence de la forte inégalité qui se manifeste par une distribution du revenu fortement inégale, et par des différences d’accès à l’infrastructure de base, à l’éducation, aux formations et aux opportunités d’emploi» (Rapports de Développement Humain du PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement – pour les années 2008-9).

    En dépit de ses abondantes ressources humaines et naturelles, le Nigéria est classé 158ème sur 182 pays en terme d’Indice de Développement Humain. Bien que la population nigériane compte pour près de 2% de la population mondiale, le pays compte pour 11% des décès maternels et 12% du taux de mortalité des enfants âgés de moins de 5 ans du monde entier. Selon un autre rapport des Nations Unies, 92% des Nigérians vivent avec moins de 2$ par jour. Il n’est dès lors guère surprenant que l’espérance de vie de la plupart des Nigérians ait fortement décliné, s’élevant à 49 ans pour les hommes et 59 ans pour les femmes.

    Un accès stable et abordable à l’électricité, ce qui est perçu partout comme étant un élément inévitable de la croissance économique moderne et du développement social, demeure largement non-existant pour une écrasante majorité de Nigérians ; tandis que les services pour la minorité d’individus et d’entreprises qui y ont accès restent épileptiques. L’Afrique du Sud, qui ne comporte qu’environ un tiers de la population du Nigéria, génère 45.000 mégawatts d’électricité par an. En revanche, le Nigéria ne génère à peine que la quantité lamentable de 3000 mégawatts par an. En fait, au moment où l’ancien Président Obasanjo a quitté le pouvoir en mai 2007, le Nigéria ne générait plus que 2500 mégawatts, qui ont aujourd’hui encore décliné à environ 2000 mégawatts en 2009.Il faut ajouter ici que cette situation pathétique se poursuit malgré le fait que le pays est censé avoir investi près de 16 milliards de dollars pour la production d’électricité sous la Présidence d’Obasanjo !

    L’éducation, que tout un chacun considère comme un pré-requis essentiel pour le développement global de la société et des individus, demeure dans les conditions les plus débilitantes. Par exemple, le journal The Nation du 17 mars 2010 rapporte que « Seuls 4223 des 236 613 candidats (c.à.d. 1,7% d’entre eux) à concourir pour l’Examen Senior d’Ecole Secondaire du Conseil National des Examens (NECO) de novembre/décembre de l’an passé ont réussi dans cinq sujets incluant l’anglais et les mathématiques ». Dans son édition du 15 avril 2010, The Nation rapportait de même que dans tout le pays, seuls 25,99% et 10% respectivement ont réussi dans au moins cinq sujets y compris l’anglais et les mathématiques lors des examens du Conseil des Examens de l’Afrique de l’Ouest de mai/juin 2009 et du NECO de juillet 2009.

    Ces résultats pathétiques et inquiétants ont été condamnés sans ambages par le gouvernement, les cadres non-gouvernementaux et les individus privés. Selon le même journal du 15 avril 2010, « Les pauvres résultats des candidats ont forcé le Gouvernement Fédéral à convoquer les chefs des deux commissions d’évaluation afin d’expliquer cet échec de masse et de fournir des solutions. Ceci a été suivi en janvier par une réunion du Ministre de l’Education de l’époque, Dr Sam Egwu, avec les directeurs des Collèges du Gouvernement Fédéral de Minna, capital de l’Etat du Niger (une province du Nigéria de 2 fois la taille de la Belgique et 4 millions d’habitants, à ne pas confondre avec le Niger qui est le pays voisin). Même M. Segun Oni, le gouverneur de l’Etat d’Ekiti – qui s’enorgueillit d’être une ‘‘Fontaine de la Connaissance’’ -, à la suite de ces résultats lamentables, a lu le décret émeutes aux directeurs des écoles secondaires, selon lequel ils devaient soit relever la tête, soit démissionner. Le Forum des Gouverneurs du Nord via son Président le Dr Mu’azu Babangida Aliyu, a dû organiser une réunion des 19 gouverneurs de la région afin de se pencher sur ce problème. Dans la région de l’Est, le résultat des examens est devenu extrêmement préoccupant pour les organisations gouvernementales et non-gouvernementales ».

    De la part de ces mêmes éléments qui ont été et sont toujours responsables de l’effondrement et de la déchéance continue du secteur de l’éducation, les réponses qui ont été faites par divers cadres gouvernementaux et que nous avons citées ci-dessus, sont à la fois cyniques et hypocrites. Cette réponse est on ne peut plus cynique, parce que ce sont justement ces divers cadres gouvernementaux à travers leur politique de sous-financement de l’éducation et la corruption dans toutes les sphères de la vie qui ont créé les conditions responsables de l’échec sans fond à l’école et lors des examens.

    En 2005, le PNUD, dans son rapport sur le Développement Humain, avait déjà dépeint un tableau extrêmement sinistre du secteur de l’éducation au Nigéria. Ce rapport disait ceci : « Du au maigre financement de l’éducation, l’enseignement à tous les niveaux souffre de faibles niveaux académiques ; il manque de personnel enseignant suffisant, à la fois en quantité et en qualité. Même les quelques enseignants qualifiés qui sont disponibles ne sont pas suffisamment motivés en terme de rémunération ou d’environnement de travail pour maximiser la qualité de leur apport dans le système éducationnel. Les écoles et les classes sont surpeuplées, les bâtiments sont inadéquats et sur-utilisés, les étagères des bibliothèques sont vides et recouvertes de toiles d’araignées, tandis que les laboratoires sont dépourvus d’équipement mis à jour ». Face à un tel constat, on ne peut que s’époustoufler de l’hypocrisie de nos dirigeants lorsqu’ils s’étonnent des résultats de nos élèves aux examens.

    Malgré l’impression trompeuse qui est donnée par les porte-parole du gouvernement au sujet de la situation économique actuelle du Nigéria, les routes étatiques et nationales, tout comme les rues, demeurent dans les conditions les plus déplorables, ce qui mène constamment à des pertes de vie massives à cause des accidents fréquents qui se produisent sur ses pièges mortels qu’on appelle « routes ». En même temps, les Nigérians et l’industrie continuent à perdre d’innombrables heures de travail simplement pour pouvoir se frayer un chemin sur ces mauvaises routes. En fait, un rapide survol de chaque aspect basique de la vie et de l’économie du pays révèle un tableau d’échec et de décrépitude colossaux.

    Les mesures qui sont mises en avant par Jonathan et par les responsables du gouvernement

    Il n’y a pas longtemps, le Ministre des Finances M. Olusegun Aganga, s’est adressé aux médias quant à l’état actuel de l’économie et à ses perspectives pour la période à venir. Il a crié sous tous les toits que « Notre économie se porte bien ; nos banques sont sûres ». En plus de ces déclarations fantaisistes quand aux soi-disant merveilleux indicateurs économiques, le Ministre a déclaré : « Nous allons créer un environnement de qualité afin d’attirer les investisseurs locaux et étrangers. La création d’infrastructure est une autre priorité du gouvernement. L’énergie en est la clé. Si on demande à qui que ce soit ce dont ils ont réellement besoin, je suis certain que cette personne répondra : énergie,énergie, énergie ». Dès le moment où il est devenu Président au début du mois de mai 2010, Jonathan n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il trouve qu’un accès à l’électricité stable et ininterrompu est un facteur indispensable pour le développement socio-économique. De fait, il s’est même octroyé le poste de Ministre de l’Energie en plus de ses fonctions présidentielles.

    Etant donné l’ « heureux bilan » établi par le Ministre des Finances, et l’engagement apparent de Jonathan de résoudre une fois pour toutes le problème de l’approvisionnement en électricité, les Nigérians peuvent-ils s’attendre à avoir accès à des logements, à des soins de santé, à une éducation et à des emplois ? Les industries et la population en général peuvent-elles espérer bénéficier d’infrastructures fonctionnelles, tels que des routes, une source d’électricité ininterrompue et accessible ? Dès lors, les grandes industries tout comme les petits commerces peuvent-ils maintenant avoir accès à des prêts bancaires à des taux favorables pour les producteurs autant que pour les consommateurs ?

    Il est certain que c’est là l’impression que cherchent à faire le Président Jonathan, le Ministre des Finances Olusegun Aganga, et ceux comme le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi. Mais malheureusement, si on se fie à une évaluation scientifique de la stratégie économique centrale du gouvernement, de ses mesures-clés et de leur mise en oeuvre, c’est tout le contraire de ces promesses, voire pire, qui risque bien de se produire.

    Malgré sa surenchère de promesses, la stratégie économique du Président Jonathan est entièrement basée sur le même paradigme néolibéral, anti-pauvres, pro-riches qui a déjà tant échoué, et qui est poussé par le monde des affaires et par les éléments capitalistes sur les plans international et local. Ecoutons seulement M. Aganga : « Nous allons supprimer les barrières douanières aifn d’attirer les investissements dans notre zone. De la sorte, nous voulons que le secteur privé vienne en tant que partenaire au gouvernement pour financer l’infrastructure. Le gouvernement ne peut pas faire cela de lui-même. Nous savons que nous ne pouvons pas nous permettre de financer le déficit de l’infrastructure en comptant uniquement sur notre budget. Nous savons que nous n’avons que très peu de moyens, et nous savons qu’il est très important de remplir ce trou, et c’est pourquoi nous appelons le secteur privé à mener le développement de l’infrastructure ». (Avant-Garde du 24 juillet 2010)

    Dans un récent discours face au Conseil Communal (une institution établie à la manière américaine) à la Loge du Gouverneur à Uyo dans l’Etat de Cross River, le Président Jonathan a profité de l’occasion pour faire des déclarations explicites et approfondies sur la stratégie économique du gouvernement. Parmi d’autres points, il a abordé le problème crucial et délicat de l’accès et de la disponibilité des produits dérivés du pétrole à des usages industriels et domestiques. Voyez plutôt : « Ce n’est pas le rôle du gouvernement d’être directement impliqué, mais plutôt d’encourager le secteur privé à investir. Ce qui limite en ce moment l’établissement de ces raffineries est le mode de fixation des prix des produits pétroliers, un problème que le gouvernement veut résoudre. Si le gouvernement devait être impliqué, ce serait sous la forme d’un partenariat public-privé, mais pas directement comme par exemple par la construction de raffineries d’Etat ».

    Le « partenariat public-privé » en action

    Contrairement à toutes ces vantardises, la paralysie économique actuelle au sien du pays et à l’échelle internationale est essentiellement une conséquence de la stratégie du « profit d’abord » suivie par l’élite capitaliste dirigeante partout dans le monde. Nous allons ici donner deux exemples de comment fonctionne cette politique. Selon le principe de « partenariat public-privé » (PPP), les aéroports du pays sont cédés aux marchands de profit sous le nom de « concession ». L’idée qui est vendue au public est que grâce à cet arrangement, l’emprise de la machine étatique corrompue sera brisée et qu’ainsi plus de revenus seront générés, ce qui garantirait les développements nécessaires de l’infrastructure et de la logistique aéroportuaire. Cependant, selon le magazine ThisDay du 10 juin 2010, c’est en réalité uniquement le contraire de ce qui avait été promis qui s’est produit : « L’accord de concession était censé redresser le revenu de la Federal Airports Authority in Nigeria. On croyait que les partenaires privées renforceraient l’innovation et la transparence, et assureraient que les ressources aéronautiques comme non-aéronautiques seraient gérées de telle manière à accroître les revenus […] Mais au lieu de rehausser le revenu de l’Agence, les concessionnaires ont quitté l’organisation en la laissant dans un état financier critique. [Selon une source de la FAAN :] « Dans le passé, la FAAN n’a jamais été en retard de payement de salaires, mais depuis que ces concessionnaires sont arrivés à sa tête, il est devenu difficile de payer le personnel. Regardez les aéroports, on ne les entretient même plus, parce que les fonds ont disparu. On avait prévu d’obtenir plus que ce que nous générions avant que les sources de revenus ne soient concédées. Mais il est aujourd’hui évident que les travailleurs de la FAAN s’en tiraient mieux avant » ». 

    Le Président Jonathan et ses conseillers économiques ont donné au secteur privé la responsabilité du développement nécessaire des infrastructures et des services via leur agenda de soi-disant partenariat public-privé. Cependant, c’est l’Etat de Lagos, gouverné par un parti d’opposition, l’Action Congress (AC), qui a déjà fourni une excellente illustration de pourquoi l’idéologie du « profit d’abord » ne mènera jamais à un développement nécessaire et suffisant pour l’économie et pour l’amélioration des conditions de vie du peuple en général. Depuis 2003 ou à peu près, l’ex-Gouverneur de l’Etat de Lagos, Bola Ahmed Tinubu, a conclu un accord avec un groupe d’entreprises privées pour construire une route de 49 kilomètres afin de relier Victoria Island à la ville d’Epe, dans l’Etat de Lagos. Huit ans plus tard, seuls 6 km de route ont été construits. Mais les entreprises privées en charge du projet n’ont par contre pas eu honte de déjà installer trois péages afin de prélever l’argent sur les utilisateurs de la route en chantier (pour la plupart des membres des classes moyennes ou de l’élite riche) ! Cette situation risque de durer encore trente ans ! Entretemps, plus des trois-quarts des routes et rues de l’Etat de Lagos demeurent dans des conditions déplorables.

    Le renflouement des banques et des industries

    Toutefois, rien n’illustre mieux l’incapacité totale du capitalisme de répondre aux nécessités sociales pour le développement économique et l’amélioration du mode de vie du peuple, que la pauvreté de masse et la dépression qui domine actuellement tous les secteurs économiques et sociaux, malgré les ressources naturelles et humaines surabondantes dont est doté le Nigéria. La manifestation la plus provocante de l’impasse capitaliste est l’octroi de centaines de milliards de naïras provenant des fonds publics en cadeau aux mêmes vampires capitalistes qui ont mené à ses conditions actuelles de désolation ce pays qui autrement serait énormément riche de ses immenses ressources et de sa population courageuse.

    A la fin de l’année passée, le gouvernement de feu le Président Musa Yar’Adua a donné via sa Banque Centrale la somme de 620 milliards de naïra (3 milliards d’euro) à huit banques qui se tenaient au bord de la faillite, en conséquence de leurs nombreuses transactions financières irresponsables et du pillage en bonne et due forme exercé par leurs propriétaires privés. Yar’Adua et son successeur le Président Jonathan ont de même unilatéralement décidé d’octroyer la somme scandaleuse de respectivement 150 milliards et 500 milliards de naïra (700 millions et 2 milliards d’euro) pour renflouer des industries en faillite tant en les laissant entre les mains des capitalistes. Bien entendu, ce qui était autrefois le secteur industriel nigérian a été maintenant complètement dévasté au fil des années par la combinaison de mesures politiques « profit d’abord » qui ont été imposées au pays par les multinationales des pays capitalistes avancés.

    A cet égard, l’industrie textile exemplifie bien le genre de désertification industrielle qui a étranglé le pays au fur et à mesure que le capitalisme mondial a renforcé son emprise sur les économies des pays néocoloniaux et sous-développés tels que le Nigéria. A la fin des années 80, il y avait 250 entreprises textiles qui ensemble employaient directement 800 000 travailleurs, avec plus d’un million d’autres personnes qui gagnaient leur vie par la vente et autres commerces liés à ce secteur. Malheureusement, en 2007, il ne restait que 30 de ces entreprises, opérant pour la plupart en-dessous de leur capacité, et qui employaient moins de 30 000 travailleurs. Il faut ajouter aussi que c’est le même genre de dévastation économique qui a vu le jour dans d’autres secteurs industriels et agricoles autrefois florissants.

    Toutefois, au-delà même des conditions lamentables qui prévalent aujourd’hui, il est économiquement contre-productif et socialement scandaleux pour un gouvernement de verser des centaines de milliards aux mêmes marchants de profit qui ont mené le pays à son impasse actuelle malgré son abondance de ressources humaines et naturelles, alors que cet argent aurait pu être utilisé pour développer les infrastructures publiques et les services sociaux. C’est un véritable scandale que d’énormes fonds publics soient octroyés à des individus et à des entreprises non-redevables et dont les seuls intérêts sont ceux de leurs profits et qui pendant des années ont mené une véritable croisade pour que le gouvernement cesse de financer les infrastructures socialement nécessaires que sont les routes, les services, l’éducation, les soins de santé, l’emploi, etc. soi-disant parce que ce sont là des mesures socialisantes qui n’engendreraient que l’inefficacité et la stagnation économique. Si les industries qui sont essentielles au développement du pays et du niveau de vie sont au bord de la faillite, alors au lieu d’en renflouer les propriétaires, elles devraient être nationalisées (avec compensation uniquement sur base de besoins prouvés) et gérées démocratiquement dans les intérêts des travailleurs et des pauvres.

    Hélas, plutôt que de se battre pour une réelle appropriation publique des secteurs-clés de l’économie, y compris des secteurs bancaire et financier, sous le contrôle et la gestion démocratique par les travailleurs, en tant que base d’un grand plan démocratique par lequel les abondantes ressources humaines et naturelles du Nigéria pourraient être utilisées afin de garantir une vie décente et une réelle liberté démocratique pour le peuple, les sommets de la hiérarchie syndicale du NLC (Nigerian Labour Congress) et de la TUC (Trade Union Confederation) sont occupés à placer de faux espoirs dans l’illusions selon laquelle ce système criminel pourrait être réformé afin de satisfaire aux besoins des masses laborieuses. Ils ferment leurs yeux devant l’échec du capitalisme à développer le Nigéria et devant la grave crise qui a frappé le système capitaliste mondial au cours des trois dernières années. En fait, les dirigeants syndicaux ne font que baser leurs campagnes sur ce qu’ils pensent que les capitalistes voudront bien donner, c’est pourquoi aucune campagne sérieuse n’a été menée pour le salaire minimum à 52 000 naïra (240€) que l’Exécutif National du NLC avait revendiqué pour la première fois lors de son assemblée du 18 décembre 2008 à Kano.

    La guerre contre la corruption et contre l’insécurité de la vie et de la propriété

    La corruption et l’insécurité de la vie et de la propriété sont toujours considérées par tous les commentateurs sérieux comme étant des facteurs cruciaux lorsqu’on parle d’assurer une véritable croissance économique et la stabilité sociale. Malheureusement, le gouvernement pro-capitaliste dirigé par Jonathan a également démontré son incapacité à répondre de manière efficace au défi qui est posé par ces deux enjeux. Presque chaque jour, le Président Jonathan et ses cadres professent le même discours quant à leur détermination à combattre la corruption, qui est perçue comme un cancer qui empêche la croissance économique.

    Pourtant, la Commission pour les Crimes Economiques et Financiers (EFCC) a fermé les yeux devant toute une série de scandales à échelle internationale impliquant plusieurs cadres gouvernementaux haut placés, certains étant déjà à la retraite, d’autres non, et sans le moindre murmure non plus de Jonathan ou de son administration. Cependant, la même EFCC qui n’a pas bronché au sujet des accusations de corruption envers des hauts responsables gouvernementaux au sujet de contrats obtenus avec Halliburton, Daimler, et autres requins multinationaux, a tout d’un coup regagné toute sa puissance lorsqu’elle a forcé le Président Goodluck à annuler son interdiction autocratique de toute participation des équipes de football nigérianes à des compétitions internationales.

    Afin de couvrir la retraite humiliante qui a été imposée au Président quant à son interdiction digne d’un dictateur militaire, mais complètement hypocrite et entièrement déplacée, des équipes de football nationales, la EFCC a été lâchée sur les chefs de la Fédération Nigériane de Football (NFF). De la même manière que dans les derniers jours de la Présidence d’Obasanjo, la EFCC est essentiellement devenue un instrument de harcèlement des opposants ou de ceux qui étaient tombés en disgrâce par rapport au PDP au pouvoir, la EFCC serait maintenant en train de mener une enquête sur la mauvaise gestion de 2 milliards de naïra par la NFF. Tout ceci sur ordre de personnes qui gèrent un budget de dizaines de milliers de milliards de naïra, sans en être redevables à qui que ce soit ! Au vu des dernières gesticulations de la EFCC, on peut dire que sous le règne de Jonathan, comme d’habitude, la guerre contre la corruption ne demeurera qu’une mauvaise plaisanterie, qui revient à tenter d’éteindre un feu de brousse en crachant dessus, ou à ce que des hors-la-loi armés s’octroient le droit de juger des voleurs à la tire.

    La résolution du Gouvernement à combattre les crimes de droit commun tels que les rapts révèle également la même vision bourgeoise à court-terme, ce que feu Fela Anikulapo-Kuti appelait « l’aveuglement ikoyi ». Comment le gouvernement compte-t-il endiguer la vague croissante de criminalité, en particulier les rapts qui ont pris un caractère de plus en plus répandu, et surtout au moment même où le gouvernement cherche à attirer des investisseurs étrangers ? Le Président Jonathan nous répond : « Nous prenons cet enjeu très au sérieux, et nous ne manquerons pas de poursuivre les auteurs de ces crimes. On trouve même certaines communautés dans le pays qui ont fait de la criminalité un vrai business, et des gens croulant sous les diplômes et qui aident et soutiennent cette activité […] Certaines personnes haut-placées sont impliquées […] Lorsque quelqu’un est enlevé, ce sont ces mêmes gens qui vont négocier la rançon […] Nous ne dormons pas ; nous sommes en train de trouver des méthodes pour traquer les enleveurs, nous cherchons à mettre en oeuvre des méthodes informatiques pour ce faire ».

    Aveuglés par leur propre mode de vie d’opulence non mérité et injuste, lorsque l’immense majorité se morfond dans la misère et l’indigence, Jonathan et les élites capitalistes ne peuvent réaliser que c’est la combinaison de leur système injuste et de la corruption des dirigeants capitalistes qui est responsable de la hausse des crimes sociaux tels que les enlèvements, le banditisme armé, le siphonage des oléoducs, etc. Par conséquent, pour que les masses laborieuses puissent bénéficier de conditions de vie décentes et permanentes, et d’une société libre du fléau de la criminalité, la société capitaliste actuelle, faite d’injustices, et qui ne bénéficie qu’aux intérêts des quelques riches, doit être économiquement et socialement remplacée par un nouvel ordre social dans lequel les ressources de la nature et les hauts sommets de l’économie – y compris les banques et la finance – seraient collectivement appropriées et placées sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs eux-mêmes, de sorte que les ressources humaines et naturelles infiniment abondantes de notre planète puissent être réellement planifiées et utilisées afin de satisfaire aux besoins économiques et sociaux du peuple.

    Vers où aller ?

    Sur base de mesures et stratégies pro-capitalistes, aucun des problèmes sociaux et économiques auxquels sont en ce moment confrontés le pays et la vaste majorité de sa population de plus en plus miséreuse ne peuvent être résolus de manière satisfaisante afin d’assurer une croissance économique énergique et un mode de vie décent pour le peuple. Bien sûr, au lieu d’accepter la faillite totale de la stratégie capitaliste et de la politique menée sur une base individuelle, les élites dirigeantes parasitaires et kleptomanes du Nigéria voudront toujours donner l’impression que le fait de gérer l’économie nigérienne est un e mission impossible. Devant le Conseil Communal cité plus haut, le Président Jonathan a une fois de plus renié son engagement gouvernemental de départ selon lequel il oeuvrerait en faveur d’un approvisionnement complet en électricité pour les industries et pour les ménages, avec comme point de départ la génération de 11 000 mégawatts avant 2011. Effectuant un virage à 180° par rapport à ses promesses initiales, le Président demande maintenant aux Nigérians de ne pas s’attendre à avoir un accès adéquat à l’électricité avant longtemps. Citant son expérience en tant que Gouverneur de l’Etat de Bayelsa, il a expliqué que « J’ai réalisé que lorsqu’on arrive par exemple avec 10 000 mégawatts, plus de gens vont immédiatement réclamer de nouvelles lignes électriques pour chez eux, et peu après, l’approvisionnement en électricité redevient inadéquat ». Cet argument bidon ridicule est taillé sur mesures pour justifier pourquoi le Nigéria n’a pas pu générer assez d’électricité pour alimenter de manière satisfaisante sa consommation industrielle et ménagère.

    L’Afrique du Sud, qui ne comporte qu’un tiers de la population du Nigéria, génère actuellement 45 000 mégawatts d’électricité par an, tandis que le Nigéria n’en génère en ce moment que 3000. Par conséquent, la tâche centrale est non pas de donner l’excuse que c’est le comportement des gens qui rend cet objectif inatteignable, mais bien de générer assez d’électricité que ce dont en ont besoin les industries et les gens. A un moment l’an dernier, la Ministre de l’Information nigérianne, Mme Dora Akunyili, a rendu visite à l’Ambassadeur vénézuélien au Nigéria, pour y rééditer auprès de lui son appel habituel à des investissements étrangers dans le secteur pétrolier. En guise de réponse, l’Ambassadeur du Venezuela a demandé au Nigéria de plutôt se tourner vers ses propres forces et de gérer ses propres ressources afin d’améliorer le bien-être de son peuple et de son économie en général, plutôt que de sans cesse frappeer à la porte des étrangers. Il a ainsi expliqué que depuis l’an 2000, au Venezuela, le prix du barril de pétrole est resté le même et le coût du plein pour une voiture moyenne n’a pas excédé la somme de 160 naïra (0,75€), et que le gouvernement vénézuélien possédait et gérait plus de 40 raffineries de dérivés pétroliers destinés à la consommation locale comme à l’exportation. Bien que les masses laborieuses vénézuéliennes soient toujours confrontées à de grands problèmes dus au caractère incomplet des réformes anticapitalistes qui ont été jusqu’ici accomplies dans leur pays, elles ne sont pas confrontées au même désastre absolu qui sévit au Nigéria. Tandis que le Nigéria, qui est le quatrième plus grand producteur de pétrole brut au sein de l’OPEP, dépend toujours fortement de l’importation de produits pétrolier, aucune de ses quatre raffineries ne tournant à pleine capacité.

    Le NLC comme la TUC, avec leurs affiliés, ont toujours critiqué le caractère anti-populaire de la plupart des politiques gouvernementales. Ces dirigeants syndicaux adorent faire des critiques correctes du caractère anti-pauvres des mesures de privatisation et de concession des raffineries, de l’électricité, des aéroports et des routes. Récemment, les directions du NLC et de la TUC ont condamné la proposition du gouvernement de dépenser des milliards de naïra pour la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Nigéria qui, du point de vue des masses opprimées, n’est jamais que 50 ans d’échec. La direction du NLC a aussi récemment dénoncé de manière très correcte les propositions pro-riches et anti-pauvres en faveur de la dérégulation et de la privatisation du secteur pétrolier, du retrait des soi-disant subsides sur les produits pétroliers, et d’une hausse de +200% du prix de l’électricité qui sont défendues par le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi. Dans une déclaration intitulée : « Assez des singeries anti-populaires de Sanusi ! » publié le 29 juillet 2010, on peut lire ceci : « Au sujet du tarif de l’électricité en particulier, le National Labour Congress est convaincu que le premier pas qui doit être fait par le gouvernement est d’avant toutes choses améliorer la capacité de génération et de distribution d’électricité, avant de parler de la question du prix à payer. Ce serait illogique et entièrement irraisonné de faire payer plus chers les Nigérians qui en ce moment payent déjà pour des services dont ils ne profitent pas, à part pour les ressources énormes qu’ils dépensent quotidiennement pour faire fonctionner leur générateur électrique domestique ». Au sujet d’un plan de renflouement à hauteur de 30 milliards de naïra (140 millions €) pour un redressement de l’industrie textile moribonde du Nigéria, Isa Aremu, Secrétaire Général du Syndicat des Travailleurs du Textile du Nigéria, a comparé la situation du pays de manière très adéquate avec la situation paradoxale d’un homme qui mourrait de soif alors qu’il est serait entouré d’eau. Ainsi, « Le Nigéria ne manque pas de Présidents ni de Gouverneurs. Ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est la bonne gouvernance, l’industrialisation et le développement ».

    Malheureusement, en dépit de ces critiques très correctes, les hauts dirigeants syndicaux ont en général toujours échoué à se concentrer sur la conception et la défense d’une alternative politique et économique pro-ouvrière, qui pourrait être capable de mettre un terme à la misère perpétuelle de la majorité du peuple nigérian en plein milieu d’une abondance inépuisable. Par conséquent, plutôt que de donner leur soutien à telle ou telle mesure capitaliste destinée à accroître la profitabilité, le mouvement ouvrier devrait mener une campagne consistante afin de placer les immenses ressources économiques du pays, y compris les banques et les institutions financières, sous le contrôle et la gestion démocratiques par les travailleurs, avec comme objectif direct d’assurer un mode de vie décent pour tous les Nigérians partout dans le pays, et non pas à la poignée d’éléments capitalistes qui maintiennent à présent leur emprise sur les perspectives économiques de la nation.

    Afin de parachever ce but, le mouvement ouvrier doit de même se mettre en branle pour créer son propre parti politique indépendant, qui sera préparé à mettre en oeuvre ce genre de mesures socialistes pro-masses, qui sont nécessaires si l’on veut libérer le Nigéria de la servitude socio-politique des élements capitalistes locaux et de leurs mécènes et maîtres à l’étranger. En particulier, il faut que le mouvement ouvrier crée un parti des travailleurs réellement démocratique, ou se battre pour récupérer le Labour Party qui a maintenant été largement récupéré par des éléments pro-capitalistes. Il ne suffit pas de simplement mener campagne pour des élections libres et justes lorsqu’il semble clair aujourd’hui que la campagne électorale de 2011 sera de toutes manières dominée par des partis pro-capitalistes, anti-populaires tels que le PDP, l’ANPP, l’AC, etc. Le mouvement ouvrier doit commencer dès aujourd’hui à édifier une plate-forme politique qui fasse écho aux longues souffrances du peuple du Nigéria lors de la campagne de 2011. A moins que l’agitation syndicale ne se poursuive selon ce genre de perspectives, le cauchemar socio-économique que nous connaissons aujourd’hui ne pourra pas être surmonté, et ne fera qu’empirer sous la Présidence de Jonathan, ou de n’importe quel autre politicien bourgeois.

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