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  • Le bourgmestre d’Uccle réprime les protestations qui visent ses amis kazakhs

    Un an après le massacre du 16 décembre au Kazakhstan, la répression s’est exportée à Bruxelles

    Le 16 décembre 2011, journée de commémoration de l’indépendance du Kazakhstan, un véritable massacre a été perpétré à Zhanaozen. Ce jour-là, les forces de l’ordre ont tiré sur une manifestation de travailleurs du secteur du pétrole en grève. Des dizaines de personnes ont ainsi été assassinées. Un an plus tard, ce massacre n’a pas été oublié et, dans ce pays comme ailleurs dans le monde, la lutte contre la répression et la dictature se poursuit. C’est dans ce cadre qu’une délégation du PSL s’est rendue aujourd’hui devant les bâtiments de l’ambassade du Kazakhstan à Bruxelles, en compagnie du député européen Paul Murphy. Mais des policiers de la commune sont rapidement venus nous menacer afin que nous stoppions notre protestation. Hasard ? Le bourgmestre local et chef de la police, Armand De Decker (MR), a récemment été dans l’actualité pour un rôle de médiation très douteux qu’il aurait joué entre les autorités kazakhes et Nicolas Sarkozy, président français au moment des faits.

    Par Geert Cool

    À l’ambassade, nous n’avons trouvé personne à qui parler. Ils étaient visiblement au courant de l’action qui devait se tenir à leurs portes. Mais si personne n’est venu écouter ce que nous avions à dire, l’ambassade a par contre utilisé ses contacts avec le bourgmestre de la commune pour envoyer la police menacer les manifestants d’amendes de 250 euros par personne. Nous avons donc vu débarquer une dizaine d’agents de police, dont le responsable de la police communale.

    Protester contre un régime dictatorial n’est possible à Uccle qu’après avoir préalablement quémandé l’approbation du bourgmestre. Ainsi, au silence de la presse belge sur ce qui se déroule au Kazakhstan (voir notre article) s’ajoute la répression des protestations. Une action est bien possible, mais uniquement avec une permission venue du haut. Dans le cas contraire, c’est la menace de lourdes amendes. Le chef de la police a bien essayé de se défendre en disant : ‘‘Les enfants aussi doivent demander avant de faire quelque chose.’’ Les autorités considèrent-elles la population comme une masse d’enfants à encadrer ? Voilà qui est très indicatif de la manière dont nos droits démocratiques sont considérés dans certains cercles…

    La décision d’interrompre notre action de solidarité avec les luttes au Kazakhstan est venue du bourgmestre Armand De Decker (MR) qui a, sans aucun doute, agi sur la demande de ses amis de l’ambassade. D’ailleurs, la presse a récemment fait écho des relations étroites entretenues entre Monsieur De Decker et le régime dictatorial du Kazakhstan. Le célèbre journal français "Le Canard enchaîné" avait dévoilé un scandale, un Kazakhgate, où Armand De Decker a joué un rôle central.

    Le président kazakh, Noursoultan Nazarbayev, devait conclure un contrat lucratif avec la société aéronautique française EADS concernant la vente de plusieurs hélicoptères. Mais le président-dictateur a posé ses conditions, au président français Nicolas Sarkozy, notamment d’aider trois de ses amis dans le cadre de leurs ennuis judiciaires en Belgique. Le milliardaire Patokh Chodiev ainsi que deux autres hommes d’affaires kazakhs étaient impliqués dans un dossier de corruption autour de l’entreprise belge Tractebel (où il est question de liens avec le crime organisé et de pots de vin pour obtenir un contrat à Tractebel au Kazakhstan). Les pressions exercées sur le tribunal belge n’auraient pas été suffisantes et il ne restait donc qu’une solution législative pour les tirer d’affaire.

    Le journal satirique et d’investigation ‘‘Le Canard Enchaîné’’ suggère que les conseillers de Sarkozy ont été en contact avec Armand De Decker, qui était alors vice-président du Sénat, afin d’assurer le vote rapide de la loi sur l’extension de la transaction pénale à toute une série de délits, y compris financiers, seule manière de sauver les amis de Nazarbayev. Ce projet de loi a rapidement été éliminé des parlements : déposé à la Chambre le 11 février 2011, il a été adopté le 17 mars avant d’être envoyé au Sénat le 18 mars. La loi a été promulguée le 14 avril et est entrée en vigueur le 16 mai. De Decker nie être intervenu dans cette affaire, mais la rapidité du processus d’adoption de cette loi est frappante. Détail piquant: De Decker, en tant qu’avocat, a également participé à la défense de Chodiev. Fin juin 2011, Patokh Chodiev et les deux autres ont été les premiers à bénéficier de cette nouvelle version de la transaction pénale. Le parquet de Bruxelles a ainsi abandonné ses poursuites contre la somme de 23 millions d’euros, payée en août 2011. Quelques jours plus tard, Nazarbayev a signé un contrat de commande de 45 hélicoptères auprès d’EADS. Sarkozy était rayonnant lors de la signature du contrat.

    Aujourd’hui, c’est ce même Armand De Decker qui est intervenu pour stopper une action de protestation devant l’ambassade du Kazakhstan à Bruxelles, très certainement après avoir été invité par l’ambassade à réagir. Alors que les riches fraudeurs viennent se réfugier à Uccle sous la protection de De Decker, toute forme de protestation contre les éléments les plus dictatoriaux de ce club de fraudeurs hyper-riches est réprimée.

    Par la même occasion, nous avons pu vérifier que les Sanctions Administratives Communales (SAC) ne sont pas là pour faire face aux incivilités et petites nuisances, mais pour réprimer les protestations et les limiter au cadre autorisé par le sommet de la société. Nos droits démocratiques sont ainsi limités alors que les fraudeurs super-riches bénéficient de nouvelles mesures très complaisantes pour leurs crimes.

    Le président-dictateur corrompu du Kazakhstan et ses amis peuvent compter sur la solidarité de l’establishment politique européen. L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair est devenu conseiller de Nazarbayev, le président Sarkozy a joué le coursier pour Nazarbayev pour, grâce à De Decker, accélérer le changement de la législation belge. La solidarité de classe n’est pas un vain mot pour l’establishment. Mais il en va de même du côté du mouvement ouvrier. Un an après le massacre de Zhanaozen, nous n’oublions pas, et nous continuons le combat contre la répression et l’oppression. L’hostilité que nous rencontrons de la part des amis locaux de Nazarbayev ne nous arrêtera pas.


    Nous n’oublions pas, nous n’arrêtons pas le combat

    Vidéo sur les évènements du 16 décembre

  • France : Les élections législatives renforcent le Parti Socialiste au pouvoir

    La France sort d’une période profondément marquée d’un côté par les élections, de l’autre par l’aggravation de la crise économique. Bien que la France n’en est pas encore à subir la sinistre austérité qui frappe d’autres pays de l’Union européenne, les inégalités de classe et la polarisation sociale se creusent et ont été reflétées lors des dernières élections.

    Gauche Révolutionnaire (CIO-France)

    Après avoir fait dégager l’ancien président Nicolas Sarkozy et l’UMP (l’Union pour un Mouvement Populaire), les électeurs les ont giflés une fois de plus en donnant une majorité absolue au Parti Socialiste. Ainsi, bon nombre d’influents ministres du précédent gouvernement ont perdu leur siège à l’Assemblée Nationale. Après l’ère Sarkozy, la droite traverse maintenant une crise idéologique majeure combinée à une crise de direction. L’UMP sort de cette échéance électorale avec une capacité sérieusement affaiblie de pourvoir se présenter comme une opposition au gouvernement de Jean-Marc Ayrault (nommé Premier ministre par le nouveau président François Hollande). C’est d’ailleurs encore plus le cas au vu de la position renforcée du Front National.

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    L’orientation plus droitière que Sarkozy a essayé d’impulser à l’UMP a rencontré la résistance de l’aile conservatrice plus traditionnelle, plus gaulliste, de l’électorat. Sarkozy a également perdu le soutien d’une section des électeurs de la classe ouvrière dont le niveau de vie a gravement été compromis durant ces cinq dernières années. Sarkozy et l’UMP ont aussi été puni par ceux qui préfèrent ‘‘l’original à la copie’’ et ont voté pour la dirigeante du Front National Marine Le Pen aux élections présidentielles et pour les candidats du FN aux élections législatives.

    Le PS, qui a remporté toutes les élections nationales ces cinq dernières années, apparaît renforcé. Certains éléments contredisent toutefois cette observation. Bien que le PS soit sorti grand vainqueur des élections, son score à l’élection présidentielle du mois de mai ne représente pas une si grande victoire sur l’UMP. De plus, la faible participation aux élections législatives (43% lors du second tour) confirme le rejet croissant éprouvé par la population envers les politiciens traditionnels et leur opportunisme. Cela laisse à penser que ce vote a avant tout revêtu un caractère très tactique de la part de la classe ouvrière.

    En dépit de son passé, le PS n’a pas encore pleinement exposé sa véritable nature aux yeux de la population, il n’y a pas encore une compréhension généralisée que c’est l’austérité qui sera appliquée par ce gouvernement. Sa politique locale repose sur des relations de népotisme, ce qui confirme localement l’embourgeoisement total du parti, même s’il peut encore recevoir le soutien passif de certaines couches de la population, surtout dans les banlieues. Mais ce répit ne saurait être que temporaire puisque la marge de manœuvre du gouvernement, tant économiquement que politiquement, est limitée.

    La France connait une situation politique unique en Europe. Alors que de nombreux pays sont gouvernés par des coalitions instables, la France a à sa tête un PS hégémonique qui contrôle la présidence, le Sénat, l’Assemblée ainsi que la plupart des régions et des conseils locaux. Cela masque toutefois un intelligent jeu d’équilibre entre les différentes tendances du PS et ses alliés dans la composition du gouvernement. Cela sera sérieusement mis à l’épreuve dans ce contexte où la crise économique s’approfondit de jour en jour. Nous en avons d’ailleurs déjà eu un aperçu au cours de la récente controverse concernant la baisse du nombre de travailleurs du secteur public.

    Des mesures telles que la limitation du salaire des ministres et du président, l’augmentation de l’impôt sur la fortune (l’ISF) et d’autres taxes sur les riches, etc., sont positivement observées par la plupart des gens. D’autres mesures comme l’augmentation du salaire minimum – même limitée à ce point (2%, soit 21,5 euros) – l’engagement de 1.000 enseignants dans l’enseignement primaire et l’annonce de pourparlers avec les syndicats seront aussi favorablement considérées, même si certains travailleurs trouvent tout cela nettement insuffisant. Le fait est que cette approche se situe loin des violentes attaques du gouvernement Sarkozy et de son arrogance.

    D’autre part, bien que le PS ait tenté de capitaliser la colère contre la grave destruction d’emplois dans le secteur industriel connue sous la présidence de Sarkozy (300.000 emplois perdus en cinq ans), le gouvernement de Hollande sera très rapidement confronté à une situation similaire. Les plans de restructuration, les licenciements et les fermetures d’usine qui avaient été retardées par les entreprises privées en raison de la période électorale sont maintenant de retour à l’ordre du jour.

    La prochaine étape pour le gouvernement Ayrault est la présentation du budget 2013 à l’automne. Peu de chiffres sont sortis mais avec l’objectif de réduire le déficit budgétaire à 3% en 2013, chacun sait que le secteur public sera l’objet d’attaques, sans doute en commençant par le système de soins de santé.

    Ces élections ont également été marquées par un vote élevé pour le FN, qui a récolté 10% en moyenne avec des pics atteignant près de 20% dans ses bastions. Bien que le parti d’extrême-droite ait perdu un peu de soutien électoral comparativement à l’élection présidentielle, il a réussi à gagner deux députés. Sans ignorer le facteur du racisme, il est clair que ce résultat exprime le rejet des partis traditionnels associés à l’establishment (l’UMPS, comme le dit le FN). L’accent mis sur les questions sociales par le FN a également joué un rôle important dans ce vote.

    Le Front de Gauche a obtenu un résultat légèrement meilleur que celui dont avait bénéficié le seul Parti communiste (PCF) il y a cinq ans de cela (677.000 voix de plus), mais c’est bien plus bas que le score obtenu aux élections présidentielles (1.115.600 voix comparativement à 3.984.800 aux présidentielles). Ces élections, cependant, étaient particulièrement antidémocratiques, et le Front de Gauche a vu son groupe parlementaire s’affaiblir. Ce soutien électoral plus faible par rapport aux élections présidentielles est en partie dû à la campagne plutôt classique du Front de Gauche, de type PCF, sans critiques conséquentes contre le PS. La dynamique autour de la campagne de Jean-Luc Mélenchon est retombée, à l’exception de Hénin-Beaumont, dans la région du Nord-Pas-de-Calais, où Mélenchon a affronté Le Pen. Là-bas, la déception a été palpable puisque le vote pour Le Pen a été très important et que Mélenchon a été éliminé au premier tour. Dans cette circonscription, marquée par le chômage et les emplois précaires, le FN a été capable d’exploiter la misère sociale qui a augmenté nombre d’années durant. Étant donné le faible poids du Front de Gauche au parlement, et le fait que le PS dispose d’une majorité parlementaire sur ses seules forces, la possibilité d’une entrée du PCF au gouvernement est pour le moment exclue. La probabilité d’une scission au sein du Front de Gauche n’est donc pas immédiatement posée.

    Le vote obtenu par Lutte Ouvrière et le Nouveau Parti Anticapitaliste n’a même pas atteint 1%. L’extrême-gauche paye le prix fort pour des années de sectarisme et d’analyses erronées de la situation ainsi que pour son incapacité à exprimer les besoins et les aspirations des travailleurs et des jeunes sur la scène politique.

    Bien que relativement calme en France pour l’instant, la situation économique est instable à l’échelle européenne. Des pays comme la Grèce et l’Italie sont aux prises avec des situations critiques et les banques françaises sont impliquées dans des investissements pourris avec ces pays, ce qui pourrait les affecter assez vite. Il est probable que les petites réformes et les quelques gestes sociaux de la nouvelle administration Hollande cèderont rapidement place à l’austérité. Dans cette situation très changeante, la conscience des masses va rattraper son retard. De nouvelles opportunités se présenteront pour construire une force réellement socialiste de masse afin d’armer le mouvement ouvrie

  • La “zone d’exclusion aérienne” et la gauche

    Les puissances impérialistes ont mis en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye afin de protéger leurs propres intérêts économiques et stratégiques et de restaurer leur prestige endommagé. Il est incroyable de voir que certaines personnes de la gauche marxiste soutiennent cette intervention militaire.

    Peter Taaffe – article paru dans Socialism Today, le magazine mensuel du Socialist Party (CIO – Angleterre et Pays de Galles)

    La guerre est la plus barbare de toutes les activités humaines, dotée comme elle l’est dans l’ère moderne de monstrueuses armes de destruction massive. Elle met aussi à nu la réalité des relations de classe, nationalement et internationalement, qui sont normalement obscurcies, cachées sous des couches d’hypocrisie et de turpitude morale des classe dirigeantes. Elle est l’épreuve ultime, au côté de la révolution, des idées et du programme, non seulement pour la bourgeoisie, mais égalemet pour le mouvement ouvrier et pour les différentes tendances en son sein.

    La guerre en cours en ce moment en Libye – car c’est bien de cela qu’il s’agit – illustre clairement ce phénomène. Le capitalisme et l’impérialisme, déguisés sous l’étiquette de l’“intervention militaire à but humanitaire” – totalement discréditée par le massacre en Irak – utilisent ce conflit pour tenter de reprendre la main. Pris par surprise par l’ampleur de la révolution en Tunisie et en Égypte – avec le renversement des soutiens fidèles de Moubarak et de Ben Ali – ils cherchent désespérément un levier afin de stopper ce processus et avec un peu de chance de lui faire faire marche arrière.

    C’est le même calcul qui se cache derrière le massacre sanglant au Bahreïn, perpétré par les troupes saoudiennes, avec un large contingent de mercenaires pakistanais et autres. Aucun commentaire n’est parvenu du gouvernement britannique quant aux révélations parues dans l’Observer au sujet d’escadrons de la mort – dirigés par des sunnites liés à la monarchie – et au sujet de la tentative délibérée d’encourager le sectarisme dans ce qui avait auparavant été un mouvement non-ethnique uni. Les slogans des premières manifestations bahreïniennes étaient : « Nous ne sommes pas chiites ni sunnites, mais nous sommes bahreïniens ».

    De même, les “dirigeants du Labour” – menés par le chef du New Labour Ed Miliband, qui a promis quelque chose de “différent” par rapport au régime précédent de Tony Blair – sont maintenant rentrés dans les rangs et soutiennent la politique de David Cameron en Libye et l’imposition de la zone d’exclusion aérienne. 

    Il est incroyable de constater que cette politique a été acceptée par certains à gauche, y compris quelques-uns qui se revendiquent du marxisme et du trotskisme. Parmi ceux-ci, il faut inclure Gilbert Achar, qui a écrit des livres sur le Moyen-Orient, et dont le soutien à la zone d’exclusion aérienne a au départ été publié sans aucune critique dans International Viewpoint, le site internet du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (SUQI). Son point de vue a toutefois été répudié par le SUQI par après.

    Mais on ne peut par contre pas qualifier d’ambigüe la position de l’Alliance pour la liberté des travailleurs (Alliance for Workers’ Liberty, AWL). Les cris stridants de cette organisation, en particulier dans ses critiques d’autres forces de gauche, sont en proportion inverse de ses faibles forces et de son influence encore plus limitée au sein du mouvement ouvrier. L’AWL a même cité Leon Trotsky pour justifier l’intervention américaine avec la zone d’exclusion aérienne. Un de leurs titres était : « Libye : aucune illusion dans l’Occident, mais l’opposition “anti-intervention” revient à abandonner les rebelles » Un autre titre impayable était : « Pourquoi nous ne devrions pas dénoncer l’intervention en Libye » (Workers Liberty, 23 mars).

    Ces derniers exemples sont en opposition directe avec l’essence même du marxisme et du trotskisme. Celle-ci consiste à insuffler dans la classe ouvrière et dans ses organisations une indépendance de classe complète par rapport à toutes les tendances de l’opinion bourgeoise, et à prendre les actions qui en découlent. Ceci s’applique à toutes les questions, en particulier pendant une guerre, voire une guerre civile, ce dont le conflit libyen comporte clairement des éléments.

    Il n’y a rien progressiste, même de loin, dans la tentative des puissances impérialistes que sont le Royaume-Uni ou la France de mettre en place une zone d’exclusion aérienne. Les rebelles de Benghazi ne sont que menue monnaie au milieu de leurs calculs. Hier encore, ces “puissances” embrassaient Mouammar Kadhafi, lui fournissaient des armes, achetaient son pétrole et, via Tony Blair, visitaient sa “grande tente” dans le désert et l’accueillaient au sein de la “communauté internationale”. Ce terme est un complet abus de langage, tout comme l’est l’idée des Nations-Unies, utilisée à cette occasion en tant qu’écran derrière lequel cacher que l’intervention en Libye avait été préparée uniquement en faveur des intérêts de classe crus de l’impérialisme et du capitalisme.

    Il ne fait aucun doute qu’il y a des illusions parmi de nombreux jeunes et travailleurs idéalistes qui attendent de telles institutions qu’elles résolvent les problèmes que sont les guerres, les conflits, la misère, etc. Certains sont également motivés dans leur soutien à la zone d’exclusion aérienne parce qu’ils craignaient que la population de Benghazi serait massacrée par les forces de Kadhafi. Mais les Nations-Unies ne font que rallier les nations capitalistes, dominées de manière écrasante par les États-Unis, afin de les faire collaborer lorsque leurs intérêts coïncident, mais qui sont de même fort “désunis” lorsque ce n’est pas le cas. Les guéguerres de positionnement et les querelles entre les différentes puissances impérialistes quant à l’intervention libyenne illustre bien ceci.

    Éparpillement américain et incertitude

    Les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont tout d’abord révélé l’incertitude – voire la paralysie – de la plus grande puissance impérialiste au monde, les États-Unis, quant à l’intervention adéquate. L’administration de Barack Obama a été forcée de tenter de se distinguer de la doctrine de George Bush d’un monde unipolaire dominé par l’impérialisme américain, avec son écrasante puissance militaire et économique. Les USA conservent toujours cet avantage militaire comparés à leurs rivaux, mais il est maintenant sapé par l’afaiblissement économique des États-Unis.

    Il y a aussi le problème de l’Afghanistan et la peur que cela ne mène à un éparpillement militaire. C’est ce qui a contraint Robert Gates, le secrétaire à la défense américain, à dès le départ déclarer son opposition – et, on suppose, celle de l’ensemble de l’état-major américain – par rapport à l’utilisation de troupes américaines terrestres où que ce soit ailleurs dans le monde. Il a aussi affirmé être “certain“ qu’Obama n’autoriserait aucune troupe au sol américaine à intervenir en Libye. Il a souligné cela lors de son interview où il se déclarait “dubitatif par rapport aux capacités des rebelles”, décrivant l’opposition comme n’étant en réalité rien de plus qu’un groupe disparate de factions et sans aucun véritable “commandemet, contrôle et organisation”. (The Observer du 3 avril).

    Obama, a sur le champ cherché à formuler une nouvelle doctrine diplomatique militaire, en ligne avec la nouvelle position des États-Unis sur le plan mondial. Il a tenté de faire une distinction entre les intérêts “vitaux” et “non-vitaux” de l’impérialisme américain. Dans les cas “vitaux”, les États-Unis agiront de manière unilatérale si la situation le requiert. Cependant les États-Unis, a-t-il proclamé de manière arrogante, ne sont plus le “gendarme du monde”, mais agiront dans le futur en tant que “chef de la gendarmerie” mondiale. Ceci semble signifier que les États-Unis accorderont leur soutien et seront formellement à la tête d’une “coalition multilatérale” tant que cela ne signifie pas le déploiement effectif et automatique des troupes.

    Malgré cela, la pression qui s’est effectuée pour empêcher un “bain de sang” a obligé Obama à signer une lettre publique avec Nicolas Sarkozy et Cameron, déclarant que ce serait une “trahison outrageuse” si Kadhafi restait en place et que les rebelles demeuraient à sa merci. La Libye, ont-ils déclaré, menace de devenir un “État déchu”. Ceci semble jeter les bases pour un nouveau saut périlleux, en particulier de la part d’Obama, qui verra l’emploi de troupes terrestres si nécessaire. Lorsqu’il a été incapable d’intervenir directement, à cause de l’opposition domestique par exemple, l’impérialisme n’a pas hésité à engager des mercenaires pour renverser un régime qui n’avait pas sa faveur ou pour contrecarrer une révolution. Telle était la politique de l’administration Ronald Reagan lorsqu’elle a employé des bandits soudards, les Contras, contre la révolution nicaraguayenne.

    L’impérialisme a été forcé dans la dernière intervention par le fait que Kadhafi semblait sur le point de gagner ou, en tous cas, d’avoir assez de force militaire et de soutien résiduel pour pouvoir éviter une complète défaite militaire, à moins d’une invasion terrestre. Les rebelles ne tiennent que l’Est, et encore, une partie seulement. L’Ouest, dans lequel vivent les deux tiers de la population, est toujours en grande partie contrôlé par Kadhafi et par ses forces. Ce contrôle n’est pas uniquement dû à un soutien populaire par rapport au régime. Ses forces possèdent la plupart des armes, y compris des armes lourdes, des tanks, etc. Il a toujours surveillé l’armée régulière de peur qu’un coup d’État n’en provienne. Patrick Cockburn a écrit dans The Independant du 17 avril : « L’absence d’une armée professionnelle en Libye signifie que les rebelles ont dû se fier à de vieux soldats à la retraite depuis longtemps pour entraîner leurs nouvelles recrues». Kadhafi est aussi capable d’attirer un soutien de la part des tribus, de même que du capital politique qu’il a accumulé pour son régime grâce au bon niveau de vie en Libye (avant le conflit) par rapport aux autres pays de la région.

    La révolution espagnole

    De nombreux partisans de la zone d’exclusion aérienne ont pris cette position en supposant que l’impérialisme ne serait pas capable d’aller plus loin que ça. Mais que feront-ils si, comme on ne peut l’exclure, des troupes au sol sous une forme ou une autre sont déployées avec la complicité des puissances impérialistes que sont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ?

    Lors du débat à la Chambre des Communes (House of Commons) du 21 mars, Miliband (le nouveau chef du Parti travailliste) a accordé un soutien enthousiaste pour l’action militaire de Cameron. Voilà encore une nouvelle confirmation de la dégénerescence politique du Labour Party, qui d’un parti à base ouvrière, est devenu une formation bourgeoise. Les rédacteurs de la classe capitaliste reconnaissent eux aussi platement cette réalité : « Il fut un temps où le Labour party était le bras politique de la classe ouvrière organisée. Tous les trois principaux partis constituent maintenant le bras politique de la classe capitaliste organisée. Ce phénomène n’est pas propre à la Grande-Bretagne. Presque chaque démocratie avancée, surtout les États-Unis, lutte pour contrôler le monde des affaires » (Peter Wilby, The Guardian du 12 avril).

    Comparez seulement la position du dirigeant “travailliste” actuel avec celle de son prédécesseur Harold Wilson au moment de la guerre du Vietnam. Au grand regret de Lyndon Johnson, le président américain de l’époque, Wilson – bien qu’il n’aurait pas été contre l’idée de soutenir des actions militaires à l’étranger s’il avait cru pouvoir s’en tirer après coup – a refusé d’impliquer les troupes britanniques. Toute autre décision aurait provoqué une scission du Labour de haut en bas, ce qui aurait probablement mené à sa démission. En d’autres termes, il avait été forcé par la pression de la base du Labour et des syndicats à refuser de soutenir l’action militaire de l’impérialisme américain.

    Aujourd’hui Miliband soutient Cameron, en provoquant à peine un froncement de sourcils de la part des députés Labour ou de la “base”. Il a invoqué le cas de l’Espagne pendant la guerre civile afin de justifier le soutien au gouvernement, déclarant ceci : « En 1936, un politicien espagnol est venu au Royaume-Uni afin de plaider notre soutien face au fascisme violent du général Franco, disant “Nous nous battons avec des bâtons et des couteaux contre des tanks, des avions et des fusils, et cela révolte la conscience du monde qu’un tel fait soit vrai” » (Hansard, 21 mars).

    Le parallèle avec l’Espagne est entièrement faux. C’était alors une véritable révolution des travailleurs et des paysans pauvres qui se déroulait, avec la création (tout au moins au cours de la période initiale après juillet 1936) d’un véritable pouvoir ouvrier, de comités de masse et avec l’occupation des terres et des usines. L’Espagne était confrontée à une révolution sociale. Cette révolution a surtout été vaincue non pas par les forces fascistes de Franco, mais par la politique erronnée de la bourgeoisie républicaine qui a fait dérailler la révolution, aidée et soutenue par le Parti communiste sous les ordres de Staline et de la bureaucratie russe. Ceux-ci craignaient à juste titre que le triomphe de la révolution espagnole ne soit le signal de leur propre renversement.

    Dans une telle situation, la classe ouvrière du monde entier se rassemblait pour soutenir la revendication d’envoyer des armes à l’Espagne. Alors l’impérialisme, et en particulier les puissances franco-anglaises, ont tout fait pour empêcher l’armement des travailleurs espagnols. Pourtant, le député Tory Bill Cash était entièrement d’accord avec Miliband pour affirmer qu’il y a en effet “un parallèle avec ce qui s’est passé en 1936”, et soutenait donc “l’armement de ceux qui résistent contre Kadhafi” à Benghazi. Cela n’est-il pas un indicateur de la nature politique de la direction actuelle à Benghazi et à l’Est, qui inclut d’anciens partisans de Kadhafi tels que l’ancien chef des forces spéciales Abdoul Fattah Younis ? Si la tendance au départ à Benghazi (des comités de masse avec la participation de la classe ouvrière) s’était maintenue, il n’y aurait maintenant pas la moindre question d’un soutien de la part des Tories de droite ! Miliband a donné une nouvelle justification pour son soutien de la zone d’exclusion aérienne : « Il y a un consensus international, une cause juste et une mission faisable… Sommes-nous réellement en train de dire que nous devrions être un pays qui reste sur le côté sans rien faire ? »

    Aucune force de gauche sérieuse ne peut prôner une politique d’abstention lorsque des travailleurs sont soumis aux attaques meurtrières d’un dictateur brutal tel que Kadhafi. Il est clair qu’il fallait donner un soutien politique à la population de Benghazi lorsqu’elle a éjecté les forces de Kadhafi de la ville par une insurrection révolutionnaire – et ceci était la position du CIO dès le départ. Voilà une réponse suffisante pour ceux qui cherchent à justifier le soutien à l’intervention militaire de l’extérieur, sur base du fait que la population de Benghazi était sans défense. Les mêmes personnes ont utilisé les mêmes arguments au sujet de l’impuissance du peuple irakien qui se trouvait sous l’emprise d’un dictateur brutal pour justifier le bombardement puis l’invasion de l’Irak, avec les résultats criminels que nous voyons à présent. Mais cet argument a été mis en pièces par les révoltes des populations tunisienne et égyptienne qui ont écrasé les dictatures, sous leurs puissants millions.

    Les gens de Benghazi ont déjà vaincu les forces de Kadhafi une fois. Cela a été réalisé lorsque des méthodes révolutionnaires ou semi-révolutionnaires ont été employées. Ces méthodes semblent maintenant avoir été reléguées à l’arrière-plan par des forces bourgeoises et petites-bourgeoises qui ont mis de côté les forces véritablement révolutionnaires. Sur base de comités ouvriers de masse, une véritable armée révolutionnaire – plutôt que le ramassis de soudards qui soutient le soi-disant “gouvernement provisoire” – aurait pu être mobilisée afin de capturer toutes les villes de l’Est et d’adresser un appel révolutionnaire aux habitants de l’Ouest, et en particulier à ceux de la capitale, Tripoli.

    Il y a dans l’Histoire de nombreux exemples victorieux d’une telle approche, en particulier dans la révolution espagnole à laquelle Miliband se réfère mais qu’il ne comprend pas. Par exemple, après que les travailleurs de Barcelone aient écrasé l’insurrection fasciste de Franco en juillet 1936, José Buenaventura Durruti a formé une armée révolutionnaire qui a marché à travers la Catalogne et l’Aragon jusqu’aux portes de Madrid. Ce faisant, il a placé les quatre-cinquièmes de l’Espagne entre les mains de la classe ouvrière et de la paysannerie. C’était bel et bien une guerre “juste” de la part des masses qui défendaient la démocratie tout en luttant pour une nouvelle société socialiste, plus humaine. En outre, cette guerre bénéficiait d’un réel soutien international de la part de la classe ouvrière européenne et mondiale. Les critères utilisés par Miliband pour décider de ce qui est “juste” ou pas se situent dans le cadre du capitalisme et de ce qui est mieux pour ce système, et non pas pour les intérêts des travailleurs qui se trouvent dans une relation opposée et antagoniste par rapport à ce système, et de plus et plus aujourd’hui.

    Le “deux poids, deux mesures” des puissances occidentales

    Notre critère pour mesurer ce qui est juste et progressiste, y compris dans le cas de guerres, est de savoir dans quelle mesure tel ou tel événement renforce ou non les masses ouvrières, accroit leur puissance, leur conscience, etc. Tout ce qui freine cette force est rétrograde. L’intervention impérialiste capitaliste, y compris la zone d’exclusion aérienne, même si elle devait parvenir à ses objectifs, ne va pas renforcer le pouvoir de la classe ouvrière, ne va pas accroitre sa conscience de sa propre puissance, ne va pas la mener à se percevoir et à percevoir ses organisations comme étant le seul et véritable outil capable d’accomplir ses objectifs. Au lieu de ça, l’intervention attire l’attention des travailleurs de l’Est vers une force de “libération” venue de l’extérieur, abaissant ainsi le niveau de conscience des travailleurs de leur propre puissance potentielle.

    Comme l’ont fait remarquer même les députés Tory lors du débat à la Chambre des Communes, Miliband semble complètement adhérer à la “doctrine Blair” – une intervention militaire soi-disant humanitaire en provenance de l’extérieur – dont il avait pourtant semblé se distancier lorsqu’il avait été élu dirigeant du Labour. Ceci revient à justifier les arguments de Blair comme ceux de Cameron concernant le où et quand intervenir dans le monde. Miliband s’est rabattu sur la vague affirmation suivante : « L’argument selon lequel parce que nous ne pouvons pas faire n’importe quoi, alors nous ne pouvons rien faire, est un mauvais argument ». “Nous” (c’est-à-dire l’impérialisme et le capitalisme) ne pouvons pas intervenir contre la dictature en Birmanie, ne pouvons pas hausser “notre” ton contre les attaques meurtrières de la classe dirigeante israélienne contre les Palestiniens de Gaza. “Nous” sommes muets face aux régimes criminels d’Arabie saoudite et du Bahreïn. Néanmoins, il est “juste” de “nous” opposer à Kadhafi – même si “nous” le serrions encore dans “nos” bras pas plus tard que hier – et d’utiliser “notre” force aérienne (pour le moment) contre lui et son régime.

    C’est le journal “libéral” The Observer qui a fait la meilleure description de l’approche hypocrite arbitraire du capitalisme : « Pourquoi ce régime du Golfe (le Bahreïn) a-t-il le bénéfice du doute alors que d’autres dirigeants arabes n’y ont pas droit ? Il est clair qu’il n’est pas question d’intervenir au Bahreïn ou dans tout autre État où les mouvements de protestation sont en train d’être réprimés. L’implication en Libye ne laisse aucun appétit pour le moindre soutien actif, diplomatique ou militaire, pour les autres rébellions. S’il fallait choisir de n’attaquer qu’un seul méchant dans l’ensemble de la région, alors le colonel Kadhafi était certainement le meilleur candidat. » (The Observer du 17 avril)

    Ce qui est par contre entièrement absent de cette argumentation, ce sont les véritables raisons derrière l’intervention en Libye, qui sont les intérêts matériels du capitalisme et de l’internationalisme, pour le pétrole avant tout – la Libye comporte quelques-unes des plus grandes réserves de toute l’Afrique. Certains ont nié cet argument – ils ont dit la même chose à propos de l’Irak. « La théorie de la conspiration pour le pétrole … est une des plus absurdes qui soit » affirmait Blair le 6 février 2003. Aujourd’hui, The Independant (19 avril) a publié un mémorandum secret de l’Office des affaires étrangères datant du 13 novembre 2002, à la suite d’une rencontre avec le géant pétrolier BP : « L’Irak comporte les meilleures perspectives pétrolières. BP meurt d’envie de s’y installer ».

    Un soutien honteux pour l’intervention militaire

    Tandis que la position de Miliband et de ses comparses n’est guère surprenante étant donné l’évolution droitière des ex-partis ouvriers et de leurs dirigeants, on ne peut en dire de même de ceux qui prétendent s’inscrire dans la tradition marxiste et trotskiste. Sean Matgamna de l’AWL cite même Trotsky pour justifier son soutien à l’intervention militaire en Libye : « Un individu, un groupe, un parti ou une classe qui reste “objectivement” à se curer le nez tout en regardant des hommes ivres de sang massacrer des personnes sans défense, est condamné par l’Histoire à se putréfier et à être dévoré vivant par les vers ». Dans ce passage tiré des écrits de Trotsky sur la guerre des Balkans avant la Première Guerre mondiale, celui-ci dénonce les porte-paroles du capitalisme libéral russe qui restaient silencieux face aux atrocités commises par la Serbie et la Bulgarie à l’encontre des autres nationalités.

    Il ne justifiait pas le moins du monde le moindre soutien en faveur des dirigeants d’une nation contre l’autre. Cela est clair à la lecture de la suite de ce passage, que Matgamna ne cite pas : « D’un autre côté, un parti ou une classe qui se dresse contre chaque acte abominable où qu’il se produise, aussi vigoureusement et décidément qu’un organisme réagit pour protéger ses yeux lorsqu’ils sont menacés par une blessure externe – un tel parti ou classe est pur de cœur. Le fait de protester contre les outrages dans les Balkans purifie l’atmosphère sociale dans notre propre pays, élève le niveau de conscience morale parmi notre propre population… Par conséquent, une opposition obstinée contre les atrocités ne sert pas seulement l’objectif d’autodéfense morale au niveau de l’individu ou du parti, mais également l’objectif de sauvegarde politique de notre peuple contre l’aventurisme caché sous l’étendard de la “libération”. »

    Le dernier point de cette citation ne peut être à tout le moins compris qu’allant à l’encontre de la position de l’AWL, qui soutient l’intervention impérialiste cachée sous l’étendard trompeur de la “libération”. Et pourtant, nous trouvons ici l’affirmation surprenante selon laquelle : « La soi-disant gauche s’emmêle encore une fois dans un faux dilemme politique : la croyance selon laquelle il est obligatoire de s’opposer de manière criarde à l’“intervention libérale” franco-britannique en Libye au sujet de chacun de ses actes (ou au moins de chacun de ses actes militaires), sans quoi cela reviendrait à lui accorder un soutien général. En fait, ce dilemme n’est que de leur propre invention ». Tentant de trouver la quadrature du cercle, Matgamna ajoute ensuite que : « Bien entendu, les socialistes n’accordent aucun soutien aux gouvernements et aux capitalistes au pouvoir au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, ni aux Nations-Unies, ni en Libye, ni nulle part ailleurs ».

    Même un enfant de dix ans se rendrait compte que le fait de soutenir la moindre forme d’action militaire est une forme de “soutien politique actif”. L’AWL prétend pouvoir nettement séparer le soutien pour ce type d’action des perspectives plus globales concernant les puissances qui entreprennent ce type d’action. Mais elle agit dans la pratique comme un défenseur de la France et du Royaume-Uni : « L’ONU, se servant du Royaume-Uni et de la France, a fixé des objectifs très limités en Libye. Il n’y a aucune raison de croire que les “Grandes Puissances” veulent occuper la Libye ou sont occupées à quoi que ce soit d’autre que d’effectuer une opération de police internationale limitée sur ce qu’elles perçoivent comme constituant la “frontière sud” de l’Europe ». L’AWL ajoute même gratuitement que : « Les âpres leçons du bourbier iraqien sont encore très vives dans la mémoire de ces puissances ». Et poursuit avec ceci : « Au nom de quelle alternative devrions-nous leur dire de ne pas utiliser leur force aérienne pour empêcher Kadhafi de massacrer un nombre incalculable de ses propres sujets ? Voilà quelle est la question décisive dans de telles situations ». Et quiconque ne s’aligne pas sur ce non-sens est selon l’AWL un pacifiste incorrigible.

    Pour montrer à quel point ces annonciateurs “trotskistes” sont éloignés de la réelle position de Trotsky par rapport à la guerre, regardons sa position au cours de la guerre civile espagnole concernant la question du budget militaire du gouvernement républicain. Max Shachtman, qui était en ce temps un de ses partisans, s’est opposé à Trotsky qui défendait en 1937 le fait que : « Si nous avions un membre dans le Cortes [le parlement espagnol], nous voterions contre le budget militaire de Negrin ». Trotsky a écrit que l’opposition de Shachtman à sa position « m’a étonné. Shachtman était prêt à exprimer sa confiance dans le perfide gouvernement Negrin ».

    Il a plus tard expliqué que : « Le fait de voter en faveur du budget militaire du gouvernement Negrin revient à lui donner un vote de confiance politique… Le faire serait un crime. Comment expliquer notre vote aux travailleurs anarchistes ? Très simplement : Nous n’accordons pas la moindre confiance en la capacité de ce gouvernement à diriger la guerre et à assurer la victoire. Nous accusons ce gouvernement de protéger les riches et d’affamer les pauvres. Ce gouvernement doit être broyé. Tant que nous ne serons pas assez forts que pour le remplacer, nous nous battrons sous son commandement. Mais en toute occasion, nous exprimerons ouvertement notre méfiance à son égard : voici la seule possibilité de mobiliser les masses politiquement contre ce gouvernement et de préparer son renversement. Toute autre politique constituerait une trahison de la révolution » (Trotsky, D’une égratignure au risque de gangrène, 24 janvier 1940). Imaginons maintenant à quel point Trotsky dénoncerait le soutien honteux de l’AWL à l’intervention impérialiste en Libye aujourd’hui.

    Une position de classe indépendante

    On reste sans voix devant le fait que l’AWL, avec son apologie de l’intervention impérialiste, prétende défendre par-là une “politique ouvrière indépendante”. Mais il n’y a pas le moindre atome de position indépendante de classe dans son approche. Nous nous opposons à l’intervention militaire, tout comme s’y sont opposées les masses de Benghazi au cours de la première période. Les slogans sur les murs proclamaient en anglais : « Non à l’intervention étrangère, les Libyens peuvent se débrouiller par eux-mêmes ». En d’autres termes, les masse avaient un instinct de classe bien plus solide, une suspicion par rapport à toute intervention militaire extérieure, en particulier par les puissances qui dominaient autrefois la région – le Royaume-Uni et la France. Elles craignaient à juste titre que la zone d’exclusion aérienne, malgré les grands discours proclamant le contraire, ne mènent à une invasion, comme cela a été le cas en Irak.

    Cela signifie-t-il que nous nous contentons de rester au niveau de slogans généraux, que nous restons passifs face à l’éventuelle attaque de Kadhafi sur Benghazi ? Non. Mais dans une telle situation, nous insistons sur la nécessité d’une politique de classe indépendante, sur le fait que les masses ne doivent avoir confiance qu’en leur propre force, et ne pas accorder le moindre crédit à l’idée que l’impérialisme agit pour le bien des masses. Il est tout à fait vrai que nous ne pouvons en aucun cas répondre à l’argument du massacre potentiel par des affirmations du style : “La triste réalité est que les massacres sont une caractéristique chronique du capitalisme. La gauche révolutionnaire est, hélas trop faible pour les empêcher » (Alex Callinicos, un des dirigeants du SWP britannique).

    Les forces du marxisme peuvent être physiquement trop faibles pour empêcher des massacres – comme dans le cas du Rwanda par exemple. Nous sommes néanmoins obligés de défendre le fait que le mouvement ouvrier large adopte la position la plus efficace afin de défendre et de renforcer le pouvoir et l’influence de la classe ouvrière dans toute situation donnée. Par exempe, en Irlande du Nord en 1969, les partisans de Militant (prédécesseur du Socialist Party) se sont opposés à l’arrivée des troupes britanniques pour “défendre” les zones catholiques nationalistes de Belfast et de Derry contre l’attaque meurtrière des milices B-specials à prédominance loyaliste. Le SWP, bien qu’il l’ait plus tard nié, soutenait le débarquement des troupes britanniques. Lorsque les troupes sont arrivées, elles ont protégé ces zones des attaques loyalistes et ont été accueillies en tant que “défenseurs”. Mais, comme nous l’avions prédit, à partir d’un certain point ces troupes se transformeraient en leur contraire et commenceraient à être perçues comme une force de répression contre la minorité catholique nationaliste. Et c’est exactement ce qui s’est passé.

    Toutefois, confrontés au massacre potentiel de la population catholique, nous n’avons pas adopté une position “neutre” ou passive. Dans notre journal Militant de septembre 1969, nous appelions à la création d’une force de défense unitaire ouvrière, au retrait des troupes britanniques, au démantèlement de la milice B-specials, à la fin des discriminations, à la création d’emplois, de logements, d’écoles, etc. pour tous les travailleurs. En d’autres termes, nous étions donc en faveur d’une unité de classe et pour que les travailleurs se basent sur leurs propres forces et non pas sur celles de l’État capitaliste. Une approche similaire, basée sur l’indépendance de classe la plus complète, et adaptée au contexte concret de la Libye et du reste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, est la seule capable de mener à la victoire de la lutte des travailleurs dans une situation aussi compliquée.

    Nous ne pouvons suivre Achar non plus, lorsqu’il dit : « Selon ma conception de la gauche, quiconque prétend appartenir à la gauche ne peut tout bonnement ignorer la demande de protection émanant d’un mouvement populaire, même de la part des ripoux impérialistes, lorsque le type de protection demandé n’en est pas un par lequel le contrôle sur leur pays peut être exercé. Aucune force progressiste ne peut se contenter d’ignorer la demande de protection provenant des rangs des insurgés ».

    Il est erroné d’identifier “les insurgés”, qui provenaient au départ d’un authentique mouvement de masse – comme nous l’avons fait observer – à leur direction actuelle, bourrée d’éléments bourgeois et pro-bourgeois, y compris de renégats en provenance du régime de Kadhafi. Qui plus est, il est entièrement faux – comme certains l’ont fait – de comparer l’acceptation de la part de Lénine de nourriture et d’armes fournies par une puissance impérialiste pour en repousser une autre, sans aucune condition militaire ou politique liée, à un soutien à la zone d’exclusion aérienne. La question pour les marxistes n’est pas de ce qui est fait, mais de qui le fait, comment et pourquoi.

    Défendre la révolution

    Au final, l’objectif de l’intervention impérialiste est de sauvegarder sa puissance, son prestige et son revenu de la menace de la révolution qui se développe dans la région. Comme l’a bien expliqué un porte-parole de l’administration Obama, la principale source d’inquiétude n’est pas ce qui se passe en Libye, mais bien les conséquences que cela pourrait avoir en Arabie saoudite et dans les États du Golfe, où sont concentrées la plupart des réserves pétrolières desquelles dépend le capitalisme mondial. Les impérialistes considèrent une intervention victorieuse en Libye comme étant un rempart contre toute menace de révolution dans ces États et dans l’ensemble de la région. Ils sont aussi inquiets de l’influence régionale de l’Iran, qui s’est énormément accrue en conséquence de la guerre d’Irak.

    La situation en Libye est extrêmement fluide. La manière dont se résoudra le conflit actuel est incertaine. En ce moment, il semble que cela se termine par une impasse, dans laquelle ni Kadhafi ni les rebelles ne sont capables de porter un coup décisif pour s’assurer la victoire dans ce qui est à présent une guerre civile prolongée. Ceci pourrait mener à une réelle partition du pays, ce qui est déjà le cas dans les faits. Dans cette situation, toutes les divisions tribales latentes – qui étaient en partie tenues en échec par la terreur du régime Kadhafi – pourraient remonter à la surface, créant une nouvelle Somalie au beau milieu de l’Afrique du Nord, avec toute l’instabilité que cela signifie, en particulier en ce qui concerne la lutte pour les réserves de pétrole de la Libye. D’un autre côté, l’impérialisme cherche désespérément à éviter de donner l’impression que Kadhafi ait obtenu une victoire partielle dans cette lutte, ce qui renforcerait la perception d’impuissance des puissances impérialistes à pouvoir décider de l’issue des événements.

    Mais la responsabilité du mouvement ouvrier au Royaume-Uni et dans le monde est claire : opposition absolue à toute intervention impérialiste ! Que le peuple libyen décide de son propre destin ! Soutien maximum de la part de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier mondial aux véritables forces de libération nationale et sociale en Libye et ailleurs dans la région, y compris sous la forme d’un approvisionnement en nourriture et en armes !

    L’impérialisme ne sera pas capable d’arrêter la marche en avant de la révolution en Afrique du Nord et dans le Moyen-Orient. Certes, comme le CIO l’avait prédit, il existe une grande déception parmi les masses, qui estiment que les fruits de leurs victoires contre Moubarak et Ben Ali ont jusqu’ici été volées par les régimes qui les ont remplacés. L’appareil de sécurité et la machine d’État tant haïs qui existaient auparavant demeurent largement intacts, malgré les puissantes convulsions de la révolution. Mais ceux-ci sont en train d’être combattus par des mouvements de masse.

    Les révolutions tiennent bon, et des millions de gens ont appris énormément de choses au cours du mouvement. Espérons que leurs conclusions mèneront à un renforcement de la classe ouvrière et au développement d’une politique de classe indépendant. Un tel renforcement serait symbolisé par le développement par les travailleurs de leurs propres organisations, de nouveaux et puissants syndicats et partis ouvriers, avec l’objectif de la transformation socialiste de la société, accompagnée par la démocratie en Libye et dans l’ensemble de la région.

  • Gay Pride : 800.000 personnes à Paris contre l’homophobie

    Ce samedi 26 juin, les rues de la capitale accueillaient l’édition 2010 de la Gay Pride, dans une ambiance électrique et combative. Plus de 800.000 personnes ont ainsi défilé sous le drapeau arc-en-ciel ! Le mot d’ordre était clair : «Violences, discriminations, ASSEZ! Liberté et Egalité, partout et toujours.» Les principales revendications mises en avant cette année : le droit au mariage et à l’adoption, ainsi que la lutte contre la violence homophobe et les discriminations, revendications à la justesse cruellement illustrée le soir même : un homme s’est en effet fait poignardé.

    Par Pablo V. (Bruxelles)

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    Après 40 ans de Gay Pride, la lutte continue

    La fin des années ‘60 a été riche en luttes : mai 68, mobilisations anti-guerre, Printemps de Prague, mouvement noir,… C’est dans ce contexte de luttes que naissent les émeutes de Stonewall à New York, luttes qui symbolisent le début du mouvement LGBT.

    Par Julien (Bruxelles)

    A l’époque, les LGBT n’avaient légalement aucun droit et les descentes homophobes de flics étaient fréquentes. Le 28 juin 1969, un raid un peu plus violent que d’habitude au Stonewall va amener les LGBT à se mobiliser contre les attaques policières et les lois homophobes. En solidarité avec les mouvements afro-américains, des slogans comme ‘‘Gay Power’’ et ‘‘Gay is good’’ seront criés à chaque manifestation. Le Gay Liberation Front fut fondé par les militants LGBT de l’époque à New-York et s’étendra très vite au Canada, en Australie et dans beaucoup de pays européens. Très vite est née une collaboration pratique entre le GLF, les Blacks Panthers et les mouvements anti-guerre.

    Cette année, cela fera 40 ans que la première Gay Pride a été organisée à New-York. Le but était clairement de revendiquer des droits. Aujourd’hui, le milieu gay est beaucoup trop cher et beaucoup de LGBT en sont exclus. La Gay Pride est hélas essentiellement devenue l’opportunité de faire de l’argent et l’aspect revendicatif est de plus en plus mis de côté.

    (Petit) tour du monde de l’homophobie

    • 8 pays dans le monde exécutent des homosexuels.
    • L’homosexualité est punie par la loi dans une soixantaine de pays.
    • Aux Etats-Unis, les homosexuels sont exclus de l’armée. “Nous n’avons pas été en mesure d’empêcher le massacre de Srebrenica en Bosnie parce que l’armée était composée de soldats gays” se justifie un ancien commandant des forces de l’Otan.
    • Il est légal de licencier pour homosexualité dans 30 Etats américains.
    • Pour le numéro deux du Vatican, les multiples scandales de pédophilie qui secouent l’Eglise catholique sont liés à l’homosexualité et non au célibat des prêtres.
    • Dans les pays de l’Europe de l’Est, les Gay Pride sont violemment réprimées.

    A lire également:

    • DOSSIER: l’égalité reste à gagner!
    • DOSSIER: Histoire du mouvement LGBT – Les émeutes de Stonewall – 1969
    • Deux réfugiés LGBT agressés à Bruxelles
    • Répression des LGBT en Europe de l’EST
    • Les propos de Léonard font réagir le mouvement LGBT
    • Les droits des LGBT avant et maintenant
    • Luttons contre l’homophobie! – Interview d’une camarade brésilienne
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      A côté de chars publicitaires, se trouvaient de nombreuses associations LGBT telles que ACT UP, SOS homophobie,… mais aussi les syndicats (CGT, CFDT…), l’ensemble de l’opposition (NPA, PCF, Parti de Gauche, Europe Ecologie, PS,…), d’anciens militants du FHAR (le front homosexuel d’action révolutionnaire), ainsi qu’une soixantaine d’associations diverses (sans-papiers, sportifs, policiers,…). La commission LGBT du PSL-LSP participait également à l’évènement, aux côtés de nos camarades français de la Gauche Révolutionnaire, courant du NPA.

      Pour beaucoup, c’était l’heure de faire le bilan du gouvernement Sarkozy. En effet, aucune promesse de campagne n’a été respectée au point que GayLib (mouvement pourtant associé à l’UMP) s’est attaqué frontalement au gouvernement («Assez de promesses, l’égalité maintenant!») Au niveau européen aussi, avec l’aide du PPE et du Saint Siège, la majorité présidentielle s’est singularisée dans son opposition virulente au projet de loi visant simplement à combattre les discriminations homophobes au sein de l’Union. Pourtant, il s’agit bien d’une urgence. Selon une étude menée par la Halde en 2006, 85% des homosexuels se disent victimes de discriminations voilées (dénigrement ou rejet), et 40% d’entre eux affirment subir des discriminations ouvertes (blagues, insultes, harcèlement, voire violences physiques), émanant, la plupart du temps, de collègues. Les coupes budgétaires et l’austérité que nous annonce Sarkozy ne devrait pas améliorer cette situation, bien au contraire.

      Un homme poignardé en pleine Gay Pride cette année !

      La Gay Pride battait son plein dans le quartier du Marais à Paris, lorsque, vers minuit, un homme d’une quarantaine d’année s’effondre. Il s’est fait poignarder. Au même moment, une fusillade éclate à San Francisco blessant 3 personnes (dont une grièvement) dans une attaque terroriste contre la Gay Pride californienne. Ces attaques homophobes montrent que si aujourd’hui, pour certains, affirmer son orientation sexuelle est devenu moins complexe que par le passé, pour les autres, cette même affirmation peut devenir synonyme de violence et d’oppression. Par ailleurs, on se rappelle tous des dernières Gay Pride en Europe de l’Est et en Russie, où les militants LGBT devaient à la fois esquiver les coups de matraque de la police et les cocktails molotov lancés par des fascistes et des extrémistes religieux. Pire encore, les homosexuels sont actuellement persécutés dans plus de 60 pays dans le monde (prison à vie, coups de fouet…) et sont encore condamnés à la peine de mort dans huit pays. Dans un tel contexte, on ne peut pas rester les bras croisés.

      Néanmoins, la violence homophobe n’est pas inéluctable !

      Il y a fort à parier, par ailleurs, que la crise qui fragilise les plus opprimés à travers la destruction d’emploi, des services publics et d’éducation aura des conséquences sur les LGBT. A l’inverse, la défense des droits sociaux, le partage du temps de travail pour travailler tous, la garantie d’un logement décent,… permettrait sans doute de briser cet engrenage de tensions au sein de la société, et d’en finir avec la logique du « diviser pour mieux régner » chère à Nicolas Sarkozy et autres PPE.

      C’est pourquoi nous devons nous organiser pour résister à la violence homophobe, tout en construisant un rapport de force avec les travailleurs pour changer la société. Si pour vous aussi, ne rien faire, c’est laisser faire, alors rejoignez le PSL et sa commission LGBT. Samedi, nous avons par exemple tenu un stand avec de nombreuses brochures sur l’histoire du mouvement LGBT, Stonewall, avec notre organisation sœur en France (la Gauche Révolutionnaire) lors de la Gay Pride parisienne. Une initiative encourageante des deux côtés de la frontière !

  • Tf1 en campagne… idéologique

    Dans le journal parlé du 21/05/2007 sur la télévision de Bouygues, un journaliste ouvre son reportage par ce commentaire : « bonne nouvelle, les Français s’endettent… », il tempère un peu sa joie en poursuivant plus loin : « il y a aussi de plus en plus de surendettement.. .». L’analyse du journaliste étant que un ménage qui s’endette a confiance en l’avenir et en l’économie.

    Alain. (Cet article a été rédigé par un sympathisant. Vous aussi, n’hésitez pas à envoyer à notre rédaction des artciles, rapports d’actions, réflexions,…: redaction@lsp-mas.be)

    Les politiques monétaires et fiscales menées dans la zone euro ces dernières années ont permis une explosion des bénéfices (transfert d’une partie des revenus du travail vers le capital) qui ne sont plus réinvestis dans l’économie réelle. Cette masse monétaire vient donc gonfler le stock d’argent, rendant ainsi le crédit meilleur marché. Ceci permet au prolétariat de continuer à consommer en hypothéquant leur salaire futur. Cette situation les rendant de plus en plus dépendant des organismes financiers et à la merci d’une éventuelle crise.

    Il faut vraiment tout l’optimisme de l’idéologie libérale pour considérer l’augmentation du taux d’endettement comme une bonne nouvelle.

    Ce fait illustre, à lui seul, l’ensemble de la campagne présidentielle qui a mené à la victoire de monsieur Nicolas Sarkozy. L’ensemble du paradigme intellectuel développé par le candidat de la droite, asséné sans relâche par son camp et cautionné de manière plus ou moins ouverte par une partie de l’establishment médiatique et intellectuel, a été déroulé sans qu’il y ait eu en face un argumentaire de poids. Le parti socialiste de madame Ségolène Royal, est tombé dans tous les pièges stratégiques tendus par la droite. Cela est essentiellement dû au manque de fond politique.

    L’aggiornamento que la gauche doit effectuer si elle veut réussir à obtenir l’adhésion populaire, c’est d’abord de proposer une vision globale et cohérente de la société. Une vision qui ne considère pas l’augmentation du taux d’endettement comme une bonne nouvelle pour les travailleurs.

    La méthode d’analyse marxiste, que le partis sociaux démocrates ont abandonnés, est le seul outil qui permette de penser une voie de sortie du capitalisme et de son corollaire idéologique qu’est le libéralisme.

    Il est primordial de porter haut les valeurs et les analyses du socialisme révolutionnaire afin de pouvoir mobiliser dans le futur l’ensemble du prolétariat pour abattre le capitalisme.

  • FRANCE : Défenseur du patronat contre défenseur du patronat.

    La participation au premier tour aura été impressionnante : 84,5% des électeurs se sont rendus aux urnes – le plus haut taux de participation depuis la naissance de la Ve République en 1958 – contre 71,60% en 2002. Au duel final : Sarkozy contre Royal.

    Nicolas Croes

    Cette participation massive se devinait déjà dans le taux d’audience d’émissions comme « J’ai une question à vous poser », où près de 9 millions de personnes avaient suivis le passage de Ségolène Royal (qui s’est particulièrement distinguée d’ailleurs en répondant invariablement sur chaque sujet qu’il s’agissait de sa priorité…).

    L’identité nationale au coeur du débat

    Nombreux sont ceux qui voulaient éviter de revivre le séisme des dernières présidentielles qui avaient vu le leader du Front National arriver au second tour. C’est notamment cela qui permet de comprendre la « chute » du FN. Finalement, malgré son score tombé à 11,5%, son nombre d’électeurs est assez stable par rapport à 2002.

    Un peu tôt pour crier victoire, donc. Surtout avec un Sarkozy qui affirme que la pédophilie et les suicides des adolescents sont d’origine génétique, qui veut un « ministère de l’intégration et de l’identité nationale » (même Jörg Haider a dénoncé les « nauséeux relents » de ces propos), qui a fait de la stigmatisation des communautés immigrées l’un de ses credos favoris,… Sans même parler de ce qu’il prévoit pour le monde du travail en général…. En définitive, il très proche de la droite dure de Bush, Berlusconi et Aznar.

    Ségolène Royal l’a suivi sur ce terrain, en allant toutefois bien moins loin, en proposant par exemple l’encadrement militaire des jeunes délinquants « pour leur donner une chance dès le premier délit » ou en se référant à tout bout de champ à l’idée de nation française. On peut comprendre que l’enthousiasme ne soit pas gigantesque au PS malgré un résultat meilleur que celui de Jospin en 2002. De plus, si Sarkozy est soutenu par les plus grands patrons français – dont ceux qui contrôlent des médias ( il intimide ainsi souvent les journalistes en disant « C’est marrant, je connais tous vos patrons, je sais ce qui se passe dans votre rédaction. ») – Royal a derrière elle, entre autres, le patron de l’Organisation Mondiale du Commerce.

    Bayrou profite de l’absence d’alternative

    Bénéficiant de la droite effrayée par Nicolas « Bulldozer » Sarkozy et d’une partie de la gauche qui le voyait mieux parti pour battre le président de l’UMP au second tour, Bayrou, candidat du centre, aura été une des surprises de cette campagne et termine la course avec le score de 18,3%. Pour beaucoup, il aura aussi été le candidat à la fois anti PS et UMP. Il faut dire que les médias l’ont bien aidé à ce positionner de la sorte. Lorsqu’il s’est plaint des manipulations des médias, le Nouvel Observateur l’a soupçonné d’avoir « une prétention extravagante à l’égalitarisme ». Au regard de son passé et de son programme, on ne peut pourtant pas vraiment avoir de doutes sur ce qu’il pense de l’égalité… Mais 58% des Français ont effectivement trouvé (à juste titre) que les médias ont accordé une place trop importante à Nicolas Sarkozy et 63% pensent que les journalistes ne sont pas indépendants face aux pressions des partis politiques.

    Pour tenter de gagner le scrutin ultime, Ségolène Royal devra tout faire pour séduire les centristes, au risque d’augmenter les tensions à l’intérieur du PS. Il est encore trop tôt pour dire ce qu’il adviendra en cas d’échec, mais la droite du PS pourrait être amenée à se rapprocher du centre et la gauche des débris du PCF et des Verts qui n’obtiennent respectivement que 2% et 1,5%, faute d’apparaître comme des alternatives crédibles.

    Préparons les luttes à venir !

    Plus à gauche, la division a eu un prix et, malgré les 56% de Français qui avaient voté NON à la Constitution Européenne majoritairement sur une base de gauche ainsi que le très fort sentiment antisystème, c’est l’échec. L’exception est Olivier Besancenot (LCR) qui réussit même à engranger 600.000 voix supplémentaires et arrive presque aux 5% (4,5%). Espérons que, contrairement aux fois précédentes, il sortira de ce résultat un véritable appel pour mobiliser l’électorat de l’extrême-gauche dans le cadre de la création d’une formation large anti-néolibérale où chaque tendance pourra s’exprimer.

    La tâche est aujourd’hui à la préparation des interventions sur le terrain contre la casse sociale qui viendra de la droite ou de la « gauche ». Nous comprenons bien que des travailleurs et des jeunes, surtout des banlieues, voudront arrêter Sarkozy lors du second tour. Malheureusement, nous ne pensons pas que la politique de Ségolène Royal et du PS sera fondamentalement différente. Par contre, nous pensons que leur politique va plus encore mener à un je-m’en-foutisme et renforcer la droite et l’extrême droite tant que n’existe pas d’alternative crédible.

  • Elections françaises : Sur 12 candidats, combien de travailleurs ?

    Seuls Olivier Besancenot, Arlette Laguiller et José Bové connaissent véritablement les réalités du niveau de vie des travailleurs! Cela ne veut pas encore dire qu’ils sont les meilleurs pour défendre leurs intérêts, mais comment les travailleurs et leurs familles peuvent-ils être représentés et défendus correctement par des millionaires qui n’imaginent même pas la difficulté de joindre les deux bouts à la fin du mois?! Petit tour d’horizon…

    Stéphane Ramquet

    Jean-Marie Le Pen, le candidat du parti néo-fasciste (FN) est assujeti à l’ISF (impôt sur la fortune) à hauteur de 1643€ pour l’année 2006. En outre, il déclare un patrimoine équivalant à 1,37 million d’€, il détient aussi un porte-feuille d’action dont la valeur est inconnue. Son salaire d’eurodéputé lui rapporte aussi 6700€ brut par mois. Jean-Marie Le Pen, l’ami des travailleurs? sûrement pas! Son patrimoine et ses intérêts boursiers en font un candidat bien proche du patronat.

    Nicolas Sarkozy (UMP, libéral-conservateur), quant à lui est le plus riche des candidats et aussi asujeti à l’ISF à hauteur de 1988€ avec un patrimoine de 1,13 million d’€. En tant que ministre, Nicolas Sarkozy touchait mensuellement 14.000€ brut.

    Ségolène Royal, la candidate très sociale-libérale du Parti « Socialiste » est aussi asujetie à l’ISF à hauteur de 862€ et partage un patrimoine de 900.000€ avec son compagnon François Hollande, secrétaire général du PS. Ensemble il détiennent un appartement de 120² en Hauts-de-Seine, une maison dans les Alpes-maritimes, ainsi qu’une maison dans les Deux-Sèvres. Son revenu de président du conseil régional du Poitou-Charente s’élève à 5.227€ brut.

    François Bayrou (UDF, centre-droit) n’est lui pas asujeti à l’ISF mais déclare quand même un patrimoine de 607.000€. Son revenu de député s’élève à 6.892€ brut.

    À l’opposé, Olivier Besancenot (LCR, se revendiquant de la tradition trotskiste) déclare un revenu de 1.100€ net que lui rapporte son salaire de facteur. Il est propriétaire avec sa compagne d’un appartement de 55m² dont il rembourse toujours le crédit.

    José Bové (altermondialiste) a un revenu net de 1220€ mensuel que lui rapporte son salaire associé d’un Groupement agricole.

    Arlette Laguiller (LO, se revendiquant également de la tradition trotskiste) enfin vit de sa pension de La Poste qui s’élève à 2.276€

    Tous les autres candidats (à l’exception de Nihous, le candidat chasseur), Voynet (Les Verts, « écologistes »), Villiers (MPF, extrême-droite), Schivardi (candidat des maires), et Buffet (Parti « Communiste » Français) vivent de leur mandat électif qui leur rapporte plus que de quoi bien vivre. (précisons tout de même que Marie-Georges Buffet rend une partie de son traitement de députée à son parti).

    Les travailleurs et la jeunesse ont besoin d’un réel prolongement politique. Le train de vie d’une candidate comme Ségolène Royal montre une fois de plus que le PS n’est plus leur parti. La LCR, tout comme LO, ne peut prétendre être à elle seule ce nouveau parti. Il faut que les forces anti-libérales, que les travailleurs, la jeunesse les immigrés et les chômeurs s’unissent dans un nouveau parti des travailleurs, une nouvelle force qui sera la coupole des luttes. En attendant pour montrer que c’est cela que nous voulons, soutenons les vrais candidats des travailleurs.

    Un maximum de voix pour ces candidats rendra encore plus visible la dénonciation du capitalisme. Mais pour renverser ce système, le vote ne suffira pas. Il faut dès à présent préparer les luttes, s’organiser, et approfondir l’analyse du capitalisme pour développer une orientation réellement socialiste et révolutionnaire. Notre organisation-soeur en France, le Gauche révolutionnaire, fait campagne sur ce thème tout en appelant à voter pour la LCR ou pour LO.


    NB: L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est un impôt français payé par les personnes détenant un patrimoine net (défini selon les règles de la loi) supérieur à 760 000 euros (seuil au 1er janvier 2007). L’ordre de grandeur de cet impôt est de 1% (fourchette de 0,55% à 1,80%). (fr.wikipedia.org)

  • France. Bayrou superstar?

    Pas moins de 12 candidats seront présents au 1er tour des présidentielles. Parmi eux, François Bayrou, candidat de l’Union pour la Démocratie Française (U.D.F. – centre droit), crée la surprise. Alors qu’il n’avait obtenu que 6,8% en 2002, il se trouverait actuellement aux alentours des 20% selon les sondages – qu’il faut toutefois lire avec prudence.

    Baptiste Daveau

    L’ « effet Bayrou » illustre un rejet des deux principaux candidats (Ségolène Royal, PS, et Nicolas Sarkozy, UMP). Bayrou se présente comme l’alternative idéale et dit vouloir réunir la gauche et la droite qui veulent bien « discuter ». Entendez par là : « ceux qui veulent bien se mettre d’accord pour mettre en place des plans d’austérité ».

    Bayrou mène donc une campagne très opportuniste. A son premier meeting parisien, il s’est posé comme le « président du peuple », celui qui défend « la France des paysans contre les milliardaires du CAC 40 et les vedettes du show-biz ». Mais ne soyons pas dupes ! Ce candidat très catholique, autoproclamé « anti-système » était Ministre de l’éducation de 1993 à 1997 dans un gouvernement de droite. Il a principalement été remarqué en rassemblant… un million de manifestants en 1994 contre sa réforme de l’enseignement ! Lui qui, en tant que député européen, défendit ardemment l’Europe libérale et la Constitution européenne se fait maintenant passer pour l’alternative!

    Bayrou, en définitive, n’est qu’un candidat défendant les intérêts du patronat au même titre que Sarkozy ou Royal. Son programme électoral veut construire une France « pro-entreprises et pro-recherche ». Comment ? En diminuant les taxes pour les entreprises… Ses déclarations du style « Je sais ce que c’est que de vivre avec 640 euros par mois : c’est la retraite de ma mère ! » ne font que démontrer qu’il a très bien compris qu’une recherche d’alternative est en cours en France et qu’il veut l’utiliser.

    Malgré les mobilisations de masse – et les victoires – qui ont eu lieu depuis quelques années en France (NON au référendum, lutte contre le CPE,…), aucun prolongement politique des luttes des travailleurs n’est ressorti. Cependant, malgré la division à la gauche du PS, Buffet (PCF), Laguiller (LO), Besancenot (LCR) et Bové récoltent tout de même encore plus de 10% réunis (ce qui est quand même moins qu’en 2002).

    Ce score et l’ampleur des intentions de vote pour Bayrou – bien plus significative d’un refus de Royal et Sarkozy que d’une véritable adhésion au programme de celui-ci – illustrent le potentiel que pourrait avoir un nouveau parti des travailleurs et une candidature anti-néolibérale qui prolongerait les revendications des travailleurs sur le terrain politique. Ce ne sera hélas pas pour cette fois, mais nos camarades français de la Gauche Révolutionnaire continuent à faire campagne sur ce thème.

  • EADS/Airbus. Les profits s’envolent, l’emploi s’écrase!

    Nouvelle onde de choc dans le monde des travailleurs : EADS a décidé de supprimer 10.000 emplois en quatre ans sur les 55.000 que compte sa filiale Airbus. Une fois encore, ce n’est pas une entreprise en crise qui se sépare d’une partie de ceux qui ont forgé ses richesses : le chiffre d’affaire d’EADS s’élève à 39,4 milliards d’euros pour 2006, soit une hausse de 15% par rapport à 2005.

    Nicolas Croes

    La société Airbus a été créée en 1970 et rassemble des entreprises aérospatiales nationales française, anglaise, allemande et espagnole. Nombreux étaient ceux qui voyaient dans ce consortium un des symboles les plus parlants de l’Union Européenne. Il y a deux ans à peine, le président français Chirac, le premier ministre britannique Blair, son collègue espagnol Zapatero et le chancelier fédéral allemand Schröder avaient eux-mêmes repris la métaphore à l’occasion de la sortie de l’A380. Finalement, le parallèle est effectivement très significatif, bien plus d’ailleurs que ne l’auraient souhaité ces chefs d’Etat…

    18% : une aumône…

    En 1999, le gouvernement français du « socialiste » Jospin a décidé de privatiser l’aérospatiale française. Rapidement, les intérêts du privé ont dominé au sein du nouveau groupe nommé EADS. Ce groupe est devenu n° 2 mondial dans l’aéronautique civile avec Airbus et n° 1 dans les hélicoptères militaires avec Eurocopter, le lancement de satellites avec Arianespace, le positionnement géosatellitaire avec Galileo et les missiles militaires avec MBDA.

    Pour les cinq années à venir, les carnets d’Aibus sont copieusement remplis : 2.357 appareils sont commandés, ce qui correspond à 258 milliards de dollars. Une situation qui ravit les actionnaires qui, depuis la privatisation de 1999, s’en mettent plein les fouilles: les actions rapportent en moyenne plus de 18% de bénéfices chaque année. Mais ce n’est pas encore suffisant. C’est même très loin de l’être pour étancher la soif de profit de la direction et des actionnaires.

    En conséquence, 4.300 travailleurs français seront jetés à la porte, au même titre que 3.700 allemands, 1.600 anglais et 400 espagnols. Ceux qui restent n’auront qu’à se réjouir, ils pourront même rester plus longtemps dans les usines… pour le même salaire! C’est ce que révèle le magazine allemand Focus : la direction d’Airbus envisagerait de faire passer les travailleurs de 35 heures de travail par semaine à 40, sans aucune compensation salariale.

    C’est exactement ce qu’avait fait le groupe américain Boeing quand Airbus était devenu n°1 mondial (place qu’il a perdue cette année). Boeing a pu se hisser à nouveau à la première place en escaladant les corps des travailleurs laissés sur le côté : 42% de l’effectif de 1998 ont été licenciés alors que ceux qui ont évité la trappe doivent subir des cadences infernales. C’est maintenant au tour d’Airbus, tandis que la Chine vient juste de décider de se lancer sur le marché aéronautique, menaçant l’hégémonie des deux compagnies occidentales.

    Sauver les meubles… pas les travailleurs

    Comment enrayer le cycle infernal des travailleurs sacrifiés sur l’autel de la concurrence? La décision du conseil d’administration d’EADS aura aussi des répercussions en Belgique. Depuis le début des années 1980, plusieurs sous-traitants d’Airbus sont des entreprises belges (la Sonaca, la Sabca, Asco et Eurair). Lors du dernier conseil extraordinaire des ministres à Louvain, le gouvernement belge a décidé de débloquer 150 millions d’EUR. C’est autant d’argent qui sortira de nos impôts pour compenser la rapacité d’un groupe infime de grands actionnaires.

    Cependant, pour beaucoup de politiciens placés devant ce drame humain – finalement si caractéristique de la société d’exploitation que nous connaissons – la solution se trouve là : faire intervenir l’Etat (et notre argent). Attention! Il n’est en aucun cas question de revenir sur les privatisations! Si l’Etat doit intervenir, c’est uniquement quand les choses vont mal. Pour le reste, les bénéfices peuvent continuer à alimenter la folie des grandeurs des capitalistes, et uniquement elle. En France, où Airbus s’est infiltré dans la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a par exemple déclaré qu’il soutiendrait Airbus comme il l’avait «fait avec Alstom» (l’Etat avait pris 20% du groupe quand celui-ci était en difficulté).

    Pour d’autres, le sort des travailleurs ne compte absolument pas. Le Premier ministre français Dominique de Villepin a ainsi précisé que s’il mesurait « pleinement l’inquiétude » des salariés, ce plan est pour lui « nécessaire pour sortir définitivement de la situation d’incertitude et préparer l’avenir »!

    Airbus – ou VW-Forest pour prendre un autre exemple récent – illustre combien les logiques de « nos » gouvernements sont incapables de résoudre les problèmes de l’économie de marché. Pour sauver les emplois d’Airbus, il faut renationaliser l’entreprise, sans achat ni indemnité. Les travailleurs doivent avoir accès aux comptes de l’entreprise et à toutes les informations sans restrictions pour prévenir les erreurs de gestion et les magouilles. Mais seule une transformation socialiste de la société pourra sauvegarder définitivement les emplois d’Airbus et d’ailleurs.

  • Toujours la même politique sans alternative crédible à gauche

    France: Sarkozy contre Royal

    La campagne présidentielle est bien lancée, sur fond de dégoût face à la politique suivie par les gouvernements de Raffarin et Villepin depuis 2002 : soutien à la constitution européenne rejetée par les Français lors du référendum en 2005, attaque contre les pensions, privatisation des services publics, promotion de nouveaux contrats flexibles et précaires,… 80% des français sont aujourd’hui opposés à une nouvelle candidature de Chirac.

    Boris Malarme

    Les politiciens, la presse, les sondages sont focalisés sur le match annoncé pour le 2e tour entre Nicolas Sarkozy pour l’UMP et Ségolène Royal pour le PS. Mais si les thèmes principaux qui préoccupent les Français sont l’emploi, les salaires, l’enseignement, la sécurité sociale,…. les réponses que donnent Sarkozy et Royal montrent qu’ils veulent continuer la même politique, celle qui assure de nouveaux profits records aux actionnaires aux détriments de la collectivité.

    Avec ce duel, l’enjeu du premier tour est relégué au second plan. La menace d’un Le Pen au deuxième tour, comme en 2002, semble être écartée par les scores des deux principaux candidats. Mais il est quand même crédité de 13% dans les sondages (à la mi-février) alors qu’en 2002, il se situait entre 8 et 10% à la même période. Entre les deux tours de 2002, des centaines de milliers de jeunes étaient sortis dans les rues contre le FN. Mais l’absence d’une autre perspective que de barrer la route à Le Pen par la voie des urnes en votant Chirac et cinq années de politique antisociale de la droite ont permis au FN de rester en selle.

    Sarkozy, représentant le plus zélé des capitalistes

    Sarkozy – Ministre de l’intérieur ultra-répressif, à l’attitude et au discours agressif envers les immigrés, les jeunes et les syndicalistes – a changé quelque peu de tonalité comme candidat. Mais le fond reste identique.

    Son programme est encore plus néolibéral que celui des précédents gouvernements. Il défend les riches en voulant diminuer de moitié l’impôt sur la fortune à travers des astuces fiscales, supprimer les droits de succession, défiscaliser complètement les heures supplémentaires ou encore créer un contrat de travail unique (ce qui signifie liquider les contrats à durée indéterminée en les remplaçant par un modèle de contrat plus flexible et précaire).

    Pour lui, chômeurs, pensionnés et fonctionnaires (dont il veut liquider 225.000 postes pour 2012) sont des fainéants et des profiteurs. Il sait ce qu’il veut et le dit : une vague d’attaques contre les salaires et les conditions de vie des travailleurs et de leurs familles.

    Pour faire passer une telle politique, il la présente comme seule capable de " relever la France " et surtout il joue sur son image d’ " homme fort " qui veut mettre fin à l’insécurité et à la délinquance.

    Royal, un emballage différent

    Royal, pourtant favorite avant le démarrage de la campagne, a perdu 22 sondages consécutifs entre la mi-janvier et la mi-février au profit de Sarkozy. Ses bourdes à répétition et les tiraillements au sein de son personnel politique pourraient-ils lui faire perdre les élections? Il est sans doute encore trop tôt pour le dire, plus de 50% des électeurs se disant encore indécis.

    Royal pourrait bénéficier d’un important soutien au nom du " moindre mal " face à la menace que représente Sarkozy. Nous comprenons ceux qui se sentent poussés à voter pour Royal afin de barrer la route à Sarko, mais sa politique ne serait pas fondamentalement différente. Ayant Tony Blair pour modèle, elle préconise de nombreuses diminutions de charges pour les patrons et avec une richesse personnelle réelle estimée à un peu moins d’un million d’euros, elle provient du même milieu que Sarkozy.

    Ses propos contre les profs, considérés comme des profiteurs qui devraient prester l’ensemble de leurs heures à l’école, révèle le mépris qu’elle porte aux travailleurs. Royal défend la même politique néolibérale que la droite et n’a de plus social que l’emballage. Alors que Sarkozy annonce ses intentions, Royal renoue avec les traditions des promesses qui ne seront pas tenues.

    Royal a pourtant encore un autre atout dans sa poche. C’est que, sur sa gauche, rien ne semble avoir changé depuis 2002 : une candidature crédible d’opposition à la politique néo-libérale fait toujours défaut. Marie-Georges Buffet (Parti Communiste Français), Olivier Besancenot (Ligue Communiste Révolutionaire), Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière), Gérard Schivardi (Parti des Travailleurs) et José Bové présentent chacun leur propre candidature.

    Pourquoi autant de cavaliers seuls ?

    Malgré les mobilisations de masse passées, aucun prolongement politique aux luttes des travailleurs et des jeunes n’a émergé. Un large mouvement unitaire et antilibéral s’est formé à partir de la campagne pour un " Non de gauche " à la constitution européenne. Mais les objectifs et la stratégie politiques n’ont jamais pu être éclaircis au sein de ce mouvement. Aucune force n’y a défendu la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs unifiant la résistance contre la politique néolibérale.

    Le PCF a maintenu son orientation habituelle : d’un côté, il critique Royal mais, de l’autre, il se prépare à la possibilité de rentrer dans un nouveau gouvernement de gauche plurielle avec le PS. La LCR a une orientation plus claire d’opposition à toute collaboration gouvernementale avec le PS mais elle n’a pas défendu clairement cette position au sein des collectifs antilibéraux et a choisi très vite de présenter son propre candidat. Si Bové est sans doute le candidat le plus " populaire ", il a maintenu un flou certain sur ses rapports futurs avec le PS et il n’était préparé en réalité à une candidature de rassemblement… que sur sa propre candidature. Quant à Lutte Ouvrière, elle s’est maintenue à l’écart de tous les débats et a annoncé depuis le début qu’elle présenterait sa propre candidate (dont ce sera la sixième tentative).

    Notre organisation-soeur en France, la Gauche Révolutionnaire, continue à mener campagne pour un nouveau parti des travailleurs. Ensemble, l’extrême-gauche est créditée de 11% dans les sondages, un résultat équivalent à celui de 2002. Cette force électorale illustre le potentiel et le succès qu’aurait une nouvelle formation telle que le CAP en France. Malheureusement, ni LO, ni la LCR n’utilisent les possibilités présentes pour faire émerger une nouvelle formation de masse des travailleurs, ce qui laisse la voie libre aux politiciens traditionnels.

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