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Tag: Nicaragua
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Nicaragua : Avec le peuple contre le gouvernement Ortega et l’impérialisme

Depuis le mois d’avril, le Nicaragua connaît un bain de sang, avec déjà 400 morts et des milliers de personnes blessées, arrêtées et disparues.
Ce processus a été déclenché par un mouvement de masse légitime contre la tentative du gouvernement de Daniel Ortega, en accord avec le FMI, de mettre en œuvre une réforme de la sécurité sociale. La réforme aurait réduit les pensions et augmenté les cotisations.
Ce mouvement de masse a été sauvagement réprimé par le gouvernement, qui s’est pour ce faire servi à la fois de l’appareil d’État et des organisations paramilitaires, avec des méthodes qui ne sont pas sans rappeler la dictature de Somoza.
La violence du gouvernement a radicalisé la résistance populaire, la transformant en une véritable rébellion contre le gouvernement. Le mouvement est composé d’étudiants, de paysans, d’indigènes, de travailleurs et de pauvres des villes. Il est caractérisé par la spontanéité et l’auto-organisation, sans direction centralisée établie.
Quelques jours plus tard, le gouvernement a été contraint de battre en retraite par rapport à la réforme des pensions, mais il était trop tard. Cette explosion sociale est l’expression de l’accumulation d’années de mécontentement, de tensions sociales et d’opposition aux politiques néolibérales et pro-capitalistes du gouvernement Ortega.
La dégénérescence du FSLN (le Front sandiniste de libération nationale)
Le FSLN, dirigé par Ortega qui gouverne le pays depuis 2007, a dégénéré au point de se transformer en un autre instrument au service du grand capital et des intérêts d’Ortega lui-même, de son vice-président Rosario Murillo et des “nouveaux riches”, les oligarques pseudo-sandinistes.
Il ne reste pratiquement plus rien de l’organisation qui a mené la révolution ayant renversé Somoza en 1979 et ayant inspiré des millions de travailleurs et de paysans partout en Amérique latine. Le destin tragique de la révolution sandiniste comporte d’innombrables leçons pour l’Amérique latine et la gauche à travers le monde.
Une fois Somoza renversé, le gouvernement dirigé par Ortega et le FSLN s’arrêta à mi-chemin sur la voie de l’accomplissement des tâches révolutionnaires de l’époque. Contrairement à ce qui s’est passé à Cuba, ils ont évité d’exproprier l’ensemble des grandes entreprises et d’établir une économie planifiée. Leurs illusions dans une “économie mixte” ont ouvert la voie au sabotage de l’impérialisme américain, y compris par la formation de des « contras », une force armée réactionnaire.
L’offensive impérialiste et les erreurs d’Ortega et des Sandinistes, avec l’adoption d’une politique économique de plus en plus “pragmatique” et éloignée des idées de la révolution, ont conduit à la défaite du FSLN et au retour de la droite au pouvoir par des élections en 1990.
Depuis lors, Ortega et le FSLN se sont tournés de plus en plus vers la droite. Ils ont noué des alliances avec des couches de l’ancienne oligarchie et de la droite, comme l’ancien président corrompu Arnoldo Alemán. Ortega a également cherché à nouer des liens avec l’establishment réactionnaire de l’Église catholique, en se réconciliant avec le vieil ennemi des Sandinistes, le cardinal Miguel Obando y Bravo, et en appuyant la législation visant à interdire totalement l’avortement dans le pays.
La défaite de 1990
Après la défaite de 1990, Ortega a également perdu les élections de 1996 et de 2001. Lorsqu’il a remporté les élections de 2006, Ortega et les dirigeants du FSLN avaient déjà consolidé leur virage à droite et leurs alliances avec l’ancienne oligarchie nicaraguayenne.
Le modèle économique préconisé par Ortega reposait sur des politiques néolibérales telles que les privatisations et l’ouverture de l’agro-industrie, des mines et de la pêche aux capitaux étrangers, etc. Cela a approfondi le caractère de dépendance du capitalisme nicaraguayen par rapport à l’impérialisme, tout en garantissant les profits et la richesse de l’oligarchie locale et de la nouvelle élite riche liée au sandinisme.
Le projet de construction du canal interocéanique reliant l’Atlantique et le Pacifique fut un exemple de ces politiques. Il a été attribué à un consortium chinois. S’il est conclu, ce projet sera une catastrophe écologique monumentale et une grave attaque contre les régions touchées. Entre autres conséquences, il entraînera la pollution du lac Nicaragua et le déplacement de 25.000 personnes.
Depuis 2014, ce projet fait l’objet de protestations paysannes et indigènes pour la défense de l’environnement, des mobilisations qui ont bouleversé la situation politique et sociale. La construction du canal a commencé en 2015, mais elle a dû être suspendue en raison de la faillite de l’entreprise chinoise qui en était responsable.Comme dans d’autres pays d’Amérique latine, la croissance économique repose sur un modèle d’exportation des matières premières, un modèle qui n’a pas éliminé les inégalités sociales et la pauvreté, mais qui n’a fait qu’accroître les contradictions et la volatilité politique.
Le Nicaragua reste le deuxième pays le plus pauvre d’Amérique latine. La moitié de la population vit dans la pauvreté, donnée atteignant même les 68% dans les communautés rurales.
Un combat légitime
Dans cette situation, la résistance populaire à la contre-réforme des retraites d’Ortega, à sa politique néolibérale et au caractère autoritaire de son gouvernement répressif est tout à fait légitime. Elle mérite le soutien de la gauche partout en Amérique latine et dans le monde.
Bien qu’il utilise encore une certaine rhétorique de gauche ou anti-impérialiste pour manipuler la mémoire de la révolution historique de 1979, le gouvernement Ortega joue le jeu de la droite et de l’impérialisme. D’innombrables anciens dirigeants de l’authentique sandinisme ont clairement dénoncé Ortega.Cependant, certains secteurs de gauche se font l’écho des distorsions d’Ortega. Récemment, la secrétaire des relations internationales du PT brésilien, Monica Valente, a comparé le conflit au Nicaragua avec les manifestations de juin 2013 au Brésil, affirmant qu’il s’agissait d’actions de “petits groupes d’étudiants, en particulier des collèges privés, financés par les Etats-Unis”.
Cette déclaration montre clairement que les dirigeants du PT n’ont rien compris aux protestations de juin 2013 au Brésil, et encore moins aux événements d’aujourd’hui au Nicaragua. Juin 2013 n’a pas été un mouvement de droite, mais une explosion populaire au grand potentiel transformateur qui n’a pas été saisie à cause de la trahison de la gauche brésilienne traditionnelle et de la faiblesse de la nouvelle gauche en cours de construction.
Dans le cas du Nicaragua, il ne peut être question de se ranger du côté d’Ortega face à ce massacre. Il doit être combattu, et une alternative de gauche de la classe ouvrière doit être construite.
Il est évident que, compte tenu de la gravité de la situation, les secteurs de la droite et de l’impérialisme qui ont auparavant beaucoup profité du gouvernement Ortega et de sa capacité à contenir la lutte sociale, voient maintenant que le gouvernement n’est plus capable de servir leurs intérêts. Ils essaient de le jeter par-dessus bord et de gérer la situation d’une manière qui leur soit favorable.
Il s’agit d’un élément naturel dans ces développements. Cela ne signifie certainement pas que la gauche doive défendre Ortega à cause des intentions réactionnaires de la droite et de l’impérialisme.
Une lutte de classe indépendante
Le rôle de la gauche est d’encourager l’organisation indépendante et la lutte des travailleurs et des pauvres pour la défense de leurs droits et intérêts. Le mouvement doit rejeter toute alliance avec les patrons, la droite, l’impérialisme ou l’Eglise. La classe ouvrière, les étudiants, les paysans, les indigènes et les femmes ne peuvent compter que sur leur propre pouvoir indépendant et organisé. La lutte doit être organisée démocratiquement de la base avec des comités de lutte composés de représentants élus démocratiquement et coordonnés au niveau national.
Ce n’est que sur cette base qu’une véritable alternative à Ortega, à la droite traditionnelle et à l’impérialisme peut être construite. Sans cela, avec ou sans Ortega, il y aura des défaites.
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[DOSSIER] Quel avenir pour la Libye après la mort de Kadhafi ?
Dans cet article, publié initialement en anglais le 25 novembre, Robert Bechert (du Comité pour une Internationale Ouvrière) fait le point sur la situation après la mort de Kadhafi et développe la nécessité de construire une organisation indépendante des travailleurs, des jeunes et des pauvres de Libye, afin d’éviter le déraillement de la révolution.
Robert Bechert, CIO
Tandis que la défaite des dernières véritables forces de défense du régime dictatorial et de plus en plus mégalomane de Kadhafi a été largement acclamée, la manière dont ce régime est tombé signifie que de sombres nuages recouvrent le futur de la révolution libyenne.
Les masses laborieuses et la jeunesse libyennes sont maintenant confrontées tant à des opportunités qu’à des dangers. L’absence d’un mouvement ouvrier indépendant, l’amertume découlant d’une guerre civile de plus en plus brutale, et en particulier de l’intervention de l’OTAN, se sont combinées à l’histoire et aux caractéristiques propres de la Libye pour produire une situation sociale et politique extrêmement compliquée.
En aout, juste après la chute de Tripoli, nous écrivions que ‘‘La chute de Tripoli a été accueillie avec joie par un grand nombre de Libyens, mais certainement pas par l’ensemble d’entre eux. Un autre dirigeant autocratique, entouré de sa famille et de ses laquais privilégiés, a à son tour été renversé. Si cela avait été purement le produit d’une lutte de la part des masses laborieuses libyennes, cela aurait été largement acclamé, mais l’implication directe de l’impérialisme porte une ombre fort sombre au tableau du futur de la révolution…
‘‘Tandis que de nombreux Libyens font la fête, les socialistes doivent être clairs sur le fait que, contrairement à la chute de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Égypte, la manière dont Kadhafi a été éliminé signifie que ce qui est une victoire pour la population libyenne, en est également une pour l’impérialisme. Sans les soldats, forces aériennes, armes, organisations, et entrainement fournis par l’OTAN et par d’autres pays tels que l’autocratie féodale qatarie, Tripoli ne serait pas tombée aux mains des rebelles de la manière dont cela s’est produit.’’ (“Le régime Kadhafi s’effondre”, 26 aout 2011, www.socialistworld.net).
Bien entendu, les dirigeants occidentaux célèbrent aujourd’hui la mort de leur récent ami et allié Kadhafi avec un mélange d’hypocrisie et de recherche de profit. Ils ont ressorti du placard les vieux chefs d’accusation selon lesquels Kadhafi soutenait l’IRA en Irlande et, de manière générale, le terrorisme à l’échelle internationale. Toutes ces accusations avaient avaient sombré dans l’oubli après que Kadhafi soit devenu leur allié dans le cadre de la “guerre contre la terreur”. De telles charges pourraient d’ailleurs (et devraient) être dirigées contre le premier ministre britannique Cameron et tous les autres qui ont soutenu la guerre en Irak. Il y a aussi l’exemple des prédécesseurs de la flopée actuelle de dirigeants capitalistes qui, dans un passé pas si lointain, ont financé et armé les rebelles Contras au Nicaragua ou encore les Moudjahidines afghans, si merveilleusement “démocratiques” et “pro-femmes”.
Tandis que certains dirigeants de l’OTAN ont, après le désastre de l’invasion de l’Irak, utilisé cette guerre comme une tentative de réhabiliter la doctrine de l’“intervention humanitaire”, d’autres sont plus prudents, vu qu’ils ne sont guère confiants concernant l’avenir de la Libye. Les enquêtes menées par les gouvernements occidentaux autour des circonstances exactes de la mort de Kadhafi ne sont qu’une tentative de répondre à une partie du mécontentement public dans les médias. Ces derniers, avec les images du cadavre de Kadhafi, se sont lancés dans une véritable orgie de “death porn”. C’est aussi une manière de se donner une certaine marge pour se distancier des futurs développements en Libye, au cas où ceux-ci ne se dérouleraient pas de la manière dont ils l’espèrent.
L’administration Obama est complètement hypocrite lorsqu’elle réclame de savoir comment Kadhafi a été tué. Après tout, n’a-t-elle pas elle-même récemment tué Ben Laden plutôt que de le prendre prisonnier ? Nous aurions préféré que Kadhafi soit jugé pour ses crimes devant un tribunal populaire, ce qui aurait permis de révéler au grand jour la corruption de son régime répressif et ses liens avec l’impérialisme. Mais c’est précisément à cause de ces liens que l’impérialisme se réjouit si ouvertement du fait que Kadhafi ait été tué…
Les multinationales ont déjà commencé à réfléchir à la meilleure manière de tirer profit de la reconstruction de la Libye. Le gouvernement britannique a calculé qu’il y aurait au moins pour plus de 200 millions d’euros de contrat “à saisir” en Libye (London Evening Standard, 21 octobre 2011). Ainsi, dès le lendemain de la mort de Kadhafi, le ministre de la Défense britannique ordonnait aux entreprises britanniques de “faire leurs valises” pour aller en Libye y décrocher des contrats. Il n’a pas été rapporté s’il a précisé ce qu’il fallait mettre exactement dans ces valises, mais on peut d’avance supposer que quelques pots-de-vin seront en jeu. C’est là la manière “normale” de faire leurs affaires pour les compagnies internationales, surtout dans les pays riches en matières premières. À peine deux jours après cela, on apprenait que le même ministère de la Défense allait entamer des procédures légales pour empêcher un lieutenant-colonel britannique à la retraite, Ian Foxely, de publier un livre. Ce livre décrit en détails le paiement de 11,5 millions de livres sterling (13M€) qui auraient été versé à un prince saoudien pour “appuyer” un contrat de livraison de matériel militaire (Sunday Times de Londres, 23 octobre 2011).
Voilà la norme pour les puissances impérialistes. Elles n’ont jamais eu le moindre scrupule quant à leur soutien à des régimes dictatoriaux tels que l’Arabie saoudite aujourd’hui ou Kadhafi hier, tant que cela peut satisfaire leurs intérêts économiques et/ou stratégiques. Ainsi, ce n’était pas un problème pour le Royaume-Uni ni pour les États-Unis de “livrer” leurs propres prisonniers aux geôles de Kadhafi.
L’insurrection de masse de février
Au départ, Kadhafi, ayant tiré les leçons du renversement de Ben Ali et de Moubarak, a lancé une contre-offensive contre Benghazi et les autres centres de la révolution de février. Ceux-ci étaient certainement menacés, mais Benghazi, cité d’un million d’habitants, aurait pu être défendue par une défense populaire de masse, en plus d’un appel révolutionnaire aux travailleurs, aux jeunes et aux pauvres du reste de la Libye. Cela aurait pu mener à une victoire bien plus rapide et aurait évité l’intervention impérialiste.
À Benghazi en février, au début de la révolution, des affiches écrites en anglais étaient placardées dans la ville, avec le slogan “Non à l’intervention – les Libyens peuvent se débrouiller tout seuls”. Mais la direction auto-proclamée de l’insurrection ne voulait pas entendre parler de cela. Dominé par une clique de renégats du régime et d’éléments ouvertement pro-impérialistes, le Conseil national de transition (CNT), mettant de côté l’élan populaire initial et son attitude opposée à toute intervention étrangère, s’est tourné vers les puissances impérialistes et les États arabes semi-féodaux pour y chercher un soutien.
Les grandes puissances impérialistes ont sauté sur cette occasion d’intervenir, tout en se justifiant à l’aide d’arguments “humanitaires”, pour ‘‘sauver des vies’’. Elles tentaient ainsi de contenir la révolution, de reconstruire leurs points d’appui dans la région et d’accroitre leur exploitation des ressources naturelles libyennes. D’où leur approche extrêmement sélective en ce qui concerne la défense des civils.
Ces mêmes puissances impérialistes qui sont accourues à grands cris défendre Benghazi n’ont absolument rien fait pour empêcher l’offensive menée par le gouvernement israélien en 2008-09 contre Gaza. Cette année-ci, l’impérialisme a virtuellement gardé le silence sur la brutalité de ses proches alliés – le régime bahreïni et l’autocratie saoudienne – lorsque ces derniers ont manœuvré afin d’écraser l’opposition de la manière la plus violente qui soit. D’une manière qui n’est pas sans rappeler l’effondrement des régimes staliniens il y a 20 ans, l’impérialisme a tiré parti d’un mouvement spontané qui savait fort bien contre quoi il se battait, mais qui par contre ne possédait pas un programme clair qui lui soit propre. C’est pourquoi les militants du Comité pour une Internationale Ouvrière à travers le monde se sont résolument opposés à l’intervention de l’OTAN et ont constamment prévenu qu’il ne fallait en aucun cas entretenir la moindre illusion envers l’OTAN, insistant sur le fait que les travailleurs et la jeunesse du pays devaient construire ensemble leur propre mouvement démocratique et indépendant s’ils voulaient assurer que cette révolution puisse réellement transformer leurs vies.
Qui dirige la Libye aujourd’hui ?
Les puissances impérialistes, le CNT et d’autres affirment que la Libye a connu la plus complète de toutes les révolutions survenues en Afrique du Nord au cours de cette année. Dans un certain sens, c’est vrai puisque, malgré le fait qu’une certaine couche d’ex-cadres de Kadhafi ait décidé de virer de bord, la plupart du vieil État, et en particulier les forces armées et la police, a entièrement été démantelée au cours de la révolution et de la guerre civile. Mais, à la fois, ce n’est pas vrai, dans le sens que les révolutions en Tunisie et en Égypte ont toutes deux été un mouvement de masse qui a terrifié l’impérialisme, malgré le fait que dans ces deux cas, la machine étatique du vieil État soit jusqu’à présent en grande partie parvenue à se préserver en sacrifiant à cet effet le vieux dictateur qui se trouvait à sa tête. En Libye, au contraire, l’impérialisme s’est non seulement accommodé de la révolution mais, dans un certain sens, il en a même tiré profit.
À de nombreux égards, le CNT reste toujours essentiellement une force nationale fictive, sa base de pouvoir demeurant surtout à l’est, autour de Benghazi. C’est d’ailleurs de là aussi qu’a été proclamée la fin de la guerre civile le 23 octobre dernier. Aucune date n’a encore été avancée pour le déménagement du CNT à Tripoli – qui n’est pas seulement la capitale de la Libye, mais aussi la ville où vit un tiers de la population du pays. Les dirigeants du CNT ne sont toujours pas parvenus à nommer un nouveau “cabinet” pour remplacer celui qui a démissionné après le meurtre – toujours inexpliqué – du commandant militaire du CNT, le général Younès, par certains de ses ex-alliés rebelles. Le premier “premier ministre” du CNT, l’infâme Mahmoud Jibril, a été maintenant remplacé par Ali Tarhouni. Tarhouni était l’ancien ministre des Finances du CNT. Jusqu’à la révolution, il était professeur d’économie à l’université de Seattle, aux USA. Sa femme est avocate et travaille pour le Parquet de l’Etat de Washington. Tarhouni a reçu un mois pour nommer un cabinet intérimaire, ce qui montre bien l’ampleur des problèmes auxquels est confronté le CNT, ne serait-ce que pour se constituer lui-même.
La tragédie de la première étape de la révolution libyenne est le fait que l’insurrection initiale, essentiellement spontanée, n’a pas eu pour résultat le développement d’une auto-organisation démocratique des masses laborieuses et de la jeunesse.
Malgré l’implication d’un grand nombre de Libyens dans les combats et malgré l’armement de masse de la population, il n’y a jusqu’à présent aucun signe de la moindre tentative de la part des travailleurs, des jeunes et des pauvres libyens d’établir leur propre pouvoir indépendant, démocratique et collectif sur la société. Tandis que des organes locaux, souvent de quartier, ont surgi çà et là, ils ne sont pas connectés ensemble, ni systématiquement démocratiques. Sans organisations fortes, démocratiques et indépendantes dans les quartiers et dans les entreprises, ce sont les milices et les mosquées qui sont en train de prendre la direction de l’organisation de la sécurité et du redémarrage des services publics. Mais ces milices ne sont pas dirigées de manière démocratique et la population n’a aucun contrôle sur elles. Elles sont divisées selon des lignes géographiques, tribales, ethniques ou philosophiques, et leurs dirigeants ont leur propre agenda.
En l’absence, jusqu’à présent, du développement d’un mouvement ouvrier et de forces de gauche, les groupes islamistes ont commencé à tenter de se constituer un soutien plus large. L’État pétrolier autocratique du Qatar, qui possède le réseau télévisé al-Jazira, joue un rôle crucial par son soutien à des milices ou à des dirigeants individuels.
Lorsqu’il a proclamé à Benghazi la “Libération de la Libye” et la fin des combats, le président du CNT Jalil – l’ex-ministre de la Justice de Kadhafi – a déclaré : ”En tant que pays islamique, nous avons adopté la charia comme base de notre loi.” Qui au juste a pris cette décision ? Ce n’est pas très clair, mais cela reflète l’influence croissante des forces islamistes. Jalil a annoncé dans la foulée, et de manière complètement inattendue, l’interdiction des intérêts sur les prêts d’argent et l’abolition d’une loi décrétée naguère par Kadhafi qui requérait des hommes une autorisation de la part de leur femme dans le cas où ils voulaient prendre une seconde épouse. Jalil a justifié cela par le fait que : ”Ceci n’est pas notre Coran. Nous considérons le Coran comme étant la première source pour notre Constitution et pour toutes nos règles – pas la seule, mais la principale.”
L’impérialisme, tout en espérant que le CNT sera capable d’incorporer les différents éléments afin de stabiliser la situation, éprouve également de fortes craintes quant à la manière dont la situation pourrait se développer.
Paddy Ashdown, l’ex-“haut représentant” de l’OTAN pour la Bosnie-Herzégovine, est d’avis que des élections devraient être organisées ”aussi tard que possible” en Libye. La première priorité, selon Ashdown, est de rétablir le ”règne de la loi – peut-être même la loi martiale dans un premier temps”, et de même, ”le monopole étatique de l’usage de forces mortelles” (The Guardian, Londres, le 22 octobre 2011). Bien entendu, pour des raisons de présentation, Ashdown a refusé de dicter qui devrait selon lui établir cet “État” en premier lieu. Cherchant à ne pas paraitre trop brutal, Ashdown a décidé d’éviter de mentionner le fait que ce qu’il voulait vraiment dire est qu’il faut que la Libye soit dirigée par un gouvernement auto-proclamé, soutenu par l’impérialisme, et que toute implication de la population libyenne soit postposée jusqu’à “aussi tard que possible”. Et m… pour la démocratie !
La stabilisation ne sera toutefois pas facile. De nombreux Libyens, surtout parmi la jeunesse, sentent maintenant qu’ils ont l’opportunité et le pouvoir de décider de leur propre avenir. Il sera difficile d’immédiatement asseoir l’autorité du CNT ou de tout autre gouvernement. En outre, on voit se dessiner des lignes de rupture parmi les différentes milices, par exemple entre celles de Misrata et de Zintan à l’Ouest, et celles de Benghazi à l’Est. La minorité berbère (qui a joué un rôle crucial dans les combats à l’ouest du pays) a aussi ses propres revendications et il existe encore des tensions entre les diverses milices de Tripoli. En ce moment, l’impérialisme espère que la richesse pétrolière libyenne permettra de maintenir le pays en un seul morceau. Mais cette même richesse pourrait également conduire à des luttes, en particulier entre les différentes élites en compétition pour le partage du butin.
Bien qu’un certain sentiment d’appartenance nationale libyenne se soit accru au cours des dernières décennies, la révolution et la guerre civile ont de nouveau ouvert des lignes de fracture sur des bases tribales, claniques, ethniques et régionales. Elles pourraient, en l’absence d’un mouvement ouvrier capable d’unifier les masses laborieuses par la lutte, mener à des divisions croissantes à l’avenir. Celles-ci pourraient être encore attisées par les conditions qui vont suivre la fin de la guerre civile. La combinaison de la hausse du niveau de vie depuis 1969 et de la campagne de bombardement de l’OTAN ont poussé toute une série de gens à se battre fermement afin de défendre le régime ou, de leur point de vue, afin de repousser l’envahisseur étranger.
Mais ce n’est encore que le début ; les travailleurs et la jeunesse libyens n’ont pas encore posé leurs revendications sur la table. Un facteur crucial dans la révolution a été la révolte retentissante de la jeunesse contre la corruption et le népotisme étouffant du régime de Kadhafi. 30% des 6,5 millions de Libyens ont moins de 15 ans, l’âge moyen est de 24 ans, et il y a près d’un quart de million d’étudiants dans le supérieur. Ceux-ci attendent beaucoup de la suite des événements, surtout en ce qui concerne la fin du chômage qui touche aujourd’hui 20% de la population.
Le pétrole et le gaz ont fait de la Libye un pays riche. La Banque mondiale estime qu’elle possède pour 160 milliards de dollars de réserve en devises étrangères. Ce revenu et cette richesse ont permis à Kadhafi de rehausser le niveau de vie. L’éducation et les soins de santé étaient gratuits, et de nombreuses denrées de base étaient subsidiées. L’espérance de vie était de 51 ans en 1969 (l’année où Kadhafi a pris le pouvoir), et de 74 ans aujourd’hui. Tout cela explique pourquoi son régime a conservé un certain soutien malgré tout. Mais toutes ces mesures dépendent du prix du pétrole. Toute nouvelle rechute de l’économie mondiale transformerait la situation de manière fondamentale et menacerait de plonger le pays dans le désastre. Lorsque les prix du pétrole ont chuté dans les années ’80, le PIB libyen s’est effondré de 40%.
Maintenant, plus que jamais, la création d’organisations ouvrières démocratiques et indépendantes, y compris un parti des travailleurs, est une question vitale. C’est là la seule manière par laquelle les travailleurs, les opprimés et la jeunesse seront capables de parvenir à une réelle transformation révolutionnaire du pays et de contrer les plans de l’impérialisme, de mettre un terme à la dictature et de transformer les vies de la masse de la population.
Sans cela, d’autres forces vont venir remplir le vide. Afin de limiter l’influence de celles-ci et de mener à bien ses propres objectifs, le mouvement ouvrier aura besoin de défendre l’ensemble des droits démocratiques, d’impliquer les travailleurs immigrés et de défendre leurs droits, et de s’opposer à la privatisation des richesses de la Libye.
Il devra également exiger le retrait de toutes les forces militaires étrangères et s’opposer à toute nouvelle intervention de leur part, tout en réclamant l’élection démocratique d’une Assemblée constituante et, avant tout, en rejetant toute participation à un gouvernement avec des forces pro-capitalistes. Au lieu de cela, il devra s’efforcer de bâtir un gouvernement constitué de représentants des travailleurs et des pauvres, basé sur des structures démocratiques ancrées dans les entreprises et dans les quartiers et communautés. Un tel gouvernement utiliserait les ressources de la Libye pour sa population. Cela serait une véritable victoire pour la révolution libyenne, et constituerait un exemple à l’échelle internationale sur la manière de mettre un terme à la fois à la dictature et aux misères du capitalisme.
Réécrire l’Histoire
Après l’élimination de Kadhafi, il était inévitable que l’impérialisme et les restes de la vieille élite renversée en 1969 se mettent à réécrire l’histoire de la Libye, de manière complètement exagérée, cherchant à faire passer l’idée qu’il était une fois, avant Kadhafi, où la Libye a connu une période “démocratique”.
Au cours des 42 ans où il est resté au pouvoir, Kadhafi a effectué de nombreux revirements politiques, parfois de manière fort brusque. En 1971, il a aidé le dictateur soudanais de l’époque, Nimeiry, à écraser un coup d’État de gauche qui avait été organisé en réaction à la répression de la gauche, y compris l’interdiction du parti communiste soudanais qui comptait alors un million de membres. Six ans plus tard, Kadhafi proclamait une “révolution populaire” et changeait le nom officiel du pays de “République arabe libyenne” à “Grande Jamahiriyah arabe libyenne populaire et socialiste”. Malgré le changement de nom et la formation de soi-disant “comités révolutionnaires”, cela n’avait rien à voir du tout avec un véritable socialisme démocratique, et n’était aucunement un pas en avant dans cette direction. Politiquement, le régime était similaire aux anciens régimes staliniens d’Union soviétique et d’ailleurs ; mais la Libye, malgré des nationalisations à tout va, n’avait pas totalement rompu avec le capitalisme. Plus tard, après 2003, Kadhafi avait commencé à privatiser l’économie. Sous Kadhafi, les travailleurs et la jeunesse libyens n’ont jamais dirigé le pays. Kadhafi restait au pouvoir. Cela était souligné par le rôle de plus en plus proéminent qui était joué par bon nombre de ses enfants au sein du régime.
Mais dire qu’il n’y avait aucune démocratie sous Kadhafi, ne revient pas à dire qu’il y en avait une avant 1969 ! Formellement, il y a eu en Libye cinq élections organisées sous la monarchie soutenue par le Royaume-Uni et par les États-Unis – mais quel était leur véritable caractère ? Après l’indépendance en 1951, les toutes premières élections organisées en Libye, en 1952, n’ont permis la participation que de 140.000 électeurs masculins, “sains d’esprit et solvables”. Le vote n’était secret que dans dix circonscriptions urbaines. Malgré une fraude éhontée à travers tout le pays, l’opposition du Parti du Congrès national a remporté la majorité des sièges à Tripoli. À la suite des protestations contre le trucage des élections, les partis politiques se sont vus frappés d’interdiction et le dirigeant du PCN, Bashir Bey Sadawi, a été expulsé du pays.
Lors des quatre élections suivantes, seuls des individus, et non des partis, ont eu le droit de se présenter aux élections. Mais en 1964, malgré le harcèlement et les arrestations, toute une série de candidats d’opposition ont tout de même été élus. Le parlement a cependant rapidement été dissout et de nouvelles élections ont été organisées en 1965, avec encore plus de fraudes, souvent de manière extrême, afin d’assurer la victoire des candidats pro-gouvernement dans cette dernière “élection” avant le renversement de la monarchie, en 1969.
L’impérialisme n’a jamais particulièrement souhaité le maintien de la Libye en tant qu’État uni. Il était alors confronté à la popularité croissante en Libye, et ailleurs au Moyen-Orient, du dirigeant nationaliste radical égyptien, le colonel Nasser. En 1959, les États-Unis discutaient du fait que, au cas d’un coup d’État nassérite en Libye, ”La Tunisie, auparavant renforcée comme il se doit par les États-Unis, devrait se saisir de la Tripolitaine”, c.-à-d. que la Libye devrait être partitionnée.
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Honduras: NON au coup d’Etat! – Déclaration du Comité pour une Internationale Ouvrière – Costa Rica
Au moment d’écrire cette déclaration, des milliers de Honduriens sont en train de prendre les rues de Tegucigalpa ainsi que d’autres villes du pays. De plus, une grève générale a éclatée pour protester contre le coup d’Etat contre le Président du Honduras, Manuel Zelaya. Le groupe du CIO au Costa Rica exprime sa solidarité inconditionnelle vis-à-vis des manifestants qui défient le couvre-feu et la répression ordonnés par le nouveau gouvernement putschiste. Nous demandons à tous les travailleurs ainsi qu’à leurs organisations d’exprimer leur opposition à l’attaque contre les droits démocratiques des travailleurs et du peuple du Honduras.
CIO-Costa Rica
Les forces de l’armée hondurienne, dans une action coordonnée avec les dirigeants politiques les plus réactionnaires du Congrès et du pouvoir judiciaire ont rompu les règles du régime démocratique bourgeois du pays, dimanche soir (28/06), en séquestrant le Président Manuel Zelaya, élu en 2005 jusque 2010, et par la suite en le déportant à San José au Costa Rica.
Les mêmes dirigeants réactionnaires n’ont pas perdu de temps et le dimanche, en prétextant que Zelaya avait démissionné, ils se sont accordés pour nommer l’actuel Président du Congrès, Roberto Micheletti nouveau président du pays. Le président Zelaya, qui a quitté le Costa Rica pour Managua au Nicaragua, nie avoir démissionné et accuse l’armée de l’avoir séquestré par la force pour l’expulser du pays après avoir mitraillé sa résidence.
Le coup d’Etat au Honduras reflète les intérêts de la classe dominante et de l’élite politique qui craint la perte de contrôle sur les actions de Zelaya et sa prise de distance avec l’agenda politique et économique des élites les plus conservatrices de cette dernière période.
Manuel Zelaya a été élu comme candidat du Parti Libéral, mais à partir de 2007, il a adopté une position de rapprochement avec le gouvernement vénézuélien d’Hugo Chavez, et a demandé l’adhésion officielle de son pays à ALBA, l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques. Cette attitude, tout comme certaines mesures adoptées par le gouvernement, n’ont pas été appréciées par les patrons, l’église et les intérêts de l’impérialisme au Honduras.
Le putsch s’est produit lorsque le gouvernement de Zelaya, en grave conflit avec les dirigeants de son propre parti et avec l’opposition de droite, promouvait une conusltation populaire informelle sur la possibilité de réaliser un référendum sur la convocation d’une Assemblée Constituante dans le pays à l’occasion des élections de novembre.
Dans le cadre d’une profonde crise économique et d’une instabilité politique, le gouvernement de Zelaya a été mis sous pression pour trouver une base sociale de soutien dans les secteurs populaires en dehors de la ligne traditionnelle de son propre parti et en aiguisant encore plus la dispute féroce avec le Parti National du Honduras, traditionnel adversaire du Parti Libéral dans les controverses politiques intra-bourgeoises. Face à la crise, Zelaya a opté de faire des réformes par en haut avant que le peuple ne puisse les arracher avec beaucoup plus d’intensité par en bas.
La rupture institutionnelle au Honduras est une claire démonstration de comment, dans le cadre de la crise structurelle du capitalisme et de la fragilité des systèmes politiques latino-américains, même des petites réformes ou des actions modérées qui contrarient les intérêts des élites politiques et économiques, deviennent intolérables pour la classe dominante associée avec l’impérialisme sur le continent.
Indépendamment du caractère du gouvernement de Zelaya, qui est toujours un gouvernement bourgeois, le coup d’Etat est une attaque sévère contre les travailleurs et la majorité du peuple, avec plus du 50% de la population en dessous du seuil de pauvreté et avec une élite historiquement réactionnaire associées avec l’impérialisme nord-américain. Les soldats qui ont séquestré Zelaya ont été entrainés avec les méthodes typiques de l’école des coups d’Etats, subventionnée par l’impérialisme nord-américains pendant des décennies.
Ce qui arrive aujourd’hui au Honduras affecte profondément le mouvement de la classe ouvrière et les peuples du monde, particulièrement en Amérique latine. Un putsch, au moment où les travailleurs, les paysans, les indigènes et les jeunes de divers pays de la région osent lever la tête contre les politiques et la crise du capitalisme qu’ils supportent, est un précédent très dangereux.
Vaincre le putsch au Honduras et empêcher que les mêmes méthodes ne puissent être utilisées dans le futur est un point important pour l’avancement de la lutte des travailleurs dans d’autres pays. C’est donc là une tâche unitaire et prioritaire des mouvements sociaux et de la gauche conséquente dans le continent.
Pour les travailleurs et le peuple hondurien, il est essentiel de promouvoir pour l’adoption des méthodes de lutte de la classe ouvrière : la grève générale, la mobilisation massive et l’organisation démocratique par la base (l’autodéfense incluse) incluant tous les autres secteurs de la population pauvre et opprimée, coupant à la racine la tentative d’utilisation de politique autoritaire et réactionnaire dans le pays.
Devant l’impossibilité que même l’impérialisme US puisse supporter le nouveau gouvernement putschiste – avec Obama qui maintient une attitude vacillante et douteuse, mais sans reconnaitre à Micheletti comme président – il est possible que les putschistes essayent de promouvoir une normalisation de la situation en maintenant les élections de novembre sous des conditions spéciales, sans le référendum sur l’Assemblée Constituante et sous un contrôle strict.
En même temps, nous exigeons une position claire de la part de toutes les autorités, les gouvernements et les organismes internationaux contre le coup d’Etat, même si nous n’avons aucune illusion envers des organisations comme l’OEA (Organisations des Etats d’Amériques) ou les Nations-Unies. Nous demandons aux travailleurs de rester attentifs face aux manoeuvres de l’impérialisme et ses alliés en Amérique Latine.
Nous ne pouvons accepter aucune solution pour le Honduras qui n’incorpore comme une base minimale la destitution immédiate du gouvernement putschiste de Micheletti, la restauration du gouvernement de Zelaya et l’incarcération de ceux qui directement ou indirectement ont collaboré au coup d’Etat.
Ceci ne peut s’obtenir de manière effective qu’avec la mobilisation des travailleurs et du peuple hondurien avec la ferme solidarité des travailleurs de toute l’Amérique Latine et du monde.
Nous devons travailler à ce que l’action putschiste tourne au profit d’une radicalisation de la lutte des travailleurs qui aille plus loin que les reformes modérées du gouvernement de Zelaya, surpasse les limites du système politique bourgeois et avance dans une direction véritablement démocratique, anticapitaliste et socialiste.
- Soutien inconditionnel à la résistance des travailleurs et au peuple du Honduras contre le coup d’Etat !
- A bas le gouvernement putschiste de Micheletti ! Pour le retour immédiat de Manuel Zelaya ! Aucun accord avec les putshistes !
- Pour le rétablissement immédiat des libertés démocratiques et la fin de la répression !
- Pour l’organisation indépendante des travailleurs et du peuple du Honduras dans sa lutte pour les droits démocratiques et sociaux.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO
Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.
- Histoire du CIO
- Liens vers différents sites du CIO et de ses sections
- Rubrique de ce site consacrée aux nouvelles du CIO
- Site du CIO, socialistworld.net
-
III. NOTRE PROGRAMME
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"Le PSL – LSP, un parti pour changer de société"
– Préface
– II. Perspectives, tâches et objectifs
– IV. Notre fonctionnement interne
Cette brochure peut être commandée via redaction@socialisme.be et revient à 3 euros (que vous pouvez verser sur le n° de compte 001-2260393-78 du PSL/LSP avec la mention "brochure PSL").
[/box]Idéologie
Beaucoup de gens disent qu’ils n’adhèrent à aucune idéologie particulière, il est même devenu assez «tendance» de se dire pragmatique. Depuis la chute du stalinisme, à la fin des années ’80 – début des années ’90, la classe dominante et ses collaborateurs intellectuels ont déclaré avec grand fracas que le débat idéologique avait pris fin. Seul le marché «libre» était dorénavant considéré comme étant efficace. Pour reprendre la célèbre expression du philosophe Francis Fukuyama (qui a très peu fait parlé de lui par la suite) la «fin de l’histoire» a été explicitement proclamée.
La raison pour laquelle peu de gens parlent encore de cette prétendue «fin de l’histoire» n’est pas compliquée à trouver: les contradictions de classes n’ont fait que s’accroître durant les années 1990 et 2000 et le clivage entre riches et pauvres est aujourd’hui gigantesque. De plus en plus de travailleurs et de jeunes se retrouvent sur le côté. Cette situation conduit inévitablement à de nouveaux questionnements ainsi qu’à la recherche d’une réponse générale contre le capitalisme ; autrement dit : une autre idéologie, capable de mieux expliquer les développements sociaux que l’ancienne.
A travers l’histoire, les classes dirigeantes ont toujours essayé de présenter leurs idées comme «naturelles», «éternelles», et «normales». La bourgeoisie n’agit pas différemment au travers de ses partis, de son enseignement, de ses médias et de ses intellectuels. Attardons nous sur quelques clichés de la vision capitaliste :
– «La société n’est pas constituée de différentes classes économiques, mais bien d’individus indépendants.»
Cela est totalement faux. Il existe une classe dirigeante qui dispose de la propriété privée des machines, des ressources, etc. Cette propriété privée des moyens de production entraîne inévitablement l’exploitation de la majorité de la population et une compétition mortelle, contrairement à ce que permettrait une économie démocratiquement planifiée. Il y a donc bien des groupes aux intérêts divergents et irréconciliables dans la société capitaliste. Un tel système contradictoire conduit immanquablement à des crises de surproduction.
– «Les restructurations et les licenciements sont déplorables, mais sont un phénomène temporaire, et nécessaire à la viabilité de l’économie.»
Tout aussi faux. Le chômage a, en Belgique, augmenté de 70.753 personnes au début des années ’70 à plus d’un demi-million de personnes qui dépendent de l’ONEM aujourd’hui. Le licenciement des travailleurs est seulement «nécessaire» afin de garantir les profits des patrons et PAS pour maintenir une économie saine. Les profits d’une petite élite priment sur tout le reste.
– «Celui qui est sans emploi l’est uniquement par sa propre faute. C’est un problème personnel, pas social.»
Une fois de plus, c’est un mensonge. Le chômage structurel – alors que tant de besoins ne sont pas satisfaits dans la société (garderies à bon marché, facilités de loisir, enseignement de qualité,…) – est une maladie liée à la crise de surproduction capitaliste.
Les frais salariaux sont seulement une excuse pour des capitalistes à la mémoire courte. Dans les années ’50 et surtout ’60, un système de sécurité sociale a été construit, et les salaires réels sont montés de manière significative. Mais ce processus a pris place dans une période de forte croissance capitaliste. Depuis la politique néolibérale, au début des années ’80, nos salaires directs et indirects (pensions, allocations, etc.) ont fortement diminué en termes de pouvoir d’achat. Cela n’empêche pas les patrons de systématiquement parler du coût salarial comme d’un facteur «destructif pour l’emploi». La seule chose destructive pour l’emploi est pourtant le système capitaliste qu’ils défendent.
– «L’idée de redistribuer les richesses est le reflet d’une jalousie vis-à-vis de ceux qui ont réussi dans la vie. La position de quelqu’un dans la société correspond à ses efforts et à ses talents.»
Faux. La redistribution des richesses signifie de réclamer aux grands actionnaires le travail non-payé, grands actionnaires dont l’activité ne consiste d’ailleurs qu’à s’asseoir sur leurs culs de fainéants, à remplir des coupons et à les commercialiser. Etre riche aujourd’hui signifie avant tout être né dans une «bonne famille». Les efforts et les talents de la majorité des travailleurs sont constamment niés par le capitalisme. Par la routine robotique, le manque de contrôle et de démocratie, ces talents sont à peine utilisés.
– «Le socialisme ne correspond pas à la nature humaine, car la majorité des gens est égoïste.»
Encore une autre désinformation. Dans la nature humaine, on peut indubitablement constater des éléments d’altruisme, par exemple dans la relation des parents envers leurs enfants. Mais la lutte pour le socialisme ne se base pas sur l’idée que nous devrons faire «plus avec moins». Bien en contraire. C’est dans la lutte pour les intérêts matériels de la majorité de la population que se trouve le fondement même des mouvements de lutte à venir.
– «La révolution, c’est un coup d’Etat chaotique réalisé par une petite minorité, comme cela a été le cas en Russie en octobre 1917.»
C’est quelque chose que l’on entend également très souvent, mais là encore, c’est très loin de correspondre à la réalité. Les révolutions ont lieu seulement quand les masses ne veulent plus vivre de l’ancienne manière : quand les masses laborieuses arrivent sur la scène de l’histoire. Nous parlons d’une intervention consciente et organisée des masses pour prendre la gestion de la société entre leurs mains. La révolution de 1917 était portée par la majorité des travailleurs et des paysans pauvres, organisée dans des conseils (soviets) démocratiquement élus.
– «Une économie planifiée n’est pas réaliste. Qui voudrait encore travailler?»
Cette idée rejoint la thèse sur la nature humaine «égoïste». La satisfaction du travail pour les masses trouvera sa source dans le fait qu’elles contrôleront elles-mêmes les produits de leur travail, et ce d’une manière démocratique. Ce sera un stimulant économique et social énorme. Les conditions de vie pourraient de nouveau augmenter sur toute la planète, avec des possibilités gigantesques pour les nouvelles technologies et les sciences, tout en tenant compte de l’environnement. C’est seulement sur base d’une économie démocratiquement planifiée que l’on pourra réellement respecter l’environnement, nécessité vitale pour chacun.
Ce sera l’intérêt commun et non le profit d’une petite élite qui sera mis en avant par des discussions dans les conseils ou comités de travailleurs. La technologie, qui actuellement conduit à plus de chômage au fur et à mesure des progrès en entraînant des crises de surproduction, pourrait sous une économie planifiée élargir le temps libre, la liberté humaine et la connaissance de ce que la planète a à nous apporter de façon considérable.
On pourrait encore aborder beaucoup d’autres questions. Est-ce que les travailleurs d’aujourd’hui sont encore exploités, comme au 19e siècle ? La majorité d’entre nous n’est-elle pas devenue heureuse grâce au capitalisme, à l’exception de quelques problèmes provisoires et marginaux ? En fait, la machine de propagande bourgeoise tourne tellement bien que certaines finissent pas la croire, malgré des statistiques qui prouvent le contraire.
Il en va ainsi du «Quart-Monde», que beaucoup de gens considèrent comme ayant toujours existé, et destiné à disparaître à terme. En réalité, la notion de «Quart-Monde» est née dans les années ’80 suite aux économies opérées dans les services sociaux. Depuis quelques années, même ceux qui ont un emploi ne sont plus certain d’échapper à la pauvreté.
En fait, les idées capitalistes sont quotidiennement diffusées par des milliers de canaux tandis que la réponse socialiste à ce flot de propagande ne dispose bien évidemment que de peu de moyens. Ainsi, quand la presse bourgeoise parle des grèves, elle parle essentiellement de la nuisance de celles-ci. Pourquoi n’entend-t-on jamais dire de leur part que sans les grèves, les grèves générales et les manifestations de travailleurs, nous n’aurions jamais eu le droit de vote ou la sécurité sociale? Ce n’est pas un fait objectif peut-être? Ou est-ce simplement parce que cela déplaît à l’idéologie dominante, celle de la classe dominante et de ceux qui servent ses intérêts?
Et d’ailleurs, est-ce qu’il existe encore des idéologies? On prétend aujourd’hui facilement qu’au 19e siècle, à l’époque de Marx, il y avait encore de grandes contradictions de classes, mais que celles-ci ont entre-temps disparu. La raison avancée pour étayer cette thèse est que la classe ouvrière de l’époque de Marx n’existe plus aujourd’hui. C’est un argument auxquelles nos oreilles auraient à force presque tendance à s’habituer, alors qu’il n’y a pas la moindre parcelle de vérité là-dedans.
Au 19e siècle, la classe ouvrière était une petite minorité largement désorganisée. Politiquement, elle était proche du parti Libéral, et on ne parlait même pas encore d’un parti ouvrier (de tels partis sont nés seulement vers la fin du 19e siècle). Une des tâches les plus importantes de Marx a consisté à donner une idéologie propre et globale à la classe ouvrière ainsi qu’à créer des organisations ouvrières indépendantes de la bourgeoisie. Marx parlait de transformer la classe ouvrière d’une classe «en soi» (qui existe) en une classe «pour soi» (conscience de son existence en tant que classe aux intérêts communs).
Aujourd’hui, la classe ouvrière constitue la majorité de la population. Elle est bien éduquée, organisée dans des syndicats, possède un certaine degré d’indépendance politique et, depuis le 19e siècle, elle a obtenu le droit de vote, la liberté de la presse, le droit de grève, etc. Il est normal que la bourgeoisie essaie de s’en prendre à ces droits. Les patrons font bien entendu tout pour miner et diviser cette force potentielle en scissionnant des entreprises (la scission de Bayer à Anvers en Bayer et Lanxess, par exemple) ou à l’aide de la sous-traitance.
C’est dans ce cadre qu’il faut replacer les attaques contre le droit de grève. Les patrons veulent limiter le pouvoir potentiel des travailleurs, avant que ce pouvoir ne se manifeste de manière trop évidente. En France, Sarkozy a fait voter une loi qui oblige les grévistes, dans le secteur des transports publics, à annoncer préalablement une grève à la direction. Ils veulent ainsi pouvoir anticiper les effets de la grève et soumettre les travailleurs à l’intimidation. Les politiciens et les patrons rêvent d’élargir cet exemple à d’autres secteurs.
En Belgique, comme en France, la discussion sur le «service minimum» est lancée. A quoi sert une grève, si des remplaçants sont sur place? Les directions syndicales nationales de la CSC et de la FGTB n’ont pourtant pas émis de forte résistance contre une telle idée. Dans certains cas, ils ont même aidé la droite dans ses réflexions sur le sujet, tant leur peur des actions spontanées et des mouvements généralisés est profonde. Comme Trotsky l’a déclaré il y a quelques décennies, si les dirigeants syndicaux ne rejettent pas le système, alors ils s’y incorporent de plus en plus.
Les dirigeants syndicaux ne portent pas juste une «petite» part de responsabilité sur leurs épaules dans l’absence de perspectives de toute une génération et d’une jeunesse immigrée abandonnée par le capitalisme. Aujourd’hui, dans beaucoup de villes européennes, on assiste à l’émergence de ghettos auxquels aucun politicien bourgeois ne s’intéresse. L’aliénation que ceci peut amener, nous avons pu la voir à l’œuvre dans les explosions violentes des banlieues françaises en 2005. Des voitures et des entreprises ont été incendiées. Des attaques ont été commises contre des bus dans lesquels se trouvaient des travailleurs ordinaires victimes de la politique néolibérale au même titre que les jeunes. On a pu voir également les attaques de la part de jeunes immigrés contre leurs compagnons d’âge pendant les manifestations et les grèves contre le CPE (Contrat Première Embauche), tout cela parce qu’ils faisaient selon les jeunes des banlieues partie des «riches». Ces exemples sont tous des signes d’une société malade. De nouveaux partis des travailleurs doivent, avec l’aide des syndicats, défendre toutes les couches de la population, même les plus opprimées. Ne pas le faire ouvre la porte aux islamistes radicaux, et, parmi la jeunesse blanche, à l’extrême-droite.
Il y a encore de grands débats idéologiques en vue. Ni la classe ouvrière, ni l’exploitation n’ont disparu et, en conséquence, pas non plus la nécessité d’un fondement idéologique. Ce qui a disparu, c’est les idéologies réformistes des sociaux-démocrates, ainsi que des dirigeants staliniens.
Ces derniers, après la chute des régimes staliniens, ont couru à toute vitesse vers le camp du marché libre, parfois avec quelques «corrections sociales» mais sans le plus souvent. A tel point que l’ancien premier ministre britannique Tony Blair prétend maintenant que le Parti Travailliste n’aurait jamais dû rompre avec les libéraux! En fait, ce que Blair demandait en disant cela, c’était un retour à la période qui a précédé Marx.
C’est assez logique pour quelqu’un qui a intérêt à ce que l’idéologie capitaliste reste la seule en course, ce qui concrètement signifie que tout doit rester comme avant. «Pas d’idéologie» ou le «pragmatisme» néolibéral, ce ne sont rien d’autre que des formes revêtues par l’idéologie bourgeoise qui a entre autres conduit aux libéralisations, aux privatisations, à la chute du pouvoir d’achat et à une flexibilité croissante.
Le fait que la discussion sur le «socialisme du 21e siècle» ait été lancée au Vénézuela et en Amérique Latine n’arrive pas au bon moment pour la classe capitaliste. Pour nous, ce n’est que le début du type de discussions qui vont gagner en intensité dans les années à venir, en Europe et dans les pays développés également. Très certainement dans le cadre de cette crise économique qui risque d’être la plus importante jamais connue et si la tendance à la formation de nouveaux partis des travailleurs se confirme.
Chavez a mené une série de mesures positives pour la population pauvre en partie grâce au prix élevé du pétrole, dont le Vénézuela regorge. Nous soutenons bien entendu ces mesures (supermarchés spéciaux pour les pauvres, campagnes d’alphabétisation, meilleurs soins de santé avec l’aide de médecins cubains,…). Mais, malheureusement, Chavez n’est pas clair sur la nécessité d’opérer une véritable rupture avec le capitalisme. Il n’y a pas encore autant de nationalisations qu’il y en a eu au Nicaragua dans les années ’80, où d’ailleurs le processus révolutionnaire avait été renversé. Suite à la crise économique, au fur et à mesure de la baisse des revenus pétroliers, cela va fortement limiter l’espace dont dispose Chavez pour l’application de mesures sociales et le soutien pour le régime pourrait en sortir considérablement miné. De plus, le développement d’organes de classe indépendants (comités de lutte élus, partis, etc.) est freiné par l’approche «de haut en bas» du régime.
Les références de Chavez au socialisme reflètent une pression de la base. Elles expriment la volonté des masses d’abandonner la misère du capitalisme pour construire un nouvelle société.
IDEOLOGIE ET PROGRAMME
Le mot «programme» est souvent compris comme «cahier de revendications». Mais un programme, c’est bien plus que cela. Le cahier de revendications n’est que la pointe de l’iceberg, autrement dit l’application concrète d’un programme sous certaines conditions.
Par exemple, il est possible que l’on soit complètement d’accord avec le cahier de revendications du MR aujourd’hui, sans nécessairement souscrire à tout le parcours historique de ce parti, aux différentes réponses que les libéraux ont offert à travers l’histoire. Pour être un vrai libéral, il ne faut pas seulement souscrire à leur cahier de revendications actuel, mais aussi à la manière avec laquelle ils sont arrivés à cela.
En d’autres termes, un programme signifie: un cadre idéologique consistant et historiquement construit, une analyse de la situation actuelle, une orientation générale, une stratégie et une tactique. Sans cela, on peut être d’accord avec le MR aujourd’hui mais être complètement en désaccord avec eux demain, lorsque les conditions auront changé. A l’inverse, il est possible d’être d’accord avec le populiste de droite Jean-Marie Dedecker sur un cadre historique libéral, mais avec un autre cahier de revendications.
Dans un parti qui souscrit à l’idéologie dominante, l’idéologie bourgeoise, cela ne joue pas un rôle tellement important. Par contre, lors d’une révolution ou de grands mouvements de lutte, ces différences peuvent comporter des conséquences catastrophiques.
C’est pour ça qu’un programme, au sens marxiste du terme, ne peut pas se limiter à un simple cahier de revendications. Le Manifeste du Parti Communiste, écrit par Marx et Engels comme proposition de programme pour la «Ligue des Communistes», était en premier lieu une analyse historique du développement du capitalisme, une perspective sur son futur développement, une orientation générale vers le mouvement ouvrier, et enfin une discussion sur la stratégie et la tactique à adopter vis-à-vis d’autres courants socialistes. Une page seulement sur les 80 à 100 pages du Manifeste (en fonction de l’édition), contient un cahier de revendications en 10 points.
Les thèses d’Avril de Lénine, le document programmatique des Bolcheviks pour la révolution d’Octobre ‘17, ou encore le programme de transition élaboré par Trotsky en 1938 nous donnent la même image. Autrement dit : on n’est pas pour autant marxiste parce qu’on est d’accord avec une ou même toutes les revendications du cahier de revendications. On le devient réellement sur base d’une analyse historique et actuelle de l’évolution de la lutte des classes et des grandes tâches générales qui en découlent.
Le PSL/LSP et le Comité pour une Internationale Ouvrière basent leur programme sur l’œuvre de Marx, Engels, Lénine et Trotsky; sur les textes des quatre premiers Congrès de la Troisième Internationale, sur le Congrès fondateur de la Quatrième Internationale et sur les textes du CIO (créé en 1974) et de ses pionniers depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Cela n’est pas rien et cela ne signifie pas non plus que nous sommes d’accord avec ces textes à la virgule près. Nous utilisons ces documents comme référence, comme méthode d’analyse et comme fil rouge pour nos orientations et tâches pratiques.
LE PROGRAMME DE TRANSITION
Naturellement, nous comprenons que tous les travailleurs et les jeunes ne souscrivent pas à 100% de notre programme. C’est pour cela que Trotsky a développé la notion de programme de transition. Par «programme de transition», il entendait un programme qui part de ce qui est nécessaire pour les travailleurs et leurs familles à un moment précis et qui met en avant la transition socialiste de la société.
Trotsky affirmait qu’il ne sert à rien d’élaborer un programme ou des revendications pour une gestion «plus humaine» du capitalisme, mais qu’il faut cependant offrir des solutions qui partent des besoins des travailleurs et de leurs familles. Trotsky a argumenté que le capitalisme ne sera jamais capable de satisfaire ces besoins, que seule une société socialiste pourrait offrir une solution durable.
En fait, il n’a rien fait d’autre que d’exprimer sous une forme plus claire un concept que Marx avait déjà élaboré dans le Manifeste du Parti Communiste et Lénine dans ses Thèses d’Avril. Lénine utilisait le slogan «Terre, pain et paix» pour arriver à la conclusion que le gouvernement transitoire qui a succédé au tsarisme après la révolution de février 1917 ne pourrait jamais satisfaire ces revendications pourtant primordiales. A travers cela, il est arrivé au slogan «Tout le pouvoir aux soviets».
De même, le PSL/LSP parle aujourd’hui de la «nécessité que la production soit basée sur les besoins de la population et pas sur les profits d’un petit groupe de capitalistes» pour arriver à la conclusion que cela n’est possible que par un changement socialiste de la société.
Le programme du PSL/LSP exprimé ci-dessous n’est rien d’autre qu’une application actuelle de ce programme de transition. Il doit être lu en prenant en considération les remarques ci-dessus à propos de l’idéologie et du programme.
LE PROGRAMME DE TRANSITION AUJOURD’HUI
La classe ouvrière est soumise à un recul perpétuel sous le capitalisme. La «cathédrale» de la sécurité sociale et d’autres acquis sont sous attaque depuis des décennies par le patronat et leurs politiciens. Ce n’est pas un processus économique inévitable. Le passé nous apprend que lorsque les travailleurs s’organisent dans des syndicats et des partis, la situation peut se retourner.
D’une lutte défensive visant à défendre nos intérêts par entreprise ou par secteur, nous devons reprendre tous ensemble l’offensive et réclamer la richesse que nous avons créée : pour créer des emplois décents, bien payés et stables; pour augmenter les allocations ainsi que les retraites et disposer d’un pouvoir d’achat digne de ce nom; pour initier un programme de construction massif de logements sociaux et plafonner les prix des habitations; pour renationaliser, sous le contrôle démocratique de la population, les services privatisés et libéralisés ; pour refinancer l’enseignement; pour organiser collectivement les tâches ménagères qui actuellement pèsent toujours sur les épaules des femmes ;… En bref, pour mettre réellement en avant les besoins de la majorité, au lieu de la soif de profit d’une minorité de grands actionnaires et de patrons.
Tous ensemble, jeunes et vieux; Flamands, Wallons ou Bruxellois; Belges ou immigrés; hommes et femmes;… nous sommes plus forts !
1. La technologie : un ami ou un ennemi ?
Cette situation est navrante lorsque l’on considère que les possibilités n’ont jamais été aussi grandes qu’aujourd’hui.
Un vol jusqu’en Amérique dure à peine 5 heures. Grâce aux ordinateurs, le boulot de centaines de milliers d’employés et de travailleurs peut être réalisé avec beaucoup moins de personnes. Internet, les e-mails et les GSM rendent la communication plus facile pour ceux qui y ont accès et créent pour beaucoup de jeunes et de travailleurs le sentiment d’appartenir à une communauté internationale. La médecine peut résoudre des problèmes dont nous ne pouvions que rêver auparavant. Mais, malgré toutes ces avancées, la chasse au profit joue un rôle extrêmement désastreux.
Les fonds gouvernementaux pour la recherche scientifique sont drastiquement réduits. Seule la recherche servant directement les intérêts des entreprises et leur fournissant des bénéfices est encore subventionnée. Et quand les entreprises prétendent vouloir financer la recherche, ils la déduisent en réalité de leurs impôts.
Les seuls qui en profitent sont les patrons. Les centres de recherches perdent ainsi leur indépendance. De plus, cela entraîne une concurrence entre les différents centres pour tenter d’obtenir des fonds. Les scientifiques sont isolés ; ils ne peuvent pas se concerter ni échanger des expériences, ce qui entraîne un gaspillage énorme d’énergie, de temps et d’argent.
Et même si l’on fait de la recherche utile, et que l’on arrive à trouver des solutions – pensons aux différents traitements des problèmes cardio-vasculaires – les traitements sont pour beaucoup de gens inaccessibles à cause de leur coût.
Pendant ce temps-là, les problèmes pour lesquels il faut urgemment trouver une solution continuent de s’empiler. Pensons au SIDA, aux catastrophes naturelles qui coûtent la vie à des millions de gens, aux traitements des cancers, à la production des déchets et à la pollution, à la famine dans de larges parties du monde,… Prenons plus particulièrement la famine. Un raisonnement logique serait: il y a une grave pénurie de nourriture, il faut donc produire plus. Et pourtant, les usines tournent au ralenti en craignant la surproduction, alors qu’une énorme quantité de nourriture est détruite tout simplement pour garder les prix à un certain niveau.
L’écrasante majorité des scientifiques sont d’accord pour affirmer que le réchauffement de la planète aura des conséquences désastreuses pour de larges parties du globe si on ne commence pas à y remédier maintenant. Selon des centaines d’experts présents lors du sommet sur le climat à Bruxelles (en avril 2007) l’Antarctique, l’Afrique Subsaharienne, les îlots et les grands deltas asiatiques sont les régions qui souffriraient le plus du réchauffement de la planète. On parle d’inondations, de tempêtes et de glissements de terrain qui se produiront plus fréquemment. Les franges les plus pauvres de la population mondiale seront les plus touchées par ces catastrophes naturelles. Mais l’existence d’une quantité inquiétante d’espèces de la faune et de la flore est également menacée, entre autres, par le réchauffement de la planète.
Une économie planifié à l’échelle mondiale et sous le contrôle démocratique de la population permettrait de prendre des mesures immédiates pour réduire «l’empreinte écologique» de l’Homme, notamment par un usage massif de transports publics gratuits mais également par des investissements massifs dans la recherche de sources d’énergie alternatives. Il est difficile de se rendre actuellement compte du potentiel de ces alternatives, du fait que l’industrie pétrolière et automobile leur mettent souvent des bâtons dans les roues.
La question-clé est qu’aujourd’hui, la science et la technologie sont aux mains et au service des multinationales. Ainsi, les différents gouvernements bourgeois ne peuvent pas prendre les mesures qui s’imposent, ou alors uniquement de façon ambiguë quand il est déjà trop tard. Leur politique est destinée à satisfaire la soif de profit, et pas à satisfaire les besoins de l’Homme et de son environnement. Nous devons exiger le contrôle démocratique de la science, au nom des scientifiques et de la population mondiale.
Aussi longtemps que les banques, les multinationales,… disposent du monopole de toutes les solutions possibles, nous sommes totalement impuissants. Ce n’est pas le développement de la science et de la technologie qui est en soi désavantageux, mais bien leur contrôle par les groupes mentionnés ci-dessus. Au service de la population, la technique et la science pourraient sauver et améliorer la vie de millions de personnes.
2. Pour des emplois décents, stables et bien payés.
- RETABLISSEMENT DE NOTRE POUVOIR D’ACHAT!
- STOP A LA FLEXIBILISATION!
- REDUCTION DE LA CHARGE DE TRAVAIL PAR LA REDISTRIBUTION DU TRAVAIL DISPONIBLE!
- 32 HEURES PAR SEMAINE SANS PERTE DE SALAIRE ET AVEC EMBAUCHES COMPENSATOIRES!
Les paroles du gouvernement contrastent de façon criante avec ses actes. Dans de larges parties de Bruxelles et de Wallonie, il y un chômage massif et structurel. En juin 2007, le chômage dans la région Wallonne était de 14,4% (allocataires au chômage complet et élèves ayant quitté le système scolaire). Presque la moitié de cette catégorie était au chômage depuis plus de 2 ans. Dans la région Bruxelloise, à la même période, le nombre de chômeurs était de 19,9%. Des générations entières sont exclues par l’économie de marché !
En Flandre, certains essaient de donner l’impression que le chômage a baissé considérablement dans le courant de 2006-2007 et qu’il y a même une pénurie dans certains métiers. Beaucoup de ces métiers sont flexibles (nettoyage, construction) et ne sont pas toujours rémunérés convenablement pour les efforts supplémentaires demandés. Que veulent les patrons? Des travailleurs prêts à se faire exploiter pour une bouchée de pain? La soi-disant pénurie est utilisée pour importer, de façon sélective, des travailleurs bon marchés en Belgique. Des travailleurs qui disposent de moins ou, dans le cas des sans-papiers ou des travailleurs au noir, d’aucun droits sociaux du tout. Le PSL/LSP défend les droits égaux pour tous les travailleurs. Ce n’est que de cette façon que l’on pourra combattre la pression sur les salaires et la politique de diviser pour régner appliquée par le patronat. Tout ce qui nous divise nous affaiblit!
Au niveau national, plus d’un million de personnes sont totalement ou partiellement dépendantes d’une allocation de chômage. Ce niveau est un record historique. Au début des années ’70, le taux de chômage officiel tournait autour des 70.000-80.000. En 1995, on comptait déjà 505.944 chômeurs : une croissance de 1,9% à 12,3% de la population active !
Depuis la moitié des années ’80, les chômeurs les plus âgés (de + de 50 ans) ne sont plus comptabilisés dans les statistiques. C’était déjà le cas pour les prépensionnés, et depuis 1986, pour ceux qui sont en pause carrière. Aujourd’hui, tous ces groupes constituent ensemble plusieurs centaines de milliers de personnes, qui reçoivent une allocation de l’ONEM mais ne sont pas comptées dans les statistiques.
Le chômage partiel et temporaire – pour ceux qui ont signé un contrat de travail mais qui, pour des raisons particulières, ne peuvent pas travailler – n’est pas non plus repris dans les statistiques. C’est également le cas pour les gens qui sont «activés», pour qui on utilise l’allocation de chômage comme une subvention salariale! Les patrons sont ravis! Depuis juillet 2004, les chômeurs entre 50 et 58 ans sont réinscrits comme demandeurs d’emploi à cause de la politique «d’activation» des chômeurs, sauf s’ils peuvent prouver au gouvernement que leur carrière a été suffisamment longue. Le gouvernement force les travailleurs à travailler plus longtemps à travers le Pacte des générations. Mais lorsqu’ils sont licenciés sur le tard, la réalité nous montre que peu d’employeurs acceptent de leur offrir une seconde chance!
En septembre 2007, le chômage officiel en Flandre était de 6,43% (selon le VDAB). Il faut tenir compte qu’il y a plus de gens en pause carrière et de prépensionnés en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles. En outre, la politique d’activation et de suspension commence à «payer»: c’est-à-dire que des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur allocation de chômage ces dernières années.
A Ostende, suivant le modèle de «l’activation», les jeunes sont massivement soumis à des sessions intensives pour la recherche d’un emploi, afin de leur apprendre à solliciter collectivement. Il ne s’agit même pas de formations professionnelles, et il n’y a aucune garantie d’avoir un emploi à la fin du parcours. De cette façon, les statistiques du chômage peuvent être embellies. D’autre part, le système incertain et extrêmement flexible des chèques-services connaît un succès grandissant. En juillet 2007, 4,38 millions de chèques ont été utilisés. Le système s’est rapidement répandu, surtout en Flandre (66,2% pendant la première moitié de 2007). A Bruxelles (5,9%) et Wallonie (27,8%), c’est moins le cas.
L’introduction d’emplois à 10, 20 ou 30% permet de beaucoup jongler avec les statistiques. Ainsi, si vous allez repasser ou nettoyer 3 à 4 heures par semaine grâce aux chèques-services, le gouvernement vous raie déjà des statistiques officielles de chômage. Ce genre d’emploi est largement subventionné par le gouvernement, et le système risque de devenir impayable. Sans parler du fait que les contrats flexibles, temporaires et intérimaires sapent de plus en plus la position des travailleurs qui bénéficient encore un emploi stable.
Ceux qui plaident pour une limitation du paiement des allocations de chômage dans le temps afin d’obliger les gens à dépendre du CPAS vivent sur une autre planète ou se foutent tout simplement des conséquences sociales de telles mesures. S’il est vrai que les gens choisissent de vivre d’une allocation plutôt que d’aller travailler parce que la différence entre les deux est trop faible, alors il faut augmenter les bas salaires plutôt que de réduire encore les allocations.
Les bureaux d’intérims sont devenus aujourd’hui des entreprises florissantes. Cela n’a rien d’étonnant. De cette manière, les entreprises n’ont plus à assumer la responsabilité d’un employé fixe. L’entreprise se dirige directement vers l’agence d’intérim qui lui fournit des travailleurs, parfois même avec des contrat à la journée! Vous n’avez plus besoin de travailleurs? Licenciez-les sans en subir les conséquences. Certains intérimaires travaillent depuis plus de 3 ans pour le même patron, ils fournissent à ce patron toute leur expérience, mais ne reçoivent ni la sécurité d’emploi, ni un salaire décent.
Les Etats-Unis sont cités comme l’exemple à suivre en matière de lutte contre le chômage. Le taux de chômage y serait très bas (entre 4 et 5 %). Ce que l’on ne raconte pas, c’est que la majorité des gens sont obligés de prendre un deuxième boulot après avoir fini le premier pour pouvoir s’en sortir. Ce modèle est en réalité un champ de bataille social. Pourtant, on voit que notre marché du travail évolue vers une croissance des contrats à temps partiel et des chèques-services, de plus en plus comme le système américain.
Un argument trop souvent cité est le manque de formation. Quelle hypocrisie! Les entreprises exigent que les élèves qui quittent l’école soient formés pour un job spécifique dans l’entreprise. La subvention des écoles par ces entreprises, pour pouvoir utiliser ces jeunes une fois sortis de leurs études, n’est plus un phénomène exceptionnel depuis longtemps. Une fois que le jeune – spécialement formé – n’est plus utile pour l’entreprise, il est mis à la porte.
Le patronat exige d’assainir le financement de l’éducation. Le raisonnement est toujours le même : les écoles doivent fournir des travailleurs formés, alors pourquoi organiser une formation large quand il s’agit d’emplois précaires ou de rester au chômage? La revendication du mouvement ouvrier comme quoi l’enseignement doit fournir une formation générale est un luxe qui doit être réservé aux enfants de la bourgeoisie. Voilà les pensées cyniques qui se cachent derrière les chiffres et les plaidoyers des chefs d’entreprises et de leurs organisations.
La crise du capitalisme mène de plus en plus à la croissance du chômage et des emplois précaires à bas salaires. L’ironie est que cela renforce la position des capitalistes, parce qu’ils peuvent menacer les travailleurs avec l’argument que si ces derniers n’acceptent pas les conditions qu’on leur impose, il y en a d’autres qui accepteront de travailler aux conditions imposées.
Le PSL/LSP défend un rétablissement complet de l’index et un salaire minimal de 1.500 euros net; dénonce le démantèlement de la sécu et « l’érosion » des contrats de travail. Nous nous opposons à chaque fermeture d’entreprise car, dans le cadre du système capitaliste, chaque fermeture mène au chômage et à la pauvreté. La seule revendication capable de commencer à résoudre le problème du chômage est l’introduction de la semaine des 32 heures, sans perte de salaire et avec des embauches compensatoires.
3. Stop aux libéralisations et aux privatisations ! Renationalisation sous contrôle démocratique de la population!
Dans les années ‘90, après la chute du Bloc de l’Est, l’idée selon laquelle le marché libre était le seul système viable a été largement diffusée. Tant la social-démocratie que les dirigeants syndicaux ont cru à cette fable et ont refusé de continuer à résister à l’offensive idéologique de la bourgeoisie. En utilisant l’unification européenne comme excuse, nos services publics ont été attaqués les uns après les autres, libéralisés et préparés à la concurrence privée. Au vu de la croissance plus lente de beaucoup d’autres secteurs – en conséquence de la crise de surproduction – le capital a cherché de nouveaux créneaux pour faire du profit.
Aujourd’hui, beaucoup de travailleurs commencent à percevoir les conséquences de cette politique – ou à la sentir dans leur portefeuille ! On pense par exemple à l’augmentation des prix de l’électricité en Belgique : "Test achat" a ainsi calculé que le prix pour un kilowattheure (kWh) chez Electrabel a augmenté de 50% entre janvier 2005 et décembre 2006.
Peu après les élections de juin 2007, Electrabel a annoncé qu’elle augmenterait à nouveau ses prix de 13% à 20% ! Après d’énormes protestations, l’entreprise a donné l’impression qu’ils n’allaient finalement pas mettre en place cette décision. Mais en réalité, le CREG, la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz, a publié un peu plus tard les résultats de sa recherche sur les augmentations des prix du gaz et de l’électricité. La commission a confirmé que, pour les particuliers, l’augmentation sera de 17% en 2008. Une famille moyenne va donc payer environ 172 euros de plus par an pour sa consommation d’énergie.
Et ceci alors que, selon le VREG qui est le régulateur flamand des marchés du gaz et de l’électricité, le nombre de familles qui ne sont pas capables de payer leur facture d’énergie a augmenté pour atteindre 91.600 en 2006. Une augmentation de 50% par rapport a l’année passée ! Le nombre de « mauvais payeurs » en Flandre a donc atteint un niveau record en 2006. Déjà 4,5% des ménages flamands sont dépendants du tarif social pour leur électricité. Le VREG affirme, à propos de ce scandaleux bradage d’un besoin essentiel, que « Les clients sont seulement intéressants pour les fournisseurs s’ils rapportent quelque chose. Les mauvais payeurs sont donc mis plus vite à la porte par leurs fournisseurs. »
Sur le marché du gaz, au début de la libéralisation, Electrabel a temporairement baissé ses prix pour attirer le plus de clients possible. Du moment que le marché a été divisé entre plusieurs concurrents, les prix ont augmenté assez vite pour assurer un maximum de profits pour les patrons et les gros actionnaires du secteur. C’est l’évolution naturelle à attendre de chaque forme de libéralisation et de privatisation d’un service public.
Le PSL/LSP se demande pourquoi la collectivité n’a pas de contrôle sur le marché de l’énergie. Pourquoi le profit est-il central s’il s’agit de notre consommation d’énergie ? Le PSL/LSP exige l’abolition des 21% de TVA sur l’énergie, qui représente un besoin essentiel pour chaque famille et revendique un gel des prix de l’énergie comme première mesure dans le processus de mise sous contrôle démocratique de tout le secteur de l’énergie. C’est seulement sur cette base que seront pris en compte les besoins des travailleurs et de leurs familles (y compris les besoins écologiques).
La libéralisation et la privatisation signifient toujours un drame social concernant le nombre d’emplois et les conditions de travail. A La Poste, 9.000 des 35.000 emplois ont été supprimés ce qui équivaut à la fermeture de deux grandes usines d’assemblage de voitures. Les travailleurs de La Poste qui sont restés ont été confrontés au système « géoroute » qui conduit à une augmentation perpétuelle de la charge de travail pour moins de personnel. Cela a mené, ces dernières années, à une vague de grèves spontanées dans de nombreux bureaux de poste à travers tout le pays. A quand un mouvement unifié pour jeter tout le plan « géoroute » à la poubelle et stopper net les pas « en avant » vers la libéralisation ?
Au début des années ’90, 26.500 personnes travaillaient encore chez Belgacom alors que ce chiffre est descendu à 15.000 début 2007. Aujourd’hui, la direction veut encore éliminer 1.500 places. A la classe ouvrière de supporter drames sociaux et pertes d’emplois tandis que les profits exorbitants sont réservés aux patrons. En 2006, Belgacom a ainsi réalisé 6,1 milliards d’euros de profit. La même année, le top manager Didier Bellens a reçu 1,85 millions d’euros de salaire, en plus des 480.000 euros de dividendes pour ses actions. Il en avait d’ailleurs également vendu pour une valeur de 6 millions d’euros. Les ex-« services publics » sont de véritables « jackpots » pour les capitalistes. Et bien sûr, les libéraux, les sociaux-chrétiens et les sociaux-démocrates trouvent que ce genre de profits ne devraient surtout pas être attaquables. Pour eux, les profiteurs sont les chômeurs, dont il faut au plus vite suspendre les allocations ou limiter celles-ci dans le temps.
Dans les chemins de fer, le transport de marchandises a déjà été libéralisé, et le transport de voyageurs est en train d’y être préparé. L’avenir en Belgique sera-t-il le même qu’en Grande-Bretagne ? Les divers accidents et autres misères qu’y ont connus les chemins de fer privatisés sont loin d’être des coïncidences pour l’opinion publique qui a, depuis, clairement changé d’opinion vis-à-vis de la privatisation. Aujourd’hui, la revendication de la renationalisation du secteur trouve de plus en plus d’échos en Grande-Bretagne, ce qui représente un sérieux changement par rapport aux années ’90.
En Amérique Latine également, les ravages de la politique de privatisation ont provoqué un changement dans la conscience. Aujourd’hui, les « gouvernements de gauche » en Bolivie et au Venezuela sont mis sous pression pour nationaliser les richesses naturelles. Les pillages et les expropriations par les multinationales sont de moins en moins tolérés par les masses. Comme l’expliquait Engels, le compagnon de Marx, les nationalisations apparaissent déjà comme des «éléments de socialisme» qui s’imposent à la veille société en crise. Ils démontrent la faillite du capitalisme et du libre marché.
Pendant que les gouvernements néolibéraux organisent la casse sociale, le nombre de personnes ayant besoin de services publics de qualité augmente de jour en jour. Par exemple, de nombreux parents qui travaillent ont un réel problème concernant la garde de leurs enfants. Ils seraient sans aucun doute enchantés d’avoir à disposition des crèches dignes de ce nom, et organisées par l’Etat.
Chaque jour, des milliers d’ouvriers et d’employés vont au boulot en transport en commun. Quelqu’un est-il capable de nous expliquer pourquoi les transports en train, en tram et en bus sont de plus en plus chers ? Quelle est la logique derrière cela ? A Bruxelles, n’est-ce pas scandaleux de devoir payer 2 euros pour un ticket de la STIB si celui-ci n’a pas été acheté à l’avance à un guichet ? Est-ce comme cela que l’on pense pouvoir résoudre les problèmes des embouteillages ? Un gouvernement au service de la population rendrait directement tous les transports publics gratuits pour faire face au problème des embouteillages et à la pollution. Dans le secteur de transports, il existerait des règles beaucoup plus strictes pour éviter que la pression du travail – en réalité la pression des profits – n’impose à des chauffeurs fatigués de devoir prendre la route.
Aujourd’hui, la destruction du système des soins de santé est une réalité flagrante et mène parfois à des situations dramatiques. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, les Belges doivent déjà payer eux-mêmes 33% de leurs coûts médicaux. L’OCDE estime ce pourcentage à 28%. Le sous-financement des hôpitaux devient une excuse pour les médecins pour commencer à organiser des consultations « personnalisées », pour lesquelles ceux qui paient le plus sont évidemment les plus vite servis. Les médecins sont rémunérés selon leurs prestations, ce qui favorise les abus.
Le PSL/LSP veut mettre fin à la course aux profits dans l’industrie pharmaceutique, à la commercialisation rampante et aux abus de la médecine de prestation. Nous sommes pour la création d’un service de soins de santé public et national, avec des statuts fixes – qui sont de plus en plus minés dans les hôpitaux publics – et des salaires décents pour tout le personnel. Selon nous, des éléments tels que le profit ou le prestige de certains individus ou de multinationales ne peuvent intervenir dans le secteur des soins de santé.
L’argument invoqué en permanence pour la privatisation est le manque de "rentabilité" des services publics. Mais comment un service public peut-il être rentable ? Un service public a pour objectif de rendre un certain nombre de services le plus accessible possible pour chacun, qu’il soit riche ou pauvre.
Une prestation de services est par définition non rentable parce qu’elle ne peut générer de bénéfice. Ce qu’on oublie, c’est que le droit à des services publics – tout comme à la sécurité sociale – a été arraché par la lutte dans l’objectif de pourvoir à certains besoins sociaux.
En réalité, la libéralisation et la privatisation signifie la vente de nos services, avec moins d’emplois disponibles et des conditions de travail diminuées, pour nous faire payer doublement le prix. Ainsi le gouvernement économise-t-il sur les dépenses publiques, mais au détriment de qui ? Nous ne payons pas un centime de moins d’impôts, tandis que les managers de nos ex-services publics s’en mettent plein les poches !
Le PSL/LSP lutte contre la privatisation, pour la gratuité des transports publics, des soins de santé, de la distribution postale et de la collecte des déchets, parce que tous ces services doivent être accessibles a tout le monde, quelque soit l’âge, la situation professionnelle, le sexe,…
L’argument selon lequel un service public fonctionne mal par définition est largement répandu dans les consciences. Les services publics ont toujours été victimes de ragots. Ils seraient "inefficaces", "bureaucratiques", "tout sauf ponctuels", etc. Et, au contraire, dans le privé, tout marche évidemment à merveille.
Cette image est complètement fausse. Il y a toujours eu trop peu d’argent disponible pour les services publics, et ce même dans les "golden sixties". Mais même avec suffisamment d’argent, le problème n’est pas totalement résolu. Pour qu’un service fonctionne le plus efficacement possible, la participation de tous ceux qui l’utilisent ou y travaillent est également nécessaire.
Par exemple, les chemins de fer seraient bien plus efficaces et accessibles en impliquant les travailleurs et les voyageurs dans le fonctionnement du service. Cela permettrait à beaucoup de travailleurs de laisser leur voiture chez eux pour se rendre sur leur lieu de travail en prévoyant suffisamment de correspondances aux heures opportunes. Ces services seraient gratuits et donc accessibles a tous. Les points de départ du PSL/LSP sont l’efficacité et l’accessibilité pour tous, et non pas la logique de privatisation pour le profit de quelques-uns.
4. Et la concurrence alors ? Qui va payer tout cela ? Il n’y a pas d’argent pour cela ? Les patrons ne vont jamais l’autoriser…
Une citation des ouvriers des Forges de Clabecq, à l’époque de leur lutte dans les années ’90 pour le maintien de leur usine : « Si tu mets une pile de briques sur le sol, elles ne vont pas se mettre l’une sur l’autre d’elles-mêmes pour former un mur une maison. C’est pour cela que l’intervention humaine est nécessaire. C’est le travail qui génère la richesse. ». Des richesses, il y en a assez. La question est : qui en bénéficie ?
Si nous regardons à quel point la productivité a augmenté durant les dernières décennies, il apparaît que la durée du travail n’a pas augmenté aussi vite. Si c’était le cas, nous ne travaillerions qu’une paire d’heures par jour. Tous les profits que les patrons ont amassés, ils les ont gardés dans leurs poches.
Pour résoudre le chômage, le travail disponible doit être partagé entre tous les travailleurs disponibles. Cela déterminera la durée hebdomadaire du travail, qui pourra ainsi être fortement diminuée. Mais attention, nous voulons que le salaire soit totalement conservé, car nous y avons droit.
Naturellement, le patronat et le gouvernement vont refuser, car cela signifierait qu’une grosse partie de leurs profits leur échapperaient. Cela signifierait aussi que leur position concurrentielle serait menacée. Mais la concurrence est aussi vieille que le capitalisme. Les travailleurs doivent-ils tout avaler pour être « concurrentiels » ? Si on pousse la logique à l’extrême, cela peut être lourd de conséquences. Cela signifierait que nous devrons accepter à terme les mêmes salaires que les ouvriers chinois ou indiens surexploités.
Si les travailleurs et leurs organisations avaient suivi le même raisonnement au début du 20e siècle, nous serions encore en train de travailler 12, 13 ou 14 heures par jour au lieu de 8. Lorsque la classe ouvrière a fait pression pour la journée des huit heures, après la 1ère guerre mondiale, il n’était pas question de pertes de salaire.
Au lieu de partir de la question « Qu’est-ce qui est supportable et réaliste pour les entreprises », nous préférons nous demander « Qu’est-ce qui est nécessaire pour les travailleurs ». Nous trouvons simplement logique que la richesse produite par les travailleurs serve à subvenir à leurs besoins.
5. Pour un syndicat combatif !
Une des conditions pour atteindre les objectifs ci-dessus, c’est que les travailleurs puissent compter sur des organisations, tant sur le plan politique que syndical, avec lesquelles pouvoir mener le combat pour ces revendications.
C’est certain, une bataille sera nécessaire à l’intérieur des syndicats, pour remettre en avant le syndicalisme de combat. Le modèle de négociation par lequel la direction des syndicats essaye de convaincre le patronat a échoué. La force des syndicats réside dans leur capacité à mobiliser les travailleurs dans la défense de leurs intérêts immédiats, comme l’histoire l’a démontré à mainte reprises.
C’est de cela que les patrons ont peur. Au contraire, si le patron sait que la direction syndicale est prête à accepter un petit accord, il n’a aucune raison de faire des concessions. Si par contre, il comprend que le syndicat est prêt à se dresser comme un seul homme pour défendre les intérêts des travailleurs, il réagira de façon plus prudente. Ce qui importe, c’est que les travailleurs se lancent avec un peu plus de confiance dans la lutte, en sachant qu’ils ont la possibilité d’y gagner quelque chose.
Les syndicats ne servent pas à aider les patrons dans leurs « restructurations », ils servent à défendre les intérêts des travailleurs. A la place du syndicalisme de concertation, nous défendons le syndicalisme de combat. Nous soutiendrons chaque lutte dans ce sens. Il est crucial de se battre pour chaque emploi et pour le maintien de tous les acquis.
Un nouveau parti des travailleurs devra aussi organiser une aile gauche combative à l’intérieur des syndicats pour offrir une alternative à la « stratégie » d’enterrement des mouvements de lutte des directions syndicales. C’est la principale raison pour laquelle beaucoup de travailleurs sont aujourd’hui cyniques par rapport au rôle des syndicats. C’est aussi pour cette raison que les militants syndicaux ont du mal à convaincre les jeunes de s’engager dans un travail syndical.
Pensons par exemple à l’arrêt du mouvement contre le Pacte des Générations en 2005. Au cours de cette lutte, la base a été « consultée », dans le meilleur des cas, au cours d’assemblées régionales sans avoir la possibilité de décider réellement. Le mouvement a été stoppé arbitrairement par la direction de la FGTB et de la CSC. Pourquoi les militants ne pourraient-ils pas décider eux-mêmes de la fin ou non d’un mouvement ? Nous avons besoin d’une réelle démocratie syndicale, fondée sur une base active et impliquée qui peut décider elle-même du déroulement de la lutte par des votes démocratiques. La force de la classe ouvrière est potentiellement présente mais nous avons besoin de leaders syndicaux qui osent utiliser leur force pour défendre nos emplois, nos salaires, nos pensions, etc. Et qui puissent concilier ce combat quotidien avec la recherche d’une autre société.
6. Appel pour la formation d’un nouveau parti des travailleurs
Mais la classe ouvrière a aussi besoin d’un parti capable de traduire cette stratégie politiquement. Il est clair que le PS et le SP.a sont toujours considérés par une majorité de travailleurs comme « leurs » partis. Mais ces partis ne sont plus prêts à mener la lutte.
Au contraire, ils sont devenus parmi les meilleurs exécutants des politiques d’austérité. Leur participation aux gouvernements durant de nombreuses années – ainsi que la désorientation et la démoralisation qui ont suivi la chute des régimes dits « socialistes » avec comme conséquence le triomphe des dogmes du libre marché – ont totalement corrompu ces partis.
Si nous voulons une traduction politique de nos revendications de travailleurs, nous devons en conséquence construire un nouveau parti, mais nous savons qu’un tel parti ne tombera pas du ciel. Comme le dit l’adage populaire, Rome ne s’est pas construite en un jour. Celui qui n’est pas prêt à se retrousser les manches pour franchir les premières étapes vers un nouveau parti oublie que le Parti Ouvrier Belge (POB, l’ancêtre du PS) n’est pas apparu du jour au lendemain.
Nous sommes conscients qu’un tel nouveau parti des travailleurs ne sera vraiment viable que s’il est soutenu par une partie importante du mouvement ouvrier, et en particulier par des fractions syndicales, sur base d’expériences de mouvements et de luttes massives. Mais si nous devons attendre les directions syndicales, cela peut encore durer longtemps. C’est seulement s’il y a suffisamment de pression de la base que les meilleurs d’entre eux seront prêts à se mettre en avant.
Ce parti doit être ouvert à tous ceux qui veulent lutter contre la casse sociale. Des discussions libres doivent être ouvertes pour les différents courants, syndicats, groupes d’actions,… qui veulent défendre leurs points de vue propres. Ce parti doit se battre contre chaque division des travailleurs, que ce soit sur base de la nationalité, de la race, du sexe, ou de la religion. Les seuls qui trouvent un intérêt quelconque dans ces divisions sont les patrons et leur système. Tous ensembles, nous sommes forts et, en luttant pour des droits égaux pour tous, nous renforcerons cette unité.
Ce parti large doit aussi lier la lutte contre l’exploitation de tous les ouvriers, y compris ceux du monde néo-colonial. Les intérêts des travailleurs des autres pays sont souvent présentés comme étant opposés aux intérêts des travailleurs d’ici, mais c’est là une tentative de briser la lutte internationale. Les travailleurs de VW Forest auraient certainement été plus forts dans leur combat contre la restructuration s’ils avaient été capables de convaincre leurs collègues des autres sites VW de mener une lutte efficace à l’échelle internationale contre la fermeture. Mais la lutte internationale ne peut pas être une excuse pour ne pas mener le combat dans son propre pays. Les deux sont indissociablement liés.
Un nouveau parti des travailleurs doit respecter le droit à l’autodétermination des Flamands, des Wallons et des Bruxellois, sans tomber dans le piège de ceux qui veulent affaiblir les travailleurs par la surenchère communautaire. Le PSL/LSP estime que chaque peuple doit avoir le droit de prendre ses propres décisions. Si un peuple veut vivre avec un autre peuple dans le cadre d’un Etat national, cela doit être possible. Mais sur un pied d’égalité et sur une base complètement libre.
Être obligés de vivre dans un Etat où une partie de la population a moins de droits que l’autre, cela ne peut mener qu’à des situations désastreuses. Nous sommes par conséquent pour toutes les facilités susceptibles de mettre un terme aux sentiments d’oppression nationale. Donc également pour les facilités linguistiques.
Beaucoup d’Etats capitalistes sont basés sur l’oppression de peuples ou de groupes de population. La Belgique a sur ce plan une mauvaise réputation. Les Flamands ont ainsi été empêchés durant 100 ans d’aller à l’école dans leur propre langue. Toute l’administration était francophone. Il était donc facile d’affaiblir les travailleurs en les divisant sur une base linguistique. On pouvait par exemple lire dans le journal wallon « Les Nouvelles », du 25 octobre 1904 : « Les Flamands de La Louvière ont reçu hier leur salaire et l’ont directement dépensé pour se saoûler et provoquer des bagarres pendant toute la nuit. Il faut relever qu’à chaque fois que des telles bagarres générales se déroulent à La Louvière, on y trouve des Flamands qui jouent avec des couteaux ».
Entre temps, l’image s’est transformée. Selon le modèle propagé aujourd’hui, le Flamand est le travailleur courageux, le Wallon le profiteur et l’immigré celui qui sort son couteau. Fondamentalement, c’est toujours la même rengaine : les patrons empochent les profits tandis qu’ils dressent les travailleurs les uns contre les autres. C’est surtout la sécurité sociale qui constitue une épine dans le pied des patrons et du gouvernement. En brandissant la menace d’une scission, ils font du chantage sur les travailleurs wallons et, en même temps, ils nourrissent la Flandre de l’illusion que cela serait bon « pour tous les Flamands ».
Les seuls qui tireraient avantage de la scission de la sécurité sociale sont les patrons, aussi bien les Wallons que les Flamands. Ils feraient pression sur nos salaires, nos pensions, nos pécules de vacances et nos prestations de santé en menaçant de déménager vers l’autre région. Aucun travailleur n’y a intérêt, ni les Wallons, ni les Flamands, ni les immigrés. Seuls les patrons y gagneraient.
Un tel parti devrait agir pour la nationalisation des secteurs les plus importants de l’économie, sous contrôle ouvrier, car aux mains du privé, ces secteurs ne servent qu’à générer des profits pour les patrons et leurs actionnaires (banques, investisseurs, etc.).
La seule manière pour que la population puisse profiter des revenus et/ou des services de ces secteurs (énergie, transport, banques…) est de les nationaliser. Mais il ne faudrait pas s’arrêter là. Dans les mains de l’Etat actuel, qui n’est ni plus ni moins qu’une marionnette aux ordres de la classe capitaliste, ces services devraient toujours être rentables et ne pas trop coûter à l’Etat. La même argumentation est actuellement utilisée pour privatiser les entreprises publiques.
La participation et le contrôle des travailleurs et de leurs familles dans et sur la politique sont essentiels. En tant qu’utilisateurs et qu’employés, ils savent mieux que quiconque où se situent les déficiences et quelle est la meilleure manière d’y remédier.
7. Révolution
Au regard du fait que les multinationales travaillent main dans la main avec les régimes les plus sanguinaires ; que des guerres sont menées pour le pétrole en faisant des milliers et des milliers de victimes innocentes ; que ces multinationales dressent des populations entières les unes contre les autres pour qu’elles finissent, à la longue, par s’entretuer ; qu’elles préfèrent encore laisser les gens mourir de faim plutôt que de toucher à leurs profits et qu’au besoin l’armée choisit la solution militaire, il est clair que ce programme ne peut être atteint autrement que par une lutte résolue.
Bien plus, pour avoir la possibilité de pouvoir décider nous-mêmes de ce qu’on veut faire de la richesse produite, un mouvement déterminé des travailleurs sera nécessaire pour arracher le pouvoir des mains de la petite minorité des capitalistes.
Beaucoup feront remarquer que cette minorité est très puissante, car elle dispose de tous les instruments nécessaires pour maintenir les gens sous contrôle. Elle utilise tous les canaux pour diffuser son idéologie, comme l’enseignement, les médias,… afin de faire croire aux gens que le système capitaliste est le seul système qui peut fonctionner.
Et si ce n’est pas suffisant, elle contrôle encore la police, l’armée et la justice pour faire respecter les lois capitalistes par la force. Les tentatives visant à briser le droit de grève se situent complètement dans cette logique, tout comme la tentative d’exercer un contrôle policier plus sévère au travers d’un appareil policier unifié. Comme nous le voyons à chaque grève, la justice et la police ne sont pas de notre côté.
Mais cela ne peut pas nous arrêter. C’est le rapport de forces qui sera déterminant. Une classe ouvrière convaincue, dont le noyau le plus dynamique est décidé à ne plus se laisser berner, et déterminée à prendre le pouvoir ne peut pas être arrêtée, même par mille armées.
Nous devons tenir compte du fait que le capitalisme en crise est continuellement pendu à un fil. Si le système ne parvient plus à convaincre dans ses propres rangs, ce qui est souvent le cas lors d’une révolution, alors il est pour ainsi dire mort.
Le meilleur exemple est celui de la révolution russe, mais aussi de Mai 68 en France, ou plus récemment les révolutions en Serbie, Géorgie, Ukraine, etc. Ces révolutions ont montré comment une classe dirigeante peut perdre prise sur ses propres troupes face à un mouvement de masse qui se développe. On peut encore parler de la radicalisation énorme en œuvre en Amérique Latine avec les mouvements de masse au Mexique, en Bolivie et dans beaucoup d’autres pays ainsi qu’avec le processus révolutionnaire qui se déroule au Venezuela. Selon nous, c’est un avant-goût des mouvements révolutionnaires qui vont se développer en Europe et dans le monde industrialisé.
Ce qui a manqué dans beaucoup de ces exemples, c’est une organisation prête à mener le combat contre l’impérialisme jusqu’au bout, en faisant clairement le choix d’un autre type de société. C’est à la construction d’une telle organisation que travaille le PSL/LSP.
8. Que sera le nouveau système ? Cela ne va-t-il pas dégénérer de la même manière qu’en Russie ?
Pour éviter une situation où l’élite bureaucratique tire tous les avantages vers elle et rend impossible toute participation démocratique comme cela a été le cas dans l’ancien Bloc de l’Est, nous devons veiller à ce que le système et son économie fonctionnent pour satisfaire les besoins réels de la population.
La discussion sur le stalinisme n’est pas seulement une discussion historique. Nous ne pouvons pas simplement dire que des « fautes » ont été commises dans l’ancienne Union Soviétique. Trotsky et ses partisans sont les seuls à avoir expliqué l’avènement d’une élite bureaucratique en Russie sur base d’une analyse marxiste. Le stalinisme était la conséquence de l’isolement de la révolution dans un pays arriéré sur le plan industriel et culturel. Trotsky a laissé deux possibilités ouvertes : soit la nouvelle élite régnante était chassée par une révolution politique qui aurait préservé l’économie planifiée, mais qui aurait réinstallé les soviets (ou démocratie des conseils), soit la bureaucratie se réformerait d’elle-même pour devenir une nouvelle classe capitaliste, lorsque l’économie bureaucratiquement planifiée arriverait à bout de souffle. C’est malheureusement cette deuxième possibilité qui s’est produite. Une économie planifiée a besoin de démocratie ouvrière tout comme le corps humain a besoin d’oxygène.
Le Socialisme suppose un système dans lequel le plus possible de travailleurs, ainsi que leurs familles, puissent participer et exercer un contrôle sur les prises de décision et ce tant sur le plan économique et social que politique. Un plan de production démocratiquement établi et contrôlé par des conseils composés de représentants des travailleurs, des syndicats nationaux et de la population dans son ensemble doit pouvoir faire une estimation correcte de ce qui est nécessaire et prioritaire. Chaque décision doit ensuite pouvoir être évaluée.
Mais que se passera-t-il avec ceux qui seront au pouvoir ? N’est-il pas exact de dire que le pouvoir corrompt ? Si être au pouvoir signifie pouvoir rester à son poste sans aucun contrôle de la collectivité, cela pose effectivement un problème.
Ce que nous défendons au contraire, et que nous mettons déjà en pratique dans notre organisation, c’est que chaque fonctionnaire doit être élu mais aussi révocable à tout moment, au cas où il n’a plus la confiance de ses électeurs. De même, il ne doit pas disposer d’un salaire plus élevé que la moyenne des travailleurs qu’il représente.
La situation que nous connaissons actuellement, dans laquelle les parlementaires touchent des milliers d’euros par mois fait en sorte que ceux qui nous représentent vivent bien loin de notre réalité. Comment peuvent-ils savoir quels sont nos besoins ? Ils ne vivent pas dans les quartiers ouvriers, ils ne fréquentent pas les mêmes endroits, ils ne savent pas ce que c’est que d’arriver péniblement à payer toutes ses factures chaque mois, etc.
Joe Higgins, jusqu’il y a peu notre parlementaire en Irlande, mais aussi nos parlementaires à l’intérieur du Labour Party dans les années ’80, ne gardaient comme salaire que l’équivalent d’un salaire moyen. Tout le reste était consacré aux campagnes et aux luttes des travailleurs, et non à la construction d’une villa dans le sud de la France…
9. Pour le socialisme et l’internationalisme !
Si les travailleurs d’une entreprise se mettent en grève, le patron fera tout pour briser cette grève. Il va proposer un accord aux leaders syndicaux, essayer par tous les moyens d’isoler le noyau dur de la grève et faire appel aux gardes de l’entreprise ou à la police et aux tribunaux pour briser les piquets.
Il essayera, si la grève dure trop longtemps, de compenser ailleurs les pertes de production, si possible dans une société sœur à l’intérieur ou à l’extérieur du pays mais, s’il le faut, chez la concurrence. En d’autres mots, le capitaliste fera appel à sa classe, à ses représentants politiques, aux médias, et à l’appareil de répression pour briser la grève.
A l’ère de la production internationale et des flux financiers mondiaux, le capitaliste fera de plus en plus appel à la « solidarité » des patrons à travers les frontières. Les travailleurs doivent en tirer les leçons. Ils doivent aussi faire appel à leur classe pour faire triompher leur lutte. Ils doivent aussi, et plus que jamais, s’appuyer sur leurs collègues à l’étranger.
Aucune lutte n’éclate partout en même temps, chaque lutte commence quelque part. Les chances de réussite augmentent à mesure que la lutte s’élargit. Cela vaut pour les grèves, pour les mouvements de désobéissance civile, pour les marches de protestation… mais aussi pour la révolte et la révolution.
Même une révolution socialiste éclate à une échelle nationale, mais sa réussite finale est déterminée par les événements internationaux. La solidarité a une importance majeure, mais avec un soutien moral ou même des collectes, etc. on ne remporte pas une victoire. C’est pour cela que le soutien actif des travailleurs d’autres entreprises, secteurs et pays et un élément d’importance cruciale. La révolution va donc débuter sur un plan local, mais sans élargissement national et international, elle est condamnée à l’échec. La démocratie ouvrière et la planification socialiste ne peuvent pas être limitées à un seul pays, comme cela a été démontré en Russie. L’isolement de la Russie soviétique a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.
La Révolution russe, la seule dans laquelle la classe ouvrière a réussi à prendre le pouvoir pendant une courte période, a été l’événement le plus important de l’histoire. L’expérience n’a été que partiellement réussie, mais nous pouvons en tirer des leçons énormes et entre autres que nous devons nous organiser au niveau international, dans le cadre d’un parti mondial. C’est pourquoi le PSL/LSP fait partie du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO).
Le CIO est actif sur tous les continents. Nous avons des sections aux États-Unis, mais aussi au Chili, au Brésil et au Venezuela. En Afrique, nous sommes présents au Nigeria et en Afrique du Sud. En Asie, nous avons des sections au Sri Lanka, en Inde, au Pakistan, au Kazakhstan et au Japon.
En Europe, nous sommes présents en Belgique, en Suède, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre, en Écosse, en Irlande (Nord et Sud), en Autriche, en Tchéquie, en Russie, en Ukraine, en Pologne, en Italie, en Grèce, à Chypre, en Espagne et en France. Au Moyen-Orient, nous avons des sections en Israël et en Palestine et des sympathisants au Liban. Le CIO a aussi une section en Australie. Le PSL/LSP voit donc sa lutte en Belgique dans le cadre de la lutte des travailleurs du monde entier, pour une société socialiste.
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Accuser l’impérialisme. “La Grande Guerre pour la Civilisation : La Conquête du Moyen-Orient”
Qui donc porte la responsabilité de la catastrophe au Moyen-Orient ? Dans ce livre, le journaliste Robert Fisk tente de retracer tous les événements qui se sont déroulés dans cette région au cours des 30 dernières années.
Revue par Per-Ake Westerlund.
Fisk a connu plus d’aventures que la plupart des héros de films. Parmi les gens qu’il a interviewés en tant que reporter figurent l’Ayatollah Khomeini et Oussama ben Laden, l’un pour le Times, l’autre pour The Independant. Il se trouvait en Iran pendant et après la révolution de 1979. Il a visité plusieurs fois la ligne de front des deux côtés pendant la guerre entre l’Iran et l’Iraq, en 1980-88. Il a accompagné les troupes russes dans les années 80’s jusqu’en Afghanistan, et y a été battu par une foule en colère après les bombardements américains de 2001. Il est arrivé à Bagdad par le dernier avion juste avant que Bush ne lance ses premiers missiles en mars 2003.
Fisk est toujours volontaire pour prendre des risques afin de se faire sa propre opinion sur ce qui se passe réellement. Il a de plus en plus défié la majorité des médias, par sa critique de la guerre d’Iraq et de l’oppression des Palestiniens par l’Etat d’Israël. Par conséquent, ce qu’il écrit vaut toujours la peine d’être lu, et c’est encore plus le cas pour ce livre, qui comprend plus de 1000 pages sur l’histoire récente du Moyen-Orient. Si le point de départ est la propre expérience de l’auteur, le thème n’en est pas moins la responsabilité des puissances occidentales dans la guerre, la souffrance et la dictature dans cette partie du monde. Une de ses conclusions est que « historiquement, il n’y a jamais eu d’implication de l’Occident dans le monde arabe sans que s’ensuive une trahison ».
Fisk écrit que le 11 septembre n’est pas la raison de ce livre, mais plutôt une tentative d’expliquer l’enchaînement des événements qui a mené aux fameux attentats. Comment Oussama ben Laden a-t-il pu remporter tous les sondages de popularité ? D’où vient-il ? La réponse se trouve dans l’histoire. Tout au long du 20ème siècle, les puissances occidentales ont démarré des guerres, occupé des pays, et renversé des régimes au Moyen-Orient, encore et encore. Selon Fisk, tout Arabe raisonnable serait d’accord de dire que les attentats du 11 septembre sont un crime, mais demanderait aussi pourquoi le même mot n’est pas employé lorsqu’on parle des 17 500 civils tués par l’invasion du Liban par Israël en 1982. Alors que les régimes du Moyen-Orient – l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Palestine actuelle de Mahmoud Abbas – sont en excellents termes avec les Etats-Unis, ben Laden et d’autres islamistes ont rappelé aux masses toutes les guerres contre les musulmans dirigées par les USA et Israël. Avec l’échec sur le plan international des partis communistes staliniens et du mouvement social-démocrate à montrer la voie à suivre pour la lutte, c’est la religion qui est apparue comme un facteur politique. C’est le même facteur qui a également été utilisé par des régimes qui se prétendaient comme étant des musulmans authentiques – parmi lesquels le régime de Saddam Hussein des dernières années n’était pas des moindres.
A la suite du 11 septembre, George Walker Bush, avec le soutien des « dirigeants mondiaux », a décidé de bombarder ce pays déjà dévasté qu’était l’Afghanistan. Lorsque ce pays a été envahi par l’Union Soviétique en 1980, cela était le début d’une guerre qui allait durer 16 ans, avec plus d’un million de morts et six millions de réfugiés. Le régime stalinien déclinant de Moscou fut forcé à une retraite en 1988, après une longue guerre contre les « saints guerriers » moudjahiddines, que le président Reagan saluait en tant que « combattants de la liberté ». Parmi eux se trouvait un contingent saoudite, mené par le milliardaire ben Laden, financé et encadré par la CIA, la monarchie saoudite, et le Pakistan. A partir de 1988, le pays sombra dans la guerre civile entre différentes troupes de moudjahiddines, avant la prise du pouvoir par les Talibans en 1966. Les Talibans étaient des enfants de réfugiés afghans vivant dans la misère, élevés dans des écoles islamistes de droite au Pakistan, et armés par les services secrets pakistanais. Les Talibans prirent rapidement le contrôle du pays et établirent un régime islamiste fortement réactionnaire, notoire pour sa répression des femmes, son interdiction de la musique, etc. Oussama ben Laden, en conflit avec les Saoudites et les Américains après la première guerre d’Iraq en 1991, fut accueilli par les Talibans avec tous les honneurs.
Malgré le caractère du régime taliban, Fisk avait prévenu à quoi allaient mener les bombardements de Bush Jr. L’Alliance du Nord, les troupes au sol alliées de Bush, était elle aussi constituée d’assassins islamistes de droite – bien qu’opposés aux Talibans. Le nouveau président, Hamid Karzai, est un ancien employé d’Unocal, une compagnie pétrolière américaine qui essayait d’obtenir un contrat avec les Talibans au sujet d’un pipeline reliant l’Asie Centrale au Pakistan. Les avertissements de Fisk s’avérèrent rapidement fondés, de sorte qu’aujourd’hui la population locale se retrouve de nouveau piégée dans une guerre entre les troupes menées par les Etats-Unis d’une part, et les nouvelles forces des Talibans de l’autre.
Fisk nous fournit également un important récit des développements en Iran depuis1953, lorsque le Premier Ministre élu, Mohammad Mossadegh, fut renversé après qu’il ait nationalisé les installations de la Compagnie Pétrolière Anglo-iranienne (aujourd’hui devenue British Petroleum – BP). Dans les années 1980’s, Fisk a interviewé un des agents britanniques qui, avec la CIA, avait dirigé le coup d’Etat et installé le régime du Shah et de sa répugnante police secrète, la SAVAK. Le Shah devint un allié de confiance pour l’impérialisme américain en tant que fournisseur de pétrole et soutien militaire. A la base, cependant, le nationalisme iranien et la haine des Etats-Unis n’en furent que renforcés.
La situation finit par exploser lors de la révolution de 1979. Fisk cite Edward Mortimer, un de ses amis reporters, qui avait décrit ce mouvement en tant que « révolution la plus authentique de l’histoire mondiale depuis 1917 ». La principale faiblesse de Fisk est qu’il ne comprend pas le rôle de la classe salariée, bien qu’il insiste sur le fait que « les pauvres des villes » furent la principale force de la révolution. Les slogans et les espoirs des travailleurs et des organisations de gauche pour une « démocratie populaire » entrèrent bientôt en conflit avec les intentions des islamistes et des mollahs. La classe salariée dans le nord de l’Iran avait confisqué la propriété capitaliste, tandis que le régime de Khomeini, basé sur des couches urbaines plus riches, était contre toute forme d’expropriation. Pendant une longue période, la gauche pouvait se rallier un large soutien. Fisk décrit la manière dont un demi-million d’étudiants manifestèrent avec le Fedayin, alors illégal, en novembre 1979. Khomeini dut agir petit à petit pour écraser la gauche et les organisations de la classe salariée. Il exploita au maximum le conflit avec l’impérialisme américain, conduisant les partis communistes pro-Moscou, comme le Tudeh, à soutenir Khomeini jusqu’à ce qu’ils soient démantelés de force en 1983. Même alors, le régime au pouvoir en Russie ne voyait aucun problème à fournir des armes à Téhéran. Des purges massives furent menées pendant la guerre contre l’Iraq, parfois sur base d’informations « anti-communistes » fournies par l’Occident. Au cours de l’année 1983, 60 personnes par jour ont été exécutées, parmi eux de nombreux jeunes.
Lorsque la machine militaire de Saddam attaqua l’Iran en 1980, le sentiment dans les médias et chez les « experts » était que l’Iraq remporterait une victoire rapide. Mais les troupes se retrouvèrent rapidement bloquées sitôt passée la frontière, et l’armée iraqienne commença à envoyer des missiles sur les villes iraniennes, y compris des armes chimiques. Fisk donne des rapports détaillés et émouvants en provenance du front, décrivant les horreurs qui s’y passent et interviewant des enfants soldats, enrôlés pour devenir des martyrs.
Les puissances occidentales ne remirent à aucun moment en cause leur confiance en Saddam – c’est en 1983 que Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la défense aux Etats-Unis, comme en 2003, rendit sa fameuse visite à Saddam – même si certains d’entre eux vendirent des armes à chacun des deux camps tout au long du conflit qui dura huit ans et coûta plus d’un million de vies. Plus de 60 officiers américains opéraient en tant que « conseillers militaires » auprès de Saddam, lequel bénéficiait également des données satellites de Washington. L’Arabie Saoudite paya plus de 25 milliards de dollars pour financer les frais de guerre de Bagdad. Le Koweït et l’Egypte furent eux aussi des mécènes enthousiastes. Même lors de l’Anfal, la terrible guerre que Saddam mena contre les Kurdes en Iraq du Nord, personne en Occident ne protesta. Rien qu’à Halabja, 5000 Kurdes furent tués par des armes chimiques les 17 et 18 mars 1988.
La marine américaine était mobilisée dans le Golfe Persique, afin de menacer l’Iran. Un missile américain fut tiré sur un avion civil iranien qui transportait des passagers civils. L’hypocrisie américaine, cependant, fut révélée à tous lors de l’affaire Iran-Contra, en 1986. Les USA avaient vendu 200 missiles en secret à l’Iran dans l’espoir de pouvoir récupérer des otages américains qui avaient été capturés au Liban par des groupes liés à l’Iran. L’argent obtenu par la vente des armes fut ensuite envoyé aux troupes réactionnaires des Contra, au Nicaragua.
Lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït en 1990, il avait rendu visite à l’ambassadeur américain à Bagdad qui lui avait donné l’impression que Washington n’allait pas réagir. Il était toujours l’agent de l’Occident. En juin 1990, le gouvernement britannique avait encore approuvé la vente de nouvel équipement chimique à l’Iraq. Le Koweït avait fait partie de la même province de l’Empire Ottoman que l’Iraq jusqu’en 1889, et avait failli être à nouveau rattaché à l’Iraq en 1958, ce qui avait été empêché par les troupes britanniques.
Mais l’enjeu ici était le pétrole, et les intérêts des autres alliés des Américains. Le régime saoudite invita les troupes américaines dans le plus important des pays islamiques, ce qui eut plus tard d’importantes répercussions. L’escalade qui mena à la guerre se forma sous l’illusion d’une alliance avec le drapeau des Nations-Unies, mais dans la pratique ce fut la plus grosse intervention américaine depuis la retraite humiliante du Vietnam. Mais cette fois-ci, la guerre démarra par un bombardement massif, qui dura 40 jours et 40 nuits, avec 80 000 tonnes d’explosifs, plus que pendant toute la seconde guerre mondiale. Parmi les cibles se trouvaient des ponts, des centrales électriques, et des hôpitaux. Les troupes de Saddam devaient se contenter de rations de survie, et fuirent de panique au moment où l’offensive au sol fut lancée. Entre 100 000 et 200 000 iraqiens furent massacrés par les attaques des avions, tanks et troupes américains.
George Bush père appela alors à une grande insurrection contre Saddam, mais laissa les rébellions kurdes et chiites se faire réprimer ddans le sang. Fisk cite un officier américian disant "mieux vaut le Saddam que nous connaissons" que n’importe quel autre régime dont on serait moins certain. Plus de gens moururent lors de l’étouffement des émeutes qu’au cours de la guerre en elle-même, et deux millions de Kurdes devinrent des réfugiés.
Les mêmes Etats arabes qui, quelques années plus tôt, avaient financé la guerre de Saddam en Iran, payèrent également la nouvelle facture, de 84 milliards de dollars. Et dans les deux années qui suivirent, les Etats-Unis vendirent des armes d’une valeur de 28 milliards de dollars à tous les pays de la région.
Contre cet Iraq à l’infrastructure détruite et à la population appauvrie, les Nations Unies décidèrent d’appliquer toutes sortes de sanctions, qui conduisirent à ce que « 4500 enfants meurent chaque jour », selon Dannis Halliday, représsentant de l’Unicef en octobre 1996. Robert Fisk raconte la manière dont les enfants, victimes de munitions à l’uranium appauvri, souffrent de cancers – un mal dont souffrent également beaucoup de soldats américains. En plein milieu de la crise humanitaire, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne poursuivirent leurs raids de bombardements aériens, notamment le jour du Nouvel An 1999.
Après le 11 septembre et les attaques sur l’Afghanistan, il était clair que Bush, Rumsfeld et leurs conseillers néoconservateurs visaient l’Iraq. Fisk énumère chacun des arguments qu’ils inventèrent pour se justifier, des « armes de destruction massive » aux « connections » avec al-Qaïda. De plus, George W Bush promettait « la démocratie pour tout le monde musulman », un objectif pour lequel il ne consulta que très peu ses amis d’Arabie Saoudite, d’Egypte et du Pakistan. L’appareil de propagande exigea alors que le soutien de l’Occident à Saddam soit oublié. La « guerre contre la terreur », à ce stade, signifiait aussi le soutien à Israël et à la guerre que la Russie menait en Tchétchénie. Les critiques de Fisk firent en sorte qu’il fut montré du doigt en tant que partisan du régime de Saddam.
Cette guerre, que Fisk suivit à partir de Bagdad, signifiait encore plus de bombardements que 12 ans plus tôt. Fisk contraste les missiles dirigés par ordinateur aux hôpitaux sans ordinateurs qu’il visita. Les Etats-Unis lâchaient également des bombes à fragmentation contre les civils, ce qu’Israël a aussi fait par deux fois au Liban.
Fisk demeura à Bagdad après sa « libération », le 9 avril 2003, lorsque le pillage de masse fut entamé. Les troupes américains ne protégeaient que le pétrole et les bâtiments du Ministère de l’Intérieur. A Bagdad, des documents vieux de plusieurs millénaires furent détruits lorsque les généraux américains pénétrèrent dans les palais de Saddam. Les Américains agirent comme le font tous les occupants, écrit Fisk. Les manifestants furent abattus ; Bremer, le consul américain pendant la première année, interdit le journal du dirigeant chiite Moqtada al-Sadr ; des soldats américains paniqués fouillèrent des maisons. Avec les prisons d’Abu Ghraïb et de Guantánamo, les Etats-Unis ont également copié les méthodes de torture chères à Saddam, allant jusqu’à réemployer le même médecin-en-chef. Les USA « quitteront le pays. Mais ils ne peuvent pas quitter le pays… », est le résumé que Fisk nous donne de la crise de l’impérialisme en Iraq, une description qui est toujours exacte aujourd’hui.
Le livre de Robert Fisk contient beaucoup d’action, mais aussi de nombreux sujets d”analyse intéressants. Il écrit au sujet du génocide arménien de 1915 ; de la guerre de libération et de la guerre civile des années 90’s en Algérie ; de la crise de Suez en 1956. Il suit à la trace les producteurs du missile Hellfire utilisé par un hélicoptère Apache israélien qui tua des civils dans une ambulance au Liban. Il dit que le coût d’une année de recherche sur la maladie de Parkinson (qui emporta sa mère) est équivalent à cinq minutes de la dépense mondiale d’armes dans le monde. Il analyse la Jordanie et la Syrie ; il écrit au sujet de son père, qui était un soldat dans la première Guerre Mondiale. Ses critiques massives et bien fondées, toutefois, ne deviennent jamais des critiques du système, du capitalisme ni de l’impérialisme. A chaque fois qu’il parle des attaques militaires britanniques ou américaines, il dit « nous ».
Les travailleurs et les socialistes eu Moyen-Orient et partout dans le monde doivent tirer les conclusions nécessaires de l’histoire de la région et des événements qui s’y déroulent actuellement. La classe salariée, alliée aux pauvres des villes et aux paysans, a besoin d’un parti révolutionnaire et socialiste, capable d’unifier la classe dans la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et la dictature, au-delà des différences religieuses et ethniques.
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Camp Jeunes
7-8-9 juillet
Résistance Internationale – Etudiants de Gauche Actifs – Blokbuster
Vendredi 7 juillet A partir de 10h
Ouverture: LA RESISTANCE AU NEOLIBERALISME CROIT PARTOUT DANS LE MONDE
Ateliers:
> Job Mc Do, intérim, CPE,… Qu’ est-ce que l’ exploitation capitaliste ?
Plus de flexibilité, cela signifie-t-il plus d’emplois ou plus de profits? Quels salaires sont trop élevés: ceux des travailleurs ou ceux des managers? Mondialisation et patriotisme économique: le capitalisme est-il un système viable ? Toujours plus de contrats précaires; comment obtenir des vrais emplois avec des vrais salaires?> Libéralisme, réformisme, religions et marxisme: Quelle vision du Monde ?
Bush, Ben Laden : La religion détermine-t-elle la politique ? Clash des civilisations ou crise du capitalisme? Matérialisme ou idéalisme ? L’homme est-il un loup pour l’homme? Y a t-il des bons et des mauvais patrons ? Charité ou solidarité ?> L’oppresion de la femme, quelque chose d’ inévitable?
Quelle est l’origine de la famille? L’éducation doit-elle reposer sur les épaules des parents? Des femmes chefs d’Etat, est-ce cela l’émancipation? Faut-il changer les hommes ou la société?> Qu’ est-ce que l’Etat ?
Occupation militaire, Guantanamo et prisons secrètes en Europe: pour notre sécurité ou pour celle des multinationales? Pourquoi à nouveau des états d’urgences et des couvre-feu prennent-ils place ? Picanol, grand banditisme et délinquance, la justice est-elle la même pour tous ? Tolérance zéro, nettoyer les quartiers au karscher ou développer les services à la population, construire des logements décents pour tous,…?En soirée: projection grand écran. Film et Débat: THE TAKE
Dans les années ‘90, la politique néolibérale a rempli les coffres des multinationales et de la classe politique corrompue en Argentine. L’économie argentine s’est écroulée comme un château de carte. Le gouvernement De La Rua (1999-2001) a tenté d’appliquer le programme du FMI. Une révolte de masse en Argentine contre le diktat du FMI a balayé 4 présidents en deux semaines fin 2001. Des milliers d’usines ont été abandonnées par les patrons qui ont foutu le camp les poches remplies de pognon. "The take", réalisé en 2004, relate le mouvement d’occupation d’entreprises par les travailleurs.
Samedi 8 juillet
Ateliers:
> A la lumière de la révolution espagnole: Anarchisme ou Socialisme ?
Guerre civile ou révolution ? Comment les captalistes en sont-ils arrivés à soutenir Franco? Front populaire ou front unique des travailleurs ? Quel rôle a joué l’URSS de staline ? Pourquoi la révolution espagnole a-t-elle échouée ?> Mai ‘68 et le parallèle avec la lutte contre le CPE
Des universités à la grève de millions de travailleurs en France…l’autorganisation des jeunes et des travailleurs ? Réformisme ou révolution ? Quel rôle a joué le PCF ? Pourquoi le mouvement contre le CPE n’a-t-il pas abouti à la Grève Générale ? Qu’est-ce qui a manqué pour obtenir une victoire complète contre Chirac, de Villepin et Sarkozy?> L’ expérience de la Guerre du Vietnam pour le mouvement antiguerre
Quelle similitude avec la guerre en Irak ? Pourquoi l’impérialisme américain a été forcé de retirer ses troupes ? Pourquoi le mouvement ouvrier irakien n’a pas la capacité d’organiser la résistance contre l’occupation, comme ce fut le cas au Vietnam? Quelle est la nature et le rôle des Al Sader, Zarqaoui & co. Va t-on vers une intervention militaire en Iran ?> La lutte pour le socialisme en Amérique Latine, de Che Guevara à aujourdhui !
Che Guevara: plus important que son portrait, quelles sont ses idées ? Guérilla ou action de masse ? Chili et Nicaragua, pourquoi le capitalisme n’a pas été renversé ? Chavez et Morales vont-ils résoudre les problèmes sociaux? Populisme de gauche ou socialisme ? Quelle solution pour les masses en Amérique latine ?Après Midi: Détente et Sport: natation et détente au bord de l’eau, Match de foot, Volleyball, pétanque,..
En soirée: BBQ
Nuit: Fiesta
Meeting: UNE NOUVELLE VOIE POUR LES JEUNES ET LES TRAVAILLEURS
Y en a marre de la politique néolibérale. Le PS et le SP.a participent à tous les mauvais coups contre les acquis sociaux. Ils ont particpé à la casse des pré-pensions. Quel parti a représenté les centaines de milliers de travailleurs en grève? Avec le Plan Vandenbroucke et le Plan Arena, le PS et le SP.a veulent que l’enseignement deviennent une marchandise au service des entreprises. Pour arrêter les plans d’austérité et faire reculer les partis fascistes, nous avons besoin d’un nouveau parti des travailleurs. Des initiatives ont été prises pour construire une nouvelle force à gauche du PS-Sp.a et d’Ecolo-Groen.
Dimanche 9 juillet. Nos Campagnes
DES EMPLOIS, PAS DE RACISME ! «Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme» Malcom X
Suite à la mort de Joe, un nombre important de remarques racistes ont été scandées par les politiciens. Le FN et le VB se régalent. Ce climat met en confiance les brutes fascistes pour exécuter leurs actes de violence comme à Anvers. Nous allons lutter contre la violence raciste, mais aussi contre ce système qui engendre le racisme. Les 4 grandes banques en Belgique ont fait un profit combiné de près de 10 milliards d’euros en 2005. Un petit groupe de capitalistes s’accaparent des profits exorbitants. Et cela tandis que la population est de plus en plus confrontée au manque de logements sociaux, à la désintégration du système d’éducation, à l’extension des emplois précaires et à l’affaiblisement du pouvoir d’achat. Le fossé entre riches et pauvres ne cesse de croître. Les patrons et leurs potes au gouvernement stimulent les idées racistes pour détourner l’attention sur cette contradiction. Le FN et le VB leurs emboitent le pas, et cachent les vrais profiteurs en pointant les immigrés comme responsables de la crise. Le racisme divise la jeunesse et les travaileurs. Cela affaiblit la capacité de riposte du mouvement ouvrier. Les politiciens traditionnels sont incapables d’arrêter l’extrême-droite. Au contraire, leur politique antisociale pousse toujours plus de gens à orienter leurs votes pour le VB ou le FN. Les partis fascistes sont les pires ennemis de la jeunesse et des travailleurs; ils veulent une politique néolibérale encore plus dure. Il nous faut une opposition de gauche crédible contre la politique antisociale. Nous voulons lancer une nouvelle campagne antifasciste du côté francophone ! BlokBuster apportera son expérience immense à sa construction et continuera ses actions en Flandre.
7% du PIB pour l’ enseignement !
Le plan Vandenbroucke, c’est une coupe sombre dans le budget de l’enseignement supérieur flamand. Actuellement, celui-ci est de 1,15 milliard d’euros alors que Dexia a réalisé un profit de 1,2 milliard d’euros en 2005. L’enseignement est un secteur sous-financé depuis des années. En 1980, 7% du PIB était consacré à l’enseignement. Aujourdhui moins de 5.6% du PIB y est encore consacré. Vandenbroucke veut appliquer la déclaration de Bologne et l’AGCS, un accord de l’OMC qui vise la privatisation de tous les services. Son plan vise à mettre les institutions en concurence sur le financement, ce qui les forcera à chercher des moyens dans le secteur privé et à reporter les coûts sur les étudiants. Pour accéder à l’université et aux écoles supérieures, on devra débourser des milliers d’euros pour les minervals comme aux Etats-Unis ou en Angleterre. Pour Vandenbroucke, la KUL doit devenir l’université réservée à l’élite. Une bonne partie des étudiants de Louvain n’auront ainsi plus accès à leur université. Certaines institutions seront plus accessibles que d’autres, mais cela se fera au détriment de la qualité de l’enseignement vu le manque de moyens. Les entreprises dicteront leurs lois aux institutions car celles-ci seront complètement dépendantes de leurs fonds. Du côté francophone, Arena propose un partenariat entre le public et le privé en ce qui concerne le financement des écoles. Pour le PS-SP.a, l’enseignement doit être centré sur le besoin des patrons et du marché du travail et non sur l’épanouissement de chacun. Le succès des manifestations à Bruxelles, Anvers et Gand a illustré que les étudiants et les membres du personnel ne sont pas dupes. Les délégués étudiants d’EGA et la délégation syndicale de la VUB ont joué un role moteur pour développer le mouvement.
Ateliers (Matin) :
> Qu’ est-ce que le Plan de Vandenbroucke? Un enseignement gratuit et de qualité pour tous: comment y arriver?
> Comment stopper la violence fasciste ? Comment combattre le racisme et le fascisme ?Ateliers (Après Midi) :
> Enseignement: Comment préparer au mieux la rentrée ? Après Bruxelles, Gand et Anvers, comment continuer?
> Comment construire une Nouvelle Campagne antifasciste en Wallonie ? Quels types d’ actions entreprendre ?Clôture: NOTRE CAMPAGNE D’ETE
LIEU? PRIX?
Le Camp jeunes se déroulera à ZANDVLIET
Le Camping se situe près d’Anvers, Train Anvers central: prendre le bus à la place Roosevelt
L’ accueil, l’inscription et l’installation des tentes débutera vendredi à 10h, il faut amener sa tente, son matelas, son sac de couchage.
Prix: 25 euros pour les trois jours, Cela comprend le logement, l’infrastructure et les repas
+ infos: 02.345.61.81 / 0472. 41.62.78
Paiement possible par versement: 001-2260393-78 avec la mention "Camp 2006"
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Venezuela, un an après le référendum. Quels dangers menacent la révolution maintenant?
Il y a un peu plus d’un an, le 15 août, le référendum visant l’éjection du président vénézuélien Chavez fut un échec retentissent grâce à la mobilisation des masses vénézuéliennes, particulièrement dans les villes-ghetto, à travers les « unités de combat » électorales et d’autres organisations de la révolution « Bolivarienne ». Cette défaite a ouvert une nouvelle phase dans le processus révolutionnaire. Mais comme Christine Thomas l’explique : même si les forces de l’opposition ont été sévèrement affaiblies, la menace de la contre-révolution subsiste.
Christine Thomas
L’élection de Chavez en temps que président en 1998 a représenté un rejet massif de la part des pauvres, des travailleurs et de certaines parties de la classe moyenne de la politique néo-libérale vicieuse orchestrée par l’establishment corrompu de la « quatrième république ». Son populisme anti-impérialiste/anti-néolibéral a radicalisé les couches les plus pauvres de la société vénézuélienne. Ils ont vu en Chavez un leader politique qui les représentait et qui parlait pour eux, plutôt que ces riches oligarques qui dilapidaient les richesses pétrolières : les laissant sombrer plus profondément dans la pauvreté. Sa victoire a créé l’espoir que leurs besoins désespérés d’emplois décents, de soins de santé, d’enseignement et de logements trouveraient enfin une solution. La classe dirigeante vénézuélienne et l’impérialisme américain, de l’autre côté, craignent que les masses déchaînées et radicalisées puissent exiger des mesures plus radicales, se mettent en mouvement dans une direction qui menacerait leurs intérêts. L’impérialisme américain, en particulier, craint l’instabilité dans un pays qui lui fournit 15% de ses besoins en pétrole. Le référendum de l’an dernier était la troisième tentative majeure par la classe dirigeante vénézuélienne, soutenue par l’impérialisme américain, pour éjecter Chavez et écraser toute menace potentielle que le mouvement pourrait poser au Venezuela et partout ailleurs en Amérique latine. Mais toutes les tentatives contre-révolutionnaires (le putsch du 11 avril 2002, le lock-out patronal de deux mois, la tentative de sabotage économique à la fin de la même année et enfin le référendum) ont été bloquées par l’action de masse des pauvres et des travailleurs qui se sont d’avantage radicalisés et dont les espoirs se sont largement développés.
Dans la période post-référendum, le rapport de force a temporairement glissé en faveur des masses. Les forces de l’opposition (l’élite financière, les partis politiques et leader syndicaux corrompus, l’église catholique, etc.) sont sorties de ces défaites divisées et démoralisées. Chavez, lui-même, a cherché initialement un arrangement avec l’opposition en leur demandant de travailler avec lui à la reconstruction du pays. Mais sous la pression des travailleurs et des pauvres, il s’est d’avantage radicalisé décrivant la révolution bolivarienne pour la première fois comme « socialiste », amorçant une réforme agraire et parachevant les premières nationalisations du régime. Au même moment, il a durci sa rhétorique anti-impérialiste, anti-US et ses actions dans la région.
Ce tournant à gauche a alarmé la classe capitaliste vénézuélienne et l’impérialisme américain. Ils craignent que les masses, voyant leurs espoirs croître, puissent pousser Chavez dans une direction encore plus radicale, minant leur contrôle économique. Puisque jusqu’à présent, les timides tentatives du régime Chavez avaient laissé ce contrôle largement intact. L’administration américaine a récemment attaqué Chavez au vitriol en l’accusant de soutenir le terrorisme en Colombie et de fomenter des révoltes en Bolivie, en Equateur et partout en Amérique Latine. La secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice a décrit Chavez comme « une menace majeure pour la région entière ». Les relations économiques croissantes avec Cuba de Chavez, dans lesquelles le Venezuela fournit de l’essence à bas prix en retour de médecins cubains etc, ont effectivement brisé l’embargo américain de l’île, lançant une bouée de sauvetage économique tellement nécessaire depuis la chute de l’Union Soviétique qui était son principal appui économique. Chavez est également vu comme un obstacle dans la stratégie américaine qui vise à faire de la Colombie une base de défense des intérêts US en Amérique Latine. Plus important : Chavez a cherché des marchés internationaux alternatifs pour l’essence vénézuélienne, signant des contrats avec la Russie, la Chine, l’Iran autant que d’autres pays latino-américain. Il a menacé d’exercer des représailles contre n’importe quelle agression US en coupant l’approvisionnement en pétrole et au cours de la conférence internationale de la jeunesse à Caracas au mois d’août, il a déclaré que le marché nord américain n’était pas vital pour le Venezuela. Bien qu’une bonne partie de cette rhétorique soit anti-impérialiste, confrontée à une situation déjà instable en Irak et au Moyen-Orient, l’impérialisme américain veut s’assurer que son approvisionnement en pétrole du Venezuela n’est pas menacé. Mais la marge de manœuvre de l’impérialisme US est actuellement limitée. Une combinaison de la faiblesse de l’opposition et des revenus énormes du pétrole à la disposition de Chavez pour financer les réformes sociales profitables aux pauvres (sa principale base sociale) signifie que la situation entre les forces en présence est dans une impasse et que cette situation pourrait être maintenue pour un moment.
Une invasion directe du Venezuela, comme en Irak, est hors de propos pour le moment. L’Irak a montré les limites de l’hégémonie américaine. Même si la capacité militaire américaine n’était pas déjà dépassée, une invasion du Venezuela serait extrêmement risquée, déclenchant une vague de résistance qui pourrait embraser l’ensemble des Amériques. L’impérialisme américain a donc été forcé à poursuivre dans une approche moins directe, reposant sur un travail dans l’opposition vénézuélienne et dans les forces réactionnaires en Colombie. En décembre de l’an dernier, les forces colombiennes en conjonction avec des sections des forces de sécurité vénézuéliennes sont intervenues directement au Venezuela pour kidnapper un leader de la guérilla FARC, donnant une indication claire de la manière dont ils pouvaient être utilisés pour créer la peur et l’instabilité à l’intérieur du pays. Il n’y a aucun doute sur le fait que certaines parties de l’administration américaine soutiennent l’appel du chrétien fondamentaliste de droite Pat Robertson à l’assassinat ou au kidnapping de Chavez pour amener un « changement de régime » au Venezuela (de telles actions ne peuvent être totalement écartées). Mais chaque mouvement réactionnaire a jusqu’ici donné une impulsion de gauche au processus révolutionnaire et chaque action prématurée pourrait pousser les masses dans une direction encore plus radicale.
Les parties les plus sérieuses et réfléchies de l’opposition ont donc tiré la conclusion que, après avoir été vaincus à chaque étape par le soutien à Chavez dans la masse de pauvres radicalisés, pour le moment ils n’ont d’autre choix que d’apprendre à « coexister » avec lui. Avec l’équilibre actuel des forces, chaque étape ouvertement contre-révolutionnaire dans le court terme, après celles qui ont été déjà tentées, risque d’accroître la radicalisation du mouvement et de provoquer des mesures qui pourraient menacer d’avantage leur contrôle de l’économie et l’appareil d’état. « Nous devons mordre la poussière de la défaite », a dit le gouverneur de l’état de Zulia quelques jours après le référendum. « Les deux Venezuela doivent se réconcilier, le Venezuela ne peut continuer dans le conflit », a déclaré le patron de Fedecamaras (principale organisation patronale).
En dépit de l’adoption d’un ton anti-Chavez moins strident, l’administration US semble poursuivre une stratégie à long terme d’épuisement du processus révolutionnaire et préparer un rapport de force qui leur serait plus favorable, avant de lancer des actions de plus grande ampleur contre Chavez.
Mais malgré cela, sans un mouvement décisif de la classe ouvrière et des pauvres vers une cassure avec le capitalisme et d’établissement d’un état ouvrier démocratique, la contre-révolution réussira par un moyen ou un autre à se ré-affermir. Cela pourrait venir sous une forme extra-parlementaire, un futur putsch victorieux, comme c’est arrivé au Chili en 1973, ou une contre-révolution électorale « démocratique » comme au Nicaragua en 1990. Cette victoire sous n’importe quelle forme signifierait un désastre pour les masses vénézuéliennes. La classe ouvrière vénézuélienne et les pauvres sont confrontés à une tâche urgente, utiliser ce « temps de respiration » pour construire un parti révolutionnaire qui peut fournir un programme qui pousserait le gouvernement en avant et complèterait la révolution socialiste.
Electoralement, les forces de l’opposition au Venezuela ont été complètement divisées entre une partie qui défendait l’abstention et l’autre qui contestait les élections. Où ils sont restés, ils ont subit défaites sur défaites. Après les élections d’octobre de l’an dernier, ils ne contrôlent plus que deux des 23 états que compte le pays et ont de plus perdu le contrôle de Caracas, la capitale. Aux élections locales et municipales, qui se sont tenues le 7 août de cette année, ils ont obtenu moins de 20% des sièges.
Le principal quotidien vénézuélien, détenu par des opposants de droite qui ont soutenu unanimement les forces de la réaction à chaque étape, a publié des articles commémorant l’anniversaire du référendum. Ils se sont concentrés sur ce qu’ils considèrent comme le besoin désespéré pour l’opposition « démoralisée, désorientée, manquant de direction » (El Nacional) de s’unir pour fournir une alternative électorale crédible aux « chavistas ». Avec les élections parlementaires attendues pour la fin de l’année et les élections présidentielles en décembre 2006, l’opposition se prépare à de futures défaites électorales.
Chavez lui-même caracole à 70% d’approbation dans les sondages (l’un des taux les plus hauts de sa présidence). Durant le festival international de la jeunesse, il a parlé confidentiellement de rester en politique jusqu’en 2030 ! Sa confiance a été boostée par les victoires électorales et par le prix élevé du pétrole sur le marché mondial. Le pétrole représente 85% des exportations vénézuéliennes, un quart du PIB et plus de la moitié des revenus du gouvernement. En 2004, les exportations de pétrole ont généré un revenu de 29$ milliards, pour 22$ milliards en 2001 et la somme semble fortement augmenter cette année. Cette énorme aubaine réalisée par le pétrole a permis à Chavez de maintenir et d’accroître les dépenses des « misiones », les programmes de réformes sociales de bien-être qui ont été démarrées en 2003 et largement orientées vers les plus pauvres. Les avantages de ces réformes sont clairement visibles dans les rues des zones les plus pauvres de Caracas. Une superbe nouvelle clinique ou un supermarché d’état Mercal (Mercado de Alimentacion) qui vend de la nourriture de base subsidiée qui se distinguent facilement des immeubles et des infrastructures en ruine des « barrios », les bidonvilles vérolés de pauvreté situés à deux pas de zones d’opulence comme Altamira où vit l’élite.
Selon les chiffres du gouvernement, 300.000 Vénézuéliens ont surmonté l’analphabétisme (9% des plus de dix ans), deux millions vont à l’école primaire, secondaire et supérieure, et 17 millions ont maintenant accès aux soins de santé de première nécessité grâce aux « misiones ».
Malgré ces améliorations sociales visibles, une pauvreté noire pourrit encore la vie de millions de Vénézuéliens. 60% des ménages étaient pauvres en 2004, pour 54% en 1999. Même si l’état contrôle les prix de la nourriture de base, l’inflation grimpe à 15-20% et qu’un Vénézuélien sur deux ne dispose pas d’un logement adéquat. Selon un sondage d’opinion récent, le chômage est le problème principal dans la société. Il y a eu des améliorations dans les boulots, à travers des initiatives comme « Vuelvan Caras » , le plan d’état de création d’emplois, principalement dans les coopératives et dans les petites entreprises. Mais 14% de la population reste toujours sans emploi et des millions de personnes sont toujours confrontées à l’insécurité et à l’exploitation dans le secteur informel (comme les vendeurs de rue, les chauffeurs de taxi, etc.).
Si cela est la situation de la majorité des travailleurs et des pauvres au Venezuela alors que le prix du pétrole est à un niveau si élevé, il est clair que les espoirs des masses ne pourront se concrétiser dans le cadre du capitalisme. Le magazine britannique de droite The Economist résume clairement la situation lorsqu’il écrit : « quand les revenus du pétrole chuteront, tombera dans un enfer de récession et d’inflation »(25 août 2005).
C’est ce qui est arrivé au Nicaragua. Après la révolution de 1979 qui avait éjecté le dictateur détesté Somoza, les Sandinistes avaient le contrôle de l’appareil d’état. Ils ont nationalisé jusqu’à 40% de l’économie, mais le reste est resté dans les mains de la classe capitaliste qui a utilisé son contrôle économique pour saboter l’économie. Combiné avec la guerre des contras, subventionnée par l’impérialisme US, l’économie plongea dans une crise avec une inflation qui explosa jusqu’à 3600% et un niveau de vie qui périclita de 90% !
A cause de la démoralisation des masses due à la crise économique, la droite vainquit les Sandinistes aux élections présidentielles de 1990 et poursuivit depuis lors une politique néo-libérale vicieuse à l’encontre des travailleurs et des pauvres nicaraguayens. Si la classe ouvrière au Venezuela n’exproprie pas les monopoles restés dans les mains des capitaliste vénézuéliens et étrangers, si elle n’applique pas une planification de la production sous contrôle démocratique, la crise économique et l’incapacité à satisfaire les besoins des masses mèneront à la démoralisation et à la démobilisation du mouvement, balisant la route pour une victoire de la réaction. Cela serait alors utilisé pour ouvrir une nouvelle ère de répression brutale, en vue de recouvrir un contrôle total de l’économie et de l’état, avec bien sûr une atomisation des organisations et des droits de la classe ouvrière.
Le haut taux d’abstention (70%) dans les élections locales et régionales du mois d’août représente un avertissement pour le futur. Il est vrai qu’historiquement le taux de participation aux élections locales vues comme en dehors des préoccupations de la plupart des Vénézuéliens a toujours été bas. Une partie de l’opposition appelait également les gens à ne pas voter. Malgré cela, le niveau d’abstention dans les zones pro-Chavez était très élevé alors qu’il avait lui-même souligné l’importance, pour ses partisans, de se mobiliser en masse. Bien que le taux de participation soit susceptible d’être beaucoup plus haut dans des élections parlementaires et présidentielles, des signes de mécontentement commencent à arriver à l’encontre des troupes du mouvement bolivarien. Des activistes étaient mécontents du remplacement bureaucratique de candidats de base par des candidats inconnus des gens des communautés locales. Lors des élections d’octobre de l’an dernier pour le mayorat et le gouvernement d’état, des candidats dissidents se sont présentés contre les candidats officiellement chavistes. Dans les élections locales, des partis pro-Chavez perçus comme plus « radicaux » comme le Parti Communiste Vénézuélien et le mouvement Tupamaros ont augmenté leur nombre de votes dans certaines régions. Le mécontentement, où il existe, ne vise pas principalement Chavez, qui bénéficie encore d’une autorité et d’un soutient immense dans les masses, mais plutôt la bureaucratie qui l’entoure, perçue comme une cassure avec les réformes radicales que ce soit à travers l’inefficacité, la corruption ou le sabotage conscient. Une femme qui protestait contre les actions d’un leader dans l’état de Anzoategui a résumé le sentiment d’une couche d’activistes lorsqu’elle a dit : « Président, ouvrez les yeux… beaucoup de ceux à vos côtés sont en train de vous décevoir. Ecoutez la voix du peuple »(El Nacional).
La direction du mouvement bolivarien est extrêmement hétérogène. Pour parler franchement, une aile est plus en contact avec les masses et reflète l’atmosphère qui y règne, il y a donc une pression pour qu’elle continue les réformes radicales. L’autre aile, réformiste et pro-capitaliste, dont certains membres ont des contacts avec les forces de l’opposition, essaye à chaque étape de retenir le mouvement et de l’empêcher d’aller dans une direction plus radicale. Ces divisions se sont aiguisées depuis la défaite du référendum. Chavez lui-même a balancé entre ces différentes forces de la société. Sa prise de position la plus récente à « gauche » a été une réponse à la demande d’actions plus radicales de la part des masses. Il a signé un décret nationalisant VENEPAL (l’entreprise de papier en faillite), par exemple, après que les travailleurs aient lancé une lutte déterminée en conjonction avec la communauté locale en occupant l’usine et en demandant sa nationalisation. Depuis janvier, Chavez a qualifié la révolution bolivarienne de socialiste, ceci représentant un développement significatif. La question du socialisme commence à s’ancrer dans la conscience d’une partie des étudiants, des travailleurs et des pauvres. Dans un récent sondage organisé par l’ « Instituto Venezolano de Analisis de Datos », 47,8 % des personnes interrogées déclaraient qu’elles préfèreraient un gouvernement socialiste alors que seulement 22,7% opteraient pour un gouvernement capitaliste.
Mais Chavez n’a pas une idée claire sur ce qu’ il veut dire par socialisme ni sur la manière d’y arriver. Il parle vaguement de « socialisme au 21ème siècle » qui serait un ‘nouveau type’ de socialisme et il a aussi appelé à son peuple à se débarrasser des vieux préjugés concernant la signification du socialisme. On pourrait interpréter cela comme un rejet du stalinisme. Mais en même temps, Chavez est en train de renforcer ses liens économiques et diplomatiques avec Fidel Castro à Cuba. Il complimente le merveilleux service de santé cubain, dont beaucoup de vénézuéliens sont en train de profiter grâce aux docteurs cubains travaillant au Venezuela, grâce à la formation de docteurs vénézuéliens et aux patients qui sont envoyés à Cuba pour des opérations. Mais en fait Chavez n’est pas critique du tout sur la nature bureaucratique du régime cubain et sur l’absence de véritable démocratie ouvrière.
Chavez pourrait-il devenir un « second Castro » comme le craingnent une partie de la classe dirigeante vénézuélienne et l’impérialisme américain ? Théoriquement une telle perspective ne pourrait pas être complètement exclue. Arrivé au pouvoir en 1959, Castro n’a pas décidé consciemment de nationaliser l’économie cubaine mais il a pris cette direction en réaction au blocus US et à la pression des masses cubaines. Mais vu que la classe ouvrière n’était pas consciemment à la tête de la révolution, le résultat fut la création d’un état ouvrier déformé, où le capitalisme et le féodalisme ont été éliminés mais où la société était toujours contrôlée du sommet vers le bas par une caste bureaucratique. Le contexte international actuel, après la chute de l’ Union Soviétique, est très différent du temps de la révolution cubaine quand Cuba était soutenu matériellement par la bureaucratie soviétique et ce pour des raisons stratégiques. Quoiqu’il en soit, il n’est pas inconcevable que les masses du Venezuela puissent spontanément prendre possession des usines et de la terre, forçant ainsi Chavez à nationaliser de larges pans de l’économie. Mais un tel régime serait extrêmement instable.
La révolution serait très certainement vaincue à un certain moment par les forces de la réaction sauf si la classe ouvrière est consciente du rôle qu’elle a à jouer, non seulement en expropriant la classe capitaliste, mais aussi en formant des comités élus démocratiquement qui pourraient faire tourner l’industrie, mettre en place un plan démocratique de production et créer les bases pour un Etat ouvrier dont le programme serait capable d’élargir la révolution à l’Amérique latine et internationalement. C’est pourquoi la lutte pour une véritable ‘politique étrangère’ internationale de la classe ouvrière est si importante aujourd’hui ; soutenant, par exemple, des liens économiques avec Cuba mais utilisant cela pour encourager une réelle démocratie ouvrière au sein du pays et pour étendre la révolution internationalement comme le seul réel moyen de défendre ces acquis qui ont déjà été obtenus.
La réaction de Chavez à de futurs évènements aura bien sûr un gros impact sur la façon dont les développements se déroulent, particulièrement dans une situation de ralentissement économique. Pour le moment il est en train de répondre d’une façon limitée à la radicalisation des masses et il pourrait aller plus loin dans cette direction. Malheureusement, il y a de nombreux exemples de dirigeants honnêtes qui malgré leur bonnes intentions, une fois confrontés avec la ‘logique’ du marché capitaliste qui se sont mis à réprimer les ‘demandes excessives’ des travailleurs.
Dans une situation où d’autres options sont trop risquées, une partie de la classe capitaliste du Venezuela s’appuie sur le mouvement de l’aile pro-capitaliste pour freiner les réformes radicales et pour être potentiellement capable de reprendre les acquis de la classe ouvrière et des masses pauvres. Ils préparent ainsi la voie pour une défaite du processus révolutionnaire et pour la victoire de la contre-révolution.
Il est vrai qu’ils n’ont pas la même autorité au sein de la classe ouvrière et des masses pauvres qu’avaient les sandinistes au Nicaragua après la révolution de 1979 ou qu’avaient les partis socialistes et communistes au Portugal en ’75. Quoiqu’il en soit, si la classe ouvrière n’achève pas complètement la révolution au Venezuela et que la démoralisation s’installe, cette aile pourrait jouer un rôle important en freinant le mouvement et posant les bases pour le triomphe de la réaction capitaliste. Leur façon de définir le socialisme est relativement claire – une économie « mixte » où quelques compagnies d’états et coopératives existent mais dans laquelle les leviers économiques principaux restent dans les mains de la classe capitaliste du Venezuela et étrangère. Chavez parlait récemment d’enquêter sur l’éventuelle expropriation de 136 à1149 entreprises. Mais en réalité toutes ses compagnies étaient en faillite, fermées ou en passe de le devenir. Le ministre de l’industrie a éclairci cette position en déclarant que la nationalisation ne prendrait place que dans des « cas extrêmes », qu’il n’y aurait pas de « vagues d’expropriations » et que les firmes capitalistes ainsi que la « production sociale » pouvaient coexister. De même, la redistribution de 13 000 hectares de terres appartenant au Lord Vesty marquait un pas en avant dans la réforme agraire alors qu’auparavant, seule la terre appartenant à l’Etat avait été redistribuée aux pauvres des campagnes. Mais à ce stade, le gouvernement n’envisage de distribuer que de la « terre non fertile ».
Quoiqu’il en soit, 158 paysans ont été tués depuis 2000 quand la loi sur la terre a été votée, démontrant que même face à des réformes limitées, les grands propriétaires terriens résisteront brutalement, aidés dans certains cas par les paramilitaires de droite Colombiens.
Utilisant un langage révolutionnaire, les coopératives sont présentées comme l’embryon de la société socialiste. 79000 coopératives ont été créées les 6 dernières années, majoritairement dans le secteur des services et de l’agriculture. Elles ont eu un certain effet dans la réduction du chômage, qui ne pourra être que temporaire. Ces coopératives sont toujours complètement dans le marché capitaliste avec des compagnies privées et seront dévastées par la crise économique. Beaucoup de ces coopératives en réalité fonctionnent comme des compagnies privées, exploitant la force de travail et dénigrant les droits des travailleurs. Il y a de nombreux exemples d’employeurs privés qui « déguisent » leur entreprise en coopérative afin de recevoir des subsides de l’Etat. En même temps, Chavez encourage « le co-management » des industries d’Etat ainsi que des industries privées. « Ceci est la révolution. Ceci est le socialisme », voilà ce qu’il déclara récemment quand il fit crédit à des taux d’intérêt bas à des patrons de petites entreprises privées qui acceptaient d’introduire des représentant des travailleurs dans les conseils d’administration de leur compagnie.
Une fois de plus, le ministre de l’industrie utilise clairement cette cogestion, ou participation ouvrière, comme une collaboration de classes pour tromper les travailleurs, augmenter l’exploitation et booster les profits de la classe capitaliste, comme cela a été fait dans des pays comme l’Allemagne. Il déclara : « Il y a une interprétation faussée de ce que signifie la cogestion ». « L’idée est de faire participer les travailleurs à la gestion de l’entreprise, non pas de leur en laisser le contrôle, mais plutôt d’aider à éviter des tensions et des contradictions inutiles. » (El Nacional).
Chavez, ne voulant pas se confronter à l’économie capitaliste et au pouvoir d’Etat, met en application des contrôles partiels et essaie d’éviter les structures économiques existantes et l’appareil d’Etat. Donc par exemple, en plus des coopératives, il a créé une compagnie aérienne d’Etat, une compagnie de téléphone d’Etat, une station télé d’Etat, et des supermarchés d’Etat vendant des produits basiques jusqu’à 30 % moins chers que dans le secteur privé. Tout ça avec l’intention de rivaliser avec les monopoles privés.
Ces mesures partielles comme les contrôles des prix sur les aliments de base et les contrôles sur les échanges, servent à rendre la bourgeoisie furieuse, et à augmenter leur détermination à éviter les futurs empiètements sur leur pouvoir économique et sur l’état.
En même temps, en laissant les grandes entreprises monopolistiques, les banques et les institutions financières, les journaux, etc… dans les mains du privé, il est impossible de planifier démocratiquement l’économie afin d’assouvir les besoins des masses. De plus, la classe dirigeante reste capable de saboter l’économie et de miner le mouvement. Il y a eu une certaine réorganisation du personnel au sommet de l’armée, de la justice, du collège électoral et d’autres institutions d’Etat, mais , sans des élections et le droit de révocation de tous ceux qui ont une position dans l’appareil d’Etat, ainsi que l’existence d’un parti socialiste de masse contrôlant constamment l’Etat, de nouveaux points de soutien à la réaction capitaliste peuvent être générés, même au sein de ceux qui soutiennent Chavez aujourd’hui.
La classe capitaliste fera clairement tout ce qu’elle peut pour abattre toutes les mesures qui ont été introduites à la demande des masses. Ils utilisent les médias et font pression sur l’aile pro-capitaliste du gouvernement de Chavez pour poursuivre des politiques sociales et économiques plus « réalistes », afin de conquérir les 4 millions de personnes qui ont voté contre Chavez lors du référendum pour sa révocation et afin de ne pas effrayer les investisseurs étrangers. Chavez a lui même encouragé des joint ventures entre du capital étranger et la compagnie pétrolière d’Etat PDVSA. En fait, les multinationales comptent déjà pour plus ou moins 50 % de la production pétrolière au Venezuela, pendant que la production de la PDVSA a, elle, diminué de moitié depuis l’ élection de Chavez, en ’98. Il est vrai que même un Etat ouvrier sain pourrait être forcé de signer des accords économiques et de commerce avec des pays capitalistes ou des compagnies étrangères si la propagation de la révolution internationale était temporairement retardée. Mais cela serait fait sur base d’un plan démocratique de production, d’un monopole d’Etat des exportations et d’une politique consciente d’élargissement de la révolution en appelant la classe ouvrière internationalement.
Maintenant, en partant d’une politique de préservation du capitalisme, des accords sur des investissements étrangers et sur les commerces seront utilisés pour miner et faire dérailler la révolution. Il y eut un nouvel avertissement quand Chavez a récemment accepté un accord commercial de vente d’armes avec le gouvernement espagnol, le ministre des affaires étrangères de celui-ci, défendant l’accord en réponse aux critiques US en expliquant « le rôle que l’Espagne pourrait jouer au Venezuela pour la satisfaction de Washington, en mettant un frein aux rêves de Chavez d’étendre sa révolution bolivarienne à d’autres pays dans la région » (El Pais, 9 Mai).
La classe ouvrière, du fait de son rôle dans le processus de production et de son pouvoir collectif potentiel, est la clef capable de mener à bien la révolution socialiste au Venezuela et de vaincre les forces de la réaction. Mais, bien que la classe ouvrière ait été impliquée dans le mouvement de masse dans les moments les plus cruciaux, elle n’a été qu’un élément parmi d’autres. La classe ouvrière n’a pas été consciente de son propre pouvoir ou de la responsabilité qu’elle a de diriger les masses pour transformer la société. A différents moments, Chavez a encouragé la participation des masses mais cela avec des limites strictes. Et sans un programme clair pour faire avancer le processus révolutionnaire, le mouvement risque de stagner et de se démobiliser. Chavez n’a pas encouragé, en particulier, l’indépendance d’action des travailleurs. Pendant, par exemple, une récente grève des travailleurs du métro de Caracas, un conseiller de Chavez a demandé que les grèves soient interdites dans le secteur public et Chavez lui même a menacé d’envoyer la garde nationale contre les grévistes. La tâche principale d’un parti révolutionnaire au Venezuela n’est pas de conseiller Chavez sur la façon de diriger la révolution mais de renforcer et d’étendre les organisations de la classe ouvrière ainsi que de mettre en avant des revendications qui augmenteront la confiance des travailleurs dans leur capacité à changer la société ainsi qu’en augmentant leur compréhension de ce qui est nécessaire à chaque étape d’un processus révolutionnaire. Cela devrait inclure une explication sur la façon dont la classe dirigeante utilisera la cogestion pour défendre ses propres intérêts et sur la nécessité de construire et de renforcer les comités de travailleurs qui seuls pourraient être capables de mettre en application un contrôle réel et une gestion ouvrière des lieux de travail comme un pas en avant vers une planification démocratique de toute l’économie. Des éléments de contrôle ouvrier existent déjà sur certains lieux de travail. Dans la compagnie d’Etat de production d’aluminium ALCASA, par exemple, les travailleurs élisent ceux qui gèrent l’entreprise, ceux-ci ne reçoivent que l’équivalent de leur salaire précédent (comme ouvrier) et peuvent être révoqués. Un récent meeting national des travailleurs, convoqué pour discuter de la cogestion et du contrôle ouvrier a accepté : « d’inclure dans les propositions pour une cogestion révolutionnaire que la compagnie doit être la propriété de l’Etat, sans distribution des actions aux travailleurs, et que chaque profit doit être réparti selon les besoins de la société à travers des conseils de planification socialiste. Ces conseils de planification socialiste doivent être compris comme les organes qui mettent en application les décisions des citoyens réunis en assemblée ». Un véritable programme socialiste révolutionnaire devrait appeler à une démocratisation des organisations de la révolution bolivarienne, à la formation et à l’extension de comités d’entreprises démocratiques et de lier ceux-ci aux comités élus dans les quartiers, dans les forces armées, et ce au niveau local et national.
En plus de tout ça, des forces de défense ouvrière doivent être formées pour défendre le mouvement contre la réaction. Chavez a reconnu la nécessité de défendre la révolution contre l’agression impérialiste et il a doublé les réserves de l’armée, mis sur pied « des unités de défense populaire » sur les lieux de travail et dans les campagnes. Mais tout cela sera sous son propre commandement et non sous le contrôle démocratique des organisations de la classe ouvrière et des masses pauvres. La solidarité des travailleurs dans le reste de l’Amérique latine et internationalement est aussi un moyen vital de défense. De son point de vue, Chavez est un internationaliste. En imitant son héros, Simon Bolivar, il se voit lui même comme le dirigeant de l’alliance anti-impérialiste en Amérique latine et il utilise le pétrole et les revenus du pétrole pour promouvoir ses objectifs. On voit de récentes initiatives comme par exemple le lancement de Télésur, une compagnie de télé continentale, ainsi que Pétrosur et Pétrocaribe, qui sont des accords avec différents pays d’Amérique Latine et des Caraïbes autour de l’exportation, de l’exploitation et du raffinage du pétrole. Il a aussi utilisé l’argent du pétrole pour racheter la dette de l’Argentine et de l’Equateur en « solidarité » contre les marchés financiers internationaux. Mais Chavez s’est orienté principalement en direction de dirigeants qui appliquent une politique néo-libérale, plutôt que d’en appeler à la classe ouvrières et aux masses pauvres. Le président brésilien Lula, par exemple, a appliqué des politiques d’attaques contre la classe ouvrière et son parti est mêlé à un sérieux scandale de corruption.
De plus, durant une récente visite, Chavez a félicité Lula et a interprété ce scandale de corruption comme une « conspiration de droite ».
Chavez est accusé par l’impérialisme d’exporter la révolution à d’autres pays d’Amérique Latine. Mais quand des travailleurs du secteur pétrolier sont partis en grève dans deux Etats d’Amazonie en Equateur en août dernier, demandant que plus de ressources soient investies dans les communautés locales et qu’une compagnie pétrolière US soit virée du pays, Chavez a effectivement joué le rôle de casser la grève, prêtant du pétrole au gouvernement équatorien pour compenser la « perturbation » que les grévistes ont entraînés sur les réserves. En opposition à tout cela, après le passage de l’ouragan Katrina, on a perçu comment une véritable politique internationale de solidarité parmi la classe ouvrière pourrait être menée. Comme Chavez, un gouvernement ouvrier démocratique aurait immédiatement offert de l’aide tout en exposant comment le capitalisme place les profits avant les vies des plus pauvres dans la société, et comment l’impérialisme US est totalement incapable de répondre aux besoins des travailleurs américains en temps de crise ainsi que dans des temps « d’accalmie ». En même temps, il aurait créé des liens avec la classe ouvrière et les organisations des communautés aux Etats Unis pour promouvoir le contrôle démocratique de la distribution de l’aide dans les régions affectées, renforçant ainsi la confiance et la conscience de la classe ouvrière américaine.
L’Amérique Latine est un continent en révolte. La victoire d’une révolution socialiste démocratique au Venezuela aurait un impact électrique sur la classe ouvrière et sur les masses pauvres de la région et cela aux Etats-Unis même. La classe ouvrière vénézuélienne est maintenant face au défi de construire et de renforcer leurs organisations, ceci incluant la création d’un parti révolutionnaire de masse avec un programme qui sera capable d’assurer la victoire de la révolution dans sa lutte contre la contre-révolution.