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  • [DOSSIER] Le capitalisme en crise : le cauchemar de l’idéologie néolibérale

    Les «Chicago Boys» complotent, avec le soutien des États-Unis, la politique économique du général Pinochet.

    Le débat se poursuit sur la manière dont le capitalisme entend tenter de s’extraire de la crise actuelle. Le néolibéralisme a causé des dommages incalculables à l’économie mondiale.

    Par Bill Hopwood, Socialist Alternative (ISA – Canada)

    La classe dirigeante de la société capitaliste entend garder le contrôle de la situation grâce à un mélange de répression, d’idéologie et d’approvisionnement matériel de la population qu’elle dirige. La répression est à elle seule coûteuse et inefficace à long terme pour garder le pouvoir. Les dirigeants doivent généralement assurer une certaine protection matérielle et un certain approvisionnement de la société, qu’il s’agisse de maintenir les habitants d’une ville ou d’un pays relativement à l’abri de la faim ou d’une mort prématurée. Par le passé, l’idéologie, souvent mêlée à la religion, fut un facteur crucial pour justifier la domination des dirigeants.

    Le capitalisme a utilisé l’augmentation du niveau de vie – ou du moins l’espoir d’une amélioration future – comme pierre angulaire de sa domination. L’idée de « progrès », tant en matière de niveau de vie que de droits humains, fut la clé de l’ascension de la classe capitaliste. Elle a perduré pendant une bonne partie du XXe siècle.

    En raison de la baisse des profits et des vagues de luttes sociales dans les années 1960 et 1970, la classe capitaliste s’est éloignée des politiques d’après-guerre, décrites comme keynésiennes, et est passée au néolibéralisme. L’objectif était d’affaiblir le pouvoir de la classe ouvrière et d’augmenter les profits. Cela a nécessité des attaques contre les syndicats et des modifications de législation. Pour réussir le passage au néolibéralisme, il fallait également saper les idées nées de la croissance économique de l’après-guerre. L’État ne devait plus fournir de filet de sécurité sociale ni agir pour protéger la société, les personnes vulnérables ou l’emploi. L’Etat n’avait jamais réellement fait tout cela durant l’après-guerre, mais cette idée était largement répandue. Avec le néolibéralisme, c’était au « marché » de fournir ce dont la société avait besoin, mais à la condition qu’il soit « libéré » de l’ingérence de l’État.

    La promesse du paradis néolibéral

    « La bureaucratie étouffe la croissance économique et la création d’emplois ». « Les réductions d’impôts créent des emplois. » « On peut augmenter la capacité des soins de santé avec des entreprises privées. » « Le secteur privé doit fournir à ses clients des biens et des services de qualité. » « La privatisation augmente l’offre et le choix. » « Le libre-échange aide tout le monde. » « L’innovation est un mot étranger au secteur public. » « Les employés du secteur public ne veulent pas du changement. » « Le secteur privé est la seule source de création de richesse dans notre société. » « Un petit gouvernement stimule l’économie. » « La propriété privée est le protecteur le plus efficace de l’environnement. » « Nous ne voyons pas de problème au fait que les gens s’enrichissent sans limite. » « La société n’existe pas, il n’y a que des individus et des familles. »

    Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses déclarations utilisées pour soutenir l’attaque du néolibéralisme contre les conquêtes passées de la classe ouvrière. Le néolibéralisme a lancé une offensive idéologique pour remplacer les idées qui avaient bénéficié d’un large soutien dans la société pendant le boom de l’après-guerre, du moins dans les principaux pays capitalistes.

    Gagner le soutien de l’opinion publique en faveur du néolibéralisme

    Il a fallu bien du temps et des événements pour saper les idées de l’après-guerre sur le plein emploi, l’État providence et l’importance des services publics. La première expérience du néolibéralisme a été imposée par une dictature militaire brutale, sans aucune tentative de gagner un soutien idéologique, après le coup d’État au Chili en 1973 qui a renversé le gouvernement de gauche d’Allende.

    À ses débuts, le néolibéralisme n’avait même pas de nom convenu, ce terme était utilisé au même titre que le monétarisme, le néo-conservatisme ou les programmes d’ajustement structurel. Avec les élections de Thatcher en Grande-Bretagne en 1978 et de Reagan aux États-Unis en 1980, le néolibéralisme a acquis une base importante et a intensifié ses revendications et ses actions idéologiques.

    Les néolibéraux ont exploité les failles des services publics, souvent minés par des coupes budgétaires délibérées, et leur gestion bureaucratique dépourvue de contrôle démocratique imposée par les capitalistes. Le soutien du public a également été gagné par des gains modestes immédiats annonciateurs d’une grande douleur à long terme.

    Ainsi, d’énormes réductions d’impôts pour les riches et les grandes entreprises ont été combinées à de petites réductions d’impôts pour les travailleuses et les travailleurs. Ces derniers bénéficiaient de cette enveloppe de quelques dollars quelques années durant, pour la payer plusieurs fois lorsque leurs enfants entraient à l’université par exemple, puisque les frais d’éducation avaient grimpé en flèche.

    Parallèlement aux réductions d’impôts, les services publics ont été réduits, de sorte que les travailleuses et travailleurs se sont retrouvés plus tard confrontés à des services de qualité inférieure ou à une augmentation des tarifs. L’offre de logements sociaux a été réduite, ce qui a entraîné une augmentation des loyers et des prix de l’immobilier. Thatcher a vendu les maisons communales à moitié prix aux locataires. C’était une aubaine pour les locataires existants, mais en conséquence, la pénurie de loyers abordables est incroyable et les listes d’attente s’allongent sans cesse. Parfois, lors de la privatisation des biens publics, les travailleuses et travailleurs ont reçu quelques actions, mais les suppressions d’emplois ont suivi.

    Cette victoire du néolibéralisme n’était toutefois pas une fatalité. La classe ouvrière a souvent résisté et repoussé des attaques. Ce n’est qu’après l’effondrement de l’Union soviétique et du stalinisme, à la fin de l’année 1991, que le néolibéralisme a connu son envol. Bien que l’Union soviétique ait été une dictature bureaucratique, elle a démontré qu’il est possible de faire fonctionner une économie en dehors du cadre du capitalisme. Elle offrait une alternative à l’exploitation impérialiste brutale dans le monde néocolonial. C’est après l’effondrement de l’URSS que l’ANC en Afrique du Sud (le parti de Mandela) a accepté la domination capitaliste.

    La classe capitaliste a affirmé que l’Union soviétique était socialiste et qu’elle avait été vaincue. Une idée, l’espoir d’une alternative, qui avait brûlé pendant plus de 150 ans, était terminée. Les capitalistes étaient triomphants, ils avaient gagné et proclamaient la « fin de l’histoire ». Il n’y avait pas d’alternative au capitalisme. La plupart des dirigeants du mouvement ouvrier au sein des syndicats et des partis ouvriers était déjà en recul face à l’assaut idéologique. Ils ont alors abandonné toute résistance et accepté le capitalisme comme seul système économique possible.

    L’effondrement de l’Union soviétique et l’ouverture de la Chine à l’économie mondiale ont également donné au capitalisme une impulsion économique temporaire en lui offrant de nouveaux marchés et une source idéale de main-d’œuvre : peu rémunérée, qualifiée et disciplinée. Aujourd’hui, 30 ans plus tard, cela a pris fin, la Chine étant devenue un rival majeur des anciens pays capitalistes établis.

    Des décennies d’expérience

    Au cours des trente dernières années, le néolibéralisme a régné en maître, imprégnant toutes les couches de la société. Même dans le secteur public, la culture a changé : les patients sont maintenant des clients et les élèves et parents des consommateurs d’un « produit éducatif » plutôt que des citoyens ayant des droits. L’une des idées-phares était que la privatisation améliorerait les services et élargirait le choix. Cela a peut-être élargi le choix pour celles et ceux qui ont de l’argent, mais pas pour toutes et tous.

    En Grande-Bretagne, les transports publics ont été privatisés, ce qui a entraîné une détérioration et une augmentation du coût des services, qui dépendent d’importantes subventions publiques. Au départ, même les voies ferrées ont été privatisées. Cependant, cela a entraîné un manque d’entretien et plusieurs accidents, de sorte que l’infrastructure a été reprise par le secteur public. Des sociétés concurrentes exploitent les chemins de fer et appliquent des tarifs différents, même sur les mêmes lignes, et sans que les billets ne soient valables sur toutes les lignes. Dans les villes, le transport en commun intégré s’est désintégré. Les bus et les tramways sont en concurrence, opérant parfois sur les mêmes lignes et sans billets standard.

    Le « choix » dans les écoles aux États-Unis et en Grande-Bretagne a conduit à déconnecter les écoles de la communauté locale, à augmenter les déplacements en voiture à travers la ville et à accroître les inégalités car l’argent va aux « meilleures » écoles. Partout, les systèmes de santé publique ont été érodés par la privatisation de plus en plus fréquente du service, avec tous les résultats désastreux révélés par la crise sanitaire actuelle.

    Après la privatisation, les anciens services publics – eau, électricité, gaz, téléphone, etc. – ont généré d’importants profits pour les actionnaires, mais le service à la collectivité a été réduit. Les appels au service clientèle sont presque toujours mis en attente, car les entreprises « connaissent toujours un volume d’appels élevé ».

    L’une des idées les plus insidieuses du néolibéralisme est celle de la responsabilité individuelle. Vous ne trouvez pas de travail ? C’est de votre faute. Votre enfant a de mauvaises notes ? C’est de votre faute. Vous tombez malade ? C’est de votre faute. C’était la conclusion logique de l’adage de Thatcher : « La société n’existe pas ». Cette logique ignorent clairement le racisme systémique, la pauvreté et la discrimination, ainsi que l’inégalité d’accès à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé.

    Parallèlement à cette idée, on affirme que les gens réussissent grâce à leur propre travail et à leurs propres efforts. On prétend ainsi qu’il n’y a pas de discrimination, car de nombreux pays sont aujourd’hui des sociétés multiculturelles, afin que les meilleurs et les plus brillants de tous les milieux puissent réussir. Ainsi, les femmes peuvent briser le plafond de verre, un noir peut devenir président des États-Unis. La réussite d’un individu ne change toutefois pas la réalité de la majorité des femmes ou des noirs aux États-Unis. En fait, ce point de vue condamnait celles et ceux qui ne réussissent pas.

    Il est vrai que pendant l’ère néolibérale, les personnes LGBTQIA+ ont bénéficié d’avantages juridiques. Cependant, même ces gains résultent de luttes importantes et ces avancées sont légales et individuelles, et non économiques ou collectives. La plupart des avancées juridiques et économiques pour les femmes et les personnes de couleur ont été obtenues plus tôt, lors des luttes des années 1960 et 1970.

    Un autre mythe du néolibéralisme est que la mondialisation et les accords commerciaux devaient rassembler les gens, surmonter l’État-nation et sortir les gens de la pauvreté. L’Union européenne a propagé cette idée, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les jeunes Britanniques ont décidé de rester dans l’UE. Cependant, la libre circulation des personnes au sein de l’UE est liée à l’Europe-Forteresse meurtrière (notamment en Méditerranée).

    Dans l’ensemble, l’expérience de l’inégalité croissante, de la baisse de la qualité et du coût des services et toutes les autres réalités du néolibéralisme ont sapé l’adhésion idéologique des travailleuses et des travailleurs. La Grande Récession de 2008-2009 a fait voler en éclats toutes ces illusions et a montré que la classe capitaliste avait effectivement besoin de l’État et d’être massivement renflouée par celui-ci. L’assistance sociale aux entreprises et aux riches en somme.

    Bien que la Grande Récession ait sapé l’idéologie du néolibéralisme, avec le mouvement Occupy qui a capturé l’atmosphère de millions de personnes en parlant du 1% contre le 99%, celle-ci n’a pas pris fin. Mais la résistance au néolibéralisme a été généralisée, avec des grèves, des occupations, des protestations, des mouvements de masse et des luttes révolutionnaires.

    Cependant, la classe dirigeante a pu revenir à l’austérité et au néolibéralisme grâce aux faiblesses des dirigeants des organisations ouvrières. La plupart des directions syndicales n’ont pas chercher à construire la lutte de masse, mais ont plutôt organisé des actions pour se défouler et ensuite revenir à la normale. En 2009, les anciens partis de la classe ouvrière étaient déjà mariés au capitalisme. Dans certains pays, de nouveaux partis sont apparus avec une rhétorique radicale mais, une fois au gouvernement, ils n’avaient pas d’alternative viable à la domination capitaliste. Le cas le plus frappant est celui de Syriza en Grèce, qui a refusé de donner suite au résultat massif du référendum sur le « Non » à la politique d’austérité. Syriza a capitulé devant la brutale austérité de l’Union européenne. Au fond, ces partis et dirigeants – comme Sanders et Corbyn – bien qu’opposés à l’austérité, n’ont pas de stratégie pour se battre et arracher la victoire.

    La perception du public est que les promesses néolibérales sont en grande partie un tissu de mensonges. Les politiques néolibérales ont enrichi l’élite capitaliste mais, pour la plupart des travailleurs et travailleuses, le niveau de vie a stagné. Les nouveaux emplois apparus sont la plupart du temps mal payés et précaires, et les services publics ont été sapés. Les services publics privatisés sont souvent pires que les anciens services publics. Les accords commerciaux n’ont pas conduit à une profusion d’emplois. Le marché ne protège pas l’environnement et n’agit pas sur le changement climatique. La déréglementation, ou l’autoréglementation des entreprises, a abaissé les normes de santé et de sécurité et la protection des travailleuses et travailleurs, entraînant parfois des décès, comme dans le cas des crashs de deux Boeing 737 Max qui ont tué 346 personnes.

    Puis est venu le coronavirus

    Bien que le Covid-19 soit causé par un virus, les énormes taux de contamination, le nombre de décès, le confinement des économies et des pays ont soulevé de profondes questions sur la société et ses priorités. L’approche du néolibéralisme ne permet pas d’excédent capable de servir de tampon pour absorber les chocs, il n’y a pas de capacité de réserve pour faire face à une crise. Le Covid a révélé l’idiotie de cette méthode à court terme.

    Des décennies de néolibéralisme ont laissé les systèmes de santé sous-financés, avec une pénurie de lits d’hôpitaux, en particulier les unités de soins intensifs. Le président de la Société européenne d’anesthésiologie, le professeur Zacharowski, a déclaré : « Au cours de la dernière décennie, dans toute l’Europe, nous avons réduit le nombre de lits d’hôpitaux, y compris les lits de soins intensifs ». Le Canada, un pays riche, a réduit les lits de soins intensifs de 4,99 lits pour 1000 personnes en 1976 à seulement 1,96 en 2018. Les maisons de repos et de soins sont devenues des pièges mortels en raison d’années d’exploitation qui les ont laissées en sous-effectif.

    Les gouvernements du monde entier, en raison des coupes budgétaires dans le financement et des réductions fiscales pour les riches, n’ont pas pu constituer de stocks suffisants d’équipements de protection individuelle (EPI). La pénurie règne encore même des mois plus tard. De nombreux pays ont externalisé leur production et continuent de faire des efforts pour en produire suffisamment, alors que les pays sont en concurrence pour s’approvisionner. Étonnamment, les gouvernements semblent incapables de fabriquer des kits de test qui fonctionnent. Près d’un an après que l’OMS ait exhorté les gouvernements à se préparer pour le Covid, le Canada connaît toujours une pénurie de tests avec des retards, de longues files d’attente ou des restrictions d’accès. Le gouvernement britannique a confié les tests et la recherche à des sociétés privées avec en résultat l’inévitable « désordre total » qui met des vies en danger.

    Le Covid a révélé qui sont les travailleurs et travailleuses essentiels : le personnel d’entretien, celui de la distribution, celui de la santé,… Mais ceux qui sont bien payés, ce sont les personnes non-essentielles telles que les PDG, les avocats d’entreprise ou les banquiers. Au cours de la crise sanitaire, les super-riches, tout en restant en sécurité, sont devenus encore plus riches. Les milliardaires américains ont gagné 637 milliards de dollars pendant cette crise (Business Insider, août 2020).

    Pendant des années, tous les propriétaires d’entreprises et leurs défenseurs ont fait valoir que les dépenses de l’État devaient être réduites et que moins l’État dépense, mieux c’est pour la société et l’économie. Dans une démarche tout à fait renversante, ces mêmes personnes réclament aujourd’hui des milliards de dollars aux gouvernements, et la plupart des gouvernements ont répondu en ouvrant largement leurs portefeuilles.

    Les gens ont massivement accepté la première série de restrictions visant à mettre fin au Covid, en faisant d’énormes sacrifices. Au début de la Première Guerre mondiale, les dirigeants ont affirmé que tout serait terminé pour Noël. Au final, il y eut quatre années de massacres sanglants et de misère de masse. Il en ira probablement de même pour le Covid et la dépression économique mondiale.

    Quelques mois après le début de la crise du coronavirus, dans les pays qui avaient finalement apprivoisé la première vague, celle-ci a refait surface. Même avec des mois de préparation, les gouvernements et les entreprises ne peuvent toujours pas assurer la sécurité des gens.

    Dans certains pays, en particulier aux États-Unis, en Inde et au Brésil (qui comptent environ la moitié du nombre total de cas dans le monde), les gouvernements de droite n’ont jamais sérieusement tenté de s’attaquer au problème.

    Il est tout à fait évident que la société et l’économie ont besoin de services publics et qu’un bon système de santé est vital. Il est évident que la société a besoin d’un gouvernement actif et qu’il y a beaucoup d’argent si les gouvernements le décident. Bien sûr, jusqu’à présent, l’argent a surtout servi à renflouer les grandes entreprises.

    L’impact du coronavirus

    Des millions de personnes connaissent quelqu’un qui est décédé du Covid et plusieurs centaines de millions de personnes connaissent quelqu’un qui a été contaminé. Il est probable qu’une majorité de la population mondiale se soit demandée si elle ou quelqu’un qu’elle connaissait allait contracter le virus et mourir. Cela provoque un profond questionnement sur ce qui compte dans la vie.

    Très peu de gens sont favorables à plus de milliardaires ou moins de santé publique. Tous les éléments montrent que les gens veulent un bon système de santé, un emploi bien rémunéré et la sécurité d’emploi et de vie. Fondamentalement, ce qui compte, c’est la vie, les autres personnes et la société. Ces opinions sont totalement contraires à ce que prétendent les néolibéraux.

    Le néolibéralisme a effiloché la trame de la société et un facteur clé dans le traitement du Covid a été le degré de confiance et de cohésion sociale. Thatcher a résumé le néolibéralisme par la phrase « La société n’existe pas. Il y a des hommes et des femmes individuelles et il y a des familles ». C’est le contraire de la vérité et le Covid l’a cruellement prouvé. Nous avons besoin de la société pour survivre et, espérons-le, pour prospérer.

    Remplacer le néolibéralisme

    Même avant la crise sanitaire, le néolibéralisme était confronté à des attaques en hausse et à une opposition croissante de la part des travailleurs et travailleuses, et même des universitaires. Le Covid a porté un coup sérieux à l’idéologie, probablement un coup mortel. Ses mythes fondamentaux, selon lesquels les services publics et les actions du gouvernement sont mauvais, qu’il n’y a pas de moyens pour les services publics, que le monde a besoin de plus de milliardaires et qu’il n’y a pas de société, sont tous en lambeaux.

    Le capitalisme n’offre pas de perspectives d’avenir. Il se dirige vers des années de dépression économique et un désastre écologique croissant. Incapable d’assurer la protection matérielle et l’approvisionnement de la société, il devra s’appuyer sur l’idéologie, et pourtant son idéologie est en lambeaux. La répression seule ne fonctionnera pas. Il a besoin d’une nouvelle idéologie pour légitimer son pouvoir.

    Bien sûr, même avec une idéologie en lambeaux, le néolibéralisme ne disparaîtra pas. Ses disciples sont partout – dans les conseils d’administration des entreprises, dans l’enseignement universitaire, dans la gestion des services publics et dans l’édition des médias. Ils et elles s’accrocheront aux idées et à la pratique du néolibéralisme. Tout comme un personnage de bande dessinée peut continuer à courir après être passé au bord d’une falaise. Cependant, dans les dessins animés et dans la vie, la réalité finit par rattraper le temps perdu.

    Plus profonde que l’idéologie est la pratique qui la sous-tend. L’idéologie et la pratique doivent avoir une certaine correspondance. Aujourd’hui, l’idéologie est totalement détachée de la réalité et des besoins de la plupart des gens. Le néolibéralisme a été l’idéologie et la pratique dominantes pendant des décennies. Il a bien servi la classe dirigeante, mais pas les masses. Aujourd’hui, il ne peut plus suffire, même pour la classe dirigeante.

    La future idéologie dominante sera un produit de la lutte des classes. Il a fallu plusieurs décennies de luttes et de bouleversements pour établir le néolibéralisme comme idéologie dominante.

    Il existe plusieurs types de remplacement possibles. Il est clair qu’il y a la croissance du nationalisme populiste de droite et d’autres politiques identitaires – le chauvinisme hindou en Inde, la rhétorique raciste aux États-Unis et dans certaines parties de l’Europe, etc. Il est probable que d’autres variantes seront soulevées et essayées au cours des décennies de plus en plus désespérées qui s’annoncent – des années de catastrophe climatique croissante, de pauvreté et de discrimination persistantes, de conflits inter-impérialistes et de tensions sociales croissantes. À moins que la classe ouvrière n’agisse de manière décisive, même si le néolibéralisme aura disparu, le capitalisme continuera à trouver des moyens d’opprimer et d’exploiter la classe ouvrière.

    Par contraste aux nombreuses idées réactionnaires, le sentiment internationaliste est croissant et même l’anticapitalisme, surtout chez les jeunes. Depuis plus d’une décennie, une soif d’alternative au néolibéralisme se développe. Notre idéologie met l’accent sur la société, la coopération, l’internationalisme, la solidarité et l’écologie. Alternative Socialiste Internationale s’efforcera de faire en sorte que l’idéologie future soit l’alternative socialiste.

  • Choisir entre l’ultra-libéralisme de la N-VA et le néo-libéralisme du PS?

    Tous les partis traditionnels acceptent la destruction des conquêtes sociales, leurs désaccords ne portent que sur des nuances

    Penchons-nous un instant sur de récentes propositions des sociaux-démocrates. Le SP.a est sorti avec des mesures comme le chèque-travail pour les demandeurs d’emploi et le calcul de la pension sur une carrière encore plus longue. Des mesures en réalité antisociales, des cadeaux au patronat que les ‘socialistes’ flamands ont à peine daigné emballer d’une rhétorique de gauche.

    Par Stéphane Delcros, éditorial de l’édition de février de Lutte Socialiste

    De son côté, le PS a parlé d’une taxe sur les gros propriétaires, avançant l’idée de taxer les gros revenus des loyers. Une mesurette en réalité, pas même sociale car les propriétaires compenseraient par une hausse des loyers. Le PS sait d’ailleurs très bien que personne ne le suivra sur ce point. De tels effets d’annonce qui n’engagent à rien, nous en verrons beaucoup ces 4 prochains mois.

    Tous les autres partis semblent devoir se positionner vis-à-vis des ‘extrêmes’: la N-VA et le PS. La première veut saigner à blanc les travailleurs et leurs familles, en usant qui plus est d’une rhétorique ‘antisocialiste’. Le PS ne peut que la remercier pour cette double attention qui lui offre la possibilité d’éviter que la campagne tourne autour des 21 milliards d’euros d’austérité du gouvernement Di Rupo.

    Sur les 69 dernières années, depuis la Seconde Guerre Mondiale, la social-démocratie belge fête cette année son demi-siècle de gouvernement (discontinu). 50 ans, dont la moitié non stop (de 1988 à aujourd’hui), durant lesquelles la politique néolibérale a été appliquée, celle-là même qui a poussé de plus en plus de gens, dégoûtés, vers des ‘alternatives anti-establishment traditionnel’ comme la N-VA.

    Au fil du temps, alors que le soutien aux autres s’effritait pour avoir trop représenté le néo-libéralisme, le PS est devenu la principale arme du patronat belge. A chaque mesure antisociale, comme à chaque élection, il compte sur la direction docile de ‘son’ réseau ouvrier de syndicats, des mutualités,… pour tenter de calmer la colère des travailleurs. Justifiant la non application de son programme à l’aide de la tactique ‘nous ne sommes pas seuls au pouvoir’.

    Alors, choisir entre PS et N-VA ? Certainement pas. Les élites économiques et leur main d’oeuvre politique préfèreraient un gouvernement Di Rupo II, avec un plan d’austérité supplémentaire à la clé. Mais, si les résultats électoraux l’exigent, un gouvernement de droite socio-économique autour de la N-VA et donc probablement sans la social-démocratie n’est pas exclu. Cela signifierait une politique antisociale dure, après laquelle le PS pourrait à nouveau arriver en ‘sauveur des petites gens’ et assurer une nouvelle période où la social- démocratie au pouvoir permettrait de sauvegarder les nouveaux gains du patronat.

    Mais ne les laissons pas tondre la laine sur notre dos. Pendant qu’ils s’affairent à trouver le meilleur moyen pour nous faire payer la crise, tâchons de construire et reconstruire les moyens nécessaires pour riposter. Le fameux ‘sans nous, ce serait pire’ dont le PS abuse commence à être bousculé sur sa gauche par des initiatives syndicales et les premiers succès pour la vraie gauche politique. Et les choses vont s’accélérer. On nous dit qu’il n’y a jamais eu autant de richesses chez les belges ; mais les inégalités vont croissantes. Les 85 personnes les plus riches au monde possèdent autant que la moitié de l’humanité. C’est pour ceux-là que Di Rupo est allé déployer le tapis rouge au Forum Economique Mondial de Davos. Et la seule raison pour laquelle les inégalités sont encore un peu moins criantes ici qu’ailleurs, c’est la force du mouvement ouvrier belge, qui s’est longtemps battu pour conquérir des mécanismes de solidarité collective.

    Il est peu probable que de nouvelles mesures d’austérité d’ampleur arrivent avant les élections. Mais, d’ici là, nous devons préparer sérieusement des outils syndicaux et politiques combatifs et appropriés à la nécessaire résistance de terrain post-électorale. Et ainsi permettre au mouvement des travailleurs et à la jeunesse de lutter avec les meilleures armes. La période électorale nous offre la possibilité de construire et nous préparer dans ce sens ; ne la gaspillons pas.

    => Élections : PTB, VEGA et Gauches Communes – Renforcer la vraie gauche et, surtout, saisir ensemble le potentiel par la suite

  • Suspension partielle des négociations pour le traité de libre-échange transatlantique

    Luttons pour une suspension totale !

    Depuis le 8 juillet 2013, l’Union européenne et les États-Unis sont engagés dans des négociations visant à conclure un ‘‘Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement’’ (PTCI), terminologie derrière laquelle se trouve un vaste projet d’accord de libre échange également appelé Grand marché transatlantique. L’élaboration de cette arme de destruction massive de nos conquêtes sociales, des normes environnementales,… vient d’être temporairement suspendue.

    Par Paul Murphy, député européen du Socialist party (CIO-Irlande)

    Photo ci-contre : Prise de parole de Paul Murphy lors d’une action de protestation contre le traité transatlantique tenue à Bruxelles.

    La veille du troisième round de négociations pour parvenir à un accord de libre-échange UE-États-Unis (Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement – PTCI), le Commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a annoncé une suspension partielle de ces négociations afin de permettre la tenue de consultations publiques.

    Cette annonce de suspension des négociations pendant trois mois pour organiser des consultations publiques est une victoire partielle importante pour les syndicats, les organisations environnementales et les députés de gauche qui ont toujours critiqué la Commission européenne pour son silence dans la tenue de ces négociations commerciales, une approche visant à protéger les intérêts des grandes multinationales des deux côtés de l’Atlantique.

    Durant l’été 2012, une campagne publique a mis fin à l’ACTA, un accord extrêmement controversée (Accord commercial anti-contrefaçon) qui avait soulevé des inquiétudes similaires au sujet de la non-transparence des négociations. Ce fut un coup dur pour la Commission, et cette dernière essaie visiblement d’éviter une nouvelle défaite d’ampleur en accordant plus d’attention aux préoccupations du public.

    Mais la suspension des négociations ne change en rien leur caractère. La Commission européenne désire toujours parvenir à un accord basé sur de solides mécanismes de protection des grandes entreprises au détriment du reste. Cette suspension n’est qu’une tentative de calmer les choses. Il s’agit d’une concession partielle destinée à sauver l’accord sur le long terme.

    Opposants et détracteurs de cet accord doivent utiliser les trois mois à venir pour poursuivre leur campagne contre le traité transatlantique et dénoncé ce pour quoi il est prévu. Le Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États accorderait ainsi le droit aux grandes entreprises de poursuivre les gouvernements pour perte de profits. Cela représente une remise en cause directe de la démocratie, à seule fin de remplir les poches des grandes entreprises. A titre d’exemple, le géant du tabac Philip Morris utilise un arrangement similaire pour poursuivre l’État australien contre une mesure visant les paquets de cigarettes.

    Ce programme dans la droite ligne de l’agenda des grandes entreprises doit être combattu et vaincu.

  • Une belle mise en scène pour la campagne électorale la plus longue de notre histoire

    Budget(s), statut unique, monarchie,…

    Cet été, alors que beaucoup d’entre nous jouissaient de vacances bien méritées, les divers gouvernements du pays n’ont pas été inactifs. Nous avons été témoins d’une mise en scène remarquable – orchestrée par les partis traditionnels avec l’aide des médias dominants – pour lancer dans les meilleures circonstances la campagne électorale la plus longue de notre histoire.

    Par Anja Deschoemacker, article issu de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Le calme avant les élections

    Pour la fin septembre, les budgets de tous les niveaux de pouvoir (fédéral, régions et communautés, communes) devaient être présentés pour pousser le déficit budgétaire du pays sous les exigences européennes (un déficit maximal de 2,15% concernant la Belgique). L’ampleur de cette nouvelle opération d’austérité (à nouveau plus de 4 milliards d’euros) passera toutefois inaperçue à la plupart des gens. Il est vrai que les coupes budgétaires, par définition, ne font sentir leurs effets qu’après coup, mais l’effet d’annonce suffit déjà généralement à gonfler le mécontentement et à entraîner une lutte. Cet automne, par contre, les partis traditionnels sont parvenus à faire disparaître cet effet d’annonce : pour le gouvernement fédéral – celui dont il est le plus question – on ne parlera ‘‘que’’ de 200 millions d’euros, puisque 2,4 milliards d’euros d’assainissements divers ont déjà été décidés cet été.

    La Région Wallonne et la Communauté Française (la Fédération Wallonie-Bruxelles) ont elles aussi suivi l’exemple et la moitié des efforts prévus pour 2014 ont été réalisés, soit 300 millions d’euros de restrictions budgétaires. De plus, un nouveau roi est arrivé sur le trône et les médias ont fait leur boulot pour assurer la popularité de Philippe et Mathilde. Mais plus encore, le calme de l’été a été utilisé pour décider de l’unification des statuts ouvrier et employé, une décision unilatéralement favorable au patronat tandis que des centaines de milliers d’employés et d’ouvriers se sont retrouvés les dindons de la farce. Le gouvernement et le patronat n’auraient toutefois pas réussi pareil tour de passe-passe sans l’attitude des sommets syndicaux qui ont laissé faire sans organiser la résistance.

    Quid de la N-VA?

    L’argument-massue justifiant tout cela est simple à comprendre : éviter que les prochaines élections ne conduisent au chaos et à l’impasse. En d’autres termes, il faut éviter de répéter le scénario de 2010. Les médias les plus sérieux et tous les partis traditionnels affirment clairement que l’enjeu des élections de 2014 est de réussir à bloquer la N-VA, cette dernière ayant une fois de plus confirmé qu’il lui était impossible de rentrer dans un gouvernement fédéral sans confédéralisme. Comme le confédéralisme à la sauce N-VA (avec scission de la sécurité sociale et en rompant toute forme de solidarité entre les deux côtés de la frontière linguistique) est inacceptable pour les partis francophones et puisqu’aucun autre parti flamand ne rejoint la N-VA sur ce point, ce scénario est quasiment exclu.

    Les médias, y compris et surtout en Flandre, ont tiré à boulets rouges tout l’été durant sur les frasques des mandataires locaux de la N-VA (un conseiller communal de Dilbeek qui a baissé son pantalon en pleine cérémonie de remise des prix pour ‘‘une blague’’, la ville de Turnhout plongée dans la crise politique ingérable suite à une dissidence de la N-VA, la décision prise à Sint-Niklaas de tout de même privatiser le ramassage des déchets bien qu’une large majorité des habitants se soient prononcés contre par référendum ou encore les tentatives de la NVA-Anvers d’imposer une taxe inconstitutionnelle aux étrangers). Des dissensions internes ont été révélées au sujet de la grogne qui vit contre les sorties de figures de premier plan de la N-VA comme Geert Bourgeois (qui s’est présenté dans la presse en tant que candidat ministre-président flamand) et, surtout, Siegfried Bracke (qui a parlé d’un possible gouvernement fédéral sans confédéralisme, parce que le socio-économique – une austérité plus brutale – est plus important).

    Notre voix n’est pas prise en compte

    Le ton est donné. Avec de bons outils politiques à sa disposition, la classe des travailleurs ne devrait pas se laisser ainsi mener par le bout du nez par les médias bourgeois et les partis traditionnels. Il lui faut son propre parti, un instrument politique défendant bec et ongles les intérêts de la majorité de la population contre cette idée d’un prétendu “intérêt général” belge. Dans une société capitaliste, ‘‘l’intérêt général’’ se réduit systématiquement à l’intérêt des capitalistes. Les travailleurs ont aussi besoin de syndicats démocratiques avec une direction libre de tout lien avec ces partis bourgeois et bourgeoisifiés. De cette manière, la classe ouvrière organisée pourrait contrer les attaques passées et à venir. La force du nombre est présente pour y parvenir, de même que le degré d’organisation. Mais il n’y a pas de parti des travailleurs et la direction des syndicats est étroitement liée aux partis (surtout le PS mais aussi le CD&V) qui sont centraux dans l’élaboration et l’application du programme de la bourgeoisie.

    Qu’un nouveau parti tombe du ciel avant 2014, en parallèle avec une réorganisation des syndicats en instruments de lutte démocratiquement gérés et contrôlés par la base, est très improbable. Mais il n’existe pas d’autre raccourci. Sans cela, nous sommes condamnés à nous battre les mains liées dans le dos. C’est pour ça que les syndicalistes combatifs (FGTB et CSC), les jeunes qui veulent se battre pour un changement de système, les militants de divers mouvements sociaux,… doivent, au cours de cette longue campagne électorale, se concentrer sur la diffusion et la construction de l’appel de la FGTB de Charleroi, rejoint par la CNE, pour la construction d’une nouvelle formation politique de gauche (voir en page 4). C’est, de très loin, le développement syndical le plus important de ces dernières décennies, une opportunité monumentale pour la classe des travailleurs de pouvoir enfin – après avoir perdu ses propres partis à cause de la bourgeoisification du SP.A et du PS – avancer vers un nouveau parti des travailleurs. Un tel parti serait à même de dénoncer la meilleure des mises en scène ainsi que les mensonges les plus sournois des partis bourgeois. Un tel parti impliquerait les travailleurs et leurs familles dans la lutte pour éviter que nos conditions de vie en reviennent à la situation d’avant-guerre. Un tel parti assurerait que des patrons comme Mittal ne soient pas vainqueurs à l’avance. Un tel parti assurerait que les travailleurs ne doivent pas choisir entre la peste et le choléra, entre la stratégie de la NVA et celle des partis traditionnels.

    Comme vous pouvez le lire ailleurs dans ce journal, les militants du PSL vont se concentrer sur cette tâche dans les mois à venir : la diffusion et la construction de l’initiative de la FGTB de Charleroi.

    Si cette initiative ne parvient pas à livrer une liste de gauche unitaire pour les élections de 2014, nos militants feront tout leur possible là où nous sommes présents pour renforcer cet appel à l’unité de la gauche, même si cela doit signifier de ne pas nous-mêmes déposer de candidats. Informez-vous sur l’initiative de Charleroi et participez-y !

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