Tag: Mouvement Ouvrier Chrétien

  • Morte à cause de l’interdiction de l’avortement: plus jamais!

    La mort de Savita Halappanavar a une nouvelle fois illustré que le discours “pro-vie” menace la vie des femmes, très certainement quand leurs positions deviennent des lois. Savita est morte suite au refus des partis traditionnels irlandais de traduire une exception constitutionnelle (autoriser l’avortement si la vie de la mère est en danger) en loi. Le PSL/LSP soutient la revendication des protestations irlandaises qui exige que le gouvernement fasse ce pas immédiatement, en tant que première étape vers le droit plein et entier à l’avortement.

    Tract du PSL


    Ce tract a été produit à destination de l’action de protestation de ce mercredi 21 novembre, face à l’ambassade d’Irlande (Chaussée d’Etterbeek 180, 1040 Bruxelles)


    Laisser les femmes décider de leur corps, c’est sauver des vies !

    Changer la loi ne suffira cependant pas à éviter de nouvelles douleurs ni de nouveaux morts. Depuis les années ’80, on estime que 150.000 irlandaises se sont rendues en Grande-Bretagne pour avorter. Au vu du coût que cela implique (le transport et l’absence de remboursement des soins), cette solution n’en a jamais été une. Cette situation est encore aggravée actuellement avec l’effondrement du niveau de vie de la population irlandaise, conséquence de la crise économique. Ainsi la vente de pilules abortives en ligne a fortement augmenté.

    L’interdiction de l’avortement n’entraîne pas une diminution du nombre d’avortements. Cela conduit à des avortements dangereux avec des complications allant de l’infertilité à la mort. Chaque année 19 millions de femmes risquent leur vie lors d’un avortement non médicalisé. Une étude de l’Organisation Mondiale de la Santé a dévoilé qu’en 2008, 49% des avortements à travers le monde étaient des avortements dangereux, où la femme perdait la vie dans un cas sur huit.

    Pour imposer un changement en Irlande – ou encore en Pologne, à Malte et dans tous les pays où l’avortement est interdit – un mouvement de lutte contre l’austérité et les idées réactionnaires est nécessaire. Il est possible de construire un large soutien pour le droit à l’avortement y compris parmi les croyants. Cela a été illustré par le fait qu’en Belgique, le mouvement des femmes du Mouvement Ouvrier Chrétien soutient le droit à l’avortement après avoir analysé les 20 ans de l’existence de la loi. Il est même ouvert à discuter de l’élargissement du délai légal d’avortement.

    En Belgique aussi, l’action reste nécessaire!

    Sans défense, les acquis ne sont pas éternels. Dans divers pays, il existe une pression sur le droit à l’avortement. Les politiques d’austérité ont miné son financement et, dans certains Etats des USA, l’arrivée au pouvoir de gouverneurs populistes de droite a entraîné des restrictions légales. Avec l’approfondissement de la crise et le désarroi social qui en résulte, les forces réactionnaires vont instrumentaliser ce thème. Nous ne devons leur laisser aucun espace.

    Une fois par an, en Belgique, le “mouvement pro-vie” rassemble ses troupes avec une ‘‘Marche pour la Vie’’ lors de l’anniversaire du vote de la loi autorisant l’avortement dans notre pays. Depuis plusieurs années, des centres d’avortement sont confrontés à la tenue de piquets réguliers du mouvement ‘‘pro-vie’’ à leurs portes. Ces militants intimident et culpabilisent les femmes à un moment où elles sont vulnérables. Un espace leur est laissé puisqu’il n’y a aucun débat social sur ce thème et en raison du fait que les cours d’éducation sexuelle ont été réduits à presque rien suite au sous-financement de l’enseignement. De là provient également le recul de l’utilisation de moyens de contraception pour se protéger d’une grossesse non-voulue ou des maladies sexuellement transmissibles.

    Leur discours peut aussi trouver une certaine écoute chez ceux qui, sans être ultraconservateurs, sont sensibles au manque criant de politique sociale destinée à aider les familles à ne pas connaître une dégradation de leurs conditions de vie en ayant un enfant. Ils dénoncent ainsi très correctement le manque de soutien pour les parents dont les enfants naissent avec un handicap. Mais leur solution est d’obliger les mères a en porter seule la charge en défendant l’idée d’un salaire pour les femmes au foyer. Le PSL-LSP revendique plutôt un élargissement de différents types de services qui permettent aux femmes de combiner famille, travail et loisirs : accès aux soins, accueil des enfants, emplois convenables… Pour beaucoup de femmes, le choix de l’avortement est entaché de nombreuses préoccupations. Les difficultés financières, le manque d’institutions de soins, le manque de crèches, les prix élevés du logement ne sont que quelques éléments qui rendent difficile de faire un choix véritablement libre.

    Le PSL/LSP se bat pour un vrai choix:

    • Pour le droit à l’avortement, dans des centres publics accessibles
    • Pour la prévention par la gratuité des moyens de contraception et une éducation sexuelle de bonne qualité à l’école
    • Pour des emplois à temps plein avec de bons salaires pour tous ; des services publics de qualité qui aident les femmes à combiner emploi et famille; des allocations familiales qui couvrent les coûts réels, afin d’éviter que l’avortement ne soit une décision purement financière.

    Participez à la campagne pro-choix ! Prenez contact avec la commission femme du PSL/LSP et aidez-nous à mobiliser pour l’action contre la manifestation du mouvement pro-vie du 24 mars !

  • Elections sociales 2012 : Les syndicats ne sont pas représentatifs ? Réponse de la base

    Les résultats provisoires (91% des entreprises concernées) des élections sociales du 7 au 20 mai ont été officiellement annoncés. Le rapport de forces ne change pas beaucoup ; la CGSLB (le syndicat "libéral") obtient toutefois un léger gain au détriment des deux grands syndicats. Le taux de participation reste supérieur aux 70%. Le nombre d’entreprises sujettes aux élections sociales a augmenté de moins de 5.500 en 1995 à plus de 6.500 en 2008, pour atteindre les 6.800 aujourd’hui. Le nombre de travailleurs ayant droit de vote est passé de 1,1 million en 1995 à 1,4 million en 2008. Il est actuellement d’environ 1,7 million (1).

    Par Eric Byl

    De telles données rendent la tâche difficile aux médias, qui contrôlent l’actualité et s’efforcent de mettre en doute la représentativité des syndicats. Les résultats seront bien sûr analysés, interprétés et réinterprétés, ce qui illustre leur gigantesque importance. Ces élections contribuent à déterminer les relations de force entre travail et capital pour la période à venir.

    Avec 125.116 candidats, dont 44.608 élus, ces élections sociales sont de loin les élections les plus proches des gens. Même lors des communales, le nombre de candidats est inférieur de moitié. Ces élections ne subissent pas l’influence des agences de publicité et des campagnes médiatiques coûteuses, les délégués sont directement élus par leurs collègues sur base de leur dévouement quotidien. Pour les comités de prévention et de la protection au travail (CPPT), la CSC a obtenu 52,3% des votes, soit une perte de 0,9% et 58,5% des sièges. La FGTB obtient 36,4%, une perte de 0,3%, et 34,1% des sièges. La CGSLB a gagné 1,5% et arrive pour la première fois de son histoire à plus de 10% des votes et 7,5% des sièges. Les résultats pour les conseils d’entreprises sont comparables ; la confédération nationale des cadres reste stable à 1%.

    En conséquence des assainissements continuels et de la logique néolibérale, les chaînes d’information publiques utilisent de plus en plus des méthodes similaires aux médias commerciaux. Cette approche assure que les syndicats sont fortement attaqués. Chaque erreur de la direction – et il y en a beaucoup malheureusement – est commentée en long et en large, comme l’a illustré le recours de Rudy De Leeuw, président de la FGTB, au mécanisme de la déduction des intérêts notionnels pour une petite entreprise familiale. Autre exemple : le fait que le Mouvement Ouvrier Chrétien ait soutenu la transformation de Dexia en un hedgefunds au travers de sa coopérative ARCO. Les candidats de ces syndicats ont probablement dû s’expliquer et leurs efforts ont pu limiter les dégâts. C’est déjà en soi un petit miracle que la CGSLB n’en ait pas plus profité ou que le taux de participation n’ait pas été plus limité. Si les scandales du monde des entreprises étaient mis en avant de la même manière dans les médias, il n’y aurait plus d’entreprise debout !

    De plus, la CGSLB s’est profilée de manière assez opportuniste, en affichant son absence de liens politiques, alors que certains dirigeants de la FGTB et de la CSC se montrent toujours bons amis des politiciens du PS, du SP.a ou du CD&V, partis largement responsables, des années durant, de projets d’assainissements. Enfin, la CGSLB a aussi diffusé un véritable petit programme, alors que les délégations des deux grands syndicats ont dû faire campagne sans contenu, à l’exception de celui qu’elles créaient parfois d’elles-mêmes. Mais malgré le vaste territoire couvert et les nombreux chantiers, les heures flexibles, le travail en équipe et le week-end, 70% des travailleurs ayant droit de voter ont pris la peine de participer aux élections et presque 89% ont voté pour la CSC et la FGTB. Cela démontre la profonde conscience qu’ont les travailleurs de la nécessité d’avoir leurs propres organisations. La longue campagne menée dans les médias contre les syndicats par les politiciens, patrons, académiciens et journalistes ne fait pas le poids face à l’impact réel et quotidien d’une représentation syndicale sur les conditions de salaire et de travail dans les lieux de travail.

    Si cette représentation syndicale était accompagnée d’un véritable relais politique, avec des politiciens qui iraient à l’encontre de la campagne contre les travailleurs et les syndicats dans le parlement et dans les médias, il serait alors possible d’utiliser cette force non seulement de façon défensive, mais aussi offensive. Les faiblesses des directions syndicales ne sont pas les seules choses à être utilisées contre les syndicats, même l’avidité des entreprises sert cet objectif. Quand, dans les grandes entreprises, de grands groupes déménagent vers des pays à bas salaires, la faute est rejetée sur les syndicats, présentés comme des ringards inadaptés à la production moderne, comme des reliques du passé uniquement utiles pour une catégorie de travailleurs qui n’existe désormais plus…

    D’autre part, la séparation de grandes unités d’entreprises en unités plus petites et l’usage généralisé des sous-traitants font passer les travailleurs sous la limite minimale pour avoir une représentation syndicale légale. Ces faits sont ensuite instrumentalisés pour donner l’impression que les travailleurs concernés ne veulent pas du syndicat ! Des centaines de milliers de travailleurs dans des entreprises de moins de 50 travailleurs n’ont toujours pas de droit de vote et donc pas de représentants.

    Quand les patrons recourent au travail intérimaire et aux contrats temporaires et/ou à temps partiel et que cela rend l’engagement syndical quasi impossible pour les jeunes travailleurs, on exploite ce fait pour annoncer que les syndicats ne disposent pas de soutien parmi la jeunesse. La forte baisse du taux de participation dans le collège électoral des jeunes travailleurs (-26 ans) – dans ces entreprises où il y avait des sièges jeunes à partager – de 52,4% en 2004 à 42,5% en 2008 et de seulement 35,6% en 2012, sera bien entendu fortement relayée dans les médias. On peut se demander s’il y a encore besoin de sièges séparés pour les jeunes. En tout cas, la presse ne parlera pas de la croissance du travail intérimaire ni même des stages gratuits en entreprise. La direction syndicale a commis une erreur en acceptant cette érosion des contrats de travail. Quelle illusion de lutter pour les acquis et les droits des travailleurs plus âgés en faisant des concessions sur ceux des travailleurs jeunes : cela mine l’efficacité de tous les travailleurs et cela a été utilisé sans vergogne par les patrons pour lancer une attaque sur les droits de pensions des travailleurs plus âgés.

    La disparition d’innombrables bastions ouvriers ; le boycott, par les patrons, de la directive européenne sur la représentation syndicale à partir de 20 travailleurs ; les faux pas et les concessions inacceptables de la direction ; le fait que les dirigeants soient bons amis avec les politiciens qui attaquent nos acquis ; le manque d’investissement dans un travail jeune, dynamique et combatif,… Tous ces éléments n’ont pas encore pu miner la force fondamentale des syndicats. Au contraire, malgré la croissance du nombre d’entreprises avec des élections sociales – et souvent avec moins de traditions syndicales – la participation reste énorme et plus élevée que le taux que nos politiciens pourraient obtenir si le vote n’était pas obligatoire.

    Dans les médias, les voix radicales sont à peine mentionnées. Lors des élections politiques, elles sont d’habitude écrasées par les campagnes médiatiques coûteuses créées par des bureaux de publicité bien rémunérés. Mais lors des élections sociales, quand il s’agit vraiment d’arguments et du boulot quotidien, c’est différent. Pas nécessairement pour les jeunes travailleurs, qui doivent encore prouver leur valeur et qui doivent montrer qu’ils sont capables de faire cela sur le long terme. Le travail syndical est un travail de longue haleine par excellence. Mais quand ils persévèrent, les syndicalistes combatifs, dont font aussi partie les membres du PSL présents sur des listes FGTB ou CSC, peuvent réaliser des scores très forts et généralement sans campagne personnelle. Cela n’est pas sans importance. Il est important que le mouvement ouvrier construise au maximum des bastions syndicaux forts, car cela peut renforcer la confiance dans d’autres entreprises et changer les relations de force à l’avantage des travailleurs. Pour les patrons, c’est le contraire. Un mauvais résultat ou la disparition d’un délégué combatif peut lui rendre la vie plus facile et alourdir son portefeuille.


    (1) Les résultats complets se trouvent ici : http://www.emploi.belgique.be/resultatsprovisoiresdeselectionssociales2012.aspx. Pour les conseils d’entreprises, 799 705 travailleurs ont voté et, pour les comités, 883 976 travailleurs. Dans une centaine d’entreprises où des élections étaient prévues, un accord s’est fait entre syndicats et patrons pour ne les pas organiser. Dans d’autres entreprises, il n’y avait pas de candidats. Pour comparer avec les élections sociales de 2008, il est utile de mentionner le nombre de votes : 758 807 pour les conseils d’entreprises et 851 443 pour les comités.

  • L’attaque orchestrée contre Rudy De Leeuw confirme la nécessité d’avoir des dirigeants syndicaux de principe

    Ces derniers jours, il a beaucoup été question du président de la FGTB, Rudy De Leeuw, à cause de la société créée par lui-même et sa famille afin de rénover un bâtiment délabré. Cette société a recouru au mécanisme de la déduction des intérêts notionnels. Cette campagne médiatique contre le président de la FGTB est à considérer dans le cadre de l’offensive lancée depuis un bon moment contre toute forme d’opposition à la politique d’austérité. Mais toute l’agitation entourant cet incident illustre l’absolue nécessité de disposer de dirigeants syndicaux de principe.

    Ci-contre: Rudy De Leeuw et Bruno Tobback, président du SP.a

    Dans l’offensive contre la résistance anti-austérité, ces dernières semaines, tous les arguments possibles ont été utilisés. Chaque période d’hésitation et chaque faiblesse des directions syndicales a immanquablement été instrumentalisée à grande échelle. Concernant la grève générale du 30 janvier, le fait qu’aucune décision claire n’ait été prise pendant des semaines a offert autant d’espace à la campagne antigrève pour qu’elle se déchaîne alors que les militants attendaient le feu vert pour l’action. Ensuite, encore une fois, c’est l’hésitation qui règne quant à la prochaine étape. Ici et là, on parle de la journée européenne d’action du 29 février, soit dans deux semaines à peine, mais nous ne savons toujours pas ce que cette journée d’action impliquera concrètement. Tout cela donne autant d’armes à nos adversaires, qui peuvent ainsi exploiter au maximum leur monopole médiatique.

    D’autres faiblesses sont encore utilisées, notamment le fait que les syndicats ont pris peu d’initiatives pour impliquer les jeunes ces dernières années, ce qui permet de renforcer les tentatives visant à présenter l’opposition actuelle à la politique d’austérité comme un ‘‘conflit des générations’’ entre des anciens accrochés à leurs privilèges et des jeunes en quête d’avenir. Les liens entretenus entre la direction de la FGTB et les partis sociaux-démocrates au gouvernement, le PS et le SP.a, ont aussi été évoqués afin de lancer la rumeur selon laquelle le syndicat socialiste avait lui aussi tenu la plume dans l’écriture de l’accord gouvernemental. Maintenant, le président de la FGTB est dans la tourmente, sur base d’un évènement qui ressortira systématiquement à l’occasion de toute campagne contre la déduction des intérêts notionnels.

    Clarifions immédiatement les choses : si les petites entreprises et les indépendants sont également accusés d’utiliser la déduction des intérêts notionnels, cela n’a rien à voir avec les grandes entreprises, qui abusent véritablement à tort et à travers de ce système. Les entreprises ont globalement utilisé le système des intérêts notionnels à hauteur de 17,3 milliards d’euros dans leurs déclarations d’impôts pour 2009 (pour les revenus de 2008), pour un coût pour les caisses de l’Etat de 5,7 milliards d’euros. Seuls 925 millions d’euros concernent les PME, soit 5% des 17,3 milliards. Voilà le contexte réel dans lequel il faut placer l’utilisation de la déduction des intérêts notionnels par la société de la famille de Rudy De Leeuw. Mais le fait demeure bel et bien : cela mine l’argumentaire syndical. De Leeuw n’est pas le seul à être ainsi visé, presque tous les délégués et militants FGTB ont dû subir des commentaires à ce sujet ces derniers jours. Alors que les militants doivent lutter contre leur propre patron tout en ayant à contrer l’offensive médiatique contre leurs actions, leur combat est sapé par le manque de fermeté sur les principes des dirigeants syndicaux. Il y a peu, la débâcle d’ARCO, le holding coopératif du Mouvement Ouvrier Chrétien, avait illustré que c’est d’ailleurs tout autant le cas à la CSC.

    Rudy De Leeuw a déclaré qu’il ne pouvait pas demander à sa famille de payer plus d’impôts parce qu’il est président de la FGTB. Il a également expliqué qu’il avait démissionné du conseil d’administration de la société concernée en juillet dernier, ce qui n’avait pas encore été officiellement publié. La communication maladroite de De Leeuw n’arrange rien du tout. Le fait est toujours là : un président de la FGTB a tiré avantage de la déduction des intérêts notionnels. Et ce cas n’a pas dérogé à la règle : le mécanisme de la déduction des intérêts notionnels n’a pas créé le moindre emploi, si ce n’est celui de l’expert-comptable bien créatif de la société, dont le travail a assuré qu’un impôt de 5% seulement ait été payé sur un bénéfice de 13,665 euros.

    Un grand nombre de faiblesses sont systématiquement utilisées par les médias de droite (c’est-à-dire toute la presse traditionnelle), comme le fait que l’aile des partis sociaux-démocrates dans la direction de la FGTB est sous la pression de la base pour lutter contre la politique d’austérité soutenue par ces mêmes partis, mais qu’elle reste finalement pieds et poings liés à ces mêmes partis. Rudy De Leeuw en est un excellent exemple : il est non seulement présent au bureau de parti du SP.a mais aussi président de la section du SP.a à Denderleeuw, une commune où son parti est en coalition avec la N-VA notamment. Inutile d’expliquer aux très nombreux militants de la FGTB que ce dernier élément constitue une faiblesse qui, sans le moindre doute possible, décrédibilise la FGTB. Il est grand temps que les liens entretenus avec les partis ‘‘sociaux-démocrates’’ soient brisés, et peut-être Rudy De Leeuw devrait-il commencer en démissionnant du bureau du parti du SP.a et de la présidence de la section de Denderleeuw.

    Le comité fédéral de la FGTB a décidé de confirmer sa confiance en Rudy De Leeuw. Sa démission n’était pas à l’ordre du jour. De toute façon, si c’était pour être remplacé par un nouveau Mia De Vits (ancienne députée du SP.a au Parlement européen et actuelle députée au Parlement flamand, elle fut présidente de la FGTB entre 2002 et 2004), il peut tout aussi bien rester à son poste. Il est nécessaire de poser les questions suivantes : comment la direction syndicale est-elle élue et dans quelle mesure est-elle responsable devant sa base ? Au lieu de nommer des partisans du PS et du SP.a, il serait mieux d’élire démocratiquement et de façon transparente des dirigeants issus de la base. En outre, ces représentants syndicaux ne devraient pas gagner plus que le revenu moyen des membres qu’ils représentent et à qui ils doivent rendre des comptes.

    Les attaques contre De Leeuw visent à affaiblir la base et à saper la force du syndicat. Le caractère aigu de ces attaques démontre que le gouvernement et le patronat optent de plus en plus pour un modèle de confrontation. Face à cela, en tant que syndicalistes, nous devons corriger toutes les faiblesses dans nos propres rangs.

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (4)

    Un plan d’austérité tel que nous n’en avons jamais connu

    93. L’un dans l’autre, l’économie belge se porte plutôt bien. Selon le Financial Times, c’est parce que le gouvernement en affaires courantes ne pouvait pas appliquer d’assainissements drastiques. Déjà auparavant, la Belgique avait déjà mieux digéré la grande récession que les autres pays, surtout grâce à ce que l’on appelle les “stabilisateurs économiques” (c’est-à-dire la sécurité sociale et l’indexation des salaires). La croissance des plus importants partenaires commerciaux de la Belgique, particulièrement l’Allemagne, joue évidemment aussi un rôle important. Combiné à l’effet ahurissant de l’impasse communautaire et de la crise politique, tout ceci explique pourquoi la conscience en Belgique n’a pas connu les mêmes changements qu’on l’a vu par exemple en Angleterre, mais cela peut changer très rapidement.

    94. L’Institut des comptes nationaux a averti du fait qu’« Il existe de grands risques négatifs. Premièrement, la politique restrictive dans plusieurs pays de la zone euro peut peser fortement sur la croissance économique. Deuxièmement, les familles et les entrepreneurs peuvent devenir encore plus réticents [à dépenser de l’argent] si l’inquiétude autour de la crise des dettes européennes continue encore longtemps ou s’élargit ». Le fait que tout cela est à prendre bien au sérieux est illustré par le fait que Leterme a, depuis décembre dernier, établi un scénario d’urgence, composé d’un “plan catastrophe” financier et d’un “discours d’urgence”, juste au cas où une panique se développerait sur les marchés. Dans une situation aussi explosive, la moindre occasion peut provoquer un revirement drastique.

    95. Le plan catastrophe est composé de recettes classiques : augmenter le taux d’emploi, réformer les pensions et accélérer le paiement de la dette de l’État. Il y est très précisément calculé comment la dette de l’État pourrait être financée “en interne”, avec l’argent de l’épargne des Belges. Une telle catastrophe n’est pas une éventualité, mais plutôt une probabilité. Dans ce cas, la note Di Rupo est insuffisante. Mais même sans catastrophe, le pays se trouve de toute façon devant le plan d’austérité le plus dur de son histoire. Pour avoir à nouveau un budget équilibré en 2015, il faut, selon le comité de monitoring (un groupe de hauts fonctionnaires qui surveille l’évolution du budget), assainir 23 milliards d’euros, dont au moins 10,2 milliards dans le courant de l’année 2012. L’État est à l’avance sur les objectifs qu’il s’est lui-même fixé pour le budget : en 2010, le déficit budgétaire était de 4,6% du PIB au lieu de 4,8% selon les objectifs, et en 2011, on prévoit 3,3 à 3,5%, selon les sources, ce qui est de toute façon beaucoup mieux que l’objectif initial de 4,1%. Cependant, à situation inchangée, avec le ralentissement de la croissance en 2012, on arriverait à un déficit de 5,5%, alors que le gouvernement tablait sur un déficit réduit à 2,8%. Les mesures de la note de Di Rupo se basent sur ce dernier chiffre.

    96. De cette note, on disait qu’elle était un “travail de formateur, et non celui d’un président du PS”. Di Rupo avait “jeté de côté presque tous les ‘tabous’ de sa base socialiste”. La droite a rapidement compris que c’était là un gage de faiblesse et qu’il y avait peut-être moyen d’obtenir plus. La faiblesse appelle l’agression. On peut d’ailleurs légitimement se poser la question de savoir si le rapport du comité de monitoring n’a pas uniquement pour but de pousser à l’adoption de mesures encore plus dures. Selon Vanhengel, le ministre VLD du budget, notre pays doit prendre à coeur les recommandations de la Commission européenne. Coïncidence – celles-ci sont identiques à celles du comité de monitoring : réforme de l’indexation des salaires, augmentation de l’âge effectif de départ en pension. Cela aurait pu venir de la bouche du gouvernement sortant, qui le leur a d’ailleurs certainement soufflé à l’oreille. Pourquoi, sinon, la Commission européenne aurait-elle pensé revendiquer une “réforme” de l’indexation des salaires, et pas tout bonnement l’abolition pure et simple de ce système ? Pourquoi la Commission parlerait-elle alors de l’augmentation de l’âge de la pension “effective”, alors que partout ailleurs en Europe, elle parle de l’augmentation de l’âge de départ en pension légal ?

    97. Les patrons disent toujours que les couts élevés des salaires sapent la position concurrentielle de la Belgique. De là la norme salariale et le plaidoyer en faveur d’une diminution de l’indexation automatique des salaires. Cet été, ce mythe a été détruit par rien de moins que Fons Verplaetse, gouverneur honoraire de la Banque nationale. Sur base d’une étude comparative, il concluait que : « Les chiffres montrent clairement qu’il n’y a certainement pas de lien positif entre les couts salariaux et la perte de parts de marché ». La perte de parts de marché est selon lui due à un ensemble complexe d’éléments incluant entre autres la stratégie de prix de vente et des éléments plus structurels tels que la recherche, le développement, l’innovation et l’entreprenariat. Des salaires plus bas mènent à la diminution du marché intérieur. Au vu du fait que l’exportation est plus facile vers les pays d’où on importe, cela mine aussi sa propre position d’exportation. De même, pour les patrons, l’indexation automatique des salaires enclenche une spirale salaires-prix, ce qu’on appelle aussi un “effet de second tour”. Les augmentations de prix seraient dès lors de notre propre faute. Dans un dossier précédent sur les causes de l’inflation en Belgique (qui est plus élevée que la moyenne européenne), nous avons déjà démontré que l’indexation des salaires n’a rien à voir avec la hausse de l’inflation. Il n’y a rien qui empêche les patrons de baisser leurs prix et de se satisfaire d’un peu moins de profits. Mais jamais la peur de l’inflation n’a empêché le moindre capitaliste de chercher à maximiser ses profits. (http://www.socialisme.be/psl/archives/2011/04/20 /dossier.html)

    98. Toujours selon le patronat, nous devons travailler plus longtemps parce que nous vivons plus longtemps. Ils se taisent systématiquement sur le fait que nous produisons plus pendant le temps durant lequel nous travaillons. Entre 1964 et 2002, notre productivité a augmenté de 215%. La pression au travail et le stress ont fortement augmenté, ce qui fait que pour beaucoup de gens, ce n’est plus possible de travailler après 60 ou 65 ans. En plus, le montant que l’on perçoit pour la pension par rapport aux salaires a systématiquement baissé. Une pension moyenne n’est plus équivalente qu’à 60% du dernier salaire. La carrière nécessaire pour une pension complète se rallonge de plus en plus. Le nombre de périodes assimilées est démantelé. De cette façon, on oblige les travailleurs à contribuer de façon supplémentaire à leur pension avec les deuxième et troisième piliers pour pouvoir tout de même bénéficier d’une pension convenable. Ceux qui veulent travailler plus longtemps peuvent recevoir un bonus mais, pour beaucoup, cela ne sera pas un choix librement consenti. Un quart des pensionnés vivent sous le seuil de pauvreté. La baisse de la pension légale et la hausse de la productivité assurent que le budget total pour les pensions, comparé au PIB, ne va pas augmenter au cours des années à venir. Le patronat réclame l’augmentation de l’âge de départ en retraite, mais il est vite là aussi quand il s’agit de faire appliquer les prépensions lors des restructurations. Ce n’est pas que l’âge de la pension qui intéresse les employeurs, mais le démantèlement de la pension légale et de la sécurité sociale.

    99. Depuis des années, la bourgeoisie a pu appliquer sa politique en allant de deal en deal avec les dirigeants syndicaux. Les couts de ces deals étaient généralement transférés vers l’État et la sécurité sociale. Ainsi, on a créé entre 1998 et 2009 au moins 93.000 emplois avec des titres-services fortement subventionnés. Dans la même période, dans le non-marchand, 154.000 emplois ont été créés, et 102.000 dans les divers secteurs du public. Il y a maintenant 828.000 fonctionnaires, dont 20% de fédéraux (mais là, l’emploi a diminué de 10.000 unités depuis juin 2008). Dans les régions, les provinces et les communes, le nombre de fonctionnaires continue d’augmenter. En Flandre, on met l’accent sur le fait que 36% des travailleurs wallons sont fonctionnaires, contre 30% pour la Flandre et presque 32% pour Bruxelles. L’hebdomadaire flamand Knack a publié une autre approche des choses en avril, où l’on ne regardait pas le nombre de fonctionnaires par rapport au nombre total de travailleurs, mais bien par rapport à la population totale. Et là, il apparaissait que pour chaque tranche de 100 habitants, il y a 10,02 fonctionnaires en Flandre, 9,72 en Wallonie et seulement 6,5 à Bruxelles. On ne peut évidement pas ôter à l’État tous ses revenus et demander en même temps que cet État prenne sur lui tous les couts.

    100. Pour le patronat et les politiciens, il faut dès lors diminuer le nombre de fonctionnaires, par exemple en ne remplaçant pas ceux qui partent à la retraite. Au gouvernement fédéral, plus de la moitié du personnel a plus de 50 ans. Ne pas les remplacer, ce serait déjà un sérieux assainissement. Les problèmes qui découlent de cela concernant la prestation du service à la population, le patronat s’en moque. Ces fonctionnaires n’ont cependant pas été engagés pour rien : par exemple, l’Agence fédérale pour la sécurité alimentaire n’existait pas dans le temps ; la problématique de l’asile était moins aigüe il y a quelques années, et là aussi il faut plus de fonctionnaires ; il n’existait pas non plus de fonctionnaires pour l’environnement. Les entreprises ont besoin de plus en plus de personnel qualifié : elles seraient bien étonnées si on leur donnait ce qui est sorti de l’enseignement des années ’70. Pour plus de qualifications, il faut plus de profs, et si tout le monde va plus longtemps à l’école, il faut plus d’infrastructures. La population devient plus vieille et, heureusement, notre connaissance médicale se développe. Mais cela aussi demande plus de moyens et de personnel. De nouvelles formes de criminalité se créent, ce qui demande d’autres qualifications pour la police. Lutter contre la technologie de pointe de fraude fiscale demande une spécialisation et des inspections sur le terrain, bien que l’on soit certainement en droit de penser que c’est à peu près le seul service public où le patronat ne demande pas plus d’efficacité ! Des dirigeants syndicaux sous pression

    101. L’époque où les directions syndicales pouvaient éviter le pire grâce à un compromis ou en faisant appel à l’État arrive à sa fin. Les dirigeants syndicaux aimeraient bien pouvoir continuer dans cette voie. Ils ont encore montré cela en mettant leur signature sur le projet d’accord interprofessionnel cette année. La marge que la bourgeoisie veut bien lui laisser à présent est cependant tellement réduite que la direction syndicale n’est plus capable de vendre sa “stratégie” à sa base, qui a déjà remis à leur place les sommets de la FGTB et de la CGSLB. Ceux-ci ont été forcés d’organiser des journées d’actions et une manifestation nationale le 24 mars. Les métallos leur ont fait savoir que, cette fois-ci, ce ne devait pas être une nouvelle promenade du dimanche. L’appareil de la CSC a encore réussi à transformer une majorité à la base en une minorité dans les structures. Elle a organisé sa propre action le 24 mars, aux institutions de mini- Europe sur le Heysel. Une semaine plus tard, la CNE mobilisait à elle seule beaucoup plus de militants du non-marchand. Le message est passé.

    102. Les deux syndicats ont entretemps fait savoir qu’ils n’allaient pas accepter que l’on touche à l’indexation. Anne Demelenne a appelé l’indexation des salaires “notre triple A”, se référant à Krugman, Stiglitz et Lagarde dans leur plaidoyer contre l’austérité “dure”. Elle trouve que la note Di Rupo est inacceptable, mais part de l’idée que cette note est venue sous pression de la droite. En bref, Demelenne suit totalement la rhétorique : « Assainir, oui, mais pas au cout de la croissance ». Elle aurait demandé lors d’une réunion interne si la FGTB ne devrait pas plaider pour l’introduction d’obligations européennes, mais n’a pas été suivie. « Ceux qui payent tous ces bonus extravagants placent une bombe sous la concertation sociale », a encore déclaré Rudy De Leeuw début avril en bombant le torse. C’était au moment où le SP.a se profilait autour de ce thème, avec la figure de Bruno Tuybens. Un mois plus tard, il apparaissait que ce dernier avait lui-même perçu un bonus de € 250.000 de la part de la KBC. De Leeuw aurait dû le savoir, Tuybens n’est tout de même pas le seul au SP.a à franchir la ligne : l’ancien ministre Luc Van den Bossche reçoit tous les ans € 700.000 en tant que président de Brussels Airport Company (BAC) ; avant lui, Norbert De Batselier et Steve Stevaert, entre autres, s’étaient eux aussi compromis.

    103. À la CSC, on disait que si on touchait à l’index, on mettrait en danger la “paix sociale”. Claude Rolin insiste sur le fait que l’index sert à sécuriser le pouvoir d’achat, et pas à être un simple moyen de redistribution des richesses. Au sujet des assainissements, il dit “pas n’importe comment”. À propos de la note Di Rupo, il dit que la CSC ne va pas laisser en plan les allocataires, mais qu’il y a aussi de bonnes choses dans cette note. Selon la CSC, le Pacte des générations a bien fonctionné. Pour la secrétaire nationale Ann Van Laer, le nombre de travailleurs de plus de 50 ans s’est accru de 217.000 depuis 2005. Le taux d’emploi parmi les plus de 55 ans est déjà plus élevé que l’objectif fixé par le Pacte des générations. Le nombre de plus de 58 ans non disponibles pour l’emploi est passé de 53.000 à 2.294. Qui plus est, les règles pour les prépensions vont devenir encore plus strictes dans les années à venir, et les contributions des employeurs pour les “jeunes” de plus de 50 ans ont augmenté. De tout cela, elle conclut que la CSC veut bien augmenter la vitesse d’un cran, mais seulement après un vrai débat qui regarde aussi la question de l’insécurité au travail des jeunes, des allochtones et des personnes handicapées. Le fait que Michel Bovy, président de la CSC-Transcom, est entretemps devenu le nouveau directeur général “Stratégie et Coordination” de la SNCB ne va pas faire que du bien au syndicat.

    104. Les syndicats disposent toujours d’une énorme force. Ils constituent l’obstacle principal sur la route vers une scission de la sécurité sociale – qui conduirait sans doute à un démantèlement plus rapide. Leur force de mobilisation reste sans égale. Mais ils sont complètement intégrés à l’appareil d’État. L’action sert exclusivement à soutenir leurs positions dans les organes de concertation. Marquer un point dans les médias et obtenir le soutien de quelques politiciens est considéré plus important qu’une ferme mobilisation. À la base, on est conscient de cette force potentielle. On aimerait l’utiliser pour pousser les patrons et les politiciens à être plus consensuels. Mais la direction syndicale préfère les négociations et le lobbying. Cela explique pourquoi elle oeuvre bien plus au sabotage des mobilisations qu’à leur organisation. Un militant du PSL le formulait ainsi : « Les directions syndicales prennent moins de temps pour organiser une manifestation ou une grève nationale que le travailleur moyen n’en prend pour organiser son anniversaire ». Cela conduit tout droit à la frustration.

    105. En plus, ces directions syndicales viennent systématiquement nous donner des leçons sur la nécessité de voter pour des partis progressistes afin de stopper la machine d’austérité de la droite. Mais ça fait des années déjà que nous subissons des assainissements opérés justement par ces soi-disant “partis progressistes”. Dans la période à venir, une dimension supplémentaire vient cependant s’ajouter : si les syndicats continuent à compter sur les sociauxdémocrates, les chrétiens-démocrates et/ou les verts, ce sera alors le parti le plus libéral de tous les partis flamands, la N-VA, qui recevra l’opportunité de se présenter comme “le seul parti qui lutte réellement contre les assainissements qui nous sont imposés par le niveau fédéral”. À Bruxelles et en Wallonie, le FDF menace de prendre une position similaire – tout en tenant évidemment compte des réserves à ce sujet que nous avons déjà écrites plus haut. En plus de tout ça, les provocations mutuelles des partis communautaires vont venir semer la discorde dans la solidarité nationale.

    106. Les nombreux licenciement de délégués syndicaux s’explique en partie du fait que nous sommes maintenant dans une période d’avant élections sociales (la période “de solde” pour le licenciement des délégués), mais aussi de ce que nous nous trouvons en ce moment dans une période de préparation de plus grandes tensions sociales. C’est tout simplement honteux de voir le sommet syndical laisser la lutte contre ces licenciements aux secteurs, aux régions, aux délégations syndicales dans les entreprises, et parfois même tout simplement aux délégués eux-mêmes. Cela ouvre complètement la voie au patronat. On n’attend ni de De Leeuw, ni de Demelenne, ni de Rolin, ni de Cortebeeck, ni de son successeur Marc Leemans qu’ils se présentent à chaque piquet pour une visite de politesse (bien que cela soit permis), mais surtout qu’ils donnent des mots d’ordres avec lesquels on puisse commencer à remporter des victoires. Quand les négociateurs gouvernementaux ont voulu vider le statut du personnel de Bruxelles-Propreté en le transférant de la région aux communes (en tant que partie de l’accord sur la réforme de Bruxelles), les travailleurs sont sortis dans la rue avec fureur. Pour les 540 membres du personnel, cela aurait signifié une perte de 150 euros par mois, en plus de la crainte d’une privatisation.

    107. La CGSP et la SLFP (sections services publics de la CGSLB) ont reconnu l’action à toute vitesse, avec un préavis de grève, mais ce n’était pas leur propre initiative. Les travailleurs avaient décidé d’arrêter la collecte des déchets et ont occupé les carrefours centraux. Ils ont mis le feu aux déchets. Toutes les entrées de la ville étaient bloquées. Les travailleurs se sont rendus au bâtiment du gouvernement bruxellois et y ont jeté des oeufs et des pierres. Pendant des heures, tout le centre de Bruxelles était bloqué. Toute la journée, l’action était à la une des médias nationaux. « Comment faire ? On devrait aller se promener un peu, faire un petit pique-nique ? Nous devons montrer que nous sommes fâchés ! On n’est pas des gamins qui allons faire mumuse dans la rue ! », disait un travailleur sur TV Brussel. Cela illustre à quelle vitesse les choses peuvent se développer. A Bruxelles- Propreté, il y a d’ailleurs autant de francophones que de néerlandophones, autant de Belges que d’immigrés. Le secrétaire d’État compétent, Emir Kir, a rapidement fait savoir que le statut était garanti et que la privatisation n’était pas à l’ordre du jour. Après les métallos le 24 mars, c’est la seconde fois cette année que les travailleurs font comprendre qu’ils ne sont pas d’accord avec de simples promenades de rue. 108. « Si chaque réforme annoncée mène à des actions aussi dures, on ne va jamais pouvoir avancer », se plaignait Karel Van Eetvelt de l’UNIZO. « Une grève sauvage, voire une grève politique comme maintenant, sans préavis de grève ni tentative de conciliation préalable, est irresponsable. Cela ne fait pas non plus de bien à l’image du syndicat », croyait-il bon d’ajouter. Van Eetvelt appelle à une limitation du droit de grève, ou du moins à endiguer le droit de grève dans des canaux contrôlables. Parce que c’est bien cela l’enjeu pour le patronat : là où c’est possible – service minimum, tout en soumettant le plus possible le droit de grève à des règles strictes qui font que les grévistes potentiels sont déjà démoralisés avant même de commencer. L’action des éboueurs bruxellois a été un sérieux avertissement. Van Eetvelt peut tout de suite se faire une image de la pression qui va s’exercer sur les dirigeants syndicaux dès que la politique d’assainissements va se durcir. Ceux-ci vont sans doute tenter de saboter les actions en insistant sur les difficultés à mettre sur pied ce gouvernement, sur les dangers liés à la chute du gouvernement, sur la menace que représente la N-VA pour la stabilité du pays, pour le maintien de la solidarité et pour la sécurité sociale. Ils vont de nouveau jouer la carte du moindre mal. Cela aura un effet sur quelques couches, mais chez d’autres, cette option est aujourd’hui totalement épuisée.

    Les partis amis regardent dans l’autre direction

    109. Tant que les appareils syndicaux peuvent se coller aux organisations politiques amies, cela devient toujours plus difficile. Le tournant flamingant du CD&V et le fait que les représentants de la CSC quittent un à un le bateau le rend de plus en plus difficile à la CSC d’expliquer les relations privilégiées avec la CSC. Il y a toujours encore une aile qui est fidèle au pilier social-chrétien. Mais la confiance en elle-même de cette couche pour introduire et intégrer des autres dans ce pilier disparait. De plus en plus de militants à la base n’ont que peu d’affinités avec ce pilier. De plus, les différentes centrales sont tout le temps en bagarre les unes avec les autres. La LBC (la CNE flamande) surtout est dans un état permanent de guerre froide contre les manoeuvre proprement scandaleuses de la coupole de la CSC. Il y a besoin de militants combatifs et actifs qui peuvent tirer la base avec eux. De là l’espace qui est donné au cadre moyen combatif pour défendre les intérêts de leurs membres. 110. Pour la FGTB flamande, ABVV, l’attitude de la direction syndicale face au parti ami devient petit à petit une farce. L’hypocrisie du sommet du SP.a, son nombre de ‘’parvenus’’, l’arrogance face au syndicat, y compris face à ses dirigeants, dépasse toute imagination. Qu’importe ce que l’ABVV essaye, les travailleurs ne retourneront pas vers ce parti. Ce n’est pas cette hirondelle solitaire, qui d’ailleurs elle aussi a déjà sa petite odeur, Daniël Thermont, qui pourra massivement rappeler les travailleurs vers le SP.a, certainement pas à l’extérieur de Gand, où il est bourgmestre. Les sections du parti sont proches de la mort clinique. La direction du syndicat ne l’admet pas, mais elle le comprend bien, d’où son attitude relativement plus ouverte envers ce qui se trouve à gauche du SP.a. Si demain le gouvernement sort le type d’assainissement qui est en préparation, même sous la forme de la note de Di Rupo, le fossé s’approfondira. Les directions syndicales, tant de l’ABVV que de l’ACV, le comprennent elles aussi. Elles commencent donc à parier sur plusieurs chevaux. A l’ACV, cela s’appelle le fait qu’il peut y avoir plusieurs amis politiques à côté de ceux du CD&V. A l’ABVV, on louche en direction de l’autre ‘‘parti progressiste’’. Mais à la base du syndicat, cela n’accroche pas avec les verts de Groen.

    111. Le PTB l’a compris et essaye de se faire remarquer aussi un peu par les directions syndicales. L’époque où il disait qu’il n’y avait pas besoin d’un parti des travailleurs mais d’un parti communiste est loin derrière nous. Il essaye aujourd’hui d’apparaître coûte que coûte et pour cela il a, tout comme les partis traditionnels, pris engagé une agence de publicité. En termes de programme et de style, il essaye d’être raisonnable et dynamique, avec des actions spectaculaires, comme celle vis-à-vis d’Electrabel, tant que cela reste dans les limites de ce qui reste acceptable pour les directions syndicales et son public d’artistes progressistes. Les revendications traditionnelles du PTB telles que la nationalisation du secteur pharmaceutique ou des banques et des holdings, ont fait place au modèle des offres publiques avec ce qu’ils ont appelé le modèle kiwi et à une banque publique. Dans le secteur de l’énergie cela prend la forme d’une réduction de la TVA. Dorénavant, plus un mot de critique sur le rôle des dirigeants syndicaux, puisque ceux-ci pourraient décliner d’être orateurs à des évènements du parti tels que Manifiesta. Le parti et le syndicat, et par extension les mouvements sociaux, sont maintenant devenus deux choses qui doivent être séparées. Cette ambigüité a déjà mené à la capitulation scandaleuse du PTB lors de l’exclusion de tous les cinq secrétaires du Setca/BBTK industrie pour BHV.

    Nouveau Parti du Travail

    112. Le PTB a mal compris le slogan pour un nouveau parti des travailleurs. Avec cela, nous entendons un parti de lutte qui essaye d’unifier toutes les tendances qui sont prêtes à mener la lutte contre les assainissements. Un parti, donc, pour l’unité dans l’action qui assure parallèlement que de l’espace soit laissé au débat, y compris par des courant publiquement organisés. Le programme d’un tel parti serait probablement réformiste, surtout tant que le mouvement n’a pas encore conduit à une compréhension plus profonde l’expérience concrète de la lutte de masse. Mais son existence à elle seule assurerait un instrument important pour les travailleurs et les jeunes. L’orientation vers l’action et la liberté de débat stimulerait une implication active et en ferait un réel instrument de travail. Evidement, cela implique des dangers. La liberté de débat ne peut pas dégénérer en champs de batailles d’idées tout comme l’unité dans l’action ne peut pas être instrumentalisée pour étouffer la liberté politique. Il s’agit de trouver un équilibre correct, justement en faisant une distinction entre l’essentiel et l’accessoire.

    113. Mais ce n’est pas comme cela que le PTB l’a compris. Il a pris comme vérité les fables qu’il a raconté à propos de notre appel, que nous voulions créer un nouveau SP ou un nouveau PS. Il veut luimême devenir ce nouveau parti des travailleurs, mais dans sa version monolithique et réformiste, où l’on n’attend pas de la base qu’elle prenne des initiatives incontrôlables et participe au processus de décision, mais seulement qu’elle soit présente aux fêtes du parti et apporte des voix. Tant que la classe ne se met pas en mouvement et que les partis ne sont pas testés sur le terrain, le PTB peut apparaître comme la meilleure offre disponible pour ceux qui en ont marre de la rhétorique du moindre mal. Pour cela, le parti est prêt à tout, y compris à adopter des campagnes politiques infantiles. Nez rouges, ‘‘révolutions des frites’’, on ne peut être plus ludique. Les conditions pour devenir membre sont quasiment inexistantes. Un sms et des opinions vaguement à gauche ou belgicistes sont suffisantes. C’est le nombre qui compte, pas la qualité, y compris dans le travail vers la jeunesse.

    114. De cette façon, ils attireront certainement quelques travailleurs et quelques jeunes combatifs et conséquents. Mais continuer à assurer cette périphérie large absorbera une grosse partie de l’énergie. Des tâches organisationnelles croissantes ramèneront la politique de plus en plus à l’arrière fond. Il faudra inventer à chaque fois de nouvelles actions ludiques, de nouveaux films et de nouvelles fêtes de plus en plus grandes. Lors de revers ou lorsqu’il faudra aller à contre courant, cette large périphérie risque de décrocher et la démoralisation peut s’incruster. La grande partie de la périphérie du PTB est attirée par la possibilité d’un score électoral. Cela stimulera encore la dynamique pour consacrer toute l’attention sur ce terrain. Cette nouvelle base poussera à des participations à des coalitions dès que cela deviendra possible sur le niveau de conseils de district ou de conseils communaux ‘‘pour réaliser une partie du programme”. La direction actuelle est en faveur de cela. Avec les concessions qu’elle est prête à faire pour se faire voir, on peut déjà s’imaginer que le prix qu’elle acceptera pour participer à des coalitions ne sera pas grand-chose.

    115. En Wallonie et à Bruxelles c’est le même processus qui est à l’oeuvre. Depuis longtemps le CdH n’est plus le seul parti politique ami du Mouvement Ouvrier Chrétien. Le PS et ECOLO le sont tout autant. Dans notre texte de Congrès de 2010, nous avons accentué que le processus de bourgeoisification se déroule aussi au sein du PS mais que ce parti n’a pas perdu en crédit dans la même mesure que le SP.a. Pendant des années, le PS a pu se cacher derrière ‘‘l’Etat CVP’’ et plus tard derrière le fait qu’il était confronté à une majorité flamande de droite. Malgré sa participation gouvernementale systématique, il a toujours pu continuer à se profiler comme opposition. Le transfert de compétence vers les régions met le parti en difficulté. Ce n’est pas une coïncidence que c’est justement dans l’enseignement qu’ECOLO a réussi à se construire une position. Dans notre texte de 2012, nous avons aussi soulevé un autre phénomène, c’est-àdire que la classe ouvrière wallonne ne s’est jamais autant laissé cadenasser dans un corset de parti politique. Nous nous sommes référés aux traditions anarcho-syndicalistes et à la manière dont cela laissait l’espace çà l’intérieur des syndicats pour critiquer le PS. Cela a aussi assuré que la gauche radicale en Wallonie était historiquement plus forte qu’en Flandre sur le plan électoral alors que sur le plan organisationnel, c’était souvent l’inverse.

    116. La réaction du PTB est par conséquent quasiment identique à celle du PVDA en Flandre. Son programme et son style son à peine différents. Le parti organise probablement plus de militants syndicaux combatifs. C’est en soi une réflexion de la plus grande liberté de critique qui existe dans les syndicats. A terme, cela pourrait poser des problèmes au PTB lorsqu’une confrontation aura lieu entre la base et la direction des syndicats. Le travail parmi la jeunesse du côté francophone semble moins apolitique qu’en Flandre. Cela reflète probablement l’atmosphère politique de la dernière année, qui était sans doute plus favorable à la gauche du côté francophone que du côté néerlandophone. Mais il s’agit de nuances, pas d’approches fondamentalement différentes. En Wallonie et dans une moindre mesure à Bruxelles, les traditions historiques jouent en faveur de ce qui se trouve à la gauche du PS, tout comme le fait que pour le PS il devient de plus en plus difficile de prétendre qu’il n’est pas responsable pour les assainissements. Mais c’est en Flandre que l’espace à gauche est le plus grand et où une percée électorale de la gauche devient probablement possible en premier lieu.

    Nouveau parti des travailleurs

    117. Le PTB n’est pas immédiatement le meilleur instrument pour remplir l’espace existant à gauche. Ce parti porte derrière lui un passé horrifiant qui continue encore aujourd’hui à en repousser beaucoup. Si les syndicats ou des secteurs importants de ceux-ci lanceraient un appel pour former un nouveau parti des travailleurs, cela aurait un succès incroyable. L’enthousiasme initial pour Sleeckx ou maintenant pour De Bruyn illustre la soif de beaucoup pour une alternative à gauche plus large et plus ouverte. Le résultat du Front des Gauches aux élections fédérales de 2010, malgré sa faiblesse organisationnelle et son manque relatif de notoriété confirme ses mêmes sentiments en Wallonie et à Bruxelles. Nous avons déjà expliqué de façon approfondie dans des textes précédents où le CAP et Sleeckx ont raté leur chance.

    118. La campagne pour 2.000 sympathisants pour le Front des Gauches et pour le transformer ainsi en un mouvement de membres n’a ainsi jamais démarré. Avec le PH et le CAP, le PSL a tout essayé de casser les réticences. Mais la LCR n’a pas voulu céder, officiellement parce que cela aurait été prématuré. Nous soupçonnons toutefois que cela avait plus à voir avec des intérêts internes au NPA français et puis à leur position sur le PTB. Un positionnement clair de la part du PC et le commencement de la campagne, si nécessaire à 4, aurait probablement fait changer la LCR d’inclinaison. Mais le PC n’a pas réussi à se mettre d’accord et la LCR n’a pas cessé d’instrumentaliser la division interne au PC pour enlever ce point de l’ordre du jour. Le courant dans le PC, surtout à Liège, qui était gagné à une collaboration plus étroite avec le PTB a par conséquent eu le dessus. Le PTB va probablement absorber ce courant. Le Front des Gauches est ainsi en hibernation.

    119. Erik De Bruyn et le noyau qui a transformé SP.a- Rood en Rood! sont convaincus que le prédécesseur du PSL a quitté trop vite le SP. Nous pensons au contraire qu’il est possible que De Bruyn est arrivé deux fois en retard. Une première fois pour la construction d’un parti révolutionnaire. Lorsque le Vonk s’est scissionné le 9 février 1992 en deux parties quasi littéralement égales, les deux groupes se valaient. Nos prédécesseurs avaient un léger avantage numérique. Mais le groupe dont De Bruyn faisait partie était composé des militants plus âgés avec des positions syndicales et du petit groupe francophone. Ou bien ce groupe avait une perspective erronée, ou bien ils étaient des incapables. Mais quelque chose doit expliquer pourquoi le PSL est aujourd’hui sur le plan numérique, parmi la jeunesse, parmi les milieux syndicaux et dans la partie francophone tellement plus fort que les restants du Vonk. Nous pensons que cela a à voir avec leurs perspectives.

    120. De Bruyn et le noyau autour de lui diront qu’ils doivent leur position publique au fait qu’ils sont restés si longtemps à l’intérieur du SP.a. Il est vrai qu’en 1992, un ancien vonkiste n’aurait jamais obtenu cette notoriété. Il a fallu une défaite électorale historique de trop, des frustrations dans le cadre moyen du parti, une hémorragie totale au SP.a et des concessions sur son programme avant que cela ne soit possible. Mais cela aussi a eu son prix. Rood paie cash l’hémorragie sur le terrain sur lequel il était auparavant actif. C’est ce qui explique sa faiblesse numérique et organisationnelle, ce qui pourrait faire que Rood soit incapable de saisir son potentiel indéniable. Si De Bruyn avait encore plus attendu de quitter le SP.a, il ne serait pratiquement plus rien resté. Le PTB est évidemment conscient de la faiblesse de Rood!. Dans le cadre des négociations pour le cartel pour les élections communales de 2010, il l’a clairement laissé paraître. Pourtant, ils ne sont pas à 100% sûrs de ce que Rood! pourrait devenir entre aujourd’hui et le seconde moitié de 2012. Il trouve probablement inquiétant que le PSL s’est assis à la table.

    121. Le futur de Rood! Est incertain. Sans transfusion de la part du PSL, les possibilités de survie sont limitées. Mais nous ne voulons pas d’un deuxième scénario CAP où le PSL s’engage de toute sa force, mais ne se heurte qu’à l’incompréhension, la méfiance et l’interdiction de continuer à fonctionner comme PSL. Selon nous, Rood! a le potentiel de se développer ou de tout au moins faire partie du processus de formation d’un nouveau parti large de lutte alors que le PSL a l’ambition de former le squelette autour duquel pourra se former un nouveau parti révolutionnaire de masse. Les deux sont nécessaires. Nous n’allons que graduellement faire adhérer nos militants à Rood pour ne pas donner l’impression de le submerger. Nous l’avons ouvertement discuté avec De Bruyn et ses collaborateurs les plus proches. L’équipe autour de De Bruyn est politiquement plus forte et stable que celle autour de Sleeckx. Cela constitue un avantage considérable. Cela sauvegarde Rood des rumeurs, des ragots et des théories du complot qui ont complètement l’atmosphère du CAP malsaine. Cela protège également Rood contre les erreurs médiatiques que nous avons subies avec le CAP. De plus, une meilleure compréhension politique est garante d’une volonté d’écoute que le CAP évoquait à haute voix mais mettait très peu en pratique. Il ne s’agit que d’une première impression, mais c’est notre sentiment qu’un argument est ici jugé sur base de son contenu et non sur base de sa place dans l’un ou l’autre complot fictif.

    122. La faiblesse organisationnelle de Rood et la conjoncture de la lutte des classes font que beaucoup de syndicalistes prendront plutôt une attitude attentiste. C’est une donnée objective que nous ne pouvons pas changer à court terme. Mais ce que nous pouvons, c’est renforcer l’enthousiasme existant par une présence qualitativement attractive. Nous espérons que cela peut assurer l’implication critique nécessaire pour aider Rood à devenir un projet viable. Il faut être conscient de la volonté d’unité. Il faut donc accentuer le potentiel d’une formation de lutte ouverte et de gauche et de la liberté de discussion. Il ne faut pas cacher nos critiques sur le programme et le profil de Rood, mais il faut amener cela de façon positive et constructive, entre autres par le fait de nous concentrer sur l’essentiel et de ne pas nous perdre dans les détails. Rood doit utiliser sa plateforme publique pour devenir un porte-voix de travailleurs et de jeunes combatifs. Elle peut stimuler le débat dans le mouvement ouvrier sur les assainissements qui s’annoncent. Il n’est quand même pas possible que le chef d’orchestre de l’assainissement, la N-VA, reçoit un blanc-seing pour se mettre en avant comme le seul opposant aux assainissements – ne serait-ce que parce qu’elle refuse de dépanner le gouvernement fédéral – alors que les syndicats n’offrent à leur base que des partis qui appliquent l’austérité.

    123. Il faudra encore réfléchir sur la formulation exacte, mais les prochaines semaines, Rood devrait produire un tract à ce propos. Démarrer ce débat dans des délégations syndicales nous semble le plus important de ce que les syndicalistes peuvent faire avec Rood. Nous n’allons évidemment pas appliquer une auto-censure. Nous avons le droit de défendre notre programme entier en tant que PSL, nous nous accrochons à notre liberté organisationnelle et à notre droit de diffuser nos propres publications. Mais nous devons également être sensibles à ces travailleurs et à ces jeunes qui sont attirés par Rood. Ils ne peuvent pas avoir l’impression d’avoir atterri au PSL au lieu de chez Rood. Il n’est pas du tout nécessaire de vendre notre journal à chaque meeting de Rood. Un membre ou deux peuvent très bien le faire. Dans un petit meeting ou quelques uns de nos membres sont présents, il peut être utile de préciser que nous sommes membres du PSL, mais pas si la moitié des présents le font. Nous voulons que Rood devienne un organe de lutte ou la règle est la liberté de débat. Des interventions éternelles ou tirer des grimaces lorsque l’on n’est pas d’accord avec l’orateur ne font pas partie de cette approche. Notre point de départ n’est pas de battre des concurrents ou de démontrer notre supériorité, mais de construire Rood, d’argumenter notre position le mieux possible et de faire des contacts. Evidemment nous exigeons notre liberté politique.

    124. Notre tâche la plus importante continue d’être la construction du PSL. Dans les années ’90, dans des conditions beaucoup moins favorables, nous avons réussi à tripler le nombre de nos membres, principalement avec des campagnes de jeunes organisées autour de notre campagne Blokbuster. Lors de la décennie suivante, nous avons à nouveau triplé notre nombre de membres, dans ce cas surtout grâce à nos interventions dans le mouvement antimondialisation. Pendant tout ce temps, le degré moyen d’activité, la contribution financière moyenne et la distribution moyenne de nos publications ne s’est pas affaiblie, mais s’est renforcée. Les dernières années étaient très difficiles à cause de l’effet étouffant des querelles communautaires et de l’impasse politique. Surtout en Flandre, nous avons dû nous accrocher à ce que nous avions. Mais nous avons consacré ce temps de façon utile de façon à construire nos positions syndicales, pour sauvegarder au mieux nos positions parmi les jeunes, et pour améliorer nos publications. Sur base des premières réactions obtenues à l’occasion de nos meetings d’ouverture aux universités, nous avons le sentiment que le pendule retourne à gauche. C’est probablement une indication de ce qui vit parmi des couches plus larges. De plus, nous avons réussi dans cette dernière période à jeter les bases d’un travail crucial parmi els étudiants du secondaire. L’ambiance internationale et aussi nombre de percées du CIO vont bien nous servir en Belgique. Nous pensons que les conditions sont favorables à au moins tripler notre nombre de membres durant cette décennie. Ainsi, le PSL s’approcherait des 1.000 membres. Si nous sommes capables de réaliser cela sans perdre en degré d’implication de nos militants, nous serons une force avec laquelle il faudra tenir compte et que l’on ne pourra pas tout simplement ignorer.

  • De l’intérêt de la crise politique pour le mouvement ouvrier – Un regard réellement socialiste sur la crise politique persistante

    La tentative de conciliation de Vande Lanotte était qualifiée de tantième ”négociation de la dernière chance”. A nouveau, aucun accord n’a été obtenu, mais il apparaissait en même temps qu’il ne s’agissait pas de ”la dernière chance” non plus. Les négociations continuent sous la direction de Vande Lanotte, avec De Wever et Di Rupo, et de nouveaux pourparlers ”cruciaux” vont suivre. Le gouvernement en affaires courantes sous la direction d’Yves Leterme a entretemps reçu du Roi la demande d’élaborer un budget pour 2011 avec un déficit plus bas que prévu.

    Texte d’Anja Deschoemacker au nom du Bureau Exécutif du PSL

    L’homme et la femme de la rue ne savent plus que penser. La dépression, le cynisme et surtout le défaitisme sont aux prises avec le fou rire, bien que ce soit un rire jaune. Entretemps, les institutions internationales, y compris les institutions de crédit, commencent en avoir assez. Les journaux sont remplis d’articles consacrés à la menace issue des marchés financiers. Selon le bureau de recherche du marché CMA, le risque d’une faillite de la Belgique a considérablement monté au cours du dernier trimestre, jusqu’à atteindre 17,9% (site web du quotidien flamand De Tijd, 10 janvier 2011). Avec cela, notre pays occupe aujourd’hui la 16e place des pays à risque, contre la 53e il y a neuf mois.

    Cela doit être fortement nuancé. Même si la crise politique et l’absence d’un gouvernement stable attire évidemment l’attention et peut donner des idées aux spéculateurs, il est insensé de mettre la Belgique au même niveau que la Roumanie, comme fait le CMA. Ceci étant dit, il est évidemment correct de dire que le taux d’intérêt croissant que la Belgique doit payer sur ses emprunts coûte une masse d’argent, certainement au vu du fait que les intérêts que paie notre pays sur sa dette d’Etat représentent aujourd’hui déjà à peu près 11% du PIB.

    Si ces éléments sont actuellement très fortement mis en avant dans les médias et si les dangers sont encore souvent exagérés, c’est surtout afin de mettre pression sur les partis impliqués dans les négociations pour enfin conclure un accord et former un gouvernement. Si la NVA ne peut pas y être poussé, même pas quand la crise financière frappe à nouveau, cela constituera la donnée devant servir pour gouverner sans la NVA, car la NVA ne veut pas gouverner et ”nous ne pouvons pas entretemps voir sombrer le pays”.

    Au vu du fait que la Flandre – et donc aussi la Belgique – risque de devenir ingouvernable si les partis traditionnels perdent encore du soutien électoral et que la NVA l’emporte encore, la pression des marchés financiers et des institutions internationales va devoir être très grande avant que le CD&V ne soit prêt. Ce parti qui a durablement été le plus grand parti du pays, le meneur de jeu ultime, est aujourd’hui dans une situation où son existence même est menacée. C’est l’explication principale de son comportement capricieux.

    Le CD&V dit “non, sauf si” – ou était-ce quand même ” oui, mais”?

    Après la déclaration de Wouter Beke selon laquelle le CD&V ne voulait pas se mettre autour de la table avec les sept partis sur base de la note de Vande Lanotte, sauf si des adaptations fondamentales sur des points essentiels étaient préalablement adoptés, la confusion a totalement éclaté. Le bureau du CD&V aurait décidé de dire ”oui, mais” (selon Torfs et Eyskens), mais le G4 du parti (Kris Peeters, Yves Leterme, Steven Vanackere et Wouter Beke) aurait modifié cette décision après que des contacts aient eu lieu avec la NVA pour dire ”non, sauf si”. Wouter Beke a clairement été surpris des réactions et surtout de la décision de Vande Lanotte de démissioner. C’est du poker à haut niveau…

    Et en première vue, cela semble avoir marché. Vande Lanotte peut maintenant quand même continuer à négocier, bien qu’accompagné de deux ”belles mère”: De Wever et Di Rupo. Qu’il n’y ait maintenant aucune garantie que ce triumvirat ne parvienne à quelque chose, pour le dire le plus doucement que possible, peut être clair au vu des premières réactions. Tant la NVA que le CD&V voudraient maintenant emprunter un chemin où moins de thèmes seraient discutés, mais où les réformes concernant ces sujets seraient plus profondes. Le socio-économique est évident mais, pour la NVA, cela signifie par exemple de revendiquer la scission de toute la politique du marché de l’emploi. Les réactions du CDH, du PS et d’Ecolo ont clairement été ”non!” Le CD&V s’oppose d’ailleurs lui aussi à une scission de la sécurité sociale et de l’Onem, ce parti est aussi sous pression de l’ACW (le Mouvement Ouvrier Chrétien en Flandre) et de l’ACV (la CSC en Flandre) qui s’y opposent également.

    Le CD&V et la NVA veulent plus de responsabilisation des gouvernements régionaux et des adaptations dans la note sur Bruxelles, où joue surtout la veille contradiction entre régions et communautés. L’existence de ces deux structures est une exemple typique de ce qu’on appelle le compromis belge : les communautés ont étés créés sur demande de la Flandre qui voulait mener une politique culturelle propre (la Communauté Germanophone utilisant ce développement pour pouvoir elle aussi disposer de compétences communautaires), les régions ont étés créés sur demande de la Wallonie pour pouvoir mener sa propre politique économique. Les deux s’imbriquent et entraînent une structure d’Etat très compliquée.

    Pour les politiciens flamands, les communautés sont les plus importantes. C’est pour cela que les politiciens et les journalistes flamands parlent tout le temps de deux ”Etats régionaux” et que des propositions reviennent pour que Bruxelles soit gérée à partir de la Flandre et de la Wallonie. Ils nient donc que la création d’une Région de Bruxelles a créé une nouvelle réalité qu’on ne peut pas simplement éviter et que l’application d’un Bruxelles géré par les communautés peut conduire dans la capitale à de grandes différences, et même à une politique de séparation. Ils laissent aussi de côté le fait qu’à peu près la moitié de la population bruxelloise ne se considère comme faisant partie ni d’une communauté, ni de l’autre.

    Pour les politiciens francophones, les régions sont la structure de référence, de manière à ce que deux régions (la Wallonie et Bruxelles) se retrouvent face à la Flandre, ce qui renforce évidemment leur position. Ils refusent le développement de ”sous-nationalités” à Bruxelles, ce avec quoi le PSL est d’accord, mais ils passent à côté de la réalité historique que les Flamands ont dû se battre pour avoir, par exemple, le droit à un enseignement néerlandophone, car les compromis qui étaient conclus à ce sujet avant la création des communautés n’ont jamais été réellement appliqués et la politique visant à repousser le néerlandais et à privilégier le français continuaient tout simplement.

    Maintenant que des nouveaux compromis doivent être conclus, ces vielles contradictions continuent à jouer parce que les compromis du passé n’ont pas résolu l’affaire, mais l’ont seulement temporairement ”concilié”.

    Est-ce que ça va finir un jour?

    Les partis francophones ont évidemment tous négativement réagi face au refus du CD&V et de la NVA de se remettre autour de la table à sept. Car eux aussi veulent des adaptations à la note de Vande Lanotte, mais en direction inverse. Ecolo a déclaré être d’accord pour continuer de négocier autour de cette note, avec des amendements, mais le PS et le CDH ont attendu jusqu’aux déclarations du CD&V et de la NVA pour laisser entendre un ”oui, mais”. Le découragement monte : est-ce qu’un accord finira par arriver un jour ?

    Dans sa première déclaration après l’échec de la note Vande Lanotte, Elio Di Rupo a créé une ouverture envers le MR. Cette ouverture a été de suite refermée – les propositions du MR de travailler sur base de l’article 35 de la constitution et de commencer à discuter sur ce que nous voulons encore faire ensemble à partir d’une feuille blanche n’ont pas aidé Reynders à se réimposer – mais c’était un manœuvre tactique importante. En fait, Di Rupo disait ainsi que le PS n’est pas seulement préparé à fonctionner avec la NVA dans un gouvernement qui est de centre-gauche pour le reste, mais également au sein d’un gouvernement de centre-droit. La NVA a fait savoir auparavant qu’elle préférait impliquer les libéraux afin de pouvoir mener une politique sociale (plus) à droite.

    La NVA a aussi laissé savoir qu’elle était en faveur d’une augmentation des compétences pour le gouvernement sortant et être préparée à donner un soutien de tolérance à plusieurs mesures budgétaires, entre autres autour du dossier du droit d’asile et de l’immigration, ce qu’ils avaient déjà proposé à Leterme en octobre. Il est donc clair que pour la NVA, un gouvernement de (centre) droit est un objectif important, un objectif qu’on ne sait pas obtenir sans les partis libéraux comme tant les sociaux-démocrates que les chrétiens-démocrates, et dans une moindre mesure les verts, sont gagnés à l’idée d’une politique d’austérité socialement emballée et accompagnée au lieu d’une thérapie de choc qui conduirait sans doute à une lutte du mouvement ouvrier. Mais il est très clair qu’avec le MR, il serait encore beaucoup plus difficile d’arriver à un accord autour du dossier symbolique par excellence – la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde – au vu des intérêts électoraux du MR/FDF dans la périphérie de Bruxelles. Si Vande Lanotte échoue à nouveau, une tentative de formation d’un gouvernement de centre-droit sans les verts et avec les libéraux n’est pas exclue.

    La pression sur la NVA augmente aussi dans les médias flamands, et il est clair que ce parti constitue un obstacle sérieux pour parvenir à la formation d’un gouvernement. Mais est-ce qu’il y a la possibilité d’arriver à un accord, avec ou sans la NVA ? Les commentaires dans les médias sur les contradictions de la note de Vande Lanotte montrent qu’il s’agit des même qu’il y a trois ans : la responsabilisation des gouvernements régionaux et la place des Communautés à Bruxelles face à celle de la Région.

    Dans le passé, ces contradictions ont toujours été – temporairement – conciliées dans les structures belges sur base de compromis où chaque côté recevait partiellement ce qu’il voulait en échange de concessions de l’autre côté. Cette tradition de compromis – pas seulement sur la question nationale et la langue, mais aussi en conciliant les contradictions entre travail et capital et celles entre les piliers catholiques et laïque – fait que la politique en Belgique est fortement caractérisée par le pragmatisme.

    En Belgique, tous les commentateurs disent unanimement : ”la politique c’est l’art de faire des compromis”. Les coalitions sont ici la forme gouvernementale traditionnelle. Participer aux coalitions était déjà l’objectif du Parti Ouvrier Belge avant la Première Guerre Mondiale (sur le plan communal), et toutes les forces flamingantes ou régionalistes wallonnes ou bruxelloises ont dans le passé été prises dans des coalitions, une récompense pour leur volonté de compromis.

    Maintenant, il semble que la NVA ne veut pas s’inscrire dans ce processus, ou du moins veulent ils visiblement en faire monter le prix tellement haut que ce ne soit plus acceptable du côté francophone. Mais nous ne devons pas nous tromper : pour la bourgeoisie aussi, par la voix de ses organisations comme la FEB, nombre de revendications de la NVA sont inacceptables. Le dernier rapport du FMI également appelle bien à la responsabilisation des gouvernements régionaux, mais appelle également à éviter que la concurrence entre les régions ne fasse des dégâts à l’unité du marché de l’emploi. Comme le rédacteur en chef du magazine Knack l’écrivait il y a des mois, la Belgique fonctionne pour le patronat comme la vache à lait parfaite, il ne veut en aucun cas s’en débarrasser. A la table des négociations, le PS n’est pas seulement le représentant de la Communauté francophone, mais aussi celui de ces cercles du Grand Capital.

    La NVA reçoit un soutien pour son refus de rentrer dans ce jeu: une rupture avec cette politique des coulisses. Les études du comportement électoral illustrent toutefois que de grandes parties de l’électorat gagné par la NVA n’a rien à voir avec le programme de ce parti, on vote pour la NVA après avoir déjà conclu qu’on ne doit rien attendre des autres partis si ce n’est plus de la même chose. Plus de la même chose, c’est encore quelques décennies de modération salariale, une politique menée ces trente dernières années et qui conduit à ce qu’aujourd’hui, une famille a besoin de deux salaires afin de maintenir le niveau de vie de vie qui pouvait dans le temps être assuré par un salaire. Encore quelques décennies de sous-financement de toute l’infrastructure et de tous les services publics, avec comme résultat des crevasses dans les routes, des retards dans les transports publics, les listes d’attente dans chaque secteur des soins,… Encore quelques décennies d’augmentation de la pauvreté (de 6% dans les années ’80 à 15% aujourd’hui), de sous-emploi et de chômage, d’insécurité sur l’avenir,…

    Mais avec la NVA, tout ça ne s’arrêtera pas, bien au contraire. Le parti peut bien se poser idéologiquement comme parti conservateur et non pas libéral, ses revendications socio-économiques sont par contre ultralibérales. Il semble totalement échapper à la NVA que c’est cette politique libérale qui a conduit à la crise mondiale actuelle. Ou est-ce que la NVA pense que le néolibéralisme mène partout à un bain de sang social et à l’appauvrissement, mais que par une ou autre magie la population flamande peut être sauvée ? Il semble aussi échapper à la NVA que leur idée que l’Europe se développera vers une sorte d’Etat national pour les régions européennes – dans laquelle peut pacifiquement s’évaporer la Belgique et la Flandre pacifiquement et presque automatiquement devenir indépendante – a toujours été utopique et qu’avec la crise financière-économique, la direction que prend aujourd’hui l’Union Européenne est plutôt une direction qui disperse les pays européens plutôt que de les rassembler pour la construction d’une véritable fédération européenne.

    Ce qui échappe aussi à la NVA, c’est le fait que ”la Flandre” est tout sauf unanime – même si les partis flamands le sont – sur la nécessité d’un démantèlement des dépenses sociales et des services publics. En 2008, les fonctionnaires flamands ont protesté contre la diminution de leur pouvoir d’achat et, maintenant, ces mêmes fonctionnaires devraient accepter sans lutter qu’on mette fondamentalement un terme à leurs pensions?

    Si la NVA n’est pas préparée à avaler un accord qui satisfait la bourgeoisie – une réforme d’Etat répartissant l’austérité sur différents niveaux – ce parti ne va pas prendre place au gouvernement. Si ce n’est vraiment pas possible autrement, elle serait éventuellement reprise mais seulement le temps nécessaire pour lui brûler les ailes au gouvernement. A côté de ce chemin, il ne reste à la bourgeoisie que la stratégie de pourrissement, où la NVA est brûlée justement en la gardant hors du pouvoir, si nécessaire avec le prix d’encore quelques années de crise politique et, entre autres, des élections se suivant rapidement.

    Un accord est donc possible si De Wever peut imposer un compromis à son parti et si les “pragmatiques” l’emportent sur les ”romantiques flamands”. Si ce n’est pas le cas, le feuilleton va sans doute encore continuer quelque temps pour alors inévitablement conduire à un certain moment à des élections. La pression externe – de la part de l’Europe, des institutions internationales, la menace des marchés financiers,… – va sans doute être nécessaire pour forcer tous les partis à un accord (et pour en même temps donner l’excuse au fait que cet accord sera sans doute en-dessous du seuil minimum aujourd’hui mis en avant par les partis concernés).

    La Belgique a-t-elle encore un avenir ?

    Comme cela a déjà été dit, dans le passé, des compromis ont été conclus conduisant à chaque fois à une période de pacification. Ces compromis étaient possibles sur base de l’énorme richesse produite par la classe ouvrière belge et qui créait la possibilité d’acheter un accord. Les partis régionalistes ou nationalistes flamands ont toujours obtenu des concessions partielles, et on s’assurait en même temps que toutes sortes de verrous étaient instaurés pour éviter la désintégration du pays. L’attribution de plus de pouvoir et de poids des structures belges vers la Flandre en pleine floraison économique et vers la Wallonie frappée de désindustrialisation, s’accompagnait de doubles majorités et d’autres mesures de protection pour les minorités nationales comme les mesures de conflits d’intérêt et la procédure de la sonnette d’alarme. La pleine reconnaissance du bilinguisme à Bruxelles s’est accompagnée d’une Région bruxelloise, qui constitue aujourd’hui la pierre d’achoppement la plus importante contre la désintégration du pays. L’élite flamande ne sait unilatéralement proclamer l’indépendance que si elle accepte la perte de Bruxelles, ce qui n’est pas en train de se faire immédiatement, qu’importe à quoi peuvent bien rêver nombre de membres de la NVA.

    De l’autre côté, il est aussi clair qu’il devient toujours plus difficile de conclure des compromis. Ces trente dernières années, une partie de plus en plus grande de la richesse est allée vers les couches les plus riches de la population, les capitalistes. Les presque 90% de la population qui vivent de salaires et d’allocations ne reçoivent aujourd’hui même plus la moitié des revenus qui sont produits avec le travail de la classe ouvrière en Belgique. Les salaires et les allocations ont été de plus en plus vidées pour faire à nouveau monter les profits, mais les revenus de l’Etat – impôts et sécurité sociale – ont aussi été toujours plus écrémés. Aujourd’hui, l’Etat fédéral n’est plus dans la position d’acheter n’importe quoi. La question actuelle n’est pas de savoir si on sait parvenir à atteindre une situation ”gagnant-gagnant”, et même pas ”gagner un peu, perdre un peu”, mais à un équilibre sur ce qui est perdu, et donc à une situation ”perdant-perdant”. Cela explique la difficulté.

    Mais le plus probable à ce moment est que – finalement – un compromis soit trouvé. Un compromis bancal qui ne va pas conduire à la stabilité – seulement à plus de coupes dans les dépenses sociales et les services publics, alors que les manques y sont déjà grands. Un compromis donc, dont on peut dire avec certitude qu’il ne va qu’encore augmenter les tensions.

    Et le mouvement ouvrier?

    Il était là et il regardait… Par manque de parti des travailleurs, les intérêts de la classe ouvrière n’entrent pas en ligne de compte dans ces négociations et ne vont certainement pas être à la base d’un accord. Qu’importe ce que dit le PS, ils ont déjà prouvé plus que suffisamment au cours des trente dernières années qu’ils sont préparés à faire tout ce que la bourgeoisie demande. Bien que le PS reste plus à l’arrière-plan et se cache derrière les partis flamands qui ont toujours livré le dirigeant du gouvernement, il est tout comme le SP.a à la base du vol du siècle (passé) : vider presque tous les acquis d’après-guerre du mouvement ouvrier petit à petit, avec une tactique du salami.

    La NVA n’agit clairement pas dans l’intérêt de la classe ouvrière en Flandre, Bart De Wever a rendu cela très clair très tôt dans les négociations, quand il a appelé le Voka – qui a toujours été une des organisations patronales la plus extrême sur le plan des revendications ultralibérales – ”mon patron”. S’il y avait un réel parti des travailleurs en Flandre, qui mène réellement la lutte pour les intérêts des travailleurs flamands, il serait déjà rapidement clair que le Voka – et la NVA avec lui – ne représente qu’une petite minorité de la population flamande, cette minorité qui veut faire travailler pour elle la majorité au coût le plus bas possible. Par manque d’un parti des travailleurs qui réagit aux attaques des partis bourgeois et petit-bourgeois en prenant en main la lutte de classe pour la classe ouvrière, et qui y donne une direction, un climat peut être créé où les intérêts des patrons flamands peuvent être représentés comme les ”intérêts de la Flandre”.

    Il n’y a pas de short-cut. La bourgeoisie n’est pas capable de concilier définitivement et complètement la question nationale en Belgique, la seule chose qu’elle a à offrir est encore quelques exercices d’improvisation et d’équilibre avec comme objectif final de maintenir son système et ses privilèges. Une conciliation réelle de contradictions nationales ne peut se faire que si les moyens sont mis à disposition pour garantir à chacun en Belgique une vie et un avenir décent. Des emplois à plein temps et bien payé pour tout le monde, assez de logements abordables et de qualité, un enseignement de qualité et accessible pour offrir un avenir à nos enfants, des services publics et une sécurité sociale avec assez de financement pour couvrir les besoins,… sont des revendications qui doivent nécessairement être remplis, sans aucune discrimination, pour mener à une fin aux tensions. Un développement harmonieux de l’économie belge avec comme but de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population et d’en finir avec les pénuries sur le plan social (et donc en finir aussi avec les luttes pour savoir qui peut disposer de ce qui reste comme moyens) devrait mettre fin au chômage colossal et au manque de perspectives qui règnent dans nombre de régions wallonnes, mais certainement aussi à Bruxelles et dans des villes comme Anvers et Gand, où de grandes parties de la jeunesse ouvrière n’a aucune perspective pour l’avenir, sauf le chômage et la pauvreté. Il ne faut pas attendre ce développement harmonieux de la bourgeoisie. Le capital ne va que là où il y a beaucoup de profit à faire à court terme.

    Tant que ces énormes moyens produits par la classe ouvrière en Belgique disparaissent dans les poches des grandes entreprises et de ceux qui sont déjà super-riches, ni une Belgique unifiée ni une Flandre indépendante ne sait fonctionner. Ces moyens sont nécessaires pour qu’une société réussisse, que ce soit à l’intérieur de la Belgique ou – si une majorité de la population le souhaite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – dans le cadre d’une fédération de régions indépendantes. Le PSL ne résiste pas à la disparition de l’Etat belge comme nous le connaissons, mais au fait que la rupture se base sur la destruction totale des acquis du mouvement ouvrier belge (comme la NVA le propose en réalité). Ces moyens sont en d’autres mots nécessaires aussi bien pour une scission pacifique et harmonieuse du pays, si cela était désiré, que pour une réparation de l’harmonie dans le ”vivre ensemble” en Belgique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre en mains ses affaires. Sur le plan syndical, nous ne pouvons pas nous faire imposer un mauvais accord interprofessionnel parce ”mieux n’est pas réalisable”. Rien, sauf l’appauvrissement, n’est réalisable. Si l’économie repart en chute, stagne ou se relance temporairement et partiellement, si des luttes ne prennent pas place, les patrons vont de nouveau s’en aller avec les profits et les travailleurs vont en payer le coût. Mais aussi sur le plan politique, nous devons de nouveau pouvoir mener la lutte si nous voulons obtenir le maximum sur le plan syndical. Le choix pour le soi-disant moindre mal sous la forme d’encore un fois voter pour les partis existants qui prétendent encore de temps en temps agir dans les intérêts de la classe ouvrière (mais qui ces dernières décennies ne le font plus en actes) a conduit dans le passé au démantèlement social, à une capitulation relative du mouvement ouvrier devant les revendications des patrons. Dans l’avenir cela ne serait pas différent, sauf en pire.

    Avec ce vote pour le moindre mal, le mouvement ouvrier prend une position passive, ce qui signifie qu’elle subit tout simplement le processus actuel de réforme d’Etat – qui est en fait la préparation du plan d’austérité drastique qu’on va essayer de nous imposer. Les directions syndicales ont déjà plusieurs fois appelé avec les organisations patronales à un accord sur la réforme d’Etat et la formation d’un gouvernement, qu’importe le gouvernement. Mais nous ne voulons pas de n’importe quel gouvernement, nous ne voulons pas avoir un gouvernement simplement pour avoir un gouvernement.

    Pour pouvoir sortir de ce scénario, les militants syndicaux doivent augmenter la lutte contre toutes tentatives du patronat de nous faire payer la crise. Nous devons sur le plan syndical refuser un mauvais accord interprofessionnel et mener la lutte pour une augmentation du salaire brut, contre les contrats précaires et pour assez de moyens pour la création d’emplois décents. Sur le plan politique, nous devons nous préparer à agir contre n’importe quel gouvernement quand il veut nous présenter la facture. Dans la lutte pour nos intérêts, les idées et les forces peuvent grandir pour arriver, pour la deuxième fois dans l’histoire, à la création d’un véritable parti des travailleurs. Un vrai parti des travailleurs peut élaborer une solution définitive à la question nationale en Belgique: une démocratie conséquente, qui tient compte des droits sociaux et culturels de tous les groupes de la population, basée sur une économie planifiée démocratiquement élaborée et qui développe tout la territoire de la Belgique sur le plan social et économique, c’est une condition cruciale. Ce n’est possible que si la bourgeoisie est privée de son pouvoir dans la société.

    Un tel parti des travailleurs ne va pas tomber du ciel, mais va se développer sur base de la lutte et des leçons tirées de cette lutte par les masses des travailleurs, comme ça c’est passé dans le temps avec le vieux parti ouvrier, aujourd’hui bourgeoisifié. Une fois qu’une lutte plus massive et maintenue commence pour maintenir des conditions de vie décentes dans cette crise de longue durée du capitalisme, les délégués et militants des mouvements sociaux vont tirer des conclusions plus profondes. L’histoire nous montre que ce processus, une fois commencé, peut développer très vite, certainement s’il y a une minorité consciente sous la forme d’un parti socialiste révolutionnaire capable de développer ses racines dans le mouvement ouvrier dans ce processus.

    Il n’y a donc pas de raccourci. Dans la période qui vient, il y aura sans doute une continuation de la crise politique, pendant laquelle le pays est géré par le gouvernement en affaires courantes, en fait un gouvernement technique qui n’en a pas le nom. Si un gouvernement avec la NVA est formé, il va être de courte durée, le tantième gouvernement de combat à l’intérieur. Si les négociations ne peuvent plus être tirées dans le temps, nous pouvons avoir à faire à des élections dans les mois prochains, bien que cette perspective diminue à mesure que la menace des marchés financiers augmente.

    A un certain moment un compromis devra être trouvé, qui consistera à ce que la grande majorité de la population – les travailleurs et leurs familles, les gens qui vivent d’allocations, les petits indépendants – paye la facture de la crise capitaliste. Ce compromis va, comme toujours, être de double sens et donner vie à de nouvelles contradictions et tensions. Bien qu’aujourd’hui les forces ne sont pas là pour imposer la désintégration de la Belgique, le maintien de la Belgique sur base capitaliste va de plus en plus être miné jusqu’à ce que cela devienne intenable à un certain moment. La faute dans le raisonnement de beaucoup de flamingants contents de ce processus n’est pas que ce processus ne se passerait pas, mais réside dans l’illusion que cela pourrait se passer pacifiquement et avec des négociations.

  • AUCUN soutien pour les responsables de la crise économique et politique

    Lors de la dernière réunion du Comité National du Parti Socialiste de Lutte, Anja Deschoemacker (premier candidate effective pour la liste bilingue du Front des Gauches à la Chambre pour Bruxelles-Hal-Vilvorde) a abordé la crise politique. De son intervention, il ressort que lorsque Luc Cortebeeck (le président de la CSC) demande de voter en Flandre pour des «partis responsables» qui ne sont pas impliqués dans la surenchère communautaire, nous devons donc conclure qu’il n’existe aucun «parti responsable» au Parlement. Voici quelques éléments de son intervention.

    Par Anja Deschoemacker

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    Le point de vue du PSL-LSP

    Toute cette discussion sur les ‘‘partis responsables’’ n’est qu’un rideau de fumée. Pour les médias bourgeois, les partis responsables sont ceux qui ont ‘‘le courage’’ d’imposer le programme de la bourgeoisie – une opération d’austérité brutale et structurelle sur le dos des travailleurs et de leurs familles – même au risque de perdre des voix. C’est aussi la raison pour laquelle le consensus concernant des élections simultanées est sans cesse plus large, les différents partis ayant alors l’opportunité de jeter quelques miettes la dernière année de la législature pour faire un peu oublier le reste.

    La prochaine réforme d’Etat concerne surtout la manière de nous faire avaler l’opération d’austérité: assainir aux différents niveaux, chacun à son propre rythme, en donnant par exemple plus de compétences et des responsabilités fiscales aux gouvernements régionaux rend plus difficile l’organisation d’une lutte généralisée du mouvement des travailleurs.

    Nous voulons un parti qui prenne ses responsabilités dans la lutte contre l’appauvrissement des travailleurs et des pauvres qui ne vise qu’à augmenter la richesse d’ores et déjà répugnante d’une infime élite de grands actionnaires ainsi que dans la lutte contre les harcèlements et les discriminations auxquelles sont confrontées toutes les minorités de Belgique.

    C’est l’un des éléments clés de notre appel pour un nouveau parti des travailleurs. Certains disent que le durcissement sur le plan communautaire provient de l’électeur lui-même, mais il faut tout de même admettre qu’il est extrêmement difficile de voter pour un parti qui n’a pas adopté ce profil, d’un côté ou de l’autre de la frontière linguistique.

    Le PSL rejette les harcèlements communautaires, les provocations et les attaques contre les droits des minorités, comme le droit des francophones d’Hal-Vilvorde (120.000 personnes tout de même…) de voter pour les partis francophones bruxellois. Nous pensons que les diverses conditions linguistiques pour obtenir un logement sont discriminatoires et n’offrent aucune solution. Faire baisser les prix du logement ne peut s’obtenir que par une augmentation de l’offre de logements à prix abordables. Ce ne sont pas ‘‘les francophones’’ qui sont responsables des prix du logement en périphérie, mais le caractère privé du marché immobilier. Plus de logements sociaux sans aucune condition linguistique, voilà notre réponse.

    Le caractère institutionnel de la circonscription électorale importe bien moins que la garantie de la défense des droits fondamentaux de la classe ouvrière néerlandophone, francophone et germanophone (tels que le droit à un emploi décent, à un logement abordable, à un enseignement et un accueil d’enfants de qualité, à une bonne pension,… pour tous, qu’importe la langue, l’origine nationale, le sexe ou l’orientation sexuelle). Partout en Belgique, les minorités (néerlandophones en Wallonie et à Bruxelles, germanophones en Wallonie, francophones en Flandre, sans encore parler des nombreuses et diverses communautés immigrées) doivent pouvoir compter sur le respect de leurs droits démocratiques. La classe ouvrière peut vivre harmonieusement dans toute sa diversité, mais uniquement à condition de ne pas accepter que les moyens pour ce faire volent vers l’élite nantie au sommet de la société!

    Vous pouvez trouvez la position détaillée du PSL concernant la question nationale en Belgique sur www.marxisme.be: “La question nationale en Belgique – une réponse des travailleurs est nécessaire.” En contactant la rédaction, vous pouvez également commander ce texte en brochure.

    Ce 13 juin, votez Front des gauches!

    ==> Rubrique "Elections 2010"

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    En Flandre

    Le ‘‘parti responsable’’ cité en premier lieu par Luc Cortebeeck, le CD&V, est très précisément le parti qui a mis le feu aux poudres, en se présentant en 2004 en cartel avec la N-VA, alors que le nationalisme flamand avait presque totalement disparu en tant que force politique!

    La Volksunie n’existait alors plus et ses figures publiques avaient été absorbées par les partis traditionnels. Il ne restait plus que le Vlaams Belang (au soutien électoral construit bien plus sur son populisme et son racisme que sur le nationalisme flamand) et la minuscule N-VA, aux chances de survie fortement limitées.

    Le parti gouvernemental par excellence, le CD&V, était dans l’opposition depuis 1999. Pour se renforcer, il aurait par exemple pu soutenir les revendications du personnel du secteur social. Mais pour prétendre participer au gouvernement, il ne faut pas seulement obtenir des voix, il faut également être prêt à imposer le programme de la bourgeoisie. Le SP.a fait face à la même situation aujourd’hui: il pourrait se renforcer en défendant réellement les droits des travailleurs, mais cela signifierait devenir persona non grata au gouvernement.

    Au lieu de développer une rhétorique sociale, le CD&V s’est donc basé sur son côté flamingant (ce n’était d’ailleurs pas la première fois) et s’est moqué de l’opposition de la CSC et du Mouvement Ouvrier Chrétien contre le cartel. Que ce parti crie aujourd’hui que l’Open VLD se comporte de façon ‘‘irresponsable’’ n’est que pure hypocrisie.

    Chacun à leur mesure, tous les partis flamands ont coopéré à cette surenchère. La circulaire de Leo Peeters (SP.a) impose ainsi aux francophones des communes à facilités de systématiquement devoir demander à recevoir leurs documents en français. Lorsque quelques bourgmestres ont refusé d’appliquer cette circulaire, le ministre Marino Keulen (Open VLD) et, ensuite, le ministre Geert Bourgeois (N-VA) ont refusé de les nommer pour ne pas avoir appliqué la loi (aucun bourgmestre flamand n’a toutefois été sanctionné pour leur boycott illégal des élections). Même Groen, dans plusieurs communes, a voté avec les autres partis pour réserver certains terrains à bâtir pour des néerlandophones !

    Ces mêmes partis ont également collaboré à la stratégie du gouvernement flamand autour de la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde et des relations entretenues avec le gouvernement fédéral.

    En Wallonie et Bruxelles

    Aujourd’hui, c’est surtout le MR qui est pointé du doigt. Là aussi, on trouve essentiellement des appels au «sens des responsabilités» et, là aussi, on est en droit de se demander où trouver ces ‘‘partis responsables’’

    Il est certain que le FDF se base sur le communautaire et qu’Olivier Maingain est un provocateur professionnel au même titre que Bart De Wever. Mais quand le PS reproche au MR d’être ‘‘irresponsable’’ et de se laisser entraîner par le FDF ‘‘extrémiste’’, c’est l’hôpital qui se moque de la charité! La dernière fois que nous avons connu une telle crise politique autour de la question nationale, c’était à l’époque des Fourons, cette commune flamande où le régionaliste wallon José Happart avait été élu bourgmestre, sans être nommé faute d’avoir accepté de passer le test de néerlandais. La réaction du PS a été de faire entrer Happart et ses copains ultra-régionalistes pour stopper la perte de voix du PS vers des listes régionalistes!

    Le FDF joue lui aussi à nouveau un rôle politique important, mais son apogée est cependant loin derrière lui. C’est surtout un parti anti-flamingant qui s’oppose aux concessions de l’Etat belge au mouvement flamand. Sa base se trouve dans le refus des accords linguistiques du début des années ’60, qui n’étaient pas au goût des Bruxellois francophones. Dans les années ’70, le FDF est devenu le plus grand parti de Bruxelles. Repris au gouvernement Tindemans II en 1977, il a coopéré avec la Volksunie au Pacte d’Egmont, jamais appliqué.

    Au début des années ’80, des fissures sont apparues au FDF. Roger Nols a fait sa propre liste à Schaarbeek (fortement basée sur le racisme) et, en 1985, l’aile gauche du FDF (avec entre autres Serge Moureaux) est partie au PS. Le sauvetage du FDF n’est arrivé qu’en 1993, avec l’alliance politique conclue avec le PRL de Jean Gol, une question de vie ou de mort puisque se posait la question d’avoir encore un sénateur élu pour maintenir le financement du parti. En 2000, les élections communales ont été catastrophiques pour le FDF.

    Il a fallu attendre que le gouvernement flamand de Leterme jette de l’huile sur le feu pour que le FDF connaisse une nouvelle percée et, en 2006, Olivier Maingain a remporté le siège de bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert tandis que Bernard Clerfayt a tenu le coup contre Laurette Onkelinx à Schaarbeek. Aujourd’hui, même s’il n’est plus que l’ombre de son pouvoir passé, le FDF pèse lourd dans la position électorale du MR à Bruxelles car, sans lui, le MR rétrécit jusqu’à la taille du CDH (12 à 15%).

    Joëlle Milquet a gagné sa notoriété comme Madame Non. Le CDH aussi se profile sur cette question, comme l’illustre d’ailleurs son slogan principal pour ces élections ‘‘L’union fait la force’’. Ecolo, tout comme Groen, accuse du retard sur ces questions, mais ce parti n’a encore jamais refusé d’invitation du ‘‘front francophone’’.

  • Les élections vont-elles adoucir les querelles communautaires?

    Le 13 juin, on vote à nouveau. Une solution pour résoudre les querelles qui ont entraîné la chute de Leterme II ? Rien n’est moins sûr. Les résultats peuvent rendre encore plus difficile la formation d’une coalition stable. Mais, sur l’essentiel, tous les partis traditionnels sont néanmoins d’accord : les travailleurs et leurs familles doivent payer la crise.

    Pa Eric Byl

    La bourgeoisie belge a un problème. Trente années de politique néolibérale ont totalement vidé d’autorité ses instruments politiques. Les partis qui se réfèrent au mouvement ouvrier devraient donc voler de victoire en victoire, mais ce n’est pas le cas. Pourquoi ?

    Le mouvement ouvrier puise sa force de son nombre, au contraire de la bourgeoisie qui tire sa force de son capital. Mais ce nombre est seulement une force potentielle, elle doit être organisée pour être efficace. C’est ce que font les syndicats, pas toujours dans la mesure réclamée par la base. Mais la lutte pour les intérêts des travailleurs ne peut pas uniquement se gagner syndicalement, les décisions politiques ont un impact sur nos conditions de travail et de vie. Sur ce terrain aussi, les travailleurs ont besoin d’une représentation.

    A l’époque, la social-démocratie et quelques représentants du Mouvement Ouvrier Chrétien jouaient encore ce rôle. Mais rien de cela ne subsiste encore. Ils sont devenus les loyaux exécutants de la politique du patronat, plus efficaces que la droite officielle qui se heurte facilement aux syndicats. En Grèce, les ‘‘socialistes’’ ont remplacé les conservateurs au gouvernement puisqu’ils sont plus aptes à faire avaler aux travailleurs le plan d’assainissement le plus dur de leur histoire. En Belgique, les partis sociauxdémocrates se présentent comme des ‘‘partis responsables’’, ils vendent la politique du patronat dans un emballage ‘‘social’’.

    Le nombre de travailleurs qui se laissent encore piéger par cela diminue constamment. Ceux qui votent encore pour les sociaux-démocrates le font généralement pour ‘‘éviter le pire.’’ Pourtant, les dirigeants de la FGTB continuent à s’agripper à cette idée. En Wallonie, cela passe encore puisque personne n’est mieux placé que le PS pour présenter le démantèlement social comme un progrès social, si nécessaire en recourant aux luttes de nos ancêtres: ‘‘créateurs de progrès depuis 125 ans’’, dit le PS. En Flandre cela ne marche plus depuis longtemps déjà. Des aventuriers racistes, populistes et nationalistes occupent l’espace laissé vacant. Mais au lieu de rompre les liens entretenus avec le SP.a pour l’ABVV (l’équivalent flamand de la FGTB) et avec le CD&V pour l’ACV (l’équivalent flamand de la CSC) et de mettre en avant une véritable alternative, les dirigeants syndicaux ne font rien autre qu’appeler les travailleurs à voter, encore une fois, pour leurs bourreaux soi-disant pour ‘‘éviter pire’’. Il en résulte un morcellement politique énorme. Pour restaurer leur position électorale, les partis traditionnels sont prêts au harakiri.

    Comme Verhofstad au début de sa carrière, le tout nouveau président de l’Open-VLD Alexander De Croo, est prêt à tout faire pour attirer l’attention, même si cela fait sauter l’establishment au plafond. En faisant tomber le gouvernement, il parie gros. Un accord sur BHV aurait conduit à une victoire électorale éclatante pour le CD&V. Au CD&V, ils doivent avoir pensé qu’au VLD, le sens de l’Etat allait finalement prendre le dessus sur les intérêts électoraux. Mais non. Ceci dit, De Croo n’a fait que répéter l’exemple donné par le CD&V.

    Il y a quelques années, le nationalisme flamand, y compris la NVA, était à deux doigts de la mort. C’est le CD&V qui l’a réanimée pour des raisons purement électoralistes. Marianne Thyssen, la présidente du CD&V, prétend que le CD&V veut ‘‘continuer à se mobiliser pour une économie sociale, pour une politique de soutien aux faibles et pour le maintien du dialogue communautaire.’’ C’est exactement le contraire de la pratique du CD&V de ces dernières années. ‘‘Chez nous, il n’y aura pas de gros mots ou d’ultimatum’’, ajoutet- elle. Quelle hypocrisie !

    Les partis francophones reprochent également à l’Open-VLD son manque de responsabilité. Mais même les retombées volcaniques n’ont pas pu retenir Maingain d’envoyer une torpille communautaire à partir de la Méditerranée. Lorsque Jean Gol, du PRL, a offert au FDF une bouée de sauvetage avec son cartel, il ne pouvait évidemment pas savoir que le FDF allait par la suite peser sur son successeur au MR, Didier Reynders.

    Les partis traditionnels francophones sont maintenant très aimables entre eux, mais, néanmoins, le PS n’a pas pu se retenir d’évoquer la responsabilité partielle du MR pour cette crise. Le CD&V et le MR ne sont pourtant pas les premiers partis traditionnels à avoir ouvert les portes pour accueillir des nationalistes et/ou des régionalistes dans leurs rangs pour des raisons électorales. Pendant la crise des Fourons, le PS avait déjà accueilli un cheval de Troie du régionalisme, José Happart.

    La peur s’est installée. Ces élections seront les plus communautaires depuis des années. Seule une grande coalition avec les quatre familles traditionnelles – chrétien-démocrates, sociaux-démocrates, verts et libéraux – peut avoir la possibilité de temporairement démêler l’écheveau du fil communautaire. Cela libérera le chemin pour le ‘‘vrai défi’’: renflouer le trou creusé par la reprise des dettes bancaires dans le budget, aux frais des travailleurs et de leurs familles. Cela demande une révision de la loi de financement, pour que les régions et les communautés contribuent à cet effort Mais c’est plus facile à réaliser sans les inconditionnels du communautaire, d’où les tentatives de l’establishment pour améliorer la position électorale du CD&V et du SP.a, qui sont tout le temps sous les feux de la rampe. Le pire scénario serait que la N-VA devienne incontournable. Dans ce cas, nous serions à nouveau repartis pour quelques années de querelles communautaires pendant lesquelles ‘‘le vrai défi’’ serait mis au frigo. Dans ce cas, l’establishment mènerait la stratégie du pourrissement, des gouvernements se suivront à un rythme accéléré, et la N-VA serait alors rendue responsable de la situation.

    Quel que soit la coalition qui suivra ces élections (une grande coalition à quatre ou une formule avec la NVA), l’enjeu de ces élections est de faire payer la facture de la crise aux travailleurs et à leurs familles. Seule une résistance massive et un nouveau parti des travailleurs avec un soutien des grands syndicats peuvent assurer que les responsables de la crise vont devoir mettre les mains dans leurs propres poches.

  • Une chose est certaine : la crise politique continue

    Incertitude pour l’après 23 mars

    La guéguerre politique continue sans que son intensité diminue. Le compteur de la crise gouvernementale a beau être arrêté, il est bien difficile au premier coup d’œil de comprendre qui est dans l’opposition et qui est au gouvernement.

    Anja Deschoemacker

    Tout semble possible : un nouveau gouvernement (lui aussi temporaire !) comme la poursuite de l’actuel (avec une réorganisation des ministères) – ce qui ferait peu de différence dans les faits… Comme nous l’avions dit immédiatement après les élections, le seul gouvernement possible sera un gouvernement instable, quelle que soit sa composition.

    Au CD&V, on travaille assidûment à un changement de cap. C’est surtout la vieille garde qui est à l’œuvre, celle qui sait comment passer des compromis de façon relativement « digne » au nom du « pragmatisme ». Pour le nouveau président du CD&V, Etienne Schouppe, ce parti ne doit pas être à thème unique : tout miser sur le plan communautaire pourrait mettre plus encore en danger ses liens avec la CSC et le Mouvement Ouvrier Chrétien. Il est clair que la population en a marre du « tout communautaire » et que ceux qui seront considérés comme coupables du chaos devront en payer le prix, tant au CD&V qu’à la NV-A.

    Du côté libéral, le VLD, qui a connu la défaite du 10 juin, peut compter sur le MR, devenu à cette occasion le premier parti francophone. L’enjeu pour les libéraux est de maintenir et renforcer leur position de plus grande « famille » politique. Mais ils craignent cependant de se retrouver en minorité au gouvernement entre les « partis syndicaux ».

    Le PS veut retrouver rapidement sa place de premier parti francophone, ce qu’illustrent notamment ses attaques contre la déduction des intérêts notionnels (qu’il avait pourtant approuvée dans le précédent gouvernement !). Le PS essaie de reprendre le costume qui lui avait si bien réussi ces dernières vingt années : celui de parti d’opposition au sein du gouvernement. Il peut compter sur le soutien des dirigeants du CDH, enragés contre Reynders, et qui désirent plus que tout assurer leur position de partenaire indispensable du PS à tous les niveaux de pouvoir.

    Pour tous ces partis, seul compte l’horizon de juin 2009. Des élections regroupées, à la fois au niveau régional et fédéral, seraient l’occasion de remettre un peu d’ordre afin de préparer une confrontation directe avec le mouvement ouvrier qui est plus difficile avec des élections toutes proches.

    Il est probable qu’entetemps, l’une ou l’autre réforme d’Etat aura été élaborée. Cela ne sera pas un Big Bang, mais plutôt un compromis belge classique, justifiée au nom du soi-disant « intérêt général ». En fait, même si ces partis ont chacun leurs propres intérêts, ils sont tous liés les uns aux autres par leur propre « intérêt général » : celui de l’élite riche, de la classe dirigeante. L’idée sera de régionaliser le plus possible les coupes dans les budgets (sous couvert de « responsabiliser » les régions) afin d’affaiblir la lutte contre les futurs plans d’austérité.

    La population sera évidemment sollicitée pour « apporter sa pierre à l’édifice ». On demandera donc d’accepter des attaques contre les fonctionnaires, une nouvelle « modération salariale », la poursuite de la chasse aux chômeurs, des contributions individuelles plus importantes des malades pour les soins de santé,… Les partis traditionnels voudront bien sûr aller chercher cet argent chez « tout le monde »… à l’exception du patronat.

    Syndicalistes, militants de terrain, vrais socialistes, restons vigilants et ne nous laissons pas aveugler par la poudre aux yeux qui est bien la seule chose que les partis établis sont prêts à nous distribuer sans compter…

  • Où est l’opposition à la politique néolibérale?

    Face aux mesures musclées qui ont été proposées par les négociateurs de l’Orange bleue et aux empoignades lors des négociations pour la formation du gouvernement, le manque d’opposition digne de ce nom a été frappant. Les rares déclarations et critiques sont restées étonnament mesurées et prudentes.

    Plusieurs partis espèrent sans doute encore être invités à la table des négociations pour la formation d’un gouvernement ou, au moins, pour la réforme de l’Etat. Le SP.a a déjà dit qu’il était prêt à faire l’appoint pour arriver à une majorité des deux-tiers pour une réforme de l’Etat tandis que le PS monterait volontiers dans un gouvernement.

    Il n’était donc pas question de montrer une véritable opposition aux propositions qui ont déjà été lancées. Caroline Gennez, la nouvelle présidente du SP.a, a déclaré : « Vu que la majorité n’y croit pas elle-même, l’opposition n’a pas beaucoup de travail ». On pourrait penser que c’est l’occasion idéale d’avancer des alternatives, mais c’est évidemment là que le bât blesse.

    La sortie de Gennez sur le « gouvernement pour le grand capital » que voulait mettre en place Leterme ne valait que pour la prolongation des centrales nucléaires. Pour le reste, la social-démocratie a repris à son compte la défense des intérêts patronaux. Luc Van Den Bossche (SP.a) a insisté sur la nécessité d’une formation rapide du gouvernement parce qu’une impasse « enterre la position concurrentielle de notre pays ». Pour sa part, le PS trouvait que le projet en matière de budget était insuffisant parce qu’on y tenait compte d’un déficit au lieu de couper davantage dans les dépenses. Avec de telles « critiques », on voit que l’option d’une tripartite reste donc bien ouverte.

    Il y a bien eu des critiques verbales, notamment de la part de Groen, sur le fait que la note du formateur « n’était pas à la hauteur ». Groen et Ecolo sont prêts à négocier leur appui éventuel à une réforme de l’Etat. La réaction d’Isabelle Durant au flirt poussé de son parti avec des grosses pointures du MR a été de dire que si Ecolo n’était pas enthousiaste à propos de l’Orange bleue, il n’en reste pas moins que « nous sommes des gens de dialogue ».

    Le Mouvement Ouvrier Chrétien a déclaré que « l’état des lieux concernant l’agenda social » ne les « rassurait pas ». Il a appelé les négociateurs à élaborer un programme « socialement juste ». La FGTB a déclaré qu’elle n’était « pas en faveur » des mesures proposées parce qu’elles sont taillées sur mesure pour le patronat.

    Les mesures antisociales des partis pressentis pour former le gouvernement ont pourtant de quoi susciter une réplique plus cinglante sur les plans syndical et politique. Les réactions des soi-disant partis d’opposition démontrent clairement que les travailleurs n’ont plus aucune représentation politique. Rien d’étonnant à ce qu’ils tournent de plus en plus le dos aux politiciens traditionnels et parfois à « la politique » en général.

    Si nous ne réagissons pas nous-mêmes aux attaques qui se préparent contre notre niveau de vie, les néolibéraux iront de plus en plus loin dans leur offensive. On a besoin d’une opposition active. C’est une tâche importante à laquelle doit s’atteler une initiative comme le CAP.

  • Communautaire : Cet article, lui, n’est pas une fiction…

    Ce mercredi 13 décembre, en soirée, la RTBF a réussi à faire croire à 89% des téléspectateurs (d’après un sondage effectué en cours de soirée) que le Parlement flamand venait de voter l’indépendance de la Flandre. La crédibilité de cette annonce se base sur un mythe relayé depuis longtemps par les partis politiques traditionnels et les médias: tous les flamands sont des flamingants (voire, parfois, de méchants nationalistes racistes).

    Stéphane Delcros

    Sous couvert d’humour, les «reportages» de la télévision «publique» francophone lors de l’émission spéciale qui a relayé l’intox étaient clairement orientés : un rassemblement de flamands au Sportpaleis d’Anvers acclamant la sécession, des manifestations de joies colorées de jaune et frappées d’un lion noir,… Les journalistes ont été jusqu’à poster, devant le Parlement flamand, des figurants venus applaudir la décision. Il ont très vite été rejoins par des militants flamingants, mais des vrais cette fois…

    S’il est vrai qu’il existe des nationalistes et des fanatiques (voire les deux en un) en Flandre (comme partout d’ailleurs), il est beaucoup moins vrai de dire qu’ils représentent la majorité des travailleurs et des jeunes. Comme en témoignent de récents sondages, la population flamande, en grande majorité (tout comme la francophone), se fout complètement du soi-disant important dossier de la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvorde. Dans les faits, les dossiers communautaires suscitent peu d’intérêt chez les travailleurs, qui se rendent de plus en plus compte que l’existence de ces problèmes ne sert qu’à masquer le programme de démantèlement social prévu par les partis politiques traditionnels (du nord comme du sud). Les sondages démontrent au contraire que les sujets qui intéressent le plus les flamands sont ceux de l’emploi, de la sécurité sociale et du logement, et même que 84% de flamands et 92% de francophones sont pour le maintien de la Belgique.

    En laissant traîner ses oreilles, on entend fréquemment parler des wallons fainéants qui volent l’argent des flamands, ou des flamands génétiquement égoïstes. Il ne s’agit que d’un reflet déformé du mécontentement que vit une population aux prises avec une société qui n’est pas orientée vers son intérêt. Les médias et les politiciens traditionnels surfent d’ailleurs habillement et avec enthousiasme sur ce sentiment.

    Le fait que le Vlaams Belang soit présenté en Flandre comme un parti comme les autres, voire comme le seul à ne pas être mouillé dans la politique antisociale d’un gouvernement (tout simplement faute d’occasion), n’est pas étranger à l’impression de montée en puissance du flamingantisme. Une autre raison réside aussi dans le fait que des partis comme la N-VA sont très médiatisés, bien qu’ils ne représentent pas grand-chose. Cette organisation est issue de l’éclatement de la Volksunie, incapable en son temps d’adapter son discours et sa pratique à la situation réelle : la Flandre est loin d’être la région la plus pauvre de Belgique et la domination francophone sur les flamands n’existe plus. Aujourd’hui, la N-VA ne peut plus survivre sans le CD&V surtout si elle veut intégrer le prochain gouvernement. C’est d’ailleurs pour «sauvegarder» ce cartel que l’aventurier ex-VLD Jean-Marie Dedecker (ancien Judoka et politicien de droite «musclé») a été exclu de ce parti nationaliste juste après l’avoir rejoins.

    Le Mouvement Ouvrier Chrétien a toujours rejeté ce cartel, preuve que les travailleurs flamands s’inquiètent peu des questions communautaires, mais beaucoup des questions sociales. Depuis le début de «l’alliance», il a multiplié les avertissements à son allié politique traditionnel. Il est vrai que, au contraire du CD&V qui parvient encore à «emballer» socialement son programme néolibéral, la N-VA ne cache absolument pas sa politique droitière.

    L’image mise en avant dans une émission comme celle de la RTBF est loin d’être une réalité. Ce n’est pas parce que les parlementaires flamands ont, en grande majorité, des discours nationalistes que les travailleurs (même s’ils ont voté pour eux) le sont forcément. En 2005, aucun parti parlementaire n’a défendu les droits des travailleurs face aux propositions du «Pacte des Générations». Peut-on en conclure que tous les travailleurs flamands étaient pour ce Pacte? Les piquets de grèves et la rue ont démontré le contraire, et les travailleurs flamands, bruxellois et wallons marchaient ensemble contre le gouvernement. Si les travailleurs continuent, encore aujourd’hui, à voter pour ces partis, ce n’est pas pour leur programme socio-économique (et encore moins pour leur programme communautaire), mais parce qu’il n’y a rien d’autre.

    Ainsi prise dans son contexte, l’émission spéciale de la RTBF de ce mercredi soir, volontairement ou pas, s’inscrit dans un climat de renforcement du «front politique francophone» en vue des négociations pour la prochaine réforme de l’Etat en 2007.

    Grâce à ces négociations, les partis traditionnels, qu’ils soient francophones ou flamands, tenteront à nouveaux de tromper TOUS les travailleurs en leurs faisant avaler la tartine d’austérité sous une couche de communautarisme aussi épaisse que possible. Ce ne sont ni les francophones, ni les flamands qu’ils défendent, mais bien les patrons, quelques soient leurs langues.

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