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Tag: Martin Luther King
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La lutte de Martin Luther King : de Montgomery jusqu’au Vietnam
Cette année marque le 50e anniversaire de l’assassinat du Dr Martin Luther King Jr., qui a été abattu le 4 avril 1968 alors qu’il soutenait les éboueurs noirs en grève à Memphis. Cependant les commémorations officielles de M.L. King nous donnent souvent une version édulcorée de sa vie et de l’histoire du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis.Par Will Soto, Socialist Alternative (USA)
Aux USA, il est courant d’entendre des politiciens de droite citer King pour parler de discrimination positive ou pour justifier des attaques contre le niveau de vie. Comme c’est le cas pour beaucoup de défenseurs des opprimés, la classe dirigeante les craint et les combat avec acharnement de leur vivant, puis tend à rendre inoffensif leur message politique après leur mort. L’establishment américain craignait particulièrement la radicalisation croissante de Martin Luther King à la fin de sa vie, lorsqu’il se prononça brusquement contre la guerre du Vietnam et commença à remettre en question le système capitaliste et même à parler de ‘‘socialisme démocratique’’.
Une stratégie de lutte de masse contre la pauvreté
La montée en puissance de King a commencé avec le Boycott des bus de Montgomery en 1955-1956. La stratégie de lutte de masse non-violente contre Jim Crow (les lois ségrégationnistes), d’abord suivie par King à Montgomery, contrastait avec la stratégie traditionnelle de la direction plus modérée de la NAACP (Association Nationale pour la Promotion des Gens de Couleur), qui estimait que l’action directe des masses effrayerait leurs alliés dans les partis démocrate et républicain.
King a répondu à cela dans sa fameuse Lettre de la prison de Birmingham : ‘‘Nous savons par une douloureuse expérience que la liberté n’est jamais donnée volontairement par l’oppresseur; cela doit être arraché par les opprimés.’’ King a donc joué un rôle important dans l’organisation des manifestations de masse à Birmingham en 1963, qui furent réprimées brutalement, mais dont le courage étalé a suscité la sympathie de larges couches de la population.
Seule la crainte de voir l’exemple de Birmingham s’étendre à d’autres villes, ainsi que l’impatience grandissante des Noirs du nord, convainquirent l’administration démocrate de John F. Kennedy que quelques lois fédérales sur les droits civiques devaient être promulguées. Les autorités américaines craignaient aussi que la publicité négative créée par les attaques racistes à Birmingham permette à l’Union soviétique d’affaiblir l’emprise américaine en Afrique et dans le reste du monde néocolonial. Et ceci, en contraste frappant avec la mythologie répandue créditant le Parti démocrate du côté des droits civiques.
L’expérience du mouvement des droits civiques montre que la clé du changement ne repose pas sur l’establishment politique capitaliste ou dans le lobbying, mais plutôt sur la construction de mouvements de masse par le bas. King est également entré en conflit sérieux avec les autorités pendant la guerre du Vietnam, lorsqu’il s’est opposé à la guerre et a dénoncé de plus en plus les discriminations vécues par les Noirs américains comme étant liées à la politique étrangère des États-Unis.
Dans ses dernières années, King se tourna de plus en plus vers les problèmes d’injustice économique et d’inégalité. Ce qui a été particulièrement important dans son cheminement, ce sont ses expériences dans les ghettos du nord où les problèmes de la classe ouvrière et des Noirs pauvres ne pouvaient pas être résolus en se limitant à la lutte contre de la discrimination. Dans sa quête d’un moyen de gagner une égalité réelle pour les Afro-Américains, King a commencé à tirer la conclusion qu’une lutte sérieuse contre la pauvreté et l’oppression était nécessaire.
‘‘Peut-être que l’Amérique doit se diriger vers un socialisme démocratique’’
Il considérait de plus en plus l’idée qu’une répartition équitable des ressources de la société signifierait rompre avec les règles du capitalisme, qui repose sur la pauvreté des travailleurs noirs (et latinos) comme une source importante de superprofits.
King a également commencé à parler de la nécessité du socialisme. Dans un discours prononcé en 1966, il a déclaré : ‘‘Vous ne pouvez pas parler d’une résolution du problème économique des Noirs sans parler de milliards de dollars. Vous ne pouvez pas parler de la fin des bidonvilles sans dire d’abord que les profits ne doivent plus être faits sur les bidonvilles. Vous falsifiez vraiment parce que vous avez affaire à des gens maintenant. Vous avez affaire à des capitaines d’industrie […] Maintenant ça signifie que vous vous déplacez dans une mer agitée, parce que ça signifie qu’il y a quelque chose qui ne va pas avec […] le capitalisme […]Il doit y avoir une meilleure distribution des richesses et peut-être que l’Amérique doit se diriger vers un socialisme démocratique.’’
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[FILM] I am Not Your Negro
“Je ne peux pas être pessimiste parce que je suis en vie. Être pessimiste signifie que tu dois accepter que la vie humaine est une matière académique, dès lors je suis forcé d’être optimiste. Je suis forcé de croire que nous pouvons survivre à tout ce à quoi nous devons survivre.” – James Baldwin.Comme beaucoup de jeunes, James Baldwin n’a pas attiré mon attention lorsque j’étais à l’école ou à l’université. Quand j’ai découvert Baldwin, il était clair, à la lecture de son premier roman La conversation (Go Tell It On The Mountain) et La Prochaine Fois, le feu (The Fire Next Time) qu’il est un excellent écrivain. Ce n’est qu’au moment où des vidéos YouTube comme le débat entre James Baldwin avec William F. Buckley intitulé “le rêve américain se fait aux dépens du nègre américain” ont commencé à tourner sur Facebook et Twitter que Baldwin a eu un réel impact sur moi. À l’époque de du mouvement Black Lives Matter contre les violences et les meurtres racistes de la police aux Etats Unis, 50 ans plus tard, cet intitulé est toujours pertinent.
Par Ryan Watson, Chicago, Socialist Alternative (partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière aux USA)
I’m Not Your Negro (Je ne suis pas votre nègre), nominé aux Oscars 2017 pour le meilleur documentaire, conté par Samuel L. Jackson et réalisé par le haïtien Raoul Peck, est révolutionnaire et inspirant. Le travail cinématographique de Peck comprend Lumumba, un récit biographique du premier Premier ministre démocratiquement élu du Congo, Patrice Lumumba qui revient sur le coup d’Etat belgo-américain et l’assassinat de Lumumba. Le prochain film de Peck s’intitulera Le jeune Karl Marx (il sortira en septembre en Belgique).
I Am Not Your Negro est tiré d’un manuscrit inachevé de 1979 intitulé Remember This House qui relate l’amitié de Baldwin avec des personnages emblématiques, dont Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King Jr. – tous trois assassinés – et leur contribution politique au mouvement afro-américain. Raoul Peck disposait d’un accès total au travail de Baldwin. Il nous offre les fruits de ce qu’il a trouvé tout au long du documentaire.
Le fils d’Harlem
Baldwin est né le 2 août 1924 et a grandi à Harlem, à New York. Il a connu la dure réalité de la pauvreté, du racisme et des violences paternelle, de son beau-père en particulier. I Am Not Your Negro fait un excellent travail en soulignant sa relation avec une enseignante. James Baldwin, produit du système scolaire public de la ville de New York, a très tôt montré des signes précurseurs de curiosité et l’envie de comprendre les choses, ce qui a suscité l’intérêt de son professeur, une jeune femme blanche nommée Orilla Miller. Surnommé “Bill” par le jeune Baldwin, Miller devait avoir un effet profond sur la vie de Baldwin.
Elle a dirigé sa première pièce et a encouragé ses talents. Ils discutaient ensemble de littérature et visitaient des musées ensemble. Miller est même allé jusqu’à demander à son beau-père, David Baldwin, l’autorisation d’emmener James au cinéma. Plus tard, Baldwin lui attribua son manque de radicalisme. Il expliquera que c’était “certainement en partie à cause d’elle, qui est arrivée si tôt dans sa terrifiante vie, qu’il n’a jamais réussi à haïr les blancs”.
Baldwin disait : “Bill Miller était blanche”, mais elle n’était “pas, pour moi, blanche comme Joan Crawford était blanche”. Pas plus qu’elle n’était blanche “de la même manière que les propriétaires terriens et les commerçants, les flics et la plupart de mes professeurs étaient blancs. Elle aussi (…) était traitée comme une négresse, surtout par les flics, et elle n’appréciait pas les propriétaires terriens”. Grâce à elle, Baldwin a appris que “les blancs n’agissent pas comme ils le font parce qu’ils sont blancs”.
Bien qu’il semble que tous les oppresseurs soient blancs, Baldwin s’est rendu compte que tous les blancs n’étaient pas des oppresseurs dans la société américaine. Ses talents d’orateurs ont été mis à profit durant trois à quatre ans à la chaire de l’église en tant que prêcheur junior. Baldwin quittera ensuite l’église pour échapper à la brutalité de son beau-père. Il remet alors en question les principes du christianisme, ce qui deviendra un thème majeur tout au long de ses écrits et de sa critique sociale du capitalisme américain et du racisme.
Baldwin en tant que témoin
Le documentaire mélange les images et le travail de Medgar Evers, Malcolm X, et du Dr Martin Luther King Jr. avec la poésie et l’amour que Baldwin ressentait pour ses amis, aboutissant à une ambiance relaxante. Il relate également le retour de Baldwin aux États-Unis après un séjour en France au début du Mouvement des droits civiques.
Il est facile d’accepter que les trois martyrs assassinés, Medgar, Malcolm et Martin, se soient impliqués dans la lutte d’une manière différente de celle de James Baldwin. Même à ses yeux, quand il compare sa contribution à la leur, il se considère lui-même comme un témoin face à de vrais acteurs. En effet, Baldwin, un homme noir gay dans les années 50-60, a dû mener une lutte pour son acceptation et sa reconnaissance au sein même du Mouvement des droits civiques, caractérisé par une structure autoritaire et un environnement machiste et religieux.
Le narrateur du film, Samuel L. Jackson, prononce les mots de Baldwin avec une mélancolie qui vous hante alors que le documentaire débute dans le Sud profond des États-Unis. Le film commence par la vaillante lutte contre le lynchage et la ségrégation au Mississippi. Medgar Evers, organisateur de la NAACP (en français, association nationale pour la promotion des gens de couleur), était une figure essentielle du mouvement dans le Sud contre les lois Jim Crow (série de règlements racistes promulgués dans le Sud des États-Unis entre 1876 et 1964). Evers est le premier des amis de Baldwin à avoir été assassiné par des racistes en pleine rue, alors que sa femme et ses enfants regardaient avec horreur.
Les combattants les plus connus pour la liberté noire, issus de différents courants de pensée et d’action, respectivement Malcolm X et Dr King, sont également mis en évidence. Le film esquisse les différences entre Malcolm X et Dr King ainsi que leur évolution vers une approche plus commune, presque indiscernable. Bien que la vie de Baldwin n’ait pas fini violemment comme celle de ses trois amis, il a activement cherché à mettre en lumière l’héritage et les idées de Martin et Malcolm pour la nouvelle génération d’activistes, après leurs assassinats. Il a évoqué combien il tenait à Martin, mais a déclaré que les gens ne l’écouteraient plus. Il a compris comment Malcolm était plus attractif pour les jeunes noirs, corroborant leur réalité et leur montrant qu’ils existaient. Il explique bien que Malcolm n’ignorait pas les pauvres, les précaires ou les condamnés. Baldwin n’a pas rejoint la Nation de l’Islam (NOI), parce qu’il ne détestait pas les blancs pas plus qu’il n’acceptait la version afro-américaine de l’islam d’Elijah Muhammad (dirigeant de la Nation de l’Islam). Baldwin n’a pas rejoint le mouvement Black Panthers ou Gay Liberation parce qu’il ne voulait pas être prisonnier de concepts organisationnels ou idéologiques. Baldwin voulait être un penseur indépendant.
La lutte continue
“Non seulement je ne suis pas né pour être un esclave ; mais je ne suis pas non plus né pour espérer devenir l’égal d’un maître d’esclave.” – James Baldwin.
Le documentaire fait un fantastique travail pour mettre en lien la lutte des années ’60 et les conditions auxquelles les travailleurs et les jeunes noirs font actuellement face en raison du capitalisme et du racisme. Le documentaire brille des pensées perspicaces de Baldwin sur la couleur et le pouvoir. Ces idées sont examinées dans le film, un débat qui garde toute sa pertinence aujourd’hui. De nos jours, alors que l’information aux Etats-Unis est essentiellement contrôlée par cinq grandes entreprises, le capitalisme a appris à ne plus jamais permettre à un autre Malcolm ou Martin ou même un Baldwin d’accéder à une telle plate-forme. Les médias traditionnels ont aussi appris à limiter l’émergence de nouveaux mouvements indépendants des partis de Wall Street.
Tout comme le débat vidéo de YouTube sur “le rêve américain se réalise-t-il aux dépens du nègre américain”, ce film demande pourquoi l’Amérique a besoin du nègre? Baldwin évoque ce point (1) : “Il est très choquant de découvrir que le drapeau auquel tu as offert ton allégeance, comme tout un chacun, ne t’a pas offert la sienne. Il est très choquant, vers l’âge de cinq ou six ans, de découvrir que quand tu t’identifiais à Gary Cooper tuant les Indiens, tu étais en fait l’indien. Il est très choquant de découvrir que le pays dans lequel tu es né, dans lequel tu as vécu et auquel tu t’identifies, ne t’a pas laissé la moindre place, à un quelconque niveau de réalité.”
Les jeunes de Ferguson se sont rebellés en 2014 dans une ville où la classe ouvrière noire est criminalisée par la police d’État et discriminée par des politiques dignes des lois Jim Crow. Baldwin, en 1963, soulignait ce point : “Je suis sûr qu’ils n’ont rien contre les nègres, mais ce n’est vraiment pas la question, vous savez.” Baldwin ponctue ce point lors d’une autre interview télévisée : “La question est vraiment une sorte d’apathie et d’ignorance qui est le prix que nous avons payé pour la ségrégation. C’est ce que signifie la ségrégation; vous ne savez pas ce qui se passe de l’autre côté du mur parce que vous ne voulez pas savoir.” Ferguson, Baltimore, Tulsa et la montée du mouvement antiraciste Black Lives Matter ont montré que le système oppressif n’a pas beaucoup changé la réalité pour les travailleurs noirs et les jeunes en 50 ans.
L’importance d’I Am Not Your Negro
Le 1er décembre 2016 marquait le 30e anniversaire de la mort de James Baldwin. I Am Not Your Negro est un hommage et une reconnaissance de la contribution de Baldwin à la lutte pour mettre fin à l’exploitation, au racisme structurel et à la domination des entreprises sur nos vies.
Le film permet à une nouvelle génération de se pencher sur la richesse des mots, des idées et de la voix de Baldwin alors que nous construisons un mouvement des travailleurs de toutes les couleurs de peau pour affronter les attaques de Trump et de Wall Street contre les travailleurs, les pauvres et les gens de couleurs.
(1) http://www.nytimes.com/books/98/03/29/specials/baldwin-dream.html
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“We live in a political world” Le Parti Communiste et Bob Dylan
Cet automne s’est éteint Irwin Silber, membre de la Ligue américaine de la jeunesse communiste et rédacteur en chef du magazine américain de musique folk Sing Out ! dans les années 60. C’est lui qui avait initié la campagne contre Bob Dylan l’accusant d’avoir prétendument trahi les mouvements radicaux de l’époque. Frank Riley, un ancien député travailliste du Lancashire, s’est penché sur la relation entre Dylan et le Parti Communiste.
Jamais un artiste populaire n’avait reçu autant d’attaques virulentes et de critiques que Bob Dylan lors de son apparition au Newport Folk Festival en mai 1965 et, par la suite, lorsqu’il est passé à l’électrique. Cette polémique a perduré pendant des années et fait même encore écho aujourd’hui. La performance de Dylan à Newport a eu des répercussions considérables, pas seulement dans le monde de la musique folk, mais aussi sur la musique populaire basée sur les traditions américaines, en particulier la musique rock.
Bob Dylan a ramené les paroles pleines de sens dans les chansons populaires. En plus de cela, il a produit de véritables textes poétiques et a été, pour le meilleur ou le pire, l’inspirateur d’une multitude d’auteurs-compositeurs. Même les Beatles ont déclaré s’être écartés de paroles niaises sous l’influence de Dylan. Mais le rôle du Parti ‘‘Communiste’’ (CP) – aux Etats-Unis et, plus tard, en Grande-Bretagne – qui dans un premier temps l’a porté aux nues pour ensuite tenter de le démolir, n’a pas été correctement expliqué. Les partis ‘‘Communistes’’ étaient les alliés du régime bureaucratique d’Union Soviétique, soutenant l’Etat totalitaire comme étant le véritable socialisme et justifiant toutes les dérives de la politique soviétique.
Lorsque Dylan est monté sur scène à Newport avec un groupe de rock électrique et a entamé la chanson Maggie’s farm, une adaptation d’une vieille chanson folk, Penny’s Farm, il a créé un véritable tollé au sein des traditionalistes folk. Pete Seeger, qui était à l’époque (et toujours maintenant d’ailleurs) le leader vétéran de la scène folk américaine et qui a figuré sur liste noire durant l’ère Maccarthiste, a quasiment fait une attaque. Il y a beaucoup de légendes concernant cette journée : on raconte notamment que Seeger aurait tenté de couper les fils électriques avec une hache et que lui et le manager de Dylan, Albert Grossman, se seraient battus dans la boue.
Seeger a admis que s’il avait eu une hache, il aurait coupé les câbles et les tensions entre les organisateurs et l’équipe de Dylan dans les coulisses seraient avérées. Ce qui est certain, c’est que Dylan a été hué par une grande partie du public. L’ordre a dû être rétabli et, finalement, Dylan est revenu sur scène avec une guitare acoustique et a chanté certaines de ses chansons « acceptables ».
Dans quelle mesure l’explosion de Newport a été organisée et préparée, personne ne le sait vraiment. Mais il semblait bien y avoir une véritable organisation derrière les protestations qu’il a reçues à tous les concerts de sa tournée mondiale qui a suivi. Sa conversion à l’électrique n’était pourtant pas si étonnante. Son album Bringing It All Back Home, mi acoustique mi électrique, sur lequel figurait la chanson Maggie’s Farm, était en vente depuis des mois.
En fait, Dylan avait commencé à jouer du rock’n roll à l’école. Il avait même joué du piano à quelques concerts avec Bobby Vee. Dans le ‘‘yearbook’’ de son école, dans lequel les étudiants écrivent ce qu’ils comptent faire après leurs études, même si ses projets étaient d’aller à l’Université du Minnesota, il a écrit : ‘‘Rejoindre Little Richard’’. Sa prétendue ‘‘trahison’’ était simplement un retour aux sources. Il a d’ailleurs changé plusieurs fois de style au cours de sa longue carrière, ce qui a souvent ravi, troublé ou irrité les fans, ses homologues et les critiques.
Le jeune Robert Allen Zimmerman, devenu par la suite Bob Dylan, originaire de Hibbing, une ville minière du Minnesota, est rapidement devenu célèbre en 1962-63 grâce à plusieurs chansons contestataires qu’il avait écrites dans la tradition populaire, notamment Blowin ‘in the Wind et The Times are A-Changin. Depuis lors, Dylan a écrit et interprété toutes sortes de chansons populaires américaines à partir de diverses traditions – folk, rock, blues, country, gospel, même jazz – devenant, sans doute, l’auteur-compositeur et interprète le plus influent dans l’ère de l’après-guerre. Bien qu’il ait été initialement présenté comme une sorte de Messie politique, et soigneusement entretenu par le Parti Communiste américain inconsciemment et contre sa volonté, il est soudainement devenu un ‘‘traître’’.
Un nouveau Woody Guthrie?
Dylan est arrivé à New-York en 1961 alors qu’il était âgé de 19 ans. Il était passionné par la musique du chanteur folk Woody Guthrie auquel il avait rendu visite avant sa mort dans un hôpital du New Jersey. Guthrie était un proche sympathisant du Parti Communiste. Ses collègues, dirigés par Pete Seeger, ont repopularisé ce qu’ils considéraient comme des chansons du peuple dans le cadre de leur activité politique. Bien que Guthrie n’ait probablement jamais rejoint officiellement le Parti Communiste, il acceptait la ligne du parti tout autant que ses camarades qui étaient membres. Il a d’ailleurs eu, pendant un moment, une colonne dans le journal du Parti Communiste, le People’s Daily World. Il a également écrit et chanté des chansons de paix entre 1939 et 1941, pendant la période du pacte Hitler-Staline, lorsque les partis Communistes en Grande Bretagne et aux Etats-Unis s’opposaient à la guerre.
En fait, selon Seeger, c’est Guthrie qui a en premier changé la ligne quand Hitler a envahi l’Union Soviétique. Seeger raconte : ‘‘Woody a eu un sourire sur le visage. Il m’a dit ‘‘Bon, je suppose que nous n’allons plus chanter de chansons pacifistes’’. Je lui ai dit ‘‘Quoi ? Tu veux dire que nous allions supporter Churchill ?’’. Il m’a dit ‘‘Churchill a retourné sa veste. Nous allons retourner notre veste’’. Il avait raison’’. (Interview de Phil Sutcliffe, Mojo n°193, décembre 2009). Il est intéressant de constater qu’ils n’ont pas dit que c’était Staline, mais Churchill, qui a été obligé de retourner sa veste.
Guthrie est devenu célèbre aux Etats-Unis particulièrement avec sa chanson This Land is Your Land qu’il concevait comme un hymne radical, une alternative au God Bless America de Irving Berlin. Cependant, le fond de sa chanson correspondait plus au rêve américain qu’à une revendication pour la collectivisation des terres. Il a d’ailleurs été engagé par les organismes gouvernementaux pour promouvoir le New Deal de Roosevelt. Il a été payé pour chanter dans les villes touchées par la crise et dans les villages qui allaient être détruits pour faire place à des projets hydroélectriques, notamment le barrage de Grand Coulee, qui est devenu le titre d’une de ses chansons.
Dylan fréquentait le Greenwich Village à New York, un quartier ouvrier et bohémien. Talent précoce, il a été nourri par beaucoup d’artistes plus âgés qui gravitaient autour de Seeger. Il est tombé amoureux de Suze Rotolo, une artiste de 19 ans qui militait dans le mouvement pour les droits civiques (elle apparait sur la couverture du deuxième album de Dylan Freewheelin’). Ses parents ayant été des ouvriers communistes militants, Rotolo était ce qu’elle appelait ‘‘un bébé à couche-culotte rouge’’. Elle a grandit dans ce milieu.
Les membres du Parti Communiste, Seeger et Irwin Silber, éditeurs de Sing Out !, un magazine qui présentait les nouvelles chansons, étaient constamment en contact avec Rotolo, faisant en sorte qu’elle garde leur protégé sous la main. Mais il semble qu’elle n’était pas vraiment consciente de ce qu’ils faisaient. Pour ce qui la concernait, elle voulait juste aider Bob. Ils espéraient que Dylan deviendrait le nouveau Woody Guthrie et contribuerait à la diffusion de leur version du socialisme en devant la grande star du monde folk.
Dylan a avoué : ‘‘Elle vous dira combien de nuits je suis resté éveillé pour écrire des chansons que je lui montrais en lui demandant si c’était juste. Parce que je savais que son père et sa mère étaient associés aux syndicats et elle était familière aux concepts d’égalité et de liberté depuis plus longtemps que moi. On vérifiait les chansons ensemble.’’ (Robert Shelton, No Direction Home : The Life and Music of Bob Dylan). Plus tard, il a dit qu’il ne savait pas qu’ils étaient communistes et que même si il l’avait su, il n’en aurait pas tenu compte. Dave von Rong, chanteur folk qui se surnommait lui-même ‘‘le maire troskyste de la rue McDougall’’ (Greenwich Village), est également devenu l’ami de Dylan et a rapidement découvert que celui-ci était apolitique.
Un explorateur musical
Ceci ne veut pas dire que Dylan n’était pas sincère dans ses chansons sur les droits civiques et ses actions. Son amour de la musique afro-américaine et son éducation juive ont fait de lui un antiraciste naturel. Les artistes noirs avaient également un très bon rapport avec Dylan – il n’a jamais été considéré comme un libéral blanc qui se donne bonne conscience. Les artistes noirs américains, de la famille Staples, en passant par Stevie Wonder à Jimi Hendrix, ont enregistré des chansons de Dylan. Bobby Seale (un des fondateurs du Black Panther Party For Self Defense) a consacré un chapitre de son livre Seize the Time à une discussion avec Huey P Newton, le leader des Black Panthers, sur le morceau Ballad of the thin man de Dylan. Ironiquement, pendant que le Parti Communiste attaquait cette chanson et d’autres, Columbia records a failli ne pas la sortir sous prétexte qu’elle était communiste.
Harry Belafonte, un chanteur noir qui avait connu le succès dans le mainstream (style de jazz apparu dans les années ‘50), a consacré beaucoup de son temps et de son argent à promouvoir de nouveaux artistes noirs. Néanmoins, il a permis à Dylan de connaitre sa première expérience d’enregistrement en lui permettant de jouer de l’harmonica sur son album Midnight special. Dylan recourt encore occasionnellement à des commentaires politiques dans ses chansons.
Dylan a été grandement sous-estimé par ceux qui cherchaient à l’exploiter, y compris par le PC. Loin d’être le plouc de Hibbing, Dylan profitait sans scrupule de ceux qui pouvaient être bénéfiques à sa carrière. Ses camarades d’école et ses amis musiciens de Saint Paul et de Minneapolis l’avaient bien compris. Il ‘‘absorbait’’ tout ce qui pouvait être utile plus tard, d’où son surnom ‘‘d’éponge’’ pour ses ‘‘emprunts’’ de tout ce qu’il pourrait utiliser musicalement : les idées, les chansons et les arrangements. Il tente toujours de justifier cela en disant qu’il était un ‘‘explorateur musical’’.
Ce à quoi les musiciens folk autour de Seeger se sont vraiment opposés en 1965 n’était pas le passage de Dylan aux instruments électriques, mais son refus d’écrire plus de chansons ‘‘qui pointent du doigt’’ (tel que Dylan appelait les chansons protestataires). Ils l’ont accusé d’être ‘‘introspectif’’ et donc implicitement d’être réactionnaire. C’était, en fait, un écho du ‘‘réalisme socialiste’’ et de la ‘‘culture prolétaire’’ stériles qu’avait adopté Staline et qui se manifestaient dans les instances folks de la pureté musicale.
La scène folk britannique
En Grande-Bretagne, un développement similaire s’est développé dans le monde de la musique folk. En 1951, le Parti Communiste de Grande-Bretagne (le CPGB) a publié une brochure ‘‘La menace américaine sur la culture britannique’’. La menace perçue sur la musique britannique a été prise avec sérieux par les membres du Parti Bert Lloyd (mieux connu comme le folkloriste A. L. Lloyd) et par le chanteur folk Ewan MacColl (de son vrai nom Jimmy Miller), auteur de la chanson populaire Dirty Old Town qui parle de sa ville natale, Salford.
MacColl, après avoir rencontré le folkloriste américain et membre du Parti communiste Alan Lomax, dont la secrétaire s’est révélée être Carla Rotolo, la sœur de Suze, a changé son attention vis-à-vis de la musique folk. MacColl et Loyd ont entrepris, avec succès, d’instaurer un ‘‘revival’’ folk en Grande-Bretagne. Il y avait beaucoup d’échanges créatifs entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Effectivement, il est évident que Pete Seeger, dont la sœur Peggy, chanteuse folk, est devenue par la suite la compagne de MacColl, a modelé le revival folk aux Etats-Unis sur le travail de Lloyd et MacColl.
Cette année a également été celle de la rédaction du programme du CPGB, La Route Britannique du Socialisme, une affirmation complètement réformiste de la théorie stalinienne du ‘‘socialisme dans un seul pays’’. Les théories musicales de MacColl découlaient directement de cela. Un débat sur ce qu’étaient les chansons ‘‘pures’’ et ‘‘ouvrières’’ a fait rage dans le monde folk britannique, avec MacColl en chef d’orchestre. Il a finalement adopté la position absurde que si un chanteur était anglais, alors la chanson devait être anglaise, un chanteur américain, la chanson devait être américaine et ainsi de suite. Ils ont également précisé les définitions de ‘‘traditionnel’’, ‘‘commercial’’, ‘‘ethnique’’, ‘‘amateur’’, etc. Cela a été adopté en tant que politique dans une majorité groupes sur lesquels MacColl et ses supporters avaient de l’influence.
Entre alors, dans ce champs miné, Bob Dylan. En 1962, Dylan vient en Grande-Bretagne. Après quelques difficultés à entrer dans le Club de Singer, installé dans le pub Wakefield de Londres, on l’a autorisé à chanter trois chansons, dont deux à lui. Des témoignages contemporains disent que MacColl et Peggy Seeger, qui tenaient le club, étaient hostiles. Comme Dylan était peu connu, une explication pourrait être qu’Alan Lomax leur ait parlé de lui. La relation entre Dylan et Carla Rotolo battait de l’aile, une relation immortalisée dans le morceau Ballad in Plan D : ‘‘Pour sa parasite de sœur, je n’avais aucun respect’’, ce qui peut l’expliquer. Ou cela pourrait être qu’ils ne considéraient pas ses propres chansons comme du folk ‘‘combatif’’. Plus tard, quand Dylan a été déclaré traitre par le PC, MacColl a été un pas plus loin et a annoncé que le travail précédent de Dylan n’avait pas été de la vraie musique folk.
La campagne pour les droits civiques
Dylan n’a été impliqué que rarement dans les actions politiques publiques. Il s’est rendu dans les états du sud aux Etats-Unis avec Pete Seeger pour supporter la campagne de droit de vote des noirs. Il a également chanté, avec Joan Baez, aux côtés de Martin Luther King sur la plateforme de la Marche sur Washington – là ou a été prononcé le fameux discours ‘‘J’ai fait un rêve’’. (L’activité politique de Baez provient d’un mouvement Quaker de paix : son père était un éminent physicien qui a refusé de travailler sur des projets liés aux armes et ses chansons traditionnelles folks lui viennent de sa mère moitié écossaise moitié américaine).
Quand il était dans le sud avec Seeger, Dylan a chanté une nouvelle chanson, Only a Pawn in Their Game, sur le récent meurtre du leader du mouvement des droits civiques, Megdar Evers. Tout le monde savait que le coupable était Byron De La Beckwith, un membre du Ku Klux Klan. Mais cela a pris 30 ans (jusqu’en 1994…) pour trouver un jury du Mississipi prêt à le condamner. Dans sa chanson, Dylan accuse fermement le capitalisme, en montrant que les blancs pauvres sont utilisés comme des pions par la classe dirigeante pour diviser la classe ouvrière. ‘‘Le pauvre homme blanc est utilisé dans les mains de ceux-là comme un outil’’, un extrait qui résume le contenu de cette chanson.
Seeger a affirmé avoir trouvé ce nouveau point de vue intéressant (No Direction Home, film documentaire de Martin Scorsese (2005)). Cela montre la position libérale du PC: voir le racisme simplement comme une question de blancs et de noirs. Les mots de Dylan, au contraire, reflètent une certaine conscience de classe.
The « Judas » protest
Un mois après la débâcle de Newport, le 28 aout 1965, Dylan a joué à Forest Hills avec un groupe de rock nouvellement formé basé sur The Hawks et qui prendra plus tard le nom de The Band. Une foule de 14.000 personnes a applaudi les 45 premières minutes acoustiques du concert et a ensuite hué la deuxième moitié du concert quand le groupe est monté sur scène. Le 24 septembre 1965, à Austin aux Texas, Dylan a débuté une tournée autour de l’Amérique et puis du monde qui a durée une année entière. L’évènement de Forest Hills s’est répété partout. Jamais encore on avait vu des gens acheter des tickets de concert pour exprimer un tel mécontentement sonore. Levon Helm, le batteur, a été tellement dégouté qu’il a renoncé avant la fin de la tournée américaine et a été remplacé.
Alors que la tournée avait atteint la Grande-Bretagne en mai 1966, la tendance était installée. A Edinburgh, la Ligue des Jeunes Communistes a débattu et a décidé d’organiser une grève quand les instruments électriques sont apparus sur scène. Des évènements similaires sont arrivés à Dublin et à Bristol. La presse a très peu couvert cela, excepté pour le Melody Maker qui a fait la une le 14 mai. Avant le concert à Manchester, la société universitaire de Folk a tenu un meeting lors duquel a été voté le boycott du concert.
C’était dans ce contexte que s’est déroulé l’extraordinaire concert au Free Trade Hall de Manchester le 17 mai 1966. Lors de la première partie du concert, il n’y a eu comme d’habitude aucun problème. Après trois chansons dans le second set – ironiquement, immédiatement après la chanson ‘‘communiste’’ Ballad of a Thin Man – les protestations ont commencé. Une fille s’est approchée de Dylan et lui a donné un bout de papier, sur lequel était écrit, on l’apprendra plus tard, ‘‘Dis au groupe de rentrer chez eux’’. Ensuite, dans un moment de silence entre deux chansons, on a pu clairement entendre le cri de protestation ‘‘Judas !’’. Dylan était visiblement et audiblement furieux et secoué – ce concert figure à présent officiellement sur un cd, après des années de contrebande.
Bien que cela soit généralement vu comme le summum de cette période bizarre, les choses sont devenues bien plus sérieuses à Glasgow, ou un fan, armé d’un couteau, a tenté de pénétrer dans la chambre d’hôtel de Dylan. Personne ne peut véritablement accuser le Parti Communiste à propos de ce dernier évènement, mais il y a toujours un doute sur le fait que ses membres dirigeaient les évènements extraordinaires de la tournée de 1965-66, basées sur une interprétation stalinienne déformée de la culture prolétaire mêlée à une dose malsaine de nationalisme.
Note:
‘‘Nous vivons dans un monde politique’’ est la première ligne de la chanson Political World qui ouvre l’album O Mercy (1989) de Bob Dylan
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Stop aux chanteurs homophobes ! Sexion d’Assaut : ‘‘On est homophobe à 100% !’’
Depuis quelques jours, de nombreuses associations dénoncent les propos homophobes tenus par le groupe de rap Sexion d’Assaut : ‘‘l’homosexualité est une erreur, une déviance, un péché intolérable’’. De quoi faire trembler leur maison de disques. Le groupe est actuellement le premier vendeur de disques en France avec pas moins de 350.000 albums vendus, des chiffres inconnus dans le rap français depuis dix ans… et des comptes en banque garnis en conséquence.
Après un été chargé en concerts déprogrammés, en prises de parole enflammées, c’est bien plus qu’un énième groupe de rap qui dérape. C’est dans une interview pour le magazine International Hip-Hop que le groupe Sexion d’Assaut répand sa morve : ‘‘On a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu’on est homophobes à cent pour cent et qu’on l’assume!’’ Au fil de l’interview, le groupe enfonce le clou sur ce ‘‘phénomène de mode’’, ce ‘‘péché’’ qu’est l’homosexualité dont il faut se repentir par rapport à l’islam, la seule religion ‘‘dans le vrai’’. ‘‘On est très croyants et même dieu a envoyé un prophète chez les gays pour les rappeler à l’islam et leur pardonner leurs péchés.’’ Face à l’étonnement du journaliste, abasourdi par ce qu’il vient d’entendre, ils répondent ‘‘On ne peut donc pas se permettre de dire ouvertement que pour nous, le fait d’être homosexuel est une déviance qui n’est pas tolérable! On ne comprend absolument pas que le mariage gay et l’adoption pour les gays soient acceptés dans certains pays!’’
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Aujourd’hui, le groupe est inquiet et divisé, moins sur le fond de la polémique, mais plutôt sur la manière d’assurer les futures rentrées sur leur comptes en banques. En effet, le groupe vient de lancer sa nouvelle tournée, plusieurs concerts sont déjà prévus en France et en Belgique. L’annulation d’un seul concert représenterait des pertes substantielles, à éviter à tout prix. Alors forcément, certains membres du groupe essaient de faire bonnes figures, s’enlisent dans des déclarations bancales et contradictoires sur Twitter : les propos auraient été ‘‘mal rapportés’’ par une journaliste qui ‘‘a la haine contre le groupe’’. Pourtant, leur maison de disques Sony confirme que ces propos nauséabonds ont bien été tenus : ‘‘On était atterrés en écoutant l’enregistrement.’’ Leur participation aux MTV Music Awards est par ailleurs remise en question. En ce qui concerne les mises en garde de la maison de disque, le groupe réplique : ‘‘Mais on nous a déjà fait beaucoup de réflexions et on nous a dit qu’il était mieux de ne plus trop en parler dans nos nouveaux disques parce que ça pouvait nous porter préjudice, que notre public pourrait se sentir concerné. Imagine, il y a même des gays qui viennent nous voir en concert!’’ Enfin, plus pour très longtemps… Néanmoins, le groupe traine depuis toujours une réputation d’homophobes. Alors simple flirt avec l’homophobie ou combat de toujours ?
Des appels au meurtre comme antécédents !
Le groupe a déjà tenu, dans ses précédents albums, de véritables appels au meurtre contre les gays. En attendant la localisation du «prophète chez des gays», on peut toujours relire les paroles de la chanson On t’a humilié ‘‘Je crois qu’il est grand temps que les pédés périssent, coupe leur le pénis, laisse les morts, retrouvés sur le périphérique. Lointaine est l’époque où les homos se maquaient en scred. Maintenant, se galochent en ville avec des sappes arc-en-ciel. Mais vas-y bouge, vas-y bouge. Toutes ces pratiques ne sont pas saines, nos corps ne seront qu’un tas de cendres, la mort ne sera qu’une passerelle’’, entend-on dans Cessez le feu. Et de continuer… ‘‘T’as froid dans le dos quand un travelo te dit “vas-y viens”. Car tu sais que l’homme ne naît pas gay mais qu’il le devient’’ dans le morceau A 30%. ‘‘Bien trop de gays qui s’aiment et en plus se marient’’ dans Vous aussi ou ‘‘Toujours anti-homos’’ dans Rescapé. Pour ne citer que celles-là… Des chansons qui tournent en boucle sur Youtube, sans doute écoutées frénétiquement par des jeunes encore en manque d’esprit critique.
Quand on voit l’indifférence qui règne autours ce genre de propos, il ne faut pas s’étonner de la montée de violence envers les homosexuels. C’est ainsi que la banlieue pauvre de Marseille a été le théâtre d’une agression particulièrement brutale le mois passé. David, un jeune étudiant, se balade avec un ami par une chaude soirée du mois d’août près du périphérique quand soudain, une bande de 10 jeunes bavant de rage se jette sauvagement sur eux : ‘‘sale pédé, on va t’arranger!’’ Les coups pleuvent. David perd connaissance. Il se réveille dans l’ambulance baignant dans son sang et souffre de multiples traumatismes, de quatre fractures au niveau du visage et plusieurs dents cassées. Après une opération maxillo-faciale, David conservera les deux mâchoires collées par des bridges métalliques. Il s’alimente aujourd’hui par une paille et devrait rester les deux mâchoires soudées pendant 4 à 8 semaines. Certain semblent avoir bien retenu la leçon de Sexion d’Assaut. Si nous voulons empêcher de tels actes homophobes, nous devons rester intransigeants face à ceux qui veulent diffuser la haine. Nous devons lutter pour empêcher toute prise de parole qui incite à la haine contre les homosexuels.
Pas de place pour les homophobes !
Rares sont les groupes de rap qui luttent contre l’homophobie et la misogynie comme Calavera, CelluleX, Piloophaz et Rapaces, beaucoup sont des noirs américains qui veulent faire vivre l’héritage du combat pour les droits civiques en luttant pour les gays. N’oublions que le bras droit de Martin Luther King était ouvertement homosexuel. Le problème aujourd’hui, c’est qu’il y a trop de tolérance vis-à-vis de l’homophobie dans le milieu du rap. Sexion d’Assaut n’est pas le premier groupe à faire davantage parler de lui pour ses propos haineux que pour sa musique. C’est ainsi que le chanteur Krys, qu’on entend plus aujourd’hui, affirmait : ‘‘Brûlez tous les bisexuels, les transsexuels, les homosexuels et les travestis, de cette mission là je m’investis. Coup de fusil sur les PD clic clac boum. Ils méritent tous de brûler’’. Il prétendait alors que l’homophobie n’est qu’une ‘‘opinion’’ liée à ses ‘‘convictions religieuses’’. C’est malheureux, mais ce n’est pas un cas isolé. Beenie Man, Capleton, Admiral T, Bounty Killer, Buju Banton, D. Pleen, Lieutenant, Sizzla et Straika,… tous ont déjà été dénoncés par plusieurs associations LGBT, et plusieurs de leurs concerts annulés.
« Out of the closets and into the streets »
De son côté, Sexion d’Assaut sera en concert à Bruxelles le 02 novembre à l’Ancienne Belgique à 20h, sans doute précédé par un comité d’accueil… En effet, plusieurs associations LGBT se mobilisent d’ores et déjà. Fortes de leur succès au festival Couleur Café cet été, les associations sont à présent montées à bloc. Elles avaient obtenu l’annulation pure et simple du concert de l’homophobe Bennie Man grâce à une mobilisation soutenue. Un groupe sur Facebook rassemble déjà des centaines de réactions : « Sexion D’Assaut, groupe homophobe: BOYCOTT ! ».
Au delà de la chanson, nous voulons lutter contre toutes les discriminations et en particulier contre l’homophobie dans les écoles et sur les lieux de travail. C’est pourquoi le PSL/LSP participe chaque année à la Gay Pride et milite toute l’année avec du matériel contre l’homophobie lors de différents festivals, manifs, meeting et autres. Tout ce qui nous divise, nous affaiblit!
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Chine : Des milliers d’étudiants à Nankin affrontent la police
Les autorités sont angoissées à l’approche du vingtième anniversaire du massacre de Tiananmen
Des milliers d’étudiants ont affronté la police dans la ville chinoise méridionale de Nankin (1), après que les agents de l’administration de la ville aient battu des vendeurs de rue. L’incident s’est produit lundi 18 mai au soir, en période de grande alerte pour les autorités «communistes» au fur et à mesure que se rapproche l’échéance du 4 juin, qui marquera le vingtième anniversaire du massacre de Tiananmen du 4 juin 1989.
Article de chinaworker.info
Cinq étudiants, y compris une fille de l’Université d’aéronautique et d’astronautique de Nankin, ont été battus par la sécurité de la ville, qui désiraient nettoyer la place devant l’université. Ceci a mené à une manifestation et des barrages forts de plusieurs milliers d’étudiants de cette université. Un affrontement sanglant s’est ensuite produit entre la police anti-émeute et des milliers d’étudiants, affrontement qui s’est poursuivi jusque dans la nuit de lundi à mardi à 1h du matin. Trente étudiants ont été blessés, et une voiture de police a été détruite par les manifestants. L’incident a été confirmé auprès du Centre des Droits de l’Homme de Hong Kong et par le commissariat de la Zone de Développement de Nankin de même que par le bureau de sécurité de l’université.
Police aggressive
L’incident entier semble avoir été provoqué par des tactiques agressives de la part des autorités de la ville et de la police. Les photos publiées sur internet et dans le South China Morning Post (de Hong Kong) montrent des manifestants étudiants brandissant des pancartes en anglais et en chinois, avec le slogan «Non-violence et non-coopération», inspiré par le mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis mené par Martin Luther King.
Soulignant à quel point les manifestations étudiantes sont sensibles dans cette période de pré-4 juin, les dirigeants du gouvernement provincial sont arrivés à l’université, afin de s’assurer que le mouvement de protestation soit bien tué dans l’oeuf. Les étudiants disent que tous les professeurs ont été mobilisés pour leur donner des travaux et éviter une nouvelle manifestation. Près d’une centaine de policiers anti-émeute se tenaient à l’entrée de l’université. C’était là le deuxième incident de troubles estudiantins en Chine en moins de dix jours. Le 7 mai, des centaines d’étudiants de l’Université de Zhejiang ont organisé une manifestation sur les routes menant à Hangzhou, à la suite du meurtre d’un étudiant par un chauffard. Cet accident a attiré un énorme intérêt sur internet.
Alors que le déclenchement de ces troubles n’apparaît pas comme étant à première vue politique, ces deux exemples illustrent à quel point la situation est tendue sur les campus à travers toute la Chine, alors que le coût des études monte en flèche, constituant un fardeau pour de nombreuses familles sous la forme d’années d’endettement. Les perspectives d’emploi pour les diplômés s’évaporent également, en conséquence de la grave crise économique.
Tiananmen -1989, les sept semaines qui ébranlèrent le monde
Un nouveau livre de chinaworker.info
Ce livre (en anglais) de 96 pages republie le témoignage de Stephen Jolly, qui était présent lors des gigantesques manifestations estudiantines d’avril-juin 1989 contre l’autocratie et la corruption, et complété par de nouveaux articles de Vincent Kolo et de Chen Mo. Ce livre peut être commandé sur le site chinaworker.info (et sera sans doute disponible auprès de nos membres en Belgique à partir de cet été).
(1) Nankin, 6 million d’habitants, non loin de Shangai, ancienne capitale de Chine et toujours aujourd’hui considérée comme capitale officielle du gouvernement en exil de la République de Chine (Taïwan)
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Obama sera-t-il à la hauteur ?
L’élection du premier président «afro-américain », dans un pays dont l’histoire est marquée par le racisme, la ségrégation et l’esclavage, a éveillé les espoirs d’une large couche de la communauté noire. Surfant sur une opinion publique massivement hostile à la guerre en Irak et sur une crise économique qui a jeté le discrédit sur les politiques néo-libérales menées durant les années Bush, les accents « progressistes » du discours d’Obama ont fait mouche.
Jalil (Etudiants de Gauche Actifs-ULB)
Obama arrive pourtant au pouvoir avec en toile de fond la plus profonde crise économique que le capitalisme ai traversé depuis 1929, ce qui l’a rapidement forcé à dilapider l’essentiel de ses promesses électorales : il a prévenu que le système d’assurance-santé pour tous ne serait pas pour cette année. Surtout, face à l’hécatombe qui frappe le marché du travail (2,6 millions d’emplois ont disparu en 2008), ces promesses en termes de création d’emplois paraissent bien dérisoires. Avant d’être élu, il parlait de créer 5 millions d’ emplois. Une fois au pouvoir, le chiffre était retombé à 3 millions . C’est de la « sauvegarde » de 3 millions d’emplois dont il s’agit à présent…alors que le nombre officiel de chômeurs avoisine déjà les 11 millions !
Sauver le capitalisme américain, sur le dos des travailleurs
Obama a décidé de plafonner la rémunération des banquiers à 500 000 dollars. Cette mesure ne s’applique pourtant pas à ceux qui ont bénéficié du plan de sauvetage de Bush, comme les dirigeants de Merryll Linch qui ne seront pas contraints de revenir sur la distribution des 4 milliards de dollars qu’ils s’étaient accordés avant que leur banque soit absorbée par la Bank of America. De plus, les limites imposées ne concerneront pas les dividendes et elles seront levées lorsque les prêts de l’Etat auront été remboursés. Il ne s’agit pas, a déclaré Obama, d’une « prise de contrôle par l’Etat. L’initiative privée suivra son cours mais il faudra rendre des comptes et se montrer responsable».
La notion de “sacrifice” est centrale dans les discours d’Obama : ce dernier se prépare à faire payer la crise sur le dos des travailleurs et des couches pauvres de la population. Le nouveau paquet de sauvetage de près de 800 milliards de dollars va tout au plus atténuer les effets de la crise, mais ne permettra pas d’enrayer la vague de fermetures d’entreprises et de licenciements de masse qui accompagnent la récession. Dans ce plan de relance, 40% des fonds seront destinés à de nouvelles baisses de taxes pour les entreprises et les classes moyennes. Au-delà de l’inefficacité avérée de telles mesures pour relancer l’économie, Obama montre par là sa volonté de tendre la main aux Républicains dans un objectif de réconciliation bipartisane ; le Washington News commentait récemment : “Le président élu propose des baisses de taxes qui pourraient faire rougir George W. Bush”…
Le plan de relance d’Obama est avant tout destiné à sauver le capitalisme américain de la faillite, et non un plan destiné à venir en aide aux travailleurs et à leurs familles. Le déficit budgétaire pour l’année 2009 est estimé à 1,2 trillions de dollars (8,3 % du PIB) avant même la mise en oeuvre du plan de relance. Il est clair que, d’une manière ou d’une autre, ces dettes gigantesques vont devoir être repayées par la collectivité à un stade ultérieur, tandis que les capitalistes et les gros actionnaires continueront de s’octroyer de généreux profits.
Obama : question de race ou question de classe ?
Obama se profile habilement comme un successeur de figures historiques du mouvement noir comme Martin Luther King. De nombreux commentateurs nous présentent aujourd’hui l’élection d’Obama comme la réalisation du « rêve américain » et annoncent l’avènement d’une société « postraciale ». Pourtant , la politique réactionnaire d’une Condoleeza Rice ou d’un Colin Powell dans l’ancienne administration Bush illustrent que le racisme et l’oppression des noirs ne diminueront pas par la simple arrivée au pouvoir d’un président de couleur. Sarkozy a utilisé la même technique en insérant trois ministres « d’ouverture » dans son cabinet (Rahcida Dati, Fadela Amara et Rama Yade). Ce gouvernement continue néanmoins ces politiques d’austérité contre les acquis sociaux, une répression accrue contre les jeunes des quartiers populaires, les sans-papiers et le droit de grève.
La population noire et immigrée traverse une situation sociale dramatique. Premières victimes de la crise, les noirs américains subissent de plein fouet le chômage de masse (l’an dernier, 20.000 noirs ont perdu leur emploi rien que dans le secteur automobile) et les expulsions de logement dues à la crise immobilière. Aujourd’hui, un adulte afro-américain sur quinze est en prison, et les discriminations contre les immigrés sont toujours aussi nombreuses que par le passé. Une enquête officielle provenant du FBI illustre même que les attaques et discriminations à caractère raciste ont tendance à augmenter dernièrement. La répression policière contre les jeunes afroaméricains nous a été rappelée par le récent meurtre d’un jeune afro-américain par un agent de la BART (la police des transports) à Oakland le soir du nouvel an.
La pauvreté énorme de nombreux quartiers aux Etats-Unis et les incessantes discriminations touchant la population noire et immigrée ne pourront être combattue que par une lutte commune des travailleurs et des jeunes de toutes les origines pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, et contre le capitalisme, qui se nourrit de la division et des problèmes sociaux. Telle est la principale leçon du mouvement pour les droits civiques. Cette leçon, Obama ne l’a pas faite sienne, enfermé qu’il est dans une logique capitaliste, et voulant transcender les divisions sociales au nom de « l’unité de la nation ».
Vers une ère de paix ?
Obama a été porté au pouvoir grâce notamment à son positionnement contre la guerre. La promesse de retrait des troupes du bourbier irakien dans les 16 mois a été un élément-clé pour remporter les primaires démocrates contre Hillary Clinton. La réalité est bien moins réjouissante, comme l’atteste la confirmation au secrétariat à la défense de Robert Gates, l’un des principaux va-t-en guerre de l’ancienne administration.
La situation irakienne ne demande plus un tel contingent militaire car les intérêts américains en Irak sont maintenant protégés par le gouvernement fantoche mis en place par les USA. Cependant, la « sécurité » en Irak reste extrêmement précaire, et le plan de retrait reste conditionné à une évolution sur le terrain qui laisse supposer que non seulement un retrait rapide et unilatéral est tout sauf probable (les 16 mois se sont déjà transformés en 23 mois), mais laisserait en outre derrière lui un pays dévasté et en proie à des tensions explosives. L’objectif de doubler les effectifs militaires en Afghanistan permet lui aussi de nuancer les volontés « pacifistes » d’Obama.
Le coup médiatique sur la fermeture de Guantanamo ne peut cacher les dizaines d’autres prisons sans droits éparpillées dans le monde comme Bagram en Afghanistan ou Diego Garcia, un territoire britannique situé dans l’océan Indien. Les ordres signés par Obama ne remettent pas en cause la procédure connue sous le nom d’« extradition extraordinaire », par laquelle les Etats-Unis ont, durant les années Bush, kidnappé des présumés terroristes et les ont envoyés dans des pays étrangers ou des prisons secrètes de la CIA pour les torturer. Le président ne s’est toujours pas expliqué non plus sur ce qu’il comptait faire avec le Patriot Act 1 et 2, qui limite les libertés individuelles au nom des lois anti-terroristes.
Quant au conflit israélopalestinien, les seules prises de position publiques qu’Obama a prises sur le sujet visait à assurer son soutien inébranlable à la sécurité d’Israël, tout en ne soufflant mot sur l’occupation et les bombardements à Gaza. On se souvient également de son plaidoyer devant une association de lobby pro-israélienne aux USA, pour que Jérusalem devienne la “capitale indivisible d’Israël”. Le Congrès -à majorité démocrate- a quant à lui renouvelé pour 10 ans l’aide annuelle de 3 milliards de dollars à l’Etat d’Israël…Tout ça porte à croire qu’à part une plus grande dose de concertation avec les autres grandes puissances, la politique étrangère d’Obama au Moyen-Orient ne va pas subir de changements fondamentaux.
