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Tag: Malcolm X
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Combattre le racisme par la solidarité : l’héritage de Malcolm X et des Black Panthers
Dans le mouvement en cours contre le racisme et la violence policière, les interrogations sont nombreuses. Quelle tactique ? Quel programme ? Sur qui compter ? Heureusement, les révolutionnaires du passé se sont déjà penchés sur ces questions. Revenons sur l’héritage de Malcolm X et des Black Panthers.Par Julien (Bruxelles)
‘‘Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme’’
Dans les années ‘60, Malcolm X disait vivre une « ère de révolutions ». Des mouvements sociaux balayaient la planète entière. Malcolm X prenait le temps de s’informer sur l’actualité et de voyager, en Afrique notamment. Son internationalisme lui permit de s’éloigner du nationalisme noir pour s’orienter vers la solidarité de classe. Là où il y a des pénuries, il y a discrimination. Malcolm X a su tirer la conclusion que le racisme n’est pas un problème de comportement individuel, mais la conséquence d’un système reposant sur l’inégalité économique.
‘‘Nous combattons le racisme par la solidarité’’
Un des problèmes du nationalisme noir, qui se retrouve aussi dans certaines théories actuelles, est qu’il divise les exploités. Le racisme prenant sa source dans le capitalisme, il est nécessaire de construire la révolte en allant chercher la solidarité. C’est à cette conclusion qu’étaient arrivés les Black Panthers qui disaient qu’il fallait ‘‘combattre le racisme par la solidarité’’. Ils ont par exemple mené un travail contre l’homophobie en expliquant que l’homophobie avait la même origine que le racisme – diviser les masses opprimées au profit de la classe dirigeante – et qu’il fallait être solidaires des personnes LGBTQI+ et s’allier au mouvement qui avait éclos après les émeutes de ‘‘Stonewall’’. Huey P Newton expliquait qu’on ne pouvait ‘‘remplacer le racisme anti-noir par du racisme anti-blanc’’. Ils étaient convaincus que les travailleurs blancs n’étaient pas privilégiés par le racisme mais au contraire qu’ils avaient tout intérêt à se battre ensemble pour une autre société.
‘‘Nous combattons le capitalisme par le socialisme’’
Sans plan, tout objectif n’est qu’un souhait. Pour en finir avec le capitalisme, il faut savoir où l’on va. Malcolm X que Martin Luther King, sur la fin de leurs vies, ainsi que les Black Panthers un peu plus tard se sont tournés vers les idées socialistes. Le meurtre ou la répression brutale les a frappés alors qu’ils parvenaient à des conclusions marxistes, ce qui n’est aucunement un hasard.
En se constituant en parti, les Black Panthers sont allés plus loin que Malcolm X et Martin Luther King, grâce à la construction d’un outil pour changer la société. Ce parti avait peu de liens avec le mouvement ouvrier organisé, y compris avec le mouvement ouvrier afro-américain, la force la plus puissante pour lutter contre le capitalisme grâce au recours à l’arme de la grève. Nous entendons honorer leur combat et étudier les leçons de leurs victoires et leurs défaites pour mieux nous organiser et nous battre en faveur d’une société socialiste !
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[FILM] I am Not Your Negro
“Je ne peux pas être pessimiste parce que je suis en vie. Être pessimiste signifie que tu dois accepter que la vie humaine est une matière académique, dès lors je suis forcé d’être optimiste. Je suis forcé de croire que nous pouvons survivre à tout ce à quoi nous devons survivre.” – James Baldwin.Comme beaucoup de jeunes, James Baldwin n’a pas attiré mon attention lorsque j’étais à l’école ou à l’université. Quand j’ai découvert Baldwin, il était clair, à la lecture de son premier roman La conversation (Go Tell It On The Mountain) et La Prochaine Fois, le feu (The Fire Next Time) qu’il est un excellent écrivain. Ce n’est qu’au moment où des vidéos YouTube comme le débat entre James Baldwin avec William F. Buckley intitulé “le rêve américain se fait aux dépens du nègre américain” ont commencé à tourner sur Facebook et Twitter que Baldwin a eu un réel impact sur moi. À l’époque de du mouvement Black Lives Matter contre les violences et les meurtres racistes de la police aux Etats Unis, 50 ans plus tard, cet intitulé est toujours pertinent.
Par Ryan Watson, Chicago, Socialist Alternative (partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière aux USA)
I’m Not Your Negro (Je ne suis pas votre nègre), nominé aux Oscars 2017 pour le meilleur documentaire, conté par Samuel L. Jackson et réalisé par le haïtien Raoul Peck, est révolutionnaire et inspirant. Le travail cinématographique de Peck comprend Lumumba, un récit biographique du premier Premier ministre démocratiquement élu du Congo, Patrice Lumumba qui revient sur le coup d’Etat belgo-américain et l’assassinat de Lumumba. Le prochain film de Peck s’intitulera Le jeune Karl Marx (il sortira en septembre en Belgique).
I Am Not Your Negro est tiré d’un manuscrit inachevé de 1979 intitulé Remember This House qui relate l’amitié de Baldwin avec des personnages emblématiques, dont Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King Jr. – tous trois assassinés – et leur contribution politique au mouvement afro-américain. Raoul Peck disposait d’un accès total au travail de Baldwin. Il nous offre les fruits de ce qu’il a trouvé tout au long du documentaire.
Le fils d’Harlem
Baldwin est né le 2 août 1924 et a grandi à Harlem, à New York. Il a connu la dure réalité de la pauvreté, du racisme et des violences paternelle, de son beau-père en particulier. I Am Not Your Negro fait un excellent travail en soulignant sa relation avec une enseignante. James Baldwin, produit du système scolaire public de la ville de New York, a très tôt montré des signes précurseurs de curiosité et l’envie de comprendre les choses, ce qui a suscité l’intérêt de son professeur, une jeune femme blanche nommée Orilla Miller. Surnommé “Bill” par le jeune Baldwin, Miller devait avoir un effet profond sur la vie de Baldwin.
Elle a dirigé sa première pièce et a encouragé ses talents. Ils discutaient ensemble de littérature et visitaient des musées ensemble. Miller est même allé jusqu’à demander à son beau-père, David Baldwin, l’autorisation d’emmener James au cinéma. Plus tard, Baldwin lui attribua son manque de radicalisme. Il expliquera que c’était “certainement en partie à cause d’elle, qui est arrivée si tôt dans sa terrifiante vie, qu’il n’a jamais réussi à haïr les blancs”.
Baldwin disait : “Bill Miller était blanche”, mais elle n’était “pas, pour moi, blanche comme Joan Crawford était blanche”. Pas plus qu’elle n’était blanche “de la même manière que les propriétaires terriens et les commerçants, les flics et la plupart de mes professeurs étaient blancs. Elle aussi (…) était traitée comme une négresse, surtout par les flics, et elle n’appréciait pas les propriétaires terriens”. Grâce à elle, Baldwin a appris que “les blancs n’agissent pas comme ils le font parce qu’ils sont blancs”.
Bien qu’il semble que tous les oppresseurs soient blancs, Baldwin s’est rendu compte que tous les blancs n’étaient pas des oppresseurs dans la société américaine. Ses talents d’orateurs ont été mis à profit durant trois à quatre ans à la chaire de l’église en tant que prêcheur junior. Baldwin quittera ensuite l’église pour échapper à la brutalité de son beau-père. Il remet alors en question les principes du christianisme, ce qui deviendra un thème majeur tout au long de ses écrits et de sa critique sociale du capitalisme américain et du racisme.
Baldwin en tant que témoin
Le documentaire mélange les images et le travail de Medgar Evers, Malcolm X, et du Dr Martin Luther King Jr. avec la poésie et l’amour que Baldwin ressentait pour ses amis, aboutissant à une ambiance relaxante. Il relate également le retour de Baldwin aux États-Unis après un séjour en France au début du Mouvement des droits civiques.
Il est facile d’accepter que les trois martyrs assassinés, Medgar, Malcolm et Martin, se soient impliqués dans la lutte d’une manière différente de celle de James Baldwin. Même à ses yeux, quand il compare sa contribution à la leur, il se considère lui-même comme un témoin face à de vrais acteurs. En effet, Baldwin, un homme noir gay dans les années 50-60, a dû mener une lutte pour son acceptation et sa reconnaissance au sein même du Mouvement des droits civiques, caractérisé par une structure autoritaire et un environnement machiste et religieux.
Le narrateur du film, Samuel L. Jackson, prononce les mots de Baldwin avec une mélancolie qui vous hante alors que le documentaire débute dans le Sud profond des États-Unis. Le film commence par la vaillante lutte contre le lynchage et la ségrégation au Mississippi. Medgar Evers, organisateur de la NAACP (en français, association nationale pour la promotion des gens de couleur), était une figure essentielle du mouvement dans le Sud contre les lois Jim Crow (série de règlements racistes promulgués dans le Sud des États-Unis entre 1876 et 1964). Evers est le premier des amis de Baldwin à avoir été assassiné par des racistes en pleine rue, alors que sa femme et ses enfants regardaient avec horreur.
Les combattants les plus connus pour la liberté noire, issus de différents courants de pensée et d’action, respectivement Malcolm X et Dr King, sont également mis en évidence. Le film esquisse les différences entre Malcolm X et Dr King ainsi que leur évolution vers une approche plus commune, presque indiscernable. Bien que la vie de Baldwin n’ait pas fini violemment comme celle de ses trois amis, il a activement cherché à mettre en lumière l’héritage et les idées de Martin et Malcolm pour la nouvelle génération d’activistes, après leurs assassinats. Il a évoqué combien il tenait à Martin, mais a déclaré que les gens ne l’écouteraient plus. Il a compris comment Malcolm était plus attractif pour les jeunes noirs, corroborant leur réalité et leur montrant qu’ils existaient. Il explique bien que Malcolm n’ignorait pas les pauvres, les précaires ou les condamnés. Baldwin n’a pas rejoint la Nation de l’Islam (NOI), parce qu’il ne détestait pas les blancs pas plus qu’il n’acceptait la version afro-américaine de l’islam d’Elijah Muhammad (dirigeant de la Nation de l’Islam). Baldwin n’a pas rejoint le mouvement Black Panthers ou Gay Liberation parce qu’il ne voulait pas être prisonnier de concepts organisationnels ou idéologiques. Baldwin voulait être un penseur indépendant.
La lutte continue
“Non seulement je ne suis pas né pour être un esclave ; mais je ne suis pas non plus né pour espérer devenir l’égal d’un maître d’esclave.” – James Baldwin.
Le documentaire fait un fantastique travail pour mettre en lien la lutte des années ’60 et les conditions auxquelles les travailleurs et les jeunes noirs font actuellement face en raison du capitalisme et du racisme. Le documentaire brille des pensées perspicaces de Baldwin sur la couleur et le pouvoir. Ces idées sont examinées dans le film, un débat qui garde toute sa pertinence aujourd’hui. De nos jours, alors que l’information aux Etats-Unis est essentiellement contrôlée par cinq grandes entreprises, le capitalisme a appris à ne plus jamais permettre à un autre Malcolm ou Martin ou même un Baldwin d’accéder à une telle plate-forme. Les médias traditionnels ont aussi appris à limiter l’émergence de nouveaux mouvements indépendants des partis de Wall Street.
Tout comme le débat vidéo de YouTube sur “le rêve américain se réalise-t-il aux dépens du nègre américain”, ce film demande pourquoi l’Amérique a besoin du nègre? Baldwin évoque ce point (1) : “Il est très choquant de découvrir que le drapeau auquel tu as offert ton allégeance, comme tout un chacun, ne t’a pas offert la sienne. Il est très choquant, vers l’âge de cinq ou six ans, de découvrir que quand tu t’identifiais à Gary Cooper tuant les Indiens, tu étais en fait l’indien. Il est très choquant de découvrir que le pays dans lequel tu es né, dans lequel tu as vécu et auquel tu t’identifies, ne t’a pas laissé la moindre place, à un quelconque niveau de réalité.”
Les jeunes de Ferguson se sont rebellés en 2014 dans une ville où la classe ouvrière noire est criminalisée par la police d’État et discriminée par des politiques dignes des lois Jim Crow. Baldwin, en 1963, soulignait ce point : “Je suis sûr qu’ils n’ont rien contre les nègres, mais ce n’est vraiment pas la question, vous savez.” Baldwin ponctue ce point lors d’une autre interview télévisée : “La question est vraiment une sorte d’apathie et d’ignorance qui est le prix que nous avons payé pour la ségrégation. C’est ce que signifie la ségrégation; vous ne savez pas ce qui se passe de l’autre côté du mur parce que vous ne voulez pas savoir.” Ferguson, Baltimore, Tulsa et la montée du mouvement antiraciste Black Lives Matter ont montré que le système oppressif n’a pas beaucoup changé la réalité pour les travailleurs noirs et les jeunes en 50 ans.
L’importance d’I Am Not Your Negro
Le 1er décembre 2016 marquait le 30e anniversaire de la mort de James Baldwin. I Am Not Your Negro est un hommage et une reconnaissance de la contribution de Baldwin à la lutte pour mettre fin à l’exploitation, au racisme structurel et à la domination des entreprises sur nos vies.
Le film permet à une nouvelle génération de se pencher sur la richesse des mots, des idées et de la voix de Baldwin alors que nous construisons un mouvement des travailleurs de toutes les couleurs de peau pour affronter les attaques de Trump et de Wall Street contre les travailleurs, les pauvres et les gens de couleurs.
(1) http://www.nytimes.com/books/98/03/29/specials/baldwin-dream.html
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[VIDEO] 50 ans après la mort de Malcolm X
Ce 21 février, cela faisait très exactement 50 ans que Malcolm X était assassiné. A cette occasion, nos camarades irlandais du Socialist Party avaient organisé une tournée de meetings avec Eljeer Hawkins, membre de notre organisation-soeur américaine Socialist Alternative. La vidéo (en anglais) ci-dessous a été réalisée lors du meeting de Dublin.
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L’héritage révolutionnaire de Malcolm X
Le mois de février 2015 marque le 50ème anniversaire de l’assassinat de Malcolm X (19 mai 1925 – 21 février 1965). Dans le sillage des révoltes qui prennent place aux USA contre la violence policière endémique, l’exploitation économique et l’aliénation sociale, un nouveau mouvement embryonnaire dirigé par de jeunes noirs grandi sous la bannière #BlackLivesMatter (Les vies noires comptent). Malcolm X reste une figure imposante dans le panthéon des révolutionnaires du 20ème siècle, examinons les 11 derniers mois de sa vie et l’héritage qu’il a laissé derrière lui.
Par Eljeer Hawkins, Socialist Alternative (section américaine du Comité pour une Internationale Ouvrière)
1964 – L’évolution d’un révolutionnaire
Le 8 mars 1964, Malcolm X décida d’annoncer qu’il quittait la Nation de l’Islam et prenait ses distances de son leader spirituel Elijah Muhamad afin de s’engager complètement dans la lutte pour les droits civiques et humains aux USA et à l’étranger. Malcolm fonda Muslim Mosque Inc. (Mosquée Musulmane S.A.) pour regrouper les membres de la Nation de l’Islam qui l’avaient suivi. En juin, il en développa le bras politique : l’Organisation de l’Unité Afro-Américaine (OUAA) basée est sur le modèle de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA – précédant l’Union africaine) née après les victoires des luttes anti-coloniales de libérations, dans le monde néocolonial.
La Nation de l’Islam dénonçait l’hypocrisie de la ‘‘démocratie’’ américaine, le capitalisme, la suprématie blanche et les conditions de vie épouvantables de la population noire depuis l’esclavage. Recrutant ses membres parmi la classe ouvrière, les pauvres, les détenus et les travailleurs précaires noirs, la Nation de l’Islam prêchait et pratiquait une combinaison de nationalisme culturel noir et d’idéaux pro-capitalistes comme le mouvement de Marcus Garvey (UNIA, d’où étaient issus beaucoup de ses membres), le plus large mouvement dirigé par des Noirs et auquel les parents de Malcolm X appartenaient. La Nation de l’Islam était une organisation pyramidale, aux décisions prisent à la direction et imposées à la base, qui comprenait également une branche paramilitaire (Les fruits de l’Islam). L’organisation prêchait que le peuple noir était le ‘peuple élu’ destiné à être libéré du malin, de la suprématie blanche et des lois ségrégationnistes. Elle mettait en avant qu’il existe une connexion mondiale entre les peuples basanés d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Amérique-Latine.
La forme spécifique d’Islam afro-américain de la nation de l’Islam n’était pas reconnue par l’Islam sunnite. Sa politique vis-à-vis du mouvement des droits civiques était basée sur le non-engagement alors qu’il s’agissait du mouvement social le plus important de l’époque. Elijah Muhammad craignait que le gouvernement s’attaque à son organisation. Alors que des évènements bouleversants se produisaient partout dans le monde avec des révolutions, des contre-révolutions, des rébellions et le Mouvement des droits civiques aux USA, l’embrasement politique et spirituel de Malcolm pour un engagement plus complet dans la lutte était de plus en plus palpable. En tant que porte-parole national de la Nation de l’Islam, Malcolm politisait la théologie d’Elijah Muhammad au grand désarroi de ce dernier, ce qui provoqua la colère de la direction de l’organisation.
Après avoir quitté la Nation de l’Islam, Malcolm entreprit dès avril 1964 deux voyages internationaux qui se sont étendus à l’Afrique, à l’Europe et au Moyen-Orient. Ce voyage avait des objectifs à la fois politiques et religieux, Malcolm voulant compléter son pèlerinage à La Mecque et accepter formellement les enseignements de l’Islam sunnite. Il souhaitait devenir un point de référence aux USA pour l’Islam, théologiquement et d’un point de vue organisationnel. Les voyages de Malcolm à travers l’Afrique et le Moyen Orient ont eu un énorme impact sur sa manière de penser l’Islam et la révolution.
Lier la lutte de libération des noirs à l’anticolonialisme
Politiquement, Malcolm souhaitait amener sur le devant de la scène internationale la cause des 22 millions d’Afro-Américains qui subissaient la pauvreté, les violences policières, l’exclusion politique, etc. de la ségrégation américaine.
Malcolm a dû naviguer à travers un monde d’après-guerre qui connaissait révolutions et contre-révolutions. Les révolutions dans le monde colonial comme en Chine, en Algérie, au Vietnam ou à Cuba et le mouvement des pays non-alignés qui donna naissance à la conférence de Bandung en 1955 ont eu un puissant impact sur sa vision politique du monde. Les révolutions anticoloniales ponctuaient le déclin de la puissance coloniale européenne, l’émergence des USA comme superpuissance capitaliste prééminente et le renforcement de la social-démocratie ainsi que du Stalinisme en Europe de l’Est. Voilà la toile de fond de l’évolution des idées de Malcolm sur une période de 11 mois. Aux USA, le mouvement de libération des Noirs – avec la naissance en 1955 du Mouvement des droits civiques suite à la mort brutale d’Emmett Till et au refus de Rosa Parks de se lever d’un siège dans un bus de Montgomery – déclencha un puissant mouvement social contre cet esclavage d’un autre nom qu’était le système Jim Crow (un ensemble de lois ségrégationnistes).
La doctrine anti-communiste de 1947 du président Harry Truman, la chasse aux sorcières du sénateur McCarthy et le libéralisme de la guerre froide à travers le bloc de l’Ouest ont eu un effet dévastateur sur le mouvement de libération noir radical, ses activistes de gauche et ses dirigeants radicaux. ‘‘Le soutien de beaucoup de libéraux afro-américains à la politique étrangère américaine pendant la guerre froide et à sa position sur le racisme et le colonialisme à l’étranger a nuit à la lutte anticoloniale et à la lutte des Noirs américains pour les droits civiques’’, comme le dit l’historienne américaine Penny Von Eschen.
Le mouvement des droits civiques
La montée d’un leadership réformiste, libéral et s’appuyant sur l’Église dans des organisations comme le NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) et le SCLC (Southern Christian Leadership Conference) ont conduit le Mouvement des droits civiques à devenir la force dominante dans la lutte pour la liberté, par sa tactique de désobéissance civile non violente et sa lutte pour des réformes politiques et sociales accordées par l’establishment politico-économique pendant la période de croissance d’après-guerre. Une certaine élite libérale et politique pensait que le capitalisme pouvait endiguer la pauvreté, le racisme et l’oppression endémiques. Mais ce sont les militants du Mouvement qui forcèrent l’administration du président Johnson à implémenter des programmes sociaux clés sous le nom de programme de la guerre contre la pauvreté ainsi qu’à signer le Civil Right Act (1964, qui déclare la ségrégation et les discriminations illégales) et le Voting Rights Act (1965, qui octroie de facto le droit de vote aux Noirs sans tests ni taxes).
Durant cette période, Malcolm a souligné les limites du libéralisme sous Johnson. Elles sont devenues évidentes après l’implication complète (économique et militaire) de l’impérialisme américain au Vietnam, et le rôle joué par le système bipartisan républicains/démocrates. La récupération des mouvements sociaux par le Parti Démocrate devenait flagrante. Malcom a dénoncé la suprématie blanche, l’hypocrisie de la démocratie américaine face aux explosions sociales qui secouaient de nombreuses villes du pays, la répression violente des militants (lynchages, intimidations et meurtres) et le cadre trop étroit du Mouvement des droits civiques.
Malcolm cherchait à placer la lutte américaine pour les droits civiques dans le cadre de la lutte internationale anticapitaliste et anti-impérialiste. Il souhaitait unir les plus opprimés et les jeunes du Tiers Monde et des USA dans le combat pour une libération totale de l’oppression et de l’exploitation quotidiennes. Sa campagne consistait à vouloir confondre les USA devant les Nations Unies en portant plainte pour crimes contre l’humanité à l’encontre des Afro-Américains. Les élites dirigeantes internationales, les forces gouvernementales américaines et les membres de la Nation de l’Islam voulaient la mort de Malcolm X à cause de sa capacité d’organisation (nationalement et internationalement) et de sa capacité à inspirer les masses en offrant une alternative au racisme et au capitalisme.
La pertinence de Malcolm X aujourd’hui
À la fin de sa vie, Malcolm a tiré une analyse plus profonde du capitalisme et de la suprématie blanche, en fournissant une marche à suivre pour les jeunes générations d’activistes et d’organisations des mouvements de libération noirs. Les conditions matérielles derrière l’émergence d’une figure telles que Malcolm X existent toujours aujourd’hui. La pauvreté abjecte, le racisme, le taux de chômage élevé, l’incarcération de masse, la violence policière, les licenciements, l’austérité, etc. sont les sous-produits d’un système capitaliste malade basé sur la soif de profits d’une poignée de dirigeants faisant partie de l’élite.
Ces conditions produisent aujourd’hui une nouvelle génération de révolutionnaires, comme les jeunes de Ferguson et d’ailleurs aux USA, qui seront inspirés par l’exemple brillant de Malcolm X.