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Tag: Luttes étudiantes
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Afrique du Sud : Six mois après la lutte étudiante qui a fait reculer Zuma
Réorganiser le mouvement autour d’une direction et d’une ligne cohérente pour pouvoir progresser !Le mouvement contre la hausse des frais d’inscription (FMF) a marqué l’année 2015 en obtenant l’annulation de la hausse prévue des fins d’inscription dans les universités en Afrique du Sud. Cependant, la « deuxième » phase de la lutte pour l’enseignement gratuit piétine. Cela pour diverses raisons. Les trois assemblées organisées par les représentants du mouvement à la fin 2015, auxquelles ont participé une vingtaine d’institutions, constituent un des plus importants facteurs de progrès depuis l’arrivée de la démocratie capitaliste libérale en 1994. Mais certaines de ces assemblées ont également montré d’importantes faiblesses qui expliquent la stagnation actuelle de FMF, en particulier au niveau du programme et de la direction.
Par Trevor Shaku, Mouvement des jeunes socialistes d’Afrique du Sud (organisation jeune du CIO en Afrique du Sud)
Le programme
Un programme est un guide pour l’action : la stratégie et la tactique requises pour accomplir les objectifs programmatiques et la fondation à partir de laquelle un plan d’action peut être élaboré. En tant que tel, le programme est toujours un point de référence à la lueur duquel évaluer les réussites et les échecs du mouvement pour l’enseignement gratuit, afin de pouvoir mettre en œuvre une réflexion stratégique ; pour évaluer la progression, tirer les leçons de la dernière période et tracer des perspectives pour le futur.Le but de ce genre d’évaluations ne peut être simplement de partager des expériences comme des anecdotes concernant des bagarres avec la police. Un programme peut concrétiser ces expériences en leur donnant une forme concrète et en les traduisant en un guide pour l’action au cours de la prochaine confrontation avec les directions des universités et le gouvernement.
Malgré le fait que la revendication de l’enseignement gratuit bénéficie d’un immense soutien parmi la population, les actions de la « deuxième phase » du FMF se sont concentrées sur les problèmes d’inscription, d’hébergement, du racisme et de langage utilisé. Cependant, les conflits sur ces questions ont pris la forme d’escarmouches entre une minorité d’étudiants actifs et la direction plutôt que d’une confrontation de masse, comme cela a été le cas en octobre 2015. Le soutien de la masse des étudiants s’est refroidi et est devenu passif plutôt qu’actif.
Prenant bonne note de ce fait, le gouvernement a tenté d’utiliser à son avantage la concession qui lui avait été arrachée afin de forcer une division entre la masse et la minorité d’activistes, dans une tentative de restaurer l’autorité de l’Alliance des jeunes progressistes (PYA, une organisation de jeunes de l’ANC) et de rétablir l’ordre en encourageant les directions des universités à recourir à la force.
C’est dans ces circonstances que le FMF s’est retrouvé incapable de conserver son unité et sa cohérence. Le mouvement n’a pas de programme clair, n’a pas de structures contrôlées par la base, n’a pas de direction démocratiquement élue. En fait, certains avancent même l’idée selon laquelle le mouvement serait rendu plus démocratique du fait qu’il ne possède aucune structure démocratique, qu’il ne suit aucune vision idéologique déterminée par un débat démocratique et qu’il ne dispose d’aucune programme d’action décidé démocratiquement. Tout cela a semé beaucoup de confusions quant à la voie à suivre pour pouvoir avancer.
Sans une perspective partant de la reconnaissance de la relation entre les luttes étudiantes et les luttes ouvrières contre la politique capitaliste néolibérale menée par le gouvernement et pour le socialisme, le FMF a été privé de toute possibilité d’atteindre une clarté idéologique ; de ce fait, il n’a pas pu obtenir la moindre cohésion programmatique et organisationnelle.
Sans un programme cohérent pour nous guider dans l’action, le FMF est resté inconsistant, sans le moindre programme coordonné sur le plan national. Malheureusement, les quelques rencontres interprovinciales ou nationales qui ont été organisées ne se sont pas penchées sur cette question cruciale.
Par exemple, les quelques camarades du Mouvement des jeunes socialistes (mouvement jeunes du CIO en Afrique du Sud) qui ont participé à la rencontre du 11 décembre 2015 ont averti du fait que l’absence d’un programme allait créer une situation où les décisions seront prises campus par campus. Certains campus commencent ou terminent une grève à tout moment, en fonction du rapport de forces du moment sur chaque campus. Même s’ils décidaient de ne pas organiser d’action, cela serait également décidé localement sur chaque campus, et non de manière concertée avec l’ensemble du mouvement.
Cette approche est extrêmement problématique, car elle nous empêche d’organiser un front uni étudiant au niveau national pour exercer une pression assez grande que pour contraindre le gouvernement à répondre à nos revendications en faveur de la gratuité de l’enseignement. L’absence d’un programme, comme l’ont dit nos camarades, fait qu’on voit apparaitre des poches de contestation qui ne bénéficient de presque aucune solidarité au plan national de la part des étudiants ou de la population de manière générale, ce qui fait que le gouvernement a vite fait de les réduire au silence. Cette perspective a d’ailleurs déjà été confirmée par la tournure qu’ont pris les évènements depuis janvier de cette année.
Même si des victoires peuvent être gagnées sur base de campagnes et actions locales, on ne peut combattre un problème éminemment structurel uniquement à partir de petites luttes isolées.
Certains camarades ont le sentiment que l’adoption d’un programme reviendrait à imposer des « résolutions » aux différents regroupements FMF. C’est pourquoi ils préfèrent laisser ces instances locales décider de tout de manière séparée. Mais en réalité, cela signifie que nous privilégions les petites actions spontanées sur les différents campus plutôt qu’une révolte globale et coordonnée au niveau national, organisée autour d’un plan d’action commun.
Tout ce qui s’est passé depuis janvier n’a fait que confirmer nos appréhensions. Le mouvement n’a pas été capable de revenir au stade où il se trouvait en octobre 2015, où on a vu la plus forte implication des masses. Au lieu de ça, il a fluctué, avec des poches de contestation éclatant sur différents campus de manière désordonnée. Nous ne voulons absolument pas ici dénigrer le rôle héroïque des camarades qui participent à ces mouvements. Mais il faut bien se rendre compte que ces actions ont toutes finies par être isolées et étouffées par la police, les compagnies de sécurité et le ministère de l’Enseignement supérieur, avec l’aide des médias et de l’Alliance des jeunes progressistes (PYA). En l’absence d’un programme issu d’un débat démocratique à travers l’ensemble des universités du pays, il a été impossible d’unifier les différents groupes de lutte autour d’un objectif et d’un plan d’action communs.
Pour le dire autrement, l’absence d’un programme fait que le FMF se retrouve dépourvu d’une colonne vertébrale. Un programme ne résout évidemment rien de lui-même ; il faut également installer des structures et une direction responsables pour le faire appliquer et respecter.
La direction
Le refus d’apprécier l’importance cruciale d’un programme fait aussi oublier l’importance d’une direction. Il est évidemment tout naturel d’être dégouté par tous ces mouvements où la « direction » est surtout responsable d’étouffer la voix des membres de la base, d’isoler les mécontents, ne rend des comptes à personne et contraint ses membres à suivre aveuglément la ligne dictée par cette même direction.
Mais cela ne veut cependant pas dire qu’il faille rejeter le concept d’une direction dans son entièreté. Car cela revient à jeter le bébé avec l’eau du bain ! En effet, il est impossible de faire appliquer un programme sans qu’il n’y ait de structures composées d’individus auxquels on a donné la responsabilité de jouer ce rôle – c’est ce que nous entendons par le terme de « direction ».
Noter modèle de direction doit être basé sur le principe d’élections, avec des leaders soumis au droit de révocation. La ressemblance entre ce que nous proposons et le modèle « traditionnel » d’une direction ne se trouve donc que dans l’appellation. La direction que nous voulons fonctionnera de manière complètement différente. Toutes les décisions doivent être débattues et adoptées de manière démocratique par l’ensemble des camarades. Le seul objectif derrière l’idée de direction est d’éviter que notre mouvement se retrouve désorganisé, ou au final dirigé par des « volontaires » sur lesquels la base n’a finalement aucun contrôle.
Le contrôle sur les dirigeants garantit l’exécution du programme et, lorsque nécessaire, la redéfinition de la tactique adoptée. Sans une direction, nous restons désorganisés sur le plan national. Cela veut dire que le FMF perd la capacité de lutter contre le gouvernement et de gérer la riposte, ou même de mobiliser des ressources légales et financières de manière efficace.
Cette grave faiblesse résultant de l’absence d’une direction, on la voit dans notre incapacité à répondre aux accusations selon lesquelles le FMF ne serait qu’une agence téléguidée par les États-Unis. Aucune réponse formelle n’a été donnée à ces accusations répugnantes, tout simplement parce qu’on a laissé chacun y répondre de son côté s’il le désirait.
Cette approche du « tout le monde est responsable » signifie au final que personne ne se sent responsable. Ces accusations, qui seront utilisées plus tard pour justifier la répression de notre mouvement, appelaient pourtant une réponse ferme et claire de notre part. Nous ne sommes pas un groupe de conspirateurs qui préparent un coup d’État. Nous sommes simplement des jeunes préoccupés par notre situation, qui désirons un avenir meilleur et le droit à l’enseignement gratuit.
Ce qu’entrainent ces faiblesses
L’histoire ne se déroule pas selon notre bon vouloir ; c’est plutôt nous qui sommes soumis au rythme qu’elle nous impose. La science révolutionnaire, exprimée dans la langue de Shakespeare, le démontre bien : « Il y a une marée dans les affaires des hommes qui mène à la fortune ceux qui embarquent à temps ».
Dans les faits, cette citation souligne bien l’importance du temps et de l’action. Il est important de comprendre que la démoralisation est tout autant une caractéristique de cette période historique que le sont la confiance et l’optimisme. Le mécontentement des étudiants suscité par leurs conditions matérielles immédiates (l’inaccessibilité des études et la difficulté de payer les frais d’inscription) ne sera pas toujours présent. Le gouvernement capitaliste et ses maitres d’économie néolibéraux vont chercher à réduire l’ampleur de la pression de ces conditions matérielles immédiates. Ils l’ont d’ailleurs déjà fait en annonçant une augmentation du budget alloué aux bourses pour l’année 2016. Cet aspect a joué un rôle crucial dans la démobilisation des étudiants en janvier, ce qui a affaibli le potentiel de contestation.
Cela veut dire que si nous ne nous préparons pas en mettant en place une direction et un programme concret, nous serons certainement incapables d’embarquer lorsque la prochaine marée révolutionnaire arrivera. Il y a un immense potentiel de luttes devant nous, qui seront provoquées par l’expulsion des étudiants qui n’auront pas payé leurs frais d’inscription et par les difficultés financières qui vont, de manière générale, s’accumuler sur les étudiants vu le définancement de l’enseignement. Nous devons améliorer notre position afin de pouvoir surfer sur la nouvelle vague qui viendra, parce que si nous échouons, cela signifie que notre bateau risque de s’échouer lui aussi.
La tendance à éviter une direction et un programme semble liée à l’idée de détacher les luttes des étudiants des luttes menées de manière plus globale par l’ensemble des couches exploitées et opprimées de la société. Nous devons cependant refuser de nous laisser entrainer dans ce discours de professeur libéral qui sépare les différentes disciplines de manière artificielle au lieu de privilégier les approches inclusives qui considèrent la vie dans sa totalité. Le fait est que nous luttons contre un système extrêmement organisé, le capitalisme impérialiste. L’enseignement gratuit n’est jamais qu’une ligne de front dans cette guerre. Exiger la gratuité de l’enseignement revient à soulever une question structurelle ; il faut donc lier cette lutte à une tactique d’agitation en faveur de la lutte globale contre le capitalisme impérialiste. Toute tentative de détacher la lutte pour l’enseignement gratuit de la lutte générale de l’ensemble du prolétariat va inévitablement entrainer une tactique incorrecte et engendrer d’énormes faiblesses, qui seront exploitées par tout ceux qui cherchent à déstabiliser notre mouvement.
C’est cette même situation qui a encouragé l’intolérance réactionnaire du regroupement EFF/Pasma (Combattants pour la liberté économique / Mouvement étudiant panafricain d’Azanie), qui a décidé d’organiser ses propres meetings au nom du FMF tout en tenant des discours dignes de l’apartheid pour exclure du mouvement les militants homosexuels. Le fait est que, en l’absence de la moindre direction officielle, n’importe qui a le droit d’appeler à un meeting au nom du FMF à notre place !
Le Mouvement des jeunes socialistes condamne de la manière la plus forte l’exclusion et l’agression physique des militants homosexuels. Une telle intolérance réactionnaire n’a rien à faire au sein de notre mouvement. Mais la défense la plus efficace contre ce type de dégénérescence est de refonder le FMF sur une base démocratique, en le dotant d’une cohérence stratégique et organisationnelle, en débattant d’un programme d’action qui sera adopté et appliqué par des structures.
Et ensuite ?
Il faut nous réorganiser. Les regroupements progressistes de la communauté étudiante partout dans le pays ont commencé à organiser des débats pour réorganiser les sections les plus combattives du FMF en un Mouvement pour l’enseignement gratuit (FEM) avec une position idéologique claire et une cohérence programmatique et organisationnelle. La confusion théorique et les illusions qui ont caractérisé le FMF et qui caractérisent toujours ce qui reste de ce mouvement doivent être rangées au placard par le nouveau FEM.
À ce stade, la tâche hautement révolutionnaire reposant sur les épaules des étudiants issus de la classe prolétaire, doit être de mettre en place une large organisation radicale qui leur appartiennent à eux seuls. Le FMF a jeté la base pour la fondation d’un nouveau mouvement étudiant large. Le Mouvement des jeunes socialistes va pleinement participer à la création de ce nouveau mouvement étudiant progressiste large ; nous invitons les autres forces progressistes à faire de même. Nous ne pouvons permettre à des aventuriers et à des populistes de continuer à se servir de la cause des étudiants pour servir leurs propres intérêts. En même temps, nous devons offrir aux étudiants une alternative progressiste à la PYA.
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Chili : Manifestations de masse pour un enseignement gratuit
Un nouveau chapitre s’ouvre dans crise politique et «morale» du pays.
Des centaines de milliers de manifestants, des jeunes mais aussi des travailleurs ou encore des personnes âgées, sont descendues dans les rues des grandes villes du Chili en exigeant que le gouvernement rencontre les exigences des étudiants. Les slogans comportaient notamment le suivant «La corruption ne doit pas décider de notre éducation!» Une des revendications centrales est la gratuité de l’enseignement et le fin de la logique de profit dans le secteur.Par Patricio Guzman, Socialismo Revolcuionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Chili)
Les enseignants des collèges ont rejoint l’appel à l’action, en exigeant une carrière décente et la défense de l’enseignement public. Malheureusement, ces manifestations ont été marquées par la nouvelle de la mort injustifiable de deux jeunes, à Valparaiso. De nouvelles manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes dès que ces tragiques événements ont été connus.
Les promesses faites par le gouvernement Bachelet concernant la gratuité de l’enseignement et la fin des profits réalisés dans le secteur n’ont pas été suivies d’effet. La présidente a même nommé ministre Marcos Barraza alors qu’il est directement impliquée dans le scandale des projets lucratifs de l’Université Arcis (qui s’est retrouvée au bord de la faillite). C’est se moquer des gens!
Les manifestants ont également exprimé la colère qui s’est accumulée contre la corruption de la caste politique capitaliste et des grandes entreprises. Les manifestants sont en colère contre les bas salaires, les mauvaises conditions de travail et les abus de toutes sortes. Ces manifestations géantes représentent la première réponse du mouvement social face au nouveau cabinet du gouvernement clairement néolibéral de Bachelet. Le ministre des Finances, bien aimé des employeurs, a notamment travaillé pour le Fonds monétaire international et pour diverses grandes banques américaines. Dès ses premiers instants, le nouveau gouvernement a suscité une grande méfiance de la part des travailleurs. La cote de popularité du gouvernement chilien est en chute libre. (Un peu plus d’un an après son élection triomphale, avec 62% des voix, Michelle Bachelet se retrouve au plus bas dans les sondages : seuls 31% des Chiliens lui accordent leur confiance, NDT).
Après une longue période durant laquelle les dirigeants étudiants ont été paralysés par des pourparlers peu concluants, les étudiants ont à nouveau montré leur force dans la rue en défiant le gouvernement Bachelet et ses tentatives désespérées destinées à éviter les enquêtes de corruption concernant les services fiscaux.
Marcher, ce n’est pas assez!
Ces manifestations ont été une magnifique démonstration de force, mais manifester est insuffisant. La CONFECH (Confédération des étudiants du Chili) et le mouvement étudiant ont gagné la légitimité et le droit de faire un pas en avant. Nous ne pouvons pas continuer à défiler des années durant, en vain. Nous devons forcer le gouvernement et la caste politique à accepter les revendications sociales par un appel concret à la désobéissance civile pacifique et massive, non seulement pour un enseignement gratuit et la fin de la logique de profit dans l’éducation, mais aussi pour la fin de toutes les institutions héritées de la dictature et consolidées par les divers gouvernements successifs depuis lors. Nous devons viser à mettre bas au modèle néolibéral et prédateur d’accumulation du capital et de concentration des richesses!
Nous pensons également qu’il est nécessaire d’unifier les luttes sociales à travers le pays. Isolés, nous ne pouvons pas gagner. Ensemble, notre force peut être imbattable. La CONFECH et les syndicats et organisations sociales qui ont montré leur volonté de combattre doivent convoquer une assemblée nationale des étudiants et des travailleurs. Cette assemblée devrait prendre pour point de référence les revendications formulées par de larges sections de la population – pour la conquête de droits sociaux, contre la corruption politique et des grandes entreprises – et appeler à une protestation nationale et à 24 heures de grève générale.
Ces protestations ont ouvert un nouveau chapitre dans la crise politique et «morale» du pays, qui frappe depuis huit mois le gouvernement et le monde politique et des entreprises.
Plus d’un millier de travailleurs en grève de Brinks et Prosegur ont défilé dans les rues de Santiago, en lutte pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Ce fut un avant-goût de ce qui allait venir ensuite avec les manifestations étudiantes massives. Les masses ont fait irruption dans l’arène publique. Il est de notre responsabilité d’approfondir la crise en ouvrant la voie à vers résultat positif pour les masses : la convocation d’une Assemblée constituante destinée à mettre fin à l’héritage de la dictature et des gouvernements civils néolibéraux. Ce doit être l’une des étapes du processus de reconstruction des forces de la gauche révolutionnaire et socialiste.
Après la première année des projets de réformes ambiguës du gouvernement Bachelet (rien en comparaison des précédentes réformes du travail), après huit mois de scandales de corruption permanents (dont l’un impliquant directement la présidence), le soutien au gouvernement a été démoli. Nous sommes entrés dans une nouvelle période. La crise générale de la légitimité du gouvernement reste à son point le plus haut et l’explosion de la jeunesse et les manifestations de masse n’en sont qu’une expression.
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[PHOTOS] Protestation étudiante à Liège
A l’occasion de la Journée Internationale des Etudiants, la Fédération des Etudiants Francophones avait appelé à manifesté dans différentes villes pour dénoncer les mesures d’austérité qui frappent l’enseignement et revendiquer un enseignement supérieur de qualité accessible à tous. A Liège, une centaine d’étudiants étaient présents au rendez-vous pour un rassemblement qui a souligné la solidarité avec les luttes des étudiants flamands contre l’augmentation du minerval. Les Etudiants de Gauche Actifs étaient présents et ont diffusé leur périodique, l’EGAlité, qui comprenait notamment un dossier sur la lutte en Flandre et sur l’importance des Assemblées Générales démocratiques pour impliquer chacun dans les prises de décision pour l’avenir de la lutte. Nous avons également souligné l’importance de rejoindre le plan d’action syndical, contre les mesures profondément antisociales du gouvernement Michel et contre toute la politique d’austérité.
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Mexique : contestation nationale suite à la disparition d’étudiants
Une conséquence de la « guerre contre les drogues » menée par les États-Unis
Lorsqu’on parle de manifestations étudiantes aujourd’hui, on pense avant tout au mouvement de Hong Kong, qui a récemment accaparé une grande attention médiatique. On parle moins de ce qui est en train de se passer en ce moment au Mexique, à la suite de la « disparition » de 43 étudiants dans l’État de Guerrero. Il s’agit pourtant d’un mouvement d’ampleur national qui est en train de se développer à l’échelle de tout le pays, et qui mérite d’être bien suivi par les révolutionnaires du monde entier.
Par Tim Heffernan, Socialist Alternative (CIO-Canada), Toronto
Au départ, c’est une histoire sordide de trafiquants de drogue, de politiciens corrompus et de policiers ripoux, tous impliqués dans l’attaque d’un groupe de jeunes militants qui fréquentaient les « normales rurales » – des centres de formation d’enseignants. Si les détails de ces évènements sont toujours très flous, il semblerait que la nuit du 26 septembre, une bagarre s’est produite entre des étudiants et la police locale dans la petite ville d’Iguala, dans le Guerrero.
Les étudiants « normalistas » s’étaient rendus à Iguala pour y « réquisitionner » des bus – avec l’autorisation des chauffeurs, disent les étudiants – afin de se rendre à Mexico pour la commémoration du (second) massacre de Tlatelolco de 1968 (lorsque 300 manifestants étudiants ont été abattus dix jours avant les Jeux olympiques de Mexico). La pratique de « réquisition » de transport est relativement courante de la part des normalistas.
Voici le récit qu’a fait un journaliste des horribles évènements du 26 septembre : « Le manque de fonds pour leur internat rend ce genre de « réquisition » et d’autres actions de ce genre (comme la « réquisition » de camions transportant du lait et autres produits alimentaires) souvent nécessaires pour les étudiants. Une fois que les étudiants rentrent à l’école, ils rendent normalement les bus ou camions à leur propriétaire. Mais cette fois, la police a bloqué les bus et ouvert le feu, tuant six personnes sur le coup (dont trois étudiants et trois passants qui n’avaient rien à voir dans l’affaire), tandis que 43 autres étudiants ont tout simplement… disparu.
La dernière fois que ces étudiants ont été vus, ils étaient en train de monter de force dans les fourgons de la police. On ne les a jamais revus depuis. Quelques jours plus tard, lors de fouilles, plusieurs fosses communes ont été découvertes dans les environs. Toujours aucune trace des étudiants, mais cela a permis de retrouver les restes de nombreuses personnes également disparues auparavant, qui ont visiblement été torturées et brulées vives (sans doute par des trafiquants de drogue) » (Leonidas Oikonomakis sur le site roarmag.org)
Depuis lors, le dirigeant du principal gang de narco-trafiquants de la région a été arrêté, ainsi que 36 policiers. Le conseil régional de l’État de Guerrero a destitué le maire de la ville d’Iguala, qui est également recherché ainsi que le chef de sa police locale dans le cadre d’une affaire de crime organisé. Le maire et sa femme ont pris la fuite.
Les plus grandes mobilisations étudiantes depuis des dizaines d’années
Cette affaire de « disparitions » a déclenché la colère de la population du Guerrero et de tout le Mexique, surtout parmi les étudiants des universités. On a vu mercredi 22 octobre la plus grande marche étudiante du Mexique depuis au moins vingt ans, estimée à 100 000 manifestants – un chiffre d’autant plus impressionnant que la marche a été organisée un jour en semaine. Beaucoup de gens font référence au mouvement de 1968. Un journal rapportait : « Il y avait des torches, des bougies, des trompettes, mais surtout, un silence retentissant, tandis que des dizaines de milliers de jeunes gens venus en délégation de toute la ville de Mexico défilaient tels un fleuve humain pendant plus de quatre heures, de l’Ange de l’Indépendance sur l’avenue de la Réforme jusqu’au Zócalo, avec un seul cri : « Ils les ont pris vivants, qu’ils nous les rendent vivants ! » (www.proceso.com.mx)
Les manifestants réclamaient la démission du chef de l’État, Peña Nieto, et dénonçaient les trois principaux partis politiques (PRI, PAN et PRD) pour leur proximité avec le « narcopoder » (le pouvoir de la drogue). Les manifestations se sont répandues à travers tout le Mexique pour former un des plus grands mouvements qu’ait connu la nation ces dernières années, mobilisant des milliers d’étudiants des universités et de lycéens, tout en recevant également le soutien des syndicats, des milices de gauche et d’une grande partie de la population de manière générale.
Le gouvernement de Peña Nieto est fortement critiqué de son incapacité à retrouver ces étudiants même quatre semaines après les évènements. La population mexicaine subit depuis des années les conséquences de la « guerre contre les drogues » menée par les États-Unis, qui a fait au moins 70 000 morts et des milliers de disparus. Mais c’est cette dernière horreur, où l’on voit la police corrompue s’associer aux trafiquants meurtriers pour assassiner des adolescents, qui a à présent mis le feu à tout le pays.
Sur la chaine NBC, on voyait un père déclarer à la foule massée à Mexico : « Il est incroyable que ce gouvernement qui ne cesse de vanter l’état avancé de sa technologie se retrouve maintenant inapte à utiliser cette technologie pour retrouver un groupe de 43 étudiants. Il n’a qu’à retrouver nos enfants, ou subir les conséquences ».
Toujours selon la NBC, des étudiants bloquaient jeudi les principaux axes de la capitale, empêchant le trafic de circuler. Si les manifestations dans la capitale sont jusqu’ici restées pacifiques, on ne peut en dire autant de la situation dans le Guerrero, où les manifestants ont dévasté et brulé plusieurs bâtiments, y compris la mairie de la ville d’Iguala, et occupent plusieurs mairies et stations radio. Deux groupes miliciens anti-trafiquants soutiennent le mouvement, tandis qu’un groupe local de guerrilleros de gauche a juré venger les étudiants disparus.
En plus de critiquer le président Peña Nieto et son Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), les manifestants sont furieux vis-à-vis du PRD (Parti de la révolution démocratique) qui dirige l’État de Guerrero et la ville d’Iguala. Les manifestants, ainsi que de nombreux sénateurs et députés, ont appelé à la démission du gouverneur du Guerrero, Angel Aguirre, qui a finalement décidé de jeter l’éponge mardi soir.
Les marches coïncident avec d’autres mouvements de contestation étudiante, ce qui renforce la pression sur le président. Les étudiants des collèges techniques de Mexico occupent leurs campus en guise de protestation contre la modification de leur cursus, par laquelle ils ne recevraient plus qu’un diplôme de technicien au lieu d’ingénieur. Ils considèrent cette réforme comme une tactique pour les payer moins une fois qu’ils auront obtenu leur diplôme, ce que le président voudrait utiliser pour attirer plus d’entreprises étrangères au Mexique. Pendant ce temps, les étudiants de l’État de Guanajuato marchaient mardi après qu’un de leurs camarades ait été assassiné – enlevé par la police selon plusieurs témoins, bien que le procureur d’État démente cette affirmation.
« Cela fait longtemps que les Mexicains accumulent la colère par rapport à toute une série d’enjeux », disait Ricardo Rivas, un instituteur présent à la marche à Mexico. « Une fois que cette colère va exploser, c’est tout le pays qui va partir. Ce mouvement pourrait bien devenir encore plus grand. » (www.nbcnews.com)
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