Tag: L’Union européenne

  • Elections européennes : une révolte contre l’establishment capitaliste

    L’extrême-droite progresse, mais la gauche véritable engrange quelques succès

    Le ‘‘tremblement de terre’’ prévu de longue date – le ‘‘triomphe’’ électoral de l’extrême-droite et de ses alliés – a bien eu lieu dans certains pays clés de l’Union européenne. En Grande-Bretagne, l’Ukip (United Kingdom Independant Party) a pris la place de premier parti, poussant de ce fait le parti Travailliste en deuxième position et les Conservateurs – le parti au pouvoir – dans une position honteuse, celle de troisième parti. Les Libéraux-Démocrates (également au pouvoir en coalition avec les Conservateurs) ont quant à eux complètement été humiliés, il ne leur reste plus qu’un seul député européen !

    Par Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    En France, le Parti ”Socialiste” au pouvoir a subi une défaite encore plus catastrophique en étant réduit à 14% des voix seulement, le Front national de Marine Le Pen pouvant prétendre à la victoire tant face aux ‘‘socialistes’’ bien mal nommés de François Hollande que face au parti de droite UMP.

    L’extrême-droite a réussi à aspirer les votes de nombreux travailleurs qui avaient précédemment regardé vers la gauche et les partis ouvriers. L’extrême-droite est parvenue à dévier la colère et l’amertume des travailleurs contre leur appauvrissement croissant vers un vote de protestation contre l’austérité mais aussi contre l’immigration, présentée comme responsable de tous leurs malheurs. Le Parti du peuple danois, d’extrême droite, a également récolté la plus large part des suffrages alors que les eurosceptiques et les partis d’extrême-droite l’ont emporté dans les pays nordiques.

    Même en Allemagne, Alternative für Deutschland, un parti eurosceptique relativement neuf, a obtenu ses premiers sièges au Parlement européen tandis que le parti d’Angela Merkel, la CDU, a subi son pire résultat aux élections parlementaires européennes. Le parti néofasciste NPD a gagné un siège, tout comme un certain nombre de petits partis ‘‘protestataires’’.

    Le nouveau Premier ministre italien Matteo Renzi a résisté à la tendance, mais ce n’est que parce qu’il est encore en pleine lune de miel et que les travailleurs ont envie d’une certaine stabilité. Cela changera lorsque ses attaques contre la classe des travailleurs seront lancées.

    Les alternatives à l’extrême-droite

    Ce jeudi 28 mai, environ 2.500 personnes, essentiellement des jeunes, ont manifesté à Bruxelles face au Parlement européen et face aux locaux de la Commission européenne contre la croissance des partis d’extrême droite et contre la politique d’austérité.

    Cette avancée présumée inexorable de l’extrême droite n’est s’est toutefois pas exprimée partout, particulièrement là où la classe des travailleurs bénéficiait de l’alternative de voter pour un parti de masse de gauche ou des travailleurs. Ce fut le cas aux Pays-Bas, où la progression du Parti pour la liberté de Geert Wilders (PVV) a été interrompue principalement en raison de l’existence d’une alternative pour les travailleurs sous la forme du Socialistische Partij (Parti socialiste, aux Pays-Bas, la social-démocratie est représentée par le PDVA, le Parti du Travail).

    Malgré les insuffisances politiques de ce parti concernant son programme et malgré le manque de démocratie interne, il a néanmoins agi comme un pôle d’attraction pour les travailleurs, ce qui a permis de limiter les suffrages pour l’extrême droite.

    Il en va de même pour la Grèce, où Syriza est en tête du scrutin avec 26% des voix, soit 4% d’avance sur la Nouvelle Démocratie, le parti de droite au pouvoir. Le parti néofasciste Aube Dorée a obtenu plus de 9% des voix et est pour la première fois entré au Parlement européen. A n’en pas douter, les néofascistes auraient encore davantage été minés si Syriza et son dirigeant Alexis Tsipras n’avaient pas édulcoré certaines de leurs revendications les plus radicales, telles que l’annulation de la dette et la nationalisation des banques, sur base de la conviction erronée qu’une approche plus ‘‘modérée’’ renforcerait leur popularité.

    Délégation de Xekinima, section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL, lors d’une manifestation contre la politique austéritaire du gouvernement en 2013.

    Une des bonnes nouvelles venues de Grèce est la victoire de Nikos Kanellis, un membre éminent de la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, Xekinima (organisation révolutionnaire socialiste mondiale à laquelle est affilié le PSL, NDLR), à l’occasion des élections locales qui se tenaient simultanément, qui a été élu à Volos (importante ville portuaire et industrielle grecque de 144.000 habitants, NDLR). Cela n’est qu’un léger aperçu de l’orientation que les travailleurs grecs qui souffrent depuis longtemps prendront en masse à l’avenir.

    En Espagne, le parti au pouvoir s’est en mal tiré, à l’instar du parti social-démocrate dans l’opposition, le PSOE, dont le secrétaire général a démissionné. Mais les partis et formations de gauche comme Izquierda Unida (Gauche Unie) et Podemos ont par contre réalisé de bons scores.

    Le constat est similaire en Irlande où des élections locales se déroulaient également en plus des élections européennes, en général, les principaux partis capitalistes – le Fianna Fail et le Fine Gael – ont chuté, même le parti travailliste irlandais a reçu une sévère raclée. Les travaillistes ont participé au gouvernement et ont présidé l’application d’une politique d’austérité vicieuse. Le dirigeant du Parti, Eamon Gilmore, a été contraint de démissionner.

    De gauche à droite, Joe Higgins et Ruth Coppinger qui représentent le Socialist Party au Parlement irlandais, et Paul Murphy, précédemment eurodéputé du Socialist Party.

    Mais, tout comme en Espagne et en Grèce, là où une alternative de gauche était présente, elle a pu compter sur un soutien solide. Dans le cas du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en République irlandaise et parti-frère du PSL, NDLR), ce fut de façon spectaculaire. L’élection au Dáil (le parlement irlandais) de Ruth Coppinger lors de la tenue d’une élection parlementaire partielle à Dublin West ainsi que d’une flopée de 14 conseillers municipaux à Dublin, Cork et Limerick, représente un véritable triomphe pour le socialisme et marxisme authentique (voir notre article à ce sujet).

    Malheureusement, Paul Murphy n’a pas été élu au Parlement européen, malgré près de 30.000 votes de premier choix (les élections législatives en Irlande se déroulent selon le principe du scrutin à vote unique transférable, où l’électeur ne se contente pas de choisir son candidat préféré, mais donne un ordre de préférence à l’ensemble des candidats, NDLR). L’un des facteurs qui a conduit à sa défaite a été la décision honteuse du Socialist Workers Party (SWP) de s’opposer à Paul, qui était déjà eurodéputé, en déposant un candidat, ce qui a ouvert la voie à un autre candidat.

    Ce fut un coup porté non seulement à Paul, à la gauche du mouvement des travailleurs irlandais et au Comité pour une Internationale Ouvrière, mais également à tous les travailleurs qui ont été impliqués dans les luttes à travers l’Europe et plus loin que cela, y compris les Palestiniens, les militants du Sri Lanka, les travailleurs du Kazakhstan et d’autres, qui avaient pu compter sur Paul en tant qu’énergique combattant à leurs côtés.

    Cet exemple flagrant de rancune et de sectarisme – mettre ses propres intérêts étroits et à court terme avant ceux de la cause de la gauche et de la classe des travailleurs – a été passé sous silence par les homologues du SWP irlandais à l’échelle internationale et en particulier en Grande-Bretagne, où le SWP est formellement membre de l’alliance de la Coalition de Syndicalistes et de Socialistes (TUSC, Trade Unionist and Socialists Coalition) aux côté du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles, section locale du CIO et parti frère du Socialist Party irlandais.

    Une colère anti-establishment

    Quelles sont les conclusions à tirer de ces élections? Tout d’abord, que les résultats des élections nationales, locales et européennes représentent une révolte contre l’ensemble de l’establishment capitaliste, y compris contre les dirigeants des anciens partis ouvriers comme Miliband (Parti Travailliste, Grande Bretagne), Hollande (PS, France), etc. Ces dirigeants parlent ‘‘d’aliénation’’ et de ‘‘désillusion’’ massives sans jamais vraiment admettre que ce constat ne s’applique pas seulement en réaction aux partis de la droite officielle, mais également à leurs partis respectifs !

    Si des partis alternatifs de masse de la classe des travailleurs ne sont pas présents à temps, en possédant une alternative de lutte et socialiste claire, ces masses désabusées peuvent s’orienter par désespoir vers l’extrême droite. Nous ne pouvons qu’imaginer l’impact extraordinaire qu’aurait eu la décision de dirigeants syndicaux en Grande-Bretagne de contribuer à la construction d’un nouveau parti des travailleurs pour ces élections et les prochaines. C’est en particulier le cas de Len McCluskey (secrétaire général du syndicat Unite, il a récemment menacé de désaffilier Unite des Travailliste et de lancer un nouveau parti des travailleurs si les Travaillistes perdaient les élections générales de 2015 , NDLR).

    Cela aurait offert l’opportunité de réduire le nombre de voix qui sont allées à l’UKIP et à tous les partis pro-capitalistes. Malgré le silence total des médias, c’est ce qu’a tenté de faire l’alliance de gauche TUSC à son échelle (voir notre article à ce sujet).

    Seul un programme de classe, impliquant des mesures concrètes contre l’augmentation vertigineuse des loyers, un programme d’urgence de construction d’habitations sociales, un plan de lutte contre l’austérité, etc. pourrait poser les bases d’un début de réponse à la démagogie vide de l’Ukip. Son chef, Nigel Farage, est un ancien agent de change, descendant d’une riche famille et membre de la fraternité des banquiers qui nous a entraînés dans l’abîme d’une crise dévastatrice à partir de 2007.

    Parmi le monde du travail, nombreux sont ceux qui, en désespoir de cause, ont été séduits et ont voté pour l’Ukip parce qu’ils ne voyaient pas d’alternative lors de ces élections. Dans certaines régions, là où ils le pouvaient, certains ont donné une voix à l’Ukip et une autre à la TUSC. Il s’agit d’une indication du fait que le racisme n’est pas enraciné dans la majorité de ces électeurs. Ils pourraient être gagnés à la cause d’un parti anticapitaliste radical et d’une campagne de lutte contre l’idée fausse selon laquelle les immigrés sont la cause des problèmes auxquels ils sont confrontés. En retour, cela pourrait aider à cimenter l’unité de la classe des travailleurs dans sa lutte pour l’emploi, contre les mauvais contrats de travail et pour un salaire décent.

    Dans la panique complète qui a suivi ces élections, les Conservateurs et même des porte-paroles du Parti Travailliste comme Ed Balls ont dénoncé l’immigration. Mais sans un retrait complet de l’Union Européenne et de ses traités – ce à quoi les capitalistes ne sont pas favorables, ce qui est donc peu probable à court terme – ils savent qu’ils ne seront pas en mesure d’immédiatement stopper l’immigration en provenance des pays de l’Union. Leur propagande est basée sur l’opposition aux ‘‘immigrés qui profitent de l’assistance sociale’’, ce qu’il appelle le ‘‘tourisme du profit’’, en dépit du fait que toutes les études montrent que très peu d’immigrés en Grande-Bretagne et ailleurs profitent de ces ‘‘avantages’’. Le seul effet de cela, c’est de jouer sur les divisions et le racisme, qui doivent être rigoureusement combattues par l’ensemble du mouvement syndical.

    L’abstention a été une tendance clé dans ces élections, il s’agit d’une expression de la méfiance éprouvée envers l’establishment politique. En Slovaquie, avec un taux de participation de 13%, les élections n’ont été qu’une vaste farce. En Grande-Bretagne, plus de 60% des électeurs n’ont pas voté, les résultats n’indiquent donc pas nécessairement comment les gens vont voter en 2015 lors des élections générales. L’Ukip menace néanmoins de devenir un facteur de droite enraciné en Grande-Bretagne, tout comme le Parti de la Liberté en Autriche ou le Front National en France. De plus, le contrecoup des élections est immédiat en Grande-Bretagne et soulève diverses questions quant à l’orientation et au futur leadership des trois principaux partis capitalistes.

    Il est encore peu probable que l’un de ces dirigeants de parti s’incline avant les élections. Mais Nick Clegg (des Libéraux-Démocrates) est certainement candidat pour être remplacé puisque son parti fait face à la menace d’une extinction pour à l’occasion des élections générales prochaines. Même Ed Miliband (parti Travailliste) fait face à des critiques au sein de son parti, y compris dans les pages du Daily Mirror (un quotidien qui soutient les travaillistes, NDLR) : ‘‘Les électeurs ont averti que des politiques audacieuses et un programme d’équité de gauche sont populaires’’ (Kevin Maguire). Mais Ed Miliband ne pourra pas rejoindre les aspirations de la classe des travailleurs, puisqu’il est emprisonné dans le cadre du capitalisme.

    Un nouveau parti de masse de la classe des travailleurs combattant résolument pour des politiques socialistes radicales peut offrir une voie à suivre pour les travailleurs, en Grande-Bretagne et en Europe.

  • Ukraine : Ianukovich destitué

    Par Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)

    Les derniers développements en Ukraine ont vu la chute spectaculaire du président Viktor Ianoukovitch ainsi que son départ de Kiev. En novembre dernier, le mécontentement massif contre la misère ainsi que la brutalité et la corruption du régime ont été à la base d’une révolte à Kiev et dans de nombreuses autres régions d’Ukraine. Mais en l’absence de toute alternative de la part de la classe des travailleurs, des forces réactionnaires bénéficiant du soutien de l’impérialisme occidental ont réussi à dominer le mouvement de protestation. Un nouveau régime pro-occidental est en cours de consolidation, sur fond de dangereux approfondissement des tensions ethniques parmi une population forte de 46 millions de personnes.

    A la suite d’affrontements sanglants entre manifestants et policiers dans le centre de Kiev entre le 18 et le 21 février – durant lesquels plus de 80 personnes ont trouvé la mort, des centaines d’autres étant blessées – les dirigeants d’Allemagne, de France et de Pologne ont négocié un accord avec le régime en ruine de Ianoukovitch. Cet accord de médiation de l’Union Européenne envisageait la constitution d’un gouvernement «d’unité nationale», la tenue d’élections présidentielles et législatives et le rétablissement de la constitution de 2004, qui aurait privé la présidence de certains pouvoirs essentiels.

    Mais l’accord s’est rapidement effondré quand l’opposition de droite, qui comprend des ultra-nationalistes et des éléments fascistes, est passée à l’offensive. Le parlement a destitué Ianoukovitch et a nommé les dirigeants du parti de la Patrie Arsen Avakov et Oleksandr Turchynov respectivement ministre de l’Intérieur et président de la Rada (le parlement). Turchynov, proche allié de l’ancienne première ministre Ioulia Tymochenko libéré de prison le 22 février, est également président par intérim. Turchynov tente de constituer un nouveau gouvernement de coalition tandis que de nouvelles élections présidentielles auraient lieu le 25 mai. Des mandats d’arrêt ont été délivrés pour Ianoukovitch et d’autres anciens ministres.

    Même les députés du Parti des régions de Viktor Ianoukovitch ont voté pour ces mesures, une tentative désespérée pour tenter de se distancer de l’ancien régime. Le leader parlementaire du Parti des régions a condamné le président déchu pour avoir lancé “des ordres criminels”. De puissants oligarques jusqu’ici proches de Ianoukovitch et favorables à l’alliance avec la Russie ont de manière très opportuniste opéré un virage à 180°.

    Réaction furieuse du Kremlin

    Le Kremlin a réagi avec fureur à ces évènements et a dénoncé un “coup d’État” soutenu par l’Occident réalisé par des «extrémistes armés et par des pogromes». La destitution de Ianoukovitch représente un sérieux revers pour le régime de Poutine, pour qui l’Ukraine est un pays à l’importance stratégique vitale.

    Le Kremlin a fait de grands efforts pour politiquement et économiquement assurer de mettre son proche voisin dans sa poche. En novembre dernier encore, Moscou a conclu un accord commercial de 15 milliards de dollars après que Ianoukovitch ait rejeté un accord de partenariat avec l’Union Européenne. La lutte entre grandes puissances impérialistes pour disposer de la plus grande influence en Ukraine n’a fait que s’accroître, ce territoire étant également géostratégiquement important pour les États-Unis et pour l’OTAN.

    Le rejet de cet accord avec l’Union Européenne a suscité protestations et opposition, ainsi que des manifestations place Maidan, au centre de Kiev. Ces mobilisations étaient au départ essentiellement composées de personnes issues de la classe moyenne et d’étudiants. Nombreux sont ceux qui entretiennent l’illusion qu’une collaboration plus étroite avec l’Union Européenne conduirait à une plus grande prospérité ainsi qu’à l’obtention de droits démocratiques. Mais l’accord de partenariat de l’Union européenne de novembre dernier prévoyait un sévère plan d’austérité sous les diktats du FMI, et Ianoukovitch avait craint que cela ne conduise à une explosion de colère.

    La brutalité de la police à l’encontre des manifestants a assuré qu’un plus grand nombre de personnes descende dans les rues de Kiev et de Lviv ainsi que dans toute la partie occidentale et de langue ukrainienne du pays. Le ressentiment suite au refus de l’accord avec l’Union Européenne s’est très vite transformé en une colère de masse contre la pauvreté, la stagnation économique ainsi que la corruption et l’incompétence du régime autoritaire de Ianoukovitch. Alors que les travailleurs et leurs familles sont de plus en plus pauvres, Ianoukovitch et sa clique se sont spectaculairement enrichis. Les manifestations anti-régime ont d’ailleurs touché jusqu’aux bases politiques de Ianoukovich dans la partie industrialisée et principalement russophone d’Ukraine.

    Très rapidement, il est apparu que ce régime corrompu bénéficiait de très peu de soutien populaire, ce qui fut notamment illustré lorsque les manifestants ont ouvert les portes de la résidence principale de Ianoukovitch, exposant ainsi son style de vie opulent au grand jour. Remarquons à ce titre que les médias occidentaux ont délibérément choisi de ne pas réserver un traitement similaire pour la richesse tout aussi obscène des oligarques et politiciens pro-occidentaux.

    Mais en l’absence de fortes organisations de la classe des travailleurs, il n’a pas été possible que cette opposition de masse devienne un mouvement unifiant toute la classe des travailleurs ukrainienne contre tous les clivages ethniques, religieux et linguistiques. Si nombreux travailleurs se sont rendus dans les rues à titre individuel, la révolte contre le régime et le règne des oligarques n’a pas été dirigée par une classe ouvrière agissant en tant que classe pour soi. La majorité de la classe ouvrière est opposée tant à l’ancien régime qu’aux oligarques, mais les travailleurs sont largement restés passifs. La classe ouvrière n’a pas laissé son empreinte sur les évènements de façon indépendante et organisée.

    Les forces réactionnaires

    Cela a laissé aux forces réactionnaires l’opportunité d’occuper le vide dès le début, avec le soutien des puissances occidentales, afin de cyniquement exploiter l’exaspération des masses. L’opposition de droite et pro-capitaliste, comme l’ancien champion de boxe poids lourd Vitali Klitschko et Arseniy Yatseniuk, lié au Parti de la Patrie, ont pris les devants en se liant étroitement aux ultra-nationalistes, à l’extrême-droite et aux groupes néo-fascistes. Au cours de ces trois derniers mois, le parti antisémite Svoboda et l’organisation d’extrême-droite Secteur Droite ont joué un rôle clé dans l’organisation des combats de rue et l’occupation des bâtiments du gouvernement.

    Le caractère totalement réactionnaire du nouveau régime et les craintes qu’il engendre peuvent être illustrés par l’appel lancé par le rabbin Moshe Reuven Azman pour que les Juifs fuient Kiev. Le nouveau ministre de l’Intérieur a déclaré que les «forces d’autodéfense» de la place Maidan seront incorporées aux nouvelles structures du régime. Les chefs du parti Svoboda s’attendent à occuper un poste dans ce nouveau régime.

    La décision provocatrice de diminuer le statut de la langue russe a conduit à divers appels à la sécession dans le sud et l’est de l’Ukraine, russophones. Des milliers de personnes ont protesté à Sébastopol, en Crimée, une base navale cruciale pour la flotte russe de la Mer Noire, en agitant des drapeaux russes. Ils ont voté pour mettre en place une “administration parallèle” et pour organiser des “escadrons de défense civile”.

    Au cours de ce week-end, Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale des États-Unis, a averti Vladimir Poutine que ce serait une “grave erreur” pour la Russie d’intervenir militairement. Le chef du commandement militaire de l’OTAN en Europe a eu des entretiens avec l’état-major russe le 24 février afin de tenter d’apaiser les tensions avec la Russie. Moscou a encouragé les dirigeants régionaux d’Ukraine orientale pour qu’ils s’opposent à Kiev et qu’ils s’orientent vers une plus grande «autonomie». Reste encore à voir dans quelle mesure ce processus pourra aller loin, mais si d’importantes régions décidaient d’aller jusqu’à la sécession, le régime de Poutine, blessé, pourrait alors faire monter les enchères et intervenir militairement. Les oligarques concurrents et l’ingérence agressive de l’impérialisme occidental et russe ont dangereusement poussé l’Ukraine dans la voie d’un processus désordonné de désintégration, si pas carrément vers la partition sanglante du pays.

    L’Ukraine fait face à la banqueroute

    Poutine conserve une puissante influence économique sur Kiev. Plus de la moitié des exportations ukrainiennes sont à destination de la Russie et la Russie assure l’approvisionnement de l’Ukraine en gaz. Moscou pourrait causer de réelles difficultés aux Ukrainiens en révoquant la réduction de 30% des prix du gaz.

    Ni l’Union Européenne, avec le soutien des États-Unis, ni Moscou et ses oligarques n’agissent pour les intérêts des travailleurs en Ukraine. Que ce soit Ianoukovitch ou le nouveau régime pro-occidental au pouvoir à Kiev, ces gens n’agissent que pour la défense des intérêts des super-riches, y compris avec l’application d’une politique d’austérité contre les masses ukrainiennes.
    La Russie a annoncé qu’elle gelait son aide économique de 15 milliards de dollars tandis que les dirigeants occidentaux parlent de mettre sur pied un “plan de sauvetage” destiné à sauver le pays de la faillite. Le nouveau régime de Kiev dit avoir besoin de 35 milliards de dollars en deux ans pour empêcher l’économie d’aller droit dans l’abîme. La croissance économique a été nulle en 2013 et la monnaie, la hryvnia, a perdu plus de 8% de sa valeur en trois mois à peine. Le Financial Times a rapporté que les USA et l’Union Européenne avait explicitement exigé que cette aide s’accompagne de réformes économiques. Jack Lew, le secrétaire d’État américain au Trésor, a de son côté souligné la nécessité de réformes suivant les lignes des plans de lu FMI, c’est-à-dire synonymes d’austérité et de privatisation.

    Une caractéristique frappante de ces dernières semaines fut que malgré la fracture ethnique, les travailleurs ont exprimé leur forte opposition à l’ensemble de l’élite politique ainsi qu’à leurs bailleurs de fonds oligarques. Ils veulent mettre un terme au régime de la mafia des oligarques et aspirent à une société différente, avec des droits démocratiques et de bonnes conditions de vie.
    La dirigeante de l’opposition Julia Timochenko a été “reçu poliment mais en aucun cas avec ravissement”, selon un journaliste du quotidien britannique The Guardian, lorsqu’elle s’est adressée à la foule place Maidan après à sa sortie de l’hôpital de la prison de Kharkiv. Beaucoup d’Ukrainiens se souviennent que Timochenko, héroïne de la «Révolution orange» de 2004, est ensuite devenue Première ministre au sein d’un gouvernement corrompu qui a lancé des attaques contre les conditions de vie déjà pauvres de la population.

    Le nouveau régime entrera en collision avec la classe des travailleurs

    Les nouveaux dirigeants capitalistes pro-occidentaux espèrent disposer d’une lune de miel avec les masses mais, tôt ou tard, ils entreront en collision avec les intérêts de la classe ouvrière ukrainienne.

    La crise de ces derniers mois révèle l’urgente nécessité pour les travailleurs de construire leurs propres organisations de classe, y compris par l’intermédiaire de syndicats réellement indépendants. A ce jour, cela s’avère être un processus très long et difficile. Ce n’est pas surprenant étant donné les conséquences de décennies de règne du stalinisme, qui ne permettait aucune véritable auto-organisation de la classe ouvrière, de l’effondrement de l’ex-URSS et de la «thérapie de choc» de restauration du capitalisme. La conscience politique des masses est confuse et marquée par la désorientation.

    Pourtant, les travailleurs tirent d’importantes leçons des évènements. Ils sont passés par la très décevante «Révolution orange» et par le règne de Ianoukovitch. Maintenant, ils goûteront les fruits amers de Turchynov, Klitschko, Yatseniuk et les autres politiciens capitalistes pro-occidentaux.
    De plus en plus de sections de la classe des travailleurs se rendront compte que la seule façon d’avancer est de construire un parti de masse des travailleurs multiethnique et indépendant du capital, qui rejette le nationalisme réactionnaire, l’oligarchie et toute ingérence impérialiste. Un parti authentiquement socialiste disposant du soutien des masses et unifiant tous les travailleurs à travers l’Ukraine ferait campagne pour un gouvernement des travailleurs afin de prendre en mains l’énorme richesse des oligarques et de nationaliser les grandes banques et grandes entreprises, dans le cadre d’un d’une économie démocratiquement planifiée, afin de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population. Une telle lutte saurait trouver un écho parmi les travailleurs de toute l’Europe et de Russie.

  • Action de solidarité contre les répressions en Russie

    Lundi 27 janvier 2014 – 12h30 – Bruxelles – Rond-point Schuman

    A la veille du lancement des Jeux Olympiques d’Hiver de Sotchi, déjà considérés par beaucoup comme des jeux de la honte, l’Union Européenne reçoit dans quelques jours la Russie dans le cadre d’un sommet bisannuel. La LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire), les JAC (Jeunes Anticapitalistes), le PSL (Parti Socialiste de Lutte) et EGA (Etudiants de Gauche Actifs) appellent à manifester notre solidarité contre les répressions en Russie dans le cadre d’une action à l’initiative d’associations LGBTQI (1) et d’ONG belges et russes.

    • Homophobie en Russie : INTERVIEW d’Igor, militant russe pour les droits des LGBT
    • ‘‘Trans, pédés, gouines’’, organisons-nous contre l’homophobie
    • Les droits des LGBT en ligne de mire en Russie et en France
    • Action de solidarité contre la loi homophobe en Russie
    • Russie : Nouvelles attaques contre la communauté LGBT

    La Russie, un exemple de répressions

    Le régime autoritaire de Vladimir Poutine est bien décidé à asseoir son pouvoir en menant une bataille ferme contre les opposants politiques et en instrumentalisant les minorités. Il a adopté dernièrement une série de lois répressives et liberticides.

    La loi votée en 2012, relative aux « agents étrangers » dispose que toute organisation qui reçoit des fonds de l’étranger doit s’enregistrer en tant qu’« organisation remplissant les fonctions d’un agent étranger » si elle prend part à des « activités politiques ». Cette loi vise à étouffer et rendre illégales de nombreuses organisations politiques et ONG par le biais de lourdes amendes et procès. Par ailleurs, et malgré l’amnistie prononcée dernièrement à l’occasion des 20 ans de la Constitution, la plupart des personnes inculpées dans le cadre de « l’affaire du 6 mai » reste en prison, notamment les activistes de gauche Alexeï Gaskarov et Sergueï Oudalstov.

    Les personnes LGBTQI et leurs alliés ne vivent plus en sécurité depuis que la Douma russe a voté plusieurs lois homophobes visant à « protéger les mineurs de la propagande homosexuelle » ! Les organisations qui luttent contre les discriminations envers les personnes LGBTQI sont devenues illégales, trainées en justice et reçoivent de lourdes amendes. Ces lois ont accru l’homophobie et on ne compte plus aujourd’hui les nombreuses agressions contre les personnes LGBTQI et leurs défenseurs.

    Les populations migrantes, internes (Caucase du Nord) et externes (ex-républiques soviétiques principalement), sont elles aussi en danger. Elles ne sont plus seulement la cible d’attaques de la part de groupes d’extrême-droite mais doivent également aujourd’hui subir la colère du citoyen lambda désemparé, avec la complicité des autorités russes qui alimentent la machine xénophobe en instrumentalisant les travailleurs migrants à des fins politiques et électoralistes. Pendant ce temps, Poutine se paie des jeux olympiques d’hiver de luxe sur le compte du contribuable et à la sueur du front de milliers de ces travailleurs migrants surexploités. Avec les récentes attaques terroristes dans la ville de Volgograd, dont le régime de Poutine est le seul responsable du fait de sa gestion du conflit dans le Nord Caucase, le climat de suspicion et la « caucasophobie » ambiante risquent de s’aggraver. Et il y a fort à parier que les populations musulmanes du Caucase paieront le prix fort en termes de répression et de mesures sécuritaires…

    Après une période de croissance économique dont la récente classe moyenne a pu bénéficier en voyant une partie de ses revenus augmenter, ce qui a eu pour effet de booster la consommation interne, les investissements et la croissance ralentissent. A la crise économique, Poutine utilise les mêmes recettes européennes : les travailleurs et leurs familles paient la facture. Des coupes budgétaires drastiques sont opérées dans les services publics, dans les soins de santé actuellement, pendant que le budget de la défense représente une très grosse part des dépenses publiques.

    L’Union Européenne, un exemple éternel de démocratie réelle ?

    Comme en Russie, l’Union Européenne, derrière son masque de démocratie, cache en fait un programme de casse sociale et de lois réactionnaires comme réponse à la crise. Les pays de l’Union européenne traitent de manière inhumaine les populations migrantes par des politiques de traques, d’enfermement et de déportation quand celles-ci n’ont pas péri noyées dans la Méditerranée. En Espagne, un projet de loi pour restreindre le droit des femmes à l’avortement est discuté dans les assemblées nationales. En Belgique, alors qu’il y a une grande pénurie d’offres d’emploi, le droit aux allocations de chômage a été fortement restreint. Les droits à la pension dans de nombreux pays on été eux aussi attaqués. Les salaires dans les services publics ont été diminués drastiquement dans les pays les plus touchés par la crise comme en Grèce, au Portugal, en Roumanie.

    Dans ce contexte, on comprend qu’il ne soit pas question des droits des LGBTQI et des minorités ethniques, du bien-être des peuples de Russie et d’Europe ou encore de la liberté d’expression lors des sommets bisannuels UE-Russie. Ce dont il s’agit, c’est bien de conclure des accords économiques au profit des 1% les plus riches. La Russie et l’Union Européenne sont au moins d’accord sur un même point : faire payer la crise du capitalisme par les 99% de la population.

    Il est temps de résister au recul de nos droits fondamentaux et à ces vagues d’austérité sociales. Manifestons notre solidarité envers tous ceux qui luttent en Russie et ailleurs POUR :

    • la liberté politique et syndicale
    • la libération des opposants politiques
    • l’arrêt des déportations des sans-papiers
    • le retrait immédiat des lois homophobes
    • l’égalité des droits entre les hétéros et les LGBTQI
    • le droit pour toutes les femmes de disposer de leur corps
    • la cessation immédiate de tous les plans d’austérité
    • des services publics gratuits et de qualité
    • des emplois pour tous rémunérés à hauteur du coût réel de la vie

    (1)Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenres, Queers, Intersexes. Pour plus d’informations sur les personnes transgenres et intersexes, rendez-vous sur le site web de l’association « Genres Pluriels » : http://www.genrespluriels.be

    (2)Ou affaire « bolotnoe », du nom de la place où, le 6 mai 2012, une manifestation qui s’inscrivait dans le cadre du mouvement démocratique né de la contestation des élections frauduleuses de décembre 2011 et mars 2012 dégénérait suite à une provocation de la police. Cet événement a servi de prétexte au régime pour lancer une série d’arrestations et de procès sous des accusations montées de toute pièce (telles que « violences à l’égard de policiers » et « activité antiétatique »), semant ainsi la peur au sein des opposants de tout bord et muselant le mouvement.

  • Économie mondiale : ''Les banques centrales naviguent dans le noir''

    La grave récession de 2008-2009 a fait de l’économie mondiale un véritable laboratoire d’expérimentations. Mais ni l’austérité extrême ni les trillions injectés dans les banques n’ont conduit à une véritable reprise. Les politiciens et les économistes sont désormais de plus en plus préoccupés.

    Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)

    Au centre des préoccupations, la crise européenne. Au début de 2012, l’Italie et l’Espagne étaient proches du défaut souverain (fait pour un gouvernement de ne pas pouvoir payer sa dette), une situation qui, à son tour, aurait pu voir le projet euro entier s’effondrer. Les dirigeants et les institutions européennes, par crainte, ont du prendre des mesures extrêmes.

    La Banque Centrale Européenne (BCE) a promis un ”accès illimité” au capital pour les États et les banques. Depuis lors, la BCE a prêté 360 milliards d’euros aux banques espagnoles et 260 milliards aux banques italiennes. Une grande partie de ces sommes a été utilisée pour racheter leurs obligations d’État respectives. L’écart de taux d’intérêt – ce qui coûte en plus à l’Espagne et à l’Italie pour emprunter par rapport à l’Allemagne – a chuté de 6-7% à 2-3%.

    La générosité de la BCE est compensée par les autres banques centrales. La Réserve Fédérale Américaine (FED) est à sa quatrième phase d’assouplissement quantitatif, ce qui signifie que la FED rachète des parts de la dette publique à raison de 85 milliards de dollars par mois.

    Le nouveau gouvernement de droite du Japon s’est lancé dans une politique monétaire ”quantitative et qualitative”, une double mesure par rapport à celle de la FED. En deux ans, la banque centrale (la Banque du Japon, BOJ) va utiliser l’équivalent d’un quart de son PIB – le Japon est la troisième plus grande économie mondiale – pour acheter des obligations d’État, des actions et des biens immobiliers.

    Les Banques centrales

    Mais désormais, il y a une inquiétude croissante quant à savoir si les interventions des banques centrales sont bel et bien la solution ou au contraire aggraveraient la crise. ”Certaines figures de proue des Banques centrales avouent qu’ils naviguent dans le noir dans le pilotage de leur économie” a rapporté le Financial Times (18 avril) après la dernière réunion du Fonds Monétaire International (FMI).

    Selon Lorenzo Samgh de la direction de la BCE : ”Nous ne comprenons pas entièrement ce qui se passe dans les économies avancées”. Le chef de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, a affirmé que personne ne pouvait être sûr que la politique monétaire expansionniste était correcte et s’est interrogé sur le fait qu’elle pouvait ”courir le risque d’attiser les problèmes qui ont conduit à la crise préalablement”.

    L’intervention de la Banque centrale a assoupli la crise immédiate pour les banques et les États les plus vulnérables. Mais ils n’ont pas reboosté l’économie – les investissements dans les pays capitalistes avancés sont toujours au record le plus bas.

    Cependant, la nouvelle politique a initié des conflits plus nets entre les Etats-Nations. La monnaie japonaise, le Yen, a chuté de 25% depuis l’année dernière. Cela a profité à l’industrie d’exportation japonaise au détriment, entre autres, des industries allemande et sud-coréenne.

    Les rapports semi-annuels d’avril du FMI (le Rapport du Stabilité financière global et des Perspectives économiques mondiales) notent que les actions des Banques centrales ont provoqué un ”large rassemblement de marché” mais ont aussi créé de nouveaux risques. Le capital passe maintenant des pays les plus riches vers les pays en développement, créant une instabilité potentielle. Le patron de la FED, Ben Bernanke, a récemment averti que la spéculation des banques pourrait augmenter.

    Le FMI

    Mais ce qui inquiète véritablement le FMI est ce qui se passera quand la politique d’assouplissement se terminera. Il n’y a pas de précédents historiques sur lequel se baser. ”Des améliorations continues nécessiteront un redressement du bilan du secteur financier et un déroulement harmonieux des sur-endettements public et privé. Si nous ne relevons pas ces défis à moyen terme, les risques pourraient réapparaitre. La crise financière mondiale pourrait se transformer en une phase plus chronique marquée par une détérioration des conditions financières et des épisodes récurrents d’instabilité financière”, écrit le FMI. Mais tout a jusqu’ici échoué, la situation tend vers une crise plus chronique.

    La deuxième étape de la politique de crise – les mesures d’austérité extrêmes – ont eu de pires effets immédiats. 19,2 millions de personnes sont actuellement au chômage dans la zone euro, dont six millions en Espagne seulement. En Grèce, le chômage des jeunes s’élève à 59,1%. Le New York Times a rapporté dans un article sur les écoles grecques que les enfants s’évanouissaient de faim et fouillaient les poubelles pour trouver de la nourriture.

    Le premier ministre portugais, Pedro Passos Caolho – un fervent partisan de l’infâme austérité de la Troïka (FMI, UE et BCE) – a promis en 2011 que ces ”deux terribles années” seraient suivies par une reprise. Mais en raison de l’austérité extrême, en 2013, le Portugal ”fait face à une récession plus profonde et plus longue que celle prévue par le gouvernement et les prêteurs internationaux.” (Financial Times).

    Le FMI a estimé en avril que le risque de récession (le fait que l’économie se contracte) dans la zone euro était de 50%. Depuis lors, le président de la BCE, Mario Draghi, a averti que même la France s’était engouffrée plus profondément dans la crise. L’UE a accordé à l’Espagne et à la France deux années supplémentaires pour se conformer à la règle selon laquelle les déficits budgétaires ne doivent pas dépasser 3% du PIB. Selon les nouvelles règles, ces deux pays auraient, aussi non, été condamnés à une amende.

    Dans une grande enquête effectuée par l’agence de notation Fitch auprès des capitalistes et des investisseurs financiers en Europe, une grande majorité pense que le calme qui règne cette année en Europe n’est que passager. ”Fitch met en garde dans un communiqué qu’elle [l’année 2013] peut revoir un été marqué par la crise de l’euro, tout comme ce fut le cas en 2011 et 2012, car il y a une forte contradiction entre le récent rallye boursier et la montée du chômage” (Dagens Industri, quotidien suédois).

    Pas de solution capitaliste

    Aucune institution capitaliste n’a de solutions. Beaucoup avertissent que l’austérité est allée trop loin, mais continuent de souligner la nécessité d’un budget équilibré pour le ”moyen terme”.

    En combien de temps la crise chypriote qui menace de s’étendre montrera que les pays de l’UE ont besoin d’une union bancaire, écrit le FMI dans son rapport ? Et avant que les flux de capitaux illimités de la BCE n’atténuent la crise, les politiciens dirigeants de l’UE comme Angela Merkel et le président de la Commission européenne Barroso déclaraient que l’UE avait besoin d’une politique budgétaire beaucoup plus stricte et synchronisée.

    Mais les intérêts nationaux et les conflits rendent spécialement les dirigeants allemands hésitants. Le risque, à leurs yeux, est que l’Allemagne devienne définitivement le garant des banques à travers l’Europe.

    En parallèle avec les contradictions croissantes au sein des États membres de l’UE, il y a une méfiance grandissante contre l’Europe elle-même. Aujourd’hui, en Espagne, 72% de la population est critique par rapport à l’Europe contre 23% avant la crise. En Allemagne, cette méfiance est passé de 36 à 59%.

    La crise a été utilisée pour pousser en avant les contre-réformes néolibérales dont rêvaient les capitalistes. Des pensions encore pires en Italie, des facilités pour licencier les travailleurs en Espagne, des réductions de salaire de 50% en Grèce et ainsi de suite. De la même façon, les capitalistes augmentent leur pression sur le président français François Hollande. Il a déjà aboli l’impôt sur les gains en capital et a promis de réduire les allocations de chômage, des pensions et des municipalités.

    En même temps, la pression politique par le bas est de plus en plus forte. Dans un sondage d’opinion français, 70% des sondés pensent qu’une ”explosion sociale” est possible dans les prochains mois.

    Le FMI, en avril, a à nouveau abaissé ses prévisions pour la croissance économique mondiale de cette année à 3,3% (3,5% néanmoins en Octobre). Le commerce mondial ne devrait augmenter que de 3,6% cette année après 2,5% l’année dernière.

    L’indice des directeurs d’achats des grandes entreprises européennes et japonaises est encore en dessous de 50, ce qui indique que l’économie ne se développe pas. Mais même dans le cas de la Chine, ce chiffre ne dépasse pas beaucoup les 50.

    La Chine

    L’économie de la Chine – la deuxième plus grande au monde mais dont on estimera qu’elle dépassera les États-Unis d’ici 2020 – est en train de ralentir fortement. Le grand plan de relance de 2009, qui a tenu la croissance grâce à des investissements massifs, frappe désormais de son revers avec force. Les dettes des municipalités et des provinces sont estimées à entre 20 et 40% du PIB du pays. Au cours du premier trimestre de cette années, ces dettes ont augmenté deux fois plus vite que dans la même période en 2012.

    Le FMI et les politiciens occidentaux parlent de la façon dont la consommation en Chine devrait augmenter et l’investissement diminuer. Mais l’abaissement de la part de l’investissement dans le PIB de 50 à 30%, dans une situation ou la croissance économique sera de 6% au lieu des 10% précédents, ”provoquerait une dépression à lui tout seul” conclut le chroniqueur économique du Financial Times, Martin Wolf. La demande s’effondrerait avec un impact considérable sur l’économie mondiale.

    Les gouvernements et les classes capitalistes mettent désormais davantage de pression sur d’autres États. Les États-Unis veulent voir une plus grande demande en Allemagne et en Europe, tandis que les politiciens européens exigent que les déficits des États-Unis et du Japon soient réduits. Le déficit budgétaire du Japon cette année est à près de 10% du PIB, pour la cinquième année consécutive. La dette publique devrait être à 255% du PIB en 2018.

    Le déficit américain est de 5% du PIB et la dette s’élève à 110% de celui-ci. La croissance cette année aux États-Unis devrait être la plus élevée dans les pays capitalistes développées, soit 1,2%. Mais les prévisions sont incertaines puisque les coupes automatiques, la mise sous séquestre, n’auront effet que dans la seconde moitié de l’année.

    Avec l’échec des ”méthodes peu orthodoxes”, de plus en plus de gens se rendent compte qu’il n’y a pas de solution dans le cadre du système capitaliste. La résistance des travailleurs et des pauvres va augmenter, comme l’ont montré les manifestations de masse au Portugal au début de mars qui étaient les plus importantes depuis la révolution de 1974. La tâche des socialistes est de construire de nouveaux partis des travailleurs avec une réponse socialiste claire face à la crise.

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