Tag: Logements sociaux

  • Accès au logement : quand les inégalités nous ferment la porte

    Photo : Jean-Marie Versyp

    Combien de fois a-t-on entendu l’idée selon laquelle la Belgique serait ‘‘un pays modèle en matière d’accès à la propriété’’, peuplée de gens qui ont ‘‘une brique dans le ventre’’ ? La réalité est bien différente, et plus brutale, surtout pour la jeunesse : l’âge moyen d’achat d’un bien immobilier est passé de 31 à 36 ans…

    Par Simon (Liège)

    Une étude européenne casse les mythes du logement dans notre pays. En 2015, la Belgique occupait la vingtième place (sur 28 pays européens) en pourcentage de ménages propriétaires. Mais l’étude européenne(1) sur laquelle repose ces données constate également que la Belgique affichait en 2015 le deuxième écart absolu le plus important de l’Union européenne entre le taux de propriété des ménages à faible revenu et celui des autres ménages (39,6 points) faisant de notre pays le cinquième pays européen le plus inégalitaire en terme d’accès à la propriété.

    Il s’agit d’un recul important : 7 ans auparavant, la Belgique se classait au deuxième rang des pays les plus égalitaires en matière d’accès à la propriété. Aujourd’hui, sous le double impact d’une faible progression des salaires et de la hausse des prix du marché immobilier, c’est toute une génération de jeunes ménages qui voit s’éloigner la possibilité d’acquérir une habitation. Selon l’étude déjà citée, le taux de propriété des candidats primo-acquérant potentiels peut être estimé à environ 7 % seulement en Belgique, un chiffre synonyme d’une exclusion quasi-totale de l’accès à la propriété du logement familial.

    Cette enquête confirme ce que chacun peut ressentir dans sa vie quotidienne mais aussi ce que mettent régulièrement en avant partis de gauche et syndicats : en dépit des discours triomphalistes du gouvernement, les temps sont de plus en plus durs pour la grande majorité de la population.

    L’urgence d’une politique ambitieuse de construction de logements sociaux

    Une politique de mise à disposition de logements sociaux de qualité pour les jeunes ménages pourrait permettre un accès à la propriété plus facile et plus rapide : en créant massivement des possibilités de se loger à prix abordables, on ferait pression à la baisse sur les prix du marché immobilier mais on permettrait également aux ménages d’épargner dans le but d’acquérir un logement par la suite.

    Au contraire, les communes dans les trois régions du pays ont largement restreint leur parc d’habitations sociales ces vingt dernières années, en réservant l’accès aux populations les plus précarisées et après des délais d’attente qui se comptent souvent en années.

    C’est pourquoi il est nécessaire que les revendications légitimes du mouvement social pour des salaires décents soient liées à celles de la mise en place de services publics accessibles et de qualité, en ce compris un service public du logement qui réponde aux besoins sociaux. Cela passera par la construction massive de logements sociaux de qualité, par l’acquisition des logements et des bureaux inoccupés, par réquisition si nécessaire. Il est aussi nécessaire de sortir les secteurs du logement et de la construction de la soif de profits des promoteurs et du privé. C’est la condition pour pouvoir réaliser une politique d’urbanisme et de logement favorable à toute la population.

    (1) ‘‘L’accès à la propriété en Europe et en Belgique : une inégalité croissante’’ réalisée par le SILC. Le cadre EU-SILC (statistiques de l’UE sur le revenu et les conditions de vie) est le cadre de référence d’Eurostat pour la collecte de données en vue de l’établissement de statistiques comparatives sur la répartition des revenus et l’inclusion sociale dans l’Union européenne (UE).

  • Loi anti-squat : Criminaliser les pauvres au lieu de les aider

    A Gand, des organisations de lutte contre la pauvreté ont manifesté en faveur de loyers décents (photo : Jean-Marie Versyp)

    Début octobre, une nouvelle loi a été votée par la majorité gouvernementale pour durcir les procédures d’expulsion et les sanctions envers les squats. Et ce à l’approche de l’hiver, en pleine crise du logement.

    Par Baptiste (Hainaut)

    Cette loi prévoit non seulement une facilitation et un raccourcissement des délais d’expulsion, mais aussi et surtout des amendes et peines de prison pour les squatteurs. Concrètement, toute personne se trouvant dans un bien immobilier quelconque, dont il n’est pas propriétaire ou formellement locataire, peut être expulsé en 8 jours, sans médiation d’un juge de paix, subir une amende jusqu’à 300€ et risquer jusqu’à 2 ans de prison s’il y a un refus de quitter les lieux.

    µTout cela dans un contexte où d’un côté le sans-abrisme s’aggrave, les listes d’attente pour un logement social explosent (240 000 personnes en Belgique, dont 44 000 rien qu’à Bruxelles) ; et où de l’autre côté tant de bâtiments sont laissés vides. Ainsi à Bruxelles, on dénombre de 15 000 à 30 000 logements inoccupés et 1,5 millions m² de bureaux vides.

    L’ensemble des associations défendant le droit au logement ont dénoncé l’absurdité de cette loi. Même l’Union Royale de Juges de Paix, précisant qu’il existait déjà des possibilités d’expulsion en quelques jours et une sanction en cas d’effraction et de vandalisme. La nouveauté de la loi est ailleurs : même s’il n’y a pas effraction ni dommage quelconque, l’expulsion peut être réalisée sans même passer par une médiation au juge de paix et s’accompagner de sanctions pénales.

    Le squat est vu par beaucoup de personnes précarisées comme le dernier recours avant de dormir dans la rue et sombrer dans l’exclusion sociale. De plus l’essentiel de ces squats concernent des bâtiments abandonnés de longue date. Mais à présent, n’importe quel squat sera assimilé à du vandalisme, sans la moindre considération. Pire : cette loi ne criminalise pas que les squatteurs, mais plonge également dans l’insécurité les locataires les plus précaires qui n’ont pas conclu de bail écrit, et permet également des sanctions contre des travailleurs qui occuperaient leur lieu de travail !

    Un gouvernement qui criminalise les plus pauvres pour enrichir les plus riches.

    Le gouvernement justifie cette loi en prétendant qu’un flou juridique existait concernant les squats, ce qui pénalisait soi-disant les propriétaires. Toute une série de faits divers ont été instrumentalisés à cette fin, visant à assimiler sans nuance le squat au vandalisme et au vol. La réalité est autre : la crise du logement pousse les plus précaires dans la pauvreté et le recours au squat pour éviter la rue. Cette nouvelle loi ne fera qu’accentuer les problèmes.

    La volonté du gouvernement est clair : s’attaquer aux conditions de vie des travailleurs et des plus pauvres pour assurer l’enrichissement des plus riches. La politique du logement n’échappe pas à cette logique. Les autres niveaux de pouvoir ne sont d’ailleurs pas en reste : que ce soit le gouvernement wallon qui songe à supprimer l’obligation de 10% de logements sociaux par commune, ou la ville de Namur qui criminalise la mendicité, sans compter tous ces projets immobiliers d’embellissement privés comme publics qui ont pour effet d’évacuer les plus pauvres à la place de résoudre la crise du logement et ce pour satisfaire une soif de profit.

    Une rupture avec ces politiques néolibérales est indispensable. Une politique d’investissements publics massifs est indispensable pour rénover et construire des logements sociaux afin de répondre aux listes d’attente. Les moyens existent pour permettre à chacun de vivre dans la dignité, il faut aller les chercher là où ils se trouvent ! Cela implique de rompre avec le capitalisme et organiser la production en fonction des besoins et non des profits, c’est ce que nous appelons une société socialiste.

  • Flandre : les locataires des logements sociaux dans le collimateur

    Comment s’en prendre aux listes d’attentes des logements sociaux? Deux possibilités existent. La plus logique serait d’assurer une offre capable de satisfaire la demande. L’autre, c’est l’expulsion. La nouvelle ministre flamande de l’Intérieur, du Logement, de la lutte contre la Pauvreté et de l’Économie sociale, Liesbeth Homans (N-VA), poursuit sur la lancée provocatrice qui fut la sienne à Anvers en voulant s’attaquer aux locataires des logements sociaux en retirant leurs droits à ceux qui gagnent ‘‘trop’’ ou … qui causent trop de nuisances.

    La technique est éprouvée : monter les locataires les uns contre les autres et accorder une attention démesurée à des cas particulièrement isolés pour éviter de devoir s’occuper de la problématique générale. Ajoutons à cela une couche de répression arbitraire et nous avons le cocktail typique de la politique de la N-VA.

    En 2013, en Flandre, le loyer moyen d’un appartement a augmenté de 15%, soit beaucoup plus que les salaires et allocations sociales. Pour une maison, l’augmentation du loyer est de 3,5%. Le démantèlement du bonus logement (compétence régionale à partir de 2015, qui sera directement supprimée en Flandre et destinée à mourir à petit feu en Wallonie et à Bruxelles) rendra plus difficile encore l’achat d’une maison ou d’un appartement, ce qui aidera le marché locatif à gagner en importance.
    Les autorités peuvent exercer une pression sur l’ensemble des loyers en offrant suffisamment de logements sociaux à prix abordables. Mais le gouvernement flamand ne l’entend pas de cette oreille. Pour s’en prendre aux longues listes d’attentes (près de 100.000 Flamands sont sur liste d’attente pour un des 150.000 logements sociaux existants), Homans a décidé d’exclure des locataires.

    C’en est donc fini des logements sociaux à vie en Flandre, tout comme c’est déjà le cas en Wallonie (depuis 2008) et à Bruxelles (depuis 2013). Là encore, ce qui a été appliqué d’un côté de la frontière linguistique est utilisé de l’autre côté pour justifier la casse sociale. Les baux seront dorénavant de 3, 6 ou 9 ans, avec évaluations intermédiaires contre ceux dont les revenus ont augmenté ou qui causent des nuisances : des termes très flous et qui fleurent bon l’arbitraire. Un parlementaire libéral flamand avait commenté la mesure ainsi : ‘‘l’État doit offrir un tremplin, pas un hamac’’. Voilà la vision de Homans & Co – copiée sur les coalitions ‘‘progressistes’’ de la Région Wallonne et de la Région Bruxelloise – concernant le logement social : un accueil d’urgence qui doit être limité dans le temps. Le marché privé doit être la norme.

    Jusqu’ici, un locataire pouvait rester dans son logement social quitte à payer un loyer plus important en fonction de l’augmentation de ses revenus. Une sécurité de logement existait, qui assurait que les locataires sociaux ne se voient pas contraints de déménager tous les x temps et de quitter leurs amis et voisins.

    Une fois de plus, Homans essaie de stigmatiser un groupe social plus faible en les pointant du doigt comme des profiteurs. Pourtant, seuls 8% des locataires disposent d’un revenu plus élevé que la limite pour avoir droit à un logement social, et seulement 5% à Anvers. En Flandre, en plus des locataires de logements sociaux, plus de 240.000 personnes ont des revenus inférieurs à cette limite sans vivre dans un logement social.

    Avec ce gouvernement flamand, les spéculateurs immobiliers pourront tranquillement continuer à faire grimper les loyers. Contre cette politique qui rend le logement moins accessible pour une grande partie de la population, il faut un programme d’investissements publics massifs pour élargir le secteur du logement social, en commençant par satisfaire toutes les demandes sur listes d’attentes.

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