Tag: Logement

  • Le logement abordable, c’est possible !

    Photo : Jean-Marie Versyp

    Pour un plan massif de construction et de rénovation des logements sociaux

    Le marché du logement est hors de prix. En Flandre, le loyer est en moyenne de 778 euros par mois. Il s’agit même de 1.166 euros à Bruxelles ! En 25 ans, les prix d’achat ont quadruplé et les loyers ont augmenté de 40%. Sans surprise, il y a toujours plus de sans-abris.

    Par Jeroen (Courtrai)

    En mars 2021, pour la première fois, un recensement scientifique du nombre de sans-abri a été réalisé dans les villes d’Arlon, de Liège, de Gand, de Louvain, dans la province du Limbourg et dans la Région de Bruxelles-Capitale. Dans la région de la capitale, on note une augmentation de 28 % du nombre de sans-abris depuis 2018. Le sans-abrisme se féminise et se rajeunit. Le nombre d’enfants sans-abri est passé de 600 en 2018 à 933 en 2020. Ailleurs, des enfants vivent également dans la rue : 401 ont été recensés à Gand, 78 à Liège.
    Celles et ceux qui ont encore un toit doivent creuser plus profondément leurs poches pour le conserver. Le gouvernement flamand a estimé qu’en 2018, un ménage sur cinq a consacré plus de 30 % de ses revenus au logement. Pour les locataires du marché privé (c’est-à-dire hors logement social), ce pourcentage passe à 52 %.

    2020, une « année record » pour le secteur de l’immobilier

    Pour les investisseurs, les agents immobiliers et les entreprises de construction, la hausse des prix est une bonne nouvelle. Le secteur considère l’année 2020 comme une « année record ». En Flandre, les prix d’achat ont augmenté en moyenne de 5 % en 2020, et même de 8,1 % à Bruxelles pour atteindre 426.130 euros. Saint-Gilles fait figure d’exception avec une augmentation moyenne de plus de 12 % !
    Cette tendance se poursuit sur le marché locatif. À Gand, les loyers des appartements ont augmenté de 4,1 %, passant de 767 à 800 euros par mois. À Anvers, le loyer est en moyenne de 946 euros par mois. Dans une commune bruxelloise pauvre comme Molenbeek, le loyer moyen d’un appartement est de 855 euros par mois. Avec un seul salaire, on ne peut pas s’en sortir, encore moins avec une allocation. Le groupe d’experts de De Tijd prévoit que les prix continueront d’augmenter en moyenne de 2 % par an jusqu’en 2025.

    Comment expliquer cette augmentation ?

    La Banque nationale de Belgique estime que la surévaluation du marché immobilier belge a doublé en un an pour atteindre 13,5 % en 2020. Les maisons belges sont donc « trop chères » et elles le deviennent de plus en plus. Les propriétaires veuillent faire le plus de profit possible tandis que les locataires ou les acheteurs ont de toute façon besoin d’un toit. Ils ne peuvent pas attendre que les prix soient plus favorables pour se loger. La pénurie de logements sociaux et les listes d’attente interminables pour en bénéficier ne permettent pas d’exercer une pression à la baisse sur les prix du privé. Parallèlement, la hausse des prix rend très intéressant d’investir dans l’immobilier en espérant un joli et rapide bénéfice.

    La crise sanitaire a incité de nombreuses personnes à chercher un nouveau logement qui rende le confinement plus agréable avec un balcon, un jardin ou un bois à proximité. C’est souvent inabordable dans le contexte de villes systématiquement plus inégalitaires. Les projets de prestige et le city marketing ne visent pas seulement les touristes mais aussi les habitants plus riches dont l’arrivée repousse les plus pauvres des quartiers populaires.

    Les communes sont-elles démunies pour agir ?

    Avec le marketing urbain, les villes favorisent la gentrification (le déplacement des habitants les plus pauvres) et la hausse des prix plus qu’elles ne les combattent. D’autre part, les liens sont souvent étroits entre les responsables politiques locaux et les promoteurs immobiliers. Le site d’information Apache.be a par exemple exposé les liens entre la société Land Invest Group et des figures politiques de premier plan d’Anvers et de Liège.

    Le problème ne peut être résolu uniquement au niveau des villes. Mais il est totalement faux d’affirmer que rien ne peut être fait. Une majorité communale véritablement à gauche devrait analyser la situation, cibler ce qui est nécessaire à entreprendre et se battre pour exiger des autorités supérieures qu’elles fassent bien plus qu’actuellement.

    Dans de nombreuses villes et communes, il existe déjà des taxes sur les bâtiments ou les terrains vides. Mais face aux énormes profits à réaliser, c’est à peine si les spéculateurs les remarquent. Pourquoi ne pas exproprier le potentiel inutilisé pour fournir suffisamment de logements sociaux aux mains de la collectivité ? La loi Onkelinx de 1993 offre d’ailleurs une possibilité légale d’exproprier des bâtiments vacants pour loger les sans-abris.

    Briser la rapacité par la lutte

    En entrant en lutte, nous pouvons remporter des victoires. En 2019, dans le Land allemand du Brandebourg (qui comprend Berlin), un gel des loyers a été appliqué sous la pression d’un large mouvement social. Rien qu’à Berlin, 300.000 familles auraient droit à une baisse des loyers. Cependant, le mouvement va plus loin et exige l’expropriation du propriétaire privé Deutsche Wonen, qui gère plus de 3.000 propriétés à Berlin. Faire de ces propriétés des logements sociaux ne profiterait pas seulement aux résidents mais exercerait également une pression à la baisse sur les loyers de manière générale.

    En Belgique, la part des logements sociaux est en baisse depuis des décennies. En 2016, elle ne représentait que 5,6 % du total des logements en Flandre, 5,3 % en Wallonie et 7 % en Région bruxelloise. Nous ne nous opposons pas seulement à l’appétit de profit de la mafia du béton et des propriétaires, mais nous défendons un plan massif d’investissements publics dans le logement social. Il n’y a pas d’autre voie vers un logement social durable, de qualité et abordable avec suffisamment de poids pour faire baisser tous les loyers.

  • Irlande : Une colère naissante alors que la crise du logement s’aggrave

    Le jeudi 5 décembre, à la mi-journée, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Dublin pour exiger des mesures qui s’en prennent à la crise du logement. Des gens de la classe ouvrière de toute la ville et d’ailleurs, dont beaucoup ont été directement touchés par le sans-abrisme à un moment donné de leur vie, ont manifesté en amenant avec eux leurs familles et leurs proches. Ailleurs dans le pays, en tous endroits, des centaines de personnes se sont réunies dans des manifestations de solidarité.

    Par Katia Hancke, Socialist Party (CIO – Irlande)

    Il ne s’agissait pas d’une manifestation traditionnelle bien organisée avec des points de départ et d’arrivée clairs, où les gens se promènent tranquillement dans les rues d’un côté à l’autre du parcours. Il s’agissait d’une véritable vague de colère crue, un “j’accuse” crié par des milliers de personnes envers un gouvernement qui s’en fiche, un aperçu des choses à venir. On parlait partout de la nécessité d’un nouveau mouvement social similaire a celui qui a vaincu la taxe sur l’eau. Partout on soulignait avec détermination que cela ne pouvait être que le début d’un projet plus vaste. Un projet non pas dirigé par des ONG ou des groupes caritatifs bien intentionnés, mais par ceux qui sont le plus directement touchés : les travailleurs de tout le pays.

    Avant cette date, le ministre du Logement Eoghan Murphy avait déjà connu quelques journées riches en événements. Cet éminent membre du parti de droite Fine Gael, qui peine à cacher sa condescendance, avait été la cible d’une Motion de défiance. En essayant de sauver sa peau, il s’est vanté au Parlement de l’efficacité de Rebuilding Ireland (Reconstruire l’Irlande), un projet bidon du gouvernement parmi d’autres, celui-ci étant consacré à la construction de logements. Il n’a pas hésité à déclarer que, selon lui, “les choses s’améliorent”.

    Une crise qui va de mal en pis

    En moyenne, les loyers sont supérieurs à 2.000 € par mois à Dublin. Les HAP (Housing Assistant Payments, aides publiques au loyer) versés aux propriétaires privés atteindront 1 milliard d’euros par an en 2020 ! L’âge moyen auquel les gens peuvent obtenir un prêt hypothécaire est de 39 ans. Le nombre officiel de sans-abri dans la capitale est de 10.514. Près de quatre mille enfants passeront Noël dans la rue. Mais le ministre responsable nous assure que tout va bien.

    La réalité est toute autre : la politique du gouvernement vis-à-vis du logement est un échec total pour la majorité de la société. 1200 logements sociaux ont été construits durant la première moitié de l’année 2019, ce qui en représente environ 40 par municipalité en moyenne ! Ce refus des autorités de construire suffisamment de logements sociaux publics abordables conduit à une quasi-complète dépendance du programme de payement HAP aux propriétaires privés. Des familles qui, il y a une génération à peine, avaient un accès certain à un logement détenu par la municipalité sont maintenant poussés vers le marché locatif privé et dans l’insécurité de logement.

    Parallèlement, la spéculation sur les maisons de la part des fonds vautours et des banques a rendu le prix d’une maison familiale moyenne si chère que les gens doivent travailler de 15 à 20 ans avant d’obtenir une hypothèque. Tout le monde reste plus longtemps à la merci du marché locatif privé, à moins de rester vivre chez ses parents jusqu’à la trentaine. Des travailleurs de tout âge sont maintenant directement touchés par la crise du logement. Des générations entassées dans des maisons devenues trop petites, des lits partagés, des logements surévalués et sans accès au transport en commun dans les banlieues : tout est de retour.

    La soif de profit enrichit

    Comment expliquer que cette situation se poursuit ? Eh bien, c’est qu’il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Les super-riches se frottent les mains de toute cette misère. Prenons l’exemple d’Ires Reit, un fonds vautour, c’est-à-dire une opportunité d’investissement sans visage pour les personnes les plus riches du monde. Ils représentent aujourd’hui le plus grand propriétaire de logements en Irlande, avec un “portefeuille” de 4.000 logements en pleine croissance. Il s’agit de l’un des moteurs de l’augmentation incessante des loyers à Dublin et au-delà. Ils en tirent des millions de bénéfices… et paient 0% d’impôt en Irlande !

    BAM est une entreprise de construction internationale connue pour avoir surévalué le prix de la construction de l’Hôpital National des Enfants et de nombreux projets commandités par le gouvernement. D’une année à l’autre, leurs bénéfices ont grimpé en flèche. Les entreprises privées qui gèrent des centres de prise en charge directe ont reçu 72 millions de dollars de l’État rien qu’en 2018 : l’hébergement des réfugiés vulnérables est devenu une activité lucrative plutôt qu’un soutien humanitaire qui vise à les aider à s’intégrer dans leur nouveau foyer et à commencer une nouvelle vie.

    La crise du logement jette des centaines de milliers de personnes dans une misère indescriptible, mais il s’agit d’une activité très rentable. Ce gouvernement a clairement indiqué de quel côté il est, et ce n’est pas du nôtre ! Il est que qu’attendre d’un parlement où plus d’un tiers des députés du Fianna Fáil et du Fine Gael sont propriétaires de voter pour des réductions de loyer ressemble beaucoup à demander aux dindes de voter pour Noël. Mais le problème est plus profond. Tout gouvernement dirigé par ces partis a prouvé que le révolutionnaire socialiste James Connolly avait raison lorsqu’il affirmait que “les gouvernements de la société capitaliste ne sont que des comités de riches qui gèrent les affaires de la classe capitaliste”. Mais les principaux partis dits d’opposition – le Sinn Féin, les Travaillistes, le parti vert et les Sociaux-démocrates – ont tous voté pour des accords pourris au niveau local. De nombreux terrains publics ont été bradés à des promoteurs privés.

    Quelle est la solution ?

    Il n’est pas difficile de trouver des solutions à la crise du logement : un programme de construction massif de logements publics sur des terrains publics pourrait fournir 100.000 logements en cinq ans pour une fraction seulement du coût actuel en vigueur dans le secteur privé. Faire en sorte que les grandes sociétés immobilières deviennent propriété publique démocratique, avec la participation des communautés locales, garantirait qu’aucun raccourci ne soit pris et que de nouvelles communautés viables soient construites avec une infrastructure appropriée. Cela mettrait également un terme à la hausse des prix et garantirait la sécurité de l’emploi, avec de bonnes conditions de travail et e bons salaires pour les travailleurs de la construction. D’importantes réductions des loyers et des plafonds de loyer pourraient être appliqués à l’échelle nationale pour maîtriser immédiatement la crise des loyers.

    Pour mettre en œuvre de telles mesures, nous devons construire un mouvement social puissant. Le mouvement contre la taxe sur l’eau a démontré que si nous nous organisons, nous pouvons l’emporter. Des mobilisations de masse de la classe ouvrière et d’organisations locales peuvent exercer une pression énorme sur les pouvoirs en place.

    La construction d’une alternative politique va de pair avec cette tâche. Une alternative politique qui n’accepte pas que les intérêts des profiteurs l’emportent sur ceux de la classe ouvrière. Une alternative politique qui pointe clairement vers le responsabilité du système capitaliste. Une alternative politique qui prône la solidarité et l’organisation de la classe ouvrière pour renverser un système qui ne fonctionne jamais pour nous.

    Un mouvement de la classe ouvrière

    Cela signifie également de réveiller les syndicats, ce géant endormi du pouvoir ouvrier. Si les syndicats mobilisaient leurs membres pour agir sur cette question, ils pourraient directement atteindre et organiser 750.000 travailleurs. Réveiller ce géant impliquer de construire un mouvement syndical contrôlé démocratiquement par la base capable de prendre les mesures nécessaires, y compris des grèves, pour s’assurer que cette crise soit immédiatement prise à bras-le-corps. Cela devrait être lié à la création d’un nouveau parti de la classe ouvrière reposant sur un programme de politiques socialistes qui rompent avec la logique du marché capitaliste où l’offre de logements dépend des profits et non de la satisfactions des besoins humains.

    Une nouvelle mobilisation est prévue le samedi 11 janvier. Faisons en sorte que ce mouvement grandisse et grandisse sur la base de la solidarité entre toutes les personnes touchées – la classe ouvrière – afin que nous puissions construire ensemble le mouvement nécessaire pour supprimer le profit comme force motrice derrière l’accès au logement.

  • Mouvement social inédit pour des logements abordables en Allemagne

    L’Allemagne est secouée par un mouvement contre la hausse des loyers. Le 6 avril, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays. A Berlin, les manifestants exigent un référendum en vue de l’expropriation des grandes sociétés de logement.

    Par Jarmo (Anvers)

    La principale revendication portée par la manifestation de Berlin tournait autour de l’expropriation des grands groupes de propriétaires de logements de la ville, afin que leurs biens immobiliers tombent entre les mains du public et de la collectivité. Les manifestants réclament un référendum sur ce thème, ce qui est possible si 190.000 signatures sont réunies. Si cela abouti à une victoire, le précédent serait historique : le logement serait alors considéré comme un droit humain. L’impact serait énorme en Allemagne et à l’étranger.

    Pendant longtemps, l’Allemagne – et en particulier Berlin – a été considérée comme un modèle, les loyers y étant nettement inférieurs à ceux des autres grandes villes. La situation a toutefois bien changé. Les loyers ont augmenté de 20,5 % à Berlin au cours de la seule année 2017. Nulle part ailleurs dans le monde, on a pu mesurer une hausse aussi fulgurante des loyers. Ces majorations créent une grande incertitude pour les locataires qui craignent ne pas pouvoir rester dans leur logement. Toutes sortes de failles juridiques sont utilisées pour augmenter les loyers. Ces dernières années, par exemple, de nombreuses ‘‘améliorations énergétiques’’ ont été réalisées : des interventions mineures, mais qui permettent d’augmenter le loyer de 11%. De nombreux locataires ont résisté ou ont intenté des poursuites sur base individuelle. Ils perdent cependant habituellement le procès.

    Le SPD (parti social-démocrate) se dissocie du mouvement, ce qui n’est guère surprenant. Ce parti a orchestré la privatisation du marché du logement dans les années 1990 et 2000. Sa proposition de geler les loyers pour cinq ans représente peu en comparaison de ce qu’exigent les manifestants. La campagne du comité d’expropriation “Deutsche Wohnen & Co Enteignen” vise à l’expropriation complète des grandes sociétés de location. Cela est permis en vertu de l’article 15 de la Constitution allemande qui stipule que la terre, les ressources naturelles et les richesses peuvent être nationalisées pour faire face à des besoins sociaux. Mais selon l’entreprise immobilière Deutsche Wohnen et d’autres firmes, ce n’est juridiquement pas possible puisque cela rompt avec l’économie de marché.

    Se loger est un besoin vital, mais ce n’est qu’une marchandise pour les grandes entreprises. Deutsche Wohnen possède 140.000 logements en Allemagne. Il n’est pas possible de refuser de payer le loyer qu’ils décident et si l’on refuse de payer ‘‘l’allocation de modernisation’’, on est tout simplement foutu à la porte. Il faut mettre un terme à cette situation intenable et le gouvernement ne peut pas simplement acheter les logements existants au ‘‘prix du marché’’. Ce prix est fixé par les entreprises elles-mêmes et n’a aucun lien avec leur valeur réelle. Exproprier ces grands groupes sans indemnisation est la solution défendue par les manifestants. Les logements existants pourraient ainsi être rénovés en profondeur et mis à disposition à des prix abordables. En combinaison de cette mesure, il faudrait également un plan ambitieux de construction de nouveaux logements de qualité et abordables.

    La construction de logements de qualité n’a jamais été le fruit d’investissements privés, en Allemagne comme ailleurs : ce fut le fruit des autorités locales ou nationales. Il est nécessaire de retirer le marché du logement des mains des grandes sociétés, ce n’est qu’ainsi que l’on pourra pratiquer des loyers en lien avec les coûts réels. Selon une étude menée en Allemagne, les profits de ces sociétés représentent un tiers, voire la moitié du loyer. Si cette portion au profit des propriétaires est supprimée, la vie devient tout de suite beaucoup plus abordable.
    La riposte s’organise dans de nombreuses villes. Les initiatives des locataires de VONOVIA (grande société de location) sont en train de se développer à l’échelle nationale au travers d’un réseau d’action. Les habitations vides sont occupées. Des actions de protestation et des blocages contre les expulsions forcées sont mises sur pied. A Berlin, l’initiative pour le référendum visant à l’expropriation du groupe de logement Deutsche Wohnen et de toutes les sociétés immobilières concerne plus de 3.000 logements. A Munich, 11.000 locataires sont descendus dans la rue le 15 septembre 2018.

    Dans certaines villes, des initiatives visant à détecter les détournements illégaux d’habitation en résidences de vacances – en particulier chez le plus grand fournisseur mondial Airbnb – ont permis que les amendes soient payées et que les détournements prennent fin.

    Cependant, les loyers continuent d’augmenter. De nouvelles formes de fraude sont constamment inventées. La résistance doit donc être encore plus grande, plus large, plus forte et plus déterminée. A la suite du succès des manifestations du 6 avril, une manifestation nationale massive contre l’explosion des loyer à Berlin serait un important pas en avant en vue de développer un mouvement national.

    En ce moment, diverses initiatives et réseaux discutent de la création d’un syndicat de locataires. Des exemples du siècle dernier ont prouvé que des grèves de locataires – basées sur le refus de payer leur loyer – peuvent conduire à des victoires. Les locataires peuvent représenter une force en s’organisant et en agissant de concert.

    Les syndicats ne saisissent malheureusement pas cette opportunité pour transformer la colère en une véritable résistance. Pour que cela soit le cas, c’est la base syndicale qui devra agir. 30 à 50% des salaires nets sont consacrés au loyer, il est évident que le thème doit être repris par les syndicats, en combinaison de revendications salariales offensives.

    Le parti de gauche Die Linke a lancé une campagne nationale sur les loyers à l’automne 2018, ce qui est une bonne chose. Mais nous devons veiller à ne pas créer l’illusion qu’une politique du logement social est possible en entrant en coalition avec les Verts ou le SPD. Ces partis veulent préserver le capitalisme et refuseront de retirer le secteur du logement des mains du marché et des capitalistes.

    En Belgique, nous connaissons bien sûr un problème similaire. Ici aussi, les loyers augmentent rapidement et de plus en plus de logements sont mis en location par des entreprises privées. Les solutions à ce problème sont bien sûr les mêmes. Cet exemple illustre que l’on ne peut se faire d’illusions sur le ‘‘libre’’ marché. En Allemagne, la privatisation des logements a d’abord conduit à de faibles loyers mais, ensuite, la même folie locative qu’ailleurs s’y est développée. Pour résoudre le problème des loyers et de la pénurie de logements, nous devons contrôler nous-mêmes le marché du logement. Nous ne pouvons pas contrôler ce que nous ne possédons pas. C’est pourquoi une société socialiste est nécessaire pour garantir des logements abordables et de qualité pour tout le monde.

  • Accès au logement : quand les inégalités nous ferment la porte

    Photo : Jean-Marie Versyp

    Combien de fois a-t-on entendu l’idée selon laquelle la Belgique serait ‘‘un pays modèle en matière d’accès à la propriété’’, peuplée de gens qui ont ‘‘une brique dans le ventre’’ ? La réalité est bien différente, et plus brutale, surtout pour la jeunesse : l’âge moyen d’achat d’un bien immobilier est passé de 31 à 36 ans…

    Par Simon (Liège)

    Une étude européenne casse les mythes du logement dans notre pays. En 2015, la Belgique occupait la vingtième place (sur 28 pays européens) en pourcentage de ménages propriétaires. Mais l’étude européenne(1) sur laquelle repose ces données constate également que la Belgique affichait en 2015 le deuxième écart absolu le plus important de l’Union européenne entre le taux de propriété des ménages à faible revenu et celui des autres ménages (39,6 points) faisant de notre pays le cinquième pays européen le plus inégalitaire en terme d’accès à la propriété.

    Il s’agit d’un recul important : 7 ans auparavant, la Belgique se classait au deuxième rang des pays les plus égalitaires en matière d’accès à la propriété. Aujourd’hui, sous le double impact d’une faible progression des salaires et de la hausse des prix du marché immobilier, c’est toute une génération de jeunes ménages qui voit s’éloigner la possibilité d’acquérir une habitation. Selon l’étude déjà citée, le taux de propriété des candidats primo-acquérant potentiels peut être estimé à environ 7 % seulement en Belgique, un chiffre synonyme d’une exclusion quasi-totale de l’accès à la propriété du logement familial.

    Cette enquête confirme ce que chacun peut ressentir dans sa vie quotidienne mais aussi ce que mettent régulièrement en avant partis de gauche et syndicats : en dépit des discours triomphalistes du gouvernement, les temps sont de plus en plus durs pour la grande majorité de la population.

    L’urgence d’une politique ambitieuse de construction de logements sociaux

    Une politique de mise à disposition de logements sociaux de qualité pour les jeunes ménages pourrait permettre un accès à la propriété plus facile et plus rapide : en créant massivement des possibilités de se loger à prix abordables, on ferait pression à la baisse sur les prix du marché immobilier mais on permettrait également aux ménages d’épargner dans le but d’acquérir un logement par la suite.

    Au contraire, les communes dans les trois régions du pays ont largement restreint leur parc d’habitations sociales ces vingt dernières années, en réservant l’accès aux populations les plus précarisées et après des délais d’attente qui se comptent souvent en années.

    C’est pourquoi il est nécessaire que les revendications légitimes du mouvement social pour des salaires décents soient liées à celles de la mise en place de services publics accessibles et de qualité, en ce compris un service public du logement qui réponde aux besoins sociaux. Cela passera par la construction massive de logements sociaux de qualité, par l’acquisition des logements et des bureaux inoccupés, par réquisition si nécessaire. Il est aussi nécessaire de sortir les secteurs du logement et de la construction de la soif de profits des promoteurs et du privé. C’est la condition pour pouvoir réaliser une politique d’urbanisme et de logement favorable à toute la population.

    (1) ‘‘L’accès à la propriété en Europe et en Belgique : une inégalité croissante’’ réalisée par le SILC. Le cadre EU-SILC (statistiques de l’UE sur le revenu et les conditions de vie) est le cadre de référence d’Eurostat pour la collecte de données en vue de l’établissement de statistiques comparatives sur la répartition des revenus et l’inclusion sociale dans l’Union européenne (UE).

  • Pour des logements étudiants gratuits et de qualité!

    Par Stéphane P. (Bruxelles)

    Ce jeudi 24 avril, une cinquantaine d’étudiants de l’ULB s’étaient donnés rendez-vous en face de la maison communale d’Ixelles pour protester contre la construction de logements de luxe sur leur campus universitaire. Les Etudiants de Gauche Actifs (EGA, organisation étudiante du PSL) et Comac (l’organisation jeune du PTB) y étaient présents.

    En 2006, les autorités de l’ULB vendaient des terrains du campus de la Plaine à des promoteurs immobiliers : Immobel et Louis De Waele. Leur argument : l’université avait besoin de fonds. Ce projet aura pour conséquence aussi de détruire des espaces verts très importants pour la biodiversité et la qualité de vie des habitants de la région : c’est le plus grand espace vert d’Ixelles qui assume la fonction de poumon vert.

    Ces choix scandaleux de privatisations de la part des autorités de l’ULB trouvent leurs causes dans le sous-financement chronique de tout l’enseignement en Belgique. Les responsables sont aussi à aller chercher dans les différents gouvernements qui se sont succédés et chez les partis établis. En sous-finançant nos écoles et universités, ces derniers vendent notre enseignement public au privé.

    Il nous faut un refinancement de l’enseignement au moins à hauteur de 7% du PIB pour pouvoir préserver nos écoles de l’avidité des promoteurs immobiliers. Il nous faut aussi des logements étudiants gratuits et de bonne qualité. Il aussi très important de préserver les espaces verts en ville.

     

  • Des loyers abordables pour du logement de qualité!

    Pour un plan radical d’investissements publics pour réaliser 60.000 nouveaux logements sociaux publics de qualité!

    Bruxelles:

    • + 45 % du prix des loyers en 10 ans;
    • 41 000 personnes sur liste d’attente pour un logement social;
    • 1,6 millions m2 de bureaux vides…

    STOP à L’austérité !

    Pour un plan radical d’investissements publics pour réaliser 60.000 nouveaux logements sociaux publics de qualité .
    Des loyers abordables pour du logement de qualité !

    Nos logements sont impayables !

    Année après année, le coût du logement ne cesse de s’aggraver à Bruxelles. Depuis 2002, les loyers ont augmenté en moyenne de 45% ! Pendant ce temps-là, seuls 440 logements sociaux supplémentaires ont été créés, alors que la liste d’attente pour un logement social est estimée à 41.000 personnes.

    Et cette demande est fortement sous-estimée. La liste d’attente étant devenue un parcours du combattant longue de parfois plus d’une décennie, beaucoup de ménages y renoncent. Au final, cette pénurie en logements sociaux tire encore plus le coût de l’ensemble des loyers vers le haut, mettant dans le rouge l’immense majorité des ménages. En moyenne, une famille bruxelloise consacre plus de 30% de son budget au logement !

    Où est donc passé l’argent public ?

    Les pistes proposées par les autorités pour accéder à un logement sont au mieux des lo- gements publics. A Saint-Gilles, les plafonds de revenus annuels pour y prétendre sont relativement élevés : 40.000 € brut pour un isolé, 70.000 pour un ménage. Cette politique a pour conséquence logique le remplacement des plus précarisés par d’autres habitants disposant d’un revenu plus important, plutôt que de résoudre les problèmes sociaux.

    Benjamin Cadranel, patron de la SDRB (PS), déclarait à ce propos : « à Bruxelles, la population précarisée est captive au cœur de la ville, or la population qu’il faut convaincre de rester ou revenir au centre de Bruxelles c’est la classe moyenne ».

    Bruxelles: paradis des promoteurs immobiliers

    Cette stratégie du gouvernement Olivier à Bruxelles est scandaleuse. Leur objectif est d’offrir un secteur du logement rentable aux entreprises privées. Pour les promoteurs immobiliers, c’est le jackpot. La société immobilière Cofinimmo a d’ailleurs encore réalisé 120 millions € de bénéfice net l’an dernier. Et si les ménages payent au prix fort la facture de cette politique asociale, c’est également le cas pour les travailleurs du secteur du bâtiment, où la proportion de travail au noir et la pratique du « dumping social » sont fréquemment pointés du doigt.

    Les bâtiments vides ? Pour toujours plus de prestiges et de profits ! Quant aux 1,6 millions m2 de bureaux vides de Bruxelles, 30€/m2 de subsides sont offerts par la région aux promoteurs pour leur réhabilitation en logements de luxe. Dans un communiqué, Cofinimmo annonce la poule aux œufs d’or qui lui est apportée sur un plateau : « Bruxelles est soumise à une pression démographique de plus en plus importante ; une manière d’y répondre est de convertir des immeubles de bureau en logements et c’est ce que nous commençons à faire avec le projet Livingstone dans le quartier européen ». Et de préciser que les appartements haut de gamme de cet immeuble seront vendus pour 3500€/m2 !

    Pour des loyers abordables et du logement de qualité accessible à tous ! Nous n’avons pas besoin de projets de prestige, dont seuls les plus aisés peuvent profiter. Chacun devrait avoir droit à un logement de qualité à prix abordable. Tout comme les associations pour le droit au logement, nous défendons qu’il y ait 20 % de logements sociaux.

    On peut y parvenir avec la construction massive de logements sociaux, par l’acquisition des logements et des bureaux inoccupés, et par la réquisition si nécessaire. Ainsi, 60.000 nouveaux logements sociaux publics de qua- lité pourraient être créés afin de résoudre la pénurie à Bruxelles.

    Une alternative à l’austérité

    Il est nécessaire de sortir le secteur du logement et de la construction des mains des promoteurs et du privé, avides de profits. C’est la condition pour pouvoir réaliser une politique d’urbanisme et de logement en faveur des besoins de la population. C’est aussi de cette manière que l’on peut sortir l’emploi du secteur de la précarité et permettre aux jeunes peu qualifiés de nos quartiers d’y trouver un travail décent.

    30 années de sous-financement des services collectifs, ça suffit ! L’austérité, ça ne fonctionne pas ! Une politique qui refuserait de payer la dette publique destructrice et nationaliserait les banques et les secteurs vitaux de l’économie permettrait de lancer un plan radical d’investissements publics pour relancer l’économie, créer des logements, des écoles, des crèches et des emplois décents.

    Qu’est ce que Gauches Communes ?

    Gauches Communes, ce sont des listes unitaires pour les élections à Bruxelles rassemblant des tra- vailleurs, des syndicalistes, des jeunes, des pension- nés, des allocataires sociaux et différentes composantes de la gauche qui s’opposent à l’austérité et qui sont déjà préparées à construire un relais poli- tique large véritablement de gauche. L’initiative est soutenue par le Parti Socialiste de Lutte (PSL-LSP) et le Parti Humaniste (PH-HP).

    Contribuez au fond électoral !

    Contrairement aux partis établis, nous disposons que de peu de moyens financiers. Nous ne pouvons pas compter sur des riches amis ou des industriels, mais uniquement sur votre contribution à notre fonds électoral. Chaque euro est important pour nous. Versez votre contribution au 523-0804542-02 avec pour men- tion ‘Gauches Communes’ !

  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (1)

    Cette semaine, une grande attention sera portée à la situation politique et sociale de la capitale, sur base du texte de perspectives élaboré pour le Congrès régional des sections bruxelloises du PSL qui s’est tenu fin novembre dernier. Ce texte sera publié cette semaine en 5 parties. Nous commençons ici avec la croissance démographique de la capitale et ses conséquences sur le logement.

    Introduction

    Le congrès de district est l’occasion pour les membres du parti de se concentrer sur les discussions autour des perspectives locales. Quels sont les plans d’assainissements aux différents niveaux de pouvoir ? Quelles sont les effets sur la population et les réactions ? Cet approfondissement doit en définitive nous permettre d’être parés à intervenir. En plus de nos secteurs d’intervention traditionnels, nous avons acquis une nouvelle expérience ces deux dernières années : le terrain communal, à Ixelles et surtout à Saint-Gilles. Les textes de congrès permettent également de collectiviser cette expérience, pour affiner nos futures interventions.

    Le 7 mai 2013, Charles Picqué (PS) a démissionné de son mandat de président du gouvernement de la région bruxelloise, laissant par la même occasion la place à Rudy Vervoort (PS), bourgmestre de la commune d’Evere. Celui qui présida la région bruxelloise durant 20 ans (1989-1999 ; 2004-2013) laisse en héritage une véritable « fracture sociale », conséquence de deux décennies de politiques néolibérales. Avec ce texte, nous voulons rentrer dans le détail de cet héritage et des politiques qui en sont la cause.

    Y a-t-il un problème démographique à Bruxelles ?

    Ces dernières années, les médias n’ont cessé de parler du « boom démographique » comme étant la cause de tous les maux à Bruxelles. La population bruxelloise augmente actuellement de 20.000 personnes en moyenne chaque année (soit une croissance d’un peu moins de 2%), du fait d’un solde migratoire positif pour les 15-30 ans et d’un taux de natalité plus important que les décès, reflétant ainsi le rajeunissement de la population. Aujourd’hui, après une croissance démographique de 9,8% entre 2006 et 2011, la région bruxelloise compte 1,140 million d’habitants, soit le même niveau de population que durant les années ’70. Cette croissance est nettement plus marquée dans les quartiers les plus pauvres (16% à Saint-Josse, 15% à Molenbeek, 13% à Berchem et Bruxelles et 12% à Anderlecht et Schaerbeek) que dans les plus riches (3% à Uccle et Woluwé Saint-Pierre, 0,8% à Watermael-Boitsfort). Saint-Gilles a connu elle une croissance légèrement inférieure à la moyenne régionale à 9,4%.

    D’ici 2020, on estime qu’il y aura environ 140.000 personnes de plus en région bruxelloise, nécessitant 80.000 logements supplémentaires. A l’heure actuelle, il n’y a que 4.000 nouveaux logements par an, en incluant les réhabilitations, ce qui est donc loin de répondre aux besoins. Parmi ces nouveaux logements, deux tiers sont mis sur le marché par le privé et seulement 2,5% sont du logement social. A ce rythme, le soi-disant objectif de Christos Doulkeridis (secrétaire d’Etat bruxellois en charge du logement, Ecolo) d’atteindre 15% de logement « à finalité sociale » à Bruxelles pour 2020 semble bien illusoire.

    Selon le dernier rapport annuel de l’agence immobilière bruxelloise Trevi, « si l’offre persiste à être aussi inférieure aux besoins, une pénurie va se consolider à Bruxelles, maintenant à la hausse les prix de logements et les loyers ». Cela signifie que si le gouvernement régional laisse encore se développer la pénurie, les promoteurs et autres investisseurs privés n’hésiteront pas à faire encore plus de profit là-dessus. A l’inverse, une politique de construction massive de logements sociaux publics permettrait non seulement de répondre aux besoins mais aussi d’endiguer l’augmentation des prix en réalisant une pression à la baisse sur le marché du logement privé.

    Les Bruxellois payent au prix fort les pénuries de logement

    A la place de cela, les appartements, qui représentent 90% des 550.000 logements à Bruxelles, sont vus par les détenteurs de capitaux comme un investissement rentable puisque les loyers ont augmenté en moyenne de 45% depuis 2002. Cette tendance est également illustrée par le faible taux d’occupation de leur logement par les propriétaires, qui n’est que de 40%, alors qu’en Wallonie et en Flandre ce taux est d’environ 70%.

    Cette situation se reflète également dans l’augmentation du prix moyen des appartements depuis 2002 : +122,3% pour l’ensemble de la région, ce qui est supérieur à l’augmentation des prix dans le reste de la Belgique. En particulier, cette augmentation est de +134,9% à Saint-Gilles, +137,1% à Ixelles et +168,1% à Saint-Josse. Cela n’est pas très étonnant lorsque l’on compare l’évolution de la population de ces communes avec l’évolution du nombre de logements durant ces dix dernières années. A Saint-Gilles par exemple, pendant que la population a augmenté de 14% en dix ans, le nombre de logements n’a augmenté que de 3%. Le prix moyen d’un appartement en région bruxelloise est estimé aujourd’hui à 224.547 €, soit l’équivalent d’une villa en province de Liège, Namur, Hainaut ou Luxembourg. Quant aux maisons, la tendance est similaire : l’augmentation sur la même période est de +191,3% pour l’ensemble de la région (+330,9% à Ixelles !), alors que l’augmentation des prix sur l’ensemble de la Belgique est de +118,1%.

    Pourtant, selon Doulkeridis, le prix et le manque de logements à Bruxelles sont des faux problèmes et il existerait toute une série de solutions : construction, réhabilitation de logements et bureaux vides, rénovations… Et surtout le développement de « l’habitat groupé », au sein duquel plusieurs générations d’une même famille vivraient sous le même toit. Parmi les pistes proposées, les logements sociaux n’y figurent pas vraiment, au mieux il s’agit de solutions hybrides en partenariat avec le privé dites « conventionnées », quand le rôle des pouvoirs publics n’est pas limité à « soutenir à de bonnes conditions le privé ». La tendance est de ne parler systématiquement que de logements publics et non plus de logements sociaux. Ainsi le PS promet 350 nouveaux logements publics et 150 logements « conventionnés » à Saint-Gilles dans son programme électoral de 2012, mais aucun logement social !

    Les autorités communales de Saint-Gilles se félicitent de disposer de la deuxième plus importante régie foncière du pays après Bruxelles-Villes, disposant de plus de 800 logements (170 en plus sur la dernière législature communale). Après les élections de 2006, il a été demandé aux communes et CPAS de fixer un plafond pour les conditions d’octroi de ces logements. Seules les communes d’Anderlecht, Evere, Molenbeek et Schaerbeek ont fixé un plafond destiné à un public à bas revenu mais toujours au-dessus des conditions d’accès à un logement social. Les autres communes fixent également des plafonds de revenus mais à des montants bien plus élevés, c’est notamment le cas de la commune de Saint-Gilles qui fixe un plafond de revenus annuels imposables à 40.000 € (isolé) ou 70.000 € (ménage).

    L’effet de cette condition de revenus maximums aboutit quasiment à ne pas fixer de limite, quand on sait que 92% de la population bruxelloise déclarait en 2007 des revenus inférieurs à 50.000 €. En conséquence, les loyers de ces logements suivent les prix du marché privé. Ils appellent cette régie le « bras armé » de la commune en matière d’urbanisme. Dans les faits, cette régie achète les bâtiments peu entretenus dans les quartiers pauvres, les rénove et les remet sur le marché locatif vers des couches à plus hauts revenus.

    En tout cas, Doulkeridis n’a jamais été capable d’expliquer comment il était concrètement possible d’arriver à 15% de « logement public à finalité sociale » pour 2020. S’agissait-il d’une promesse électorale malhonnête de la part d’Ecolo ? Par « logements publics à finalité sociale», on considère essentiellement les logements sociaux, les logements « assimilés à du logement social », dont le plafond de revenus est supérieur de 20%, et le logement public pour lequel une allocation-loyer est accordée. Cette allocation est octroyée par la région au locataire de logement public qui se trouve dans les conditions d’octroi d’un logement social1. Cette dernière invention de Doulkeridis lancée en grande pompe en 2008 est un véritable flop. Initialement, 2 millions € étaient prévus au budget de la Région. Lors des deux premières années, seuls 30.000 € avaient été utilisés. Depuis, le montant budgétisé a été revu à la baisse à 266.000 €.

    Comment expliquer cela ? Les communes ne souhaitent pas octroyer les logements publics aux bas revenus et font par conséquent leur possible pour éviter d’accorder les aides dues. À Ixelles par exemple, pour une partie du parc, les revenus du ménage doivent atteindre des plafonds minimums. A Saint-Gilles les conditions d’accès au logement public stipulent que le loyer ne doit pas dépasser les 40% des revenus du ménage. Selon les différents règlements communaux, ce chiffre varie entre 33% et 50%. Or, une famille bruxelloise consacre en moyenne plus de 30% de son revenu au logement. Pour les plus bas revenus cela dépasse souvent les 50%. Dès lors ces conditions permettent d’éviter les « mauvais payeurs » et d’assurer la rentabilité de la location, en excluant les plus bas revenus.

    Finalement, ces politiques signifient que le marché public ne vise pas à résoudre les problèmes sociaux des habitants mais au contraire vise de plus en plus à les remplacer par d’autres habitants disposant d’un revenu plus important. Dans ce contexte, le logement social est clairement mis sur une voie de garage par le gouvernement bruxellois, et ce alors que le parc en logement social ne permet même pas de répondre à 50% de la demande officielle. Environ 39.000 logements sociaux étaient dénombrés en mai 2013 (à peine 440 de plus qu’il y a 10 ans !), soit l’équivalent de 8% seulement de l’ensemble des logements. La liste d’attente quant à elle dépasse les 41.000 personnes. Cette liste d’attente est telle qu’elle ne représente même plus le besoin réel, beaucoup de ménages abandonnant l’idée d’introduire une demande, celle-ci n’étant au mieux rencontrée que dans une dizaine d’années pour les plus chanceux. Selon un dossier du Soir « SOS Bruxelles », plus de 50% des ménages bruxellois rentrent dans les conditions d’accès à un logement social.

    Pas de logement pour les plus pauvres, mais de beaux projets pour les plus aisés

    Il y a une volonté claire du gouvernement de maintenir une pénurie, pour mieux attirer les promoteurs et investisseurs privés en charge alors de réaliser un processus de gentrification dans les communes, comme dans les autres grandes villes de Belgique. Avec ce processus, les communes tentent d’attirer la classe moyenne, aux revenus plus élevés, dans des quartiers modestes de sorte à augmenter les revenus fiscaux. L’argent public est alors dépensé pour développer l’attractivité plutôt que dans le bien-être des habitants. Sous prétexte d’organiser une mixité sociale, il s’agit en réalité d’évacuer les plus pauvres à la place de traiter la pauvreté en soi. Dans ce contexte, construire des logements sociaux serait non seulement non-productif mais surtout cela engendrerait le risque pour les communes d’attirer les pauvres que les autres chassent.

    Dans un entretien au Soir sur les enjeux de l’immobilier bruxellois en juin dernier, le nouveau directeur de la Société de Développement pour la Région de Bruxelles (SDRB, institution publique pararégionale en charge de l’immobilier), Benjamin Cadranel (PS, jusque-là directeur du cabinet de Picqué depuis 2007), prenait la position suivante : « A Bruxelles, la population précarisée est captive au cœur de la ville, or la population qu’il faut convaincre de rester ou revenir au centre de Bruxelles c’est la classe moyenne ». Il précise ainsi que cela nécessite « d’éviter de concentrer dans le noyau urbain un nombre excessif d’allocataires sociaux », s’accordant sur ce point avec l’échevin de l’urbanisme de la Ville de Bruxelles, Geoffroy Coomans de Brachène (MR). Un nombre « excessif » étant probablement pour eux ce qui correspond à plus de 2,5% de logements sociaux.

    Cette politique a été poussée à son paroxysme notamment dans certains quartiers huppés à Ixelles, où les majorités communales ne cessent de faire la cour aux exilés fiscaux qui chercheraient à profiter du paradis pour les riches qu’est la Belgique. La manifestation de la FGTB du 14 septembre dernier pour plus de justice sociale et de pouvoir d’achat avait pris son départ symboliquement à la place Brugmann à Ixelles pour dénoncer cette différence de traitement accordé aux riches par les différents niveaux de pouvoir en Belgique.

    Mais c’est aussi dans les quartiers les plus précaires du croissant pauvre que prennent place les projets d’embellissement. Cela est d’autant plus choquant quand, dans ces quartiers, il est mis en avant qu’aucun moyen n’est disponible pour les besoins sociaux. La tour UpSite, qui sera construite en 2014 le long du canal dans le quartier de Tour & Taxis, en est un bon exemple. Cette tour, qui sera la plus haute tour à logements de Bruxelles, comportera des commerces ainsi que 106 appartements qui seront vendus à un prix de 3.500 €/m². Avec la tour UpSite, le gouvernement bruxellois tente de réaliser son vieux fantasme d’attirer les classes moyennes dans les quartiers autour du canal pour les transformer en quartiers résidentiels huppés, sur les modèles d’Amsterdam ou Paris, et en chasser la pauvreté qui s’y est concentrée à la suite de la désindustrialisation. Les bureaux et logements vides ? Offerts aux promoteurs pour encore plus de beaux projets !

    Pour la première fois en 2012, le gouvernement bruxellois s’est attaqué aux bureaux vides pour les convertir en nouveaux logements. Christos Doulkeridis et Charles Picqué ont ainsi choisi huit projets « emblématiques », en accordant pour chacun de ces projets une prime de 30 €/m² aux promoteurs. En juin 2012, la région a délivré le premier permis de reconversion de bureaux en logements à Cofinimmo pour l’immeuble « Livingstone » dans le quartier européen. Les travaux devraient se terminer en décembre 2014 pour y installer notamment 122 appartements haut de gamme. Ces appartements seront vendus à 3.500 €/m², et sont ouvertement destinés aux hauts fonctionnaires européens.

    Le soin de la réhabilitation des bureaux vides est volontairement laissé aux promoteurs par la région, toujours dans le même objectif d’embellissement des quartiers et de construction de logements pour la classe moyenne. Pourtant, la « loi Onkelinx » datant de 1993 permet la réquisition des logements vides (il y en aurait 15.000 à 30.000 à Bruxelles) par les autorités publiques pour les mettre à disposition des sans-abris. Dans le contexte actuel, ce raisonnement pourrait très bien être étendu aux bâtiments dans lesquels se retrouvent les quelques 1,6 millions m² de bureaux vides de la région (2,5 millions m² si l’on compte la périphérie), ce qui permettrait d’offrir un logement accessible à des couches plus larges que les seuls sans-abris. A la place de cela, la région offre l’opportunité aux promoteurs de faire leur beurre là-dessus. A nouveau, c’est un choix politique qui n’a rien de démographique.

    Jean-Edouard Carbonnelle, le patron de la plus grande société immobilière de Belgique Cofinimmo dont l’activité est centrée à Bruxelles, a bien perçu la nouvelle poule aux œufs d’or que lui a offert le gouvernement Picqué IV. Lors de sa prise de fonction en avril 2012, il explique la réorientation de l’activité immobilière de son groupe, jusque-là concentrée sur l’immobilier de bureau. « A Bruxelles, depuis le milieu des années 2000, l’offre de bureaux est devenue trop importante. Parallèlement, Bruxelles est soumise à une pression démographique de plus en plus importante. Une manière d’y répondre est de convertir des immeubles de bureau en logements et c’est ce que nous commençons à faire avec le projet Livingstone dans le quartier européen ». Cofinimmo a clôturé l’année 2012 avec un bénéfice net en hausse à 121,8 millions €, contre 113,2 millions € en 2011.

    Cependant, pour le gouvernement bruxellois, les communes et les promoteurs, il y a une exception à cette tendance car la demande de nouveaux bureaux continue de croître autour des gares. Ces nouveaux projets de bâtiments de bureaux ne répondent pas à un besoin supplémentaire en bureaux mais visent en réalité à attirer ceux déjà présent à Bruxelles pour mieux s’accaparer des parts de marché. Le projet immobilier d’Atenor et CFE de construire trois tours de bureaux dites « Victor » situés sur la frontière de Saint-Gilles et d’Anderlecht dans le quartier de la Gare du Midi est un bon exemple. Ces tours d’une hauteur de 148 m, soit un peu moins que la Tour du Midi, devraient accueillir 104.000 m² de bureaux et 6.000 m² de logements. Face à la pression des riverains, Picqué a suspendu temporairement ce dossier. Un autre projet envisagé est celui d’Eurostation qui envisage la création de 250.000 m² de nouveaux bureaux, dont le projet de prestige Jean Novel qui consiste en un bâtiment en V au-dessus des voies.

    Le quartier du Midi possède déjà 300.000 m² de bureaux qui ont été construits des deux côtés des voies, au prix de la démolition de nombreux logements et de l’expropriation de leurs habitants. Le quartier du Midi à Saint-Gilles est un quartier pauvre composé également d’une forte population issue de l’immigration portugaise et espagnole ainsi que marocaine depuis les années ‘70. De 1992 à 2008, la région a réalisé 5 plans d’expropriation accompagnés d’un « harcèlement administratif systématique, de manœuvres dilatatoires » ou encore « d’attitudes injurieuse »2. Ce développement accompagnait l’introduction du TGV en Gare du Midi. Dans un article du « Soir » datant de 1990, Jean-Claude Vantroyen écrivait alors : « Charles Picqué veut vraiment « son » TGV dans « sa » gare du Midi pour nettoyer le bas de « sa » commune… »

    Depuis l’urbanisation de Saint-Gilles entre 1850 et 1925, il y a toujours eut un « haut » ou l’on retrouvait des maisons bourgeoises et un « bas » ouvrier avec le développement d’industrie (fabrique de produits chimiques et filature de lin) qui remplacèrent les terrains agricoles. L’ancienne chocolaterie Côte d’Or quant à elle ferma ses portes fin des années ‘80 pour faire place à un immeuble de bureau et à la rénovation de la place Victor Horta. Depuis l’ère Picqué, cette situation s’est renforcée avec l’attraction de toujours plus de couches « plus aisées » dans le haut de la commune et l’éradication continue du quartier du Midi livré en pâture aux promoteurs construisant bureaux et hôtels.

    Ainsi Picqué déclarait à propos de sa commune de Saint-Gilles en 1992 : « Si on veut, à terme, garantir un meilleur équilibre budgétaire local, il est évident qu’une mutation sociologique de certains quartiers doit être encouragée sans tarder ». Qu’en est-il 20 ans plus tard ? Si on regarde le budget 2012, il y une augmentation prévue de 5% sur les recettes de l’IPP, tout comme sur les recettes liées au revenu cadastral ou aux taxes sur les bureaux. Au même moment, le nombre d’aides sociales a augmenté de 20% en 2 ans.

    Les additionnels au précompte immobilier (PRI) sont, avec 29%, la principale source de revenu des communes bruxelloises. Les communes qui accueillent les populations les plus aisées ont un rendement important contrairement au plus pauvres, à l’exception de Bruxelles et Saint-Josse qui ont le rendement le plus élevé du fait de la présence de nombreux bureaux sur leur territoire. En dehors de celles-ci, Saint-Gilles a le meilleur rendement des communes du croissant pauvre. En plus du PRI, les bureaux et chambres d’hôtels sont également taxés. Les taxes sur le patrimoine équivalent à 45% de l’ensemble des taxes communales.

    En 1995, Saint-Gilles était la commune avec le revenu moyen par habitant le plus faible derrière St-Josse. Dix ans plus tard, Molenbeek l’a dépassé dans ce triste classement. Durant toute cette période, le revenu moyen des Bruxellois s’est terriblement dégradé à l’exception de Saint-Gilles et Saint-Josse. Entre 2005 et 2009, c’est à Saint-Gilles et à Watermael-Boisfort que la croissance est la plus élevée avec 3,66% en moyenne annuelle, au-dessus des 2,5% pour l’ensemble de la région bruxelloise, des 3,32% de la région flamande et des 3,45% de la région wallonne. En ce qui concerne les revenus sur l’IPP (qui représentent 13% des recettes budgétaires des communes bruxelloises), c’est Etterbeek, Saint-Gilles, Ixelles qui ont connu une croissance de plus de 7% par an entre 2006 et 2010. Ceci est le reflet du changement de composition sociale de certains quartiers sur fond d’un appauvrissement généralisé.

    Toute cette attitude de la région bruxelloise et des communes par rapport au logement démontre qu’il s’agit plus d’un choix politique que d’un impondérable problème démographique. L’utilisation du phénomène de « boom démographique » par le gouvernement Picqué est une stratégie pour se déresponsabiliser des pénuries en logement, en présentant le manque de moyens sous un autre angle. Il s’agirait d’une demande trop importante, et non d’un manque de moyen. Aborder une pénurie sous cet angle permet aussi à Picqué de ne pas avoir à remettre en question les assainissements et d’éviter d’aborder la question « Où peut-on aller chercher les moyens nécessaires pour répondre aux besoins ? »

    Ces projets de standing se retrouvent également sur le campus de « La plaine » à l’ULB avec des tours à appartements privés haut de gamme, et ce alors que les prix des kots étudiants ont augmenté ces dernières années suite au manque de logements disponibles. Alors que les promoteurs immobiliers étaient seuls contre tous dans ce projet, la commune a malgré tout délivré les autorisations, illustrant encore une fois le caractère antidémocratique de la gestion des logements à Bruxelles.

    Pour les étudiants, cette politique de prestige s’additionne à la marchandisation de l’enseignement consécutive aux politiques néolibérales comme le traité de Bologne. Les études supérieures représentent un investissement financier toujours plus important, comme l’illustre l’augmentation continuelle des recours aux jobs étudiants. En 2012, 450.000 étudiants ont travaillé comme jobistes en Belgique, soit l’équivalent de 8,9 millions de jours prestés, une hausse de 16% par rapport à l’année 2011. Plus significatif encore, le recours des étudiants au CPAS. Par rapport à il y a dix ans à Bruxelles, on estime que leur nombre a plus que triplé !

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