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  • Pour les patrons, il est inacceptable que le personnel de Desso refuse une perte de salaire

    Les patrons trouvent “incompréhensible” que, dans le cadre de la vente du département gazon artificiel de DESSO (Termonde) à son concurrent DOMO, le personnel de Desso ait torpillé la proposition de plan social. La fédération patronale flamande Unizo a été jusqu’à déclarer que le monde se retrouve sur la tête si on accorde une prime à des travailleurs pour passer à un ‘‘autre’’ emploi. Ce genre de déclaration fait l’impasse sur quelques faits intéressants : dans le secteur textile, l’emploi a diminué de 40% ces dix dernières années uniquement, le maintien de l’emploi n’est nulle part garanti, et selon la proposition de la direction, le personnel devait céder 2 euros par heure malgré que la convention collective 32 bis impose le maintien des conditions de travail en cas de reprise.

    L’emploi dans le secteur du textile à diminué de 40% entre 2001 et 2011. La productivité dans le secteur a augmenté, mais moins fortement que dans d’autres secteurs. La diminution aigüe du nombre d’emplois dans le secteur a évidemment conduit les travailleurs à se poser des questions. Si la tendance actuelle se poursuit et que la crise entraîne même une accélération des pertes d’emplois, alors chaque promesse du maintien de l’emploi n’est que temporaire. En Juin dernier, 91 emplois étaient menacés (sur 125 !). Ensuite, la direction a parlé d’un plan visant à déplacer 27 travailleurs à Saint-Nicolas, 16 kilomètres plus loin.

    Mais chez Domo, les salaires horaires sont inférieurs de 2 euros, en plus du changement de lieu de travail (une travailleuse a ainsi expliqué dans la presse que c’était impossible pour elle sans acheter une voiture). Pour adoucir la pilule, bien amère, la direction a proposé une prime de 6.000 euros, puis de 12.000 euros. Afin de monter les travailleurs les uns contre les autres, décision avait été prise de laisser tomber la prime de 350 euros pour chaque travailleur de Desso pour privilégier une prime vers ceux qui devaient partir. Le refus des propositions de la direction par le personnel a été utilisé comme prétexte pour ce faire celui le bon vieux principe du diviser pour régner.

    La fédération patronale Unizo trouvait que la prime de mutation était injustifiable : ‘‘C’est le monde à l’envers’’ ou encore : ‘‘une entreprise ne doit quand même pas donner une prime pour séduire les travailleurs d’accepter une offre d’emploi.’’ Sauf qu’avec 2 euros en moins par heure, ‘‘séduire’’ n’est pas vraiment le terme le mieux choisi… La prime promise suffit en fait à peine à couvrir la perte de salaire des deux premières années ! Le Ministre-Président flamand Kris Peeters (ex patron d’Unizo) déplorait aussi le refus de la proposition. La direction de Desso a mis de côté ce refus et a placé tous les travailleurs devant le choix, mais individuellement. Sans doute espéraient-ils que certains travailleurs voulaient immédiatement recevoir la prime de 12.000 euros. Ceux qui ne refusaient cette option devaient perdre leur emploi et ne rien recevoir au-delà du minimum légal.

    Les patrons ont de suite saisi l’occasion pour remettre en question le principe même des primes de licenciement. Les travailleurs considèrent ces primes ‘‘comme un droit et un petit supplément financier malgré la perte d’emploi’’. Mais s’il ne dépendait que d’Unizo et des autres fédérations patronales, toute forme de protection contre les licenciements passeraient de suite à la trappe.

    Les syndicats ont eux aussi été surpris par le résultat du vote chez Desso. Mais cette réaction des travailleurs est compréhensible dans ce contexte de spirale négative des conditions de travail et de salaire dans un secteur où le massacre social a été continuel ces dernières années. Dans le cas d’une reprise collective, le maintien des conditions salariales est obligatoire. Point. Mais ne pas respecter ces obligations comprises dans la convention collective de travail 32 bis n’est bizarrement pas vu comme un problème, ni par les syndicats, ni par les patrons, ni par la presse. Domo veut reprendre toute la division gazon artificiel, avec les machines et le personnel. Si ce n’est pas une reprise collective, c’est quoi alors ?

    Les patrons, les politiciens et leurs commentateurs dans les journaux sont unanimes: refuser le maintient d’emploi est ‘‘injustifiable’’. La description est tendancieuse, il ne s’agit pas d’accepter un emploi, mais d’accepter de faire le même travail pour 2 euros de moins par heure. Cela signifie qu’une partie essentielle du contrat de travail est modifiée. Mais montrer un peu de respect pour les travailleurs, c’est déjà trop en demander. Il va falloir imposer le respect dans les prochains conflits.

  • L’accord sur BHV ne mettra pas fin aux conflits communautaires

    Après 460 jours de négociations, les huit présidents de partis ont réussi à se mettre d’accord sur la scission de l’arrondissement électoral Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV). Bien que les partis communautaires N-VA et FDF crient à la trahison, nombreux sont ceux qui espèrent qu’il y aura enfin un gouvernement. Cet espoir est-il justifié? Et est-ce enfin la fin des querelles communautaires?

    Après la rupture des liens entre le CD&V et la N-VA, le MR a maintenant largué le FDF. La pression a été énorme, entre autres avec l’annonce du départ de Leterme. Accorder plus de responsabilités au gouvernement en affaires courantes n’était plus à l’ordre du jour. Le président du MR, Charles Michel, s’est enfin déclaré favorable à la scission de BHV, même si cela coûte beaucoup de voix pour son parti dans la périphérie flamande autour de Bruxelles et même s’il a dû lâcher le FDF. Que Michel ait voulu payer un prix si élevé, démontre que son parti, ou ce qui en reste, se veut un partenaire fiable dans le prochain gouvernement.

    La scission de BHV permet de voter pour des listes bruxelloises dans les six communes à facilités. Les autres communes seront jointes à l’arrondissement électoral de Leuven. Côté flamand, cette scission est perçue comme ‘pure’ et, côté francophone, on accentue le lien entre les six communes à facilités et Bruxelles. Ainsi est né un ‘compromis à la belge’ où restent présents tous les ingrédients pour de nouvelles éruptions communautaires. Cet accord conduira à de nouvelles contradictions.

    Il semble que l’on tentera de former un nouveau gouvernement, mais ce ne sera pas facile. Le problème principal est qu’il n’existe pas de moyens financiers pour cimenter de nouveaux accords communautaires. Sans doute les partis communautaires misent-ils sur ce fait pour jouer la carte sociale face aux pénuries à Bruxelles (pour le FDF) et à l’opposition contre l’austérité en Flandre (pour la N-VA). Les discussions sur la loi de financement, les moyens financiers supplémentaires pour Bruxelles et le budget 2012 (avec les 7-8 milliards d’euros de coupes d’austérité) ne seront pas faciles.

    Avec les austérités que le gouvernement fédéral imposera, des austérités sur le plan régional seront inévitables. Au sein du CD&V, par exemple, Kris Peeters s’oppose aux coupes d’austérité flamandes. Sans doute la N-VA s’y opposera au sein du gouvernement flamand avec l’argument que les flamands ont déjà assez payé. Ainsi, ce parti, qui réclame une austérité importante sur le plan fédéral, peut se profiler au niveau flamand contre une politique d’austérité imposée par les partis qui, face à la N-VA, ont revendiqué une politique d’austérité plus modérée.

    Dans la périphérie, les problèmes ne sont pas réglés non plus. L’année prochaine, il y aura des élections communales et les partis communautaires gagneront. Les bourgmestres francophones seront-ils nommés? La scission de BHV ne signifiera pas qu’il n’y aura pas de listes francophones dans la périphérie. Lors des élections parlementaires prochaines, normalement prévues en 2014, le FDF peut se présenter dans la périphérie. Maintenant que le FDF ne doit plus rendre des comptes au MR, il n’est pas exclu que le FDF mette sur pied ses propres mobilisations. Les nationalistes flamands ont déjà organisé une manifestation à Linkebeek le 18 septembre avec quelques milliers de personnes. La circulaire-Peeters existe toujours, ce qui conduira à des conflits judiciaires. À Bruxelles il n’y aura pas les moyens de s’attaquer aux énormes pénuries (entre autres sur le plan de l’emploi, le logement, l’enseignement,…).

    Les contradictions communautaires existeront aussi après l’accord sur BHV. La politique d’austérité qui s’imposera inévitablement augmentera le ressentiment face aux partis établis et offrira l’espace aux partis communautaires de se renforcer sur base d’un sentiment anti-establishment. Le FDF verra ainsi une possibilité de survie, peut-être aussi après les élections parlementaires de 2014 où le FDF défendra ses trois élus (et les moyens financiers qui en découlent).

    Tant que les dirigeants syndicaux nous lient à la politique d’austérité des partis traditionnels ‘responsables’, les partis communautaires auront l’espace de se positionner face à la politique d’austérité. La discussion concernant le nécessaire prolongement politique des revendications et des besoins des syndicalistes continuera à être à l’ordre du jour. Le départ des politiciens issus de l’aile ouvrière du CD&V, Leterme et Vervotte, conduit déjà à une discussion au sein du mouvement ouvrier chrétien. Le nouveau président du SP.a, Tobback, a déjà mis en garde la FGTB flamande de ne pas lancer trop de critiques envers le parti… Probablement Di Rupo continuera-t-il à présenter le PS comme le ‘moindre mal’ face à la pression de la droite, mais combien de temps cette histoire du ‘moindre mal’ tiendra-t-elle encore dans un contexte de coupes d’austérité?

    Le paysage politique du capitalisme belge d’après guerre ne fonctionne plus. Il doit être redessiné. Le mouvement ouvrier ne peut pas adopter une politique attentiste et laisser l’initiative aux aventuriers de toutes sortes. Il a besoin de son propre instrument politique, voilà la conclusion que devraient tirer le sommet de la CSC et ses collègues de la FGTB.

  • Estivage avec le formateur Elio Di Rupo

    La seule chose certaine, c’est que chaque gouvernement nous fera payer pour la crise d’une façon ou l’autre !

    Après ‘‘explorateur royal’’ et ‘‘clarificateur’’, nous pouvons ajouter “estivage’’ à notre dictionnaire politique. Ce n’est pas que beaucoup de monde ait confiance en cette nouvelle phase pour trouver une solution mais, au moins, il ne faudra pas se casser la tête cet été ! Le PSL appelle toutefois à rester vigilant : qu’importe la mesure dans laquelle partis flamands et francophones peuvent être sur des planètes différentes, ils semblent être bien d’accord sur ceux à qui présenter la facture de la crise. A nouveau, il ne s’agira pas des grandes entreprises et des détenteurs de capitaux.

    Par Anja Deschoemacker

    En Flandre, on sonne le tocsin concernant le manque de personnel pour les soins aux personnes handicapées, l’aide à la jeunesse ou les maisons de repos (où, malgré des prix bien plus élevés qu’une pension moyenne, on utilise massivement des antidépresseurs et des calmants pour faire face à la surcharge de travail). Mais les militants syndicaux reçoivent du ministre-président Kris Peeters une réponse identique à celle que les enseignants francophones ont reçue du ministre-président Rudy Demotte : il n’y a pas de moyens, priorité au dés-endettement.

    La réforme d’Etat sert aussi d’excuse pour expliquer pourquoi il est impossible de renforcer la politique sociale et les services publics. Les fonctionnaires bruxellois (qui attendent leur nomination en masse) entendent du ministre-président Charles Picqué qu’il faut un refinancement de la Région Bruxelles-Capitale.

    L’histoire du gouvernement en affaires courantes n’est pas différente. Le gouvernement a par exemple postposé l’adaptation au bien-être de nombre de pensions. Sur ce sujet, le gouvernement est capable de prendre une décision, y compris en étant affaires courantes. Mais prendre position pour dire que les grandes entreprises et les riches doivent stopper leur évasion fiscale légale, semi-légale et illégale, là, ce n’est ‘‘évidemment’’ pas possible en affaires courantes : interdiction de toucher aux intérêts notionnels. Aucun parti ne propose d’ailleurs d’abolir cette mesure, ni même de la réduire fondamentalement une fois qu’un vrai gouvernement installé.

    Elio Di Rupo n’a pas dit grand-chose dans son discours annonçant sa fonction de formateur, mais il a de suite clarifié qu’il accepte totalement de trouver les 17 à 20 milliards d’euros d’assainissement pour obtenir un budget équilibré en 2015. Le PS affirme s’opposer à une politique d’austérité dure, mais cette somme dans un délai aussi court représente la plus grande opération d’austérité de l’histoire de Belgique.

    Concernant le refinancement nécessaire pour la sécurité sociale (non pas à cause du vieillissement de la population, mais à cause de la diminution systématique des contributions patronales), Laurette Onkelinx a elle aussi été très claire. Même si la Banque Nationale et le Bureau du Plan évoquent l’augmentation des impôts des entreprises (en diminuant l’impact de la déduction des intérêts notionnels), elle propose de son côté une Cotisation Sociale Généralisée, procédé par lequel ce que les patrons ne payent plus pour les salaires globaux sera payé… par tout le monde, avec son salaire net !

    Que nous ayons après l’été un nouveau gouvernement, toujours un gouvernement en affaires courantes avec compétences élargies ou des élections, cela ne changera finalement que peu de choses. La seule chose sur laquelle nous pouvons compter, c’est notre propre force et notre mobilisation. Six Belges sur dix s’inquiètent de la crise politique, et ils ont évidemment raison.

    Mais si nous ne gardons pas les yeux ouverts sur l’unité des partis traditionnels concernant la sauvegarde des intérêts de la minorité super riche et leur volonté de refiler la facture de la crise à la grande majorité de la population, nous allons droit dans le mur. Ils ne sont peut-être pas d’accord sur la manière de nous faire payer la crise, mais aucun de ces partis n’a comme priorité de défendre bec et ongle nos conditions de vie et celles de nos enfants.

  • De l’intérêt de la crise politique pour le mouvement ouvrier – Un regard réellement socialiste sur la crise politique persistante

    La tentative de conciliation de Vande Lanotte était qualifiée de tantième ”négociation de la dernière chance”. A nouveau, aucun accord n’a été obtenu, mais il apparaissait en même temps qu’il ne s’agissait pas de ”la dernière chance” non plus. Les négociations continuent sous la direction de Vande Lanotte, avec De Wever et Di Rupo, et de nouveaux pourparlers ”cruciaux” vont suivre. Le gouvernement en affaires courantes sous la direction d’Yves Leterme a entretemps reçu du Roi la demande d’élaborer un budget pour 2011 avec un déficit plus bas que prévu.

    Texte d’Anja Deschoemacker au nom du Bureau Exécutif du PSL

    L’homme et la femme de la rue ne savent plus que penser. La dépression, le cynisme et surtout le défaitisme sont aux prises avec le fou rire, bien que ce soit un rire jaune. Entretemps, les institutions internationales, y compris les institutions de crédit, commencent en avoir assez. Les journaux sont remplis d’articles consacrés à la menace issue des marchés financiers. Selon le bureau de recherche du marché CMA, le risque d’une faillite de la Belgique a considérablement monté au cours du dernier trimestre, jusqu’à atteindre 17,9% (site web du quotidien flamand De Tijd, 10 janvier 2011). Avec cela, notre pays occupe aujourd’hui la 16e place des pays à risque, contre la 53e il y a neuf mois.

    Cela doit être fortement nuancé. Même si la crise politique et l’absence d’un gouvernement stable attire évidemment l’attention et peut donner des idées aux spéculateurs, il est insensé de mettre la Belgique au même niveau que la Roumanie, comme fait le CMA. Ceci étant dit, il est évidemment correct de dire que le taux d’intérêt croissant que la Belgique doit payer sur ses emprunts coûte une masse d’argent, certainement au vu du fait que les intérêts que paie notre pays sur sa dette d’Etat représentent aujourd’hui déjà à peu près 11% du PIB.

    Si ces éléments sont actuellement très fortement mis en avant dans les médias et si les dangers sont encore souvent exagérés, c’est surtout afin de mettre pression sur les partis impliqués dans les négociations pour enfin conclure un accord et former un gouvernement. Si la NVA ne peut pas y être poussé, même pas quand la crise financière frappe à nouveau, cela constituera la donnée devant servir pour gouverner sans la NVA, car la NVA ne veut pas gouverner et ”nous ne pouvons pas entretemps voir sombrer le pays”.

    Au vu du fait que la Flandre – et donc aussi la Belgique – risque de devenir ingouvernable si les partis traditionnels perdent encore du soutien électoral et que la NVA l’emporte encore, la pression des marchés financiers et des institutions internationales va devoir être très grande avant que le CD&V ne soit prêt. Ce parti qui a durablement été le plus grand parti du pays, le meneur de jeu ultime, est aujourd’hui dans une situation où son existence même est menacée. C’est l’explication principale de son comportement capricieux.

    Le CD&V dit “non, sauf si” – ou était-ce quand même ” oui, mais”?

    Après la déclaration de Wouter Beke selon laquelle le CD&V ne voulait pas se mettre autour de la table avec les sept partis sur base de la note de Vande Lanotte, sauf si des adaptations fondamentales sur des points essentiels étaient préalablement adoptés, la confusion a totalement éclaté. Le bureau du CD&V aurait décidé de dire ”oui, mais” (selon Torfs et Eyskens), mais le G4 du parti (Kris Peeters, Yves Leterme, Steven Vanackere et Wouter Beke) aurait modifié cette décision après que des contacts aient eu lieu avec la NVA pour dire ”non, sauf si”. Wouter Beke a clairement été surpris des réactions et surtout de la décision de Vande Lanotte de démissioner. C’est du poker à haut niveau…

    Et en première vue, cela semble avoir marché. Vande Lanotte peut maintenant quand même continuer à négocier, bien qu’accompagné de deux ”belles mère”: De Wever et Di Rupo. Qu’il n’y ait maintenant aucune garantie que ce triumvirat ne parvienne à quelque chose, pour le dire le plus doucement que possible, peut être clair au vu des premières réactions. Tant la NVA que le CD&V voudraient maintenant emprunter un chemin où moins de thèmes seraient discutés, mais où les réformes concernant ces sujets seraient plus profondes. Le socio-économique est évident mais, pour la NVA, cela signifie par exemple de revendiquer la scission de toute la politique du marché de l’emploi. Les réactions du CDH, du PS et d’Ecolo ont clairement été ”non!” Le CD&V s’oppose d’ailleurs lui aussi à une scission de la sécurité sociale et de l’Onem, ce parti est aussi sous pression de l’ACW (le Mouvement Ouvrier Chrétien en Flandre) et de l’ACV (la CSC en Flandre) qui s’y opposent également.

    Le CD&V et la NVA veulent plus de responsabilisation des gouvernements régionaux et des adaptations dans la note sur Bruxelles, où joue surtout la veille contradiction entre régions et communautés. L’existence de ces deux structures est une exemple typique de ce qu’on appelle le compromis belge : les communautés ont étés créés sur demande de la Flandre qui voulait mener une politique culturelle propre (la Communauté Germanophone utilisant ce développement pour pouvoir elle aussi disposer de compétences communautaires), les régions ont étés créés sur demande de la Wallonie pour pouvoir mener sa propre politique économique. Les deux s’imbriquent et entraînent une structure d’Etat très compliquée.

    Pour les politiciens flamands, les communautés sont les plus importantes. C’est pour cela que les politiciens et les journalistes flamands parlent tout le temps de deux ”Etats régionaux” et que des propositions reviennent pour que Bruxelles soit gérée à partir de la Flandre et de la Wallonie. Ils nient donc que la création d’une Région de Bruxelles a créé une nouvelle réalité qu’on ne peut pas simplement éviter et que l’application d’un Bruxelles géré par les communautés peut conduire dans la capitale à de grandes différences, et même à une politique de séparation. Ils laissent aussi de côté le fait qu’à peu près la moitié de la population bruxelloise ne se considère comme faisant partie ni d’une communauté, ni de l’autre.

    Pour les politiciens francophones, les régions sont la structure de référence, de manière à ce que deux régions (la Wallonie et Bruxelles) se retrouvent face à la Flandre, ce qui renforce évidemment leur position. Ils refusent le développement de ”sous-nationalités” à Bruxelles, ce avec quoi le PSL est d’accord, mais ils passent à côté de la réalité historique que les Flamands ont dû se battre pour avoir, par exemple, le droit à un enseignement néerlandophone, car les compromis qui étaient conclus à ce sujet avant la création des communautés n’ont jamais été réellement appliqués et la politique visant à repousser le néerlandais et à privilégier le français continuaient tout simplement.

    Maintenant que des nouveaux compromis doivent être conclus, ces vielles contradictions continuent à jouer parce que les compromis du passé n’ont pas résolu l’affaire, mais l’ont seulement temporairement ”concilié”.

    Est-ce que ça va finir un jour?

    Les partis francophones ont évidemment tous négativement réagi face au refus du CD&V et de la NVA de se remettre autour de la table à sept. Car eux aussi veulent des adaptations à la note de Vande Lanotte, mais en direction inverse. Ecolo a déclaré être d’accord pour continuer de négocier autour de cette note, avec des amendements, mais le PS et le CDH ont attendu jusqu’aux déclarations du CD&V et de la NVA pour laisser entendre un ”oui, mais”. Le découragement monte : est-ce qu’un accord finira par arriver un jour ?

    Dans sa première déclaration après l’échec de la note Vande Lanotte, Elio Di Rupo a créé une ouverture envers le MR. Cette ouverture a été de suite refermée – les propositions du MR de travailler sur base de l’article 35 de la constitution et de commencer à discuter sur ce que nous voulons encore faire ensemble à partir d’une feuille blanche n’ont pas aidé Reynders à se réimposer – mais c’était un manœuvre tactique importante. En fait, Di Rupo disait ainsi que le PS n’est pas seulement préparé à fonctionner avec la NVA dans un gouvernement qui est de centre-gauche pour le reste, mais également au sein d’un gouvernement de centre-droit. La NVA a fait savoir auparavant qu’elle préférait impliquer les libéraux afin de pouvoir mener une politique sociale (plus) à droite.

    La NVA a aussi laissé savoir qu’elle était en faveur d’une augmentation des compétences pour le gouvernement sortant et être préparée à donner un soutien de tolérance à plusieurs mesures budgétaires, entre autres autour du dossier du droit d’asile et de l’immigration, ce qu’ils avaient déjà proposé à Leterme en octobre. Il est donc clair que pour la NVA, un gouvernement de (centre) droit est un objectif important, un objectif qu’on ne sait pas obtenir sans les partis libéraux comme tant les sociaux-démocrates que les chrétiens-démocrates, et dans une moindre mesure les verts, sont gagnés à l’idée d’une politique d’austérité socialement emballée et accompagnée au lieu d’une thérapie de choc qui conduirait sans doute à une lutte du mouvement ouvrier. Mais il est très clair qu’avec le MR, il serait encore beaucoup plus difficile d’arriver à un accord autour du dossier symbolique par excellence – la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde – au vu des intérêts électoraux du MR/FDF dans la périphérie de Bruxelles. Si Vande Lanotte échoue à nouveau, une tentative de formation d’un gouvernement de centre-droit sans les verts et avec les libéraux n’est pas exclue.

    La pression sur la NVA augmente aussi dans les médias flamands, et il est clair que ce parti constitue un obstacle sérieux pour parvenir à la formation d’un gouvernement. Mais est-ce qu’il y a la possibilité d’arriver à un accord, avec ou sans la NVA ? Les commentaires dans les médias sur les contradictions de la note de Vande Lanotte montrent qu’il s’agit des même qu’il y a trois ans : la responsabilisation des gouvernements régionaux et la place des Communautés à Bruxelles face à celle de la Région.

    Dans le passé, ces contradictions ont toujours été – temporairement – conciliées dans les structures belges sur base de compromis où chaque côté recevait partiellement ce qu’il voulait en échange de concessions de l’autre côté. Cette tradition de compromis – pas seulement sur la question nationale et la langue, mais aussi en conciliant les contradictions entre travail et capital et celles entre les piliers catholiques et laïque – fait que la politique en Belgique est fortement caractérisée par le pragmatisme.

    En Belgique, tous les commentateurs disent unanimement : ”la politique c’est l’art de faire des compromis”. Les coalitions sont ici la forme gouvernementale traditionnelle. Participer aux coalitions était déjà l’objectif du Parti Ouvrier Belge avant la Première Guerre Mondiale (sur le plan communal), et toutes les forces flamingantes ou régionalistes wallonnes ou bruxelloises ont dans le passé été prises dans des coalitions, une récompense pour leur volonté de compromis.

    Maintenant, il semble que la NVA ne veut pas s’inscrire dans ce processus, ou du moins veulent ils visiblement en faire monter le prix tellement haut que ce ne soit plus acceptable du côté francophone. Mais nous ne devons pas nous tromper : pour la bourgeoisie aussi, par la voix de ses organisations comme la FEB, nombre de revendications de la NVA sont inacceptables. Le dernier rapport du FMI également appelle bien à la responsabilisation des gouvernements régionaux, mais appelle également à éviter que la concurrence entre les régions ne fasse des dégâts à l’unité du marché de l’emploi. Comme le rédacteur en chef du magazine Knack l’écrivait il y a des mois, la Belgique fonctionne pour le patronat comme la vache à lait parfaite, il ne veut en aucun cas s’en débarrasser. A la table des négociations, le PS n’est pas seulement le représentant de la Communauté francophone, mais aussi celui de ces cercles du Grand Capital.

    La NVA reçoit un soutien pour son refus de rentrer dans ce jeu: une rupture avec cette politique des coulisses. Les études du comportement électoral illustrent toutefois que de grandes parties de l’électorat gagné par la NVA n’a rien à voir avec le programme de ce parti, on vote pour la NVA après avoir déjà conclu qu’on ne doit rien attendre des autres partis si ce n’est plus de la même chose. Plus de la même chose, c’est encore quelques décennies de modération salariale, une politique menée ces trente dernières années et qui conduit à ce qu’aujourd’hui, une famille a besoin de deux salaires afin de maintenir le niveau de vie de vie qui pouvait dans le temps être assuré par un salaire. Encore quelques décennies de sous-financement de toute l’infrastructure et de tous les services publics, avec comme résultat des crevasses dans les routes, des retards dans les transports publics, les listes d’attente dans chaque secteur des soins,… Encore quelques décennies d’augmentation de la pauvreté (de 6% dans les années ’80 à 15% aujourd’hui), de sous-emploi et de chômage, d’insécurité sur l’avenir,…

    Mais avec la NVA, tout ça ne s’arrêtera pas, bien au contraire. Le parti peut bien se poser idéologiquement comme parti conservateur et non pas libéral, ses revendications socio-économiques sont par contre ultralibérales. Il semble totalement échapper à la NVA que c’est cette politique libérale qui a conduit à la crise mondiale actuelle. Ou est-ce que la NVA pense que le néolibéralisme mène partout à un bain de sang social et à l’appauvrissement, mais que par une ou autre magie la population flamande peut être sauvée ? Il semble aussi échapper à la NVA que leur idée que l’Europe se développera vers une sorte d’Etat national pour les régions européennes – dans laquelle peut pacifiquement s’évaporer la Belgique et la Flandre pacifiquement et presque automatiquement devenir indépendante – a toujours été utopique et qu’avec la crise financière-économique, la direction que prend aujourd’hui l’Union Européenne est plutôt une direction qui disperse les pays européens plutôt que de les rassembler pour la construction d’une véritable fédération européenne.

    Ce qui échappe aussi à la NVA, c’est le fait que ”la Flandre” est tout sauf unanime – même si les partis flamands le sont – sur la nécessité d’un démantèlement des dépenses sociales et des services publics. En 2008, les fonctionnaires flamands ont protesté contre la diminution de leur pouvoir d’achat et, maintenant, ces mêmes fonctionnaires devraient accepter sans lutter qu’on mette fondamentalement un terme à leurs pensions?

    Si la NVA n’est pas préparée à avaler un accord qui satisfait la bourgeoisie – une réforme d’Etat répartissant l’austérité sur différents niveaux – ce parti ne va pas prendre place au gouvernement. Si ce n’est vraiment pas possible autrement, elle serait éventuellement reprise mais seulement le temps nécessaire pour lui brûler les ailes au gouvernement. A côté de ce chemin, il ne reste à la bourgeoisie que la stratégie de pourrissement, où la NVA est brûlée justement en la gardant hors du pouvoir, si nécessaire avec le prix d’encore quelques années de crise politique et, entre autres, des élections se suivant rapidement.

    Un accord est donc possible si De Wever peut imposer un compromis à son parti et si les “pragmatiques” l’emportent sur les ”romantiques flamands”. Si ce n’est pas le cas, le feuilleton va sans doute encore continuer quelque temps pour alors inévitablement conduire à un certain moment à des élections. La pression externe – de la part de l’Europe, des institutions internationales, la menace des marchés financiers,… – va sans doute être nécessaire pour forcer tous les partis à un accord (et pour en même temps donner l’excuse au fait que cet accord sera sans doute en-dessous du seuil minimum aujourd’hui mis en avant par les partis concernés).

    La Belgique a-t-elle encore un avenir ?

    Comme cela a déjà été dit, dans le passé, des compromis ont été conclus conduisant à chaque fois à une période de pacification. Ces compromis étaient possibles sur base de l’énorme richesse produite par la classe ouvrière belge et qui créait la possibilité d’acheter un accord. Les partis régionalistes ou nationalistes flamands ont toujours obtenu des concessions partielles, et on s’assurait en même temps que toutes sortes de verrous étaient instaurés pour éviter la désintégration du pays. L’attribution de plus de pouvoir et de poids des structures belges vers la Flandre en pleine floraison économique et vers la Wallonie frappée de désindustrialisation, s’accompagnait de doubles majorités et d’autres mesures de protection pour les minorités nationales comme les mesures de conflits d’intérêt et la procédure de la sonnette d’alarme. La pleine reconnaissance du bilinguisme à Bruxelles s’est accompagnée d’une Région bruxelloise, qui constitue aujourd’hui la pierre d’achoppement la plus importante contre la désintégration du pays. L’élite flamande ne sait unilatéralement proclamer l’indépendance que si elle accepte la perte de Bruxelles, ce qui n’est pas en train de se faire immédiatement, qu’importe à quoi peuvent bien rêver nombre de membres de la NVA.

    De l’autre côté, il est aussi clair qu’il devient toujours plus difficile de conclure des compromis. Ces trente dernières années, une partie de plus en plus grande de la richesse est allée vers les couches les plus riches de la population, les capitalistes. Les presque 90% de la population qui vivent de salaires et d’allocations ne reçoivent aujourd’hui même plus la moitié des revenus qui sont produits avec le travail de la classe ouvrière en Belgique. Les salaires et les allocations ont été de plus en plus vidées pour faire à nouveau monter les profits, mais les revenus de l’Etat – impôts et sécurité sociale – ont aussi été toujours plus écrémés. Aujourd’hui, l’Etat fédéral n’est plus dans la position d’acheter n’importe quoi. La question actuelle n’est pas de savoir si on sait parvenir à atteindre une situation ”gagnant-gagnant”, et même pas ”gagner un peu, perdre un peu”, mais à un équilibre sur ce qui est perdu, et donc à une situation ”perdant-perdant”. Cela explique la difficulté.

    Mais le plus probable à ce moment est que – finalement – un compromis soit trouvé. Un compromis bancal qui ne va pas conduire à la stabilité – seulement à plus de coupes dans les dépenses sociales et les services publics, alors que les manques y sont déjà grands. Un compromis donc, dont on peut dire avec certitude qu’il ne va qu’encore augmenter les tensions.

    Et le mouvement ouvrier?

    Il était là et il regardait… Par manque de parti des travailleurs, les intérêts de la classe ouvrière n’entrent pas en ligne de compte dans ces négociations et ne vont certainement pas être à la base d’un accord. Qu’importe ce que dit le PS, ils ont déjà prouvé plus que suffisamment au cours des trente dernières années qu’ils sont préparés à faire tout ce que la bourgeoisie demande. Bien que le PS reste plus à l’arrière-plan et se cache derrière les partis flamands qui ont toujours livré le dirigeant du gouvernement, il est tout comme le SP.a à la base du vol du siècle (passé) : vider presque tous les acquis d’après-guerre du mouvement ouvrier petit à petit, avec une tactique du salami.

    La NVA n’agit clairement pas dans l’intérêt de la classe ouvrière en Flandre, Bart De Wever a rendu cela très clair très tôt dans les négociations, quand il a appelé le Voka – qui a toujours été une des organisations patronales la plus extrême sur le plan des revendications ultralibérales – ”mon patron”. S’il y avait un réel parti des travailleurs en Flandre, qui mène réellement la lutte pour les intérêts des travailleurs flamands, il serait déjà rapidement clair que le Voka – et la NVA avec lui – ne représente qu’une petite minorité de la population flamande, cette minorité qui veut faire travailler pour elle la majorité au coût le plus bas possible. Par manque d’un parti des travailleurs qui réagit aux attaques des partis bourgeois et petit-bourgeois en prenant en main la lutte de classe pour la classe ouvrière, et qui y donne une direction, un climat peut être créé où les intérêts des patrons flamands peuvent être représentés comme les ”intérêts de la Flandre”.

    Il n’y a pas de short-cut. La bourgeoisie n’est pas capable de concilier définitivement et complètement la question nationale en Belgique, la seule chose qu’elle a à offrir est encore quelques exercices d’improvisation et d’équilibre avec comme objectif final de maintenir son système et ses privilèges. Une conciliation réelle de contradictions nationales ne peut se faire que si les moyens sont mis à disposition pour garantir à chacun en Belgique une vie et un avenir décent. Des emplois à plein temps et bien payé pour tout le monde, assez de logements abordables et de qualité, un enseignement de qualité et accessible pour offrir un avenir à nos enfants, des services publics et une sécurité sociale avec assez de financement pour couvrir les besoins,… sont des revendications qui doivent nécessairement être remplis, sans aucune discrimination, pour mener à une fin aux tensions. Un développement harmonieux de l’économie belge avec comme but de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population et d’en finir avec les pénuries sur le plan social (et donc en finir aussi avec les luttes pour savoir qui peut disposer de ce qui reste comme moyens) devrait mettre fin au chômage colossal et au manque de perspectives qui règnent dans nombre de régions wallonnes, mais certainement aussi à Bruxelles et dans des villes comme Anvers et Gand, où de grandes parties de la jeunesse ouvrière n’a aucune perspective pour l’avenir, sauf le chômage et la pauvreté. Il ne faut pas attendre ce développement harmonieux de la bourgeoisie. Le capital ne va que là où il y a beaucoup de profit à faire à court terme.

    Tant que ces énormes moyens produits par la classe ouvrière en Belgique disparaissent dans les poches des grandes entreprises et de ceux qui sont déjà super-riches, ni une Belgique unifiée ni une Flandre indépendante ne sait fonctionner. Ces moyens sont nécessaires pour qu’une société réussisse, que ce soit à l’intérieur de la Belgique ou – si une majorité de la population le souhaite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – dans le cadre d’une fédération de régions indépendantes. Le PSL ne résiste pas à la disparition de l’Etat belge comme nous le connaissons, mais au fait que la rupture se base sur la destruction totale des acquis du mouvement ouvrier belge (comme la NVA le propose en réalité). Ces moyens sont en d’autres mots nécessaires aussi bien pour une scission pacifique et harmonieuse du pays, si cela était désiré, que pour une réparation de l’harmonie dans le ”vivre ensemble” en Belgique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre en mains ses affaires. Sur le plan syndical, nous ne pouvons pas nous faire imposer un mauvais accord interprofessionnel parce ”mieux n’est pas réalisable”. Rien, sauf l’appauvrissement, n’est réalisable. Si l’économie repart en chute, stagne ou se relance temporairement et partiellement, si des luttes ne prennent pas place, les patrons vont de nouveau s’en aller avec les profits et les travailleurs vont en payer le coût. Mais aussi sur le plan politique, nous devons de nouveau pouvoir mener la lutte si nous voulons obtenir le maximum sur le plan syndical. Le choix pour le soi-disant moindre mal sous la forme d’encore un fois voter pour les partis existants qui prétendent encore de temps en temps agir dans les intérêts de la classe ouvrière (mais qui ces dernières décennies ne le font plus en actes) a conduit dans le passé au démantèlement social, à une capitulation relative du mouvement ouvrier devant les revendications des patrons. Dans l’avenir cela ne serait pas différent, sauf en pire.

    Avec ce vote pour le moindre mal, le mouvement ouvrier prend une position passive, ce qui signifie qu’elle subit tout simplement le processus actuel de réforme d’Etat – qui est en fait la préparation du plan d’austérité drastique qu’on va essayer de nous imposer. Les directions syndicales ont déjà plusieurs fois appelé avec les organisations patronales à un accord sur la réforme d’Etat et la formation d’un gouvernement, qu’importe le gouvernement. Mais nous ne voulons pas de n’importe quel gouvernement, nous ne voulons pas avoir un gouvernement simplement pour avoir un gouvernement.

    Pour pouvoir sortir de ce scénario, les militants syndicaux doivent augmenter la lutte contre toutes tentatives du patronat de nous faire payer la crise. Nous devons sur le plan syndical refuser un mauvais accord interprofessionnel et mener la lutte pour une augmentation du salaire brut, contre les contrats précaires et pour assez de moyens pour la création d’emplois décents. Sur le plan politique, nous devons nous préparer à agir contre n’importe quel gouvernement quand il veut nous présenter la facture. Dans la lutte pour nos intérêts, les idées et les forces peuvent grandir pour arriver, pour la deuxième fois dans l’histoire, à la création d’un véritable parti des travailleurs. Un vrai parti des travailleurs peut élaborer une solution définitive à la question nationale en Belgique: une démocratie conséquente, qui tient compte des droits sociaux et culturels de tous les groupes de la population, basée sur une économie planifiée démocratiquement élaborée et qui développe tout la territoire de la Belgique sur le plan social et économique, c’est une condition cruciale. Ce n’est possible que si la bourgeoisie est privée de son pouvoir dans la société.

    Un tel parti des travailleurs ne va pas tomber du ciel, mais va se développer sur base de la lutte et des leçons tirées de cette lutte par les masses des travailleurs, comme ça c’est passé dans le temps avec le vieux parti ouvrier, aujourd’hui bourgeoisifié. Une fois qu’une lutte plus massive et maintenue commence pour maintenir des conditions de vie décentes dans cette crise de longue durée du capitalisme, les délégués et militants des mouvements sociaux vont tirer des conclusions plus profondes. L’histoire nous montre que ce processus, une fois commencé, peut développer très vite, certainement s’il y a une minorité consciente sous la forme d’un parti socialiste révolutionnaire capable de développer ses racines dans le mouvement ouvrier dans ce processus.

    Il n’y a donc pas de raccourci. Dans la période qui vient, il y aura sans doute une continuation de la crise politique, pendant laquelle le pays est géré par le gouvernement en affaires courantes, en fait un gouvernement technique qui n’en a pas le nom. Si un gouvernement avec la NVA est formé, il va être de courte durée, le tantième gouvernement de combat à l’intérieur. Si les négociations ne peuvent plus être tirées dans le temps, nous pouvons avoir à faire à des élections dans les mois prochains, bien que cette perspective diminue à mesure que la menace des marchés financiers augmente.

    A un certain moment un compromis devra être trouvé, qui consistera à ce que la grande majorité de la population – les travailleurs et leurs familles, les gens qui vivent d’allocations, les petits indépendants – paye la facture de la crise capitaliste. Ce compromis va, comme toujours, être de double sens et donner vie à de nouvelles contradictions et tensions. Bien qu’aujourd’hui les forces ne sont pas là pour imposer la désintégration de la Belgique, le maintien de la Belgique sur base capitaliste va de plus en plus être miné jusqu’à ce que cela devienne intenable à un certain moment. La faute dans le raisonnement de beaucoup de flamingants contents de ce processus n’est pas que ce processus ne se passerait pas, mais réside dans l’illusion que cela pourrait se passer pacifiquement et avec des négociations.

  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Troisième partie)

    Dans cette partie, nous regardons dans quelles mesure les caractéristiques de la crise économique internationale se manifestent aussi en Belgique. Nous parcourons le marché immobilier, l’inflation, les cadeaux fiscaux aux entreprises et les salaires des managers. Nous expliquons comment cela conduit aux grèves spontanées que la bourgeoisie et les politiciens aimeraient brider. La combativité à la base s’est reflétée dans des discours plus radicaux le premier mai, dans un bon résultat pour les délégations syndicales combatives dans les élections sociales, et enfin dans la semaine d’actions de juin 2008.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    La folie des bourses laisse des traces aussi en Belgique

    75. En termes de distribution inégale de richesse, la Belgique n’est pas mieux placée que les autres pays de l’OCDE. En juillet 2008, les fortunes nets des familles belges étaient de 1.610 milliards d’euros, à peu près 352.000 euros par foyer ou 151.000 euros par Belge. (1) Cela fait entretemps 14 ans qu’il n’y a plus eu de recherche sur la répartition de cette fortune. En 1994, Jef Vuchelen et Koen Rademaeckers sont arrivés à la conclusion que les 50% des fortunes appartenaient à 10% des familles les plus riches, contre seulement 1,1% des fortunes pour les 10% des familles les plus pauvres. Nous supposons que cette différence s’est plutôt creusée que diminuée. (2) Selon Merill Lynch, à la fin 2006, il y avait 68.000 millionnaires en dollars en Belgique, fin 2007 ils étaient déjà 72.000. (3) En 2007, les entreprises belges cotées en bourse ont vu pour la première fois en 5 ans diminuer leurs profits suite à la crise du crédit. En 2005 et en 2006, ces profits avaient encore monté à chaque fois de 30% contre une baisse de 11% en 2007 jusque 19,14 milliards d’euros. Pourtant, ces mêmes entreprises ont distribué 10,2 milliards d’euros aux actionnaires, une augmentation de 42% comparée à l’année précédente. Cela fait qu’en 2007, malgré la crise du crédit ou peut-être justement à cause d’elle, la moitié du profit net a été versée aux actionnaires contre un tiers en 2006.(4)

    76. Ainsi, la fine fleur du capital belge s’est protégée contre les conséquences de la crise du crédit. Celle-ci n’a pas épargné la Belgique. Il est difficile de prévoir où le BEL-20 se trouvera fin 2008, mais avec une perte d’en moyenne 23%, le premier semestre de 2008 était la pire chute en 21 ans, depuis le crash boursier de 87.(5) Surtout les banques, qui représentaient en 2006 encore 42% du BEL-20, ont fortement chuté. Cela s’explique par le fait que toutes les grandes banques belges, y compris la KBC qui a perdu 32,4% de sa valeur boursière lors du premier semestre de 2008, se sont laissées séduire par des instruments financiers souvent couverts par des hypothèques à grand risque américaines. Pour Dexia (-44,4% de la valeur boursière), s’y ajoutent les difficultés de sa filiale américaine, le rehausseur de crédit FSA. Pour Fortis, -46,48% de sa valeur boursière, s’y ajoute sa reprise annoncée en grandes pompes mais mal planifiée, d’ABN Amro. Cela fait que l’action Fortis vaut aujourd’hui (juillet 2008) à peu près la moitié d’une action de la Société Générale en 1998. Au printemps précédent, l’action Fortis valait encore 35€, à la fin du premier semestre 2008 moins de 10€. (6)

    77. La Banque nationale a calculé la perte totale des Belges en conséquence de la crise boursière en juillet 2008 à 50 milliards d’euros, dont la moitié en conséquence de la baisse des valeurs des actions, et l’autre moitié en perte sur des fonds de pension et des fonds d’investissement (les sicav). Les dettes des familles ont aussi augmenté. Mais c’est surtout le personnel qui paiera la facture. « Des changements des banques belges qui prendraient normalement 15 ans, tels que la rationalisation du réseau couteux des agences, seront grâce à la crise du crédit réalisés en quelques années », dit Dick-Jan Abbringh, auteur de « Trendbreuk.be ? Nieuwe spelregels in een digitale wereld » (« Inversion de la tendance.be ? Nouvelles règles du jeu dans un monde digital »), son livre pour lequel il a interviewé 15 managers du monde financier en Belgique. « Il est certain qu’il y aura des licenciements massifs. Il y a un bel avenir pour des gens qui donnent des conseils financiers de haute qualité, mais non pas pour les employés de banques qui aident les clients à remplir les formulaires de virement. » (7) En bref, celui qui amène beaucoup d’argent obtiendra un siège confortable, mais celui qui a des difficultés à s’en sortir selon laissé à son propre sort.

    Les fondements minés

    78. Jusqu’ici, l’économie belge n’a pourtant pas presté de façon faible. Avec un chiffre de croissance de 2,8% en 2006 et en 2007, elle a même fait un peu mieux que la zone euro. Après une augmentation du chômage en 2005, il y a eu une légère baisse en 2006, suivie d’une baisse plus forte en 2007. Le déficit budgétaire était légèrement négatif en 2007 (-0,2%), mais quand même moins que la moyenne de la zone euro (-0,6%).(8) Après quelques années de diminution (2000-2005) ou de croissance faible (2006) (9), les investissements en 2007 ont connu une vraie accélération de 8%. Notre pays s’avère d’ailleurs être une des localités les plus attirantes de l’Europe pour les investissements étrangers. En Europe (27), seulement 4 grands pays, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Espagne, ont accueilli plus d’investissements. Entre 2003 et 2007, les investissements étrangers directs représentaient 12,3% du PIB ! Ceci n’est que de 1,2% pour l’Allemagne, 3,4% pour la France, 5,3% pour les Pays-Bas et 3% pour la chine.(10) Nous devons évidemment considérer les proportions et aussi le caractère de ces investissements, mais prétendre que la Belgique ne serait pas attractive pour des investisseurs étrangers n’est pas possible. Grâce à la prestation durant le premier semestre, la croissance des investissements en 2008 sera de 6,6%, mais retombera ensuite jusqu’à seulement 1,7% en 2009.(11)

    79. Ici s’arrêtent les bonnes nouvelles. Depuis, les 6 marchés d’exportations les plus importants de l’économie belge sont au bord de la récession. Il s’agit de l’Allemagne, de la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. Ensemble, ils représentent deux tiers de notre exportation. Pour un pays dont l’exportation des marchandises représente 71% du PIB, c’est d’une importance vitale. De plus, l’industrie belge livre beaucoup de produits semi-finis. Elle est une sorte de sous-traitant pour l’industrie des partenaires commerciaux.(12) Sur cette base, la KBC estime réaliste que l’économie belge parte en récession technique à partir du deuxième semestre 2008.(13) Qu’importe, pour la première fois en 16 ans, la balance commerciale risque en 2008 d’être déficitaire. Pendant les 5 premiers mois, la Belgique a connu un déficit de 7 milliards d’euros contre un surplus de 2,5 milliards d’euros l’année dernière. Le refroidissement de l’exportation est une des raisons principales pour lesquelles le Bureau du Plan a dû réajuster ses perspectives de croissance vers 1,6% en 2008 et seulement 1,2% en 2009.(14)

    Marché immobilier : illusions statistiques ?

    80. L’autre raison est le ralentissement de la demande intérieure, principalement la consommation particulière. Sa croissance en 2007 encore de 2,6% retombe en 2008 à 1,4% et en 2009 même à 0,8%.Les augmentations de prix de ces derniers mois et années y sont pour quelque chose. Entre 97 et 2007, les prix des maisons dans notre pays ont augmenté en moyenne de 142% ou 9,2% par an. Même le FMI trouve, compte tenu de la croissance des revenus nets, de la population à l’âge du travail, de la croissance du crédit et des cours des actions, que c’est 17% de trop. Moins qu’en Irlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, mais autant qu’en Espagne et même 5% de plus qu’aux Etats-Unis. Ne devons-nous pas alors craindre une chute du marché immobilier ? Oui, selon certains économistes et le secteur immobilier. L’économiste Van de Cloot, de ING, estime que les augmentations de prix sont derrière nous et que nous allons vivre pour la première fois depuis le crash de 79-82 une stabilisation, il n’exclu même pas la première baisse des prix depuis cette époque. (15)

    81. Les prix des maisons et des terrains à construire ont bien augmenté lors de la première partie de 2008 comparé au premier semestre de 2007 – de 8,1% pour des maisons d’habitation, de 5,5% pour des appartements et même de 9,7% pour des terrains à construire – mais des promoteurs parlent d’une « illusion statistique ». Ils prétendent avoir constaté un point tournant en octobre et sont d’avis qu’une correction est en train de se faire. « Ce ne sera pas de la même force qu’au RU, en Irlande ou en Espagne, disent-ils, mais elle peut durer pendant quelques années. » (16) Pourquoi pas de la même force ? Selon Dick-Jan Abbringh, parce qu’en Belgique, le marché des prêts hypothécaires ne correspond qu’à 34% du PIB contre plus de 100% aux Pays-Bas. (17) Pourquoi pendant quelques années ? Selon Van de Cloot, parce que « on croit de plus en plus au caractère élevé structurel de l’inflation. Si cela se traduit en un taux d’intérêt à long terme fondamentalement plus élevé, nous pouvons oublier un retour à l’époque des prix hypothécaires bons marché. Justement ces prêts là étaient la force conductrice derrière la croissance immobilière de ces dernières années. » (18) N’avons-nous donc rien à craindre ? La KBC ne s’attend pas seulement à une stabilisation des prix des maisons, mais aussi à une chute de la construction. (19) Ce que cela va signifier pour l’emploi dans le secteur de la construction n’a pas encore été chiffré.

    82. Nous saisissons l’occasion de démontrer une autre illusion statistique beaucoup plus grande. Selon le Bureau du Plan, le revenu réel disponible des foyers, donc de salaires, y compris des managers, et d’allocations, mais aussi de fortunes financières et immobilières, connaitrait en 2008 encore une croissance de 0,1% et en 2009 même de 1,8%.(20) Avec « réel », on veut dire en tenant compte de l’inflation. Il faut se poser la question : quelle inflation ? Pour le Financial Times, l’inflation aux USA, qui serait de 2,5%, serait de 8,9% si l’on appliquait la manière de calcul d’avant 1992, qui a changé radicalement depuis !(21) Le chiffre national de l’indexation des prix de consommation, qui serait de 4,7% cette année-ci, contre 4,2% de l’index-santé, et qui serait de 2,7% l’an prochain, contre 2,6% pour l’index-santé, n’est pas du tout une réflexion correcte des véritables augmentations de prix. Ceux-ci sont beaucoup plus importants parce que des postes de dépense importants tels que le loyer y ont un poids inférieur au poids qu’ils représentent dans la réalité. Le loyer compte pour 6,2% (22) Plus de 23% de la population sont des locataires. La consommation d’habitation totale dans notre pays représente d’ailleurs 20% de toutes les dépenses des foyers. (23)

    83. Ceci nous aide immédiatement à comprendre pourquoi le loyer commence à être impayable pour les familles. Une étude commandée par le gouvernement flamand démontre qu’après retrait des dépenses d’habitation, les locataires disposaient en 2005 encore de 881 euros contre, corrigé après inflation, 1041 euros en 1992 ! Le pouvoir d’achat des locataires est fortement réduit depuis 1992, de 86 euros dans la période 1992-1997 et de 161 euros dans la période 1997-2005. En 2005, les locataires détiennent depuis 1992 en moyenne 16% de moins après avoir payé leur loyer qu’en 1992.(24) Ceci a évidemment à faire avec la faiblesse du secteur des logements sociaux qui en Belgique (10%) a un grand retard sur des pays tels que les Pays-Bas (largement 40%), le RU et la Suède

    Hystérie de l’inflation

    84. Les CPAS de Wallonie ont construit un « index de précarité » sur base des dépenses des foyers pauvres. Il apparait qu’un foyer qui vit du revenu d’insertion social de 997€, dépense en moyenne 27% à l’alimentation, et pas moins de 42,5% à l’habitation contre une moyenne de 26% pour toute la Wallonie. L’index de précarité a connu entre janvier 2006 et janvier 2008, donc avant la forte augmentation de l’inflation, une croissance deux fois plus élevée que le chiffre officiel d’indexation. La fédération wallonne des CPAS demande une adaptation urgente du revenu d’insertion sociale, pour une personne isolé de 698 à 860€ et pour une famille avec enfant, de 930 à 1548€. Ceci signifierait selon la Cour des Comptes, une dépense additionnelle de 1,25 milliards d’euros par an si c’est appliqué sur le plan national.(25)

    85. Le Bureau du Plan admet lui-même que le revenu réel des foyers a été « négativement influencé » parce que l’augmentation des prix de l’énergie n’est pas tenu en compte dans l’index-santé qui règle l’adaptation des salaires et des allocations aux augmentations des prix.(26) Cette augmentation n’est pas des moindres. Beaucoup de familles de travailleurs ont toujours été méfiants à propos de la fable selon laquelle la libéralisation du marché de l’énergie réduirait les frais du consommateur. Cette méfiance a été confirmée en octobre 2007. Après Electrabel, c’était aux distributeurs d’augmenter leurs tarifs. (27) En février, la Banque Nationale a demandé des compétences supplémentaires pour le Creg, le régulateur fédéral du marché de l’énergie, afin d’annuler au moins une partie des augmentations de prix.(28) Le Creg lui-même demande de réduire le tarif de la TVA sur l’énergie de 21 à 6%, et une approche plus dure tant vers les producteurs que vers les distributeurs (29). En avril, il est apparu que les dépenses pour se chauffer et se nourrir pour une famille moyenne avec deux enfants vont monter de 676€ en 2008, et pour une personne isolée de 330 €. (30) Vers septembre, le prix du gaz avait déjà augmenté de 48,7% sur base annuelle, celui de l’électricité de 20,7% et on y ajoute que les prix vont encore monter. (31)

    86. À partir de février, les arguments du patronat sur l’hystérie de l’inflation ont définitivement été balayés. (32) Il apparait que les prix des produits alimentaires transformés montent en force depuis la deuxième partie de 2007. Ces augmentations sont d’ailleurs en moyenne de 6% plus élevées qu’ailleurs dans la zone euro. L’abolition du prix du pain réglementé en 2004 a fait monter les prix hors proportion. Sur base annuelle, les prix des produits alimentaires transformés ont monté de près de 9%. (33) Mais lorsqu’il s’agit de son propre commerce, Unizo n’est plus unilatéralement en faveur du marché libre. Au contraire, Unizo n’est pas d’accord avec la Banque Nationale que plus de concurrence et moins de règlementations contribueraient à un niveau de prix plus bas. Dans sa réaction, l’économiste en chef Van de Cloot avertit de surtout ne pas répéter les fautes des années ‘70, lorsque les augmentations de prix ont été compensées par des augmentations générales de salaires. (34)

    Cadeaux fiscaux aux entreprises

    87. « Le mazout : +61%. Le gaz naturel : +52%. Le spaghetti : +42%. Le diesel : +32%. L’essence : +32%. L’électricité : +20%. » C’est ainsi que De Tijd a commencé son éditorial du 31 juillet, comme s’il fallait compenser ses précédents écrits sur l’hystérie du pouvoir d’achat. Même le chiffre officiel de l’indexation, cette illusion statistique, a dû, même si ce n’est que partiellement, refléter de telles augmentations de prix. En juillet, il a atteint 5,91%, le deuxième niveau les plus élevé en Europe, le plus élevé en 24 ans. (35) « Il est plus facile de rejoindre des manifestations pour plus de pouvoir d’achat », écrivait l’éditorialiste du Tijd, comme s’il ne faisait rien d’autre de ses journées, « que de remettre en question des systèmes que nous utilisons depuis des années. Mais nous devons aussi reconnaitre qu’il n’est pas raisonnable de faire payer l’inflation par les entreprises ou les autorités, les employeurs les plus importants, qui n’ont pas cette inflation en main. » Quoi ?

    88. Entre-temps, un sondage de City Bank Belgique a montré que 9 belges sur 10 réduisent leurs dépenses en réaction à la baisse du pouvoir d’achat. C’est surtout sur les loisirs, le chauffage, les vêtements et les appareils ménagers que nous faisons des économies.(36) Les 10% restants n’en ont pas besoin, ils se sont construit une bonne réserve depuis longtemps. Malgré la crise du crédit, les entreprises ont réalisé en 2007 en Belgique un profit record de 79 milliards d’euros, 4 milliards de plus que l’année record précédente, en 2006.(37) Ils ont eu beaucoup d’aide de la part des autorités. Selon le rapport annuel de la Banque Nationale, les entreprises ont reçu, en 5 ans, de 2003 à 2007 compris, 21,85 milliards d’euros en diminutions des contributions patronales à la sécurité sociale. En 2007 uniquement, c’était déjà largement 5 milliards d’euros. De plus, pendant cette même période, ils ont reçu pour 1,28 milliards d’euros de diminution du précompte professionnel, surtout sur le travail en équipe et de nuit (38), dont 730 millions rien que pour 2007.

    89. Mais le vol du siècle a sans aucun doute été la déduction des intérêts notionnels, introduite à partir du 1er janvier 2006 sous le gouvernement violet, un argument que Reynders lance régulièrement à ceux qui le critiquent au sein du PS et du SP.a. Le fait est que la violette avait initialement estimé le coût des intérêts notionnels à 500 millions d’euros, alors que cela coutera 2,4 milliards d’euros annuellement. Selon ce système, des entreprises peuvent déduire fiscalement non seulement l’intérêt qu’elles paient sur des prêts, mais dorénavant aussi un intérêt fictif sur leur propre actif. Cette mesure doit stimuler les entreprises à renforcer leur propre actif et même à encrer l’industrie en Belgique. On veut de cette manière compenser l’abolition des centres de coordination.(39) L’Europe considère ceux-ci comme une aide publique illégale et doivent être dissous au plus tard fin 2010.(40)

    90. Pour les entreprises, qui doivent officiellement payer 33,99% d’impôts, il s’agissait d’un jackpot. Cela réduit le taux d’imposition moyen des entreprises à seulement 25%.(41) Ce n’est donc pas étonnant que, déjà en 2006, 41% des 381.288 entreprises en ont fait usage. Le tout mis ensemble, cette année là a connu 6 milliards d’euros de déduction d’intérêt, dont 37% qui ont été accordé à seulement 25 entreprises. (42) Selon De Tijd, l’intérêt notionnel explique le fait que l’influx de capitaux en Belgique a doublé jusqu’à 72 milliards d’euros en 2006, soit plus que vers la Chine. De Tijd reconnait bien qu’une partie importante de ces capitaux sont des capitaux endormis qui créent à peine des emplois.(43)

    91. Mais la déduction des intérêts notionnels est controversée. En février 2008 déjà, Di Rupo brandissait une liste sur laquelle apparaissait le fait que les entreprises du BEL-20 payaient à peine encore des impôts. (44) Les entreprises publiques sont également passées à la caisse. La Banque nationale a ainsi épargné 17 millions d’euros en taxes ; la SNCB 1,4 millions d’euros et La Poste 8,6 millions d’euros. (45) De plus, le calcul des intérêts notionnels incite à la fraude, pleins d’entreprises cumulant toutes sortes de déductions, d’une telle ampleur que l’administration fiscale a du mettre sur pied un groupe spécial d’intervention pour les combattre. (46) Mais les patrons ne vont pas facilement abandonner leur fleuron. Ils ont même fait appel à la Banque nationale pour relativiser le coût de la mesure. L’avantage fiscal de 2,4 milliards d’euros pour les entreprises est un coût brut, argumente la Banque Nationale. Sur base de « données provisoires » pour 2006, elle conclut, une année et demi plus tard, que le coût net en 2006 se situerait « quelque part entre 140 et 430 millions d’euros ». (47) La Banque admet d’ailleurs qu’une fois que la mesure arrivera à sa vitesse de croisière, le revenu des impôts des entreprises sera fortement réduit. L’administration fiscale donne des chiffres plus précis, elle a calculé le coût net de la mesure à 1,2 milliards d’euros ! (48)

    92. En terme d’effets sur l’emploi, la Banque Nationale estime « possible » que la mesure aie créé 3.000 emplois. Cela fait entre 46.500 et 144.000 euros par emploi. Si nous prenons les chiffres de l’administration fiscale, cela fait même 400.000 euros par emploi. Si on avait dépensé tout cela pour élever le pouvoir d’achat, l’effet sur l’emploi aurait probablement rapporté des dizaines de fois plus, et qui sait si cela n’aurait pas amené plus d’investissement. Le PS et le SP.a devaient bien essayer de corriger le tir quelque part. Le SP.a avec sa proposition d’une mesure anti-abus, par laquelle l’administration fiscale peut refuser la déduction des intérêts notionnels si la seule intention n’est que fiscale sans création d’emploi. Le PS avec sa proposition de taxe sur la valeur ajoutée sur la vente des actions, tel que cela existe en Italie et en France. (49) Les deux propositions sont restées au frigo.

    93. Depuis 1988, le SP.a et le PS se trouvent au gouvernement, pour le SP.a jusqu’en 2007, pour le PS jusqu’à aujourd’hui. Suffisamment de temps donc, si ce n’est que pendant cette même période, de nombreux dossiers de fraude ont dépassé la prescription. Paul Dhaeyer, chef de la section financière du parquet de Bruxelles, ne le cache pas. « Beaucoup d’étrangers considèrent la Belgique comme un paradis fiscal, depuis des années nous sommes en sous-effectif. Il y avait un manque chronique de moyens. C’était un choix politique. » (50) Aussi, dans le scandale récent à « Liechtenstein Global Trust », au moins une cinquantaine de personnes résidant en Belgique seraient impliqué.

    94. Malgré cela, les patrons et leurs représentants politiques trouvent qu’ils paient encore trop. Et donc, Unizo et Voka plaident pour laisser les entités fédérées déterminer le taux d’imposition des entreprises. Ils pensent pouvoir ainsi réduire les impôts des sociétés jusqu’à 20%. Mais ce n’est pas seulement l’impôt des sociétés qui doit être réduit, les impôts sur les personnes physiques, qui doivent entre autres financer les services publics collectifs, sont selon eux trop élevé. Pour le CD&V Hendrik Boogaert, la pression fiscale aux Pays-Bas serait de 40% du PIB contre 44% en Belgique. « Les impôts doivent donc être réduits de 14 milliard d’euros. », conclut-il, ce qui correspond à 4% du PIB (51).

    95. Ceux qui prônent les réductions de charge argumentent toujours les ‘effets de retour’. Ce que cela vaut, nous le savions déjà, mais cela a été récemment confirmé scientifiquement par deux recherches. Ive Marx, sociologue du CSB à Anvers et Kristian Orsini, doctorant à la KUL, ont constaté tous deux que l’effet des baisses des charges est surestimé. Orsini est d’ailleurs tout sauf quelqu’un de gauche. Il plaide pour une limitation des allocations de chômage dans le temps pour remplacer la baisse des charges. (52)

    Des rémunérations généreuses pour les patrons

    96. Ce qui n’échappe pas non plus à l’attention de beaucoup de familles de travailleurs, ce sont les salaires exagérés des managers des entreprises. Ce n’est pas pour rien que les économistes bourgeois parlent d’avidité, surtout lorsque l’on considère la modération salariale qui a été imposée aux travailleurs depuis des années. L’appel pour plus de contrôles devient de plus en plus pressant. Certainement aux Etats-Unis, où un mouvement, soutenu par les démocrates, s’est créé sous le nom « Say on pay », mais également un peu partout dans le monde, y compris en Belgique. Le patron d’Inbev, Brito, a reçu en 2007 une augmentation salariale de 9%, jusqu’à 4,25 millions d’euros, plus ou moins 375.000 euros par mois ou 12.500 euros par jour. Le patron de Fortis, Votron, a reçu une augmentation de 15% à 3,9 millions d’euros. (53) De nouveau, les patrons des entreprises publiques suivent leurs collègues du secteur privé. Didier Bellens de Belgacom a reçu en 2007 une augmentation de 42%, à 2,7 millions d’euros, à peu près 225.000 euros par mois, même si, depuis, il a dû assainir. Cette même année, Johnny Thijs a allégé la Poste de 900.000 euros, soit 75.000 euros par mois, autant que le salaire combiné d’un bon bureau de Poste de distribution. (54)

    97. Pour Vincent Van Quickenborne (VLD), ce sont les affaires des actionnaires, dans lesquelles les autorités ne doivent pas intervenir. C’est ce même Van Quick qui trouve qu’il y a trop de fonctionnaires. Son camarade De Gucht est plus réaliste. « Pendant que les salaires les plus élevés connaissent un pic, il y a une classe moyenne croissante qui est de plus en plus en difficulté. Ceci fait obstacle au ‘plaidoyer de modération’ dans la sécurité sociale. (…) Le sommet des entreprises doit bien se réaliser qu’il ferait mieux lui aussi de modérer afin de ne pas stimuler des tendances populistes ; les gouvernements de l’occident doivent mieux répartir les fruits de la mondialisation, sans détruire ces fruits. » (55) De Gucht est plus ou moins le prototype du libéral, l’homme de la raison, sans dogme, et évidemment franc-maçon. Ce n’est pas un libéral vulgaire comme Van Quick, qui n’a retenu du libéralisme que le droit de se remplir les poches de façon illimitée. Pour De Gucht, le libéralisme n’est pas une carte blanche pour l’avidité. Il estime évidemment la liberté de l’individu et la propriété privée comme étant supérieure à Dieu, à la Nation, ou à la communauté collective, même si cette liberté mine celle des autres. Ce qui est inacceptable selon lui, c’est que le système même qui permet à l’individu de jouir de cette liberté soit miné.

    98. Le problème de De Gucht, c’est que son système libéral est en contradiction avec les lois de fonctionnement du capitalisme. Il a dû lui-même subir cela lorsqu’il a voulu donner des leçons à Kabila et aux autorités congolaises sur la corruption et l’incompétence. Non seulement Leterme a dû intervenir pour sauver les meubles, en fait surtout les contrats lucratifs, mais en plus, son camarade Pierre Chevalier, nommé représentant belge des Nations Unies au Congo, à condition qu’il délaisse son mandat à Forrest International, avait été en cachette renommé administrateur délégué de Forrest Int. Rik Daems, le tueur de la Sabena, un autre camarade de De Gucht et ancien ministre des télécoms (de 1999 à 2003), aurait agit comme consultant en 2007 pour Belgacom au Qatar. Coïncidence ? Nous ne le pensons pas. Un système basé sur la chasse aux profits a comme conséquence inévitable que certains dépassent les lignes quand ils colorient.

    Actions pour plus de salaire

    99. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de travailleurs soient insensibles aux arguments de De Tijd et soient bien d’avis qu’il est temps que les patrons et les autorités y mettent de leur poche. Après une année record en 2005, l’année du Pacte de solidarité entre les générations, avec 669.982 journées de grèves enregistrées, il y a eu une pause de deux ans. (56) Il n’y a pas encore de statistique pour 2008, mais il est pratiquement sûr que la courbe de grève cette année fera un saut. On aurait pu le savoir. En avril 2007, quelques grèves spontanées avaient déjà éclaté à Zaventem et chez les fournisseurs de Ford Genk. Le système de sous-traitance, de fournisseur, de travail intérimaire, de travail à temps partiel ou temporaire, avait été mis sur pied afin de diminuer la force des travailleurs. Mais, comme tout système, celui-ci connait aussi ses limites. Dans une carte blanche dans De Tijd, on souligne le fait que « les travailleurs de la ‘périphérie’ (de la production) savent à peine qui est leur vrai employeur, les syndicats les considèrent comme des forces étrangères, et notre modèle de concertation n’a pas prévu de donner à ces travailleurs le sentiment qu’ils font partie du système. » (57)

    100. Chez les fournisseurs de Ford Genk, on savait très bien qui étaient les vrais employeurs. Le fait que Ford Genk pouvait à peine suivre la demande n’avait pas échappé à sa ‘périphérie’. C’était le bon moment de se mettre en action. A commencer par le 14 janvier 2008, à Syncreon, fournisseur de panneaux de portière et de pots d’échappement. Ils ont obtenu 0,47 centimes d’euros et deux boni de 500 euros. Après cela, la vague de grèves spontanées ne pouvait plus être arrêtée. Fin janvier, la vague avait déjà touché 32 entreprises, dont 14 au Limbourg, mais aussi 6 à Liège et 5 à Anvers. C’était surtout le secteur automobile, avec 12 entreprises, et d’autres entreprises métallurgiques (9) qui ont été touchées. (58) Nous n’avions plus vécu une telle vague de grèves spontanées depuis la fin des années ‘60 et surtout le début des années ‘70. Là aussi, les travailleurs avaient le sentiment qu’ils avaient insuffisamment reçu les fruits de la bonne conjoncture.

    101. Agoria, l’organisation patronale du métal, qualifiait ces grèves « d’illégales ». La FEB et le sommet de la CSC ont tempéré et insistaient surtout sur le fait qu’il fallait sauvegarder le modèle de concertation. (59) Finalement, selon Agoria, 42 entreprises du secteur auraient été confrontées à des revendications salariales supplémentaires. Ce n’est pas une coïncidence. Dans le secteur du métal s’applique ce qu’on appelle les « accords all-in » ou leur version adoucie, les « accords saldo ». (60) Le sommet syndical a réussi à faire dévier les revendications pour plus de salaires vers une vague de bonus. Ce système n’était entré en application qu’un mois auparavant. Il détermine que des entreprises peuvent, à un tarif fiscalement intéressant, payer un bonus jusqu’à 2.200€ nets par an au travailleur. (61) C’est attractif, mais nous devons tenir compte du fait qu’on ne paie pas des cotisations sociales et que c’est une mesure unique. Les syndicalistes les plus combatifs ont donc insistés sur des augmentations salariales réelles, ce qui explique la popularité de la revendication « 1€ en plus par heure ».

    102. En mars, les actions pour l’augmentation du pouvoir d’achat ont commencé à toucher le secteur public. Les 24.000 fonctionnaires de l’administration flamande ont exigé une augmentation du pouvoir d’achat de 5% dans la période 2008-2009 avec des augmentations des primes de fin d’année et une cotisation plus élevées de l’employeur en chèques repas. Par voie du futur ex-ministre Bourgeois, le gouvernement a répondu ne pas avoir les moyens et Kris Peeters a menacé de réquisitions si les blocages des écluses n’étaient pas arrêtés. Parallèlement, ils ont avancé des propositions provocatrices pour rendre possible le travail intérimaire et niveler le statut des travailleurs statutaires au niveau de celui des travailleurs contractuels. Finalement, une augmentation salariale minimale de 2% a été imposée. Plus tard, des actions du personnel des CPAS et des communes ont suivi dans tout le pays.

    Premier mai – élections sociales et semaine d’actions

    103. Il fallait que les dirigeants syndicaux expriment tout cela le premier mai. Dans ses discours, la FGTB a revendiqué une augmentation salariale de 10%… pour les prochaines années. En utilisant pour cela l’argent qui va aujourd’hui à l’intérêt notionnel. Jan Renders du MOC : « certains veulent un gros poisson communautaire, d’autres veulent un gros poisson fiscal. Mais nous voulons un gros poisson social. » Luc Cortebeek : « Avec les employeurs, cet automne, il faut arriver à un accord interprofessionnel qui rende possibles des augmentations salariales. Les profits et les salaires des managers ont aussi augmenté. Celui qui ne veut pas y collaborer peut s’attendre à un hiver chaud. »

    104. A nouveau dans la première partie de ce même mois de mai 2008, 1,4 millions de salariés dans à peu près 6.300 entreprises pouvaient voter pour 142.000 candidats pour les comités de prévention et les conseils d’entreprise. C’est le double des candidats que les partis politiques ont présenté lors des élections communales en 2006, 13% de plus qu’en 2004. (62) Pour la CSC, il y avait 68.000, pour la FGTB, 55.000. Contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, le degré de syndicalisation net en Belgique a continué à croitre pendant les années 90. Avec degré de syndicalisation net, nous voulons dire seulement ceux qui sont effectivement au boulot, donc pas les pensionnés ni les chômeurs ni d’autres catégories considéré comme membres mais qui ne paient pas de contribution. (63) Pour 2003, les syndicats donnent les chiffres de 1,6 millions de membres pour la CSC, 1,2 million pour la FGTB, et 223.000 pour la CGSLB.(64)

    105. Bien que 1,4 million d’électeurs soit un record, le degré de couverture des élections sociales diminuerait petit à petit. Selon une étude de Hiva, il y a divers raisons : dans les services publics, des élections sociales ne sont organisées presque nulle part, il y a la PME-tisation de l’économie, qui fait qu’il y a plus d’entreprises qui n’atteignent pas le seuil électoral, et il y a la croissance du travail intérimaire et de la construction où des élections sociales ne sont pas organisées. (65) Le degré de participation serait bien retombé un peu, mais il reste, sans obligation de vote, très élevé : 72,4% pour les comités de prévention et 70,6% pour les Conseils d’entreprises. Des jeunes qui peuvent voter, 42,5% ont participé, contre 52,4% en 2004. Probablement, le degré de participation était plus bas dans ces entreprises où des élections sociales n’étaient pas tenues par le passé. (66)

    106. Comme nous l’avions pensé, les élections sociales n’ont pas amené de très grands glissements. Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, la CGSLB n’a de nouveau finalement pas obtenu les 10%. La FGTB a avancé légèrement, tant en Flandre qu’en Wallonie. La CSC a reculé légèrement, mais gagne à Bruxelles. Les listes séparées de cadre, de la Confédération Nationale des Cadres, et les listes individuelles d’entreprises ont fortement perdu. Un phénomène classique lors de l’augmentation de la lutte des classes, c’est que le mouvement entraine différentes couches à différents moments. Pendant qu’une avant-garde tire déjà ses premières conclusions politiques, il y a des couches qui viennent seulement de rejoindre le mouvement et qui reflètent encore la phase précédente du développement. (67) Nous ne pouvons donc pas concentrer notre attention sur la stabilité apparente des résultats généraux. Au contraire, lorsque l’on regarde de plus prêt, la FGTB a gagné dans les entreprises, surtout dans le secteur automobile, où des actions sur le pouvoir d’achat ont été menées plus tôt dans l’année. En général, les délégations syndicales qui sont connues comme étant combatives ont gagné, indépendamment du syndicat auquel elles adhèrent.

    107. En juin, les délégations nouvellement élues étaient déjà confrontées à un test important, lorsque les directions syndicales ont annoncé une semaine nationale d’action pour le pouvoir d’achat. A peu près partout, la mobilisation était très forte, 80.000 travailleurs au total ont répondu à l’appel. Celui qui prétendait que le débat sur le pouvoir d’achat ne vivait pas en Wallonie a eu sa réponse. Les manifestations à Liège, Mons, Namur et même Arlon, étaient systématiquement plus grandes qu’en Flandre. A Anvers et à Hasselt, tout comme en Wallonie, différentes entreprises ont spontanément fait grève. La présence de beaucoup de femmes, mais surtout de jeunes, souvent élus pour la première fois, démontre qu’une nouvelle couche combative a pris sa place. Rarement nous avons reçu une telle ouverture, tant pour notre programme que pour notre appel aux syndicats de casser les liens avec leurs partenaires politiques traditionnels. Là où les syndicats ont optés pour des actions « nouvelles », telles que « Foodstock » à Gand ou des ballades en vélo ou d’autres inventions de ce type à Bruges et à Courtrai, la mobilisation était faible. La méthode d’action ne correspondait pas à la demande de la base.

    Le droit de grève restreint ?

    108. « Les actions d’une minorité pour plus de salaire sont absurdes » déclare Caroline Ven, anciennement active dans le service d’étude de l’organisation patronale flamande VKW, et désormais économiste en chef du Cabinet du Premier Ministre Leterme, qui est pourtant officiellement de tendance ACW (MOC en Flandre). (68) « Ils n’ont jamais été aussi forts et pourtant ils n’ont jamais eu aussi peu à dire », déclare un élu de la chambre du CD&V- qui n’a pas de cachet ACW. (69) Caroline Ven et les patrons essayent, en fait, de toujours présenter les actions comme de l’aventurisme d’une minorité bruyante, contre laquelle la majorité silencieuse n’ose pas se rebeller. De cette manière, on prépare l’opinion publique aux restrictions sur le droit de grève.

    109. En avril 2007, le personnel de sécurité et les pompiers de l’aéroport de Zaventem ont commencé une grève spontanée. 26.000 passagers ont été bloqués. L’avocat de droite Peter Cafmeyer qui, pendant le Pacte des Générations, était déjà le conseiller juridique des patrons ayant subis des pertes à cause de la grève, s’est attaqué à cette grève. Cafmeyer a réussi à laisser payer 500 passagers pour plaider une affaire contre 46 employés et CSC-Transcom. Pour retrouver l’identité de ces 46 employés, il a fait appel à des détectives privés. Cafmeyer a agi de sa propre initiative et il est peu probable qu’il gagnera cette affaire qui a été reportée à la fin de l’année 2009. Cela n’empêche pas Rudi Thomaes de la FEB d’espérer un procès, selon ses propres dires. « Une condamnation ferait réfléchir les autres avant qu’ils ne passent à des actions inacceptables ».

    110. Selon Thomaes, ce n’est pas une atteinte au droit de grève. (70) Pour lui, le droit de grève doit exister, mais doit être réglementé à un tel point que dans la pratique il ne reste presque plus rien. Mais cela aussi à ses limites. Ainsi Guy Cox, directeur général du service de médiation collective du travail, estime que les procédures de concertation moyennes prennent tellement de temps que la pression de la base devient trop forte. (71) D’une manière ou d’une autre, les grèves spontanées sont attaquées. En août 2007, Ryanair a menacé de partir de Charleroi si les syndicats n’acceptaient pas un service minimum, et ils ont également exigé une indemnisation immédiate d’un million d’euros pour la grève spontanée du 15 juin. En mai 2008, le Ministre wallon du transport, André Antoine, a jugé une grève de la TEC comme étant une habitude « inadmissible ». Presque au même moment, l’Open VLD a plaidé pour la prestation d’un service minimum à la SNCB. Pour Vervotte, Ministre responsable des Services Publics, c’est une mesure “inapplicable”, mais elle a affirmé en même temps vouloir discuter sur des procédures plus strictes, plus claires et plus responsables des mouvements spontanés. (72)

    111. En août 2008, la discussion est revenue sur table à la suite d’une grève spontanée des bagagistes. Dans un premier temps, toutes les responsabilités étaient mises sur le dos des grévistes mais, pour une fois, l’attention de la presse a commencé à se déplacer également sur les conditions de travail intenables. (73) Même De Tijd qui, dans son édito du 12 août avait plaidé pour dresser une liste des services stratégiques, a dû remettre une balance dans le journal du samedi. « Ce qui est arrivé cette semaine à Zaventem est la conséquence du rachat de l’activité de l’aéroport… La sous-traitance a aussi des inconvénients. Que devons-nous proposer par un service minimum dans ce cas ? Que seuls les bagages des passagers de la classe Business soient emmenés ? D’ailleurs, le traitement des bagages est-il un service essentiel ? Non. Le trafic aérien n’est plus une affaire du gouvernement, il a été privatisé il y a déjà longtemps. » (74) Compare cette attitude à l’accord que les syndicats ont signé avec la direction de la SNCB, accord qui dit notamment qu’une grève spontanée peut être une raison acceptable pour un licenciement.


    (1) De Tijd, 25 juillet 2008, Financieële crisis kost Belgiëen 50 miljard euro

    (2) De Tijd, 28 juillet 2007, Belgiëen samen 71 miljard rijker dan verwacht.

    (3) Le Soir, 25 juin 2008, La Belgique abrite 72.000 millionaires.

    (4) De Tijd, 5 avril 2008, Belgische bedrijven geven aandeelhouders 10 miljard

    (5) Le Soir, 2 juillet 2008, La pire chute depuis 21 ans.

    (6) Le Soir, 29 juillet 2008, L’action Fortis vaut une demi G-Banque.

    (7) De Tijd, 20 septembre 2008, “Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar”.

    (8) BNB, indicateur économique pour la Belgique, 19 septembre 2008.

    (9) De Tijd, 8 janvier 2008, Ondernemingen trekken investeringen dit jaar op

    (10) The Economist, country briefings, fact sheet par pays

    (11) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (12) De Tijd, 10 septembre 2008, Belgische afzetmarkten op rand van recessie

    (13) KBC épargner et investir, 5 septembre 2008, Wanneer de zon schijnt in New York …

    (14) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (15) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (16) De Tijd, 26 août 2008, Hogere vastgoedprijzen zijn statistische illusie et Le Soir, 26 augustus 2008, Prix en hausse, baisse en cours

    (17) De Tijd, 20 septembre 2008, ‘Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar’

    (18) De Tijd, 26 août 2008, De onvermijdelijke correctie op de vastgoedmarkt is begonnen.

    (19) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (20) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (21) Financial Times, 7 septembre 2008, Government lies and squishy ethics

    (22) La liste complète des produits et de leur poids dans le panier de l’index peut être trouvé sur le site du Service Public fédéral sous index des prix à la consommation ou ici : http://www.statbel.fgov.be/indicators/cpi/cpi1_fr.pdf

    (23) BBSH Bouwen aan Vertrouwen in de Woningmarkt, Ruimte geven, bescherming bieden Een visie op de woningmarkt

    (24) De Morgen, 30 juillet 2008, Woning huren wordt voor gezinnen onbetaalbaar

    (25) Le Soir, 30 août 2008, La crise cogne d’abord les précaires.

    (26) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (27) Le Soir, 13 octobre 2007, Le gaz en hausse (épisode II)

    (28) De Morgen, 23 février 2008, Gas en electriciteit toch fors duurder

    (29) De tijd, 19 janvier 2008, Creg vraagt lager btw-tarief voor energie

    (30) La Libre, 12 avril 2008, Selon Olivier Derruine van de studiedienst van het CSC

    (31) Le Soir, 19 septembre 2008, Le prix du gaz enflera encore

    (32) L’édito de De Tijd du 30 janvier 2008 a pour titre: “inflatiehysterie » et l’éditorialiste conclu : « il est important de ne pas prendre des mesures hâtives. Puisque jusqu’ici, il n’y a vraiment pas de raison de créer de l’hystérie sur l’inflation. »

    (33) BNB, Indicateurs économiques pour la Belgique, 19 septembre 2008

    (34) De Tijd, 23 fevrier 2008, Belg betaalt levensmiddelen te duur

    (35) Le Soir, 31 juillet 2008, Pas d vacances pour l’inflation

    (36) De Tijd, 22 mai 2008, Negen op de tien Belgen schroeven uitgaven terug

    (37) De Tijd, 14 fevrier 2008, Bedrijfswinsten stijgen tot record van 79 miljard euro, sur base du rapport de la Banque Nationale

    (38) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 98 tableau 25

    (39) Les centres de coordination ont été introduits à la fin de l’année 1982 comme un régime fiscal favorable aux entreprises belges ou aux multinationales avec des filiales belges. Pour en illustrer l’importance : le 31 décembre 1997, 236 centres de coordination ont assuré 11,4% des profits avant impôt et 13,5% après impôt pour l’ensemble des entreprises belges. Ces mêmes centres de coordination n’ont pourtant payé que 0,82% des impôts de sociétés. Voir : taxincentives : analyse van de impact van notionele interestaftrek – Riet Janssens – http://statbel.fgov.be/studies/ac735_nl.pdf

    (40) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 159

    (41) De Tijd, 27 octobre 2007, Didier Reynders, vader van de notionele intrestaftrek

    (42) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (43) De Tijd, 27 octobre 2007, Heldere belastingen

    (44) De Tijd, 12 février 2008, Bel 20’ers betalen amper belastingen

    (45) Le Soir, 5 mars 2008, Les entreprises publiques profitent des notionnels

    (46) De Tijd, 27 octobre 2007, Van ‘double dip’ tot misbruik

    (47) Le Soir, 24 juillet 2008, La BNB clémente avec les intérêts notionnels

    (48) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (49) De Tijd, 25 janvier 2008, ‘U vernietigt de notionele intrestaftrek’

    (50) De Tijd, 31 mai 2008, ‘Achterstand was politiek keuze’

    (51) De Tijd, 5 avril 2008, ‘Belastingen moeten met 14 miljard euro omlaag’

    (52) DeTijd, 7 mai 2008, Effect lastenverlaging wordt overschat

    (53) Le Soir, 3 avril 2008, Salaire des patrons: “une affaire des actionnaires.”

    (54) L’Echo, 15 mars 2008, Les salaires fous du secteur public

    (55) De Morgen, 24 mars 2007, Karel De Gucht bindt de strijd aan met de toplonen.

    (56) Site des autorités Fédérales, grèves

    (57) De Tijd, 19 avril 2007, De opstand van de periferie

    (58) De Tijd, 31 janvier 2008, Stakingsgolf januari trof 32 privebedrijven

    (59) De Tijd, 31 janvier 2008, ACV en VBO willen vermijden dat stakingsgolf escaleert

    (60) Dans les accords all-in, la norme salariale est un plafond absolu qui ne peut pas être dépassé, même pas si l’index-santé dépasse la norme salariale. Dans des accords saldo, le même principe s’applique, mais sans pouvoir toucher à l’indexation. Dans De Standaard du 13 avril 2008, un exemple concret est calculé. (61) De Standaard, 28 septembre 2007, Akkoord over loonbonus

    (62) De Tijd, 30 avril 2008, 13 procent meer kandidaten voor sociale verkiezingen

    (63) Monthly Labour Review, janvier 2006, Union membership statistics in 24 countries

    (64) Le Soir, 5 mei 2008, Les Belges et le syndicat: l’amour-haine

    (65) De Tijd, 4 april 2008, Amper een op drie kan stemmen

    (66) De Tijd, 11 september 2008, Liberale vakbond haalt 10 procent toch niet

    (67) Trotsky explique ce phénomène dans son livre sur la révolution russe lorsqu’il décrit la situation en juin 1917. C’était au moment où les partis du gouvernement provisoire, qui avaient été portés au pouvoir lors de la révolution de février, perdaient le soutien des travailleurs et des soldats les plus actifs et conscients à l’avantage des bolcheviks, du moins dans les grandes villes. La surprise était donc grande, surtout chez elle-même, lorsque le plus grand parti gouvernementale, les SRs, gagnaient les élections avec plus de 60%. Trotsky dit là-dessus que la révolution de février avait provoqué beaucoup de poussière et avait fait un impact sur, avec quelques mois de retards, beaucoup de valets de maisons et d’écuries. Ceux-ci adhéraient logiquement chez ceux que la révolution de février aveint mis au pouvoir, c’est-à-dire les sociaux-révolutionnaires. Ils n’étaient pas encore conscients du frein que ce parti représentait, ceci ne serait compris généralement qu’après le coup échoué du général Kornilov en août 1917. Trotsky remarquait que les révolutionnaires doivent baser leur politique sur les couches les plus actives et conscientes parce que celles-ci reflètent le mieux les conditions réelles et ne doivent donc pas se baser sur les couches qui ne commencent à s’intéresser au changement qu’avec un certain retard.

    (68) De Tijd, 10 mai 2008, ‘Acties van een minderheid voor meer loon zijn absurd’

    (69) De Standaard, 27 avril 2008, Wij zijn allen ACW’er

    (70) Le Soir, 28 avril 2008, Raid surprise sur grève sauvage

    (71) De Tijd, 21 avril 2007, Hoe wild is wilde stakingsactie

    (72) Le Soir, 21 mai 2008, Grève: les priorités de la ministre.

    (73) Le Soir, 12 août 2008, Pourquoi les bagagistes débrayent en plein coup de feu.

    (74) De Tijd, 16 août 2008, De cruciale rol van bagagesjouwers

  • Le cartel flamand butte sur les frontières de leur propre politique

    Ce qui avait déjà été prédit par beaucoup est maintenant arrivé avec environ un an de retard : le cartel CD&V – N-VA s’est scindé plus rapidement que BHV. Ce nouvel épisode du feuilleton politique est le résultat inévitable de la guerre de position communautaire qu’ont connu ces derniers mois et années.

    Par Bart Vandersteene

    Avec le cartel flamand, le CD&V est redevenu après les élections de 2007 la formation politique flamande la plus importante. La crise qui a suivi la défaite électorale de 1999, quand le CD&V avait obtenu seulement 20,54% au sénat, semblait définitivement du domaine du passé. Avec un score de 31,58% au sénat, le parti chrétien-démocrate flamand était le parti traditionnel le plus important et Yves Leterme, qui à ce moment là personnifiait encore la « bonne gouvernance », avait reçu 733.643 voix de préférence. Peu reste aujourd’hui encore debout de cette image, même si le cartel obtient encore dans les sondages presque 30%.

    Le cartel avait déclaré qu’il allait rapidement remettre les francophones à leur place après les élections et réaliser une grande réforme d’Etat. La N-VA suit une stratégie de confrontation qui doit démontrer l’impossibilité du système belge de fonctionner correctement. Ce n’est pas neuf. Par contre, c’était nouveau de voir entrer à ce point dans cette logique le CD&V, le parti de la gestion par excellence pendant des années, afin qu’il redevienne incontournable.

    La rupture a été préparée

    Jusqu’à cet été, Leterme était le fer de lance du cartel flamand et il a lui aussi dû recevoir des coups pour les échecs consécutifs des négociations communautaires. Le nouveau projet de laisser les communautés « dialoguer », a laisser de côté Leterme pour que Kris Peeters puisse se mouiller. Le Premier ministre flamand a donc lui aussi perdu sa « virginité communautaire ».

    Leterme a pu de cette manière pu rester à l’arrière-plan et transférer la crise du gouvernement fédéral au gouvernement flamand. Le SP.a, dans l’opposition au niveau fédéral, n’a pas eu de problème à marcher dans cette nouvelle voie. C’était beaucoup plus compliqué pour la N-VA, car pour tout le monde il était devenu plus que clair qu’arriver à une réelle réforme d’Etat pour juin 2009 via ce dialogue n’était pas possible. La question était donc de savoir si la N-VA allait continuer à participer encore longtemps au gouvernement fédéral et flamand. Le congrès de la N-VA du 21 septembre a sans surprise repoussé les propositions des trois intermédiaires. Les dominos sont alors tombés les uns après les autres : le retrait de la confiance au gouvernement fédéral (duquel la N-VA ne fait plus partie), la crise au gouvernement flamand et l’appel du SP.a et du VLD au retrait du ministre Bourgeois pour arriver à une rupture du cartel.

    Après une année de mortification, le CD&V s’est enfin débarrassé de son partenaire radical. Cela va donner encore beaucoup de choses à discuter dans le CD&V. La N-VA se présentera comme les meilleurs Flamands chez les nationalistes. Et après ? Les partis francophones vont tout les quatre considérer la disparition de la N-VA du cartel comme une victoire et il n’est pas à exclure qu’ils accepteront plus facilement un compromis maintenant que ces séparatistes ont disparu de la table de négociations. Le CD&V argumentera que sa tactique par étape négociées produit des résultats en opposition à la politique de confrontation de la N-VA. Il ne doit pas être exclut qu’il y ait un accord-cadre pour une future réforme d’Etat pour les élections du 7 juin 2009. Il est cependant fortement douteux que BHV et le cas des 3 bourgmestres francophone de la périphérie y figurent.

    Quid de la N-VA?

    Au congrès de la N-VA, une grande euphorie était présente vis-à-vis de la fermeté au niveau des principes, mais elle disparaitra rapidement quand on commencera à réfléchir au sujet de l’avenir. Le parti exclut aujourd’hui de participer à un cartel dans lequel un partenaire au gouvernement fédéral ou régional et l’autre non. L’idée de participer indépendamment aux prochaines élections a la préférence d’une grande partie du cadre du parti, mais cela comporte beaucoup de dangers. Il ne faudra pas longtemps aux souvenirs des élections de juin 2003 de revenir à la surface. A ce moment, la N-VA n’avait dépassé le seuil électoral qu’en Flandre Occidentale pour obtenir un siège (4,85% pour toute la Flandre). Avec un seul parlementaire et aucun sénateur, une solution de rechange a été cherchée et trouvée avec un cartel avec le CD&V. L’importance de ce cartel avait été démontrée fin 2006, quant Jean-Marie Dedecker, après un flirt éphémère, a été mis de côté de la N-VA pour ne pas brusquer le partenaire de cartel.

    Au sein des partis petits-bourgeois comme la LDD ou la N-VA, l’accent est beaucoup plus mis sur le rôle de l’individu. Les personnalités arrogantes et les comptes à régler pèsent par conséquent souvent plus lourdement qu’auprès des partis traditionnels. Même si la N-VA arrive à genoux chez la LDD, il semble improbable que Dedecker donne suite à une proposition de coopération. Sa position est fondamentalement différente de l’époque où la N-VA l’a rejeté au profit du cartel. Maintenant, le parti personnel de Dedecker se trouve au dessus des 10% dans les sondages tandis que la N-VA ne dépasse le seuil électoral dans aucun. La concurrence entre les formations de droite avec à côté de la N-VA la LDD et le Vlaams Belang n’est pas non plus à l’avantage de la N-VA, malgré ses nombreux militants et une base mieux organisée. Une nouvelle défaite électorale, en n’obtenant pas le seuil électoral, peut annoncer pour la N-VA la fin du parti. De Wever est-il préparé à aller discuter avec ses membres de cette perspective ?

    Qu’arrivera-t-il dans les semaines et mois prochains ?

    Sans les sièges de la N-VA, la famille démocrate-chrétienne possède encore 34 sièges, face à 41 pour les libéraux. En échange de la conservation de son poste de Premier ministre, Leterme va devoir payer un prix. Le gouvernement ne dispose même plus d’une majorité parmi les néerlandophones au sein du parlement fédéral. Avec un partenaire imprévisible tel que Didier Reynders, c’est un recette d’instabilité. Mais il sera tenté d’éviter de nouvelles élections avant celles de juin 2009.

    La présidente du SP.a Caroline Gennez dit qu’elle n’est pas prête à dépanner le gouvernement fédéral en formant une tripartite, comme en Flandre. Dans la pratique pourtant, en participant au dialogue entre communautés, le SP.a permet à Leterme de commencer le boulot. L’opposition du SP.a va donc être constructive pour prouver d’être prêt à de nouveau participer à un prochain gouvernement. Il reste donc peu d’autre choix que de laisser Leterme I jusqu’en juin 2009 dans l’espoir d’arriver alors à un accord-cadre au sujet d’une réforme d’Etat.

    Chaque perspective sur la politique doit toutefois tenir compte de la période turbulente sur le plan social qui se trouve devant nous. Les conséquences de la crise économique et de la politique budgétaire peuvent tout gâcher pour Leterme & Co. Une classe ouvrière en marche pour le pouvoir d’achat et le travail va pousser ses revendications au gouvernement alors que selon la logique néolibérale du gouvernement, des assainissement sont nécessaires. Une fois les thèmes sociaux à l’avant-plan, le caractère asocial et néolibéral des partis au gouvernement sera clair. Ils vont probablement tenter d’éviter cela autant que possible avant les élections.

    Après les élections de 2009, on pourra alors démarrer avec une nouvelle composition – un gouvernement stable qui exigera probablement la participation des trois partis traditionnels – et commencer l’application du programme de la bourgeoisie belge. Une grande réforme d’Etat, dont il est possible d’avoir un cadre pour les élections, il est établi, peut alors rendre la politique néolibérale plus efficace en compliquant la résistance de la classe ouvrière. Nous ne pouvons accorder aucune confiance en ces partis néolibéraux. La classe ouvrière a besoin de son propre parti pour défendre ses revendications sur le terrain politique.

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