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  • Kazakhstan : Libération de Natalia Sokolova, l'avocate des grévistes du pétrole !

    Le régime est sous la pression de la campagne internationale

    Le 8 mars, la Cour Suprême du Kazakhstan a pris la décision de ‘requalifier’ les charges criminelles pesant sur Natalia Sokolova, l’avocate des grévistes de l’entreprise pétrolière “KarazhanbasMunai”. En conséquence, la sentence de 6 ans de prison rendue en août 2011 a été annulée. A la place, Natalia Sokolova a été condamnée à 3 ans de conditionnelles, elle sera sous la surveillance de la police pour 2 années supplémentaires et est interdite de participer à des “activités sociales” (c’est-à-dire des activités politiques ou syndicales). Elle a donc été relâchée et a pu retourner chez elle, auprès de son mari.

    Déclaration du Mouvement Socialiste du Kazakhstan

    Le Mouvement Socialiste du Kazakhstan félicite Natalia Sokolova, les travailleurs du Kazakhstan et, plus particulièrement, les travailleurs du secteur pétrolier de Mangystau pour la libération de Natalia Sokolova. Il s’agit là d’une victoire pour la classe ouvrière du Kazakhstan toute entière. Les autorités considéraient la condamnation de Natalia Sokolova comme un avertissement lancé à la population du Kazakhstan, afin de défier quiconque de lutter. Mais au lieu de cela, le régime a dû faire face à une campagne croissante de solidarité internationale, jusqu’au point d’être forcé de la relâcher.

    La campagne internationale de solidarité a impliqué plusieurs syndicats, syndicalistes, organisations de défense des droits de l’Homme, partis de gauche, etc. Un rôle particulièrement important a été joué par le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses différentes sections à travers le monde, qui ont organisé une série de piquet, de protestations et de conférences de presse exigeant, notamment, la libération de Natalia Sokolova. Depuis le Nouvel An, ce travail a été organisé par la Campaign Kazakhstan.

    Ce n’est pas une coïncidence si le Parlement Européen a discuté de la situation au Kazakhstan la semaine suivante. Grâce au travail de la Gauche Unitaire Européenne et, en particulier, de Paul Murphy (député européen du Socialist Party en Irlande et section irlandaise du CIO) ainsi que son équipe, même les factions de droite au Parlement ont soutenu la revendication de la libération de Natalia Sokolova dans leurs résolutions. Ces derniers ignorent généralement la condition des travailleurs et des syndicalistes, qui souffrent sous la poigne de régimes autoritaires, et préfèrent concentrer leur attention sur le cas des politiciens pro-capitalistes et des militants des droits de l’Homme. Mais grâce à la pression continue du bureau de Paul Murphy, cela ne s’est pas produit cette fois-ci. Il était quasiment certain que l’appel à la libération de Natalia Sokolova allait être repris par le Parlement Européen la semaine suivante.

    La visite d’Andrej Hunko au Kazakhstan (un membre du Bundestag allemand et du parti de gauche Die Linke) a également constitué un évènement important. Il soutient la Campaign Kazakhstan. Andrej Hunko a visité le Kazakhstan en tant qu’observateur durant les élections frauduleuses organisées par le régime dans le pays en janvier dernier. Il a utilisé cette opportunité pour visiter Natalia Sokolova en prison, pour lui exprimer sa solidarité et lui assurer qu’il participerait aux efforts visant à mettre le maximum de pression sur le régime.

    Piquets do solidarité

    Dans le monde russophone, la section russe du CIO a été impliquée dans l’organisation de piquets de solidarité dès le début du conflit social dans le pétrole. Plusieurs conférences de presse ont été tenues afin de briser le silence médiatique à propos de la grève et pour assurer que la libération de Natalia Sokolova soit soulevée à chaque fois que cela était possible. Par la suite, ce travail a été renforcé par des piquets tenus à Moscou, Saint Pétersbourg et Kiev avec l’aide d’autres groupes de gauche et d’organisations syndicales.

    En janvier, Natalia a été nominée par le syndicat Zhanartu (affilié au Mouvement Socialiste du Kazakhstan) pour recevoir le prix de l’International Trade Union Congress en tant que “syndicaliste de l’année”. Cette nomination est soutenue par Comité Norvégien Helsinki et par le Bureau International des Droit de l’Homme du Kazakhstan. Cette nomination à elle seule a causé un grand embarras au régime kazakh. Des pressions ont régulièrement été exercées par la sureté d’Etat (KNB) sur Natalia afin qu’elle rejette cette nomination.

    Le rôle joué par le Mouvement Socialiste du Kazakhstan dans le pays n’est pas non plus à négliger. Plusieurs actions et piquets ont été tenus au Kazakhstan, avec souvent à la clé l’arrestation des militants. Zhanna Baitelova, Dmitry Tikhonov et Arman Ozheubaev ont ainsi été détenus en prison durant deux périodes de 15 jours. Des dizaines d’autres activistes ont reçu des amendes pour avoir participé aux actions de protestation. Nos camarades du syndicat Odak ont assuré que l’information concernant ces arrestations et intimidations se répandent dans tout le pays.

    Maintenons la pression sur le régime

    Il est impossible de faire ici une liste complète de toutes les actions qui ont été organisées dans de nombreux pays, en Autriche, en Australie, en Belgique, à Hong Kong, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Irlande, aux USA, en Suède, en France, au Venezuela, au Pakistan et en Pologne. Des supporters en Irlande et en Belgique ont également déployé des banderoles lors de matchs où jouait l’équipe du Kazakhstan. Des piquets ont été tenus devant des grandes entreprises ayant des contrats au Kazakhstan à Londres et à Berlin. Des dizaines de délégations syndicales à travers le monde se sont aussi saisi du sujet.

    Même si Natalia est toujours considérée comme coupable, sa libération est une grande victoire pour le mouvement ouvrier et la campagne internationale de solidarité. Cela démontre que des victoires peuvent être obtenues malgré l’opposition du régime, des patrons et de leurs partisans sur la scène internationale, malgré aussi le silence des médias officiels et la résistance des bureaucrates syndicaux. La pression exercée sur l’Ak-ordy (la résidence présidentielle) a fonctionné. Nous devons maintenant poursuivre cette campagne et maintenir la pression pour la libération des 43 travailleurs du pétrole actuellement détenus pour “incitation au conflit social” et participation à des “réunions syndicales illégales”, pour la libération de Vadim Karamshin, pour le retrait des charges pesant contre les dirigeants de l’opposition Ainur Kurmanov et Esenbek Ukteshbayev, et pour la libération de tous les prisonniers politiques du pays.

  • Russie : Anatomie de l'“orangisme”

    Les révolutions oranges – ou “colorées” – tirent leur nom de la couleur des drapeaux de l’opposition ukrainienne qui est descendue dans les rues en 2004 contre le régime de Koutchma et la fraude organisée par ce dernier lors des élections présidentielles. Depuis lors, le “péril orange” est devenu le cauchemar de tous les régimes autoritaires de l’espace post-soviétique.

    Lev Sosnovski, CIO-Russie

    Nous ne partageons pas la position de ceux qui, dans les meilleures traditions conspirationnistes, cherchent les ennemis parmi de puissants services spéciaux étrangers, oubliant au passage le vieux dicton révolutionnaire : ”Le plus grand ennemi est celui qui se trouve dans ton propre pays” ; ni celle de ceux qui tentent d’esquiver l’importance de ces événements via des raisonnements selon lesquels ce qui serait en cours est une révolution “démocratique” ou “démocratique-bourgeoise”.

    La parade des dictateurs

    Le terme de “révolution démocratique-bourgeoise”, s’il signifie quelque chose, s’emploie essentiellement lorsque l’on parle de la période où la bourgeoisie jouait – ou estimait pouvoir jouer – un rôle, même partiellement progressiste, dans la lutte contre le féodalisme ou ses survivances sous la forme des représentants de la classe féodale qui se trouvaient au pouvoir et de leur bureaucratie qui y était liée. Il va de soi que politiquement parlant, il n’existe plus aujourd’hui dans les pays ex-soviétiques la moindre classe féodale, ni le moindre de ses vestiges. Toutes les révolutions et mouvements de masse de la dernière période – en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine, en Kirghizie (deux fois), en Serbie, etc. – se sont développés entièrement et pleinement sur le champ des relations bourgeoises.

    La crise de l’économie planifiée bureaucratique et de l’appauvrissement de masse qui en a découlé, qui a amené la “nécessité” de diviser la propriété d’État entre les capitalistes naissants et l’ex-bureaucratie des soviets et du Parti, a engendré un tel flot de conflits économiques, politiques et internationaux que dans l’espace “post-soviétique” – y compris les anciens pays staliniens d’Europe de l’Est – les “fusibles de la démocratie”, pour reprendre les mots de L. Trotski, ont tout simplement brûlé. C’est alors qu’est survenue une demande pour des Bonaparte de divers niveaux de dureté, que la bourgeoisie et la bureaucratie d’État, ayant une riche expérience en la matière, s’est dépêchée de satisfaire en abondance.

    C’est ainsi qu’au cours des 15-20 dernières années, nous avons vu défiler la longue série des Milosevic, Shevardnadze, Koutchma, Loukachenko, Akayev, Eltsine, Poutine, etc. Si leur nationalité et leur mode d’arrivée au pouvoir – coup d’État ou élections – varient, leur rôle social est le même : atomiser la classe ouvrière et les “nouveaux pauvres”, tout en expropriant politiquement la bourgeoisie grâce à l’usurpation du mécontentement des masses larges vis-à-vis des actions de la “première vague de privatisateurs”. Ainsi a vu le jour toute une pléiade de dictateurs et de demi-dictateurs, qui présentent aux travailleurs, au lieu de la “thérapie de choc”, un capitalisme “modéré”.

    Mais les relations sociales du capitalisme ont leur propre logique. Le bien-être des travailleurs ne croit pas, ou croit trop lentement et de manière disproportionnée par rapport à la croissance économique. Écartés du processus de redistribution des richesses, souffrant de la corruption et perdant la main dans la bagarre avec leurs concurrents plus proches de la bureaucratie, certains groupes de la bourgeoisie commencent à former une Fronde et à exiger la justice, des élections honnêtes et la démocratie. Le pouvoir, après avoir recouvert la société d’une chape de plomb, accumule sous lui-même un matériau si explosif qu’il est capable d’emporter en un clin d’œil toute la vieille superstructure. Et après ?

    Le vide à gauche

    Constatant la participation au mouvement en Ukraine en 2004 de divers groupes sociaux et politiques – de la bourgeoisie, de la petite-bourgeoisie, de l’intelligentsia, des nationalistes – chacun avec ses propres buts et intérêts – nous tirions néanmoins la conclusion suivante :

    « Mais aucune de ces parties, ni séparément, ni tous ensemble, ne sont en mesure de rassembler un demi-million de manifestants dans le centre de Kiev. Il existe encore […] la partie la plus importante – la jeunesse – les lycéens, les étudiants, les jeunes travailleurs. La majorité, si pas l’entièreté, d’entre eux participe pour la première fois à une telle action. Ils n’étaient pas des bourgeois, ni des petits-bourgeois, ni même des nationalistes. Et s’ils crient : « Gloire aux héros ! », c’est seulement pour pouvoir s’identifier en tant que groupe de référence ; personne à aucun moment ne leur a donné d’autres slogans.

    Un mouvement de masse aussi soudain de la part de la jeunesse kiévienne démontre toute la profondeur de la crise sociale en Ukraine. La jeunesse ukrainienne voit très bien la vie de galère qui l’attend demain. Sa protestation est strictement sociale, mais pas pleinement consciente, et c’est pourquoi elle prend la forme d’un soutien à Viktor Youchtchenko. Cette protestation tire sa source en premier lieu de la non-reconnaissance de la réalité et d’une volonté de changement. Et deuxièmement, de l’absence de toutes sortes de peurs face aux changements. Mieux vaut n’importe quel changement, que la stagnation actuelle, ça ne pourra de toute manière pas aller pire.

    Les masses de leur côté ont fait tout ce que peuvent faire des travailleurs non-organisés – dépourvues de leurs propres slogans, programme et direction. Elles ont fait irruption au parlement, ont bloqué les routes, se sont bagarrées avec les policiers, ont fait dégager les dictateurs putréfiés. Mais à leur place tout de suite sont arrivés des représentants de cette même classe, qui déjà le lendemain avaient oublié toutes leurs promesses aux participants de base au mouvement, laissant de ce fait aux travailleurs un sentiment persistant de désenchantement par rapport à “la politique”. »

    Le rôle dirigeant des libéraux dans ces événements est compréhensible et explicable – ils ont assez d’argent pour pouvoir louer des propagandistes, soutenir leurs propres médias, imprimer à des centaines de milliers d’exemplaires leurs brochures et affiches, c-à-d. insister par tous les moyens le fait que ce sont eux et eux seuls qui sont à la tête du mouvement et qui représentent tous les espoirs et attentes des manifestants. Et dans cette situation, il est tout à fait logique que se forment des blocs de prime abord contre toute nature. C’est ainsi qu’on voit aujourd’hui “Solidarnost” et “Yabloko” reproduire la coalition “orange” du modèle ukrainien – le bloc des ultra-libéraux et de l’extrême-droite.

    Que de la tribune les discours se succèdent à qui mieux-mieux sur le caractère “national” et “russe” de la révolution – tant qu’elle n’est pas sociale. Que la jeunesse se batte avec l’OMON en tant que hooligans, pas en tant que travailleurs en grève. Il faut à tout prix récupérer le mouvement atomisé, l’empêcher de créer ses propres structures à la base.

    La classe ouvrière, de son côté, ne peut contrer cette comédie de fraternisation universelle que grâce à sa propre organisation. Mais là où devraient se trouver des organisations qui proposent aux masses insurgées un programme clair et un plan d’action, afin de ne pas laisser se disséminer l’énergie du mouvement et de faire passer la révolution du plan politique au plan social, régnait et règne toujours un vide béant. Les monstres en putréfaction des partis “communistes” post-soviétiques exhalent autour d’eux une puanteur de conformisme et de corruption. Et les formations plus petites, au lieu d’aller vers les masses avec leurs propres slogans et programme, soit se métamorphosent en suppôts des libéraux, répétant leurs slogans et symboles, soit attendent que les étudiants, les travailleurs et les petits fonctionnaires arrivent d’eux-mêmes en disant : « Bonjour, nous voulons le socialisme ! ». À moins qu’elles ne se débarrassent des événements par une analyse “profonde” du style “Que la peste soit sur vos deux maisons”. Mais une telle position est stérile.

    Aller sur les places !

    Nous proposons de construire notre propre participation aux actions de masse sur base de quelques principes simples et clairs :

    • L’isolation dans le temps des actions de masse inévitablement démoralise le mouvement et le repousse en arrière.
    • Nous devons absolument soutenir le droit démocratique du peuple aux élections, y compris le droit d’information sur le résultat véritable. Il est tout à fait évident que les résultats finaux sont truqués. Et pour cela, pas même besoin de recompter les bulletins : si la majorité est convaincue qu’il y a eu falsification, cela signifie que ç’a été le cas. Aujourd’hui c’est la rue qui décide, et pas la Commission électorale centrale. En fait, nous avons vu se produire devant nous le “deuxième tour des élections”, dans lequel les masses prolongent le vote, mais cette fois-ci selon leurs propres règles.
    • Nous disons aux gens qui sont sortis sur les places : « Nous sommes contre l’opposition qui récupère le mouvement. Ils représentent la bourgeoisie, nombre d’entre eux étaient d’anciens hauts fonctionnaires, et nous nous sommes toujours battus contre eux. Mais si la majorité vote pour eux, alors ainsi soit-il. Les autorités officielles qui tentent de contester ce choix sont nos ennemis, tout comme les vôtres. Vous êtes venus ici spontanément sans objectif politique clair, sans programme, sans organisation. Vous avez reçu tout cela déjà préparé ici de la part de Nemtsov, Kassianov, Navalny, de la part des nationalistes, de la part de tous ces gens qui avaient une organisation et un programme. N’est-ce pas ? Mais s’il existait une organisation politique qui représente vos propres intérêts, les intérêts des simples travailleurs, alors tout serait différent. Imaginez seulement qu’il existe de puissants syndicats regroupant des millions de travailleurs, avec une direction résolue. Est-ce que dans cette atmosphère turbulente, ils ne pourraient pas à leur tour dicter leur propre volonté ? »
    • Il ne faut pas attendre que vienne le grand soir. À un moment donné les groupes marxistes doivent être avec les masses et lutter avec elles, et doivent tout faire pour être entendus. Et même si aujourd’hui nous n’obtenons aucune réponse, demain, quand notre pronostic s’avérera justifié, beaucoup de gens se rappelleront de nos tracts et de nos discussions. Ceux qui viendront à nous à partir des manifestations d’aujourd’hui, arriveront à nous pour longtemps.

    L’opposition voudrait bien la richesse et la propriété, c’est pourquoi elle a besoin de sa propre Douma et de son Président. Mais ça, c’est son affaire. Ce qu’il nous faut, c’est une agitation et une propagande marxistes, des contacts, une organisation. Ils veulent s’emparer de la machine de répression d’État pour la repeindre, la régler sur le ton “démocratique” nécessaire, la contraindre à œuvrer pour leurs propres objectifs – c-à-d., défendre les 1% de capitalistes contre les 99% de travailleurs. Mais notre but – c’est de la détruire. Voilà toute la différence.

  • Journée historique au Kazakhstan

    Ce vendredi 16 décembre 2011 restera à jamais marqué d’une encre des plus sanglantes dans l’histoire contemporaine du Kazakhstan, des mains de ce régime depuis longtemps déjà criminel, celui de Nazarbayev. En ce jour, des centaines de grévistes et de citoyens pacifiques ont été victimes des tirs d’armes automatiques des soldats et des policiers ; le nombre exact de victimes n’est toujours pas connu. Tout cela est le résultat d’une provocation policière arrangée contre les participants à la manifestation non violente des travailleurs du pétrole en grève et des résidents de la ville de Janaözen, manifestation qui, comme cela avait été annoncé, avait commencé dès le matin sur la grand-place de la ville. Les travailleurs et les membres de leur famille étaient venus protester contre les actions des autorités, unilatéralement et totalement favorables aux patrons, ainsi que pour demander la reprise des négociations et la libération de Natalia Sokolovaïa, leur avocate.

    Par Résistance Socialiste (CIO-Kazakhstan)

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    Pour en savoir plus


    Actions de solidarité

    Belgique : la dictature kazakhe également à l’œuvre à Bruxelles ?

    De pacifiques supporters qui voulaient soutenir les travailleurs du pétrole au Kazakhstan et dénoncer la répression à l’œuvre dans ce pays au régime dictatorial ont implacablement été arrêtés lors du match de ce vendredi 7 octobre entre les Diables Rouges et l’équipe du Kazakhstan. Le pouvoir dictatorial du Président Nazarbayev s’étend apparemment jusqu’à Bruxelles…


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    Selon les communications que nous avons reçues des travailleurs, un fourgon de police a déboulé à grande vitesse, fonçant vers la foule de citoyens. Les travailleurs, poussés au désespoir, sont passés à des actes plus radicaux. Il est évident que la provocation policière était bien consciente, afin de contraindre les grévistes à passer à des mesures extrêmes. Ne supportant pas les railleries et les vexations, les travailleurs ont renversé les barrières policières et, vers midi, ils ont pris d’assaut le bâtiment de l’äkimat (c’est-à-dire l’Hotel de ville) de Janaözen et le bureau de la filiale de production de la société ÖzenMunayGaz, de même qu’un hôtel et d’autres bâtiments administratifs.

    À la suite de cela, la presse pro-gouvernementale a inventé une histoire selon laquelle les travailleurs soi-disant enragés avaient attaqué des enfants qui étaient venus avec des drapeaux et des ballons au concert donné pour célébrer les vingt ans de l’indépendance du Kazakhstan ! Il était clair que cela n’était qu’un pur mensonge de plus, mais cette information s’est tout de même répandue avec insistance sur l’internet, avant que les réseaux sociaux n’aient été bloqués vers 15h.

    Et donc, vers 12h45, les forces de l’OMON (police anti-émeute) et de l’armée ont été envoyées contre les grévistes et les habitants de la ville, en utilisant leurs armes à feu. C’est à ce moment que sont tombés les premiers morts et blessés. Les grévistes ont été bombardés de bombes fumigènes, de gaz lacrymogènes, de grenades aveuglantes, tout cela dans l’unique but de chasser les manifestants hors de la place. Malgré le recourt à des armes à feu, les travailleurs ont commencé à désarmer les policiers et, vers midi, occupaient pratiquement toute la ville.

    À ce moment les autorités ont décidé de mettre en mouvement des unités de brigades spéciales de marines et de tanks venus d’Aqtau, qui déjà avaient été apprêtés pour l’occasion. En conséquence de l’ordre qui avait été donné d’ouvrir le feu, des dizaines de personnes sont mortes ; le nombre de décès s’élevait déjà à 70 tués vers 14 heures locales, et il est bien possible que ce chiffre ait été porté à 150 d’ici à ce samedi matin. Ces données ont été communiquées par les travailleurs eux-mêmes, qui sont parvenus à rester en contact téléphonique permanent avec nous à la rédaction.

    Les tanks et les soldats sont arrivés à Janaözen en soirée, et les travailleurs et habitants, qui étaient descendus en masse dans les rues de la ville, ont à nouveau été évincés de la place et des points-clés en banlieue par l’emploi de “moyens spéciaux”. Mais cette répression n’a que très peu rapporté aux autorités, puisque vers midi déjà, toutes les exploitations pétrolières de la compagnie ÖzenMunayGaz avaient cessé le travail en solidarité. La grève a par la suite été rejointe par les travailleurs de toutes les entreprises d’extraction de la province de Mangistau.

    Une partie des travailleurs a résisté toute la nuit contre les militaires, et jusqu’au matin ont eu lieu en banlieue des escarmouches et des batailles de rues. Le véritable nombre de morts reste pour l’instant inconnu. On sait que tandis qu’ils battaient en retraite, les travailleurs ont emporté les corps de leurs camarades. En plus de tout cela, tous les hôpitaux de Janaözen et d’Aqtau ont été submergés de blessés dans l’après-midi, et au centre de transfusion sanguine, on appelait constamment à de nouveaux donneurs de sang. Il semblerait qu’environ 150 personnes aient été arrêtées, dont 4 membres du Mouvement Socialiste du Kazakhstan, l’organisation dans laquelle milite la section kazakhe du CIO, Résistance Socialiste. Ce matin, 4.000 ouvriers de l’entreprise pétrolière Kalamkas ont stoppé le travail en revendiquant que l’entreprise cesse ses activités à Janaözen.

    Toutes les forces et moyens possibles ont été employés contre les travailleurs en lutte. À Janaözen comme dans les villages voisins, l’électricité a été coupée. Le réseau téléphonique et internet ne fonctionnent plus et, afin de stopper la diffusion de l’information concernant le nombre de morts et de blessés, tous les réseaux sociaux ont été bloqués, de même que les sites internet de l’opposition et notre propre site www.socialismkz.info.

    Il semble que l’accès à tous les sites du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) ait été bloqués sur l’ensemble du territoire kazakh, notamment notre site russe où est organisée une mise à jour constante sur la situation au Kazakhstan. En réponse à l’intervention des travailleurs du pétrole, le ministère des Affaires étrangères a tout d’abord nié l’existence de morts et de blessés ; ce n’est que tard au soir que les autorités ont accepté comme fait établi la mort d’une dizaine de personnes.

    Dans cette situation, le CIO a pu rapidement organisé des actions de protestation en Belgique, en Autriche, en Allemagne, en Angleterre, et en Suède. Aujourd’hui, de nouvelles actions sont organisées en Grèce, en Irlande, aux États-Unis et dans d’autres pays. Notre député européen Paul Murphy (élu de notre section en République irlandaise) a organisé une conférence de presse sur la situation au Kazakhstan. Une campagne spéciale se développe aussi en solidarité avec les militants syndicaux et sociaux en lutte au Kazakhstan. Hier à Odessa et à Kiev, d’autres organisations de gauche ont été déposer des fleurs avec une oraison funèbre devant les représentations du Kazakhstan. Le célèbre défenseur russe des droits de l’Homme Lev Ponomarev a lui aussi rapidement réagi aux événements avec un communiqué spécial. La Conférence du Travail de Russie est également intervenue avec une déclaration adressée aux autorités kazakhes.

    Les événements continuent à se développer pour l’instant, mais une seule chose est claire : la lutte de classe au Kazakhstan a à présent pris les formes les plus âpres, et en ce moment tout le succès ultérieur du mouvement ouvrier dépend de l’unité des travailleurs eux-mêmes et de la possibilité de rapidement s’associer en une lutte généralisée.

    La situation actuelle rappelle douloureusement le dimanche sanglant du 9 janvier 1905 et le massacre de la Léna en 1912, qui ont constitué des points tournants dans le développement de la conscience des travailleurs en tant que classe et dans la formation d’orientations politiques nettes. Les autorités de leur côté ont quant à elles démontré qu’elles ont la ferme intention de noyer dans le sang la lutte des travailleurs, sans lâcher la moindre concession.

    Cela n’a fait que montrer une fois de plus à tous les travailleurs le véritable visage du régime actuel, qui n’existe que pour la défense des intérêts des patrons et de cette bourgeoisie d’oligarques. Ces événements posent à nouveau la question de l’auto-organisation et d’un programme d’actions clair. Nos positions dans toutes ces questions restent inchangées – la création de syndicats unis et la construction de leur propre parti politique par les travailleurs.

    Les principaux slogans et revendications de la lutte actuelle sont les suivants :

      1. Halte à la guerre, l’armée et la police hors de la province de Mangistau !
      2. Enquête immédiate sous le plein contrôle de la population, afin d’établir qui a donné l’ordre d’ouvrir le feu !
      3. Accepter toutes les revendications des travailleurs !
      4. Libération des prisonniers politiques, dont Natalia Sokolovaïa, l’avocate des grévistes !
      5. Démission immédiate du président et du gouvernement !
      6. Création de comités d’action des travailleurs et des habitants dans toutes les régions et dans les entreprises pour la coordination des interventions !
      7. Non aux provocations et à la division sur base nationale, pour l’unité des travailleurs de toutes les nationalités en une lutte généralisée !
      8. Tous dans les rues avec pour but l’organisation du mouvement, pour la grève générale !
      9. Boycott des élections parlementaires, pour une liberté complète de formation d’organisation sociales, politiques et syndicales !
      10. Toutes les richesses du Kazakhstan, entreprises et banques sous le contrôle de comités de travailleurs !
      11. Pour la création d’un parti de masse des travailleurs !
      12. Pour la convocation d’une assemblée constituante révolutionnaire des travailleurs et des couches proches en vue de la formation de nouveaux organes de pouvoir démocratiques !
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