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Nigéria : La “Journée de l'Enfant” 2012
Luttons pour défendre les droits de l’enfant et pour une société meilleure
Nous avons célébré ce 27 mai la journée de l’Enfant au Nigéria. Mais cela n’est au final qu’une journée de plus où les politiciens capitalistes se lamentent et poussent des hauts cris face à l’horreur à laquelle sont confrontée des millions d’enfants de part le monde, tout en promettant solennellement de ne rien faire jusqu’à l’an prochain.
Seun Ogunniyi et HT Soweto, SPN (CIO-Nigeria)
La journée de l’Enfant est célébrée à diverses dates dans de nombreux pays du monde. Au Nigéria, cette journée est surtout observée par le gouvernement et par les ONG. À part donner un jour de congé aux élèves, pratiquement rien n’est fait par le gouvernement afin d’utiliser cette journée pour mettre en avant le véritable plan social qui est nécessaire afin de mettre un terme à la multitude de problèmes qui affectent les enfants. En général, ce n’est qu’une nouvelle occasion pour les gouvernements et les politiciens de faire résonner la fanfare, tout en laissant les problèmes irrésolus jusqu’à l’année suivante. Même la plupart des ONG censées défendre les droits de l’enfant oublient souvent d’utiliser cette journée afin de proposer un programme de campagne pour lutter pour une véritable amélioration des conditions sociales des enfants.
Selon le CIA Fact Book, 42% de la population nigériane est composée d’enfants. Sous les conditions de vie brutales que connait la vaste majorité des Nigérians, les enfants constituent un très grand groupe social vulnérable qui est particulièrement menacé.
Une enfance de cauchemar
Très peu de gens dans notre pays, à part quelques enfants de familles riches et bien placées, peuvent dirent avoir eu une enfance heureuse, et ce, surtout depuis le début de la politique néolibérale anti-pauvre qui a commencé dans les années ’80.
La vieille génération qui a grandi dans les années ’70 et au début des années ’80 garde cependant toujours de bons souvenirs de leur jeunesse. Pour la nouvelle génération, ces souvenirs paraissent être des contes de fées. Cela en raison des conditions de vie effroyables que la plupart des parents et des familles connaissent au Nigéria. Mis à part quelques moments de bonheur que les familles ouvrières tentent de créer pour leurs enfants, il n’y a que très peu de choses faites par le gouvernement pour assurer une enfance heureuse.
Le Nigéria est un pays tout aussi âpre pour les enfants qu’il l’est pour les adultes. Les maux du capitalisme et de la société immensément inégale qu’il a créée sont durement ressentis par la plupart des enfants de familles ouvrières et pauvres pendant leurs premières années. La malnutrition, les maladies telles que la polio et la méningite, les mauvaises conditions de logement, la pauvreté, les violences, les viols, le manque d’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux autres besoins de base laissent tout autant de cicatrices qui ne disparaitront pas à l’âge adulte.
Le Nigéria a un très haut taux de mortalité infantile, à 93,93 pour mille naissances. Comparons cela à 6,31‰ aux États-Unis. Cela est la conséquence de l’effondrement du système de soins de santé publics. Une majorité des enfants naissent dans les églises, dans les mosquées, chez le marabout, et autres lieux insalubres, parce que la plupart des familles pauvres ne peuvent pas se permettre le cout des hôpitaux privés. Cela explique aussi pourquoi nous ne disposons d’aucune statistique exacte du taux de naissances, puisqu’une majorité des naissances se déroulent là où on personne ne les enregistre.
L’effondrement des soins de santé publics signifie que la santé des enfants est de plus en plus mise à mal. Le Projet national pour le contrôle de la malaria lancé par le ministère de la Santé a découvert qu’environ 300 000 enfants nigérians meurent de la malaria chaque année, et que 4 enfants sur 10 sont infectés par le parasite de la malaria. Le Nigéria est aussi le pays avec le record mondial de transmission du sida de la mère à l’enfant. Selon M. Mitchel Sidible, directeur exécutif du Programme des Nations-Unies pour le sida (UNAIDS), ‘‘Nous avons aujourd’hui au Nigéria 70 000 bébés qui naissent chaque année avec le sida’’ (This Day, 29 avril 2012). On estime également à 1,8 millions le nombre d’enfants orphelins du sida au Nigéria (dont les parents sont morts du sida).
Ces conditions affreuses qui affligent les enfants ne pourraient être autrement dans un pays où 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté et n’a pas accès à de bonnes maisons, à l’électricité ni à de l’eau potable, malgré le fait que le Nigéria est un des premiers producteurs de pétrole sur le plan mondial. Les familles à bas revenu ne peuvent pas se permettre une alimentation même la plus basique, les soins de santé, l’éducation et autres besoins sociaux pour leurs enfants.
Les conditions des enfants sous aussi un reflet de l’oppression que subissent les femmes sous le capitalisme. La situation est bien pire pour les mères célibataires, qui sont souvent sans emploi. Du fait du manque de crèches ou de homes à financement public qui pourraient aider les mères pauvres ou célibataires à élever leurs enfants, le nombre de bébés abandonnés augmente de plus en plus au Nigéria.
Pour les enfants abandonnés, la survie lors des premières années est un véritable défi. Paradoxalement, le gouvernement a laissé l’accueil des enfants abandonnés à des ASBL, à des organes religieux et à des individus charitables, ce qui signifie que seuls quelques-uns de ces enfants abandonnés connaitront la chance d’être recueillis et élevés. La majorité d’entre eux meurt au coin d’une rue où leur mère – souvent une mère célibataire, ou dont le père a refusé la responsabilité d’élever l’enfant – les a abandonnés dans l’espoir qu’un Bon Samaritain les ramasse.
Exploitation et violence sur les enfants
Après leur naissance difficile, beaucoup d’enfants connaitront très tôt la joie du travail. Le travail des enfants est un phénomène de plus en plus répandu au Nigéria. Rien que dans notre pays, l’Organisation internationale du travail estime à plus de 12 millions le nombre d’enfants âgés de 10 à 14 ans qui est contraint aux travaux domestiques ou à la prostitution. Il n’est guère surprenant de constater que ce nombre correspond presque entièrement au nombre estimé d’enfants non-scolarisés au Nigéria. Sans un accès à l’éducation, les enfants deviennent vulnérables et se voient contraints de travailler.
Toutefois, la hausse du travail des enfants est étroitement lié aux attaques sur le revenu de la classe ouvrière et des familles pauvres. Les politiciens des principaux partis anti-pauvres au pouvoir tels que le PDP et l’ACN préfèrent ne pas mentionner ce fait et au lieu de ça, faire porter le blâme aux parents. Parfois, certains gouvernements régionaux ont menacé ou même tenté de faire passer des lois qui pénalisent les parents dont les enfants sont trouvés en train de travailler dans la rue.
Cependant, cela ferait bien longtemps que le problème du travail des enfants aurait été résolu si on pouvait juste le faire disparaitre par un ou deux décrets. Mais la cause véritable du travail des enfants se trouve dans l’abandon du financement des infrastructures publiques par le gouvernement et dans les conditions de misère que connaissent la majorité massive des parents ouvriers et des familles pauvres. Et seule une politique visant à améliorer les conditions de vie des parents travailleurs pourra réellement enclencher un début d’amélioration des conditions pour les enfants aussi.
Les parents qui ont perdu leur emploi ou dont le salaire ne suffit pas à subvenir aux besoins de base de leur famille se voient souvent contraints de créer leur propre petite entreprise (épicerie, etc.) afin d’accroitre le revenu familial. C’est dans de tels cas que l’on voit les enfants, bien souvent dès l’âge de cinq ans, parcourir les rues après l’école afin de vendre leur marchandise. On en voit même dans la rue pendant les heures d’école – ce qui signifie certainement qu’ils ne sont pas scolarisés. Cette pratique, en plus d’influencer négativement les performances académiques des enfants, a aussi pour conséquence le fait qu’ils sont fatigués et que leur esprit ne peut se consacrer au temps de jeu et de repos que requiert leur âge afin de pouvoir se développer en individus normaux, énergiques et heureux.
Il y a aussi la menace de la traite et du trafic d’enfants. Des parents pauvres ou ignorants se voient souvent promettre une “vie meilleure” pour leurs enfants qu’ils abandonnent ensuite à des trafiquants. Le manque de services sociaux public et l’inaction du gouvernement ne leur laisse que peu de choix, ils sont facilement trompés par les fausses promesses des esclavagistes.
Les violences faites aux enfants au sein de la famille comme en-dehors sont également en croissance. À cause des médiocres conditions de logement au Nigéria, les familles ouvrières et pauvres vivent entassés les uns sur les autres dans un seul logis où se retrouvent souvent cinq à dix autres familles, sans toilettes ni salle de bain privée ; les enfants manquent souvent d’espace où pouvoir grandir en toute sécurité. Souvent, et surtout au moment où ils entrent dans l’adolescence, ils deviennent victimes d’adultes qui bien souvent vivent dans le même bâtiment ou dans la même enceinte. Parfois, cela se passe à l’école.
Nous voyons de temps à autre dans les médias des rapports terrifiants concernant les violences faites aux enfants. Parfois, les enfants sont abusés par leur famille proche ou par leurs voisins. M. Michael Gbarale, cadre de l’organisation Stepping Stones Nigeria à Port Harcourt, a par exemple estimé qu’en six mois, pas moins de 18 cas de viols ont été rapportés rien qu’à Port Harcourt. Gbarale, cependant, se plaignait que seuls deux de ces dix-huit cas aient eu des conséquences judiciaires. Tous ces cas incluaient une fillette de 13 ans violée par un groupe de garçons, un homme qui harcelait ses deux sœurs âgées de 6 et 3 ans, et une fille de 10 ans violée sous la menace d’une arme à feu (Vanguard, 10 mars 2012).
Il y a une culture de silence autour du viol, due aux conséquences sociales que cela entraine. Les violences faites aux enfants sont souvent cachées, laissant l’enfant victime sans aucun soutien psychologique. Dans certains endroits du pays, des centaines d’enfants accusés d’être des “enfants-sorciers” sont enfermés dans d’étroites cellules par des institutions spirituelles. Ils sont souvent torturés pendant des journées entières. La police ne donne souvent qu’une réponse fortement inefficace aux plaintes de viols ou de harcèlement. Parfois, tout ce qu’elle peut faire est d’enfermer les coupables, mais il n’y a jamais d’aide médicale ou psychologique pour les enfants victimes. Les conséquences sociales de tout ceci est une masse d’enfants traumatisés qui, ayant connu l’expérience d’une forme de violence ou d’une autre, conservent ce traumatisme à l’âge adulte.
S’en prendre aux véritables coupables
La cause des horribles conditions de vie des enfants est le capitalisme et l’inégalité, la misère en plein milieu d’un pays d’abondance, et l’insécurité de vie qu’il crée pour l’immense majorité des familles de travailleurs et pauvres. Selon l’Office national des statistiques, plus de 100 millions de Nigérians vivent avec moins de 2 dollars par jour, sur une population du pays estimée à 170 millions.
L’immense majorité de la population est dépourvue d’un accès à des services de base qui sont nécessaires pour assurer aux enfants une enfance décente, tels que des logements vivables, des emplois corrects pour leurs parents, l’électricité, l’accès à l’éducation et aux soins de santé. La politique gouvernementale de sous-financement de l’enseignement – afin de faire payer les frais par les parents et par le secteur privé – signifie que plus de 12 millions d’enfants en âge d’être éduqués ne vont pas à l’école. Les filles sont une grande majorité de ces enfants non-scolarisés.
Bien que l’enseignement, s’il faut en croire le Child Rights Act étatique, soit un droit pour chaque enfant, les enfants nigérians sont dans les faits frustrés de ce droit. Au Nigéria, le Child Rights Act promulgués en 2003 par le gouvernement fédéral avait pour objectif d’assurer la protection des droits de l’enfant. L’article 1er, qui concerne le droit à la vie, est renforcé par les articles 7 et 8 qui donnent à chaque enfant nigérian le droit à un enseignement de qualité et à des soins de santé. Il y est clairement établi que le gouvernement doit rendre l’enseignement obligatoire et gratuit pour tous, tout en encourageant un accès égal à l’enseignement pour toutes les couches de la société, y compris les enfants handicapés. Malheureusement, ce texte de loi n’est pas entré en vigueur à tous les niveaux de gouvernement. On retrouve la même situation d’insouciance gouvernementale concernant l’accès à des infrastructures sociales de base en ce qui concerne l’accès aux soins de santé.
Les petites filles et les enfants handicapés courent souvent encore plus de risques de ne pas pouvoir entrer à l’école à cause de la misère ou du fait du manque d’infrastructures capables d’assurer leur accueil. Dans un pays tel que le Nigéria, où les médecins et les enseignants partent régulièrement en grève à cause du fait que le gouvernement s’inquiète moins de leur sécurité sociale que de celle des autres travailleurs, un enseignement et des soins de santé de qualité ne sont pas garantis.
Les gouvernements à tous les niveaux, via leur politique du “partenariat public-privé”, ont abandonné l’enseignement et la santé aux mains de quelques investisseurs privés. Ces derniers ont assuré leur commercialisation. Les parents sont à la merci des propriétaires des écoles privées, parce que les écoles étatiques sont mal équipées et sous-financées. Malheureusement, nombre de ces écoles privées, malgré les énormes factures qu’il faut payer pour pouvoir y accéder, ne sont bien souvent rien d’autre que des taudis manquant par exemple d’espace de récréation dans lequel les jeunes élèves puissent apprendre et développer leurs capacités mentales et physiques, en plus de pouvoir participer à des activités sportives.
La vie des enfants mise en péril au nom du profit
Sous le capitalisme, la situation ne peut qu’empirer et seule une alternative socialiste peut améliorer la condition des enfants à tous points de vue. C’est parce que le capitalisme fait toujours passer le profit avant le bien-être des gens, y compris les conditions de vie des enfants. L’affaire Pfizer, dont le procès a duré 15 ans, est un bon exemple de cela.
En 1996, une épidémie de choléra, de rougeole et de méningite a éclaté au Nigéria. Des représentants de Pfizer, une des plus grandes compagnies pharmaceutiques au niveau mondial, se sont alors rendus à Kano au nord du Nigéria pour y administrer un antibiotique expérimental, nommé trovafloxacine (ou Trovan), à environ 200 enfants. Environ 50 sont morts, tandis que nombre d’autres ont développé des difformités physiques et mentales. Selon les rapports, ‘‘Les chercheurs n’ont pas obtenu de formulaires d’assentiment signés, et le personnel médical de Pfizer n’a pas informé les parents que leurs enfants allaient recevoir un médicament expérimental.’’
En 2001, les familles des enfants, ainsi que les gouvernements de l’état de Kano et du Nigéria, ont attaqué Pfizer en justice au sujet de ce traitement et pour ‘‘utilisation d’une épidémie afin d’accomplir des tests sur des sujets humains sans approbation, en plus d’avoir expressément sous-dosé le groupe contrôle traité aux antibiotiques traditionnels et ce, dans le seul but de truquer les résultats de l’expérience au profit du Trovan.’’ Il a fallu 15 ans de procédures judiciaires et de scandale public au Nigéria et dans le monde, pour contraindre Pfizer à payer des compensations aux familles des victimes.
Cette affaire a révélé au grand jour la putréfaction de l’élite dirigeante corrompue du Nigéria, qui n’a pas établi la moindre protection ou régulation contre l’usage de nouveaux traitements et d’expérience médicales. Là où les lois et régulations existent, elles sont en général ignorées par les bureaucrates du ministère de la Santé qui sont dans la poche des compagnies pharmaceutiques. Cette manière de procéder est similaire à celle adoptée par les compagnies pétrolières qui suivent des pratiques de production et de fonctionnement brutales et dangereuses, causant des destructions à l’environnement, aux sources d’eau potable, aux étangs de pêche, à l’agriculture et aux conditions de vie en général dans la région du delta du Niger et ce, avec le plein assentiment des autorités.
Dans ce contexte d’effondrement du secteur de la santé et de corruption légendaire des hauts fonctionnaires dans le ministère de la Santé et dans le gouvernement, les Nigérians sont considérés comme guère plus que des cobayes pour les multinationales pharmaceutiques qui ne respectent rien, pas même la vie humaine, dans leur recherche frénétique de profit. Une étude récemment publiée par des chercheurs nigérians de l’Université de Lagos a révélé qu’une énorme proportion des médicaments utilisés pour traiter la malaria (produits par de grandes multinationales) ne correspondent en réalité pas aux normes de traitement requises ! Malgré le tollé que cette étude a provoqué dans la société, le seul résultat en a été une série de dénis dans la presse, quelques remontrances et beaucoup de “c’est pas moi c’est lui”.
Tout ceci démontre bien que le même style d’affaire peut très bien se répéter à nouveau encore et encore dans le futur, causant de nouvelles dévastations et morts d’enfants.
Une vie décente est possible, pour les enfants comme pour les adultes
Il faut que les syndicats, les groupes de défense des droits de l’homme et les organisations pro-masses se réunissent pour établir un programme d’actions afin de lutter pour le droit des enfants, y compris le droit à l’éducation, à une vie décente, à des soins de santé et à un avenir.
Alors que de nombreux gouvernements ont souvent adopté une rhétorique très dure à l’encontre du “travail des enfants” – en particulier du colportage de rue -, ils ont toujours adopté une démarche contre-productive qui consiste à menacer les parents pauvres qui demandent à leurs enfants d’aller vendre des marchandises afin d’arrondir le budget familial. Mais la véritable cause du travail des enfants reste les conditions de misère de masse qui afflige des millions de familles travailleuses et pauvres – misère empirée par la politique néolibérale capitaliste de sous-financement et de commercialisation de l’enseignement.
C’est pourquoi toute campagne qui vise à protéger les droits des enfants doit également inclure et mettre en avant d’une manière la plus énergique qui soit la revendication d’un enseignement réellement gratuit à tous les niveaux, de même que la gratuité des soins de santé, en plus de la création de services publics étatiques tels que des orphelinats, des centres d’accueil, et autres services de garde des enfants pour les mères célibataires, tout cela sous le contrôle démocratique des parents, des travailleurs et de la communauté. Seule l’organisation de ce genre de services sociaux et leur extension à l’échelle nationale, y compris dans les zones rurales, pourra apporter le début d’une solution et d’une vie décente pour les enfants du Nigéria.
Aucun des partis politiques du Nigéria ne possède le moindre programme capable de libérer les enfants des conditions horribles auxquelles ils sont confrontés en grandissant. D’ailleurs, ces partis ne disposent pas non plus d’un programme capable de résoudre la crise du chômage, du sous-développement, de la misère de masse et de l’inégalité qui ravage la société. En vérité, la politique de privatisation, de commercialisation et de dérégulation qui est mise en œuvre par tous les partis dirigeants actuels partout dans le pays ne fait qu’aggraver la situation en détruisant les derniers vestiges de tout programme social au niveau de l’enseignement et des soins de santé, ce qui ne fait qu’ajouter aux problèmes sociaux qui affectent les enfants.
Il est temps de bâtir un parti politique alternatif des travailleurs, des jeunes, et des pauvres, qui puisse apporter une réelle politique pro-pauvre afin d’endiguer les problèmes sociaux qui affectent les enfants et populations vulnérables dans la société, tout en montrant aussi la voie hors des conditions de misère de masse qui afflige la vaste majorité des Nigérians, une misère au milieu d’un pays d’abondance.
Une véritable solution à la condition sociale de l’enfant nigérian ne pourra émerger qu’à partir du moment où seront nationalisés les secteurs-clés de l’économie du Nigéria, sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population laborieuse. Il sera alors possible de récupérer la richesse volée par les 1 % et de commencer à l’investir afin de restaurer notre infrastructure sociale décrépie et de fournir un enseignement, des soins de santé et tous les services nécessaires à une vie décente pour nos enfants, qui pourront alors grandir en sachant qu’ils auront un avenir une fois adultes.
Cela signifie que la lutte pour défendre les droits des enfants et pour assurer la survie de la prochaine génération ne sera victorieuse qu’une fois le capitalisme et sa politique anti-pauvre seront éliminés et que le Nigéria sera restructuré selon des lignes socialistes et démocratiques.
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Le capitalisme a continué à aggraver la situation des femmes
Rejoignez la lutte pour une alternative socialiste
La journée internationale de la Femme est un événement annuel célébré le 8 mars partout dans le monde. Il offre l’occasion de mettre en avant la triste situation pour les femmes du monde et de réaffirmer la manière dont nous pourrons en sortir, tout en célébrant la contribution héroïque des femmes à la lutte des travailleurs contre les divers maux engendrés par le capitalisme. Bien que cette journée tire sa source des luttes des femmes américaines du 19ème siècle pour de meilleures conditions de travail et un salaire égal, elle est par la suite devenue une journée internationale de la Femme sur base d’une résolution des femmes socialistes de la Seconde Internationale lors d’une conférence en 1910. Les Nations-Unies célèbrent depuis 1975 cette journée chaque année en tant que journée des Nations-Unies pour les droits de la Femme et pour la paix dans le monde, dans un effort évident de détourner l’attention des véritables problèmes auxquels sont confrontées les femmes.
Par Seun Ogunniyi, Democratic Socialist Movement
Le thème de cette année, selon les Nations-Unies, est “L’autonomisation des femmes rurales : mettre un terme à la faim et à la pauvreté”. De la part d’un organe aussi procapitaliste que les Nations-Unies, il ne s’agit là de rien d’autre qu’un discours “langue de bois”.
Il est totalement utopique de vouloir mettre un terme à la faim et à la pauvreté sur base du système capitaliste soutenu par les Nations-Unies, pour qui seuls comptent le profit. De telles déclarations hypocrites ne manquent pas chez cette agence du capitalisme mondial. Par exemple, il y a la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui défend certains droits sociaux et économiques tels que le droit fondamental de chaque enfant à recevoir une éducation quel que soit son genre. Mais sur base de la politique capitaliste néolibérale de commercialisation et de privatisation de l’enseignement, qui conduit à un enseignement payant, l’enseignement est un droit souvent hors de portée des pauvres. Le problème de la faim et de la pauvreté ne provient pas du manque de ressources pour le résoudre. De fait, les progrès de la science et de la technologie ont fait en sorte qu’il est dès aujourd’hui possible de reléguer la pauvreté et la faim au rang de mauvais souvenirs. Mais cela est impossible à cause du capitalisme, qui défend les profits de quelques-uns aux frais de la survie de l’humanité.
Ceci explique également pourquoi au Nigéria, malgré les immenses ressources humaines et naturelles dont dispose ce pays, la misère est une expérience quotidienne pour la vaste majorité de la population. Même Sanusi Lamido, le gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, estime la proportion de la population qui vit sous le seuil de pauvreté à 70%. Cependant, les maux du capitalisme affectent les femmes de manière disproportionnée comparée aux hommes. Les femmes portent un double fardeau du fait de limitations culturelles et économiques. Cela n’est pas le propre du Nigéria, mais est un phénomène global qui résulte du capitalisme et de la nature patriarcale de la société. La femme subit comme tout le monde la soif de profit du capitalisme, mais son fardeau est alourdi du fait du patriarcat qui attribue dans la société les rôles supérieurs aux hommes, et subordonne la femme aux caprices des hommes. Cette fracture se retrouve à tous les niveaux de la vie sociale.
Enseignement
Les statistiques des Nations-Unies et autres montrent constamment que le taux d’analphabétisme est plus élevé parmi les femmes que parmi les hommes. On estime à 65 millions le nombre de filles dans le monde qui ne vont pas à l’école, dont une bonne partie provient d’Afrique de l’Ouest. Au nord du Nigéria, le nombre d’enfants qui ne vont pas à l’école est très élevé, et la proportion de filles par rapport aux garçons à l’école est d’une fille pour deux garçons. Bien entendu, cela provient de pratiques culturelles et de croyances qui considèrent le genre féminin comme inférieur au masculin. De plus, confrontés aux choix de devoir envoyer soit leur fils, soit leur fille à l’école en raison de contraintes financières ou d’un accès difficile, il est plus probable que les parents sacrifient leur fille. Cela n’aurait pas été le cas s’il y avait un système d’enseignement public correctement financé qui garantisse un enseignement gratuit et de qualité à chaque enfant quel que soit son genre.
Trafic d’enfants pour le travail et la prostitution
La demande en petites filles capables de servir à la maison est très élevée dans diverses régions du pays, surtout à cause de la mentalité, issue des rôles sociétalement attribués à chaque genre, selon laquelle elles seront plus aptes à accomplir les tâches domestiques que les garçons. De plus, à cause de la pauvreté dans le pays, certains parents considèrent comme un moyen de se délivrer du “fardeau de l’éducation des enfants” le fait de donner leurs enfants à des membres de leur famille, voire à des inconnus. Dans de telles situations, c’est même souvent de bon cœur qu’ils abandonnent leur fille. Dans la plupart des cas, l’argent issu de ce trafic est utilisé pour permettre l’accès à l’école à leurs autres enfants (souvent des garçons). Parfois, de tels enfants se voient contraints de se prostituer.
Santé
La condition de la femme ne s’améliore pas lorsqu’elle devient adulte. La femme au Nigéria souffre énormément de la piètre situation des soins de santé. Cela est pire encore dans les zones rurales, où les centres de santé sont inadéquats et fonctionnent avec peu de personnel. Par exemple, les femmes au Nigéria souffrent de toute une série de complications lors de la gestation et de l’accouchement. Selon le Centre de recherche et d’action pour la santé féminine (Women Health and Action Research), le taux de mortalité des mères au Nigéria est de 608 pour 100 000, ce qui est le deuxième pire taux au monde après l’Inde.
Riposte
Mais les femmes du Nigéria ne se résignent pas à l’idée qu’elles ne peuvent pas améliorer leur situation. Au fil des années, les femmes ont toujours répondu au défi de la lutte pour une meilleure société, depuis les émeutes des femmes d’Aba en 1929, jusqu’à la récente grève générale qui a été la plus grande de l’histoire de notre pays.
La hausse du prix du pétrole, qui est passé le 1er janvier 2012 de 65 à 141 nairas le litre, déguisé sous la forme d’une suppression des subsides par le gouvernement Jonathan, a déclenché une grève générale de six jours de même que des manifestations de masse qui ont vu des millions de Nigérians descendre dans les rues. L’économie a été dans les faits complètement bloquée. Les magasins, les écoles, les banques et l’industrie ont été fermés, ce qui a selon Afrinvest West Africa Ltd. mené le gouvernement nigérian à perdre près de 1,94 trillions de nairas (3,1 milliards de dollars)
Le fait le plus saillant dans ce mouvement a été le rôle des femmes dans les manifestations qui ont éclaté dans quasi chaque partie du pays. Les femmes ont complètement démonté le mythe selon lequel les femmes africaines ne sont que des observatrices passives de leur propre histoire. Par exemple, à Kano, des femmes vêtues de hijab occupaient la “place de la Liberté” aux côtés des hommes. Dans d’autres parties du pays, des militantes ont rejoint les hommes dans l’organisation des manifestations, et on pouvait les voir à l’avant des colonnes avec leurs propres banderoles et pancartes, portant divers slogans visant à dénoncer les attaques néolibérales sur leurs conditions de vie.
Dans les usines des états de Lagos et d’Ogun, nous avons vu de jeunes femmes jouer un rôle actif partout où il y avait des luttes pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Dans le delta du fleuve Niger, des femmes ont joué des rôles actifs dans la lutte contre la dégradation environnementale provoquée par l’exploitation pétrolière de la région.
Une alternative socialiste
Tout comme cela a été le cas pour l’ensemble du mouvement des travailleurs, les luttes des femmes n’ont pu arracher que des concessions et des gains temporaires. Par conséquent, ce qu’il faut est une solution permanente, qui ne pourra jamais être garantie sous ce système capitaliste d’exploitation et de profit. Cela ne veut pas dire que nous devons cesser la lutte pour des progrès. Au contraire, nous devons poursuivre l’agitation en faveur de l’égalité des chances, d’un enseignement et de soins de santé gratuits et de qualité, d’emplois et de logements décents et pour tous, etc. Cependant, les gains temporaires qui peuvent être obtenus sous le capitalisme grâce aux luttes de masse des masses opprimées ne pourront devenir permanents que via une reconstruction socialiste de la société, qui permettrait de changer la base de la production afin de satisfaire les besoins de la société et non l’avidité et la soif de profits de quelques-uns, en plus de mettre un terme à toute forme d’oppression et d’exploitation.
Tout en célébrant la journée internationale de la Femme, nous, membres du Democratic Socialist Movement (DSM), nous dévouons à la construction d’une formidable alternative politique des travailleurs basée sur un programme socialiste, qui lutte pour émanciper les femmes travailleuses pauvres en même temps que toutes les autres sections exploitées de la société, et afin de placer les ressources de la société au bénéfice de tout un chacun. Nous appelons toutes les femmes, tous les jeunes et tous les travailleurs à rejoindre le DSM dès aujourd’hui.
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Nigéria : Premier jour d'une grève générale illimitée – Le pays mis à plat par la classe ouvrière
Ce lundi 9 janvier 2012, des dizaines de milliers de Nigérians ont défilé dans les rues de Lagos (l’ancienne capitale et principale ville du pays) contre la suppression des subsides des autorités pour le carburant. En conséquence de cette mesure antisociale, les prix de l’essence ont grimpé de 65 nairas (0,3 euro) jusqu’à 140 nairas (0,7 euro), puis 200 nairas (environ 1 euro). Le prix de la nourriture, des transports et des bien et services de base ont ensuite vertigineusement augmenté.
Par des correspondants du Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
Cette situation se développe alors que les salaires reste inchangés malgré l’inflation galopante et en dépit du fait que le salaire minimum national de 18.000 nairas (environ 85 euros) n’est toujours pas appliqué dans de nombreux Etats du pays. Dans ce contexte, il est aisé de comprendre la profonde colère de la classe ouvrière et des pauvres du Nigéria.
Depuis le 2 janvier, cette attaque antisociale vicieuse fait face à des protestations massives, certaines tout à fait spontanément, à travers tout le pays. A Kano et Abuja (la capitale officielle du Nigéria) des tentatives ont été faites d’occuper les places publiques, en référence au processus révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et aux protestations de masse contre l’austérité en Europe et aux Etats-Unis. Nombre de ces courageuses actions des masses ont été confrontées à la brutalité policière, comme à Ilorin (dans l’Etat de Kwara), où un manifestant a été tué.
Le lundi, dès 5 heures du matin, la foule se massait en divers point, à Lagos et dans tout le pays. Des feux et des barricades annonçaient clairement que la révolte des masses avait commencé. Ce mouvement est le plus suivi et le plus étendu au pays au Nigéria, et particulièrement à Lagos, depuis la fin de la guerre civile. A Lagos, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté et ceux qui ne pouvaient pas rejoindre la manifestation centrale ont organisé des actions plus limitées dans leurs communautés et dans leur voisinage. Tant la classe ouvrière que des éléments de la classe moyenne ont été activement impliqués dans les manifestations. Des associations d’avocats et de médecins pouvaient notamment être vues aux côtés d’ouvriers. Partout, les principales artères étaient désertes; magasins, marchés, bureaux,… tout était fermé.
Au contraire d’autres protestations où les militants et syndicalistes devaient défendre les barricades pour protéger les effets de la grève, les masses sont venues d’elles-mêmes rejoindre les piquets et les barricades. A l’arrêt de bus de Agbotikuyo à lagos, par exemple, où des camarades du DSM ont joué un rôle crucial, les efforts de la police pour briser le piquet ont été contrariés par les masses des quartiers, venus en renfort soutenir la barricade. De là, ensuite, un milliers de personnes sont parties en manifestation. Rapidement, 3.000 personnes étaient présentes dans ce cortège improvisé.
Sur les pancartes des manifestants, on pouvait notamment lire: “Les masses nigérianes refusent la suppression des subsides”, “Une mesure pour l’élite, par pour les masses”, “Le retour à l’ancien prix n’est pas négociable”, “Jonathan [le président] doit partir”, “Pour un nouveau parti des travailleurs de masse”, etc.
De très nombreuses personnes qui n’avaient pas pu rejoindre la manifestation ont exprimé leur soutien à la grève générale nationale, aux actions de masse et à l’appel pour que le Président Goodluck Jonathan réinstaure immédiatement les subsides du carburant dans les intérêts de la majorité écrasante de la population nigériane. Partout, des meetings et assemblées organisent la mobilisation indépendamment des syndicats, ce qui est une autre illustration de la profonde colère des masses.
Le tract produit par le Democratic Socialist Movement (DSM, section du CIO au Nigéria) condamne le système économique actuel et appelle à son remplacement par une alternative socialiste, un système basé sur la nationalisation des secteurs-clés de l’économie et leur contrôle démocratique à travers une planification démocratiquement élaborée pour satisfaire les besoins de la population du pays.
Dans les rues de Lagos, certaines rues étaient devenues des terrains de football pour les enfants. Tout était déserté, à l’exception des endroits où l’on pouvait trouver des journaux, où ,les gens s’amassaient avant de rejoindre les rendez-vous des protestations. Les policiers, en certains endroits, n’ont pas dérangé les manifestants, et certains ont d’ailleurs ouvertement exprimé leur solidarité. Un jeune homme, Aderinola Ademola, a toutefois été tué par un policier tandis que trois autres ont sévèrement été blessés. Selon des témoins, ils ont été agressés alors qu’ils jouaient au football sur la route. La police a fait une déclaration annonçant l’arrestation du criminel et sa détention, mais il est impossible de vérifier cela. Il faut construire une campagne contre ces brutalités policières. C’est d’autant plus important au vu des rapports de violences qui arrivent de Kano et d’ailleurs. Plusieurs autres personnes auraient été tuées.
A côté des dizaines de milliers de manifestants de Lagos, les rapports d’autres villes parlent d’un même succès avec 2.000 personnes à Benin (dans l’Etat d’Edo, où 214 exemplaires de “Socialist Democracy”, le journal du DSM, ont été vendus), 3.000 personnes dans l’Etat d’Osun (nos camarades y ont vendus 468 exemplaires de SD),… Dans son matériel politique, le DSM appelle à la création de comités d’action démocratiques dans les quartiers, les lieux de travail et les universités, afin d’impliquer de plus en plus de personnes dans l’organisation active de la lutte contre cette attaques et les autres mesures anti-pauvres des autorités. Il est tout à fait correct de revendiquer la restauration de l’ancien prix de l’essence, mais ce n’est pas assez.
La suppression de ces subsides a agis telle une étincelle qui a mis le feu aux poudres, mais la base réelle de cette colère des masses est faite de la constante politique néolibérale d’attaques contre la population qui a marqué des dernières années. Le chômage des jeunes est de 42% (soit plus de 28 millions de personnes), l’enseignement et les soins de santé ont été commercialisés, le réseau routier et électrique se sont effondrés,… Pour la plupart des gens, et plus encore pour les jeunes, l’avenir s’annonce des plus sombres sous le capitalisme. C’est pourquoi le DSM appelle à lutte contre la suppression des subsides pour le carburant, mais aussi contre toutes les mesures néolibérales. Notre slogan principal est : “Dégageons le gouvernement anti-pauvres de Jonathan, pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres.”
Nous avons besoin d’une révolution pour renverser ce système où 1% de la population consomme 80% des ressources de la société, pour chasser ce gouvernement et le remplacer par celui des masses. Dans le cadre de cette lutte, il faut construire un nouveau parti des travailleurs de masse armé d’un programme socialiste défendant la propriété publique du secteur pétrolier sous le contrôle démocratique des travailleurs.
Le gouvernement espère que cette lutte s’épuisera à cause de la pauvreté, du manque d’approvisionnement,… C’est pourquoi le mouvement doit poursuivre sa route et aller de l’avant. Cette société capitaliste ne va nulle part, c’est un cul-de-sac. Le pouvoir de la grève actuel est tel que le gouvernement pourra être forcé de faire des concessions, mais uniquement pour qu’il puisse gagner du temps. Les travailleurs doivent utiliser ce mouvement pour aller plus loin.
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[DOSSIER] Nigéria : La Présidence de Goodluck Jonathan
Un développement positif et une amélioration des conditions de vie au Nigéria sont-elles possibles ?
Après beaucoup de raffut, c’est le Dr Goodluck Jonathan qui est devenu Président du Nigéria ce 6 mai 2010, à la suite du décès du Président Musa Yar’Adua, mort en plein mandat des suites d’une longue d’une maladie. Comme d’habitude, plusieurs commentateurs bourgeois et autres crabes, qui soutiennent toujours le gouvernement en place quel qu’il soit, ont intensifié leurs pirouettes. A en croire ces éléments, Goodluck Jonathan est doté d’une aura divine ; ils insistent sur la manière dont il est devenu gouverneur et maintenant Président sans jamais s’être présenté à aucune élection en son nom propre !
De l’édition d’octobre de Socialist Democracy, journal du Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
Et maintenant, ces diseurs de bonne aventure veulent que les Nigérians aient foi dans le fait que Goodluck Jonathan va utiliser sa soi-disant « chance » providentielle pour apporter un bouleversement positif à l’économie et aux conditions de vie de la population. Nous demandons donc : le Nigéria et les Nigérians connaîtront-ils un développement positif et une amélioration de leur niveau de vie sous la dispense du Président Jonathan ?
Il est très important de constater que les principaux porte-parole gouvernementaux sont récemment apparus porteurs de statistiques et de données hautement optimistes qui toutes tendant à la conclusion que les beaux jours sont déjà arrivés dans le secteur économique. Pour ces éléments bouffis de leurs propres illusions, tout ce qui est maintenant requis pour soutenir ces supposés lendemains qui chantent est une détermination gouvernementale afin d’accomplir certaines réformes économiques généralement appréciées par le capital financier mondial et ses politiciens antisociaux locaux.
Prenant récemment la parole devant une conférence de presse avec Mme Aruna Oteh, Directrice Générale de la Commission pour la Sécurité et pour l’Echange, et le Commissaire aux Assurances M. Fola Daniel, le Ministre des Finances M. Olusegun Aganga a joyeusement affirmé que «notre économie se porte bien». Ils ont entre autres déclaré que le PIB a augmenté de +7,2% au cours du premier trimestre de 2010, comparé à un plongeon de -8,8% au premier trimestre 2009 et de -6,6% en 2008. Ils ont également affirmé que le secteur non-pétrolier s’est accru de +8,15% comparé au premier trimestre de 2009, contre +7,9% entre 2009 et 2008. Mais malgré tout, le chômage est toujours officiellement estimé à 19,47%.
Quelques jours plus tard, le 28 juillet 2010, lors d’une réunion du Conseil Exécutif Fédéral, le Gouverneur de la Banque Centrale M. Sanusi Lamido Sanusi a lui aussi déclaré que «il n’y a aucune raison de s’alarmer» si l’on considère les perspectives économiques globales du pays. Selon lui, le PIB a augmenté de +7,63%, l’inflation est maintenant modérée, les marchés d’échange avec l’étranger sont stables, de même que le taux inter-banques et le taux du marché, et il a conclu en disant que les banques travaillent très bien. Et, apparemment pour soutenir les bons développements dont il a parlé, il a allégrement annoncé que la Banque Centrale du Nigéria, la Banque de l’Industrie et les banques commerciales au Nigéria se sont mises d’accord pour signer un contrat de 500 milliards de naïra (2,4 milliards d’euros) afin de financer les secteurs de l’énergie et de la manufacture.
Selon les termes de M. Sanusi, «Il faut que ça change. Nous croyons que l’industrie bancaire peut servir de catalyseur pour le secteur. Chaque banque qui a participé aux 130 milliards de naïra (600 millions d’euros) que nous avons déboursés doit contribuer à hauteur de 65 milliards de naïra avec ses propres fonds. Au-delà du soutien financier, nous fournissons aussi des conseils et des analyses d’impact afin de soutenir la croissance du secteur manufacturier». S’adressant aux Correspondants de la Chambre d’Etat après la réunion, le Ministre d’Etat pour l’Information et la Communication, M. Labaran Maku, a débordé de remerciements à M. Sanusi pour sa «franchise et son cœur» sans pareils, en particulier pour sa «détermination à pousser de l’avant avec des réformes critiques, malgré les pressions de groupes aux intérêts contraires qui cherchent à renverser les réformes qui ont sauvé de la crise profonde les secteurs financiers de la nation». M. Maku a conclu en déclarant que «le Gouvernement est confiant dans le fait qu’avec tout ce qui se passe en termes de réformes et de convergence politique, l’économie de la nation connaîtra une croissance durable dans les années à venir».
Entre propagande et réalité
Il y a deux leçons basiques que les couches conscientes du mouvement ouvrier et de la jeunesse doivent tirer de toutes ces fausses affirmations et performances, telles que le renouveau de l’économie nationale, qui sont aujourd’hui publiées par les hauts sommets du Gouvernement. Tout d’abord cela démontre que sous la Présidence de Jonathan, la gestion économique et la gouvernance en général sont toujours largement considérées par l’élite bourgeoise comme n’étant rien de plus qu’un art de propagande qui n’a rien ou pas grand’chose à voir avec la réalité. Deuxièmement, cela démontre également l’incapacité totale des mesures préférées des élites capitalistes à garantir un développement suffisant et un niveau de vie décent malgré les ressources naturelles et humaines abondantes de la nation. Tout en se donnant des tapes dans le dos les uns aux autres pour se féliciter des soi-disant merveilleuses réalisations qui sont aujourd’hui en train d’être enregistrées grâce à la combinaison de leur politique macro et micro-économique, et en même temps qu’ils éructent de fausses promesses quant à la croissance durable et la hausse des niveaux de vie, chaque secteur-clé de l’économie et les conditions de vie de l’écrasante majorité de la population ont continué à aller de mal en pis.
«Entre 1985 et 2004, l’inégalité au Nigéria a empiré de 0,43 à 0,49%, ce qui place le pays parmi ceux qui ont les plus haut taux d’inégalité au monde. De nombreuses études ont démontré que malgré ses vastes ressources, le Nigéria se classe parmi les pays les plus inégaux du monde. Le problème de la pauvreté dans le pays est en partie une conséquence de la forte inégalité qui se manifeste par une distribution du revenu fortement inégale, et par des différences d’accès à l’infrastructure de base, à l’éducation, aux formations et aux opportunités d’emploi» (Rapports de Développement Humain du PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement – pour les années 2008-9).
En dépit de ses abondantes ressources humaines et naturelles, le Nigéria est classé 158ème sur 182 pays en terme d’Indice de Développement Humain. Bien que la population nigériane compte pour près de 2% de la population mondiale, le pays compte pour 11% des décès maternels et 12% du taux de mortalité des enfants âgés de moins de 5 ans du monde entier. Selon un autre rapport des Nations Unies, 92% des Nigérians vivent avec moins de 2$ par jour. Il n’est dès lors guère surprenant que l’espérance de vie de la plupart des Nigérians ait fortement décliné, s’élevant à 49 ans pour les hommes et 59 ans pour les femmes.
Un accès stable et abordable à l’électricité, ce qui est perçu partout comme étant un élément inévitable de la croissance économique moderne et du développement social, demeure largement non-existant pour une écrasante majorité de Nigérians ; tandis que les services pour la minorité d’individus et d’entreprises qui y ont accès restent épileptiques. L’Afrique du Sud, qui ne comporte qu’environ un tiers de la population du Nigéria, génère 45.000 mégawatts d’électricité par an. En revanche, le Nigéria ne génère à peine que la quantité lamentable de 3000 mégawatts par an. En fait, au moment où l’ancien Président Obasanjo a quitté le pouvoir en mai 2007, le Nigéria ne générait plus que 2500 mégawatts, qui ont aujourd’hui encore décliné à environ 2000 mégawatts en 2009.Il faut ajouter ici que cette situation pathétique se poursuit malgré le fait que le pays est censé avoir investi près de 16 milliards de dollars pour la production d’électricité sous la Présidence d’Obasanjo !
L’éducation, que tout un chacun considère comme un pré-requis essentiel pour le développement global de la société et des individus, demeure dans les conditions les plus débilitantes. Par exemple, le journal The Nation du 17 mars 2010 rapporte que « Seuls 4223 des 236 613 candidats (c.à.d. 1,7% d’entre eux) à concourir pour l’Examen Senior d’Ecole Secondaire du Conseil National des Examens (NECO) de novembre/décembre de l’an passé ont réussi dans cinq sujets incluant l’anglais et les mathématiques ». Dans son édition du 15 avril 2010, The Nation rapportait de même que dans tout le pays, seuls 25,99% et 10% respectivement ont réussi dans au moins cinq sujets y compris l’anglais et les mathématiques lors des examens du Conseil des Examens de l’Afrique de l’Ouest de mai/juin 2009 et du NECO de juillet 2009.
Ces résultats pathétiques et inquiétants ont été condamnés sans ambages par le gouvernement, les cadres non-gouvernementaux et les individus privés. Selon le même journal du 15 avril 2010, « Les pauvres résultats des candidats ont forcé le Gouvernement Fédéral à convoquer les chefs des deux commissions d’évaluation afin d’expliquer cet échec de masse et de fournir des solutions. Ceci a été suivi en janvier par une réunion du Ministre de l’Education de l’époque, Dr Sam Egwu, avec les directeurs des Collèges du Gouvernement Fédéral de Minna, capital de l’Etat du Niger (une province du Nigéria de 2 fois la taille de la Belgique et 4 millions d’habitants, à ne pas confondre avec le Niger qui est le pays voisin). Même M. Segun Oni, le gouverneur de l’Etat d’Ekiti – qui s’enorgueillit d’être une ‘‘Fontaine de la Connaissance’’ -, à la suite de ces résultats lamentables, a lu le décret émeutes aux directeurs des écoles secondaires, selon lequel ils devaient soit relever la tête, soit démissionner. Le Forum des Gouverneurs du Nord via son Président le Dr Mu’azu Babangida Aliyu, a dû organiser une réunion des 19 gouverneurs de la région afin de se pencher sur ce problème. Dans la région de l’Est, le résultat des examens est devenu extrêmement préoccupant pour les organisations gouvernementales et non-gouvernementales ».
De la part de ces mêmes éléments qui ont été et sont toujours responsables de l’effondrement et de la déchéance continue du secteur de l’éducation, les réponses qui ont été faites par divers cadres gouvernementaux et que nous avons citées ci-dessus, sont à la fois cyniques et hypocrites. Cette réponse est on ne peut plus cynique, parce que ce sont justement ces divers cadres gouvernementaux à travers leur politique de sous-financement de l’éducation et la corruption dans toutes les sphères de la vie qui ont créé les conditions responsables de l’échec sans fond à l’école et lors des examens.
En 2005, le PNUD, dans son rapport sur le Développement Humain, avait déjà dépeint un tableau extrêmement sinistre du secteur de l’éducation au Nigéria. Ce rapport disait ceci : « Du au maigre financement de l’éducation, l’enseignement à tous les niveaux souffre de faibles niveaux académiques ; il manque de personnel enseignant suffisant, à la fois en quantité et en qualité. Même les quelques enseignants qualifiés qui sont disponibles ne sont pas suffisamment motivés en terme de rémunération ou d’environnement de travail pour maximiser la qualité de leur apport dans le système éducationnel. Les écoles et les classes sont surpeuplées, les bâtiments sont inadéquats et sur-utilisés, les étagères des bibliothèques sont vides et recouvertes de toiles d’araignées, tandis que les laboratoires sont dépourvus d’équipement mis à jour ». Face à un tel constat, on ne peut que s’époustoufler de l’hypocrisie de nos dirigeants lorsqu’ils s’étonnent des résultats de nos élèves aux examens.
Malgré l’impression trompeuse qui est donnée par les porte-parole du gouvernement au sujet de la situation économique actuelle du Nigéria, les routes étatiques et nationales, tout comme les rues, demeurent dans les conditions les plus déplorables, ce qui mène constamment à des pertes de vie massives à cause des accidents fréquents qui se produisent sur ses pièges mortels qu’on appelle « routes ». En même temps, les Nigérians et l’industrie continuent à perdre d’innombrables heures de travail simplement pour pouvoir se frayer un chemin sur ces mauvaises routes. En fait, un rapide survol de chaque aspect basique de la vie et de l’économie du pays révèle un tableau d’échec et de décrépitude colossaux.
Les mesures qui sont mises en avant par Jonathan et par les responsables du gouvernement
Il n’y a pas longtemps, le Ministre des Finances M. Olusegun Aganga, s’est adressé aux médias quant à l’état actuel de l’économie et à ses perspectives pour la période à venir. Il a crié sous tous les toits que « Notre économie se porte bien ; nos banques sont sûres ». En plus de ces déclarations fantaisistes quand aux soi-disant merveilleux indicateurs économiques, le Ministre a déclaré : « Nous allons créer un environnement de qualité afin d’attirer les investisseurs locaux et étrangers. La création d’infrastructure est une autre priorité du gouvernement. L’énergie en est la clé. Si on demande à qui que ce soit ce dont ils ont réellement besoin, je suis certain que cette personne répondra : énergie,énergie, énergie ». Dès le moment où il est devenu Président au début du mois de mai 2010, Jonathan n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il trouve qu’un accès à l’électricité stable et ininterrompu est un facteur indispensable pour le développement socio-économique. De fait, il s’est même octroyé le poste de Ministre de l’Energie en plus de ses fonctions présidentielles.
Etant donné l’ « heureux bilan » établi par le Ministre des Finances, et l’engagement apparent de Jonathan de résoudre une fois pour toutes le problème de l’approvisionnement en électricité, les Nigérians peuvent-ils s’attendre à avoir accès à des logements, à des soins de santé, à une éducation et à des emplois ? Les industries et la population en général peuvent-elles espérer bénéficier d’infrastructures fonctionnelles, tels que des routes, une source d’électricité ininterrompue et accessible ? Dès lors, les grandes industries tout comme les petits commerces peuvent-ils maintenant avoir accès à des prêts bancaires à des taux favorables pour les producteurs autant que pour les consommateurs ?
Il est certain que c’est là l’impression que cherchent à faire le Président Jonathan, le Ministre des Finances Olusegun Aganga, et ceux comme le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi. Mais malheureusement, si on se fie à une évaluation scientifique de la stratégie économique centrale du gouvernement, de ses mesures-clés et de leur mise en oeuvre, c’est tout le contraire de ces promesses, voire pire, qui risque bien de se produire.
Malgré sa surenchère de promesses, la stratégie économique du Président Jonathan est entièrement basée sur le même paradigme néolibéral, anti-pauvres, pro-riches qui a déjà tant échoué, et qui est poussé par le monde des affaires et par les éléments capitalistes sur les plans international et local. Ecoutons seulement M. Aganga : « Nous allons supprimer les barrières douanières aifn d’attirer les investissements dans notre zone. De la sorte, nous voulons que le secteur privé vienne en tant que partenaire au gouvernement pour financer l’infrastructure. Le gouvernement ne peut pas faire cela de lui-même. Nous savons que nous ne pouvons pas nous permettre de financer le déficit de l’infrastructure en comptant uniquement sur notre budget. Nous savons que nous n’avons que très peu de moyens, et nous savons qu’il est très important de remplir ce trou, et c’est pourquoi nous appelons le secteur privé à mener le développement de l’infrastructure ». (Avant-Garde du 24 juillet 2010)
Dans un récent discours face au Conseil Communal (une institution établie à la manière américaine) à la Loge du Gouverneur à Uyo dans l’Etat de Cross River, le Président Jonathan a profité de l’occasion pour faire des déclarations explicites et approfondies sur la stratégie économique du gouvernement. Parmi d’autres points, il a abordé le problème crucial et délicat de l’accès et de la disponibilité des produits dérivés du pétrole à des usages industriels et domestiques. Voyez plutôt : « Ce n’est pas le rôle du gouvernement d’être directement impliqué, mais plutôt d’encourager le secteur privé à investir. Ce qui limite en ce moment l’établissement de ces raffineries est le mode de fixation des prix des produits pétroliers, un problème que le gouvernement veut résoudre. Si le gouvernement devait être impliqué, ce serait sous la forme d’un partenariat public-privé, mais pas directement comme par exemple par la construction de raffineries d’Etat ».
Le « partenariat public-privé » en action
Contrairement à toutes ces vantardises, la paralysie économique actuelle au sien du pays et à l’échelle internationale est essentiellement une conséquence de la stratégie du « profit d’abord » suivie par l’élite capitaliste dirigeante partout dans le monde. Nous allons ici donner deux exemples de comment fonctionne cette politique. Selon le principe de « partenariat public-privé » (PPP), les aéroports du pays sont cédés aux marchands de profit sous le nom de « concession ». L’idée qui est vendue au public est que grâce à cet arrangement, l’emprise de la machine étatique corrompue sera brisée et qu’ainsi plus de revenus seront générés, ce qui garantirait les développements nécessaires de l’infrastructure et de la logistique aéroportuaire. Cependant, selon le magazine ThisDay du 10 juin 2010, c’est en réalité uniquement le contraire de ce qui avait été promis qui s’est produit : « L’accord de concession était censé redresser le revenu de la Federal Airports Authority in Nigeria. On croyait que les partenaires privées renforceraient l’innovation et la transparence, et assureraient que les ressources aéronautiques comme non-aéronautiques seraient gérées de telle manière à accroître les revenus […] Mais au lieu de rehausser le revenu de l’Agence, les concessionnaires ont quitté l’organisation en la laissant dans un état financier critique. [Selon une source de la FAAN :] « Dans le passé, la FAAN n’a jamais été en retard de payement de salaires, mais depuis que ces concessionnaires sont arrivés à sa tête, il est devenu difficile de payer le personnel. Regardez les aéroports, on ne les entretient même plus, parce que les fonds ont disparu. On avait prévu d’obtenir plus que ce que nous générions avant que les sources de revenus ne soient concédées. Mais il est aujourd’hui évident que les travailleurs de la FAAN s’en tiraient mieux avant » ».
Le Président Jonathan et ses conseillers économiques ont donné au secteur privé la responsabilité du développement nécessaire des infrastructures et des services via leur agenda de soi-disant partenariat public-privé. Cependant, c’est l’Etat de Lagos, gouverné par un parti d’opposition, l’Action Congress (AC), qui a déjà fourni une excellente illustration de pourquoi l’idéologie du « profit d’abord » ne mènera jamais à un développement nécessaire et suffisant pour l’économie et pour l’amélioration des conditions de vie du peuple en général. Depuis 2003 ou à peu près, l’ex-Gouverneur de l’Etat de Lagos, Bola Ahmed Tinubu, a conclu un accord avec un groupe d’entreprises privées pour construire une route de 49 kilomètres afin de relier Victoria Island à la ville d’Epe, dans l’Etat de Lagos. Huit ans plus tard, seuls 6 km de route ont été construits. Mais les entreprises privées en charge du projet n’ont par contre pas eu honte de déjà installer trois péages afin de prélever l’argent sur les utilisateurs de la route en chantier (pour la plupart des membres des classes moyennes ou de l’élite riche) ! Cette situation risque de durer encore trente ans ! Entretemps, plus des trois-quarts des routes et rues de l’Etat de Lagos demeurent dans des conditions déplorables.
Le renflouement des banques et des industries
Toutefois, rien n’illustre mieux l’incapacité totale du capitalisme de répondre aux nécessités sociales pour le développement économique et l’amélioration du mode de vie du peuple, que la pauvreté de masse et la dépression qui domine actuellement tous les secteurs économiques et sociaux, malgré les ressources naturelles et humaines surabondantes dont est doté le Nigéria. La manifestation la plus provocante de l’impasse capitaliste est l’octroi de centaines de milliards de naïras provenant des fonds publics en cadeau aux mêmes vampires capitalistes qui ont mené à ses conditions actuelles de désolation ce pays qui autrement serait énormément riche de ses immenses ressources et de sa population courageuse.
A la fin de l’année passée, le gouvernement de feu le Président Musa Yar’Adua a donné via sa Banque Centrale la somme de 620 milliards de naïra (3 milliards d’euro) à huit banques qui se tenaient au bord de la faillite, en conséquence de leurs nombreuses transactions financières irresponsables et du pillage en bonne et due forme exercé par leurs propriétaires privés. Yar’Adua et son successeur le Président Jonathan ont de même unilatéralement décidé d’octroyer la somme scandaleuse de respectivement 150 milliards et 500 milliards de naïra (700 millions et 2 milliards d’euro) pour renflouer des industries en faillite tant en les laissant entre les mains des capitalistes. Bien entendu, ce qui était autrefois le secteur industriel nigérian a été maintenant complètement dévasté au fil des années par la combinaison de mesures politiques « profit d’abord » qui ont été imposées au pays par les multinationales des pays capitalistes avancés.
A cet égard, l’industrie textile exemplifie bien le genre de désertification industrielle qui a étranglé le pays au fur et à mesure que le capitalisme mondial a renforcé son emprise sur les économies des pays néocoloniaux et sous-développés tels que le Nigéria. A la fin des années 80, il y avait 250 entreprises textiles qui ensemble employaient directement 800 000 travailleurs, avec plus d’un million d’autres personnes qui gagnaient leur vie par la vente et autres commerces liés à ce secteur. Malheureusement, en 2007, il ne restait que 30 de ces entreprises, opérant pour la plupart en-dessous de leur capacité, et qui employaient moins de 30 000 travailleurs. Il faut ajouter aussi que c’est le même genre de dévastation économique qui a vu le jour dans d’autres secteurs industriels et agricoles autrefois florissants.
Toutefois, au-delà même des conditions lamentables qui prévalent aujourd’hui, il est économiquement contre-productif et socialement scandaleux pour un gouvernement de verser des centaines de milliards aux mêmes marchants de profit qui ont mené le pays à son impasse actuelle malgré son abondance de ressources humaines et naturelles, alors que cet argent aurait pu être utilisé pour développer les infrastructures publiques et les services sociaux. C’est un véritable scandale que d’énormes fonds publics soient octroyés à des individus et à des entreprises non-redevables et dont les seuls intérêts sont ceux de leurs profits et qui pendant des années ont mené une véritable croisade pour que le gouvernement cesse de financer les infrastructures socialement nécessaires que sont les routes, les services, l’éducation, les soins de santé, l’emploi, etc. soi-disant parce que ce sont là des mesures socialisantes qui n’engendreraient que l’inefficacité et la stagnation économique. Si les industries qui sont essentielles au développement du pays et du niveau de vie sont au bord de la faillite, alors au lieu d’en renflouer les propriétaires, elles devraient être nationalisées (avec compensation uniquement sur base de besoins prouvés) et gérées démocratiquement dans les intérêts des travailleurs et des pauvres.
Hélas, plutôt que de se battre pour une réelle appropriation publique des secteurs-clés de l’économie, y compris des secteurs bancaire et financier, sous le contrôle et la gestion démocratique par les travailleurs, en tant que base d’un grand plan démocratique par lequel les abondantes ressources humaines et naturelles du Nigéria pourraient être utilisées afin de garantir une vie décente et une réelle liberté démocratique pour le peuple, les sommets de la hiérarchie syndicale du NLC (Nigerian Labour Congress) et de la TUC (Trade Union Confederation) sont occupés à placer de faux espoirs dans l’illusions selon laquelle ce système criminel pourrait être réformé afin de satisfaire aux besoins des masses laborieuses. Ils ferment leurs yeux devant l’échec du capitalisme à développer le Nigéria et devant la grave crise qui a frappé le système capitaliste mondial au cours des trois dernières années. En fait, les dirigeants syndicaux ne font que baser leurs campagnes sur ce qu’ils pensent que les capitalistes voudront bien donner, c’est pourquoi aucune campagne sérieuse n’a été menée pour le salaire minimum à 52 000 naïra (240€) que l’Exécutif National du NLC avait revendiqué pour la première fois lors de son assemblée du 18 décembre 2008 à Kano.
La guerre contre la corruption et contre l’insécurité de la vie et de la propriété
La corruption et l’insécurité de la vie et de la propriété sont toujours considérées par tous les commentateurs sérieux comme étant des facteurs cruciaux lorsqu’on parle d’assurer une véritable croissance économique et la stabilité sociale. Malheureusement, le gouvernement pro-capitaliste dirigé par Jonathan a également démontré son incapacité à répondre de manière efficace au défi qui est posé par ces deux enjeux. Presque chaque jour, le Président Jonathan et ses cadres professent le même discours quant à leur détermination à combattre la corruption, qui est perçue comme un cancer qui empêche la croissance économique.
Pourtant, la Commission pour les Crimes Economiques et Financiers (EFCC) a fermé les yeux devant toute une série de scandales à échelle internationale impliquant plusieurs cadres gouvernementaux haut placés, certains étant déjà à la retraite, d’autres non, et sans le moindre murmure non plus de Jonathan ou de son administration. Cependant, la même EFCC qui n’a pas bronché au sujet des accusations de corruption envers des hauts responsables gouvernementaux au sujet de contrats obtenus avec Halliburton, Daimler, et autres requins multinationaux, a tout d’un coup regagné toute sa puissance lorsqu’elle a forcé le Président Goodluck à annuler son interdiction autocratique de toute participation des équipes de football nigérianes à des compétitions internationales.
Afin de couvrir la retraite humiliante qui a été imposée au Président quant à son interdiction digne d’un dictateur militaire, mais complètement hypocrite et entièrement déplacée, des équipes de football nationales, la EFCC a été lâchée sur les chefs de la Fédération Nigériane de Football (NFF). De la même manière que dans les derniers jours de la Présidence d’Obasanjo, la EFCC est essentiellement devenue un instrument de harcèlement des opposants ou de ceux qui étaient tombés en disgrâce par rapport au PDP au pouvoir, la EFCC serait maintenant en train de mener une enquête sur la mauvaise gestion de 2 milliards de naïra par la NFF. Tout ceci sur ordre de personnes qui gèrent un budget de dizaines de milliers de milliards de naïra, sans en être redevables à qui que ce soit ! Au vu des dernières gesticulations de la EFCC, on peut dire que sous le règne de Jonathan, comme d’habitude, la guerre contre la corruption ne demeurera qu’une mauvaise plaisanterie, qui revient à tenter d’éteindre un feu de brousse en crachant dessus, ou à ce que des hors-la-loi armés s’octroient le droit de juger des voleurs à la tire.
La résolution du Gouvernement à combattre les crimes de droit commun tels que les rapts révèle également la même vision bourgeoise à court-terme, ce que feu Fela Anikulapo-Kuti appelait « l’aveuglement ikoyi ». Comment le gouvernement compte-t-il endiguer la vague croissante de criminalité, en particulier les rapts qui ont pris un caractère de plus en plus répandu, et surtout au moment même où le gouvernement cherche à attirer des investisseurs étrangers ? Le Président Jonathan nous répond : « Nous prenons cet enjeu très au sérieux, et nous ne manquerons pas de poursuivre les auteurs de ces crimes. On trouve même certaines communautés dans le pays qui ont fait de la criminalité un vrai business, et des gens croulant sous les diplômes et qui aident et soutiennent cette activité […] Certaines personnes haut-placées sont impliquées […] Lorsque quelqu’un est enlevé, ce sont ces mêmes gens qui vont négocier la rançon […] Nous ne dormons pas ; nous sommes en train de trouver des méthodes pour traquer les enleveurs, nous cherchons à mettre en oeuvre des méthodes informatiques pour ce faire ».
Aveuglés par leur propre mode de vie d’opulence non mérité et injuste, lorsque l’immense majorité se morfond dans la misère et l’indigence, Jonathan et les élites capitalistes ne peuvent réaliser que c’est la combinaison de leur système injuste et de la corruption des dirigeants capitalistes qui est responsable de la hausse des crimes sociaux tels que les enlèvements, le banditisme armé, le siphonage des oléoducs, etc. Par conséquent, pour que les masses laborieuses puissent bénéficier de conditions de vie décentes et permanentes, et d’une société libre du fléau de la criminalité, la société capitaliste actuelle, faite d’injustices, et qui ne bénéficie qu’aux intérêts des quelques riches, doit être économiquement et socialement remplacée par un nouvel ordre social dans lequel les ressources de la nature et les hauts sommets de l’économie – y compris les banques et la finance – seraient collectivement appropriées et placées sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs eux-mêmes, de sorte que les ressources humaines et naturelles infiniment abondantes de notre planète puissent être réellement planifiées et utilisées afin de satisfaire aux besoins économiques et sociaux du peuple.
Vers où aller ?
Sur base de mesures et stratégies pro-capitalistes, aucun des problèmes sociaux et économiques auxquels sont en ce moment confrontés le pays et la vaste majorité de sa population de plus en plus miséreuse ne peuvent être résolus de manière satisfaisante afin d’assurer une croissance économique énergique et un mode de vie décent pour le peuple. Bien sûr, au lieu d’accepter la faillite totale de la stratégie capitaliste et de la politique menée sur une base individuelle, les élites dirigeantes parasitaires et kleptomanes du Nigéria voudront toujours donner l’impression que le fait de gérer l’économie nigérienne est un e mission impossible. Devant le Conseil Communal cité plus haut, le Président Jonathan a une fois de plus renié son engagement gouvernemental de départ selon lequel il oeuvrerait en faveur d’un approvisionnement complet en électricité pour les industries et pour les ménages, avec comme point de départ la génération de 11 000 mégawatts avant 2011. Effectuant un virage à 180° par rapport à ses promesses initiales, le Président demande maintenant aux Nigérians de ne pas s’attendre à avoir un accès adéquat à l’électricité avant longtemps. Citant son expérience en tant que Gouverneur de l’Etat de Bayelsa, il a expliqué que « J’ai réalisé que lorsqu’on arrive par exemple avec 10 000 mégawatts, plus de gens vont immédiatement réclamer de nouvelles lignes électriques pour chez eux, et peu après, l’approvisionnement en électricité redevient inadéquat ». Cet argument bidon ridicule est taillé sur mesures pour justifier pourquoi le Nigéria n’a pas pu générer assez d’électricité pour alimenter de manière satisfaisante sa consommation industrielle et ménagère.
L’Afrique du Sud, qui ne comporte qu’un tiers de la population du Nigéria, génère actuellement 45 000 mégawatts d’électricité par an, tandis que le Nigéria n’en génère en ce moment que 3000. Par conséquent, la tâche centrale est non pas de donner l’excuse que c’est le comportement des gens qui rend cet objectif inatteignable, mais bien de générer assez d’électricité que ce dont en ont besoin les industries et les gens. A un moment l’an dernier, la Ministre de l’Information nigérianne, Mme Dora Akunyili, a rendu visite à l’Ambassadeur vénézuélien au Nigéria, pour y rééditer auprès de lui son appel habituel à des investissements étrangers dans le secteur pétrolier. En guise de réponse, l’Ambassadeur du Venezuela a demandé au Nigéria de plutôt se tourner vers ses propres forces et de gérer ses propres ressources afin d’améliorer le bien-être de son peuple et de son économie en général, plutôt que de sans cesse frappeer à la porte des étrangers. Il a ainsi expliqué que depuis l’an 2000, au Venezuela, le prix du barril de pétrole est resté le même et le coût du plein pour une voiture moyenne n’a pas excédé la somme de 160 naïra (0,75€), et que le gouvernement vénézuélien possédait et gérait plus de 40 raffineries de dérivés pétroliers destinés à la consommation locale comme à l’exportation. Bien que les masses laborieuses vénézuéliennes soient toujours confrontées à de grands problèmes dus au caractère incomplet des réformes anticapitalistes qui ont été jusqu’ici accomplies dans leur pays, elles ne sont pas confrontées au même désastre absolu qui sévit au Nigéria. Tandis que le Nigéria, qui est le quatrième plus grand producteur de pétrole brut au sein de l’OPEP, dépend toujours fortement de l’importation de produits pétrolier, aucune de ses quatre raffineries ne tournant à pleine capacité.
Le NLC comme la TUC, avec leurs affiliés, ont toujours critiqué le caractère anti-populaire de la plupart des politiques gouvernementales. Ces dirigeants syndicaux adorent faire des critiques correctes du caractère anti-pauvres des mesures de privatisation et de concession des raffineries, de l’électricité, des aéroports et des routes. Récemment, les directions du NLC et de la TUC ont condamné la proposition du gouvernement de dépenser des milliards de naïra pour la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Nigéria qui, du point de vue des masses opprimées, n’est jamais que 50 ans d’échec. La direction du NLC a aussi récemment dénoncé de manière très correcte les propositions pro-riches et anti-pauvres en faveur de la dérégulation et de la privatisation du secteur pétrolier, du retrait des soi-disant subsides sur les produits pétroliers, et d’une hausse de +200% du prix de l’électricité qui sont défendues par le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi. Dans une déclaration intitulée : « Assez des singeries anti-populaires de Sanusi ! » publié le 29 juillet 2010, on peut lire ceci : « Au sujet du tarif de l’électricité en particulier, le National Labour Congress est convaincu que le premier pas qui doit être fait par le gouvernement est d’avant toutes choses améliorer la capacité de génération et de distribution d’électricité, avant de parler de la question du prix à payer. Ce serait illogique et entièrement irraisonné de faire payer plus chers les Nigérians qui en ce moment payent déjà pour des services dont ils ne profitent pas, à part pour les ressources énormes qu’ils dépensent quotidiennement pour faire fonctionner leur générateur électrique domestique ». Au sujet d’un plan de renflouement à hauteur de 30 milliards de naïra (140 millions €) pour un redressement de l’industrie textile moribonde du Nigéria, Isa Aremu, Secrétaire Général du Syndicat des Travailleurs du Textile du Nigéria, a comparé la situation du pays de manière très adéquate avec la situation paradoxale d’un homme qui mourrait de soif alors qu’il est serait entouré d’eau. Ainsi, « Le Nigéria ne manque pas de Présidents ni de Gouverneurs. Ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est la bonne gouvernance, l’industrialisation et le développement ».
Malheureusement, en dépit de ces critiques très correctes, les hauts dirigeants syndicaux ont en général toujours échoué à se concentrer sur la conception et la défense d’une alternative politique et économique pro-ouvrière, qui pourrait être capable de mettre un terme à la misère perpétuelle de la majorité du peuple nigérian en plein milieu d’une abondance inépuisable. Par conséquent, plutôt que de donner leur soutien à telle ou telle mesure capitaliste destinée à accroître la profitabilité, le mouvement ouvrier devrait mener une campagne consistante afin de placer les immenses ressources économiques du pays, y compris les banques et les institutions financières, sous le contrôle et la gestion démocratiques par les travailleurs, avec comme objectif direct d’assurer un mode de vie décent pour tous les Nigérians partout dans le pays, et non pas à la poignée d’éléments capitalistes qui maintiennent à présent leur emprise sur les perspectives économiques de la nation.
Afin de parachever ce but, le mouvement ouvrier doit de même se mettre en branle pour créer son propre parti politique indépendant, qui sera préparé à mettre en oeuvre ce genre de mesures socialistes pro-masses, qui sont nécessaires si l’on veut libérer le Nigéria de la servitude socio-politique des élements capitalistes locaux et de leurs mécènes et maîtres à l’étranger. En particulier, il faut que le mouvement ouvrier crée un parti des travailleurs réellement démocratique, ou se battre pour récupérer le Labour Party qui a maintenant été largement récupéré par des éléments pro-capitalistes. Il ne suffit pas de simplement mener campagne pour des élections libres et justes lorsqu’il semble clair aujourd’hui que la campagne électorale de 2011 sera de toutes manières dominée par des partis pro-capitalistes, anti-populaires tels que le PDP, l’ANPP, l’AC, etc. Le mouvement ouvrier doit commencer dès aujourd’hui à édifier une plate-forme politique qui fasse écho aux longues souffrances du peuple du Nigéria lors de la campagne de 2011. A moins que l’agitation syndicale ne se poursuive selon ce genre de perspectives, le cauchemar socio-économique que nous connaissons aujourd’hui ne pourra pas être surmonté, et ne fera qu’empirer sous la Présidence de Jonathan, ou de n’importe quel autre politicien bourgeois.