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Tag: Istanbul
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Turquie : Retour sur le soulèvement massif contre le régime autoritaire
Tout a commencé avec le tantième projet destiné à ruiner l’espace public au profit de projets immobiliers. Le mouvement s’est rapidement développé pour impliquer plusieurs centaines de milliers de personnes scandant : ‘‘Tayyip Istifa !’ ’ (Tayyip, dédage !) Ces dernières années, l’impérialisme occidental a tenté de présenter la Turquie comme l’exemple à suivre pour la Tunisie et l’Egypte. Mais, en dépit des différences qui existent entre les différents mouvements de masse, le transfert s’est effectué en sens inverse ! Un dossier du député européen Paul Murphy (élu de notre parti-frère irlandais) et de Tanja Niemeier publié dans l’édition d’été de Lutte Socialiste.
Istanbul : Témoignage d’une ville en révolte
La Place Taksim est devenu un lieu renommé depuis l’énorme soulèvement contre le gouvernement de Tayyip Erdogan commencé le 31 mai. Nous nous y sommes rendus début juin et avons discuté avec beaucoup de jeunes militants et membres d’organisations et de gauche. Parmi eux, le Secrétaire International du syndicat DISK, Kivanc Eliacik, un membre du Parlement de l’aile gauche kurde, Sebahat Tuncel (BDP), ainsi que le co-président du parti ODP, Bilge Seckin Centinkaya. Nous avons également assisté à l’énorme violence policière exercée contre les manifestations à l’aide d’autopompes, de gaz lacrymogènes et de grenades incapacitantes.
La confiance en soi, l’optimisme, la détermination et le dynamisme de ceux qui occupaient le parc Gezi, principalement des jeunes, ont été contagieux. Malgré la violence policière, ils ont temporairement réussi à faire reculer la police lors de la deuxième journée de manifestation. Quand nous y étions, ils savouraient avec raison cette victoire. De jeunes manifestants nous ont fièrement conduits aux environs du parc Gezi et de la place Taksim, nous montrant les nombreuses barricades faites de voitures de police et de matériaux de construction destinées à protéger la place d’une potentielle nouvelle attaque. En très peu de temps, ils ont appris comment minimiser les effets des gaz lacrymogènes. Des masques à gaz se sont répandus en même temps que des brochures expliquant comment mélanger des liquides de base pour neutraliser les gaz lacrymogènes.
Le degré d’auto-organisation dans le camp était frappant. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées sur les lieux et plus d’un millier de personnes y campaient jour et nuit. Prendre le contrôle d’un large espace public pose inévitablement de nombreux problèmes avant tout organisationnel – distribution de nourriture, d’eau, de matériel de premiers soins, établissement des règles du camp – mais qui ont de profondes implications politiques. La gamme de services offerts aux manifestants était impressionnante. En plus de la distribution gratuite de nourriture et d’eau et de l’organisation du nettoyage régulier, il y avait une section de premiers soins et même une crèche. Un principe établi dans le parc Gezi était que rien ne devait être acheté ou vendu. Les bénévoles acceptent seulement qu’on leur donne ce qu’ils allaient ensuite à leur tour donner aux manifestants.
Des syndicalistes de gauche du KESK (secteur publique) et du DISK (secteur privé) et des militants de partis et d’organisation de gauche ont accompagné les jeunes manifestants souvent inexpérimentés (une enquête a indiqué que 57% des manifestants l’étaient pour la première fois de leur vie). L’expérience de ces militants est vaste compte tenu de l’oppression structurelle et systématique de la démocratie et des droits des travailleurs en Turquie, qui a encore récemment augmenté sous le gouvernement néolibéral et anti-travailleurs d’Erdogan. Avec les attaques du régime d’Erdogan, tout ceci est désormais menacé. Erdogan est confronté à une résistance extrêmement déterminée. Ayant senti leur pouvoir, la classe ouvrière turque et les jeunes n’abandonneront pas leur contrôle des espaces publics sans se battre. Quand nous étions sur place, beaucoup étudiaient activement les leçons des révolutions égyptienne et tunisienne, cherchant à éviter les échecs connus là-bas.
Ce n’est qu’un début
Le régime Erdogan se bat pour sa survie contre un soulèvement de larges sections de la population et a opté pour une répression plutôt que pour des concessions pour tenter de l’écraser. Les espoirs antérieurs d’une victoire facile et l’euphorie au parc Gezi ont été écrasés par les matraques, les autopompes et les gaz lacrymogènes. Le discours d’Erdogan est de son côté de plus en plus agressif.
Le mouvement doit avoir une grande discussion sur les revendications et la stratégie à mettre en place pour tenter de renverser Erdogan. Une défaite serait synonyme de représailles et d’une répression massive contre les manifestants.
Il est désormais évident que les cinq revendications de Taksim Solidarité – (1) non au projet de construction dans le parc Gezi ; (2) le retrait des chefs de police et du Ministre de l’Intérieur impliqués dans la brutale répression policière; (3) l’interdiction de l’utilisation des gaz lacrymogènes; (4) aucune restriction sur la possibilité de manifester dans les espaces publics; (5) la libération de tous ceux qui ont été arrêtés durant les manifestations – ne sont plus suffisantes pour faire face à la situation. Même si ces revendications se sont révélées être une base sur laquelle un mouvement très large a pu se développer, elles ne répondent pas aux questions posées par les développements actuels : comment défendre les manifestants contre les violentes attaques ? Comment renverser le gouvernement Erdogan ? Par quoi le remplacer ?
Le mouvement doit tenter de saper le soutien qu’Erdogan a encore parmi des secteurs importants de la population, en expliquant le principe du ‘‘diviser pour régner’’ caché derrière ses appels aux valeurs islamiques conservatrices. Il faut expliquer que ses politiques économiques ne conduisent qu’à l’augmentation de la pauvreté (déjà massive), à la répression des droits syndicaux et au développement des inégalités.
Il est vital de développer davantage l’organisation du mouvement. Une lacune criante, contrairement aux occupations de places en Grèce et en Espagne en 2011, est l’absence d’assemblées décisionnelles populaires de masses. Des rassemblements prennent régulièrement place, mais ceux-ci sont principalement organisés par des groupes limités et n’ont pas de pouvoir décisionnel. Les personnes qui n’appartiennent à aucune des organisations politiques – la majorité des manifestants – sont donc un peu exclus du processus de prise de décision. La création d’assemblées populaires dans les différentes villes et leur coordination démocratique au niveau du pays grâce à une conférence nationale du mouvement est désormais une question cruciale. L’auto-organisation n’est pas seulement un moyen d’organiser la résistance, cela pose également les premiers jalons vers la façon dont un gouvernement alternatif des travailleurs et des pauvres pourrait être organisé.
Les partis et les syndicats de gauche ont un rôle primordial à jouer dans ce mouvement. Ils ont déjà subi cette répression massive et les leçons qu’ils en ont tirées doivent servir à développer des propositions concrètes et une orientation claire. Les syndicats de gauche devraient discuter de la façon de mobiliser les travailleurs et les jeunes. Les dirigeants des fédérations syndicales ont montré une grande réticence dans le soutien aux manifestations. Leurs membres sont toutefois eux aussi affectés par les politiques néolibérales et antisociales du gouvernement. Ce ne sera pas une tâche facile au vu de la nature des directions syndicales, mais c’est une question vitale pour développer la lutte et ne pas céder face à Erdogan et à l’AKP.
Les expériences du mouvement ouvrier doivent être rassemblées au travers de la création d’un nouveau parti des travailleurs qui regroupe les différentes tendances existantes, y compris les forces impliquées dans le HDK (‘‘Congrès démocratique du peuple’’, coalition électorale de gauche). Dans un tel parti, les différents groupes pourraient défendre leurs propres points de vue, mais nous pensons que seul un programme de rupture avec la dictature des marchés – un programme socialiste – peut conduire à une réelle alternative au gouvernement actuel. Le régime a tenté de stopper le mouvement avec une proposition de référendum sur l’avenir du parc Gezi. Le mouvement a cependant depuis longtemps cessé d’être limité à cette seule question pour aborder le fait que la croissance économique ne profite qu’à une minorité, pour s’opposer au programme de privatisation, à la répression contre les travailleurs et la population kurde,…
La police a pu reprendre la place Taksim le 11 juin. Selon Amnesty International, il y a eu un millier de blessé uniquement autour de cette date. Il y a également eu 5 morts et il est impossible de contacter 70 des centaines de manifestants arrêtés. Des avocats désireux d’offrir une assistance juridique aux manifestants ont été eux aussi arrêtés, des médecins ont été empêchés de soigner des blessés et Hayat TV, l’une des rares chaînes à avoir parlé des mobilisations anti-gouvernementales, a quasiment été fermée.
La violence a conduit à une grève générale. Le mouvement a ensuite semblé être quelque peu en recul. Mais la Turquie n’est plus la même après ces intenses semaines de lutte. La lutte pour un meilleur avenir se poursuivra. Les syndicalistes et militants de gauche doivent continuer à suivre l’évolution de la situation en Turquie, même lorsque les médias dominants en parleront moins. Le danger de représailles de la part des autorités est énorme, en particulier contre les syndicalistes et les militants de gauche.
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Turquie : Rapport de Paul Murphy
La solidarité est vitale
Paul Murphy, le député européen du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Irlande), s’est récemment rendu à Istanbul afin de voir de ses propres yeux les manifestations qui s’y déroulent. Dans son journal de bord, il aborde la réponse brutale du Premier Ministre turc.
Paul Murphy, député européen, Socialist Party (CIO-Irlande)
‘‘La confiance en soi est comme un virus’’ expliquait Eser Sandiki, une jeune professeure d’école et militante socialiste qui occupait la place Taksim vendredi soir. Ses mots ne sont pas seulement vrais sur la place Taksim, mais également à travers toute la Turquie dans laquelle le gouvernement autoritaire d’Erdogan est confronté à un soulèvement. Dans plus de 70 villes, des manifestations et des occupations de masses ont eu lieu, réunissant plus d’un million de personnes.
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Pour en savoir plus
- Turquie : Un mouvement de masse défie le gouvernement Erdogan
- NON au gouvernement Erdogan et NON à l’AKP, le parti du capital !
Meeting sur les mobilisations de masse en Turquie
Ce vendredi 14 juin 2013, à 19h, notre camarade Tanja Niemeier (collaboratrice de l’eurodéputé Paul Murphy) livrera un rapport de son voyage en Turquie, au cœur des mobilisations qui ébranlent le régime de l’AKP. RDV ce vendredi à l’ULg, place du XX août, salle Wittert (trajet fléché).
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En de nombreux endroits, comme place Taksim, les places sont entourées de barricades érigées par les manifestants avec des matériaux de construction et des voitures de police brulées pour se protéger de la police. A l’intérieur de ces barricades, des conseils de volontaires organisent des distributions de nourriture et d’eau, des garderies d’enfants, la sécurité et les premiers soins.
Aujourd’hui [le 9 juin, ndlt], alors que la place Taksim était déjà bondée de monde une heure après l’heure prévue pour une grande manifestation, des gens ont continué d’affluer de toutes les rues, certains estimant une foule de 300.000 personnes.
La réponse du Premier Ministre Erdogan a été brutale, faite d’attaques policières féroces contre les manifestants. La police a recouru aux gaz lacrymogènes et a brûlé des tentes de participants à l’occupation. Des policiers en civil s’en sont d’autre part pris à des manifestants à coups de couteaux et de gourdins. Selon l’estimation la plus récente de l’Association médicale turque, plus de 4000 personnes ont été blessées, un nombre à certainement revoir à la hausse. Trois personnes sont décédées jusqu’ici.
La violence physique a été justifiée par toute cette rhétorique qui a qualifié les manifestants de ‘‘capulcu’’ (pillard, ou vandale, en turc). En réponse à cela, sur les pancartes autour de la place, on pouvait lire ‘‘Nous sommes tous capulcu’’. Une chaine de télévision, ‘‘Capulcu TV’’ a été lancée sur le net. Erdogan a également attaqué les réseaux sociaux, décrivant Twitter comme une ‘‘menace pour la société’’.
La raison est claire – alors que six journaux turcs avaient exactement le même titre jeudi matin et que la NTV diffusait un documentaire sur les manchots lors de l’assaut policier sur la place Taksim – plusieurs vidéos de brutalité policières se sont propagées à travers la toile.
Le coup de grâce
L’étincelle qui a provoqué cette révolte de masse fut l’arrivée de bulldozers dans le parc Gezi d’Istanbul, conformément à un plan qui prévoyait de remplacer l’un des rares espaces verts et publics du centre-ville par un centre commercial. Ce fut simplement ‘‘la goutte qui a fait déborder le vase’’, comme l’a expliqué Mucella Yapici, la Secrétaire de ‘‘Solidarité Taksim’’, l’une des dirigeantes de la Chambre des Architectes à Istanbul. Mucella a dénoncé ‘‘le pillage de la ville’’ de ces dernières années – la destruction d’espaces publics, l’expulsion de la population ouvrière de leurs quartiers et l’embourgeoisement de ces zones, ainsi que des projets de prestige comme la planification d’un troisième aéroport et d’un troisième pont massif.
Ce processus conduit à l’enrichissement d’un secteur de la construction très proche du parti au pouvoir, l’AKP. Cette réorganisation de la ville a également été considérée comme une attaque contre les bâtiments historiques représentant les traditions laïques de Turquie.
Un autre facteur est l’importance historique de la place Taksim pour le mouvement des travailleurs. Lors du 1er mai 1977, 34 travailleurs qui célébraient le 1er Mai furent tués par des tirs de polices sur la foule. Cette année, la permission pour les manifestations du 1er mai sur la place Taksim a été refusée. Ces éléments, combinés à la nature autoritaire du gouvernement d’Erdogan, notamment ses tentatives d’imposer des restrictions conservatrices sur la vente d’alcool et ses limitations de disponibilité de pilules contraceptives, ont installé le terreau pour une explosion sociale.
Manifestations anti-gouvernement
Les manifestants se sont réunis autours de 5 revendications :
- Non à la destruction du parc Gezi
- Le retrait des chefs de police et du Ministre de l’Intérieur impliqués dans la brutale répression policières
- Une interdiction de l’utilisation de gaz lacrymogènes
- Aucune restriction dans l’utilisation des espaces publiques pour les manifestants
- La libération de tous ceux qui ont été arrêtés durant ces manifestations.
Malgré ces revendications officielles, le slogan le plus populaire, qui résonne 24h sur 24 et qui surgit spontanément même au-delà de la place Taksim, est ‘‘Tayyip Istifa’’ (Tayyip [Erdogan] démissionne). Il est suivi par le chant qui entraine des milliers de personnes à sauter : ‘‘si tu ne sautes pas, tu supportes Erdogan’’. C’est maintenant un mouvement anti-gouvernement qui lutte pour des droits démocratiques et la liberté.
Le mouvement de protestation a entrainé des centaines de milliers de personnes qui n’avaient encore jamais été politiquement actives avant ces actions. Un sondage des manifestants de Taksim montre que 57% n’avaient jamais participé à une manifestation avant et que 70% ne soutenaient pas de parti politique en particulier. Avec ces gens précédemment inactifs, le mouvement a également réuni des alliés hors du commun. Des groupes de supporters de football de trois équipes d’Istanbul – Besiktas, Fenerbahce et Galatasaray – réputés pour leurs affrontements entre eux, ont rejoint les forces de l’opposition pour les aider à repousser la police.
Ils sont rejoints par des militants des partis et des syndicats de gauche qui ont une grande expérience de la nature répressive de l’État turc. Les militants féministes et LGBT sont des forces visibles et s’opposent notamment aux chants sexistes de certaines parties des manifestants.
Place Taksim, des drapeaux du dirigeant kurde Abdullah Öcalan flottent aux côtés des drapeaux nationalistes turcs. L’expérience de la répression policière et de la censure médiatique a ouvert les yeux à certains militants turcs à propos de l’oppression des kurdes.
Pour le moment, la police a renoncé à ses tentatives de reprendre la place Taksim [cet article date du 9 juin, ndt], mais les violences massives continuent à Ankara, partout en Turquie et dans les banlieues d’Istanbul. Samedi soir, en compagnie des journalistes du Rabble, Reuben et Gielty et des militants turcs, je me suis rendu dans un quartier ouvrier appelé Gazi dans lequel vit majoritairement des Kurdes et des Alévis. Là-bas, j’ai été témoin d’une énorme bataille de rue impliquant près de 10.000 personnes issues de la classe ouvrière contre la police. Les gaz lacrymogènes se mélangeaient avec la fumée des feux de joie pendant que les autopompes de la police nous tiraient dessus. Quelques jours avant, Turan Akbas, âgé de 19 ans, a reçu une bombe de gaz lacrymogène dans la tête.
Lui, ainsi que 9 autres personnes victimes de blessures similaires, est actuellement dans une situation critique à l’hôpital. Pour les résidents de Gazi et beaucoup d’autres, ce soulèvement est une réaction aux décennies de répression et de brutalité par la police et l’absence de droits démocratiques.
Et ensuite ?
Ce qu’il se passera par la suite est incertain. Erdogan a choisit une ligne agressive, malgré que d’autres voies de l’establishment adoptent des discours plus conciliateurs. Le meeting de samedi des dirigeants du parti au pouvoir, l’AKP, a exclu des élections anticipées et a décidé d’organiser des grands rassemblements de ses partisans samedi et dimanche prochain. La place Taksim est en pleine effervescence suite à des rumeurs selon lesquelles la police va tenter de reprendre la place lundi.
S’ils le font, ils devront faire face à une résistance extrêmement déterminée. Ayant senti leur puissance, la classe ouvrière turque et les jeunes ne sont pas près de renoncer à leur contrôle des espaces publiques sans se battre. Beaucoup étudient les leçons des révolutions égyptienne et tunisienne, cherchant à éviter les déboires rencontrés là-bas.
Le génie est sorti de la bouteille pour le gouvernement Erdogan – ce soulèvement a le potentiel de devenir un mouvement révolutionnaire capable de le renverser et de poser les possibilités d’un changement radical démocratique et socialiste. Les actions de solidarité sont aujourd’hui indispensables pour montrer que les manifestants ne sont pas les seuls et que le monde a les yeux tournés vers eux.
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Turquie : Erdogan a choisi l’épreuve de force, mais les ‘‘pillards’’ continuent de riposter
Ce lundi 10 juin, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait accepté de parler aux manifestants et de les écouter. Mais le lendemain, tôt le matin, il a envoyé la police anti-émeute évacuer brutalement les manifestants de la place Taksim à Istanbul, en utilisant des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des bulldozers.
Par Kai Stein, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Durant deux semaines de protestation, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues. Le slogan ‘‘Tayyip istifar’’ (Erdogan démissionne) a rassemblé les manifestants des travailleurs du secteur public à ceux qui refusaient la répression du gouvernement contre la consommation d’alcool et les baisers en public. Les masses kurdes, qui continuent à subir l’oppression de l’Etat, se sont jointes aux mobilisations. Parmi les rangs des protestataires, on trouve des militants syndicaux, des écologistes – qui ont initié les manifestations place Taksim – des jeunes de banlieue et la classe ouvrière.
Erdogan tente de se mobiliser un certain soutien parmi les couches les plus conservatrices et religieuses du pays. Il a décrit les centaines de milliers de manifestants comme ‘‘une poignée de pillards’’ ou de ‘‘vandales’’. Erdogan a annoncé la tenue de manifestations de masse en faveur du gouvernement le samedi 15 juin à Ankara et le dimanche 16 juin à Istanbul. Ce calendrier n’est pas un hasard.
Des confrontations épuisantes avec la police
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Pour en savoir plus
- Turquie : Rapport de Paul Murphy
- Turquie : Un mouvement de masse défie le gouvernement Erdogan
- NON au gouvernement Erdogan et NON à l’AKP, le parti du capital !
Meeting sur les mobilisations de masse en Turquie
Ce vendredi 14 juin 2013, à 19h, notre camarade Tanja Niemeier (collaboratrice de l’eurodéputé Paul Murphy) livrera un rapport de son voyage en Turquie, au cœur des mobilisations qui ébranlent le régime de l’AKP. RDV ce vendredi à l’ULg, place du XX août, salle Wittert (trajet fléché).
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Près de deux semaines durant, les travailleurs et les jeunes ont dû quotidiennement se défendre contre la police. En plus des principales places des villes, des centaines de quartiers ont également connu des occupations sans recevoir beaucoup d’attention médiatique. Mais à chaque rassemblement, les contestataires ont été attaqués avec des gaz lacrymogènes.
Hélas, la grève du secteur public des 4 et 5 juin n’a pas été suivie par d’autres actions de la classe ouvrière organisée. Des militants de groupes de gauche organisent les camps sur les places et, à plus d’un titre, organisent le mouvement au jour-le-jour. Mais aucune des grandes organisations, parti ou syndicat, ne met en avant une stratégie pour faire avancer la lutte.
Des comités d’action ou des comités de défense des protestations ont été constitués, mais essentiellement pour faire face aux questions urgentes et ils sont principalement composés de membres de groupes de gauche. Cela laisse la majorité des manifestants sans voix.
Comment faire chuter Erdogan ?
Une stratégie audacieuse est nécessaire pour construire le mouvement avec des assemblées générales et des comités à tous les niveaux : pour défendre les protestations mais aussi pour coordonner la lutte et construire un rapport de force capable de renverser le gouvernement et d’offrir une alternative dans l’intérêt des travailleurs, des jeunes et pauvres. Au lieu de laisser l’espace à Erdogan pour mobiliser le soutien des conservateurs sur des thèmes religuieux, un tel mouvement pourrait porter atteinte à ce soutien et gagner la faveur de tous ceux qui souffrent de la politique antisociale d’Erdogan en développant des revendication portant sur l’emploi, l’arrêt des privatisations, les conditions de travail, le logement,…
Malheureusement, même à gauche, les revendications défendues sont assez limitées et portent sur la défense du Parc Gezi, sur le respect des droits démocratiques et sur la condamnation des responsables des brutalités policières. Tout cela doit être défendu, mais limiter le mouvement à ces questions – sans développer les questions sociales – sacrifie la stratégie nécessaire pour se battre efficacement pour les aspirations qui ont conduit les masses à descendre dans les rues.
La majorité des manifestants sont des jeunes, éloignés de tous partis. Ce vide doit être rempli par la création d’un nouveau parti de masse démocratique, armé d’un programme socialiste et où les forces de gauche existantes (HDK, Halk Evleri, etc.) pourraient collaborer.
Le nombre de manifestants était légèrement à la baisse ce lundi 10 juin. Erdogan cherche à exploiter cette faiblesse pour reprendre le contrôle de la situation, mais cela peut à son tour provoquer une nouvelle vague de luttes.
Sosyalist Alternatif (CIO-Turquie) plaide pour protester aujourd’hui contre les attaques de la police et pour l’organisation de manifestations de masse dans toutes les villes samedi prochain, avant une manifestation nationale le dimanche à Istanbul afin de riposter contre la tentative de démonstration de force d’Erdogan. Cela pourrait préparer le terrain pour une grève générale – des secteurs privé et public – d’une journée en tant qu’étape ultérieure du mouvement.
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Anvers : Action de solidarité avec le mouvement de protestation en Turquie
Ce dimanche, quelques centaines de personnes se sont rendues sur la Groenplaats à Anvers pour mener une action de solidarité avec les protestations de masse qui se déroulent actuellement en Turquie. Au cours de la semaine écoulée, il y a eu au moins un million de manifestants à Istanbul. A Anvers étaient présents nombre de militants progressistes d’origine turque, mais une délégation de solidarité du PSL était aussi présente et a distribué un tract en néerlandais et en turc.
Photos de Jean-Marie Versijp
Liège : Meeting sur les mobilisations de masse en Turquie
Ce vendredi 14 juin 2013, à 19h, notre camarade Tanja Niemeier (collaboratrice de l’eurodéputé Paul Murphy) livrera un rapport de son voyage en Turquie, au cœur des mobilisations qui ébranlent le régime de l’AKP. RDV ce vendredi à l’ULg, place du XX août, salle Wittert (trajet fléché).
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Anvers : Action de solidarité avec le mouvement de protestation en Turquie (2)
Ce dimanche, quelques centaines de personnes se sont rendues sur la Groenplaats à Anvers pour mener une action de solidarité avec les protestations de masse qui se déroulent actuellement en Turquie. Au cours de la semaine écoulée, il y a eu au moins un million de manifestants à Istanbul. A Anvers étaient présents nombre de militants progressistes d’origine turque, mais une délégation de solidarité du PSL était aussi présente et a distribué un tract en néerlandais et en turc.
Photos de Geert Cool
Liège : Meeting sur les mobilisations de masse en Turquie
Ce vendredi 14 juin 2013, à 19h, notre camarade Tanja Niemeier (collaboratrice de l’eurodéputé Paul Murphy) livrera un rapport de son voyage en Turquie, au cœur des mobilisations qui ébranlent le régime de l’AKP. RDV ce vendredi à l’ULg, place du XX août, salle Wittert (trajet fléché).
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Turquie : Un mouvement de masse défie le gouvernement Erdogan
Les travailleurs du secteur public entrent en grève contre les violences policières – Pour une journée de grève générale, prochaine étape pour renverser le gouvernement !
KESK, la Confédération des Syndicats des Travailleurs du Secteur Public en Turquie, a annoncé une grève générale nationale contre les violences policières les 4 et 5 juin. Depuis lors, la DISK, Confédération des Syndicats Révolutionnaires de Turquie (une fédération syndicale d’environ 350 000 membres) appelle aussi maintenant à une grève le mercredi 5 juin, contre la violence policière On s’attend à des centaines de milliers de manifestants. Malgré cela, la police continue à utiliser les gaz lacymo et à attaquer violemment les manifestants.
Par des correspondants de Sosyalist Alternatif (CIO-Turquie)
La violence policière continuelle, qu’on a d’abord vu sur le parc Gezi, sur la place Taskim à Istanbul, montre une fois de plus l’arrogance et la violence policière arbitraire sur lesquelles reposent le gouvernement AKP (Parti de la Justice et du Développement). Des centaines de personnes ont été blessées, certaines gravement. Au cours du mouvement de masse, deux manifestants ont été tués.
La politique envers le Parc Gezi a été l’étincelle qui a déclenché l’explosion. Maintenant, la colère qui s’accumule depuis des années est devenue visible. Les manifestations n’ont pas lieu qu’à Istanbul. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans toute la Turquie, à Ankara, à Izmir et à Bodrum, Il y aurait eu des manifestations de masse dans 67 villes au total. Il y aurait même des divisions au sein de l’appareil d’État, des militaires ayant distribué des masques et certains officiers de police ayant soutenu les manifestants.
Il existe un potentiel pour le développement d’un mouvement qui remette en cause l’élite capitaliste turque.
La Turquie est à la croisée des chemins. Le gouvernement AKP, confronté à une forte chute du taux de croissance économique cette année, est maintenant considérablement remis en cause par un mouvement de masse. La montée de l’AKP sur cette dernière décennie était basée sur plusieurs facteurs.
Ces facteurs incluaient la frustration des masses envers les forces Kémalistes, une crise économique profonde au début de ce siècle, l’aliénation de beaucoup de personnes envers la bureaucratie d’État et l’Histoire d’interventions de l’armée dans la vie politique, parfois par des coups d’États violents. L’AKP a été capable de se présenter comme une ”alternative” à l’establishment islamique ”modérée” et de mener une certaine politique sociale populiste. Mais les événements de ces derniers jours ont ébranlé le pouvoir de l’AKP et d’Erdogan.
Le mouvement de masse a d’abord été dominé par les couches les plus basses de la classe moyenne frustrée. Elles ont rapidement été rejointes par des jeunes des banlieues ouvrières. Maintenant, il y une implication croissante du mouvement ouvrier organisé (même si elle commence seulement). Tout cela se dirige vers une entrée en action de plus en plus de couches de la société. Cela peut être un signe avant-coureur de luttes de masse encore plus grandes, vers une situation révolutionnaire ou pré-révolutionnaire. Des scissions à la tête du régime, au sein du parti d’Erdogan, commencent aussi à apparaître.
Le mouvement turc et le courage des manifestants a été accueilli avec sympathie par la classe ouvrière et les jeunes du monde entier. L’aile droite du régime turc, un allié de l’OTAN avec ses ambitions de devenir une puissance régionale, est remise en cause par un soulèvement de colère et de l’opposition. Le cauchemar de la guerre civile en Syrie, de plus en plus sectaire, avec l’ingérence de puissance impérialistes et régionales, et son dangereux débordement dans toute la région, est devenue une menace pour l’aboutissement des soulèvements des peuples contre les dictatures et pour un changement social dans la région. Le régime turc est intervenu cyniquement dans le conflit syrien dès ses débuts, pour essayer de le capitaliser dans ses propres intérêts. Mais maintenant, le début d’un ”été turc” potentiel offre de nouveaux espoirs de revitalisation des mouvements par en-bas dans toute la région, encourageant un renouveau des luttes de masse pour les droits démocratiques, tout comme le besoin d’un changement fondamental dans l’intérêt de la classe ouvrière.
“Tayyip istifa” – “Erdogan, démission!”
Cela a commencé par des actions de militants écologistes contre un abattage d’arbres destiné à permettre à des promoteurs proches du Premier Ministre Erdogan de construire un centre commercial de plus au centre d’Istanbul. Avec toute la force de la violence policière, ils ont essayé d’imposer ce chantier pour les profits de quelques uns. Aux yeux de millions de Turcs, cela a très bien résumé le programme du gouvernement néo-libéral AKP.
“Tayyip istifa” – “Erdogan démission” est devenu le slogan rassembleur du mouvement. Une partie du CHP (Parti Républicain du Peuple), la principale opposition pro-capitaliste, et même les fascistes, le MHP, ont essayé de capitaliser ce mouvement. Jusqu’ici, le caractère radical du mouvement de masse n’a pas permis au CHP de dominer.
Cependant, au sein du mouvement, il est essentiel d’avoir un débat sur le chemin à suivre. Comment une force politique de masse peut-elle être construite pour servir les intérêts des travailleurs, des jeunes et des pauvres, qui serait capable de renverser le gouvernement d’Erdogan et de proposer une alternative ?
Ce mouvement ne peut rien avoir en commun avec la vieille élite du CHP. Une nouvelle force politique est nécessaire, rassemblant la classe ouvrière et les jeunes. On a donc besoin d’un programme politique qui mette en avant les droits démocratiques et la lutte pour les emplois, un logement décent, une augmentation des salaires et la sécurité sociale ; un programme socialiste qui n’a pas peur de s’attaquer aux intérêts de l’élite capitaliste et des multinationales.
Stop à la violation des droits par le gouvernement AKP !
Trop, c’est trop ! Depuis des années, le gouvernement viole les droits démocratiques, les droits des travailleurs, des syndicats et des minorités. La violence au Parc Gezi n’est que la partie visible de l’iceberg. Environ 8000 syndicalistes, militants de gauche, journalistes et politiciens kurdes sont en prison. Et les médias turcs diffusent (sûrement sous les ordres d’Erdogan) des émissions de cuisine, pendant que le peuple essaie de savoir ce qu’il se passe dans leur propre pays par les médias étrangers !
Nous appelons :
- A la libération immédiate de toutes les personnes emprisonnées pendant les manifestations et de tous les prisonniers politiques
- A une commission indépendante de la classe ouvrière formée par les syndicats et les représentants élus du mouvement pour mener des investigations sur la répression policière et mener les responsables devant la justice.
- Aux pleins droits démocratiques, dont le droit à manifester et à former des syndicats et des partis politiques
- A l’abolition de toutes les lois antiterroristes et des cours spéciales, et de toutes les lois réactionnaires et répressives introduites par l’AKP ces dernière années
- A la fin de la répression des Kurdes
Le gouvernement s’attaque aussi aux travailleurs du secteur public. Il projette de mettre fin à la sécurité de l’emploi dans le public, en faisant des coupes d’emplois et en réduisant les salaires. Le principal syndicat du secteur public, le KESK, avait déjà planifié une grève sur ces questions (dont la date devait encore être déterminée) avant le début des grandes manifestations.
En même temps, le gouvernement Erdogan fait passer des privatisations à grande échelle. La société est dominé par la corruption, le piston et l’enrichissement d’une poignée.
Nos revendications :
- Non à tous les plans (même « modifiés ») du gouvernement pour « développer » la Place Tskim
- Non aux privatisations – pour la renationalisation des propriétés publiques privatisées !
- Augmentation du salaire minimum pour répondre aux besoins de la population !
- Arrêt de toutes les attaques contre les travailleurs du secteur public
- Arrêt des politiques qui sont dans l’intérêt des banques et des grandes entreprises
‘Diviser pour mieux régner’
Ceux des patrons turcs et des entreprises internationales qui sont proches d’Erdogan ont pu s’enrichir depuis des années. Les politiques de privatisation, les attaques néo-libérales et la répression des manifestations servent l’enrichissement d’une poignée. En réponse, nous avons besoin d’une résistance unie des travailleurs, des jeunes et des pauvres.
Pour pouvoir appliquer ces politiques, l’AKP essaie de se présenter comme le défenseur des valeurs islamiques. C’est pour cela qu’il adopte des mesures de division, comme l’étendue des espaces où l’alcool ne peut être vendu légalement et l’interdiction de s’embrasser en public. Avec ces mesures et beaucoup d’autres, l’AKP essaie de trouver du soutien parmi les couches les plus conservatrices de la population. C’est une tentative de couvrir la politique et les attaques réelles du gouvernement. C’est absolument cynique.
En relançant le débat sur la construction d’une mosquée sur la place Taksim, Erdogan essaie de provoquer les personnes qui penchent vers la laïcité. La semaine dernière, il a été annoncé que le troisième pont construit sur le détroit du Bosphore porterait le nom du Sultan Selim I, le massacreur de la minorité Alévite il y a 500 ans. Ces provocations culturelles doivent s’arrêter immédiatement.
Erdogan a fait des menaces voilées de mobiliser les couches conservatrices dans les rues pour contrer le mouvement contestataire. Il met en avant sa majorité parlementaire et pense que l’AKP peut obtenir un soutien réel dans la société. Le mouvement de masse a besoin de défendre des politiques qui peuvent gagner les ruraux et les pauvres des villes, pour saborder les tentatives du gouvernement de diviser pour mieux régner. Les travailleurs et les jeunes ne peuvent se permettre d’être divisés dans leur résistance aux attaques néo-libérales et la lutte pour un travail bien payé, un logement décent pour tous et les pleins droits démocratiques.
Les tâches du mouvement ouvrier et de la gauche
L’appel du syndicat du secteur public KESK à une grève nationale contre la violence policière est la bonne décision. Les autres syndicats devraient suivre cet exemple et élargir la grève. Une journée de grève générale dans toute la Turquie peut être le prochain pas pour développer le mouvement de masse et mettre la plus grande force possible contre Erdogan – le mouvement ouvrier organisé – au centre de la contestation.
Les syndicats et les partis et groupes de gauche, comme le HDK (Congrès Démocratique du Peuple- un parti de rassemblement qui incluse des partis kurdes et des groupes de gauche), Halk Evleri (Maisons du Peuple) et d’autres, peuvent contribuer, à tous les niveaux, à transformer cela en une grève avec une participation maximum des travailleurs, des jeunes et des communautés ; les comités basés sur des assemblées de masse dans les usines et les quartiers sont nécessaires pour se défendre contre la violence policière, pour organiser la solidarité pour la réussite de la grève, et pour encourager les débats politiques à tous les niveaux. Rassembler les représentants élus de toutes ces assemblées au niveaux local, des villes, régional, ainsi qu’au niveau national, permettrait de construire le mouvement de manière démocratique, avec une responsabilités devant les électeurs et le droit de révoquer tout représentant. Cela peut être la base d’un gouvernement des travailleurs et des pauvres.
En se basant sur ces étapes, il est possible de construire un mouvement non seulement pour renverser le gouvernement Erdogan, mais aussi pour lutter pour une alternative dans l’intérêt de la classe ouvrière, des jeunes et de tous ceux qui travaillent en général. Un parti de masse de la classe ouvrière, avec un programme socialiste, est nécessaire.
Nous revendiquons :
- Le renversement du gouvernement AKP – pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres !
- La fin de la dictature du grand business et de ses politiciens
- La nationalisation des entreprises qui dominent l’économie, sous le contrôle et la gestion des travailleurs
- Pour une planification démocratique et socialiste de l’organisation et du développement de l’économie dans les intérêts de la population
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NON au gouvernement Erdogan et NON à l’AKP, le parti du capital !
Pour obtenir satisfaction de nos revendications et organiser la fin du règne de l’AKP, il nous faut une grève générale ! Unifions la résistance !
Le gouvernement AKP de Tayyip Erdogan réprime brutalement la moindre volonté d’opposition. L’intervention violente de la police contre une manifestation pacifique opposée à la démolition du parc Gezi à Istanbul n’a été que la goutte qui a fait déborder le vase.
Tract de Sosyalist Alternatif (CIO-Turquie). PDF
- Tract en format PDF
- Tract en turc
Le règne dictatorial de Tayyip Erdogan assure que tous les droits démocratiques sont systématiquement bafoués. Erdogan n’a pas hésité à répondre à chaque protestation démocratique à coups de matraques, de gaz lacrymogène, de canons à eau et d’arrestations massives. Des militants écologistes au mouvement ouvrier, tout doit être balayé pour satisfaire les intérêts d’une poignée de capitalistes.
Il y a à peine un mois, le jeune étudiant Dilan avait été visé par la police quasiment tué sous le choc des tirs de grenades lacrymogènes pour avoir pris part à la manifestation contre l’interdiction de célébrer le 1er mai place Taksim. Peu de temps avant, il y a eu le massacre de Reyhanli en riposte à la politique impérialiste de l’AKP. Et ceux qui ont donné l’ordre de bombarder les enfants kurdes de Roboski restent introuvables.
Cette accumulation de colère a poussé une mobilisation de quelques centaines de manifestants au Parc Gezi à devenir une protestation de millions de personnes.
Assez c’est assez!
Aujourd’hui, les jeunes, les travailleurs et des personnes issues de toute la société crient massivement le slogan ‘‘Tayyip démission!’’ A Istanbul, Izmir,… un peu partout en Turquie, les masses laissent libre cours à l’expression de leur colère. Les protestations ont spontanément surgi, il est maintenant nécessaire de très vite lancer des comités de résistance afin de coordonner les protestations et de développer des revendications politiques.
Ces comités doivent organiser les protestations pour par exemple éviter le pillage des magasins et aussi pour organiser la circulation de l’information et l’assistance médicale. Nous avons également besoin d’un plan d’action politique. Erdogan ne démissionnera pas simplement sous la pression des manifestations. Faire chuter son régime nécessite de développer la résistance au moyen d’une grève générale. Cela pourra annoncer la fin d’Erdogan et de son gouvernement AKP qui ne sert que les intérêts du capital.
Une grève générale vers l’obtention des revendications suivantes :
- Toutes les personnes arrêtées dans les mobilisations de ces derniers jours doivent être immédiatement libérées !
- Les agresseurs et leurs commanditaires qui ont attaqué les manifestants au Parc Gezi et dans toute la Turquie doivent être directement mis de côté. Ils ont voulu restreindre le droit de manifester et sont responsables des nombreux blessés.
- NON aux plans qui destinent la place Taksim à n’être qu’une caserne et non aux autres projets qui pillent l’espace public !
- NON à la volonté du gouvernement d’imposer ses positions à l’aide des forces de l’Etat !
- NON à la défense des intérêts d’une poignée de capitaliste, rien n’est plus important que le droit à de bonnes conditions de vie dans un environnement sain !
- NON aux attaques contre les droits syndicaux et les droits des travailleurs !
- Tous les prisonniers politiques doivent être immédiatement libérés. NON aux arrestations de toute personne ne partageant pas les vues du gouvernement !
- NON à la violence policière, aucune limitation du droit de manifester !
- Stop à la répression contre les Kurdes !
Contactez Sosyalist Alternatif (section du CIO en Turquie), le Parti Socialiste de Lutte (CIO-Belgique) et le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) pour poursuivre le combat. Le CIO est présent dans plus de 45 pays et veut organiser la lutte pour une société socialiste. Non à la pauvreté, au chômage et à l’exploitation ! Lutte – Solidarité – Socialisme !
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Syrie : Huit mois de protestation de masses font face à une brutalité sanglante
Les assauts à la grenade, lancés par des déserteurs de l’armée syrienne sur le QG du parti au pouvoir de Baath à Damas, et quelques jours plus tôt sur le centre de renseignements de l’armée de l’air, marquent une nouvelle étape dans la rébellion syrienne. Ils indiquent le début d’une contre-attaque armée, après huit mois de manifestations antigouvernementales pacifiques entravées par la brutalité des forces armées syriennes.
Judy Beishon, (CIO-Angleterre et pays de Galles)
La contrebande d’armes a augmenté drastiquement le long des frontières de la Syrie, particulièrement celles jouxtant l’Irak et le Liban. Bien que les déserteurs soient en minorité face au reste des forces du régime, un groupe de volontaires organise comme il le peut ”l’armée libre de Syrie”. Certains d’entre eux ont déclaré ne pas rencontrer d’opposition de la part des troupes du régime, qui leur ont même offert de l’aide. (Guardian 19.11.11).
La plupart des bains de sang perpétrés dans le pays par la police gouvernementale et les forces armées visent les protestataires qui, inspirés par le processus révolutionnaire au Moyen Orient et en Afrique du Nord, réclament à corps et à cri l’abolition du régime autoritaire et répressif. Les estimations du nombre de victimes varient entre 3500 selon les Nations Unies, et des chiffres beaucoup plus élevés. Un rapport indique que 5000 civils ont été tués rien que dans la ville de Homs, la troisième de pays en terme de superficie.
Homs est maintenant sous ”occupation” militaire constante, et 150 personnes ont été abattues ce mois-ci. Mais malgré le risque énorme qu’engendre le fait de protester, les courageuses manifestations anti-gouvernement dans les banlieues continuent, non sans danger pour le mouvement d’opposition: la brutalité et les provocations des forces de sécurité de l’état ont créé des clivages dans certaines zones du pays, particulièrement à Homs, entre les membres d’ethnies et de religions différentes dans la population.
Les médias du monde entiers spéculent actuellement sur la naissance d’un sanglant conflit sectaire. Bien qu’un tel scénario puisse se vérifier si les masses syriennes n’entament pas la création de leurs propres organisations démocratiques et non-sectaires, la pierre angulaire de la situation actuelle est le large mouvement contestataire quasi omniprésent contre le régime, rassemblant aussi bien les travailleurs que les pauvres provenant de nombreuses couches minoritaires de la société, ainsi qu’une grande majorité de la population sunnite.
Un mouvement mené par une classe ouvrière unie détient le potentiel nécessaire pour mettre fin aux divisions, en organisant des corps de défense non sectaires à la base de la population et en adoptant un programme qui pourrait mener à un ”changement de régime” qui profiterait à la majorité de la population plutôt qu’à la classe capitalise syrienne et à l’impérialisme étranger.
La Ligue Arabe
Les institutions régionales et mondiales craignent la situation qui en en train de se développer mais en tirent aussi des bénéfices. La Ligue Arabe a appelé à la fin de l’intolérable répression en Syrie et a voulu impose 500 ”observateurs”. Cette interférence rejetée par le régime syrien, la Ligue a voté des sanctions à l’encontre de la Syrie et a suspendu son adhésion.
Le fait que les membres à la tête du gouvernement autocrate et moyenâgeux n’agissent pas en prenant en compte les droits de l’homme crève les yeux au vu de leur propre histoire, sans oublier la répression menée par le régime en Arabie Saoudite et l’aide militaire apportée pour écraser la révolution à Bahreïn. Leur critique du président Assad en Syrie vient en partie de leur désir de se protéger de l’indignation de la population quant aux massacres en Syrie, et aussi de la sympathie de cette même population pour les révoltes de masse en Tunisie et en Egypte, qui ont éjecté leurs confrères dictateurs. Mais ils ont aussi leurs propres intérêts géostratégiques, et se différencient de ce qui est, pour eux, un régime ”maladroit” en relation avec l’Iran. Ils craignent également les conséquences dans la région si Assad ne faisait pas de concessions suffisantes ou se résignait à un transfert du pouvoir – les tensions et les conflits qui pourraient en résulter se répandraient dans tout le Moyen-Orient.
Le roi Abdullah de Cisjordanie a déclaré que s’il était à la place de son ami de longue date Assad, il se résignerait. Il a également émis un avertissement quand au remplacement du leader autoritaire par un autre membre haut placé du parti Baath, ajoutant qu’il y a peu de chance que cela apporte une once de stabilité. Le renouvellement des protestations de masse en Egypte prouve la véracité de ses propos vis-à-vis de la classe dominante du moyen-orient.
L’Union Européenne (UE) a imposé des sanctions aux leaders Syriens: un embargo sur les armes et l’interdiction d’importer leur pétrole. De telles mesures, en plus de celles des USA, vont inévitablement affaiblir le régime d’Assad. En 2010 l’UE était le plus grand partenaire commercial de la Syrie, et représentait 22,5% de son chiffre d’affaire.
Le secteur du tourisme, qui contribuait à hauteur de 12% aux revenus du pays avant 2011, a aussi été touché. Résultat, le chômage augmente et la pauvreté s’intensifie; dans certains cas, les salaires ne sont même plus versés.
La balance des forces
Combien de temps Assad va-t-il pouvoir tenir dans de telles circonstances? L’élite nationale, dominée par la minorité alawite mais comprenant les élites d’autres secteurs de la population telles que la majorité sunnite et la minorité chrétienne, le supporte toujours, tout comme l’armée.
La Syrie dispose d’un important stock d’armes en provenance de Russie – la valeur des contrats actuels entre les deux pays dépasse les 2.5 milliards de dollars. Les élites ont également réussi à rassembler des centaines de milliers de ‘supporters’ du règne d’Assad dans une récente manifestation à Damas, mais de nombreuses personnes se sont vue contraintes d’y assister sous peine de représailles. Le Times (15.11.11) rapporte que le 13 novembre, un élève de 14 ans a été abattu pour avoir mené un refus massif contre la présence de son école à une manifestation en faveur du régime en place.
De plus, les organisations politiques faisant office de défenseurs de l’opposition sont elles-mêmes très divisées sur presque tous les sujets, que ce soit sur le fait d’encourager l’intervention étrangère ou bien de tenter d’enter en pourparlers avec le régime, ou sur la question de l’armement des manifestants. Les exilés de l’opposition au Conseil National de Syrie (CNS) – basé à Istanbul – réclament une intervention internationale pour protéger les civils. Cependant, en accord avec sa direction pro-capitaliste, bien que le CNS désire le départ d’Assad, il soutient la préservation des institutions étatiques, et principalement de l’armée. En Syrie, le Comité de Coordination Locale, la Commission Générale Révolutionnaire Syrienne, et la Fraternité Musulmane comptent parmi les organisations qui adhèrent au CNS.
Le Comité de Coordination Nationale (CCN), qui regroupe d’autres organes d’opposition, rejette de but en blanc l’intervention étrangère, mais demande la poursuite des manifestations pour mettre la pression sur l’armée afin de mettre fin à ses méthodes brutales, et préconise de dialoguer avec le régime afin de le réformer plutôt que de le remplacer.
Un programme socialiste est nécessaire
Pour faire court, l’opposition est désorientée et manque d’un programme qui pourrait unir les classes ouvrière et moyenne et leur fournir une stratégie de lutte de masse et de grève générale – entraînant avec elles les grandes ville de Damas et Alep entre autres – pour mettre fin au règne d’Assad. Elle doit aussi proposer une alternative viable, qui, pour mettre fin à la pauvreté et à la division, doit être un système socialiste basé sur une véritable démocratie ouvrière et une nationalisation des ressources-clés du pays.
L’état actuel de la révolution n’est pas surprenant au vu des décennies de répression des partis politiques et du contrôle exercé sur les syndicats. Mais des bases démocratiques pourraient êtres bâties très rapidement, de manière urgente dans les mois et semaines à venir.
Le rejet de l’assistance des pouvoirs régionaux et internationaux est justifié, en particulier dans le cas de la Turquie, membre de l’OTAN – encore un régime qui a persécuté ses propres opposants, mais qui prétend soutenir les opposants syriens. Les interventions impérialistes en Irak, en Afghanistan et en Libye ont démontré que leur véritable objectif est le prestige, l’influence, le commerce, et l’acquisition du marché et des ressources naturelles. Les travailleurs syriens ne peuvent compter que sur la solidarité et l’aide d’organisation ouvrières internationales.
En ce qui concerne la ”non-violence” et les armes, le seul moyen d’en finir avec les bains de sang le plus vite possible est de supporter le droit d’organiser des corps de défense armés de manière démocratique à la base de chaque communauté et de chaque lieu de travail. Les tanks et les missiles ne peuvent être contrés à mains nues sans une hécatombe – une défense armée et non sectaire s’impose donc.
Intervention militaire extérieure
Les puissances occidentales ont jusqu’à présent rejeté toute intervention militaire, même de petite ampleur, telles qu’un embargo aériens le long des zones frontalières. Bien qu’elles considèrent leur opération en Libye comme une réussite , elles ont failli s’enliser dans un combat sans fin, et sans garantie de gains réels. L’intervention militaire en Syrie serait bien plus risquée au vu des différences essentielles entre la Syrie et la Libye. En plus de son assemblage bien plus complexe d’ethnies, de religions et de nationalités, la Syrie se trouve à une position charnière du Moyen-Orient, les répercussions régionales seraient donc potentiellement bien plus graves.
L’éditeur diplomatique du Times, Roger Boyes, commente: “Un dictateur brutal du Moyen-Orient, c’est une chose; un pouvoir en train de s’écrouler, aux frontière d’Israël et de l’OTAN, c’en est une autre”.
Mais cette prudence ne les empêche pas de se mêler des affaires syriennes autrement, sans pour autant apporter le moindre soutien aux luttes de la population. Au lieu de cela, elles se préparent à la chute d’Assad, en discutant avec de soi-disant ”leaders” de l’opposition, espérant ainsi pouvoir les utiliser pour mettre en avant leurs intérêts occidentaux, comme ils l’ont fait lors de la chute de Kadhafi.
"Cela fait plusieurs mois que nous sommes en contact avec des membres de l’opposition. Nous sommes maintenant en train de consolider ces contacts", a déclaré une porte-parole anglaise du bureau des affaires étrangères, alors que le secrétaire des affaires étrangères William Hague a organisé des rendez-vous avec le CNS et le CCN à Londres le 21 novembre.
Bien que les puissances voient une opportunité dans la chute d’Assad – par exemple l’affaiblissement de son influence dans la région du Hezbollah au Liban, et surtout en Iran, elles craignent le chaos qui pourrait résulter. Comme le fait que l’Iran mette en avant ses intérêts en Irak plutôt que ceux de l’impérialisme occidental.
La classe ouvrière syrienne ne doit se fier qu’à ses propres forces – qui sont immenses – pour avancer. Le chemin ne sera pas aisé. Malgré sa détermination à se battre jusqu’au bout, Assad pourrait fuir ou se voir retirer le pouvoir, et alors la classe ouvrière devra être prête à imposer sa vision d’un nouveau gouvernement. L’expérience des travailleurs en Tunisie, en Egypte et en Libye est un exemple flagrant que nulle confiance ne doit être placée dans les mains d’autres régimes, des généraux de l’armée, ou celles d’autres politiciens pro-capitalistes. Il faut au contraire proposer une solution socialiste comme seul moyen d’enrayer le chômage, de mettre fin à la pauvreté et aux carnages, et de garantir des droits démocratiques pour tous.
- Une lutte unie contre le régime menée par la classe ouvrière et les démunis en Syrie, quelles que soient leurs origines ou leur religion.
- Bâtir des comités démocratiques sur les lieux de travail, et des organes de défense anti-répression pour continuer la lutte.
- Refus net de toute ingérence étrangère de la part des capitalistes.
- Pour des syndicats unifiés et un parti ouvrier de masse.
- Pour une assemblée constituante révolutionnaire.
- Pour un gouvernement ouvrier et démocratique, avec une politique socialiste, garantissant l’ensemble des droits démocratiques pour toutes les minorités.