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Tag: Inflation
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Un plan d’action pour mobiliser vers la grève générale !

Dessin : Clément T. (Liège) -
L’énergie en mains publiques
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2 €/h d’augmentation pour tous les salaires
Le coût de l’énergie bat tous les records. Le 17 août, le mégawatt-heure atteignait les 541€. Record battu quatre jours plus tard avec 562€ et encore une fois le 24 août avec 612€. Le gouvernement a une solution : tenter de faire passer la pilule… « Les cinq à dix prochains hivers seront difficiles », a simplement déclaré le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) au même moment. Pas difficiles pour tout le monde toutefois… Car les dividendes versés aux actionnaires atteignent des records eux-aussi.
Par un délégué FGTB
« Exxon Mobil va gagner plus d’argent que dieu » (Joe Biden)
Sur le deuxième trimestre de cette année, ExxonMobil a versé 7,6 milliards de dollars à ses actionnaires. Le président américain Joe Biden peut bien en rire, mais la situation est grave. Quinze des plus grandes multinationales pétrolières ont engrangé un profit cumulé de 77 milliards de dollars sur le deuxième trimestre de l’année, soit le triple de leurs profits sur la même période l’année précédente. Le jackpot, c’est la multinationale saoudienne Aramco qui l’a touché avec un bénéfice de 48 milliards de dollars. Entre-temps, Arlanxeo, une filiale d’Aramco implantée à Zwijndrecht, aux Pays-Bas, a annoncé en juin qu’elle supprimait 70 emplois en raison… de la forte hausse des prix de l’énergie ! Ces capitalistes ne reculent devant rien !
En Belgique, Engie-Electrabel a déjà déclaré 1,9 milliard de bénéfices l’an dernier, dont 1,244 milliard a été versé à sa maison-mère, le groupe français Engie, en tant que dividende exceptionnel. Combien de fois plus cette année ? Histoire de se rendre compte de ce que de tels chiffres représentent: 1 million de seconde, cela revient à 11 jours. 1 milliards de secondes, cela revient à 32 ans…
Ce n’est vraiment pas la crise pour tout le monde, certains s’en frottent les mains. Au cours du premier trimestre de 2022, les sociétés non financières en Belgique ont gagné plus de 35 milliards d’euros ! Et quoi, pas d’espace pour nos salaires ? Le gouvernement a choisi qui aider en tout cas. Comme le dénonce la FGTB, par rapport au dernier trimestre de 2021, « les entreprises ont reçu près de trois milliards d’euros de subventions de plus… que ce qu’elles devaient payer en impôts. Par rapport au premier trimestre de 2021, cette somme s’élève à 11,6 milliards d’euros. » Et rien pour nos salaires?
Ce sont les travailleuses et travailleurs qui créent les richesses par leur travail. Nous l’avons encore toutes et tous constaté pendant la pandémie : ce ne sont pas les actionnaires qui ont fait tenir la société debout. Pourtant, et malgré l’existence du mécanisme d’indexation des salaires, la part des salaires dans la richesse produite annuellement dans le pays (le PIB) n’a cessé de chuter ces 30 dernières années et est même passée sous les 50% en 2017.
Ils organisent notre misère, organisons notre colère !
Préparons la grève générale de novembre et assurons qu’elle soit accompagnée par un sérieux plan d’action avec d’autres grèves générales vers des objectifs à hauteur du drame inflationniste actuel. Ce qu’il nous faut de suite, c’est au moins une augmentation de tous les salaires de 2€/h brut, ce qui implique de balancer à la poubelle la « loi-prison » sur les salaires de 1996. Et pour garder le contrôle de nos factures, ce sont les actionnaires qui doivent partir à la poubelle : nationalisons le secteur énergétique et utilisons les profits pour investir dans des politiques sociales et la transition écologique.
- Payer pour se rendre au travail ? Pas question ! Remboursement intégral des frais de transport.
- Restauration complète de l’index avec un contrôle de la classe travailleuse sur son calcul et sa composition. Chaque fois que l’indice est dépassé, tous les salaires et allocations sociales doivent augmenter immédiatement.
- Brisons la loi-carcan sur les salaires ! Augmentons tous les salaires de 2 euros par heure !
- Augmentons le salaire minimum à 15 euros de l’heure ou 2.470 euros bruts par mois et de la pension minimale à 1.700 euros.
- Contre la charge de travail intenable et pour l’emploi : la semaine des 30 heures, sans perte de salaire, avec embauches compensatoires.
- Il faut un plan d’investissements publics massifs visant à étendre et à rendre gratuits les services publics tels que les transports publics, les garderies, l’enseignement, les soins de santé …
- Pour notre portefeuille et pour une transition verte : nationalisation de l’ensemble du secteur énergétique sous contrôle et gestion de la collectivité !
- Gel de tous les loyers. Pour la construction massive de logements sociaux afin que le marché immobilier ne soit pas laissé aux caprices des propriétaires et des spéculateurs.
- Plaçons le secteur financier entre les mains du public afin que la collectivité ait un aperçu de tous les flux financiers et que les ressources disponibles soient investies dans ce qui est socialement nécessaire.
- Pour une économie démocratiquement planifiée, le socialisme démocratique.
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Inflation. Il faut une riposte à la hauteur de l’enjeu !

Image : pixabay Face à l’inflation galopante, les capitalistes tentent d’utiliser l’argument de la concurrence pour sauvegarder leurs profits au détriment des salaires. Ce n’est qu’un prétexte pour renchérir la guerre de classe en faveur du monde patronal.
Par Jeremy (Namur)
Dans l’édition précédente de Lutte Socialiste, nous étions revenus en profondeur sur les causes de l’inflation, qui dépasse de très loin le simple cadre de l’énergie. Le chaos règne sur les chaînes d’approvisionnement internationales, en raison des troubles liés à la pandémie, mais aussi de l’instabilité politique et des tensions interimpérialistes croissantes, au premier rang desquelles la concurrence économique et la « nouvelle guerre froide » entre la Chine et les USA. L’inflation n’est pas prête de disparaître et avec elle menacent une crise massive de la dette, une chaîne de défauts de paiement et de faillites et une profonde récession économique.
La concurrence à la rescousse ?
Le président américain Joe Biden déclarait en juillet dernier : « Je suis un capitaliste fier. J’ai passé la plupart de ma carrière à représenter l’état corporatif du Delaware. Mais laissez-moi être très clair : le capitalisme sans concurrence n’est pas du capitalisme, c’est de l’exploitation. Sans une concurrence saine, les grands acteurs peuvent faire payer ce qu’ils veulent et vous traiter comme ils le veulent, cela signifie accepter une mauvaise affaire pour des choses dont on ne peut pas se passer. » La solution parait donc évidente : plus de concurrence.
Ce mauvais sketch n’est pas neuf. On l’a déjà vu à l’œuvre pour justifier la destruction du service public. Personne n’est dupe ; la flambée des prix de l’énergie démontre avec éclat que la compétition entre les fournisseurs ne fait pas baisser les prix.
Début février, la CREG révélait que les centrales à gaz ont enregistré collectivement un bénéfice opérationnel de 353 millions € (le plus grand bénéfice depuis 15 ans). Les entreprises gazières privées ont profité de la forte augmentation du prix du gaz pour vendre leurs stocks plus chers qu’ils ne les avaient achetées. Avec l’argent de la vente, ils ont ensuite acheté l’électricité qu’ils s’étaient engagés à fournir à leurs clients et à d’autres opérateurs, contribuant ainsi à faire monter encore les coûts de l’électricité pour tous en dégageant les marges citées plus haut.
Des troubles sociaux inévitables
Les périodes de forte inflation ont toujours été des champs de bataille importants dans l’histoire de la lutte des classes. Cette année 2021 a d’ailleurs commencé par un soulèvement de masse réprimé dans le sang avec l’aide de l’impérialisme russe au Kazakhstan à la suite du doublement soudain du prix du gaz. Le nouvel âge du désordre dans lequel nous sommes entrés pourrait bien connaître rapidement des mouvements sociaux qui éclipseraient par leur ampleur le mouvement des Gilets jaunes en France en 2018.
En 2008, l’augmentation des prix des denrées alimentaires (essentiellement en raison d’une spéculation découlant de la crise économique) avait conduit à un cycle « d’émeutes de la faim » en Afrique, à Haïti, en Asie (Indonésie, Philippines, etc.), et en Amérique latine (Pérou, Bolivie, etc.). La répétition d’un tel scénario, surtout en période de pénurie créant de nombreuses opportunités spéculatives, est parfaitement imaginable. L’augmentation des prix avait également joué un rôle clé dans la vague de mobilisations de masse en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en 2010-2011 qui avait commencé avec les révolutions qui ont mis fin aux règnes des dictateurs Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Égypte. En 2019, année où les soulèvements de masse ont parcouru le monde, le thème avait été au centre de la révolte en Équateur, au Soudan et ailleurs.
C’est donc avec un certain désespoir que les économistes libéraux se bousculent dans les matinales de radio pour nous expliquer qu’il ne faudrait pas revendiquer d’augmentation de salaire en expliquant que cela conduirait mécaniquement à plus d’inflation. Rien n’est plus faux. En vérité, une entreprise capitaliste qui subit une pression pour augmenter les salaires dispose toujours d’une autre option (qu’elle s’échine à tenir secrète): celle de diminuer ses profits.
Une offensive contre nos salaires est en préparation
Pris au niveau de la société dans son ensemble, cela revient à augmenter la part de la redistribution de la richesse produite en direction des travailleurs, au détriment des capitalistes (par les cotisations ou la part de l’impôt qui finance les services publics). Il faut garder cette idée en tête pour évaluer des propositions comme celle de réduire la TVA sur l’électricité de 21 % à 6 % entre les mois de mars et juin 2022.
En tant qu’impôt sur la consommation, s’appliquant de la même façon à tous les niveaux de revenus, la TVA est une taxe injuste. Cependant, il y a fort à parier que son abaissement provisoire ne soit pas motivé par un sentiment de justice, ni même de générosité. Au début février, l’économiste Philippe Defeyt (Ecolo) de l’Institut pour un développement durable a calculé que la baisse de la TVA allait retarder le deuxième basculement d’index anticipé pour l’année 2022 : « Soit six mois de “perte” de pouvoir d’achat pour tous les ménages qui bénéficient du mécanisme de l’indexation : ils gagneraient davantage d’argent avec une facture d’électricité plus élevée » (Le Soir, 7 février).
La menace d’un saut d’index est également agitée par le patronat. Pieter Tiemermans, le patron de la FEB, écrivait récemment : « L’indexation n’est pas payée par Saint-Nicolas, mais par les entreprises qui doivent en supporter le coût en performant encore plus ou en appliquant des hausses de prix. C’est pourquoi (…) nous devons respecter scrupuleusement la loi de ’96. » Et il ajoutait « Si nous n’intervenons pas aujourd’hui, la Belgique redeviendra le canard boiteux de l’Europe. » Une phrase qui illustre à merveille l’instrumentalisation de la concurrence par le patronat pour casser les salaires.
En son temps, Karl Marx avait déjà été amené à débattre de l’inflation au sein de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT, la Première Internationale). Sa contribution publiée ensuite dans son livre Salaires, Prix, Profits montre avec brio pourquoi ce ne sont pas les salaires qui tirent les prix vers le haut, mais bien le contraire ! Et ce toujours à l’issue d’une lutte farouche des travailleurs pour récupérer ce qui leur est dû. L’indexation automatique – « l’échelle mobile des salaires » dans le Programme de transition de Trotsky – est une épine dans le pied des capitalistes et sa défense un enjeu majeur pour la classe travailleuse.
Une riposte socialiste
La classe travailleuse doit répondre avec un programme offensif. L’indexation automatique des salaires doit être maintenue et rétablie dans sa version pré-1994, avant l’introduction de l’indice « santé » qui ne tient pas compte de l’augmentation des coûts du carburant. En plus de la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité, il est plus que temps d’imposer un salaire minimum de 14 €/h. Il faut également abolir immédiatement la loi de ‘96 sur le contrôle des salaires, afin de permettre de vraies négociations dans toutes les branches qui ont réalisé des profits pendant la crise. Cela doit passer par une ouverture des livres de compte de toutes les entreprises à leurs salariés et par l’imposition d’une taxe sur les profiteurs de crise de façon à financer le réinvestissement dans les filières productives.
Pour mettre un terme à l’explosion des prix de l’énergie, l’allégement temporaire de la TVA ne peut être suffisant. Il faut réclamer immédiatement la nationalisation de tout le secteur sans compensation. La crise combinée de l’inflation et du coronavirus nous donne également un avant-goût de la violence de ce qui est à venir si l’on compte sur les mécanismes de marché pour s’ajuster aux crises écologiques produites par le réchauffement climatique. Y faire face ne nécessite rien de moins que la nationalisation immédiate du secteur bancaire pour piloter une transition énergétique juste et respectueuse de l’environnement, avec la création d’emplois stables et bien payés pour l’isolation des bâtiments, des investissements massifs dans les services publics, et un accès au crédit à bon marché pour le logement et les entreprises durables.
Finalement, il faut bien comprendre que l’inflation n’est pas étrangère au capitalisme, il s’agit d’une de ses conséquences naturelles, tout comme l’existence de monopoles privés. En effet, si la classe capitaliste dans son ensemble ne jure que par les vertus de la concurrence comme remède, au niveau de leurs affaires individuelles les capitalistes la détestent ! Le protectionnisme, les droits exclusifs d’exploitation, ainsi que les brevets sur les inventions et les médicaments sont autant de contournements légaux pour échapper à la concurrence. Aussitôt sur le marché, les capitalistes individuels n’aspirent qu’à devenir des monopolistes en rachetant les plus petites entreprises concurrentes. Pour se débarrasser définitivement de ses effets néfastes, il faut lutter pour sortir de ce mode de production et le remplacer par la planification socialiste et démocratique de l’économie.
Les problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés, insolubles dans le cadre de la société capitaliste, stimuleront la recherche de solutions plus radicales. Les forces populistes de droite tenteront d’exploiter ce phénomène. Il serait illusoire de penser que le réformisme ou le « populisme » de gauche puissent y répondre. Seule une attitude sérieuse en matière d’analyse, de perspectives, de programme et d’organisation peut offrir une issue socialiste internationaliste à la décadence du capitalisme.
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Comprendre d’où vient l’inflation pour la vaincre

+5% dans l’Union Européenne, + 7% aux USA : depuis plusieurs mois, l’inflation s’est solidement installée, à des niveaux que l’on n’avait pas connus depuis des décennies. Lorsque les prix ont commencé à grimper à la fin du printemps, les institutions économiques avaient qualifié l’augmentation de temporaire. Elles doivent aujourd’hui reconnaitre qu’elles se sont trompées, tout en s’efforçant d’être rassurantes en annonçant une inflation « plus modérée » jusqu’à la fin 2022. C’est en tout cas le discours tenu par Christine Lagarde (BCE), Jerome Powels (Fed) et Kristalina Gieorgieva (FMI). On peut parfois lire que c’est l’augmentation du prix de l’énergie qui est responsable. Si ce facteur est bien réel, la réalité est plus complexe.
Par Clément (Liège), dossier issu de l’édition de février de Lutte Socialiste
Le chaos sur les chaînes d’approvisionnement
Après une année 2020 marquée par les confinements, la baisse de la consommation et un recul de 3,2% du PIB, l’année 2021 devait être celle du grand rebond et de la reprise économique. L’activité économique a effectivement repris, pour ensuite immédiatement être confrontée à une série de difficultés. Parmi celles-ci, la fragilité des chaînes d’approvisionnement, qui ne se résume pas aux conséquences démesurées d’accidents maritimes fortuits comme le blocage du canal de Suez (pour où transitent 10% du commerce mondial) par l’Evergiven en mars 2021.
En octobre, 77% des ports commerciaux du monde rencontraient des délais de déchargement anormalement longs. Puces électroniques, matériaux de construction, matières premières pour l’industrie, … à tous les niveaux, les pénuries s’accumulent et ralentissent, voire interrompent temporairement, l’activité des entreprises. La classe capitaliste n’était pas prête à répondre à l’augmentation de la demande qui a accompagné la réouverture de l’économie. Dans une certaine mesure, elle a profité de l’effet d’aubaine pour augmenter ses prix dans le but de compenser les augmentations de prix des matériaux et les pertes liées au covid tout en garantissant de nouvelles marges de profits.
Les confinements successifs et les effets du covid ont évidemment joué un rôle important dans ces pénuries, d’autant plus que les économies nationales ne se réouvrent et ne se ferment pas au même rythme. Avec la circulation du virus dans les pays en voie de développement ayant un faible accès aux vaccins et l’apparition de nouveaux variants, ce facteur pourrait perdurer.
Mais, plus fondamentalement, cette crise d’approvisionnement illustre la faiblesse du modèle de la production en flux tendu. Généralisé à partir des années ’80 après avoir été mis au point chez Toyota dans l’après-guerre, ce modèle vise à couper massivement dans les frais d’entreposage pour augmenter les profits en assurant un approvisionnement en pièces juste au moment où on en a besoin. Entre 1981 et 2000, les entreprises américaines ont ainsi en moyenne diminué leurs stocks de 2% annuellement. Dans ces conditions, le moindre grain de sable dans la machine peut avoir d’énormes conséquences. Or, dans le cadre d’une haute division internationale du travail, fonctionner de la sorte nécessite une stabilité politique qui au regard les tensions interimpérialistes croissantes et la concurrence économique entre la Chine et les USA, ne peut être que fragile.
Les salaires, responsables de l’inflation ?
En Belgique, l’augmentation des prix met une indexation des salaires à l’ordre du jour. Rapidement, la FEB et la VOKA ont réclamé un nouveau saut d’index (puis une manipulation de celui-ci) au nom de la traditionnelle « compétitivité » et du risque d’une « spirale d’augmentation prix-salaire ». La substance de l’argument de Pieter Timmermans (FEB) est que l’augmentation des salaires ferait mécaniquement augmenter les prix, qui à leur tour feraient augmenter les salaires via l’indexation, entrainant un cycle sans fin.
Les salaires ont connu plusieurs attaques ces dernières années avec le saut d’index du gouvernement Michel en 2015 qui représente une perte de salaire de 27.000 euros sur une carrière complète, ainsi que la réduction des cotisations sociales patronales (notre salaire indirect) de 32 à 25%. Tout cela n’a pas mené à une diminution des prix, mais plutôt à une baisse de la rémunération du travail dans le PIB en faveur des profits (-2.3% par rapport à la période 2006-2014, eurostat). Cette tendance concerne d’ailleurs la majorité des pays capitalistes avancés.
Timmermans présente le salaire comme un coût parmi d’autres dans le processus de production, concluant que si cette valeur venait à augmenter au même titre que le coût des matières premières ou de l’énergie, cela entrainerait une augmentation du prix des marchandises. À cet égard, même la Banque nationale belge (BNB) lui donne tort : « la pression extérieure sur les coûts est appelée à se modérer dans le courant de 2022 (…) le fait est que la forte croissance des coûts salariaux sera en grande partie compensée par la compression des marges bénéficiaires des entreprises.»
Fondamentalement, la malhonnêteté du raisonnement vient de ce que le travail n’est pas un coût, mais bien la source même de la valeur. Qu’il s’agisse des machines-outils, des matériaux ou des matières premières, si on remonte la chaîne de production, on trouve du travail. Comme Marx l’expliquait déjà, le salaire ne représente pas la valeur du travail fourni sur une période donnée mais seulement une fraction de celui-ci : le produit nécessaire à la reconstitution de la force de travail, à ce que le travailleur revienne le lendemain. Le reste, le patron se l’approprie, ce qui explique les profits. En 2022, 2000 milliards de dollars devraient ainsi être distribués aux actionnaires, soit 18% de plus qu’en 2019 (cabinet IHS Markit). Plutôt que des salaires déjà insuffisants, c’est cette manne qu’il faut compresser pour juguler la hausse des prix.
La faiblesse des investissements productifs pousse aussi les prix à la hausse
Dans des conditions normales, la classe capitaliste tend à réinvestir sa plus-value dans de nouvelles machines et technologies afin d’obtenir un avantage comparatif sur ses concurrents en termes de productivité du travail. En conséquence, le travail nécessaire par unité de production tend à diminuer et, avec lui, le prix des biens et services.
Cependant, dans la situation actuelle, on constate que seule une faible proportion de l’argent dont disposent les capitalistes est effectivement réinvestie dans la production. Motivés par la recherche de profits à court terme, ils investissent massivement dans des actions financières ou dans l’immobilier. Ainsi, malgré les énormes quantités d’argent injectées dans l’économie, la part des actifs financiers dans le PIB augmente alors que celle des bénéfices issus la production stagne. Ainsi, une étude de McKinsey montre que depuis 2011, dans une sélection de 10 pays, la part de la valeur des actifs financiers dans le PIB a augmenté de 61% tandis que la part des bénéfices issus de la production (qui est sensée servir de base aux actifs financiers) a diminué de 1%. La circulation de grandes masses d’argent utilisées dans un but spéculatif, dans le contexte d’une stagnation de la productivité, peut ainsi stimuler la hausse des prix.
Un potentiel explosif
Derrière les indicateurs de +5% (UE) et +7% (USA) d’inflation se cachent des réalités bien plus choquantes. L’augmentation des factures d’électricité en Belgique en est un exemple, mais c’est loin d’être le seul. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, en un an le prix des denrées alimentaires de base est en train d’augmenter de manière spectaculaire avec une moyenne de +28% toutes denrées confondues. Cette hausse ne s’est pas encore pleinement répercutée sur les prix de la consommation, le processus est néanmoins enclenché. Le magazine Forbes rapporte ainsi une augmentation de 21% du ticket de caisse aux USA au quatrième trimestre de 2021.Au cours de la dernière décennie, les augmentations de prix ont joué un rôle crucial dans le déclenchement de mouvement de masses, particulièrement lors de la vague de 2019. Si l’inflation devait se maintenir, s’étendre et se renforcer dans les biens de consommation, de nouveaux mouvements larges autour de cette thématique pourraient être à l’ordre du jour dans certains pays, avec le caractère explosif qui caractérise cette « ère du désordre ».
La lutte contre l’inflation exige de se battre pour des revendications telles que l’abolition de la TVA sur les produits de première nécessité, la restauration du mécanisme d’indexation des salaires et des allocations sociales tel qu’il existait avant les manipulations de « l’indice-santé », l’augmentation des salaires et des allocations (tout particulièrement du salaire minimum),… Une coordination de comités populaires comprenant les syndicats et des groupes de consommateurs devraient être mis en place pour surveiller les prix et mesurer l’augmentation réelle du coût de la vie pour les travailleurs. Ce ne sont là que quelques éléments programmatiques, mais pour vaincre le monstre de l’inflation, il faut remettre en cause l’exploitation et la propriété privée des moyens de production. Nous avons besoin d’une économie démocratiquement planifiée sous contrôle et gestion démocratiques afin d’en finir avec le chaos capitaliste dans la production.