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Tag: Guy Quaden
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La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Quatrième partie)
Dans cette partie, nous analysons les propositions à l’approche des négociations pour un accord interprofessionnel. Nous soulevons les difficultés pour boucler les budgets de 2008 et de 2009, qui devraient être finalisés le 14 octobre. Dans la dernière partie, nous révélons les drames sociaux déjà présents même avant que la crise se soit étendue à l’économie réelle.
Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.
Handicap salarial ?
112. Mais d’où vient alors cette ténacité chez les travailleurs à se mettre tout de même en action ? C’est vrai que nous n’avons pas encaissé les profits des entreprises, les dividendes des actionnaires ou encore les augmentations salariales des managers, mais nos salaires augmentent quand même plus vite que dans les pays voisins, n’avons-nous pas un handicap salarial ? Notre salaire horaire nominal a été relevé de 7,5% en 2007 et 2008, largement plus que la norme salariale de 5,1% que les syndicats avaient eu dans l’accord de février 2007. (1) Mais avec les statistiques, tout peut être prouvé. Le chiffre du Bureau du Plan de 2007-2008 est une estimation. En outre, le Bureau du Plan s’attend à une inflation de 6.5% pour la même période. Après déduction de l’inflation, il ne reste donc que 1% d’augmentation salariale. Cela doit représenter aussi bien l’augmentation de la productivité que les glissements des salaires et les augmentations barémiques. La Banque Nationale estime que l’augmentation de la productivité en 2007 a été plus basse que 1%, et ce pour la première fois depuis 2001. Elle estime le glissement des salaires sur 1% cette même année, c’est le phénomène d’augmentation du salaire moyen par le fait que le nombre d’emplois non qualifiés diminue pendant que le nombre d’emplois qualifiés augmente. (2) De plus, il s’agit ici de moyennes qui sont déformées par certaines catégories.
113. En août, le Bureau du Plan a dégagé des chiffres qui donnent le vertige. Les salaires bruts réels, adaptés à l’inflation, des ouvriers masculins dans l’industrie auraient, dans le meilleur cas, diminués de 2.6% de juillet 2007 à juillet 2008. (3) Cela confirme une étude similaire précédente du Bureau du Plan en février de cette année, lorsque les salaires bruts réels de ces mêmes travailleurs avaient, à ce moment là, diminué de 2% sur base annuelle. (4) Les chiffres de la Banque Nationale ont confirmé que cette tendance valait aussi pour les employés et les ouvriers des autres secteurs. Comme raison principale, le Bureau du Plan met en avant l’index santé. Pourtant, déjà avant, la situation n’était pas positive. Fin 2007, il semblait déjà que « le paiement des salariés belges », le salaire, y compris les cotisations sociales, était pour la première fois depuis ’71 en dessous de 50 % du PIB. (5) Dans sa réaction, Cortebeeck, le président de la CSC, avait dit: “cela ne peut pas durer”, tandis que Rudi Thomaes de la FEB avait qualifié ces chiffres de “purement symboliques”.
114. Des études ont paru, pour un oui ou pour un non, afin d’affirmer que les coûts salariaux belges déraillent, que le handicap du coût salarial augmente, etc. La plupart du temps, ce sont des études de l’OCDE qui reçoit ses chiffres des gouvernements nationaux qui, eux, les reçoivent des patrons. Selon la FEB, le handicap salarial s’élève à 12%. On se demande alors comment la Belgique reste un pays si attractif pour les investisseurs. Un coup d’oeil sur les frontières nous l’explique rapidement. Il semble que dans les pays voisins, on raconte les mêmes histoires. Le but de l’OCDE, des gouvernements nationaux,… n’est jamais de parler des salaires à voix haute, au contraire. La Banque Nationale est toutefois, elle, obligée de publier les chiffres réels. Il semble dès lors que les coûts salariaux par heure de travail dans le secteur privé, entre 1996 et 2007, ont diminué en Allemagne de près de 10%, en Belgique de 1% et a augmenté en France et au Pays-Bas de, respectivement, 6% et un peu plus de 15%.(6) La fête en Allemagne se prolonge d’ailleurs jusqu’à la fin. IG-Metall, le syndicat faisant autorité dans toute l’Europe avec ses 3.5 millions de membres, a exigé cette année 8% d’augmentation, revendication la plus élevée depuis 16 ans. Aujourd’hui, près de la moitié a été obtenu, mais cela aurait pu se finir autrement.(7)
115. Il n’est donc pas étonnant que les attaques du président de la BCE Trichet sur l’indexation aient peu impressionné.(8) Les patrons ne sont pas réellement chauds pour une confrontation là-dessus, mais avec une adaptation de l’index à la fin 2007, deux fois en 2008, et probablement encore une fois dans la première partie de l’année 2009, l’avidité patronale peut être stimulée. Lorsque Thomas Leysen est devenu président de la FEB, qui selon lui représente 33.000 entreprises, il a déclaré : « il faudra bien que quelque chose se passe. » (9) Guy Quaden, gouverneur de la Banque Nationale, a suggéré une indexation en chiffres absolus plutôt qu’en pourcentage. De cette manière, les revenus les plus élevés feraient des économies sur l’indexation. Les syndicats ne sont pas tombés dans le piège. Luc Cortebeeck a répondu : « En tirant une partie de l’index à celui qui gagne un peu plus, on mine la portée de tout le système. » (10)
Un accord interprofessionnel en fin d’année
116. Contrairement à ce que les patrons suggèrent tout le temps, le travailleur belge n’a rien à se reprocher. A chaque fois, il apparait qu’il se trouve au top de la productivité. En terme de valeurs produites par heure de travail, avec une moyenne de 53,4$ par heure, il ne laisse passer devant lui que les travailleurs luxembourgeois (71,3$) et norvégiens (53,5$).(11) En Norvège, c’est principalement dû au secteur pétrolier. Les travailleurs américains (52,3$), néerlandais (52,2$), allemands (49,3$), français (51,3$) et surtout japonais (37,5$) sont tous moins productifs. En termes de valeur produite par travailleurs, les belges sont « seulement » à la cinquième place. C’est parce que les travailleurs belges travaillent en moyenne 1.610 heures par an, les américains 1.785 et les irlandais 1.870. Les néerlandais, par contre, travaillent en moyenne 1.413 heures, les français 1.559 et les allemands 1.432. (11)
117. Mais pour certains, ce n’est jamais assez. Le provocateur Van Eetveelt, d’Unizo, ne nous a pas réellement surpris lorsqu’il a prétendu qu’il n’y aurait pas d’espace pour des augmentations salariales. « Ce serait déjà tout un art de pouvoir sauvegarder notre système d’indexation. » Pour la diminution des charges par contre, il voit encore quelques possibilités. (12) Son rêve ? « Travailler 6 jours, pas d’augmentation. Pourquoi ne pas augmenter la semaine de travail de 38 à 48 heures ? Pendant des périodes chargées, on doit pouvoir prester plus. » (13) Ainsi, Van Eetvelt joue son rôle classique : il lance des pistes là où d’autres n’osent pas se prononcer. La FEB va aussi aux négociations pour l’accord interprofessionnel avec des mots d’ordre clairs. Ils en ont 5 : le pouvoir d’achat n’est pas un problème, les salaires sont trop élevés, le marché du travail n’est pas assez flexible, les belges travaillent trop peu et les autorités n’ont pas une vision à terme car malgré l’augmentation de l’espérance de vie, les carrières restent trop courtes. Peter Timmermans, directeur général, rajoute que les négociations d’un accord seront plus difficiles que jamais.
118. Il y a déjà quelques années que nous disons que les petites et moyennes entreprises de livraison seront très vulnérables dans le cas d’une récession. Les 8 premiers mois de 2008, on comptait déjà 5.191 faillites, 8,3% de plus qu’en 2007 et nous sommes sur la voie de casser le record de 2004 de 7.935 faillites. Ces faillites ont entrainé la perte de 12.000 emplois, il s’agissait surtout de petites entreprises. L’assainissement du groupe pharmaceutique UCB où 555 emplois sont menacés à Bruxelles et à Braine-le-Comte, n’en fait pas partie. Il ne s’agit pas d’une faillite. Mais c’est bien un affront pour le gouvernement wallon, puisqu’il appartient au secteur de pointe du plan Marshall. La plus grande augmentation des faillites s’est produite à Bruxelles (+20%), en Wallonie (+10%) et beaucoup moins en Flandre (+1,4%) où 2.387 faillites ont néanmoins été enregistrées. Mais tout ceci avant que la récession n’ait réellement commencé. (14)
119. En septembre, une accélération s’est produite aussi en Flandre. Déjà avant l’été, Beekaert avait fermé sa production de cables d’acier à Lanklaar : une perte de 136 emplois. En été, Punch International a fait de même avec son usine d’enjoliveurs à Hoboken : -315 emplois. En septembre, Barco a décidé de railler 113 emplois dont 2/3 en Belgique. Ce même mois, Picanol a annoncé la perte de 190 emplois à Ypres. L’entreprise de textile Beaulieu restructure à Wielsbeke, -209 emplois et ferme sa filiale à Ninove, -178 emplois. Chez Gilbos à Herdersem, construction de machines de textile, 48 emplois disparaissent en conséquence du démantèlement d’activités de livraison. Domo Gand ferme sa filiale Cushion Floor à Zwijnaarde, 91 ouvriers et 47 employés perdent leurs emplois. En termes de faillites, il y a la fermeture d’UCO-Gand, -400 emplois et du fabricant de meubles Sint-Jozef à Aarschot, -33 emplois. Tout cela seulement en septembre 2008.
120. Pour le patronat, c’est la situation rêvée pour faire monter la pression et se débarrasser de personnel superflu. Probablement espère-t-il effrayer les travailleurs et en même temps procurer une arme pour paralyser la base aux amis secrétaires syndicaux, tels que Herwig Jorissen de la centrale des métallos de la FGTB qui vient d’être divisée sur base communautaire. Bien que la vague de faillites pourrait provoquer des doutes pendants quelques semaines, nous ne croyons pas que cela va paralyser le mouvement des travailleurs. L’appel confus de la FGTB pour une journée d’action le 6 octobre l’exprime. Les différentes centrales interprètent la situation de manière différente.
121. Certains plaident à juste titre pour démarrer la mobilisation par une manifestation nationale. Le 25 septembre déjà, les travailleurs des autorités locales et régionales de Bruxelles ont bloqué toute la ville par des blocages filtrants. A Belgacom, les trois syndicats ont organisés une assemblée commune pour la première fois en 40 ans. (15) Dans la centrale des métallos de la FGTB Wallonie et Bruxelles, on voulait partir immédiatement en grève durant 48 heures, entrainant le danger d’être trop en avance sur la conscience qui vit dans d’autres secteurs. La Centrale Générale et le Setca ont plaidé pour organiser d’abord une manifestation nationale. A De Lijn et à la STIB, on a pratiquement immédiatement commencé à organiser la journée de grève du 6 octobre. En Flandre orientale, en préparation, des assemblées interprofessionnelles sont organisée. A Anvers, on veut organiser un blocage filtrant du port. Cette situation chaotique va restaurer l’atmosphère d’action qui existait avant l’été et préparer les forces pour une confrontation à l’approche des négociations sur l’accord interprofessionnel (AIP).
122. Dans les appareils syndicaux, la contradiction sera poussée jusqu’au bout entre ceux qui veulent totalement atomiser le mouvement et rêvent probablement déjà d’une carrière ailleurs, et d’autres plus sensibles aux pressions de la base et veulent le refléter même si ce n’est que de façon très limitée. Les parties plus radicales des organisations patronales (Voka, Unizo, VKW, Agoria) vont vouloir se baser sur cette contradiction pour lancer des revendications de plus en plus osées et aboutiront probablement à un discours très communautaire. Les parties plus intelligentes du patronat, le sommet de la FEB, reflèteront de temps en temps la pression de ces fragments radicaux et l’utiliseront lorsque cela leur conviendra, mais essaieront en général de temporiser pour permettre aux dirigeants syndicaux de ne pas perdre leur contrôle sur la base et pour permettre aux politiciens de rétablir la stabilité.
123. Il y a probablement une partie des organisations patronales qui estime ne pas avoir besoin d’un accord interprofessionnel. Les grosses entreprises et leurs représentants, par contre, considèrent un accord interprofessionnel comme un instrument pour freiner une vague d’actions et de grèves dans les secteurs et entreprises et seront probablement en faveur d’un accord même si cela exige des concessions limitées. Mais un des problèmes, c’est que le gouvernement ne dispose pas de moyens pour aider à venir à un accord avec des moyens supplémentaires.
La création d’un budget
124. Le gouvernement a d’ailleurs un gros problème. Après s’être chamaillé pendant 15 mois sur le communautaire, il doit toujours faire aboutir son premier budget. Le précédent, était a à l’époque été fait par les ministres de la violette. Le fait que Melchior Wathelet, le ministre du budget sous Leterme Ier, soit devenu le « secrétaire d’Etat au Budget », alors qu’il est en plus responsable de la politique des familles, était déjà un signe. Avec Reynders sur les finances, c’est fatal, celui-ci s’est de nouveau trompé dans ses comptes. Selon le service d’étude des finances, les impôts en 2008 rapporteront 1,1 milliards d’euros en moins que prévu lors du contrôle budgétaire de juillet.(16) Ce sont surtout les revenus de la TVA, et les précomptes professionnels, qui ont été décevant, l’un à cause de l’affaiblissement de la consommation, l’autre à cause des diminutions de charge sur les heures supplémentaires, le travail de nuit et en équipe. Mais pour Reynders, un déficit de -0,3% n’est pas problématique. Cela pourrait d’ailleurs devenir -0,5%. La contribution de Suez de 250 millions d’euros n’est toujours pas réalisée et celle du gouvernement flamand, presque 400 millions d’euros, ne rentrera pas puisqu’il n’y a pas encore de réforme d’Etat.
125. La construction d’un budget pour 2009 sera encore plus difficile. Pour le Bureau du Plan, la croissance diminue jusqu’à 1,2% et si la politique appliquée n’est pas changée, il faudra au moins trouver 5 milliards pour arriver à un équilibre. De plus, le gouvernement a promis de lier les allocations au bien être (200 millions en 2009), de diminuer encore les charges sur les entreprises et de réaliser une marge de 0,3%. (17) Leterme prétend chercher 5 milliards, mais selon Knack et Trends, il devrait en trouver 7. Le 14 octobre, il doit prononcer son discours sur sa politique dans le parlement fédéral. Luc Coene, vice-gouverneur de la Banque nationale, de cachet VLD, a lancé déjà quelques pistes début septembre. « Les années précédentes, les dépenses sociales ont connu une croissance de 2,3% du PIB de plus que prévu. Ce rythme de croissance des dépenses doit diminuer. » Il trouve aussi que « les dépenses publiques doivent être tenues sous contrôle. »
126. Coene ne veut évidemment pas dire que le gouvernement doit quitter sa politique de baisse des charges. Evidemment non, car il prétend que « Après la suède, la Belgique est toujours à la deuxième place sur le plan mondial en ce qui concerne la pression fiscale. » Que faut-il alors ? Voici une sélection du Standaard. Celui-ci titre le 6 mai 2008 : « 40% des fonctionnaires partent en pension d’ici 5 ans ». Le 22 mai, « remplacer seulement un fonctionnaire sur 3 ». Le 26 juin, « Avec 72.000 fonctionnaires de moins, cela marche également ». Finalement, Van Eetvelt a écrit dans une carte blanche à la presse : « L’Etat doit vivre selon ses moyens, comme toute entreprise ». Qui vient de décider que l’Etat est une entreprise ? Il ne le mentionne pas. Pour Van Eetvelt, les dix prochaines années, 11.000 fonctionnaires peuvent disparaitre, et ceci sans bain de sang social et sans diminuer l’efficacité des autorités. Ainsi Van Eetvelt veut répondre à quelques experts financiers qui venaient de déclarer il y a quelques jours qu’ils ne croient pas en des économies sur les fonctionnaires et les soins de santé. (18)
127. Selon ces experts, une économie sur les 80.000 fonctionnaires fédéraux ne rapporte que très peu. Le gros des coûts salariaux se trouve d’ailleurs dans les communautés et les administrations locales. Ils disent ne pas conseiller d’économiser sur les enseignants. Et évidemment, Van Eetvelt et compagnie ne sont pas d’accord. Ils savent aussi qu’une entreprise sur trois est en infraction selon l’inspection sociale (19), que l’administration fiscale est en manque systématique de personnel. Ne plus remplacer les fonctionnaires fédéraux qui partent en pension signifie parallèlement l’érosion de services publics gênants tels que l’inspection sociale et la lutte contre la fraude fiscale. En ce qui concerne l’enseignement, Van Eetvelt et compagnie ont leur réponse : l’immigration économique, c’est meilleur marché. Avec la ministre Open-VLD Turtleboom, ils ont installé une dame de fer sur cette matière.
128. Les spécialistes trouvent aussi que faire des économies sur les soins de santé est irréaliste. « A cause du vieillissement, les dépenses pour les soins de santé croissent systématiquement ce qui rend difficile d’économiser. » Marc Devos, du groupe de réflexion ultralibéral Itinera, totalement hors de soupçon d’une quelconque sympathie de gauche, dit que les soins de santé sans réforme vont directement vers des déficits. Ce que les patients paient pour les soins de santé a augmenté systématiquement contre la tendance européenne et ceci pendant que la qualité a systématiquement reculé. L’OCDE place nos soins de santé à la 18e place (sur 26) en termes de performance. Le nombre de soins prestés est bon mais les résultats sur la santé, tels que l’espérance de vie, la mortalité infantile, les décès dus à des cancers guérissables,… tirent notre système vers le bas. Aux USA, au Canada, en Suisse, en Espagne et au Portugal, les patients eux-mêmes paient une plus grande partie de soins de santé. Pourtant, Itinera plaide pour une limitation de la croissance du budget : « Puisque, autrement, la volonté de réforme n’est pas stimulée. »
129. Van Eetvelt a calculé qu’en diminuant la norme de croissance de 4,5 à 2,8% en 2009, 365 millions d’euros peuvent être économisés sur les soins de santé. « Sans problème pour la santé de la population », ajoute-t-il. Sur le terrain, on n’en est pas convaincu. Là, on montre du doigt le fait qu’il faut tenir compte des développements techniques et scientifiques. Les prothèses des genoux, des hanches, ou les opérations de la cataracte sont heureusement devenus beaucoup plus accessibles qu’à la fin des années ‘80, mais la facture augmente. La norme de croissance actuelle menace d’ailleurs tout le secteur. Des hôpitaux se plaignent de déficits structurels. A Bruxelles, plusieurs hôpitaux sont au bord de la faillite. Au rythme actuel, on évolue de plus en plus vers des soins de santé à 2 vitesses, avec des soins de base pour ceux qui ne peuvent plus se le permettre. On fait d’ailleurs appel de plus en plus à des aides soignants mal payés et la charge du travail est systématiquement augmentée.
130. Où les experts voient-ils alors les possibilités pour équilibre le budget ? « Du côté des revenus, il y a encore des possibilités. C’est déjà la deuxième année consécutive que les revenus des impôts sont en retard de 1 milliards sur le schéma. Avec plus de contrôle, une partie du problème budgétaire serait résolu. » Et plus encore : « Le gouvernement fédéral doit quitter les recettes classiques et taxer le capital. » La crise de crédit internationale et l’indignation généralisée sur l’avidité d’une infime minorité aux dépend de la grande majorité de la population traversent toute la société. C’est ce qui explique le sens soudain des réalités de quelques experts qui voient dans l’avidité de Van Eetvelt et compagnie une menace pour la légitimité du système de profits. Nous sommes ici témoins d’un phénomène classique, c’est-à-dire que la révolution se manifeste d’abord au sommet de la société et non comme on le pense souvent à la base de celle-ci.
131. Pour la majorité des stratèges (petits-) bourgeois et leurs marionnettes politiques, le danger n’est aperçu que lorsqu’il se trouve déjà sous leur nez. En général, ils y ajoutent encore une cuillère. En juin encore, le VLD a revendiqué une baisse des charges à hauteur de 4,4 milliards d’euros. Au niveau de la Flandre, le VLD voulait en plus une diminution de taxe, de ce que l’on nomme le job-korting, à la hauteur de 600 euros, une diminution de l’impôt des sociétés à hauteur de 350 millions d’euros et une augmentation de l’exonération des précomptes professionnels sur le travail de nuit et d’équipe de 10,7 à 15,6%. Finalement, le VLD veut aussi de plus grands avantages fiscaux pour des heures supplémentaires.(20) A la fin de février 2009, tous les flamands qui ont un travail recevront une diminution de taxe de maximum 300 euros, avec un maximum de 600 euros par foyer. Cette diminution ne sera cette fois pas éparpillée sur les 12 mois, mais calculée dans le précompte professionnel sur le salaire de février, trois mois avant les élections. « De cette manière, la diminution est visible pour chaque flamand. »
132. Sur le plan fédéral, le VLD a aussi un liste de revendications : activation plus intensive des 50 ans et plus, réduction des termes d’invitation des chômeurs à un entretien de contrôle, dégressivité des allocations, remplissage plus souple de la semaine de 38 heures et immigration économique. Et, enfin, l’Open-VLD veut s’attaquer aux fraudes sociales. Selon Rik Daems, on peut aller y chercher 3 milliards d’euros, ce qui n’est pourtant qu’un dixième de la fraude fiscale estimée dans une étude de Mc Kinsey et de la VUB à 30 milliards d’euros annuellement. Daems ne vise évidemment pas les cotisations sociales non payées par les patrons, ni les heures supplémentaires payées en noir ou les patrons qui emploient illégalement des travailleurs. Il vise exclusivement ceux qui combinent une allocation avec un peu de travail en noir à gauche et à droite. Selon la criminologue de l’ULB Carla Nagels, Daems a une vision extrêmement libérale de la lutte contre la fraude sociale.
Drame social en construction
133. Daems et compagnie sont à peine capables de s’imaginer ce qui pousse des gens à accepter du travail au noir, pour autant que ça les intéresse. Dans une étude pour l’institut du développement durable, Philippe Defeyt, président du CPAS de Namur, est venu à la conclusion que de plus en plus de familles refusent dorénavant de prendre en charge leurs enfants. Un jeune de moins de 25 ans sur vingt est dépendant d’une allocation du CPAS.(21) Le nombre de personnes dépendantes d’un revenu d’insertion sociale a augmenté de 75.400 en 2005 à 82.000 en janvier 2008.(22) Un belge sur 7 (14,7%) a un revenu inférieur à 60% du revenu médian, le seuil de pauvreté officiel. Celui-ci est de 860€ pour une personne isolée et de 1.805€ pour une famille avec deux enfants. (23) En Wallonie, ils sont 17%, en Flandre 11,4%. Le salaire minimal est de 1.355,78€ brut. 260.000 belges combinent deux ou plusieurs emplois. Selon Elsy Verhofstadt, chercheur à la RUG, ils le font principalement « pour pouvoir gérer les prix de mazout, d’immobilier ou de nourriture. » (24)
134. Les propositions du VLD pour augmenter la politique d’activation et pour la dégressivité des allocations arrivent à un moment où une personne sur 8 en Belgique vit dans une famille sans emploi. En Europe (27), seules le Royaume-Uni et la Hongrie font un plus mauvais score sur ce plan là. 16% des européens vivent avec un revenu en dessous du seuil de pauvreté, dont la moitié fait partie d’un foyer où au moins une personne travaille. Le phénomène du « travailleur pauvre » se produit donc aussi en Europe.(25) Depuis 2004, 12.516 chômeurs se sont vus suspendre leurs allocations, dont 3.605 définitivement, les autres temporairement, en général pour 4 mois. Plus de la moitié des suspensions ont été faites sur la seule année 2007 ! En Flandre, on laisse sousentendre systématiquement que la politique d’activation en Wallonie et à Bruxelles serait appliquée de manière insuffisante. Pourtant, bien que la Flandre compte 32,96% des chômeurs au niveau national, « seulement » 28,63% des suspensions y ont été appliquées. La Wallonie, avec 49,62% des chômeurs, compte 50,02% des suspendus. Pour Bruxelles, 17,42% des chômeurs et 21,35% des suspendus. (26)
135. On aurait l’impression que le chômage n’est pas vraiment un problème, à l’exception de quelques profiteurs acharnés. En 2007, 116.000 emplois auraient été créés. Le nombre total de travailleurs est de 4,4 millions contre 3,6 millions au début des années 80. Nous avons toujours dit que des bons emplois étaient remplacés par des mauvais, des emplois flexibles, partiels et temporaires, évidemment aussi avec un salaire bas et partiel. De plus, la majorité de ces emplois font partie de ceux qui sont payés avec des moyens publics tels que les chèques-services. Selon l’enquête des forces de travail (EFT) du service public fédéral, 3,9% de la population active en Flandre était sans emplois, 10,3% de celle en Wallonie et 16,3% de celle à Bruxelles. Les chiffres d’EFT utilisent la définition de sans-emploi du Bureau International du Travail et sont plus bas que ceux de l’ONEM. (27)
136. En 1964, le nombre d’heures de travail prestées annuellement en Belgique a reculé pour la première fois en dessous de 8 millions, en 1973 en dessous de 7 millions. En 1964, cela se faisait avec 3.740.000 travailleurs, en 1973 avec 3.777.000 travailleurs. C’était la conséquence de la réduction du temps de travail arraché par la lutte des travailleurs. En 1999, nous étions pour la première fois plus de 4 millions de travailleurs et ensemble nous avons presté 6,5 millions d’heures de travail. Ce n’était plus le résultat d’une lutte pour une réduction du temps de travail, mais plutôt de l’augmentation de l’emploi à temps partiel jusqu’à 19,5%. En 2007, 4.337.000 travailleurs, dont déjà 23,7% à temps partiel, ont presté 6,9 millions d’heures de travail, fortement moins que pendant les golden sixties. (28) A cette époque, un salaire par foyer suffisait pour s’en sortir, aujourd’hui c’est devenu intenable. Surtout ceux qui gagnaient le moins dans le foyer, sont obligé de combiner l’entretien de la famille avec un emploi à temps partiel ; 42,6% des femmes travaillent à temps partiel, 7,8% des hommes. (29)
137. Mais tout ceci, c’était avant que la crise ne se traduise dans l’économie réelle. Entre-temps, le nombre de faillites augmente de manière spectaculaire. Les récessions précédentes menaient systématiquement à de fortes explosions du chômage. Celle de 74-75 a rayé 350.000 emplois dans l’industrie. Ceci a été compensé parce que les autorités ont créé à peu près 250.000 emplois dans les services publics, mais les chiffres de chômage de la période précédente, autour de 75.000, appartenaient définitivement au passé. La crise de ‘81-83 a doublé le nombre de chômeurs officiels jusqu’à 500.000, un chiffre en dessous duquel on n’a plus jamais réellement été. Depuis, les gouvernements consécutifs ont commencé à modeler les statistiques. Mais cela n’a pu empêcher une augmentation forte du degré de chômage officiel lors de la crise de ‘90 de moins de 9% à 15% dans la deuxième partie de ‘95. La mini crise de 2008 a fait sauter le nombre de chômeurs de presque 200.000. Ces dernières années, le chômage est descendu, mais malgré les chèques services et d’autres types de statuts, même pas jusqu’au niveau du point le plus bas précédent, de juin 2001, ne parlons même pas de celui du début des années ‘90. (30) En août 2008, De Tijd s’est demandé : « Un orage d’automne menace-t-il le marché de l’emploi ? » Le journal fixe notre attention sur le fait que le marché du travail ne réagit qu’avec un retard d’une demi-année sur des changements conjoncturels et que pour la fin de l’année, il y a bien des raisons de se faire des soucis. (31) A Bruxelles, depuis, le chômage est remonté de 18,8% avant l’été à 19,4% en septembre 2008. (32)
138. Leterme avait probablement espéré autre chose, mais il peut se préparer à une augmentation forte des dépenses sociales. Celles-ci avaient légèrement reculé dans la période 2003-2007 de 23% du PIB à 22,5%. Pendant cette même période, la sécurité sociale a connu trois fois un surplus, une fois un déficit (2003) et une fois un équilibre (2005). En 2007, les recettes de la sécurité sociale étaient de 64 milliards d’euros. C’est composé principalement de salaires différés – nommées cotisations patronales et les cotisations des travailleurs – pour 43 milliards d’euros et de ce que l’on nomme les contributions des autorités, pour 18 milliards d’euros, principalement des financements alternatifs (presque 10 milliards d’euros). Encore en 2007, la sécurité sociale a dépensé 62,5 milliards d’euros, principalement dû à ce qui était son but, c’est-à-dire les allocations sociales et les coûts du personnel, mais aussi de plus en plus pour des subsides aux entreprises (1,6 milliards déjà). Des allocations sociales en 2007, 21 milliards ont été dépensés aux soins de santé, 19 milliards aux pensions, 7,8 milliards au chômage (comprenant aussi une partie des prépensions), 4,5 milliards aux allocations familiales, et 4 milliards aux incapacités de travail. (33)
139. Pendant des années, on nous a effrayé avec le vieillissement et le fait que nos pensions seraient impayables. Pour chaque personne de plus de 60 ans, il y a aujourd’hui 2,5 travailleurs actifs, en 2015 ce ne sera plus que 2,1 travailleurs actifs. Presque tout le monde connait l’ordre de grandeur de ces chiffres. Via la télé et d’autres médias, ils ont été imprégnés dans notre conscience de la même manière que l’on marque le bétail au fer rouge. Cela servait à nous faire accepter l’érosion de notre pension. Pendant des décennies, des économies à charges de nos personnes âgées n’auraient provoquées que des indignations. Encore aujourd’hui, il n’y a rien de pire que quelques jeunes qui se moquent, volent ou maltraitent des personnes âgées, ou qui les laisse tout simplement à leur propre sort. C’est pourtant l’exemple que nos gouvernements donnent depuis des années. L’allocation de retraite moyenne d’un salarié masculin n’est plus que de 1.000 euros, d’une salariée féminine, de 700€. Les recherches démontrent que les « pensions supplémentaires » arrivent pratiquement exclusivement chez ceux qui ont déjà une pension légale élevée. (34)
140. Entretemps, la pension moyenne après taxation n’est plus que de 64,4% du salaire moyen. En Grèce et aux Pays-Bas, c’est plus de 90%. Au Luxembourg, un pensionné reçoit, pendant sa vie, si on totalise toutes ses allocations, en moyenne 664.240€ contre 179.056€ en Belgique, moins qu’en Grèce qui connait pourtant un niveau de vie en moyenne beaucoup plus bas (35). Délaisser les personnes âgées de telle manière est l’expression la plus écoeurante d’une société basée sur l’avidité. Après avoir réalisé ce drame, le Bureau du Plan nous amène des nouvelles : le vieillissement sera dans les prochaines années moins fort qu’on ne l’avait prévu. Mais ceci n’est pas une raison de ne plus rien faire : en 2050 (la date a reculé de 35 ans), il y aura 44 personnes âgées de plus de 65 ans (on n’y a ajouté 5 ans) sur 100 travailleurs actifs. Les voyants du Bureau du Plan prévoient 30,38 personnes âgées de plus de 65 ans sur 100 travailleurs actifs pour la région Bruxelles-Capitale, 42,68 en Wallonie et 47,38 en Flandre. (36)
141. Nous avons déjà traité des économies sur les salaires et sur les conditions de travail des salariés, des emplois flexibles et sous-payés des jeunes, de l’immigration sélective, des attaques sur les chômeurs, les malades et les pensionnés. Et pourtant nous ne sommes pas encore à la fin. Selon l’Agence flamande des personnes handicapées, les listes vacantes pour les personnes handicapées ont augmenté de 5.689 en 2003 à 8.200 en 2007. (37) Pour une région qui est capable de donner le fameux « job-korting » et d’autres cadeaux à l’approche des élections, cela témoigne de mauvais goût.
(1) Bureau Fédéral du Plan, communiqué du 12 septembre 2008
(2) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 97 et 99
(3) De Tijd, 27 août 2008, Reële lonen werknemers dalen
(4) De Tijd, 27 février 2008, Lonen kunnen prijzen niet volgen
(5) De Tijd, 3 octobre 2007, Lonen stijgen trager dan BBP. Entre 2002 et 2006, les salaires (nominaux) et les allocations sociales ont augmenté de 13% pour atteindre 158,2 milliards €, dans cette même période, le surplus d’exploitation brut et les revenus mixtes, principalement composé des revenus des entreprises, a connu une croissance de 26% pour atteindre 121 milliards €. Le PIB était de 316,6 milliards €.
(6) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 103, graphique 41
(7) De Tijd, 9 septembre 2008, IG Metall eist 7 tot 8 procent meer loon
(8) Des 15 Etats-membres, 6 possèdent une indexation automatique ou partielle : la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne, la Slovénie, Chypre et Malte. Dans certains pays, il existe en plus une indexation du salaire minimum.
(9) De Morgen, 19 avril 2008, De index is geen ideaal systeem
(10) La Belgique et le Luxembourg sont les seuls pays avec une indexation automatique. Le système se base sur les prix de 507 produits. Dès que l’index atteint un certain, niveau, appelé l’index pivot, une adaptation à l’index s’applique. Pour les allocations dans le mois qui suit, pour les services publics et quelques secteurs du privé dans le deuxième mois qui suit. Si certains perdaient une partie de leur indexation, cela minerait leur attachement à l’index et détricoterait le front en défense de l’indexation.
(11) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre – summary statistics et total economy database, janvier 2008 – en 2007 US $
(12) De Tijd, 25 juillet 2008, Unizo trekt streep onder loonsverhogingen
(13) Het Nieuwsblad, 17 septembre 2008, Zes dagen werken, geen opslag
(14) De Tijd, 2 septembre 2008, Faillissementen op record na acht maanden
(15) De Tijd, 2 septembre 2008, CAO-overleg Belgacom nog onzeker
(16) De Tijd, 3 septembre 2008, Belastingsinkomsten met 1,1 miljard in het rood
(17) Knack, 24 septembre 2008, Rolverdeling met een hoge prijs
(18) De Tijd, 4 septembre 2008, We moeten besparen, maar waar?
(19) De Tijd, 8 février 2008, Een op drie bedrijven overtreedt wet
(20) De Tijd, 6 juin 2008, Open VLD eist 4,2 miljard minder lasten
(21) Le Soir, 12 septembre 2008, Un tiers de jeunes dans les CPAS
(22) Le Soir, 5 juillet 2008, Le public des CPAS continue de s’élargir
(23) Le revenu médian est la somme qui compte autant de gens avec un revenu supérieur que de gens avec un revenu inférieur. Le revenu moyen est la somme de tous les revenus divisée par le nombre de personnes ayant un revenu.
(24) Laatste Nieuws, 26 mars 2008
(25) De Tijd, 26 février 2008, Een op de acht Belgen leeft in gezin zonder job
(26) De Tijd, 21 février 2008, RVA-activeringsbeleid leidde sinds 2004 tot 12.500 schorsingen
(27) De Tijd, 15 mai 2008, 116.000 extra banen in recordjaar 2007
(28) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre –total economy database, janvier 2008
(29) Site des autorités fédérales, emploi et chômage
(30) Taux de chômage en pourcentage de la population active
(31) De Tijd, 2 augustus 2008, Dreigt herfststorm op arbeidsmarkt
(32) Le Soir, 4 septembre 2008, Deuxième mois de hausse consécutive pour le chômage
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Pauvreté : la révolte gronde et fait peur à certains
Le secrétaire d’Etat à la pauvreté Jean-Marc Delizée (PS) prépare son plan d’action contre la pauvreté qui sera présenté le 4 juillet. Son principal souci ? Eviter "une révolte des pauvres". Quand on se dit socialiste, ne vaudrait-il pas mieux organiser celle-ci?
Jean-Marc Delizée a déclaré que "Quinze pour cent des Belges vivent sous le seuil de pauvreté et des dizaines de milliers de personnes avec un emploi s’ajouteront à eux si nous ne faisons rien. (…) Chaque pauvre est un pauvre de trop. (…) Si nous n’y prenons pas garde, d’autres viendront rapidement s’ajouter. (…) Si nous n’entreprenons rien pour augmenter les salaires bruts les plus bas, les gens pauvres de ce pays vont se révolter".
Tout d’abord, le chiffre de 15% est une grossière sous-estimation (voir ici 3 millions de pauvres en Belgique!). Pour le reste, nous sommes bien évidemment pour une hausse du salaire brut conséquente (nous revendiquons 1 euro de plus par heure en plus de l’indexation avec un index qui reflète le coût réel de la vie ainsi qu’une hausse des allocations sociales), pour tous, et pas seulement pour les salaires les plus bas. La crise du pouvoir d’achat ne crée pas seulement de problèmes à la population la plus précaire. Au regard du "camarade" de Jean-Marc Delizée Guy Quaden, gouverneur de la Banque Nationale et membre du PS, tous les salaires ne sont pas assez élevés (ce fameux Guy Quaden, qui par ailleurs veut s’en prendre à l’index, a gagné en 2007 quelques 474.792 euros brut, c’est-à-dire 4 fois plus que son collègue américain de la Federal Reserve…)
Mais il nous semble particulièrement intéressant de révéler la panique du secrétaire d’Etat quant il dit que "Si nous n’entreprenons rien pour augmenter les salaires bruts les plus bas, les gens pauvres de ce pays vont se révolter." Un parti qui se dit socialiste devrait justement organiser la révolte pour éviter que la frustration et la colère ne se dilapide inutilement. Mais on sent derrière cette phrase que la préoccupation du secrétaire d’Etat est avant tout de préserver l’ordre établi, de donner une obole aux pauvres pour éviter une remise en question du système.
S’il fallait encore le démontrer, cette citation illustre que la phraséologie sociale du PS est avant tout sa spécificité dans le panel des partis à la disposition du patronat. Sur le site du PS, dans la partie consacrée au nouveau secrétaire d’Etat à la pauvreté, on peut lire que "Lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités, voici un combat qu’il entend mener avec toutes les forces du PS." On se demande ce que le PS va vraiment mettre en œuvre pour réduire les inégalités. Le PS va-t-il mettre à la disposition du mouvement pour le pouvoir d’achat ses moyens financiers gigantesques, ces relais avec les journalistes et ses militants ? Va-t-il oser s’en prendre aux intérêts du patronat qu’il soutien activement (en votant par exemple l’introduction des intérêts notionnels, le Pacte des Générations, la chasse aux chômeurs,…)?
Nous en doutons, même si le PS en connaît un bout en terme d’inégalités et de pauvreté. La pauvreté a au moins triplé sur ces 20 dernières années, et le PS était au pouvoir (pour un taux officiel – et sous-évalué – de 6% de pauvreté dans les années ’80, nous sommes passés à 15% aujourd’hui, toujours selon la sous-estimation officielle). Le PS va juste s’employer à tenter de faire baisser la vapeur. Les travailleurs et les allocataires n’ont aujourd’hui plus de relais de masse pour porter leurs revendications sur le terrain politique. Il est urgent que les syndicats brisent leurs liens privilégiés avec des partis traditionnels pour qui la moindre parcelle de contrôle qu’ils peuvent encore exercer sur les syndicats est un argument à faire valoir auprès de la classe dirigeante.
- Evaluation de la semaine d’action sur le pouvoir d’achat.
- Rubrique "Pouvoir d’achat".
- Tous les rapports et reportages photo de la semaine d’action pour le pouvoir d’achat du 9 au 12 juin.
Le MAS propose de considérer les revendications suivantes :
- Plus de pouvoir d’achat par plus de salaire et des allocations liées au bien-être, pour que nous ne payons pas nous-mêmes nos augmentations comme avec des réductions de taxes : 1€ de plus par heure
- Un index qui reflète réellement le coût de la vie, pas d’accords all-in
- Abolition de la norme salariale, des accords interprofessionnels comme dans le passé, avec un seuil salarial et non un plafond (un minimum qui revient à tous, pour que les secteurs faibles puissent en bénéficier également)
- Pour les collègues qui tombent hors de l’AIP: casser tout les accords salariaux de plus de 2 ans, tel que l’accord 2005-2010 dans le non-marchand
- Une suppression de la TVA sur les produits de première nécessité
- Un plan massif de construction de logements sociaux publics
Pour financer cela :
- Une forte répression de la grande fraude fiscale
- Un impôt sur les grandes fortunes
Ces dernières mois, nous avons pu constater à quel point il est désastreux de laisser des secteurs-clés tels que l’énergie et les banques à l’avidité du secteur privé. Quand des grandes banques se trouvent en difficulté, l’Etat peut alors soudainement intervenir. Pour nous, le contrôle de tels secteurs revient à la collectivité. Nous plaidons donc pour leur nationalisation sous le contrôle démocratique du mouvement ouvrier et de toute la collectivité.
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Pas d’attaque contre l’index, pas d’accords all-in
Plus de pouvoir d’achat par plus de salaire!
Le patronat se prépare déjà aux négociations pour l’Accord Interprofessionnel (AIP) de cet automne. Il a reçu l’aide de ses amis de la Banque Centrale Européenne et de la Banque Nationale, qui ont déclaré vouloir réduire les effets de l’index ou même carrément l’abolir… Cependant, la vraie cible de ces propos n’est pas l’index en lui-même, mais bien la prochaine norme salariale.
Geert Cool
S’attaquer à l’index avec des accords all-in?
L’index a de toute façon été déjà bien attaqué. L’index-santé, introduit dans les années ’90, ne reprend plus l’essence, le diesel, le tabac et l’alcool. Début 2006, le contenu du « panier de la ménagère » qui sert de référence pour calculer l’index (et ses augmentations) a été « adapté », en mettant davantage l’accent sur certains produits de luxe dont les prix ont baissé (lecteurs DVD, télévisions, etc.)
Guy Quaden, le gouverneur de la Banque Nationale (membre de longue date du PS) a réagi aux critiques de la Banque Centrale Européenne en déclarant que l’index avait suffisamment été démantelé pour ne plus constituer un «danger»… tout en affirmant que le principe même de l’indexation automatique devrait être rediscuté ! Le but de cette mascarade est limpide : ce n’est pas l’index qui est visé, mais bien les cadeaux que le patronat désire obtenir à l’occasion des négociations de l’Accord Interprofessionnel (si toutefois il y a accord, car il est en fait probable que le gouvernement doive lui-même faire imposer un «accord» comme en 2006).
Le système des accords all-in, où les augmentations d’index sont partiellement ou entièrement supprimées dès qu’est atteint un «plafond» d’augmentation fixé dans l’accord salarial, est une autre manière de miner l’index. Dans l’AIP précédent (2007-2008), une norme salariale de 5% était prévue pour les augmentations de l’index et des salaires. Mais selon le Bureau du Plan, au cours de cette période, l’augmentation de l’index sera à elle seule de 5,1% (Agoria, la fédération des entreprises du secteur technologique, parle plutôt de 5,6%). Dans plusieurs secteurs, cela a déjà des conséquences inouïes. Dans le secteur de la construction par exemple, une indexation supérieure à 5% n’est plus autorisée ! Dans d’autres secteurs, aucune augmentation autre que l’index ne sera accordée, ce qui signifie une réelle détérioration au vu du détricotage de l’index (l’augmentation réelle des prix, sur base annuelle, est de 4,39%, plus que l’augmentation effectuée via l’index).
Dans le contexte des augmentations de prix de ces derniers mois, il va être plus difficile pour le patronat de conclure des accords all-in. Gilbert De Swert, de la CSC, a déjà déclaré que : « Les syndicats vont dire non, plus qu’avant, parce qu’ils ont vu la récente augmentation de l’inflation, qui a coulé les accords salariaux dans certains secteurs à un moment où les travailleurs ont plus de plaintes que de pouvoir d’achat ».
Le patronat veut des diminutions de charges pour les bénéfices et les gros salaires des cadres
2007 a été de nouveau un excellent cru pour les profits : les actionnaires des entreprises belges cotées en Bourse ont obtenu 10,2 milliards d’euros de dividendes (une augmentation de 42% en comparaison avec 2006). C’est à peu près la moitié des profits qui va ainsi vers les actionnaires. Les cadres de haut vol peuvent aussi se rassasier à la mangeoire des gros profits. Gilbert De Swert dit à ce titre : «Les entreprises ne savent plus aujourd’hui que faire avec tout leur argent, mais, à les écouter, le moindre centime d’euro de plus en charge salariale leur coûterait toute leur compétitivité et tout notre emploi.»
Le patronat revendique toutefois encore de nouvelles diminutions de charges et ce sera probablement un élément central dans leur paquet de revendications pour l’AIP. Ces diminutions de charges doivent donner aux travailleurs l’illusion qu’ils vont avoir un salaire net plus élevé alors qu’à long terme, cela limite les dépenses du patronat. Cela devra être payé d’une manière ou d’une autre, comme on peut déjà le voir avec les services publics libéralisés (énergie, télécommunications, et graduellement La Poste) Les diminutions de charges et autres recettes néolibérales mènent justement à l’aggravation des problèmes de pouvoir d’achat.
Il faut organiser la résistance
Le patronat fait tonner son artillerie pour peser sur les discussions. Les syndicats vont devoir faire quelque chose en réponse à cela s’ils veulent, eux aussi, construire un rapport de forces. De ce côté, après la manifestation du 15 décembre, le silence a régné longtemps. L’idée de journées d’action régionales après les élections sociales et d’une manifestation nationale en automne est certainement positive, mais il va falloir mener une véritable campagne.
Les actions essentiellement spontanées qui se sont déroulées en Flandre autour du pouvoir d’achat illustrent que ce thème est très sensible. La seule manière d’améliorer effectivement le pouvoir d’achat est d’augmenter les salaires et les allocations. Une offensive pour plus de pouvoir d’achat pourrait compter sur un large soutien et une implication active. Qu’attend-on pour l’organiser ?
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Pouvoir d’achat. Face au discours patronal, une alternative politique est nécessaire
2007 a été une nouvelle année record pour les profits patronaux. La palme d’or va aux cinq principales multinationales pétrolières du monde qui ont récolté à elles seules pas moins de 93 milliards d’euros de profits. Chez nous aussi, les patrons se frottent les mains. Les entreprises du Top 30.000 ont fait ensemble 77 milliards d’euros de profits, un montant historique. Par contre, pour les travailleurs et leurs familles, les derniers mois ont été ceux de l’envolée des prix à la pompe et à la caisse et de la dégringolade du pouvoir d’achat. Mais, avec la crise financière et économique née aux Etats-Unis cet été et qui gagne peu à peu l’ensemble de la planète, les patrons n’ont aucune envie de faire des concessions.
Geert Cool
Guy Quaden (gouverneur de la Banque Nationale – et membre du PS !) a pu déclarer le plus franchement du monde que toute augmentation salariale est «catas-trophique», sans provoquer de réaction parmi les partis établis. Lorsqu’un représentant d’ING a osé reconnaître dans les médias que les prix de la nourriture augmentaient de manière spectaculaire, il a bien vite été rappelé à l’ordre par d’autres qui ont précisé que les prix sont en moyenne encore à 7,5 % sous la moyenne européenne. La Banque Nationale a quand même reconnu que ce sont les produits à bas prix qui ont le plus augmenté et que le rythme de hausse des prix des produits alimentaires transformés est plus élevé en Belgique que dans la zone euro. Pourtant, pour la Banque, pas question d’intervenir sur les prix, elle préfére laisser la population adapter ses habitudes de dépenses…
L’économiste Paul De Grauwe a reconnu le problème du pouvoir d’achat (sans en tirer de conclusions, il reste tout de même libéral) dans une interview au Vif : « Je peux comprendre les grèves et les revendications salariales des syndicats. Nous sortons d’une période de profits d’entreprise énormes. Les salaires n’ont pas suivi cette tendance. La partie des salaires dans le revenu national a chuté.(…) Je n’ai plus aucune sympathie pour le patronat: ce qu’ils récoltent maintenant, ils l’ont semé eux-mêmes. Qui plus est, l’avidité des topmanagers est révoltante. »
Dans le Financial Times, le chroniqueur Martin Wolf est encore allé plus loin: « Je crains que la combinaison de la fragilité du système économique avec les profits records qu’il a générés ne détruise quelque chose de plus important : la légitimité politique de l’économie de marché elle-même. »
C’est pour cette même raison que le PS et le SP.a essaient de surfer sur le sentiment anti-néolibéral en donnant de la voix contre les intérêts notionnels, les super-profits et la fraude fiscale.
Mais la meilleure garantie pour construire une alternative politique au néolibéralisme n’est pas de se tourner vers les vieux complices de cette politique, qu’ils continuent d’ailleurs à appliquer à tous les niveaux de pouvoir où ils se trouvent. Nous devrons construire notre propre instrument politique : un parti des travailleurs qui se base sur les milliers de travailleurs qui ont mené des actions pour le pouvoir d’achat et qui défende les centaines de milliers d’autres qui voient fondre leur pouvoir d’achat et s’inquiètent de l‘avenir.
Pour en savoir plus:
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Après l’explorateur : Un démineur ou un dynamiteur ?
Crise gouvernementale :
Faute d’un gouvernement capable de renouveler les subsides, des centaines d’emplois ont été un temps menacés dans le cadre du Plan fédéral des grandes villes ou encore d’ASBL comme les Restos du Coeur. Une solution provisoire a été trouvée mais l’Orange bleue aura au moins réussi un sacré tour de force : menacer directement des emplois alors même que le prochain gouvernement n’existe toujours pas ! C’est finalement assez symptomatique de l’avenir que nous réservent nos politiciens, qu’elle que soit leur langue (de bois).
Depuis le 10 juin, nous avons eu droit à une valse de «carrures» politiques qui n’ont finalement rien pu faire d’autre que d’admettre l’impasse dans laquelle ils se trouvaient. L’informateur Reynders a été suivi du négociateur Dehaene, juste avant le formateur Leterme à qui a succédé l’explorateur Van Rompuy. Et puis quoi ensuite ? Un démineur ou un dynamiteur ?
On a un peu l’impression d’être dans un de ces vieux films où deux camions se foncent dessus en espérant que l’autre flanchera le premier et sortira de la route. Sauf qu’ici, il manque la vitesse… A tel point que Guy Quaden, le gouverneur de la Banque Nationale, a averti qu’un tel retard dans la formation du gouvernement aura des répercussions économiques. Histoire de déjà prévenir la future coalition qu’elle aura peut-être encore plus à faire en termes d’attaques sociales? Avec la crise des crédits hypothécaires américains qui s’est transformée en crise boursière et financière et s’étend peu à peu au reste de l’économie mondiale, cela fait froid dans le dos…
Ce qui est certain, c’est que la pression augmente sur les probables partenaires, qui semblent pourtant avoir tout essayé pour n’arriver encore à rien après plus de 100 jours de discusssions. Ecolo a été approché, sans succès. L’explorateur a même fait appel à l’ex-négociateur pour tâter le pouls du Boulevard de l’Empereur. Mais au siège du PS, on est fort peu désireux d’apporter le moindre soutien à Reynders et Leterme. Sans pour autant qu’il y ait de virage à gauche, comme vous pourrez le voir dans cet article. Alors quoi, un démineur ou un dynamiteur ?
Vous trouverez plus de précisions sur notre position vis-à-vis de la question nationale dans le dossier de ce journal mais, en définitive, dynamiter les institutions actuelles n’est pas pour nous déplaire. Oui, une communauté profite de la situation. Oui, cette communauté d’intérêt repart sans cesse à l’attaque. Mais cette communauté, c’est celle des riches, celle des patrons et des acti-onnaires. Si Leterme, Reynders, Milquet, Verhofstadt ou Di Rupo patinent autant, ce n’est pas vraiment parce qu’ils sont en désaccord sur la manière de réagir à cette offensive. Ils l’appuient tous mais ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la sauce – toujours fédérale ou davantage régionalisée – à laquelle ils veulent l’assaisonner.
Cette crise est la leur, aux travailleurs d’apporter leur propre réponse: celle de la solidarité, par-dessus toutes les frontières, y compris linguistiques.
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Après le pacte des generations. Continuons le combat
Le mécontentement continuel du patronat et ses demandes ressemblent à la liste de Saint Nicolas d’un enfant gâté. La hausse de l’acier, du pétrole, de l’euro… sont autant de belles excuses pour justifier l’austérité imposée aux seuls travailleurs car les bénéfices des entreprises ne décroissent pas.
Nicolas Croes
Le pacte des générations n’était pas encore voté au Parlement que l’on parlait déjà lors du congrès du VLD d’une seconde attaque sur les fins de carrière. Cela ne pouvait que satisfaire le Fonds Monétaire International pour qui le Pacte, s’il va dans le bon sens, se caractérise surtout par sa «faiblesse». Mais, sans résistance, ce n’est pas seulement plus longtemps que les travailleurs se feront exploiter…
Pour Guy Quaden, gouverneur de la Banque Nationale (et membre du Parti «Socialiste»…), il y aurait une croissance économique de 2,2% en 2006. Ce serait une amélioration par rapport à l’année précédente, mais dont ne saurait profiter assez le beau monde des entreprises pour cause de handicap salarial. Quaden poursuit en comparant nos salaires à ceux des pays voisins, moins élevés et surtout non-indexés. Et c’est pour lui évidemment là que se situe le problème, dont la solution serait un «Pacte de Compétitivité» impliquant modération salariale, remise en question de l’index et de nouvelles baisses de charges pour les patrons… Il est hors de question de son point de vue de prendre en compte la productivité supérieure des travailleurs belges, cette donnée est probablement réservée aux patronats voisins, pour qui cela peut servir d’explication pour les bas salaires pratiqués chez eux. Quaden ignore aussi le coût de la vie sans cesse croissant, comme vient encore de le démontrer la récente étude du Service Public Fédéral de l’Economie qui calcule ce fameux index dans lequel n’est toujours pas prise en compte la hausse du pétrole.
La FEB est moins optimiste et prévoit une croissance de 2% (ce qui est toujours supérieur au 1,4% de cette année). Mais sur le fond, l’analyse est la même: nos revenus sont trop élevés. Les travailleurs sont doublement visés dans le rapport de la FEB qui demande aussi une diminution des dépenses publiques. Moins de services à la population, donc, et de nouvelles privatisations avec les conséquences que l’on sait.
A cela, il faut encore ajouter les pressions du Conseil Central de l’Economie et la bonne volonté du gouvernement pour appliquer les plus infimes désirs du patronat, seule voix «raisonnable» dans la société.
C’est la faiblesse qui attire les coups et pour stopper le racket, c’est par des actions résolues, massives, et unies que les travailleurs doivent répliquer. La logique du profit est aux seuls avantages des inustriels et autres exploiteurs. Nous ne l’acceptons pas!