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Tag: Grève féministe
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Moyen-Orient. Solidarité avec les grèves contre les féminicides !

Aujourd’hui, 6 juillet, une grève féministe transfrontalière a lieu à travers le Moyen-Orient. Naira Ashraf en Égypte. Eman Rashid en Jordanie. Lubna Mansour aux Émirats arabes unis. Jewel Khnifiss à Shefa-‘Amr. Summer Clancy à Haïfa. Raneen Salous en Cisjordanie. Ce ne sont là que quelques-uns des noms des femmes assassinées ces dernières semaines au Moyen-Orient. Ces meurtres ont été accompagnés d’une vague de réactions conservatrices et de menaces sur la vie des femmes. À la suite de ces événements, des organisations de femmes ont lancé un appel à la grève.Déclaration du réseau international “ROSA International Socialist Feminists”
La grève intervient dans un contexte de crise systémique du capitalisme dans le monde, qui touche les femmes en général et les femmes du monde néocolonial en particulier. Les femmes voient leur vie menacée par des hommes violents, mais aussi par le chômage, la faim, la pauvreté, la guerre, la migration forcée, le commerce des filles, la crise climatique et le déni des droits démocratiques sous des régimes dictatoriaux et réactionnaires.
Les femmes arabo-palestiniennes, en Israël et dans les territoires occupés, sont également menacées par le régime israélien d’occupation et de discrimination. Les femmes arabo-palestiniennes en Israël représentent plus de 40% des meurtres alors que leur part dans la population ne dépasse pas 20%. 84% des meurtres de femmes arabo-palestiniennes en Israël ne sont jamais résolus. À Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza, les femmes sont également exposées aux démolitions de maisons, à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire imposées par l’occupation israélienne.
Les femmes ont joué un rôle de premier plan dans les protestations et les révolutions qui ont éclaté au Moyen-Orient depuis le “printemps arabe” jusqu’à aujourd’hui. À travers ces protestations, elles ont également soulevé des demandes de protection contre la violence sexuelle en particulier, et la violence en général.
Ce qu’il faut pour arrêter les féminicides, c’est une organisation transnationale de femmes et d’hommes sur les lieux de travail, dans les établissements d’enseignement et dans les quartiers, qui lutte contre les féminicides et la violence de genre au Moyen-Orient, mais aussi contre la violence institutionnelle et impérialiste que le capitalisme impose à la région, et en faveur d’une société socialiste et démocratique. Cette grève pourrait constituer une étape importante sur la voie d’une telle organisation.
ROSA International Socialist Feminists soutient pleinement cette journée d’action transrégionale. L’orientation vers la grève à l’échelle internationale contre la violence sexiste est un développement très encourageant. Les syndicats et les organisations de travailleurs feraient bien de ne pas rester sur la touche mais d’adopter une position audacieuse en soutenant activement ces actions et en en organisant d’autres contre la violence, l’exploitation et l’oppression endémiques et croissantes que subissent les femmes dans toute la région.
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Gand. Grève réussie à l’université pour de meilleures conditions de salaire et de travail
A l’UGent, une grève remarquable a eu lieu hier en faveur d’un salaire minimum plus élevé d’au moins 14 euros de l’heure, de la nomination statutaire du personnel et de l’internalisation du service de nettoyage. Les membres du personnel d’UGent et du sous-traitant ISS sont partis en grève à l’initiative de la CGSP et de la Centrale Générale de la FGTB. Ils ont reçu le soutien de Women’s Strike UGent et de nombreux étudiantes et étudiants. Le piquet de grève fut particulièrement impressionnant au bureau du recteur durant l’après-midi.- Lire notre article : L’université de Gand se prépare pour sa plus grande grève depuis des décennies
La Campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) et les Etudiants de Gauche Actifs avaient organisé la solidarité avec les grévistes en partant en manifestation avec un groupe d’étudiantes et d’étudiants de l’auditoire Blandijn au bureau du recteur.
La journée était également un moment de mobilisation pour la quatrième Marche de Gand contre le sexisme, samedi prochain, dans le cadre de la Journée de l’égalité salariale.
Le bureau du recteur a tenté de minimiser l’effet de la grève et a déclaré qu’il y avait peu de participation à la grève. La délégation syndicale de la CGSP-UGent a répondu :
“L’UGent affirme que seul un quart du personnel des établissements étudiants est en grève, et que “6 des 8 restos” sont ouverts. Nous ne savons pas sur quoi le conseil de direction se base pour de tels chiffres. Tout d’abord, il y a 13 restaurants et cafétérias à l’UGent, et non 8. L’un d’eux est le Resto Sint-Jansvest, qui n’est plus en activité. Sur les 12 restants, 8 sont fermés en raison de la grève. 4 resto’s ont ouvert, mais tournent au ralenti. L’un d’entre eux a ouvert plus tard, après que des non-grévistes d’autres endroits y aient été amenés. Apparemment, la direction voudrait également ouvrir un autre le soir, après la grève. Même alors, nous ne comprenons pas comment obtenir les chiffres donnés à la presse. Peut-être que l’UGent devrait expliquer où sont passées les restos qu’ils ont “oubliés” et comment il se fait qu’avec seulement 25% de grévistes, il a été possible de fermer la grande majorité des restos ? Il faut aussi remarquer que de nombreux travailleurs soutiennent l’action, mais n’ont pas fait grève pour des raisons personnelles…
“L’UGent affirme que seulement 15 personnes sur 190 ont fait grève dans le nettoyage. Deux fois plus de personnes de l’ISS étaient cependant présentes à l’action au bureau du recteur. Il est vrai qu’une campagne d’intimidation très intense a eu lieu ces derniers jours à destination du personnel de l’ISS: des personnes ont été appelées à plusieurs reprises et menacées. On leur a raconté des mensonges, et il a été clairement établi que quiconque ferait grève en subirait les conséquences (employés à temps partiel voulant un contrat à plein temps, priorité pour les remplacements, etc.) Nous savions que cela aurait un effet, et que cela réduirait la participation à la grève parmi les travailleuses et travailleurs de l’ISS. Apparemment, l’UGent est fière de ce genre de pratique et l’utilise maintenant comme argument contre la grève : est-ce vraiment ce genre d’employeur que veut être l’UGent ? Soyons clairs : le soutien est énorme parmi le personnel de l’ISS pour les revendications de la grève, la non-participation de la grande majorité était due à la peur, et pas au rejet de la grève.
“Si cela avait été un examen, nous aurions dit : “revenez en septembre”. Il est dommage qu’une université en soit réduite à diffuser délibérément de fausses informations”.
L’UGent avait également lancé un appel de dernière minute pour recruter des étudiants supplémentaires afin de maintenir un restaurant étudiant ouvert. Si la participation à la grève avait été aussi faible que ce que prétend l’UGent, cela n’aurait bien sûr pas été nécessaire.
Reportage-photos de Jean-Marie:
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25 novembre : Pour une lutte féministe socialiste contre la violence basée sur le genre !

“Nous ne sommes pas silencieux. Nous n’avons pas peur. Nous n’obéissons pas.” – Istanbul, Turquie – chants de protestation contre la violence de genre entendu lors de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes en 2019, au mépris de l’interdiction de manifester imposée par l’État et de l’utilisation des gaz lacrymogènes par la police.“Ma vie n’est pas votre porno” – Séoul, Corée du Sud, slogan principal d’une manifestation de 70.000 personnes contre les ‘caméras espion’ dans les toilettes publiques, octobre 2018.
“La violence sexiste nous tue, tout comme la politique de l’Etat” – pancarte vue lors d’une manifestation à Buenos Aires, en Argentine, contre les féminicides et pour le droit à l’avortement, juin 2019.
“Mon corps n’est pas ta scène de crime” – pancarte vue au Cap, en Afrique du Sud, lors d’une manifestation contre la violence de genre à la suite d’un pic de féminicides, septembre 2019.
A l’approche du 25 novembre, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, nous célébrons et nous montrons solidaires des innombrables luttes et mouvements sociaux qui ont éclaté dans le monde entier contre la violence sexiste sous toutes ses formes. #MeToo a levé le voile sur la prévalence de la violence sexiste et familiale, du harcèlement et des abus. L’ampleur de #MeToo a été bouleversante, elle a fait tomber de puissants hommes d’affaires et politiciens et a inspiré des survivantes de tous les milieux, des athlètes aux étudiantes des universités en passant par les travailleuses de secteurs aussi divers que l’agroalimentaire, l’hôtellerie, les usines, le divertissement et la technologie, pour parler haut et fort. #MeToo a mis l’accent sur la nature systémique de la violence sexiste et sur le fait que toutes les femmes ou presque, de même que les personnes qui ne se conforment pas aux normes sexuelles, subissent une forme de harcèlement sexuel et craignent d’être victimes de violence à un moment de leur vie. La bravoure des survivantes qui ont raconté leur histoire personnelle a fait entrer la question dans la sphère publique à une échelle sans précédent. Cela a marqué tous les pays du monde et a donné un énorme élan à la construction de la lutte collective contre la violence sexiste.
La violence de genre enracinée dans le système capitaliste
De plus, que ce soit vis-à-vis de Harvey Weinstein, de Jeffrey Epstein ou de Donald Trump, #MeToo a souligné aux yeux de millions de personnes le sentiment d’impunité concernant les abus et le harcèlement qu’éprouvent les individus riches et puissants de la classe dirigeante. Ces personnes incarnent la nécessité de lutter contre le système capitaliste lui-même quand nous nous soulevons contre la violence de genre sous toutes ses formes et où qu’elle se produise, y compris sous la forme la plus courante de violence, celle issue d’un partenaire ou d’un ancien partenaire.
Les statistiques sont à elles seules une mise en accusation du système. Une femme sur trois dans le monde a été victime de violence physique et/ou sexuelle de la part de son partenaire ou non au cours de sa vie. Dans une étude récente réalisée aux Etats-Unis auprès de plus de 13.300 femmes âgées de 18 à 45 ans, environ une femme sur 16 a déclaré que sa première expérience sexuelle était un viol (JAMA Internal Medicine).
Les idées machistes qui alimentent la violence faite aux femmes et aux enfants alimentent la violence faite à l’égard de la communauté LGBTQI+, et plus particulièrement la communauté transgenre et non conforme au genre. Il est impossible de mesurer les conséquences que représentent la violence et les mauvais traitements généralisés à l’égard des femmes et des familles au niveau financier, mental et physique pour les personnes survivantes. Pour ne citer qu’un exemple, une étude importante a démontré que les graves mauvais traitements subis durant l’enfance sont associés à un risque 79 % plus élevé de développer une endométriose à l’âge adulte, une condition gynécologique atrocement douloureuse. Une enquête menée par Women’s Aid auprès de survivantes britanniques de violence familiale et publiée en mars 2019 a révélé que plus de deux femmes sur cinq parmi elles étaient endettées et qu’un tiers avaient dû abandonner leur maison en raison de la violence subie.
L’explosion des luttes contre la violence de genre et le harcèlement sous toutes ses formes est l’antidote le plus puissant à la violence, aux abus et au harcèlement qui sont l’antithèse de la solidarité de la classe ouvrière et de l’action collective nécessaires pour changer la société.
S’organiser contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail
Parmi les mouvements qui se sont développés au cours de ces dernières années, on trouve des travailleurs qui se sont organisés contre le harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Quatre-vingts pour cent des travailleurs du textile bangladais – parmi lesquels une grande majorité de femmes et de jeunes filles – ont été victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail ou en ont été directement victimes, et cette question a largement contribué à la campagne de syndicalisation des travailleurs du textile. Les travailleurs de Google ont mené des actions coordonnées dans plusieurs pays du monde entier le 1er novembre 2018 contre les indemnités de départ de cadres supérieurs accusés de harcèlement sexuel ainsi que contre les discriminations racistes au travail. Non seulement cette action a donné lieu à des concessions de la part de la direction, mais elle a fait partie intégrante des premiers pas vers la syndicalisation des travailleurs de cette société notoirement non syndiquée. En Afrique du Sud, en juin 2019, 200 mineurs à prédominance masculine ont mené une action de grève courageuse, notamment en refusant de manger, alors qu’ils occupaient une mine pendant plusieurs jours contre le harcèlement sexuel dont une de leurs collègues féminines avait été victime de la part d’un patron. Les grèves des travailleurs de l’hôtellerie appelées sous la bannière #MeToo ont brillamment concrétisé dans la lutte les témoignages individuels de #MeToo.
L’introduction de la lutte contre la violence de genre sur le lieu de travail est particulièrement puissante. Entrer en lutte collective avec ses collègues de travail a, par le biais de la grève, le pouvoir économique d’exercer une pression massive sur les entreprises pour licencier les managers véreux ou pour introduire des mesures garantissant une tolérance zéro face au harcèlement sexuel au travail.
D’autre part, la lutte elle-même sensibilise les travailleurs de tous les genres aux questions liées à la violence de genre, ce qui aiguise le sens de la solidarité face à la violence de genre sous toutes ses formes. C’est en soi un défi dynamique posé aux comportements et attitudes sexistes et misogynes. La revendication la plus élémentaire des travailleurs pour la dignité et la sécurité au travail – ainsi que pour des salaires et conditions de travail décents pour tous les travailleurs – signifie notamment de disposer d’un lieu de travail exempt de harcèlement sexuel.
Notre réponse est la lutte de masse
L’autre évolution majeure du mouvement féministe au cours de ces dernières années est le développement de la “grève féministe”. Dans sa forme la plus développée, elle a impliqué jusqu’à 7 millions de travailleurs dans l’Etat espagnol le 8 mars 2019 autour d’une série de revendications allant de l’égalité pour un salaire décent au retrait des mesures d’austérité et à la fin des violences de genre, sur le modèle de la forte grève générale qui avait réuni 5 millions de personnes lors de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes de l’année précédente.
Le 14 juin 2019, en Suisse, un demi-million de personnes sont descendues dans la rue dans le cadre d’une “grève féministe” similaire, une action de grève générale. Cette grève a tout d’abord été appelée par les femmes des syndicats qui avaient fait adopter une résolution appelant à une grève le 14 juin 2019 lors du Congrès syndical suisse de juin 2018. Le fait que des syndicalistes de base et des jeunes femmes soutenant l’appel dans tout le pays soient passées à l’action pour donner corps à cet appel et s’assurer qu’il n’ait pas seulement eu lieu, mais qu’il provoque un tremblement de terre – la plus grande mobilisation de masse des travailleurs depuis des décennies – témoigne d’une radicalisation générale et d’une grande volonté de changement.
Nous en avons également trouvé une expression dans le mouvement de décembre 2018 en Israël qui a uni de manière inspirante Juifs et Palestiniens dans une “grève des femmes” et dans des manifestations de dizaines de milliers de personnes contre les féminicides. En septembre 2019, un groupe de Palestiniennes a défié la répression brutale de l’Etat israélien et a organisé des manifestations contre les féminicides en Cisjordanie, à Gaza et en Israël.
Les “grèves de femmes” ou les “grèves féministes”, ainsi que les occupations massives d’universités au Chili et de places en Argentine, qui ont caractérisé le mouvement de masse contre les fémicides en Amérique latine “Ni Una Menos” (pas une de moins), montrent que mouvement s’approprie les armes les plus puissantes du mouvement ouvrier, les grèves et les occupations. Ce développement est très inconfortable pour les féministes les plus radicalement pro-capitalistes et pro-establishment puisque ce sont les méthodes de lutte de la classe ouvrière qui sont employées et que cela inspire l’ensemble de la classe ouvrière à entrer en action de masse, plus particulièrement par le biais de la grève générale. En Argentine, Ni Una Menos a concentré l’attention du mouvement de masse contre les fémicides sur la violence étatique, à savoir l’interdiction de l’avortement. Ce mouvement de masse d’une inspiration phénoménale, dont la victoire sauverait la vie de femmes et de personnes enceintes et stimulerait considérablement la lutte pour la légalisation de l’avortement en Amérique latine.
Tout comme c’est le cas avec le mouvement des jeunes pour le climat, ces luttes ne sont pas marquées par une conscience qui considérerait cette thématique comme isolée du reste. Il est juste et absolument nécessaire que le mouvement contre la violence de genre s’attaque à l’austérité dans les services publics ainsi qu’aux salaires de misère et lutte pour plus de logements sociaux, contre la gentrification de nos villes, contre la pauvreté des parents isolés et des retraités, contre le sexisme, le racisme et le caractère anti-travailleurs du système judiciaire ou encore pour la justice climatique. Au vu de l’impact de la violence de genre et du harcèlement sur la vie de la classe des travailleurs et des pauvres, tout cela ne représente qu’un seul et même combat.
Pour lutter efficacement contre la violence sexiste, il faut rompre avec le féminisme des dirigeantes d’entreprises telles que Sheryl Sandberg et les féministes libérales de l’establishment politique et économique en général. Leurs intérêts de classe entrent inévitablement en conflit avec les revendications essentielles aux femmes pauvres et issues de la classe ouvrière à travers le monde.
La récente vague de luttes féministes et de mouvements de masse ont déjà remporté d’importants succès. Il y a eu les victoires remportées contre les lois autorisant l’auteur d’un viol à épouser sa victime pour échapper à la prison en Jordanie, au Liban, en Tunisie et en Malaisie. Il y a eu la victoire remportée contre le traitement sexiste de l’affaire de “La manada” (“La meute”) dans l’État espagnol. Il y a eu le mouvement de masse en Irlande contre l’interdiction constitutionnelle de l’avortement, une lutte qui a duré des décennies et qui a remporté le droit à l’avortement gratuit par le biais des services de santé et dans laquelle les féministes socialistes du Comité pour une Internationale Ouvrière (Majorité) ont joué un rôle central.
La menace de l’extrême droite
Cependant, de Trump à Bolsonaro en passant par Viktor Orban, l’essor de la droite populiste et de l’extrême droite démontrent que le système capitaliste ne se contente pas de s’opposer à de nouvelles victoires, il menace également des droits acquis il y a des décennies lors des précédentes vagues de lutte des féministes et ouvrières. C’est ce qu’illustre de façon la manière dont est constamment menacé l’arrêt Roe vs Wade qui a légalisé l’avortement aux États-Unis en 1973, une des plus grandes victoires du féminisme de la deuxième vague.
L’atmosphère créée par la campagne électorale et la victoire de Bolsonaro au Brésil a accru la violence subie par les personnes noires, les femmes et les LGBTQI+, tout particulièrement celles issues d’un milieu ouvrier ou pauvre. Bolsonaro a un jour déclaré à une députée : “Je ne vais pas te violer parce que tu es très laide”. Il entretient des liens avec des groupes fascistes et exprime sans aucune honte sa misogynie et son racisme. Le nombre de fléminicides au Brésil a augmenté de plus de 4 % pour atteindre 1.206 cas en 2018. Les incidents de violence sexuelle signalés cette année-là ont augmenté de 4,1 %, plus de la moitié des victimes étant des enfants de moins de 13 ans. Les chiffres montrent également qu’une femme a été victime de violence domestique toutes les deux au Brésil en 2018. Dans un tel contexte de crise sociale, qui s’est d’ailleurs aggravé depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019, il n’est pas surprenant de constater que les femmes – en particulier les jeunes, les retraitées, les travailleuses, les noires, les indigènes et les pauvres – aient été à l’avant-garde de la lutte contre Bolsonaro. Le soutien ouvert de Bolsonaro à la cupidité des entreprises, quel qu’en soit le coût, est incarné par la privatisation et la destruction de l’Amazonie, l’exemple le plus frappant de la manière dont les profits de l’élite capitaliste brûlent la planète.
La seule manière capable de défier et de vaincre avec certitude la menace de la droite est une lutte reposant la classe ouvrière contre le status quo capitaliste responsable du mécontentement et de l’aliénation liés au développement de la droite. Une nouvelle récession mondiale est imminente. L’élite politique et économique capitaliste tentera de l’utiliser pour aggraver encore la précarité des travailleurs et des jeunes. Il en ira de même avec les inégalités de classe extrêmes qui caractérisent le capitalisme aujourd’hui. Il est urgent de rassembler la classe des travailleurs et les opprimés en lutte. Un tel mouvement peut défendre une alternative socialiste à la crise capitaliste.
Mettre le capitalisme sur le banc des accusés
L’oppression des femmes et des LGBTQI+, et donc son expression la plus flagrante qui est la violence sexiste, fait partie intégrante du système capitaliste. Historiquement, le capitalisme a favorisé dès le début l’idéologie rétrograde de la famille patriarcale comme outil de son ascension. Aujourd’hui, selon une étude d’Oxfam, le travail non rémunéré effectué par les femmes à travers le monde s’élève à la somme astronomique de 10.000 milliards de dollars par an, soit 43 fois le chiffre d’affaires annuel d’Apple. Cela illustre à quel point l’oppression des femmes est dans l’ADN du système. Ce travail non rémunéré est un outil vital pour le capitalisme pour le maintien et le renouvellement de sa force de travail dont le travail crée le profit des classes capitalistes. Les sociétés qui reposent sur l’oppression des femmes et la perpétuent cherchent de par leur nature à contrôler la sexualité des femmes, par exemple par le biais de la structure familiale patriarcale. Les violences de genre et sexuelles font partie de la coercition dans cette structure, ainsi que, par exemple, la limitation par l’État de l’accès aux droits reproductifs. Différentes formes de violence de genre sont liées entre elles, depuis le harcèlement sexuel jusqu’au viol lui-même, avec pour base commune l’objectivisation du corps des femmes.
La lutte pour une société socialiste est un aspect vital de ma lutte pour la libération des femmes et des personnes LGBTQI+, une société où la structure familiale patriarcale deviendrait réellement une chose du passé, une société où serait appliquée la réduction collective du temps de travail et où le logement, les soins aux enfants, les soins aux personnes âgées et les emplois seraient publics, de qualité et accessibles à tous.
Sous le capitalisme, comme l’a expliqué Marx, tout devient une marchandise. Le corps des femmes devient une marchandise par le système du profit. Des industries qui rapportent des milliards comme la pornographie et l’industrie du sexe reflètent, perpétuent et profitent de l’inégalité entre les genres, et sont donc des ennemis de la véritable libération sexuelle et de la liberté. La réaction des Etats capitalistes face à ces industries est souvent de réprimer la majorité des femmes et des personnes non conformes au genre, souvent des migrants et des personnes de couleur, qui travaillent dans ces industries plutôt que de défier les capitalistes qui en tirent du profit. En outre, ceux qui sont brutalement victimes de trafic dans ces industries subissent la répression de l’Etat capitaliste. Cela a été très médiatisé aux Etats-Unis avec le cas de Cyntoia Brown, une jeune fille de 16 ans qui a passé une dizaine d’années en prison après été sous le contrôle brutal d’un proxénète et avoir tué un “client” violent. Une vaste campagne lui a évité de passer encore quatre décennies supplémentaires derrière les barreaux.
La nature même de l’Etat capitaliste et du système repose sur la violence. Comment mettre fin à la violence interpersonnelle dans un monde où les armées capitalistes et impérialistes sont employées par la classe dirigeante pour réprimer et faire la guerre ?
Aujourd’hui, nous assistons à l’invasion brutale du nord de la Syrie par les forces turques dans le but d’écraser la zone autonome kurde du Rojava. Le régime dictatorial d’Erdogan cherche à détruire toute forme d’autonomie gouvernementale kurde dans la région. Cela se passe avec le soutien total du régime de Trump. Une fois de plus, l’impérialisme américain, et l’impérialisme en général, se sont révélés être de faux amis du peuple kurde opprimé. Le courage des combattants des factions armées majoritairement kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) et YPJ (Unités de protection des femmes) basées au Rojava dans la lutte contre l’Etat islamique a constitué une source d’inspiration pour beaucoup de gens dans le monde en 2014-2015. La brutale violence d’État à leur encontre est emblématique de la nature violente du capitalisme et de l’impérialisme. Nous savons de plus que les réfugiés créés par la guerre sont parmi les êtres humains les plus vulnérables à la violence sexuelle.
Violence et sexisme dans l’Etat capitaliste
Hong Kong est l’une des villes les plus néolibérales du monde. Un mouvement social de masse pour la démocratie s’y développe, imprégné d’une forte opposition aux conditions de travail et de logement précaires, et fait l’objet d’une répression violente de la part de l’Etat. Des tirs à balles réelles ont eu lieu contre des adolescents qui manifestaient. Des tactiques similaires sont utilisées contre les masses en Catalogne. La violence d’Etat capitaliste est utilisée pour protéger le statu quo.
Étant donné cet aspect de l’État capitaliste – ainsi que le lien inextricable entre capitalisme, impérialisme et guerre – l’existence d’attitudes machistes et racistes au sein de la police et des forces armées est utile et nécessaire au système. Cette réalité est reflétée par les statistiques. Aux États-Unis, des études ont indiqué qu’au moins 50 % des anciens combattants de sexe masculin ayant des problèmes de santé mentale liés au combat commettent des actes de violence conjugale et familiale, et qu’au moins 40 % des familles de policiers sont victimes de violence familiale, comparativement à 10 % de la population générale.
En outre, la mise en cause systématique des victimes dans les procédures judiciaires (le victim-blaming) est une caractéristique des affaires judicaires de violence sexuelle dans le monde entier. En novembre 2018, Ruth Coppinger, députée du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière (Majorité)), a bénéficié d’une attention virale sur les réseaux sociaux et d’une audiance inédite dans les médias à l’échelle internationale (de la télévision nationale indienne au New York Times) en dénonçant le victim blaming. Elle avait alors tenu en main un string dans l’enceinte du parlement pour dire que “cela ne signifie pas un consentement” après que l’avocat d’un homme accusé d’avoir violé une adolescente avait parlé des sous-vêtements en dentelle de la victime adolescente au tribunal. Elle a utilisé cette plate-forme pour appeler à l’organisation de manifestations en Irlande contre le sexisme enraciné dans cet État et aussi pour défendre l’idée d’une grève mondiale le 8 mars à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.
Construire la lutte féministe socialiste internationale
Jusqu’au 25 novembre, date à laquelle d’importantes manifestations contre la violence à l’égard des femmes auront lieu dans de nombreux pays du monde, nous publierons sur worldsocialist.net des articles d’un certain nombre de sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (Majorité) sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes.
Le jour-même, nos camarades du monde entier participeront aux nombreuses manifestations et actions contre la violence de genre. Ils feront tout particulièrement pression pour construire l’aile féministe socialiste du mouvement. Nous voulons rompre résolument avec tout courant féministe qui cherche à s’adapter aux intérêts de l’establishment capitaliste. Le féminisme socialiste est une lutte collective. Il s’agit de solidarité. De s’allier à la classe ouvrière, aux pauvres et aux opprimés du monde de tous les genres et de toutes les nationalités dans une lutte commune contre le capitalisme.
Il est urgent d’intensifier le mouvement pour mettre fin à la violence de genre qui a déjà fait descendre des millions de personnes dans les rues du monde entier, y compris en Europe du Sud et en Amérique latine, par des grèves et des occupations de masse. Les féministes socialistes sont inextricablement liés à la construction d’un mouvement de masse de la classe des travailleurs et des opprimés pour une transformation socialiste de la société.
A Hong Kong, la révolte de masse en faveur de la démocratie qui a éclaté s’est accompagnée de femmes organisant des manifestations #MeToo contre la violence d’Etat et sexiste. Au Liban, où la lutte contre la pauvreté a explosé dans les rues en octobre 2019, les manifestantes ont twitté sur Twitter qu’elles étaient des révolutionnaires et non des “babes” en réponse au traitement sexiste et objectivant qu’elles ont reçu dans les médias. Comme le proclame la chanson Bread and Roses sur la grève des ouvrières textiles à Lowell, aux États-Unis, en 1912 : ” le soulèvement des femmes signifie le soulèvement de nous tous “.
Luttons contre la violence sexiste ! Luttons contre le système capitaliste qui engendre les inégalités et l’absence de démocratie ! Dans ce système, une poignée de milliardaires mènent la barque, profitent de l’oppression des femmes et cherchent à diviser la classe des travailleurs de toutes les manières possibles pour éviter de faire face à une riposte commune. Une alternative socialiste collectiviserait les richesses et les ressources-clés, des banques aux grandes entreprises, pour les placer démocratiquement aux mains de la classe des travailleurs afin de planifier l’économie en fonction des besoins des êtres humains et de la planète. Une telle société, fondée sur la solidarité, la coopération humaine et l’égalité, en finirait avec les racines de l’oppression et commencerait à construire un monde où nous pourrions véritablement nous assurer que plus aucune vie ne serait perdue ou brisée en raison de la violence sexiste.
- Ni Una Menos –pas une de moins – plus aucune vie ne doit être perdue à cause de la violence de genre ; plus aucun dommage à la santé mentale ou physique ! Nous luttons pour mettre fin à la violence de genre, aux abus et au harcèlement sous toutes leurs formes et partout où ils se produisent : au travail, à la maison, dans les écoles et les universités, dans les institutions publiques, dans la rue, en ligne.
- Construisons des manifestations de masse autour du 25 novembre contre la violence de genre, en tant qu’étape vers des manifestations de masse et des grèves de masse au niveau international le 8 mars 2020.
- Saisissons la richesse de l’élite capitaliste pour financer une expansion massive des services publics ; la gratuité des soins de santé (y compris de bons soins de santé mental) ; la gratuité des services de garde d’enfants ; le développement de services spécialisés en matière de violence domestique et sexuelle disponibles localement pour toute personne qui en a besoin. Les soins de santé mentale devraient inclure l’accès local à des conseillers et thérapeutes dont les victimes ont besoin, ainsi que des évaluations et des traitements psychologiques spécialisés pour les auteurs de violences.
- Un véritable contrôle des loyers et la construction de logements sociaux en masse : chacun a le droit à un logement sûr, abordable et paisible.
- Pour une éducation sexuelle gratuite, de qualité, publique, laïque, progressiste, adaptée à l’âge, inclusive envers les personnes LGBTQI+, axée sur le consentement.
- Les syndicats doivent mener une véritable lutte pour la syndicalisation, pour la fin du travail précaire, pour un salaire décent pour tous les travailleurs et contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Un tel mouvement pourrait prendre la tête de la lutte contre toutes les formes de sexisme, la misogynie, le racisme, l’homophobie et la transphobie pour construire une lutte unifiée de la classe des travailleurs.
- Mettons fin au sexisme, aux discriminations et au victim-blaming dans la justice ! Tous les services de l’État et les services sociaux en contact avec les victimes et les auteurs d’actes de violence devraient être sensibilisés à la question de la violence sexiste et formés de manière à assurer que les plaignants et les victimes soient traités avec respect. Nous luttons pour un État gouverné démocratiquement par la classe ouvrière qui supprimerait les préjugés actuels en faveur des classes dirigeantes et éliminerait une fois pour toutes la présence du racisme, du sexisme et des discriminations dans l’État et le système judiciaire.
- Mettons fin à la guerre et luttons pour la justice climatique ! Mettons fin aux politiques d’immigration racistes : pour le droit d’asile démocratique !
- Pour la propriété publique démocratique des principaux leviers de l’économie, des principales richesses et ressources ; pour le contrôle et la propriété démocratiques des travailleurs ; pour une planification socialiste démocratique de l’économie afin de subvenir aux besoins des gens et de la planète, et non au profit.
- Nous luttons pour le pain et nous luttons aussi pour les roses ! Pour une société socialiste où la structure familiale patriarcale appartiendrait véritablement au passé, pour un monde socialiste libéré des divisions de classe, de l’oppression, de la guerre et de la violence, où chacun aurait droit à un niveau de vie de bonne qualité et à la liberté de vivre sa vie !
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Suisse. Les mouvements pour le climat et pour l’émancipation des femmes marquent les élections

Les mouvements pour le climat et pour l’émancipation des femmes entraînent une ‘vague verte’ et une percée de la gauche aux élections fédérales
Suisse. Les mouvements pour le climat et pour l’émancipation des femmes entraînent une ‘vague verte’ et une percée de la gauche
Le week-end dernier, les élections de l’Assemblée fédérale Suisse ont connu une percée pour les Verts, qui ont vu 13% des voix leur revenir, leur faisant gagner 17 sièges supplémentaires. Cela signifie qu’ils ont désormais 28 sièges au conseil national et sont devenus, pour la toute première fois, le 4ème parti au parlement.La percée des Verts fut notable à travers plusieurs avancées: leur représentation a triplé à Genève, où ils sont maintenant le plus grand parti ; leurs voix ont triplé au Tessin ; un siège a été gagné au Valais pour la toute première fois ; et plusieurs sièges ont été gagnés dans le conseil des Etats, pour la première fois dans plusieurs cantons.
Le parti Vert’Liberal, une ancienne scission des Verts, a aussi connu une progression, passant de 9 à 16 sièges avec 8% des voix.
Le rôle des mouvementsLes résultats des élections ont l’empreinte des récents mouvements de masse pour les droits des femmes et pour le climat qui ont éclaté en Suisse tout au cour de l’année.
En Septembre, 100.000 personnes sont descendues dans les rues pour le climat. De la même façon, de larges manifestations menées par des collégiens, lycéens et jeunes ont pris formes au printemps dernier, et des milliers sont devenus actifs dans des actions et manifestations locales.
En juin dernier, 500.000 ont pris part à une grèves des femmes historique qui fut la plus grande manifestation dans l’histoire récente du pays. (voir précédent rapport: 500.000 personnes dans la rue en Suisse pour une « Grève des femmes).
Le mouvement pour le climat ainsi que la grève des femmes furent inspirés par de nombreux événements internationaux et ont démontré la forte volonté des travailleurs et des jeunes de devenir actifs dans une lutte pour une société différente ; beaucoup devenant actifs en manifestations et en politique pour la première fois.
Les mouvements ont aussi popularisé l’idée d’action de grève comme méthode ayant le pouvoir d’apporter un réel changement et de pousser des revendications pour la majorité de la classe ouvrière.
Malgré l’existence d’un certain support envers les idées anticapitalistes et socialistes, l’existence d’une large ouverture politique envers ces idées au sein même du mouvement, et les efforts immenses investis par les militants, aucune direction politique correcte et claire n’a encore vu le jour.
Cependant, malgré le manque de direction pour aider à la construction des mouvements, ces derniers ont joué un rôle décisif dans les élections, pointant vers des questions fondamentales comme celles du changement climatique, des inégalités, des salaires et des retraites, qui sont devenues beaucoup plus proéminentes et ont permis de repousser les politiques racistes et d’extrême droite.
Dans un récent sondage précédant les élections, 27% des participants ont nommé le changement climatique comme jouant un rôle déterminant dans leur vote, 21% ont nommé le coût de l’assurance maladie obligatoire, tandis que le problème d’immigration a baissé et ne fut nommé que par 19%.
La grève des femmes et le mouvement pour le climat furent le résultat de l’organisation d’actions par des milliers de jeunes et de travailleurs. A cause du manque d’organisation politique de ces mouvements, les Verts ont pu exploiter ce sentiment politique dans la société. Il est vrai que les Verts ont consciemment tenté de se mettre à l’avant de ces deux mouvements.
Un sondage effectué après les votes a montré qu’un jeune sur cinq a voté pour les Verts, et un sur trois si l’on inclut les Vert’Libéraux. Les Verts ont aussi gagné 28% de leur soutien à travers ceux qui s’étaient abstenus aux élections précédentes.
Les limites des Verts
Les Verts ont parlé de demander des comptes au secteur financier. Leur président Regula Rytz a mis en avant le besoin d’un secteur financier Suisse qui ‘n’investit plus dans le charbon et les énergies fossiles’.
Pour le capital financier Suisse, ne plus investir dans les énergies fossiles marquerait la dévaluation des stocks dans l’un des principaux centre financiers d’Europe, un acte qui ne sera jamais organisé volontairement par la classe capitaliste.
Pour exécuter un réel changement qui serait en ligne avec les attentes du mouvement pour le climat, il faudrait une rupture totale avec le marché capitaliste et avec le monopole privé des richesses par les patrons.
Cependant, les Verts sont étroitement liés aux politiques pro-marché et ont joué un rôle, aux côtés du Parti Socialiste, dans les coupes des dépenses publiques et dans la privatisation à échelle locale et cantonale.
Une discussion a maintenant pris forme autour du besoin d’altérer la traditionnelle ‘formule magique’ d’entente sur le partage du pouvoir pour amener les Verts au Conseil Fédéral (qui est constitué de 7 ministres, tous provenant en permanence des 4 mêmes partis politiques). Lisa Mazzone, vice-présidente des Verts, déclarait : ‘nous avons l’intention d’être une force dans le gouvernement’.
Mais les Verts ne défieront pas le capitalisme. Leurs nouvelles positions seront testées, surtout s’ils entrent au gouvernement, et seront jugés lacunaires.
Un repli pour la droite
La droite a subi un revers dans ces élections. Chaque parti traditionnel a perdu des voix: le Parti Libéral-Radical (PLR), le Parti Démocrate-Chrétien (PDC) et le Parti Socialiste (PS). Mais c’est la droite populiste, l’Union Démocratique du Centre (UDC), qui a perdu le plus : -12 sièges. L’UDC reste cependant le plus gros parti au parlement fédéral ; une position qu’ils ont maintenu depuis 2003 et qui avait fortement augmenté en 2015.
Le parti a fait campagne avec une infâme rhétorique raciste, profilant une affiche déclarant : ‘défendons la Suisse’ et ‘protégeons les Suisses’ ‘des insécurités, des viols et des agressions’, tout en mettant en scène les dessins d’un maghrébin barbu, d’un Eurocrate et de Greta Thunberg !
Par ailleurs, le parti populiste de droite basé à Genève, le Mouvement des Citoyens Genevois (MCG), a perdu son siège au parlement. La Lega, basée dans le canton italophone du Tessin, a aussi perdu un siège et n’a maintenant qu’une place au parlement.
Malgré avoir perdu du terrain dans ces élections, le populisme de droite et d’extrême droite reste une menace, puisque l’UDC reste le parti principal au parlement. Bien qu’ils reçoivent du soutien du côté des réactionnaires, ils doivent leur succès électoral à leur tactique d’exploitation du sentiment publique anti-establishment et d’insécurité économique. Ayant implémenté des coupes dans les dépenses publiques et des mesures d’austérités, et ayant été incapables de répondre aux peurs et attentes du peuple, le Parti Socialiste et les Verts n’ont pu faire obstacle à l’UDC de façon décisive. La seule manière de réellement défier l’extrême droite, c’est à travers un mouvement des travailleurs uni, qui ne tient pas compte des origines des travailleurs et les armerait d’une alternative de gauche forte et militante.
Un tel mouvement viendrait se confronter à l’initiative populaire (initiée par l’UDC, pour attaquer le droit des migrants et qui sera votée en mai) et pourrait défendre les droits des immigrés tout en s’opposant à une spirale vers le bas, à l’austérité et à la précarité au travail, et mettant en avant une opposition socialiste et internationale à l’Union Européenne.Des nuages économiques à l’horizon…
Bien que la classe dirigeante suisse fasse envie à la classes capitaliste dans le monde entier – pour son taux de chômage faible, sa faible dette publique et sa politique relativement stable – la moindre idée que la Suisse puisse être une exception est très superficielle. La Suisse n’est pas immune aux développements économiques et politiques globaux. Le fait est qu’il y a des nuages à l’horizon pour le capitalisme suisse.
Le capitalisme suisse dépend d’une croissance alimentée par l’exportation et a déjà subi un impact négatif suite aux conflits commerciaux mondiaux et au processus de déglobalisation. Sous l’effet du ralentissement économique en Allemagne et ailleurs, l’économie suisse n’a fait que stagner. L’investissement privé ne fait que diminuer et la Suisse a connu une croissance négative dans les deux dernier trimestres de 2018, et une croissance anémique de seulement 0.4% au premier trimestre de cette année.
Le capitalisme suisse a aussi été affecté par l’incertitude croissante de ne pas savoir si ses traités bilatéraux avec l’UE pourront être renégociés. Les négociations ont en effet été bloquées avec l’UE qui pousse pour une libéralisation plus importante de l’économie et pour la baisse de protection des droits des travailleurs.
En Suisse, le chômage est faible avec seulement 2.3%. Cependant, cela masque l’augmentation des conditions précaires et du nombre d’emplois à temps partiels, surtout parmi les jeunes.
Tout comme dans le reste de l’Europe, les conditions des travailleurs en Suisse ont été attaquées lors de la grande récession et se sont heurtés à une certaine résistance que l’on a pu voir, par exemple, dans les grèves du secteur public à Genève et dans l’opposition aux attaques sur les droits à la pension.
La crise économique qui s’annonce fera à nouveau pression sur les travailleurs et les services publics, ce qui entraînera des opportunités pour développer de nouveaux mouvements. Il est essentiel que le mouvement syndical s’empare de ces opportunités.
Le potentiel pour la gauche
Bien que la gauche n’ait pas fait la Une de beaucoup de médias, ses résultats ont été très positifs lors des élections, et, mis à part les Verts et les Vert’Libéraux, elle fut la seule force politique a gagner des voix.
A Genève, l’organisation anticapitaliste SolidaritéS, faisant partie d’Ensemble à Gauche, a gagné 7.2% des voix dans le canton, et un siège au Conseil National. La dernière fois qu’ils avaient obtenu un siège, c’était il y a 12 ans. Le Parti Suisse du Travail/Parti Ouvrier et Populaire (PST-POP) a aussi maintenu son siège à Neuchâtel, mais avec davantage de voix, remportant 14.1% des votes. De la même façon, Ensemble à Gauche a augmenté sa part du vote populaire à Vaud, remportant 4.1% mais n’obtenant pas assez de voix pour gagner un siège.
Ces sièges au Conseil National sont un gain important. Ils peuvent être utilisés pour permettre aux travailleurs de se faire entendre au niveau fédéral ainsi que pour donner une voix aux dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes devenant actifs. Ils peuvent aussi aider à établir un lien entre les mouvements émergents et les travailleurs qui chercheront à défendre leur emploi, salaire, conditions et services publics dans la période à venir. Ces positions au Conseil National peuvent aussi être utilisées pour mettre en avant des stratégies claires pour les mouvements, pour remporter des victoires, y compris en organisant des actions de grève et des initiatives politiques.La clé, cependant, est qu’une alternative socialiste claire soit proposée, qui rompe avec la logique de marché capitaliste, pour satisfaire les besoins des travailleurs, mettre fin aux inégalités et garantir une politique adéquate pour faire face au changement climatique.
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500.000 personnes dans la rue en Suisse pour une “Grève des femmes”

Plus de 500.000 femmes, travailleurs et jeunes sont descendus dans les rues de toute la Suisse le 14 juin dernier dans le cadre d’une grève nationale des femmes.
Par Valerie Leary, militante de la campagne socialiste féministe ROSA en Irlande et membre du Socialist Party (CIO-Irlande).
L’ampleur même des manifestations dans de nombreuses villes a envoyé un message clair : le statu quo ne sera plus toléré. Rien que dans les rues de Zurich, 160.000 personnes ont manifesté, tandis que 40.000 se sont rassemblées devant le Parlement à Berne, de 40.000 à 50.000 ont manifesté à Lausanne et à Bâle, 25.000 à Genève, 12.000 à Fribourg et à Sion et, dans des villes beaucoup plus petites comme Neuchâtel, Saint-Gall et Delémont, le chiffre oscille entre 4.000 et 10.000.
Aucun changement significatif
Cette action historique représente la plus grande mobilisation de l’histoire récente du pays et a été entreprise près de 30 ans après la grève nationale des femmes de 1991 qui avait également connu une mobilisation massive de plus de 500.000 femmes dans les rues du pays. Le mouvement avait forcé la mise en œuvre de la législation sur l’égalité, y compris l’égalité salariale et l’introduction du congé maternité. L’égalité avait été inscrite dans la Constitution une décennie plus tôt, en 1981, mais peu avait été fait pour que cela soit suivi de lois. Cette mobilisation avait été nécessaire pour forcer l’establishment à agir.
30 ans plus tard, les revendications n’ont pas vraiment changé. En Suisse, les femmes gagnent encore en moyenne 20% de moins que leurs homologues masculins, elles sont plus susceptibles d’occuper des emplois précaires et faiblement rémunérés, elles ont des pensions moins élevées et elles effectuent 282 millions d’heures de travail non rémunéré chaque année à domicile ou sous forme de travail bénévole (l’équivalent de 148.000 postes à plein temps). Récemment, le Parlement a voté contre deux propositions visant à introduire le congé de paternité.
Les grévistes réclament l’égalité de rémunération à travail égal et la fin des conditions précaires, des pensions décentes combinées à un abaissement de l’âge de la retraite, une revalorisation du travail domestique et des soins, une réduction du temps de travail sans perte de salaire, la socialisation des soins aux enfants et du travail de soins que les femmes font généralement à la maison, le droit de choisir et le droit à l’autonomie corporelle qu’il s’agisse d’avortement, de sexualité ou d’identité de genre, la fin de la violence et du harcèlement sexistes, homophobes et transphobes, les droits des migrants, une éducation sexuelle inclusive et globale dans les écoles, la solidarité internationale et la fin du racisme !
S’organiser
La grève a d’abord été déclenchée par les femmes dans les syndicats qui ont adopté une résolution lors du Congrès syndical suisse en juin de l’année dernière, appelant à une grève le 14 juin 2019. Immédiatement après, une assemblée a été convoquée, à laquelle ont participé quelque 150 délégués de chaque canton. Depuis lors, des collectifs de femmes se sont formés dans chaque région, ville et village avec à leur tête des militantes syndicales, des travailleuses ordinaires, des étudiantes et des jeunes. La dynamique a clairement été inspirée par la récente vague de mouvements et de luttes féministes dans le monde, dont la grève de masse à l’occasion de la Journée internationale des femmes de 2018 dans l’État espagnol ainsi que par le récent mouvement des jeunes contre la catastrophe climatique. Les collectifs ont organisé une assemblée en mars pour appeler officiellement à la grève du 14 juin et à laquelle plus de 500 femmes venant de tout le pays ont participé.
Au cours de l’année écoulée, les collectifs ont organisé et participé à de nombreuses manifestations et actions telles que des manifestations et des actions de désobéissance civile. Ils ont notamment pris part à la manifestation contre le changement climatique, ont organisé des manifestations et des actions à l’occasion de la Journée internationale des femmes et sont intervenus dans les manifestations du 1er mai. Au cours des derniers mois, d’autres mesures ont été prises pour préparer la grève, notamment diverses interventions et performances artistiques dans des espaces publics, le déploiement de banderoles sur les ponts et la création d’une station de radio féministe. La grève a reçu un large soutien au sein de la population, les sondages montrent que 63 % des femmes étaient en faveur de la grève. Une femme sur cinq prévoyait de participer à la grève ce jour-là et les hashtags #frauenstreik2019 et #2019grevefeministe faisaient tendance sur les médias sociaux.
14 juin – Journée de protestations et de piquets de grève
Les manifestations du 14 juin ont commencé à 1 heure du matin par des actions dans de nombreuses villes, y compris des marches contre la violence sexiste, le déploiement de banderoles sur des monuments historiques, des manifestations bruyantes de “casseroles” et des feux de joie. Dès le matin, des piquets de grève ont été organisés dans de nombreux lieux de travail, notamment à l’extérieur des hôpitaux, des maisons de repos et des établissements de soins, avec des actions de solidarité et des piquets de grève des nettoyeurs, des éboueurs et autres professions traditionnellement masculines.
Des petits-déjeuners ont été organisés sur les piquets de chaque ville pour soutenir les grévistes, ces actions du matin ont réuni plus de 100.000 personnes à l’échelle nationale. Tout au long de la journée, des ateliers improvisés de fabrication de pancartes dans les écoles ou dans la rue, des pique-niques, des discours et des chorales féministes ont été organisés et ont culminé avec les manifestations de l’après-midi organisées dans chaque ville et municipalité.
Les organisations patronales ont vivement critiqué la grève, la qualifiant d’illégale et s’opposant fermement à ses revendications. Cependant, le mouvement et la pression étaient tels que de nombreux employeurs ont été forcés d’adopter une position conciliante et de permettre au personnel de participer à l’action d’une manière ou d’une autre.
Les partis traditionnels de droite tels que le PLR (Parti libéral radical), les ministres du gouvernement et les politiciens de droite de haut niveau ont également subi des pressions pour montrer une certaine forme de soutien à l’action. Ce jour-là, l’UDC (Union du Centre Démocratique), un parti bourgeois conservateur d’extrême droite, s’est sans surprise opposé à la grève, ses membres féminines organisaient un déjeuner de charité pour collecter des fonds pour une organisation anti-avortement pour marquer cette journée !!
Nécessité d’un parti des travailleurs
Les Verts et le PS se sont consciemment mis en avant dans ce mouvement. Cependant, ils ne représentent pas d’alternative. Elles participent au pouvoir depuis des décennies, tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal, et sont constamment orientées vers la droite, soutiennent les politiques d’austérité qui frappent le plus durement les femmes et la classe ouvrière et ne proposent que des réformes édulcorées.
Bien que les militantes syndicales aient été l’épine dorsale de ce mouvement et que leurs revendications soient claires, le mouvement est politiquement très éclectique et confus, sans perspective anticapitaliste claire de la part des collectifs et avec la présence d’éléments de féminisme libéral.
Il faut une alternative de gauche claire et reposant sur la classe des travailleurs en Suisse, une alternative capable de mettre en avant les revendications du mouvement. Comme dans le reste de l’Europe, les conditions de travail des travailleurs en Suisse sont attaquées, mais aucun parti ne représente leurs intérêts à l’échelle nationale. Une telle alternative pourrait constituer un grand pas en avant.
Une nouvelle génération entre en action
L’élan acquis par le mouvement au cours des derniers mois est vraiment inspirant et a permis à de nombreuses jeunes femmes, travailleuses et étudiantes de s’engager pour la première fois en politique. L’action a également popularisé l’idée de l’action de grève comme méthode qui peut imposer le changement et arracher des revendications qui bénéficieront à la classe ouvrière dans son ensemble.
Un appel a été lancé pour que les collectifs se réunissent le 2 juillet afin de discuter d’une stratégie pour aller de l’avant. La lutte doit se poursuivre sur l’élan de cette grève et des appels doivent être lancés à destination du mouvement syndical pour exiger l’organisation d’actions, y compris une grève impliquant tous les travailleurs. Pour répondre aux aspirations des centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans la rue, il faut remettre en question le système capitaliste – qui repose sur l’exploitation et qui engendre inégalités et discriminations – et construire une alternative socialiste.