Tag: Gordon Brown

  • Grande-Bretagne: Nationalisation du groupe Murdoch !

    Le ‘Murdochgate’, c’est le Watergate de Grande Bretagne. En politique existe également ‘‘l’effet papillon’’, tout comme dans la nature. Un tout petit événement – un battement d’ailes de papillon selon la célèbre métaphore – peut entraîner toute une chaîne d’évènements jusqu’à des conséquences jamais vues. Dans le cas de l’affaire du Watergate, cela a conduit jusqu’à la chute et au discrédit total de Richard Nixon, le président du pays le plus puissant sur terre, les Etats-Unis. Cameron et son gouvernement pourri et corrompu font face au même processus aujourd’hui.

    Editorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Le Watergate a exposé la pourriture présente au Cœur même de l’administration américaine et a menacé le système social sur lequel il est basé : le capitalisme. La classe dirigeante américaine a été prise d’effroi et en particulier le régime quasiment hors de contrôle et semi-dictatorial de Nixon et de ses acolytes, qui avaient notamment poursuivi et amplifié l’aventure US au Vietnam, guerre qui n’était pas encore terminée lors de son éviction de la Maison Blanche. Le Watergate a exposé la toile complexe de mensonges et de conspirations qui entremêle les politiciens capitalistes, les criminels et l’Etat. Ce n’est que grâce au travail de quelques journalistes et que Nixon avait lié ses crimes les uns aux autres que la vérité a finalement pu éclater au grand jour. Il est maintenant question de révélations similaires. Cameron, l’empire Murdoch et la police sont impliqués dans une tentative de renverser les droits démocratiques du people britannique.

    Au départ, il y a eu l’émoi suscité par la divulgation du numéro de portable de Milly Dowler, une écolière assassinée, par un employé du journal News International, qui fait partie de l’empire Murdoch. L’outrage de masse qui s’est développé a bouleversé les projets de Murdoch et d’autres comme Cameron et son gouvernement, qui n’ont pas réussi à stopper le scandale. Quelques jours plus tôt, il était clair que le Secrétaire à la Culture, Jeremy Hunt, était prêt à accepter de céder à Murdoch la majorité de la propriété du satellite BSkyB, ce qui lui aurait livré le contrôle de 40% des moyens de communication britanniques. Il est maintenant fort peu probable, voire clairement exclu, que Cameron puisse ratifier cet accord face à la colère de masse qui se développe contre l’empire Murdoch et ses acolytes. Une campagne de masse destinée à s’opposer au contrat, largement organisée par les nouveaux medias tels que les réseaux sociaux, a très vite mobilisé 170.000 objections à la prise de contrôle de BSkyB par Murdoch!

    D’autres révélations d’accès illégal à des systèmes de messagerie vocale personnels, en particulier ceux de victimes et de leurs proches, n’ont par la suite fait qu’amplifier l’atmosphère de colère. Politiciens, journalistes et chroniqueurs capitalists ainsi que la police, qui a remis les preuves aux employés de Murdoch, ont ainsi été pris dans la tourmente, y compris la dirigeante de News International, Rebekah Wade, et le fils de Murdoch, James. Tous se sont chargés les uns les autres de façon extrêmement hypocrite et nauséabonde pour se distancer de leur ancien patron.

    Tous ceux qui ont lutté contre le capitalisme ont été impitoyablement vilipendés par Murdoch et par les médias de droite en général. Ainsi, Tony Benn (une des principales figures de l’aile gauche du parti travailliste dans les années 1970 et 1980) a été comparé à Hitler lorsqu’il s’est présenté comme candidat pour la présidence du parti, tout comme avant lui Arthur Scargill (ancien dirigeant du syndicat des mineurs) durant la longue grève des mineurs de 1984-85. La tendance Militant de Liverpool ainsi que ceux qui ont remporté une victoire contre Thatcher dans la lutte épique contre la Poll-tax (la tendance Militant étant le nom du Socialist Party lorsqu’il était encore l’aile marxiste du parti travailliste) n’ont pas reçu un autre traitement. Tommy Sheridan (militant de gauche radicale écossais, ancien parlementaire et fondateur du SSP, puis de Solidarity) est aujourd’hui en prison à cause de la vendetta personnelle de Murdoch pour ‘virer ce petit communiste’. Dernièrement, il a été démontré que ce sont Murdoch et ses témoins qui ont menti et qui ont même fait disparaître des preuves qui auraient aidé Tommy Sheridan lors de son procès.

    Maintenant, le Premier Ministre David Cameron et le reste du gang qui domine la Coalition au pouvoir ne peut pas tout simplement se distancer de Murdoch. Cameron et sa femme ont des relations étroites avec Rebekah Wade et James Murdoch faites de soupers, d’équitation,… ‘Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es’

    Mais le plus important est bien entendu que cette affaire démontre la poigne d’acier virtuelle de Murdoch qui a pesé sur la politique des différents gouvernements britanniques et sur les principaux aspects de la vie de la population au cours de ces dernières décades. Un des responsables de Murdoch avait été jusqu’à dire à John Major – ancien Premier Ministre Tory (le parti conservateur) – qu’il recevrait un ‘gros seau de merde sur la tête’ s’il ne se pliait pas aux ordres de Murdoch. Tony Blair avait vole jusqu’en Australie pour quémander le soutien de Murdoch avant les élections de 1997. Une fois que Blair a été élu, on parlait parfois de Murdoch comme du ‘24e membre du cabinet du Premier Ministre’ ! Murdoch a personnellement visité Blair à trois reprises dans le but de faire pression sur lui au nom de George Bush afin de soutenir l’invasion de l’Irak. Ce n’est pas que Blair avait tellement besoin d’être persuadé, mais c’est un fait que la masse de la population britannique avait démontré sa claire opposition à cette guerre. Mais les diktats de l’impérialisme américain par l’intermédiaire du magnat de la presse Murdoch passaient largement devant cela. Il a aussi été publiquement révélé que lorsque Blair se préparait à quitter le 10 Downing Street en 2007 (le logement de fonction du Premier Ministre Britannique), Murdoch était déjà dans sa Bentley, attendant l’arrivée du nouveau Premier Ministre Gordon Brown pour déjà faire pression sur lui !

    Quelle honte pour les dirigeants ‘travaillistes’ que ce soit à des personnalités des medias comme Hugh Grant ou Steve Coogan de dire les meilleures choses à propos de News of the World et de l’empire Murdoch. Coogan a ainsi déclaré le 8 juillet dernier: “Les gens dissent que c’est une mauvaise journée pour la presse. Mais c’est une journée merveilleuse pour la presse: une petite victoire pour la décence et l’humanité…’’

    Encore maintenant, le dos au mur, Murdoch a prévenu le nouveau dirigeant travailliste Ed Miliband que News Corporation ‘va s’engager contre lui et son équipe’ pour avoir eu la témérité de demander la démission de Rebekah Wade tout en s’opposant au contrat BSkyB. Mais Miliband n’a adopté cette position qu’après que le scandale ait éclaté.

    Précédemment, il avait siroté du champagne aux soirées de Murdoch, jusqu’à quelques semaines avant le scandale. Il affirme maintenant qu’une simple ‘‘occasion sociale’’, mais rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Tout démontre que les invites de Murdoch le sont pour que ce dernier puisse s’assurer que les dirigeants politiques des principaux partis restent en accord avec sa ligne. Si ce n’est pas le cas, les contrevenants doivent s’attendre à une campagne de dénigrement. Murdoch a même tenté d’utiliser Tony Blair sur Gordon Brown quand il était Premier Ministre afin de faire taire le depute travailliste Tom Watson, qui avait courageusement été en première ligne avec le journaliste Nick Davies pour exposer le scandale au grand jour.

    Tout cela en dit long sur le caractère de la ‘démocratie’ britannique. Comme l’a déclaré le quotidien The Observer : “Durant 40 ans, Murdoch a convaincu l’establishment qu’il était capable de faire et défaire les réputations politique et de garantir les succès électoraux, ou de leur barrer l’accès. De cette façon, il s’en est pris aux droits des citoyens et a miné la démocratie.” Tout le monde peut voter ce qu’il veut tant que les grands capitalistes et les menteurs de la presse peuvent décider de ce qui doit arriver. Murdoch n’est pas le seul à exercer un contrôle dictatorial sur l’opinion publique en Grande Bretagne. Paul Dacre, du groupe Mail, est exactement le même genre de personnage dégoûtant, dont la plume est remplie de rage contre le mouvement des travailleurs.

    La concentration des medias a entraîné une situation où 10 entreprises contrôlent 75% des médias du Royaume-Uni. Les pertes d’emplois nt été nombreuses dans ce processus. 200 journalistes et autres travailleurs ont perdu leur emploi avec la fermeture de News of the World. Nous pouvons très honnêtement dire que nous ne regrettons pas la fin de ce journal. Mais personne ne peut soutenir que, particulièrement dans une période de chômage de masse, des gens puissent ainsi être jetés à la porte de façon aussi arbitraire. Combien de capitalistes ont pensé aux 1.400 travailleurs qui ont perdu leur emploi quand Murdoch avait déplacé ses stocks à Wapping en 1986?

    Cependant, l’actuelle situation antidémocratique de la presse et des medias en Grande Bretagne ne peut pas être résolue avec quelques mesures domestiques comme le ‘renforcement du comité de plaintes de la presse’. Nous ne pouvons pas non plus demander, comme certains à gauche l’ont fait, à la division de l’empire Murdoch. Nous ne voulons pas de mini-Murdochs pour remplacer l’ancien monstre. Tous les responsables de violations de droits individuels doivent être jugés et, s’ils sont jugés coupables, doivent recevoir un châtiment approprié. Mais même dans ce cas, cela ne serait pas suffisant pour contrôler les forces antidémocratiques présentes dans les médias.

    De nouveaux medias alternatifs et socialistes doivent être construits par les syndicats et les travailleurs. Mais cela doit être accompagné de la revendication de la nationalisation de la presse, de la télévision et de la radio sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population – en commençant par l’expropriation par l’Etat des avoirs de News Corporation, qui a largement démontré qu’elle constituait un danger pour la démocratie. Mais nous n’avons pas besoin de reprendre les feuilles de choux que sont le Sun ou le Daily Mail.

    Nous nous opposons toutefois au monopole d’Etat sur l’information qui prévalait dans les Etats staliniens. La réelle alternative est le contrôle démocratique et populaire de la classe des travailleurs sur la presse et les médias en général. Cela ne signifierait pas un monopole d’Etat ou d’un parti, mais donnerait un accès aux médias en proportion du soutien politique. Le capitalisme et le stalinisme défendent un contrôle antidémocratique des médias par une minorité alors que nous voulons retirer la ‘production d’informations’ des mains d’une minorité pour les placer dans les mains de la majorité, avec liberté totale de discussion et de prise de décision.

  • Italie : ControCorrente rejoint le CIO

    Un week-end de discussion sur les perspectives pour la Gauche – en Italie et en Europe – avec pour toile de fond la crise capitaliste internationale.

    Le PSL est extrêmement fier de publier cette traduction d’un rapport publié ce lundi sur le site de ControCorrente. Les camarades de ControCorrente ont été actifs au sein du PRC (Parti de la Refondation Communiste) et de la CGIL (Confédération Générale Italienne du Travail), et relèvent le défi que sont nos tâches politiques, telles qu’exigées par la situation. Cela faisait quelque temps qu’ils débattaient de nombreux enjeux avec le Comité pour une Internationale Ouvrière. Lors de cette conférence de samedi passé, l’association ControCorrente a unanimement décidé d’exprimer sa solidarité politique avec le CIO.

    Rapport publié sur le site de ControCorrente

    La visite en Ligurie (province de Gênes) de Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party d’Angleterre et Pays de Galles, et de Clare Doyle, du Secrétariat International du CIO, a été divisée en différents événements. Vendredi 14 mai et samedi 16 se sont tenus deux meetings publics sous le titre: ‘‘Pour une gauche politicienne, ou pour une gauche ouvrière? Un enjeu international’’. Environ 50 personnes étaient présentes au premier de ces meetings, à Gênes, et 20 au second, à Savona (une petite ville de Ligurie).

    Le public a été limité (à cause du bref délai de mobilisation), mais était très bon. Parmi les personnes présentes se trouvaient des travailleurs et des délégués syndicaux de l’usine Ericsson, des chantiers navals Fincantieri, de Navalimpianti, de Datasiel, d’Eurocontrol, de Bombardier, d’AMT, d’ASTEr et d’ASEF (ex-ouviers communaux), de l’enseignement et de l’université, des dirigeants CGIL, RDB et COBAS, et quelques représentants d’autres organisations de gauche.

    ‘‘En Italie’’, a dit Marco Veruggio, porte-parole national de ControCorrente, ‘‘il y a un vide massif dans la représentation politique du monde du travail, et c’est dans ce vide que s’engouffrent la Ligue du Nord et l’extrême-droite. Mais ce problème n’est pas qu’un problème italien.’’

    ‘‘En fait, lors du récent congrès de la CGIL, tous ceux qui ont soutenu le document alternatif (contre celui de la direction) se sont retrouvés sans aucun soutien politique’’, a ajouté Antongiulio Mannoni, secrétaire CGIL de Gênes et porte-parole de la motion d’opposition Moccia-Rinaldini.

    Nouveaux partis ouvriers de masse

    Peter Taaffe a expliqué comment le Socialist Party (et le CIO) au Royaume-Uni a cherché à remplir ce vide en collaborant avec le RMT (syndicat des transports, qui compte 80.000 membres), l’Association des Gardiens de Prison et d’autres organisations syndicales des services publics, des pompiers, des élus locaux et d’autres organisations politiques telles que le Parti Communiste et d’autres socialistes pour lancer dans un premier temps l’alliance NO2EU puis la TUSC (Coalition de syndicalistes et de socialistes) en tant qu’alliance à la gauche du Labour Party, et qui se sont présentées aux élections européennes puis nationales.

    ‘‘De nombreux travailleurs en Angleterre espèrent que la défaite du New Labour va le pousser à gauche, a expliqué Peter, mais cela ne se produira pas. Ce n’est pas une coïncidence si le principal candidat pour succéder à Gordon Brown était David Milliband, un des plus proches collaborateurs de Tony Blair. Par conséquent’’, a-t-il poursuivi, ‘‘il est nécessaire de continuer à œuvrer pour un nouveau parti de masse qui représente une alternative au Labour Party pour les travailleurs.’’

    ‘‘La question d’une alternative aux partis de ‘centre-gauche’ (qui ont viré encore plus à droite)’’, a dit Clare Doyle, ‘‘existe également dans d’autres pays. Il y a des formations dans lesquelles intervient le Comité pour une Internationale Ouvrière, telles que le Nouveau Parti Anticapitaliste en France, Die Linke en Allemagne et Syriza, la fédération de gauche en Grèce, à laquelle appartient Xekinima, la section grecque du CIO.’’

    ‘‘En cette époque de grandes batailles de classe, si Syriza adoptait un programme clairement socialiste pour combattre les effets de la crise et les mesures d’austérité de Papandreou, elle pourrait rapidement croître et avoir un gros effet dans la bataille pour transformer la société en Grèce.’’

    Un autre enjeu qui a été soulevé a été celui de coordonner les luttes des travailleurs en Europe. Joe Higgins, parlementaire européen du Socialist Party irlandais, joue un rôle crucial en poussant le groupe de la gauche européenne à promouvoir une action de solidarité parmi les travailleurs européens touchés par la crise. En juin, il y aura une autre initiative encore plus grande afin d’organiser la solidarité avec le mouvement en Grèce. En Espagne, le dirigeant de l’UGT, la fédération syndicale traditionnellement alliée aux socialistes, parle de rompre avec le PSOE, le parti au gouvernement, après que Zapatero ait annoncé une réduction de 5% des salaires dans le secteur public. Le 2 juin, avec les Commissions Ouvrières (proches des «Communistes»), une grève générale du secteur public va être organisée. Le CIO travaille très dur pour tenter d’obtenir que soit déclarée le même jour une grosse mobilisation d’action de grève en Grèce et au Portugal.

    ControCorrente et le CIO

    Samedi 15 mai, l’Assemblée Nationale de l’association ControCorrente a eu lieu avec la participation d’environ 25 camarades. L’assemblée a exprimé son accord complet avec les analyses et les méthodes du Comité pour une Internationale Ouvrière, et son intention de consolider la relation entre les deux organisations. A la fin de la réunion, un nouveau comité national a été élu, composé de M. Armellin (Venise), A. Ghaderi (Abruzzes), P. Granchelli (Milan), L. Minghetti (Turin), C. Dicembre et C. Thomas (Bologne), M. Veruggio (Gênes) et F. Nigro (trésorier national).

  • Royaume-Uni : Une révolution très britannique ?

    Pour une extension de la démocratie authentique

    “Une révolution très britannique” a bruyamment titré le Telegraph, après l’expulsion de Michael Martin, Président de la Chambre des Communes, une première depuis 1695. Jonathan Freedland poursuivait dans le Guardian : «Le Président de la Chambre sort, tandis qu’une odeur de révolution se répand dans l’air. I say, tant mieux… Nous vivons en effet une époque révolutionnaire – et ce changement radical, anticonventionnel est possible».

    Peter Taaffe, Secrétaire Général du Socialist Party, CIO-Angleterre et Pays de Galles

    Car article est la suite d’un précédent texte paru sur socialisme.be: Raz-de-marée de scandales politiques au Royaume-Uni : à bas les voleurs et leur système!

    Est-ce là le spectre du “jacobinisme”, ou juste une hyperbole journalistique ? Pas si on écoute les voix enragées de la “rue”, dans les transports en commun, dans les conversations sur les lieux de travail ou sur la BBC à «Question on Time». Qui plus est, plutôt que de retomber, la vague de colère et d’amertume de masse, face à l’avidité sans gêne de leurs «représentants parlementaires» a grandi sans cesse avec les révélations quotidiennes de nouveaux faits de pillage de notre argent par les parlementaires. Par exemple, le parlementaire Tory Douglas Hogg, qui avait réclamé des milliers de livres pour le nettoyage des douves de son château, a maintenant été mis de côté pour les prochaines élections. Un travailleur, résumant l’humeur générale, a déclaré au Sunday Times que «L’électorat britannique doit envier Ali Baba. Lui n’a eu affaire qu’à quarante voleurs!» Un autre faisait ce commentaire : «A partir de maintenant, je vais utiliser le mot «parlementaire» au lieu de «grippe-sou»».

    La parlementaire New Labour Margaret Moran a conservé sa propriété, mais a maintenant promis de rembourser l’argent dépensé sur sa résidence secondaire à Southampton. Mais cela n’a nullement adouci le commentaire d’une personne interrogée par le Sunday Times : «C’est bien simple. Elle devrait être arrêtée. Ils devraient tous être arrêtés».

    Comme le Socialist (journal du Socialist Party, NDLR) l’a fait remarquer, les révélations du Telegraph ont totalement discrédité la soi-disant élite de la «classe politique», constituée des dirigeants et de l’immense majorité des parlementaires des trois principaux partis politiques. Afin de détourner l’attention, ces dirigeants ont eu recours à des mesures cosmétiques – la démission du Président de la Chambre, la «mise à pied» d’une poignée de parlementaires, y compris des démissions et la promesse de «se tenir à l’écart» des prochaines élections générales, et la promesse de Gordon Brown d’une «enquête extérieure» concernant les demandes de remboursement de frais des parlementaires dans le futur. Mais seule une «enquête» par des comités impliquant des travailleurs ordinaires peut réellement commencer à constituer une menace pour les parlementaires. Il est probable qu’aucune des mesures proposées ne sera capable de satisfaire la masse des gens, totalement dégoûtée des parlementaires qui ont demandé le remboursement de «télévisions à écran plat» – comme l’inénarrable parlementaire New Labour de droite Gerald Kaufman – ou un «matelas pour enfant» – comme Michael Glove, ce «vautour de la culture» -, etc.

    En réalité, le Telegraph n’a pas appelé à une révolution – pas même à une «révolution politique» dans le cadre du capitalisme – mais à des mesures minimales. Tout en jetant des accusations à la tête des parlementaires, l’ancien propriétaire du Telegraph – un des journaux les plus à droite du Royaume-Uni, si pas du monde – languit en ce moment dans une prison de Floride pour une corruption d’une ampleur qui fait de l’ombre même aux actions honteuses des parlementaires britanniques. Dans les faits, le Telegraph, les médias capitalistes et les dirigeants des trois grands partis capitalistes ne souhaitent que retoucher quelque peu leur système. Ils ont ouvertement utilisé le licenciement du Président de la Chambre afin d’échapper à leur responsabilité dans des pratiques douteuses du même acabit ; eux aussi ont bénéficié de «remboursement de frais» inacceptables.

    Peu de publicité a été donnée au fait que la belle-mère de Cameron (le porte-parole des Tories) a offert des meubles à un parlementaire Tory qui, à son tour, en a réclamé le remboursement au bureau de la Chambre des Communes ! Clegg, le dirigeant Libéral-Démocrate, est lui aussi impliqué, de même que Gordon Brown lui-même. C’est chez les anciens électeurs Labour – broyés par le chômage de masse, les coupes dans le niveau de vie et dans les salaires – que se fait ressentir le plus grand dégoût aux hypocrites du New Labour.

    Il y a également une acceptation tacite, inexprimée, qu’il ne faut s’attendre à rien d’autre venant des «aristos» dans les Tories. Mais de nombreux travailleurs et personnes de la classe moyenne, surtout ceux de l’ancienne génération – malgré l’expérience brutale de Blair pendant la guerre d’Irak et les attaques menées par Blair et Brown sur les droits des travailleurs – gardaient un vague espoir que le New Labour était quelque peu « différent ». Cet espoir a maintenant été totalement mis en pièces, avec la révélation que le New Labour ne diffère en rien des Tories et des Libéraux-Démocrates, remettant en cause son droit à être considéré comme une représentant des travailleurs.

    La plupart des “mécréants” qui se retrouvent dans cette situation – en réalité, des gens plongés jusqu’au cou dans la corruption – ne subissent d’autre blâme qu’un appel à «rembourser» ce qu’ils ont volé. Mais comme le disait un pensionné, «Si moi j’allais au magasin et prenait une bouteille de shampoing sans la payer, on ne me demanderait pas seulement de la rembourser, mais je serais aussi arrêté et je devrais payer une amende». Assiégé par cette rage de masse, le gouvernement, poussé par les Tories et la presse, y compris le Telegraph, souhaite concentrer la discussion sur la manière dont on pourrait «améliorer» le Parlement, plutôt que de mettre un terme au «déficit démocratique» criant du Parlement dans sa forme actuelle. Un allié de Gordon Brown a confié à Seamus Milne, chroniqueur du Guardian, que «Il y a un dangereux vide. Si l’élite au pouvoir ne saisit pas l’opportunité, les gens vont la renverser».

    Mais le besoin pressant de changer le Parlement est maintenant mis à l’avant dans la vision du peuple britannique. Le fait de remplacer Martin avec n’importe quel autre parlementaire parmi les candidats au poste de Président de la Chambre – de la manière la plus incroyable, certains parlementaires New Labour ont mis en avant pour ce poste John Bercow un ancien Thatchérien de la ligne dure, qui se trouve maintenant au centre-gauche des Tories – ne va pas changer la situation d’un iota. Le dégoût de masse ressenti vis-à-vis des parlementaires de tous les partis, et même du Parlement lui-même dans sa forme actuelle, ne pourra pas être atténué par des mesures dérisoires, même déguisées en «révolution».

    Le Socialist Party se bat pour l’établissement d’une société socialiste démocratique et d’un Etat ouvrier démocratique gérés et contrôlés à tous les niveaux par les travailleurs. Même sans les récents développements, la masse des gens au Royaume-Uni accepte et soutient le concept de démocratie, y compris le Parlement, dans un sens général. Mais ce que nous avons au Royaume-Uni est une démocratie capitaliste, dans laquelle la classe salariée peut dire ce qu’elle veut – et même cela est attaqué par la «société de surveillance» – tant que les grands capitalistes et leurs représentants politiques restent ceux qui prennent les véritables décisions.

    N’est-ce pas ce que nous avons vu avec trois partis quasiment identiques, qui défendent encore le «marché libre» qui est en train de causer tant de dévastation économique pour le peuple britannique ? Les élections au Parlement sont des choix périodiques afin de savoir lequel des trois principaux partis capitalistes aura la chance d’opprimer et d’attaquer la classe salariée et les pauvres pendant les cinq prochaines années. Les «gagnants» sont récompensés avec la plus grosse part du butin : prestige, limousines gouvernementales, salaires énormes, etc. Mais même les «losers» se retrouvent dans une situation de «gagnant-gagnant», comme l’a révélé le récent scandale. Non contents de faire partie des 5% des plus hauts salariés du pays – sur base de leur salaire uniquement – ils ont «rehaussé» ce traitement grâces aux pratiques répugnantes révélées par le Telegraph.

    Nous défendons tous les droits démocratiques acquis par les travailleurs à travers la lutte, y compris l’élection de représentants à un Parlement, ce qui est le niveau actuel de compréhension et de perspective de la majorité des gens au Royaume-Uni. Toutefois, la réalité est, comme tous les analystes sérieux l’admettent maintenant, que le Parlement actuel n’est rien de plus qu’un grand parloir, et encore. Les parlementaires ne sont qu’un bétail votant pour la politique décidée par une petite cabale du gouvernement et son armée de Ministres, chefs de cabinet, secrétaires privés parlementaires – le « personnel votant ». Les véritables affaires sont dirigées par le gouvernement et, de plus en plus, par une petite cabale autour du Premier Ministre lui-même. Ils règnent à travers l’Etat y compris la fonction publique, qui exécute leurs décisions. Mais, comme l’Histoire l’a montré, des périodes de grandes convulsion sociale – et nous traversons une telle période en ce moment – voient la classe salariée se mettre en branle pour tenter de combler le fossé entre le «législatif» – le Parlement – et l’«exécutif» – le gouvernement et la machine d’Etat.

    La réponse face à la situation antidémocratique que nous vivons à présent n’est pas de se débarrasser des institutions de représentation telles que le Parlement, mais de mettre en oeuvre une démocratie plus généreuse, une expansion des moyens d’implication de la masse des gens dans la formulation et dans la mise en œuvre des décisions, avec un contrôle direct sur leurs représentants. Ceci signifierait, en premier lieu, l’abolition de la Chambre des Lords (la «Chambre des Fraudes») et de la monarchie. Ces institutions ont été gardées en réserve, pas pour des raisons décoratives ou historiques, mais en tant qu’armes potentielles qui peuvent être utilisées contre un Parlement ou un gouvernement radical qui menacerait le pouvoir des grandes entreprises à l’avenir.

    Sous le capitalisme, un système bicaméral – deux chambres parlementaires – n’est pas un sceau «démocratique» sur la législature principale. Ce système peut être utilisé afin de contrecarrer la volonté populaire, en particulier au cours d’une période radicalisée, révolutionnaire, en utilisant la «Chambre supérieure» ou le «Sénat» contre les mesures dans la législature qui menaceraient les intérêts des classes possédantes.

    Par conséquent, ce dont le Royaume-Uni a besoin est d’une Assemblée unique, qui combine les pouvoirs législatifs et exécutifs. Celle-ci devrait être élue par un élargissement de la franchise électorale, en particulier en impliquant les jeunes en leur donnant le droit de vote dès l’âge de seize ans.

    Le fait d’élire des parlementaires pour une période de quatre ou cinq ans à un poste où ils reçoivent un salaire indécent mène inévitablement à la situation qui scandalise en ce moment le peuple britannique. Une forme de représentation proportionnelle véritablement démocratique devrait immédiatement être mise en œuvre afin de briser le monopole des trois partis pro-capitalistes, et permettre à ce qu’une authentique voix des travailleurs émerge, en particulier via l’édification d’un nouveau parti de masse des travailleurs.

    Les capitalistes n’ont aucun fétiche par rapport aux arrangements électoraux. Ils vont passer de l’un à l’autre, en fonction de quelle forme d’élections servira le mieux leurs intérêts et leurs partis. Voyons par exemple l’étourdissant carrousel organisé par les capitalistes italiens lors des cinquante dernières années, passant sans arrêt d’une forme de représentation proportionnelle à une autre et vice-versa, avec maintenant la tentative de Berlusconi de créer un système «bipartite» à l’américaine.

    Leur position est déterminée non pas par «principe», mais par la meilleure manière de s’assurer que la majorité soit détenue par les partis de droite pro-capitalistes (y compris la social-démocratie). De la même manière, les véritables socialistes luttent pour la meilleure et la plus équitable forme d’expression pour le point de vue de la majorité de la population.

    Dans les années ‘70 et ‘80, lorsque la menace d’un gouvernement Labour de gauche – mené par une figure publique telle que Tony Benn – était une réelle possibilité, les capitalistes se préparaient à abandonner au vénéré système du «tout au premier», pour le remplacer par un système de représentation proportionnelle. La plupart de leurs suggestions ont pris la forme du Vote Alternatif, qui visait à mettre au pouvoir les coalitions pro-capitalistes, avec un «cordon sanitaire» autour d’un Labour alors radicalisé.

    Nous rejetons toute forme d’élections antidémocratique telle que celle-ci, qui a la faveur des Libéraux-Démocrates et même aujourd’hui de certains analystes capitalistes. Des élections organisées une fois tous les deux ans seraient un avantage par rapport au cycle actuel de cinq ans. Mais même des élections organisées sur une base encore plus régulière – comme la revendication des Chartistes qui voulaient des élections chaque année – ne pourraient surmonter l’absence frappante de tout contrôle au jour le jour sur les représentants au Parlement qui a été révélée par cette crise.

    Le fait d’élire les parlementaires via des assemblées locales démocratiquement organisées et élues (plutôt que par une campagne d’affichage et dans les médias) serait un grand pas en avant. De même en ce qui concerne le suivi et le contrôle permanent des parlementaires par leurs électeurs, et le droit de révocation immédiate par ces mêmes gens.

    Dans certains pays – comme les Etats-Unis ou le Venezuela – il existe des mesures permettant la “révocation” des représentants du peuple, essentiellement à travers toutes sortes de référendums. Mais un moyen plus direct d’exercer la révocation n’est pas nécessaire dans le système actuel, ce qui fait que le Parlement et les parlementaires actuels restent hors de contrôle.

    Les parlementaires ne devraient pas recevoir plus que le salaire moyen d’un travailleur qualifié. Il est remarquable de noter que cette revendication, qui a constitué une pierre d’angle du programme du Socialist Party trouve maintenant un écho dans certaines couches de la presse capitaliste. Par exemple, Aditya Chakrabortty, dans l’article «Une nouvelle politique» paru dans le Guardian, a écrit que «Le salaire de 64.766 £ par an les place confortablement parmi les 5% des personnes au plus grand revenu. Le salaire médian au Royaume-Uniest de 25.100 £ ; mais si on regarde du côté des pensionnés et des allocataires sociaux, on se rend compte que la moyenne de la population vit avec 16.000 £ par an». Sa solution est de «lier les salaires des parlementaires au revenu moyen. Mettons-les, disons à deux fois le salaire moyen, et n’augmentons leur salaire que en fonction de l’évolution du revenu moyen. Ceci devrait rappeler aux politiciens que leur job est de représenter leur électeurs – et leur donner un intérêt dans l’amélioration du sort de ces électeurs».

    Nous applaudissons cette proposition. Sa suggestion ne va sans doute pas le mettre dans les petits papiers des parlementaires, mais trouvera sans doute un écho parmi la population, de même que les positions de Dave Nellist, Terry Fields et Pat Wall (d’anciens parlementaires du Labour, représentants de l’aile marxiste qui existait alors en son sein et qui est le prédécesseur du Socialist Party, NDLR) ont pu en trouver un, et constituent encore maintenant un véritable exemple. Chakrabortty est trop généreux en suggérant qu’un parlementaire devrait recevoir deux fois le salaire moyen – puisqu’il montre bien que la plupart des gens vivent sous le salaire moyen – mais il se dirige dans la bonne direction.

    Nos suggestions sont là pour aider à faciliter la lutte des travailleurs contre l’offensive du capital, qui ne peut que s’aggraver à cause de la crise organique du capitalisme. Il ne fait aucun doute qu’il y a dans la campagne menée par le Telegraph un élément de tentative de «coup d’Etat» contre le gouvernement Brown, campagne reprise par l’ensemble de la presse capitaliste et par la direction Tory. L’effondrement probable du soutien au Labour lors des élections de juin sera utilisé comme un levier non seulement pour se débarrasser de Gordon Brown, mais aussi en tant que plaidoyer pour des élections nationales anticipées, qui pourraient maintenant être organisées bien avant que le mandat parlementaire actuel se termine en juin 2010.

    Un gouvernement Cameron est maintenant clairement perçu par les patrons comme la meilleure option pour leur système. Dave le «Compatissant» appartient au passé, vu qu’avec chaque jour qui passe, Cameron ressemble un peu plus à une réincarnation de Thatcher. Les analystes capitalistes parlent ouvertement de la nécessité d’un gouvernement Cameron, le seul qui serait prêt à lancer l’offensive contre le mouvement ouvrier et la classe salariée. Selon leur raisonnement, ceci sera nécessaire afin de résorber le gigantesque déficit budgétaire, qui s’élèvera probablement à 12-13% du PNB, pour une valeur de 175 milliards de livres. Ils sont forcés de tolérer ce déficit pour l’instant, afin d’éviter une dépression totale. Mais sur une base capitaliste, ce déficit ne peut être réellement résorbé que par une offensive brutale, en particulier contre les salaires des travailleurs du secteur public et le massacre à la tronçonneuse généralisé des services publics.

    Comme dans la période qui a précédé l’arrivée au pouvoir de Thacther, c’est là l’objectif conscient des capitalistes britanniques. Par conséquent, un gouvernement Cameron serait bien pire dans ses intentions que ne l’était même celui de Thatcher à son début. Un tel objectif garantit une confrontation ouverte entre le gouvernement les classes qu’il représente d’une part, et la masse des travailleurs d’autre part. D’énormes conflits sociaux, y compris la grève générale, seront à l’ordre du jour.

    Par conséquent, dans la crise actuelle, nous nous battons pour la forme la plus large possible, la plus extensive, de démocratie, afin de rehausser la lutte de la classe ouvrière. Mais nous reconnaissons aussi que, du point de vue de la classe salariée et du mouvement ouvrier, il n’existe dans le cadre du capitalisme aucune forme « parfaite » de démocratie ou d’arrangement électoral. Par exemple, la Chambre des Représentants américaine organise des élections tous les deux ans, mais ne représente d’aucune manière que ce soit la majorité de la population américaine. La masse de la classe salariée américaine est confrontée à près de 500.000 licenciements par mois, un nombre incroyable de saisies immobilières, et l’intention de massacrer les emplois et les services dans le secteur public, comme on peut le voir en ce moment en Californie.

    Mais aucune véritable solution ne peut provenir n’aucune des deux chambres du Congrès américain. La «démocratie» américaine est dominée par de gigantesques machines capitalistes bâties autour des partis républicain et démocrate, lesquelles sont à leur tour au service des milliardaires et de leur «démocratie du dollar», agissant comme un écran de protection pour leur système. Tout comme au Royaume-Uni, il y a un besoin urgent de l’alternative d’une nouvelle opposition radicale de masse pour la classe salariée, qui peut alors chercher à utiliser cette démocratie électorale théorique en sa faveur.

    La même tâche se pose aujourd’hui au Royaume-Uni. La classe salariée disposait dans le passé une voix politique de masse, jusqu’aux années ‘70 et ‘80, dans la base ouvrière du Labour Party, lequel s’est aujourd’hui effondré dans son avatar du New Labour, sous la coupe de Blair et Brown. Par conséquent, si on doit même se contenter de la mise en œuvre des revendications démocratiques nécessaires, le facteur le plus urgent pour contribuer à cette réforme est la création d’un nouveau parti des travailleurs de masse. Sans cela, toutes sortes de faux prophètes, de démagogues irresponsables de la droite, et toute une série d’ «indépendants» vont apparaître pour s’installer dans le vide politique qui existe aujourd’hui.

    La tentative d’Esther Rantzen (une présentatrice télé active dans des programmes de charité pour les enfants maltraités ou pour la Birmanie) de prendre le siège de Margaret Moran (une parlementaire Labour dont le total des «remboursements de frais» s’élève à 168.569 £) – “Je suis une célébrité, donnez-moi un siège” – pourrait être le signe avant-coureur de l’arrivée de toutes sortes de soi-disant «indépendants» – Martin Bell (un célèbre reporter de guerre, qui a été en 1997 le premier élu indépendant au Parlement britannique depuis 1951) est lui aussi en train de dépoussiérer son costume blanc – ce qui montre le dangereux vide qui existe à l’heure actuelle. Mais ces indépendants ne seront capables d’occuper le vide que s’il un nouveau parti des travailleurs de masse, ou des pas en avant vers la création d’un tel parti, ne sont pas urgemment entrepris. C’est pourquoi la campagne «No2EU, Yes to Democracy» soutenue entre autres par le Socialist Party et le RMT (le syndicat des transports), est si importante. De même, la décision du PCS (le syndicat du secteur public et des ex-secteurs publics) d’entamer une discussion quant à la présentation et au soutien de candidats syndicalistes est une nouvelle étape cruciale dans la création d’une telle force.

    Le New Labour a démontré encore et encore – et de manière encore plus évidente dans cette crise-ci – qu’il se tient fermement dans le camp du capitalisme. Alice Mahon a enfoncé le clou en prenant la décision de quitter le New Labour après dix-huit ans au Parlement, déclarant que le New Labour est «irréformable». Par conséquent, dans ce débat autour Parlement, les véritables socialistes et les travailleurs doivent réclamer une extension de la démocratie réelle, en luttant pour des réformes démocratiques et pour la forge d’armes politiques, et par-dessus tout la création d’un parti des travailleurs de masse, capable de défier les partis capitalistes et leur système, en combattant pour une démocratie socialiste véritable.


    Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO

    Cet article est issu de la section Angleterre et Pays de Galles du CIO.

    Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

  • Royaume-Uni: La grève rencontre la victoire à la raffinerie de Lindsey

    Les leçons à tirer de ce conflit

    L’accord obtenu entre le comité de grève de la raffinerie Lindsey et la compagnie pétrolière Total, qui détient cette raffinerie, est devenu une référence pour des douzaines d’autres sites à travers tout le Royaume-Uni, et même en Europe. Cette lutte héroïque menée par plus de mille travailleurs (soutenus par des actions sur plus de vingt autres sites) engagés sous différents types de contrats s’est clôturée par une victoire pour les travailleurs.

    Bill Mullins, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    C’est une victoire acquise contre les patrons de Total, mais aussi contre l’ensemble du régime néolibéral qui sévit à travers toute l’Union Européenne. Au cours de ce processus, les lois anti-syndicales se sont révélées complètement inconsistantes une fois la masse des salariés mise en route.

    Les travailleurs se sont vus garantir 102 des 198 emplois menacés. Leur contrat est de construire une nouvelle installation chimique dans la raffinerie.

    Comme Keith Gibson l’a expliqué dans son article dans The Socialist (le journal du Socialist Party, section sœur du Parti Socialiste de Lutte) de la semaine passée, «Shaw’s, l’entrepreneur de départ, a appris qu’il avait perdu une partie du contrat au profit d’IREM, une entreprise italienne, qui amènerait sa propre main d’œuvre d’Italie et d’ailleurs pour faire le boulot».

    Par conséquent, Shaw’s a dit aux délégués syndicaux du site que certains de leurs membres seraient licenciés à partir du 17 février, de sorte à faire place aux travailleurs italiens.

    Ce qui était crucial dans cette affaire n’était pas le fait que ces travailleurs soient italiens ou portugais, mais que ces travailleurs ne feraient pas partie de «l’accord national pour l’industrie de l’ingénierie et de la construction (National Agreement for the Engineering and Construction Industry – NAECI)». Pourquoi ? Parce que selon les directives européennes, soutenues par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ceci serait perçu comme une «contrainte au commerce» et donc contre la liberté de mobilité de la main d’œuvre et du capital enchâssée dans les lois et les règles du club des capitalistes européens.

    Nul besoin d’être physicien nucléaire pour comprendre que ceci n’est rien d’autre qu’une charte pour les patrons, et uniquement pour eux. Les patrons adorent par-dessus tout avoir la complète liberté de faire ce qu’ils veulent, sans que les syndicats ne viennent les en empêcher.

    La presse a donné la priorité au slogan “Les emplois britanniques pour les travailleurs britanniques” exprimé par certains travailleurs lors des meetings de masse. Elle n’a pas pu voir (mais à quoi d’autre pourrait-on s’attendre lorsqu’il s’agit de cette presse capitaliste enragée ?) que le problème des grévistes était simple : ils étaient exclus de leurs emplois sur le site par la traîtrise des patrons, sous couvert du «droit pour le travail et le capital d’être déplacé sans restriction vers n’importe quelle partie de l’UE».

    Comme nous l’avons déjà dit dans un éditorial du “Socialist”, “Aucun mouvement ouvrier n’est ‘chimiquement pur’. Des éléments de confusion, voire des idées réactionnaires, peuvent exister et ont existé lors de ces grèves. Toutefois, cette lutte était fondamentalement dirigée contre la ‘spirale vers le bas’, pour le maintien des salaires et des conditions de travail négociés par les syndicats sur ces immenses sites de construction».

    Les lois et directives actuellement en vigueur dans l’UE sont complètement biaisées ; elles donnent une totale carte blanche aux patrons qui peuvent importer de la main d’œuvre qui travaillera à un moindre salaire et dans de pires conditions que ceux du « pays d’accueil », tant que les conditions minimum de leur pays d’origine sont remplies.

    Ces travailleurs ne doivent pas être syndiqués, et il était clair que les travailleurs d’IREM ne l’étaient pas, ni en Italie, ni ailleurs. La dirigeante de la confédération syndicale italienne CGIL, Sabrina Petrucci, a rappelé au Morning Star du 6 février qu’IREM est une entreprise connue pour sa politique antisyndicale.

    Mais la lutte était plus constante que cela. C’était une lutte pour le contrôle de leur lieu de travail par les travailleurs eux-mêmes. Si les cadres de Total, en tant que propriétaires du site, et les entrepreneurs italiens d’IREM avaient pu agir comme bon leur semblait, ils auraient complètement enfoncé tous les éléments de contrôle ouvrier pour lesquels on avait lutté contre la direction du site tout au long de la période passée.

    Une partie de l’accord obtenu, qui est une percée majeure, permet aux délégués syndicaux de vérifier que les travailleurs italiens et portugais travaillent bien dans les mêmes conditions que les travailleurs locaux. selon les termes de l’accord NAECI.

    Cela signifie en pratique que les travailleurs syndiqués travailleront au jour le jour aux côtés des travailleurs italiens engagés par IREM, et seront à même de vérifier si les conditions de travail sont bien respectées ou non.

    Cette revendication était fondamentale pour les grévistes lorsqu’ils ont élaboré une liste centrale de revendications lors des assemblées générales. Cette liste inclut la revdnication que «Tous les travailleurs au Royaume-Uni doivent être couverts par l’accord NAECI, et tous les immigrés doivent être syndiqués».

    Afin de s’accorder une sécurité supplémentaire en vue de maintenir l’organisation syndicale sur les sites, les grévistes ont aussi accepté une revendication mise en avant par le comité de grève, qui met l’accent sur la nécessité d’un «recensement et d’un suivi, contrôlé par le syndicat, des chômeurs et des membres du syndicat qualifiés qui habitent dans la région».

    C’est exactement ce que ne veulent pas les capitalistes et qui est effectivement, de leur point de vue, une «contrainte au commerce», càd à leur droit d’exploiter leur main d’œuvre sans que le syndicat n’ait quelque chose à dire là-dessus.

    De plus, fermement établi dans l’accord, on trouve la clause selon laquelle les délégués du site pourront surveiller l’entreprise italienne par des réunions de liaison régulières.

    Ce que revendiquent assez correctement les grévistes de Lindsey, c’est que si les entrepreneurs du site ont besoin de plus de main d’œuvre, alors ils doivent le demander au syndicat, qui sélectionnera le personnel à partir de son registre des chômeurs de la région. En d’autres mots, il faut être syndiqué pour pouvoir figurer sur le registre.

    L’alternative au contrôle syndical sur le “recrutement et le licenciement”, est la situation dans laquelle les patrons ont le droit de recruter et de virer qui ils veulent, et dans ce cas, à qui vont-ils donner les emplois ? Certainement pas à des militants syndicaux ! Comme c’est trop souvent le cas, une liste noire est souvent dressée par les patrons. Pour que cette revendication soit réellement mise en pratique, il faudra une lutte continue entre le personnel et la direction ; une lutte dont l’enjeu est le contrôle de l’entreprise et, par conséquent, elle fait partie d’une lutte visant à définir dans l’intérêt de qui l’entreprise continuera à tourner.

    La Gauche

    Honteusement, certains parmi la Gauche se sont complètement laissés emporter par les gros titres de la presse bourgeoise tout au long du conflit ; ces journaux mettaient en évidence les éléments du type “Les emplois britanniques pour les travailleurs britanniques”. Ce qu’ils n’ont pas réalisé, ou ce à quoi ils ont refusé de faire face, c’est que c’est toute la période précédente qui a mené à cette bataille. Si ce conflit s’était déroulé il y a un an, il est probable qu’il ne se serait pas développé de la manière dont il l’a fait. Ce qui était nouveau dans l’équation, c’était la rapide entrée dans une période de chômage de masse, qui menace chaque travailleur en Grande-Bretagne comme à travers une grosse partie du monde.

    La crise économique a créé une peur parmi les travailleurs, non seulement pour leur emploi d’aujourd’hui, mais aussi une crainte quant à la question de savoir si leurs enfants auront un emploi à l’avenir. Dans la période précédente, il était possible pour les travailleurs de trouver un boulot sur d’autres sites.

    Un élément de la période précédente était l’inscription des militants syndicaux sur une liste noire à différentes entreprises, ce qui a déjà conduit à des batailles localisées dans le passé. Au cours de ces luttes s’est posé la question : qui dirige le lieu de travail : la direction ou le syndicat ?

    Aujourd’hui, près de 25.000 travailleurs spécialisés dans les techniques d’ingénierie de la construction sur des gros projets – comme les raffineries pétrolières ou les centrales électriques – sont de plus en plus conscients que les temps changent. Près de 1.500 d’entre eux sont déjà tombé au chômage.

    Récemment encore, les syndicats se préparaient à se battre contre les patrons en organisant les délégués syndicaux au niveau national. Mais tout ce plan a été précipité lorsque Total a décidé de donner un contrat à IREM avant Noël (ou, du moins, de le donner à une entreprise américaine qui allait à son tour le sous-traiter auprès d’IREM).

    Ce timing n’était en rien une coïncidence. Les patrons de Total voulaient utiliser le ralentissement de l’économie pour pouvoir confier l’ouvrage à un entrepreneur qui n’aurait pas à se soucier des syndicats, contrairement à la plupart des entrepreneurs britanniques spécialisés dans les gros projets de construction et qui sont obligés d’employer des travailleurs aux conditions normales.

    Les politiciens capitalistes se sont plaints du fait que le principe de liberté de mouvement avait été écorché par l’accord. Mais on parle en fait de “liberté” pour les patrons d’effectuer des déplacements de main d’oeuvre à travers tout le continent grâce aux législations de l’UE soutenues par les tribunaux (et qui sont partout contre les intérêts des travailleurs), et ce afin de saper l’organisation des syndicats.

    Cette “liberté” a effectivement été attaquée par cette grève, laquelle a dans la foulée porté un coup à la “spirale vers le bas” des conditions de travail.

    Il devient de plus en plus nécessaire de coordonner davantage tous les syndicats européens au niveau des entreprises, mais aussi aux niveaux national et paneuropéen. Il faut aussi une campagne massive pour propager la nouvelle de la victoire des salariés de la raffinerie de Lindsey à travers tout le pays et toute l’Europe.


    Commentaire d’Alistair Tice, membre du Socialist Party :

    Cela faisait un moment que la pression s’accumulait à cause du refus d’Alstom d’engager des travailleurs britanniques sur le chantier de la centrale électrique de Staythorpe. Plusieurs manifestations avaient eu lieu, y compris avec des délégations issues de Lindsey.

    La confirmation du fait qu’IREM n’engagerait aucun travailleur britannique a été la goutte qui a fait le déborder le vase. Les délégués syndicaux ont recommandé de rester dans le cadre des procédures, mais une asemblée des salariés de Shaw’s a exigé l’action immédiate et a voté en faveur de la grève.

    Ceci signifiait de commencer une grève inofficielle sans aucune direction et sans aucune revendication claire. Le vide qui a existé pendant les deux à trois premiers jours a été rempli par des pancartes “artisanales” téléchargées à partir d’un site d’ouvriers de la construction qui disaient “BJ4BW” (British Jobs for British Workers – Les emplois britanniques pour les travailleurs britanniques) en parodiant ainsi les propres termes du Premier Ministre Gordon Brown . Bien que ce slogan n’a jamais été une revendication des grévistes, les médias s’en sont emprarés afin de présenter la grève comme “anti-travail étranger”.

    Cette déformation de la grève dans les médias a causé une réaction parmi les grévistes qui ont insisté lors des interviews et des conversations sur le fait que la grève n’était ni raciste, ni contre les travailleurs immigrés, mais bien contre l’exclusion de la main d’oeuvre britannique, et contre l’attaque portée à l’accord national. Le BNP (British National Party, parti d’extrême-droite), contrairement aux racontars des médias, n’était pas le bienvenu au piquet.

    L’intervention active du Socialist Party (section sœur du Parti Socialiste de Lutte en Angleterre et Pays de Galles, NDT) a été un facteur important pour déterminer l’issue de la grève. Keith Gibson, membre du Socialist Party, et qui n’était pas délégué, a été élu au comité de grève et est devenu son porte-parole l’après-midi même de son élection. Qu’une telle responsabilité lui soit confiée est une conséquence de sa réputation, basée sur des années et des années de militantisme syndical. On a entendu des commentaires de la part des travailleurs du genre “Gibbo y est maintenant. C’est un des meilleurs. Il va tout arranger”.

    Un lundi le Socialist Party a distribué près de 1.000 tracts aux grévistes qui expliquaient que la grève n’était pas contre la main d’oeuvre étrangère, mais contre la “spirale vers le bas” et que son slogan devrait être “des emplois, des salaires et des conditions de travail aux normes syndicales pour tous les salariés” plutôt que “BJ4BW”. De même, nous avons aussi proposé une série de revendications claires que Keith a fait adopter par le comité de grève, et qui ont été présentée à l’assemblée générale. Les discours de Keith ont toujours mis l’accent sur l’intérêt commun de l’ensemble des travailleurs contre les patrons.

    Le lendemain et le surlendemain, bien que quelques Union Jacks (drapeaux britanniques) pouvaient encore être aperçus ça et là, toutes les affiches BJ4BW étaient parties. A la place, il y avait des pancartes en italien appelant les ouvriers italiens à rejoindre la grève et une autre qui disait “Travailleurs du monde entier, unissez-vous !”.

    Ce qu’on remarque ici, c’est la conscience confuse qui existe et l’effet que l’intervention consciente de véritables socialistes peut avoir sur la progression de revendications de classe et sur le recul d’idées réactionnaires qui peuvent exister en conséquence d’années et d’années quasiment vides de luttes et d’absence d’une politique de classe.

    Les critiques ultra-gauche contre la grève (et le Socialist Party) ne sont jamais intervenus et n’ont pas discuté avec les travailleurs. Ils préféraient croire les récits de la presse capitaliste et ont donc rejeté cette grève sous prétexte qu’elle aurait été réactionnaire, raciste, ou xénophobe. Si le Socialist Party n’avait pas participé activement à ce conflit, le danger aurait pu être présent que de telles attitudes se soient renforcées. Mais au lieu de cela, une splendide victoire a été obtenue, qui pose les bases d’une syndicalisation des travailleurs étrangers et d’un renforcement de l’unité de classe.

  • La tournée européenne de Bush s’est achevée aux Royaume-Uni

    La tournée européenne de Bush s’est achevée au Royaume-Uni

    Georges «deubeliou » Bush a achevé les 15 et 16 juin sa tournée européenne d’adieux au Royaume-Uni, après être passé par la Slovénie, l‘Allemagne, l’Italie, le Vatican et la France. A Londres et à Belfast, il a été accueilli par des manifestants anti-guerre, dont nos camarades du Socialist Party of England and Wales et du Socialist Party of Northern Ireland. Voici un petit rapport et quelques photos.

    A Londres, plusieurs milliers de manifestants anti-guerre ont défilé pacifiquement devant la place du parlement pour protester contre la venue de Georges Bush.

    Tandis que Bush le va t’en guerre était diverti au Downing Street par son allié de la coalition Gordon Brown, les manifestants maintenu à l’écart par une lourde présence policière réclamaient le retrait d’Irak des troupes anglaises et américaines.

    Les membres de notre section anglaise, le Socialist Party, ont distribué des tracts contre la guerre et ont vendu plus de 100 journaux aux manifestants et touristes qui étaient présent.

    Plus tard, quand les manifestants ont tenté de marcher sur White Hall, la police anti-émeute a eu recours à la violence pour faire reculer la foule en blessant plusieurs personnes.

    Marasme afghan et menaces contre l’Iran

    L’administration crépusculaire de Bush essaye de transformer l’Irak en avant poste militaire occupé de manière permanente par les USA. Le mois passé, il a été annoncé que pour la première fois il y avait eu plus de mort en Afghanistan qu’en Irak.

    L’insurrection des talibans devient clairement de plus en plus forte (comme en témoigne l’évasion massive de la prison de Kandahar). Le régime corrompu du président Harmid Karzai, soutenu par les USA, a plongé la population dans l’extrême pauvreté et l’insécurité.

    Cependant, en dépit des errances des 7 années d’occupation par la coalition concernant la reconstruction de l’emploi ou la justice sociale, Gordon Brown s’est engagé auprès du canard boiteux G Bush quant à l’augmentation du contingent anglais en Afghanistan qui se trouvera porté à plus de 8000. Cette annonce intervient alors qu’était rapatrié le corps du centième soldat britannique décédé en Afghanistan depuis le lancement de l’intervention en 2001.

    Bush a salué cette annonce, soulignant qu’il était reconnaissant à Gordon Brown d’être "inflexible face au terrorisme".

    Vis-à-vis de l’Iran, Bush a menacé que: "les Iraniens doivent comprendre que toutes les options sont sur la table". Brown a approuvé.

    Ni le bienvenu à Londres, ni le bienvenu à Belfast

    Dans la capitale de l’Irlande du Nord, des centaines de personnes s’étaient également déplacées pour protester contre la venue de Bush.

    Les jours précédents sa venue, Socialist Youth, l’organisation de jeunesse de nos camarades, a milité dans les rues de la ville pour assurer au président américain l’accueil qu’il méritait. Bush a cyniquement utilisé sa venue en Irlande du Nord pour prétendre avoir été un homme de paix en participant au plan prétendument réussi « processus de paix » en Irlande du Nord. Mais Bush restera dans l’histoire le président le plus impopulaire des USA.

    Il laisse derrière lui le souvenir de son inaction lors du désastre de l’ouragan Katrina, de son refus de reconnaître la destruction de l’environnement, de sa participation enthousiaste à l’augmentation de la pauvreté non seulement aux USA mais aussi partout à travers le monde, et bien entendu des désastreuses occupations de l’Afghanistan et de l’Irak.

    Cela n’a pas empêché le premier ministre Peter Robinson (Democratic Unionist Party) et Martin McGuinness (Sinn Fein) d’accueillir Bush les bras ouverts. Mais cela est dans la logique de leur politique néolibérale de privatisation des services publics, de taxes sur l’eau ou encore d’attaques massives contre les travailleurs des services publics. Le Sinn Fein a été particulièrement ridicule en envoyant des représentants et des banderoles aux protestations alors qu’un de ses dirigeants recevait Bush dans le luxe de Stormont Castle.


    Liens:

  • Problèmes rencontrés dans la construction de nouveaux partis des travailleurs

    Théorie

    Dans cet article, notre camarade Peter Taaffe analyse quelques leçons à tirer de l’histoire en ce qui concerne la formation d’organisations de masse pour les travailleurs. Il revient à ce titre plus particulièrement sur les expériences récentes accumulées en Italie et en Allemagne ainsi que lors des derniers développements qu’a connu la situation au Brésil.

    Article par Peter Taaffe, Secrétaire Général du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière (CWI/CIO) en Angleterre et au Pays de Galles.

    Une question centrale pour le mouvement ouvrier à travers le monde – et peut-être d’ailleurs la plus cruciale à ce stade – est celle de l’absence dans la plupart des pays d’une voix politique indépendante sous forme parti(s) des travailleurs de masse.

    L’effondrement du mur de Berlin et des odieux régimes staliniens a également signifié la liquidation des économies planifiées. Il s’agissait d’un important tournant historique, avec des conséquences majeures pour la classe ouvrière et, plus particulièrement, pour sa conscience. Coïncidant avec le long boom économique des années ‘90 et la pression sans relâche du capitalisme néo-libéral, ce processus a décomposé les bases de la social-démocratie et des partis « communistes ». Les formations que Lénine et Trotsky caractérisaient encore comme des « partis ouvriers bourgeois » (ouvriers à leur base, bourgeois à leur direction) ont assisté à la disparition de leur base ouvrière pour devenir des formations purement bourgeoises. En conséquence, pour la première fois depuis des générations – plus de 100 années dans le cas de la Grande-Bretagne – la classe ouvrière est sans plate-forme politique de masse.

    Mais ce n’est pas la première fois dans l’histoire que des marxistes sont confrontés à une telle situation. Ni Marx ni Engels n’ont cru que le mouvement ouvrier gagnerait une conscience de classe indépendante ou une conscience socialiste uniquement par l’agitation, la propagande ou même leurs puissantes idées théoriques. L’expérience serait le plus grand professeur de la classe ouvrière, argumentait Marx, en combinaison avec les idées du socialisme scientifique (le marxisme). C’est pour cette raison que Marx, sans jamais diluer son propre trésor théorique, a tâché de lier ensemble dans l’action les forces dispersées de la classe ouvrière à travers, par exemple, l’établissement de la…

    …Première Internationale

    Les marxistes ont travaillé conjointement avec des syndicalistes anglais et même des anarchistes au sein de l’Internationale. Marx a toujours procédé à partir du niveau existant d’organisation et de conscience de la classe ouvrière, cherchant par sa propre intervention inestimable à l’élever à un plan supérieur. La Première Internationale a accompli cette tâche colossale mais, à la suite de la défaite de la Commune de Paris ainsi que des tentatives de sabotage et finalement la scission des anarchistes emmenés par Bakounine, la Première Internationale avait épuisé sa mission historique et a été dissoute. Cette expérience, cependant, a été essentielle en préparant le terrain pour la Deuxième Internationale, avec le développement des partis de masse, l’acceptation du socialisme, etc…

    Engels & le Labour Party

    Engels a adopté une approche similaire à celle de Marx dans la dernière partie du dix-neuvième siècle, en Grande-Bretagne par exemple, pendant la « longue hibernation » de la classe ouvrière. Il a patiemment propagé l’idée d’un « parti des travailleurs indépendant », en opposition au sectarisme des forces socialistes et même « marxistes » de ce temps. Il ne s’est par exemple pas basé sur la Social Democratic Federation (Fédération Social-Démocrate) qui avait formellement adhéré au « socialisme scientifique » et comprenait à un moment plus de 10.000 membres, mais qui avait aussi adopté une attitude ultimatiste et sectaire envers d’autres forces et en particulier envers l’idée de rassemblement pour créer un parti indépendant de la classe ouvrière. Aucun théoricien dans le mouvement ouvrier n’égalait à ce moment Engels, historiquement le second derrière Marx lui-même, mais il insistait sur le fait qu’étant donné le niveau de conscience et d’organisation politique de la classe ouvrière britannique à cette époque, un tel pas en avant vaudrait des douzaines de programmes. Il s’agissait d’une reconnaissance du fait – illustré plus tard par le développement du Labour Party (le parti travailliste) comme parti de masse – qu’une « pure » et immaculée organisation marxiste en Grande-Bretagne avec des racines dans les masses ne pourrait se développer sans que la masse de la classe ouvrière ne passe d’abord par l’expérience de son propre parti indépendant.

    Lénine a adopté la même attitude face au Labour Party qui était né depuis, même si ce dernier n’avait pas adopté une orientation socialiste à sa fondation. Il disait que même si le Labour Party « ne reconnaissait pas la lutte des classes, la lutte de classe reconnaîtrait certainement le Labour Party ». Son analyse a elle aussi été confirmée par le virage à gauche avec des traits révolutionnaires prononcés qu’a connu la Grande-Bretagne après la Révolution russe. Cela s’est notamment exprimé à l’intérieur du Labour Party par l’adoption de l’aspiration au socialisme à travers la célèbre « clause quatre », liquidée par « l’entriste bourgeois » Tony Blair en 1995.

    Depuis lors, le processus de dégénération politique du « New Labour » a été inéluctable et immuable. Et cela en dépit des minces espoirs de ceux qui comme Tony Benn habitent un avant-poste réformiste de gauche isolé au milieu de l’océan néo-libéral du New labour. Cette dégénération n’a pas seulement eu des conséquences idéologiques, mais a également affecté matériellement les luttes de la classe ouvrière. La bourgeoisie a pu utiliser avec succès l’effondrement du stalinisme pour mener une contre-révolution idéologique à travers le monde entier dont les plus grands effets se sont fait sentir aux sommets de la social-démocratie et de l’aile droite syndicale. Leur enthousiasme à embrasser l’économie de marché a renforcé la capacité de la bourgeoisie à vendre son programme néolibéral, accompagné par le leitmotiv de Thatcher, « There is no alternative / Il n’y a pas d’alternative ». À la différence des années ’80, où cette idée était rejetée, elle est maintenant renforcée par les dirigeants ex-sociaux-démocrates et par l’aile droite syndicale.

    La seule alternative

    Quand les « partis ouvriers bourgeois » étaient réformistes, la classe dirigeante était au moins forcée de regarder derrière son épaule. Ces partis étaient dans une certaine mesure un « contrôle », ne fut-ce que partiel, pour empêcher la bourgeoisie d’aller « trop loin ». Un regard sur l’Allemagne d’aujourd’hui renforce ce point. L’apparition du « Die Linke » d’Oskar Lafontaine, même avec toutes les insuffisances de ce parti, a néanmoins exercé un effet sur les sociaux-démocrates du SPD. Emmêlé dans une coalition bourgeoise avec les démocrates-chrétiens d’Angela Merkel, le SPD a connu une baisse dramatique de son soutien, électoralement ainsi qu’en terme d’adhésions. Parallèlement, Die Linke a bénéficié de la perte de soutien du SPD et se tient actuellement à environ 12% dans les sondages d’opinion. En retour, cette situation a contraint les sociaux-démocrates à s’opposer à certaines « réformes », telles que l’attaque brutale contre les chômeurs, alors qu’ils en avaient accepté le principe dans la précédente coalition et le précédent gouvernement de Schröder, lui-même du SPD.

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    ‘Pour la Grande-Bretagne’, c’est-à-dire pour les riches et les patrons, au détriment des pauvres et des travailleurs…

    En Grande-Bretagne, Gordon Brown utilise à sa sauce la vieille affirmation de Thatcher en déclarant aux directions syndicales « quelle est votre alternative au New Labour ? ». Les élections – avec les trois principaux partis qui dans les faits ne se distinguent pas – sont maintenant pratiquement une farce en Grande-Bretagne. Le système électoral britannique combiné à l’absence de réel choix signifie que les résultats des prochaines élections, comme Polly Toynbee (du quotidien The Guardian) l’a précisé, seront déterminés par les votes « marginaux ». Finalement, seuls les 20.000 électeurs « flottants » décideront du résultat.

    Ceci va de pair avec la domination d’une caste bureaucratique de droite ossifiée au sommet des syndicats, comme Prentis (secrétaire général du syndicat Unison, le plus grand syndicat professionnel de Grande Bretagne) et d’autres, qui agit en tant que véritable frein sur chaque action efficace, tel que l’a encore démontré le récent conflit postal. Mais le mécontentement colossal de la base montre que cette situation ne pourra continuer sans arriver à un conflit, dans les usines ou politiquement. Sans compétition sérieuse de la part de la gauche, y compris de la gauche syndicale, Gordon Brown continuera à traiter les syndicats et en particulier leur direction avec le plus grand mépris avec l’assurance que le New Labour est la seule alternative.

    La classe ouvrière française – actuellement engagée dans une lutte épique contre le gouvernement Sarkozy qui est décidé à casser ses droits et conditions de vie – fait face à un dilemme semblable. Durant les 15 dernières années, chaque fois que la bourgeoisie française a cherché à affronter la classe ouvrière de telle manière, cela s’est terminé par sa défaite partielle. Mais étant donné la perception négative qu’a la bourgeoisie française de sa position face à ses concurrents capitalistes européens et internationalement, les capitalistes français sont « cette fois » décidés à ne pas laisser passer de concessions à la classe ouvrière. Dans ce cadre, l’absence d’un pôle d’attraction de masse sous la forme d’un parti de masse est assurément un facteur qui affaiblit la lutte.

    Sarkozy a ainsi pu gagner les dernières élections avec une campagne menée contre son propre gouvernement, qui, selon lui, présidait une « société bloquée ». Cette stratégie n’a pu être payante que grâce à l’absence de challenger face à lui avec Ségolène Royal et son Parti Socialiste maintenant complètement bourgeois. Déjà en 1995, quand les travailleurs français avaient remporté une victoire contre la bourgeoisie et le « plan Juppé », l’absence d’une alternative politique pour les masses était palpable. Les capitalistes auraient alors pu être poussés dehors, mais faute d’un gouvernement et d’un parti politique de masse capable de l’avancer, toutes les conclusions nécessaires de cette lutte n’ont pas été tirées.

    Leçons du Brésil

    Cette situation n’existe pas au Brésil, en raison de la formation du parti du socialisme et de la liberté (P-SoL), créé en 2004 comme résultat de la révolte suscitée par le virage à droite du gouvernement de Lula après son élection en 2002. La formation de ce parti et son évolution par la suite est une donnée d’importance pour le Brésil lui-même, mais elle comprend également bien des leçons pour les travailleurs et le mouvement de la gauche internationalement. La création du P-SoL est le produit du dégoût ressenti par les travailleurs, en particulier dans le secteur public, à cause de la rapide trahison de Lula et de son gouvernement placé sous la direction du PT (Parti des Travailleurs) qui s’est exprimée dans l’acceptation des attaques contre les masses demandées par le capitalisme brésilien.

    Auparavant, des couches de la gauche brésilienne, et parmi elles même certaines qui avaient des antécédents trotskistes, avaient entretenus quelques espoirs que Lula aurait installé un gouvernement de « gauche » une fois arrivé au pouvoir. Pourtant, avant même les élections, Lula lui-même avait clairement capitulé face au « consensus de Washington » du néo-libéralisme (acceptation des principes de privatisation, de travail précaire et de soumission au capital étranger). Son évolution à droite avait été illustrée par les nombreux éloges qu’il avait reçu de la part des chauds partisans et prêcheurs du néo-libéralisme « social-démocrate ». Ainsi, alors que Blair et Mandelson (l’un des principaux architectes de la transformation du Labour Party en New Labour et proche collaborateur de Tony Blair) avaient précédemment fortement attaqué le PT et Lula, ce dernier n’a ensuite reçu que des félicitations de leur part. Pour reprendre ses propres paroles, Lula s’est avéré être « une paire de mains sûre » pour le capitalisme et l’impérialisme brésilien. L’attaque menée contre les fonctionnaires, cependant, a provoqué une opposition au sein du PT, exprimée avec force par un certain nombre de ses parlementaires, tels que Heloísa Helena, Baba et Luciano Genro. Avec un autre parlementaire, ils ont tous été sommairement expulsés par Lula à cause de leur opposition à son programme de « réforme des pensions ».

    Cette trahison avait un sens aigu, compte tenu du fait que Lula – à la différence de Blair – est à l’origine issu des profondeurs de la classe ouvrière brésilienne. Le P-SoL a quant à lui rassemblé des sections significatives de la gauche brésilienne militante et combative. À sa conférence de fondation en 2004, ce nouveau parti s’est clairement affirmé socialiste et à gauche, avec la plupart des participants provenant d’un passé trotskiste.

    Le trotskisme possède de fortes et profondes racines en Amérique Latine, particulièrement au Brésil et en Argentine. Cette tradition s’est principalement reflétée dans deux tendances, celle du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (USFI, United Secretariat of the Fourth International) d’Ernest Mandel et celle des organisations morénistes, menée par Nahuel Moreno. Le morénisme et son organisation internationale, Liga Internacional de los Trabajadores (LIT – la Ligue Internationale des Travailleurs) ont représenté une réaction face à Ernest Mandel et sa politique qui a combiné des éléments ultra-gauches à un moment donné (avec un soutien désastreux à des mouvements de guérilla urbaine) avec de l’opportunisme, élément qui a d’ailleurs plus tard mené l’USFI à connaître la rupture au Brésil. Certains de ses adhérents ou anciens adhérents ont participé au gouvernement de Lula comme ministres.

    On trouve dans la tradition moréniste d’excellents militants qui ont fait de grands sacrifices pour la cause des travailleurs, certains y ont même laissé leurs vies. Cela a particulièrement été le cas en Argentine et au Brésil. Dans le même temps, l’opposition de Moreno à l’opportunisme de Mandel s’est crûment exprimée. Moreno lui-même l’a illustré et a commis de sérieuses erreurs d’un caractère ultra-gauche, comme le démontre sa surestimation du MAS (nom du parti moréniste à cette époque) dans l’Argentine des années ‘80. Bien que le MAS se soit en Argentine développé pour devenir une force considérable, Moreno a surestimé sa capacité à « prendre le pouvoir ». Après sa mort, ses héritiers ont commis beaucoup d’erreurs, la plus importante concernant l’analyse de l’effondrement du stalinisme. Ils ont ainsi présenté cet évènement unilatéralement de manière « progressiste ». La bourgeoisie avait internationalement adopté une attitude similaire, résumée par le Wall Street Journal qui a déclaré dans un éditorial au nom du capitalisme « nous avons gagné ».

    En résultat de cette analyse, le courant moréniste a connu différentes ruptures qui ont donné lieu à la création de différents organismes et « Internationales » en concurrence féroce les unes contre les autres pour gagner le soutien d’une base de plus en plus réduite d’anciens militants morénistes. Une fois confrontée à l’opposition, plutôt que de débattre et de discuter des idées – comme c’est la tradition au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière – la méthode de la direction est caractérisée par les expulsions arbitraires, à la façon du SWP britannique, ou encore tout simplement par des « invitations à partir ».

    Récents succès

    En dépit de tout cela, la plupart des initiateurs du P-SoL étaient issus du PT et d’un passé trotskiste. Lors des élections présidentielles de 2006, Heloísa Helena (qui provient de la tradition d’Ernest Mandel) a récolté presque sept millions de voix comme candidate du P-SoL et comme alternative de gauche au gouvernement de gauche « traditionnel » de Lula. Ce succès spectaculaire d’un parti très jeune – une plus grande réussite, par exemple, que celle obtenue par le PT à l’occasion de sa première participation aux élections nationales en 1982 – a été une justification complète des positions de ceux qui, à l’instar de Socialismo Revolucionário (SR, section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière) et des autres sections du CIO, ont de façon conséquente argumenté en faveur de la création d’un nouveau parti de masse. En conséquence, Socialismo Revolucionário a été l’un des pionniers du P-SoL – en prêtant ses ressources et ses bureaux au nouveau parti dans la première période de son histoire – et a également eu une présence à l’Exécutif National de ce parti. Le plus important a été que le P-SoL a entériné le droit de plate-forme et de tendance, ce qui lui a assuré d’être un parti extrêmement démocratique.

    Le P-SoL, cependant, comme Die Linke en Allemagne, n’a pas été créé dans une période d’intensification de la lutte des classes, particulièrement sous forme de conflit dans les usines, comme cela avait été par exemple le cas pour la création du PT dans les années ’80 ou pour le COSATU, la fédération syndicale d’Afrique du Sud, qui s’était déclarée socialiste et « révolutionnaire » dans sa première phase d’existence. Cette situation a eu des conséquences sur le P-SoL, qui était – et est resté – un petit parti de masse de la classe ouvrière. Les nouveaux partis de masse formés au lendemain de la Révolution russe étaient issus de scissions survenues dans les vielles organisations de la classe ouvrière (la social-démocratie) et avaient emporté la grande majorité des travailleurs actifs de ces vieux partis. Mais même alors, la social-démocratie, largement vidée de ses membres, a continué à recevoir le soutien des travailleurs inactifs. Parfois, c’est même la majorité des travailleurs qui sont restés accrochés à ces vieilles organisations suite à une inertie historique ainsi qu’à l’absence de compréhension de la nécessité de nouveaux partis révolutionnaires. Cela demandait, comme Lénine et Trotsky l’ont argumenté, que ces nouveaux Partis Communistes adoptent une tactique de « front unique » pour enrichir et influencer les actions des travailleurs toujours sous la bannière de la social-démocratie.

    Ces nouvelles formations, les Partis Communistes, s’étaient toutefois développées dans une période de révolution et étaient généralement assez grandes, avec une base active et des racines enfoncées au sein même de la classe ouvrière. Ce n’est pas le cas de Die Linke en Allemagne, qui est surtout en ce moment un phénomène électoral. Seuls quelques travailleurs et jeunes ont été disposés à rentrer dans ses rangs, et ce peu d’enthousiasme a été particulièrement visible à Berlin et en Allemagne de l’Est. Dans ces régions, Die Linke est regardé avec beaucoup de suspicion en raison des connections de ce parti avec le stalinisme et du fait que les coalitions gouvernementales à Berlin, en particulier, et ailleurs attaquent les conditions de vie de la classe ouvrière. Le P-SoL, à ses débuts, a connu une situation différente. S’il est vrai qu’un certain nombre d’organisations trotskistes étaient présentes, c’était aussi le cas d’une couche importante de travailleurs, d’ « indépendants », etc.

    Au même moment, le gouvernement de Lula a constamment plus repoussé sa base à mesure que s’est accentué son virage à droite. Renan Calheiros, membre du PT et ancien président du Sénat Brésilien, a été forcé de démissionner en raison d’un scandale de corruption. Il est, entre autres, accusé d’avoir assuré le salaire d’une ancienne journaliste avec qui il avait eu une liaison et une petite fille de 3 ans. Le Brésil est « habitué » à la corruption, qui est endémique dans les partis bourgeois. Mais la saga des méfaits de Renan a été le « scandale de trop ». La pression populaire a finalement forcé la main à Lula et Renan a été éjecté de ses fonctions.

    Le gouvernement Lula a été marqué par des accusations de corruption depuis mai 2005. Bien qu’ayant causé des dégâts sérieux au début, la corruption est tellement habituelle et « intégrée » dans la vie politique brésilienne que les brésiliens « ne s’attendaient à rien de mieux de la part de leurs politiciens ». Selon une estimation, environ 30% des membres du Congrès font l’objet de procédures judiciaires. En fait, beaucoup d’entre eux quittent leurs fonctions pour ainsi éviter les poursuites et les tribunaux ! La corruption est estimée par une étude à ce sujet à 0.5% du PIB (produit intérieur brut). Oui, il a eu un moment où le PT a été perçu comme un parti « différent », avec une vision socialiste d’une nouvelle société. Mais maintenant, tout comme les ex-sociaux-démocrates et les partis ex-« communistes » en Europe et ailleurs, le PT, après avoir accepté le capitalisme, a embrassé la « philosophie » qui y est associée.

    La bourgeoisie brésilienne s’est ralliée au gouvernement de Lula parce qu’il « fait son job » en défendant les profits du capitalisme. Le crédit et la demande domestique explosent alors que des millions de Brésiliens pauvres deviennent des « consommateurs pour la première fois » (selon le « Financial Times »). Ce qui arrive quand la base de l’économie américaine s’effondre et a des répercussions sur la Chine, un énorme marché pour les produits du Brésil, est un autre problème. Même un léger ralentissement du taux de croissance de l’économie brésilienne sera une catastrophe pour les millions de personnes, particulièrement des pauvres, qui ont placé leur confiance dans le gouvernement de Lula pour détruire le cauchemar que forme la vie quotidienne de millions de Brésiliens. L’agriculture, le secteur des services et même l’industrie ont ressenti la croissance économique du pays à la suite de la croissance économique mondiale. De plus, les dépenses dans la consommation ont augmenté, avec l’aide d’une certaine augmentation du salaire minimum et des avantages pour les plus pauvres ainsi que d’une injection de crédit dans l’économie (dont la taille a doublé depuis 2003 pour atteindre aujourd’hui environ 35% du PIB). Un ralentissement ou une récession économique mondiale aurait un effet dévastateur sur les millions de personnes dont les espoirs ont été suscités par la récente croissance économique et par la création d’emplois, bien que très mal payés.

    Le gouvernement clame que plus de 1.2 million d’emplois ont été créés dans les douze mois qui ont précédé juillet 2007. Cela a signifié que certaines des sections les plus faibles de la population et même des sections de la classe ouvrière ont bénéficié du gouvernement Lula. En conséquence, le soutien électoral fondamental du gouvernement ne s’est pas encore évaporé. La bourgeoisie tolère Lula comme la « meilleure option » tandis que les pauvres et la classe ouvrière n’ont pas encore dans leur grande majorité retiré leur soutien au gouvernement. Toutefois, la classe moyenne ressent plus intensément la crise de l’infrastructure, en particulier dans l’industrie aéronautique et s’oppose en majorité au gouvernement. La situation économique, sociale et politique est par conséquent fortement volatile.

    Pour aller plus loin de sa base limitée, bien qu’importante, de 6% de l’électorat, le P-SoL devrait se positionner de manière à attirer dans ses rangs les « réserves lourdes » de la classe ouvrière qui demeurent toujours derrière Lula et le PT à titre d’essai. Ils briseront ces amarres dès que le Brésil sera affecté par la vague économique et sociale orageuses qui arrive. Mais ce n’est pas dit que ces derniers passeront au P-SoL si ce parti n’adopte pas les politiques, la stratégie et la tactique nécessaire pour les attirer.

    Le piège électoral

    Le développement de Rifondazione Comunista (PRC) en Italie contient beaucoup de leçons et d’avertissements pour le P-SoL et le Brésil. La création du PRC a représenté un pas en avant gigantesque pour la classe ouvrière italienne mais, à ses début, il n’a entraîné avec lui que la plupart des couches les plus avancées et militantes. Le parti, en particulier sous la direction de Bertinotti, n’a pas sérieusement miné la base des Démocrates de Gauche (DS – la majeure partie de l’ancien parti communiste italien) même alors que ces derniers se déplaçaient vers la droite. Une des raisons qui explique ce phénomène est la position contradictoire du PRC, en particulier son enthousiasme électoraliste qui s’est fait aux dépens d’une dynamique de politique de lutte des classes. D’ailleurs, au lieu de poursuivre une politique d’intransigeance de classe face au capitalisme, la direction du PRC a glissé dans le marais de la collaboration de classes sous forme de coalition. Même avant qu’un « bloc national » ne se forme au niveau local et dans les villes, le PRC a partagé localement le pouvoir avec les partis bourgeois. Ceci a inévitablement conduit aux attaques contre les travailleurs et les syndicats à un niveau local et le PRC a été considéré comme responsable aux yeux des travailleurs.

    De cette étape à une coalition formelle avec les partis bourgeois autour de Prodi au niveau national, il n’y avait pas un grand pas à faire. Il ne s’agissait au début que d’un soutien « extérieur » du PRC au gouvernement « olivier » de 1996. Sans même l’effet des « avantages » des postes ministériels et des piéges qui y sont liés, le PRC s’est odieusement associé aux attaques de ce gouvernement contre la classe ouvrière et les syndicats. C’est cette politique qui a pavé la voie au retour de Berlusconi. Maintenant, Rifondazione Comunista a franchi une étape supplémentaire en rejoignant formellement la coalition de Prodi qui, comme Lula au Brésil, attaque les pensions, l’éducation et tous les acquis passés de la classe ouvrière italienne. Sous la direction de Bertinotti en tant que « président » de la chambre italienne des députés, le PRC va perdre sa peau de parti spécifiquement pour les travailleurs pour devenir une des composantes de la « chose rouge » (selon le terme utilisé par la presse pour parler de la nouvelle formation regroupant principalement le PRC, les verts et une scission des Démocrates de Gauche), qui est un masque servant à cacher la création d’un autre parti libéral et capitaliste.

    Ce processus n’est pas encore complètement arrivé à son terme au sein du PRC, mais c’est un avertissement d’ampleur au P-SoL et à tous les nouvelles organisations de la classe ouvrière. Sans politiques claires et indépendante des formations bourgeoisies (et sans coalition avec les forces bourgeoises), ces nouvelles formations, plutôt que d’être autant de chrysalides à partir desquelles peuvent émerger des pôles d’attraction pour les masses, pourraient être étouffées dès leur naissance. Le P-SoL n’a jusqu’ici pas atteint cette étape. Cependant, les énormes pressions de la société bourgeoise pour « se conformer » – c’est-à-dire élever le profil électoral aux dépens de l’intervention dans la lutte des classes, en particulier la lutte dans les usines et les mouvements sociaux en général – ont eu un certain effet sur la direction du P-SoL.

    Virage à droite

    Heloisa Helena adopte des positions moins radicales…
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    Cela s’est reflété lors des élections présidentielles, en particulier par la voix de la candidate Heloisa Helena, par la minimisation des politiques radicales dans le but d’aller au devant d’un maximum de voix. Elle s’est également prononcée contre l’avortement, mais s’est alors heurtée à la majorité des membres du P-SoL. Heloísa Helena a d’ailleurs rencontré l’opposition implacable de la majorité des délégués au récent Congrès du P-SoL. Mais un groupe constitué autour d’elle, en particulier certains membres du parlement comme Luciana Genro, qui vient de Rio Grande Del Sul, ont cherché à pousser le P-SoL vers une politique plus « pragmatique », ce qui constitue une orientation droitière. Cette position a été renforcée par de récents réfugiés issus du PT qui ont maintenant rejoints les rangs du P-SoL.

    Ensemble, ils ont avec succès décalé la direction du P-SoL vers une orientation plus à droite qui, en retour, a provoqué une opposition gauche, dans laquelle est impliquée Socialismo Revolucionário. Cette opposition a reçu juste en dessous d’un quart des voix au Congrès du P-SoL. Socialismo Revolucionário cherche à dépasser ce chiffre en forgeant un front unique des organisations les plus conséquentes de la gauche, à travers l’établissement d’un « bloc des quatre » dans le P-SoL. Ce bloc a impliqué Socialismo Revolucionário ainsi que d’autres groupes partout dans l’ensemble du Brésil, tous issus du trotskisme.

    Quelques parallèles historiques peuvent être faits avec ce développement. Après la victoire d’Hitler en 1933, sans que le Parti Communiste allemand n’ait entreprepris de résistance sérieuse, une crise profonde de confiance a traversé les « Internationales » existantes (la deuxième, social-démocrates, et la troisième, qui avait dégénéré des positions communistes vers le stalinisme). Trotsky a alors proclamé la nécessité de la création d’une nouvelle, la Quatrième Internationale. En conséquence arriva la formation d’un « bloc de quatre » partis, décrit par Trotsky comme étant « particulièrement important ». Ces quatre partis étaient l’Opposition de Gauche Internationale trotskiste, le Parti Ouvrier Socialiste allemand (SAP), et deux partis de gauche hollandais, le Parti Socialiste Révolutionnaire (RSP) et le Parti Socialiste Indépendant (OSP). Ensemble, ils ont signé une déclaration pour une « nouvelle internationale » suivant les principes de base de Marx et de Lénine.

    Ce « bloc des quatre » s’était donné des objectifs plus grandioses que l’actuel « bloc des quatre » dans le P-SoL, mais la logique est finalement identique : comment maximiser le potentiel pour la gauche dans le mouvement de la classe ouvrière. L’ancien bloc des années ‘30 n’a été jamais été consolidé en une nouvelle formation permanente en raison des contradictions politiques entre les dirigeants des partis non-trotskistes. Dans le cas du P-SoL, les organisations sont beaucoup plus proches politiquement, avec toutes les chances, si une clarté politique arrive à être obtenue, de forger une force politique cohérente au sein du P-SoL.

    Le P-SoL illustre, tout comme les expériences issues du PRC en Italie, que le succès continu et la croissance de l’influence ainsi que du nombre de membres d’un parti n’est pas automatiquement garantie si un nouveau parti se déplace vers la droite. Cependant, la gauche est plus claire et a plus de potentiel dans le P-SoL que dans le PRC italien. Il faut en voir la raison dans les organisations trotskistes qui, dès la fondation du PRC, ont poursuivi une politique fondamentalement fausse. La section italienne du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, sous la direction du défunt Livio Maitan, ne se différenciait pas de Bertinotti – elle a été durant longtemps membre de la même « fraction » et n’a par conséquent pas gagné de forces substantielles. D’autres organisations ont adopté une position ultra-gauche ou un rôle purement militant, un rôle de commentateur.

    Le « bloc des quatre » brésilien

    L’opposition de gauche organisée dans le P-SoL est beaucoup plus forte politiquement. Le front unique des organisations, le « bloc des quatre », inclut des camarades d’Alternativa Revolucionária Socialista (Alternative Socialiste Révolutionnaire – ARS), en particulier présent à Belem, dans le nord du Brésil. Une autre organisation présente à São Paulo est le CLS (Liberté Socialiste Collective), composé de travailleurs qui ont une tradition de lutte à São Paulo et à Minas Gerais, un Etat très important, où le CLS a une base importante dans les mouvements sociaux, en particulier le mouvement des paysans sans terre et parmi les imprimeurs. Deux autres organisations participent encore à ce bloc. Il est à espérer que ce « bloc des quatre » sera consolidé par une série de meetings et d’activités publiques qui pourraient alors attirer d’autres groupes dissidents du P-SoL.

    En même temps, un processus de regroupement des marxistes-trotskistes suit son cours. À son récent congrès, auquel ont participé des représentants des groupes qui travaillent dans le « bloc des quatre », Socialismo Revolucionário, avec ces camarades, s’est fixé la tâche de construire une force marxiste numériquement plus forte et bien plus influente. Étant donné qu’à ce stade, le P-SoL est relativement vide de nouvelles couches de la classe ouvrière, cette tâche ne pourra pas seulement se faire en concentrant principalement les activités à l’intérieur de ce parti. La bataille au niveau des usines est aussi cruciale, si pas plus, en ce moment. Mais le P-SoL n’a pas encore épuisé son potentiel. L’effondrement du « Lulaïsme » et du PT aura comme conséquence que des couches plus importantes placeront leurs espoirs dans le P-SoL. Une des raisons qui justifie l’appel pour un nouveau parti de masse des travailleurs est que cela offre l’opportunité à la classe ouvrière et à la gauche de rassembler des forces jusqu’ici dispersées.

    De tels nouveaux partis sont une arène pour la discussion, le débat et l’élaboration de politiques capables de garantir le succès de la classe ouvrière à l’avenir. L’existence d’une épine dorsale viable de marxiste-trotskistes dans un tel parti est essentielle à son succès. Sans cela, ces partis, y compris le P-SoL, peuvent stagner, voir même diminuer et disparaître, même si ils ont connu initialement des succès. Cela semble toutefois peu probable au Brésil, étant donné l’influence du marxisme dans le P-SoL.

    La tâche des marxistes au Brésil, qui sera ardemment suivie par les marxistes du monde entier, est d’intervenir dans les processus qui se déroulent dans le P-SoL pour l’éloigner du réformisme et des nuances de centrisme – c’est-à-dire une phraséologie révolutionnaire qui couvre des positions réformistes – en rassemblant les meilleures forces à la gauche du P-SoL. La première étape vers cet objectif est la création d’une organisation trotskiste puissante, avec de claires perspectives, tactiques, stratégie et organisation. Le capitalisme entre en crise, mais cela ne signifie pas que la gauche va automatiquement l’emporter. Pour que cela se réalise, il faut créer de nouveaux partis de masse des travailleurs. Les développements au sein du P-SoL seront vivement observés et étudiés par les marxistes du monde entier pour y apprendre les leçons utiles aux développements semblables ailleurs.


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