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  • Kazakhstan : Libération de Natalia Sokolova, l'avocate des grévistes du pétrole !

    Le régime est sous la pression de la campagne internationale

    Le 8 mars, la Cour Suprême du Kazakhstan a pris la décision de ‘requalifier’ les charges criminelles pesant sur Natalia Sokolova, l’avocate des grévistes de l’entreprise pétrolière “KarazhanbasMunai”. En conséquence, la sentence de 6 ans de prison rendue en août 2011 a été annulée. A la place, Natalia Sokolova a été condamnée à 3 ans de conditionnelles, elle sera sous la surveillance de la police pour 2 années supplémentaires et est interdite de participer à des “activités sociales” (c’est-à-dire des activités politiques ou syndicales). Elle a donc été relâchée et a pu retourner chez elle, auprès de son mari.

    Déclaration du Mouvement Socialiste du Kazakhstan

    Le Mouvement Socialiste du Kazakhstan félicite Natalia Sokolova, les travailleurs du Kazakhstan et, plus particulièrement, les travailleurs du secteur pétrolier de Mangystau pour la libération de Natalia Sokolova. Il s’agit là d’une victoire pour la classe ouvrière du Kazakhstan toute entière. Les autorités considéraient la condamnation de Natalia Sokolova comme un avertissement lancé à la population du Kazakhstan, afin de défier quiconque de lutter. Mais au lieu de cela, le régime a dû faire face à une campagne croissante de solidarité internationale, jusqu’au point d’être forcé de la relâcher.

    La campagne internationale de solidarité a impliqué plusieurs syndicats, syndicalistes, organisations de défense des droits de l’Homme, partis de gauche, etc. Un rôle particulièrement important a été joué par le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses différentes sections à travers le monde, qui ont organisé une série de piquet, de protestations et de conférences de presse exigeant, notamment, la libération de Natalia Sokolova. Depuis le Nouvel An, ce travail a été organisé par la Campaign Kazakhstan.

    Ce n’est pas une coïncidence si le Parlement Européen a discuté de la situation au Kazakhstan la semaine suivante. Grâce au travail de la Gauche Unitaire Européenne et, en particulier, de Paul Murphy (député européen du Socialist Party en Irlande et section irlandaise du CIO) ainsi que son équipe, même les factions de droite au Parlement ont soutenu la revendication de la libération de Natalia Sokolova dans leurs résolutions. Ces derniers ignorent généralement la condition des travailleurs et des syndicalistes, qui souffrent sous la poigne de régimes autoritaires, et préfèrent concentrer leur attention sur le cas des politiciens pro-capitalistes et des militants des droits de l’Homme. Mais grâce à la pression continue du bureau de Paul Murphy, cela ne s’est pas produit cette fois-ci. Il était quasiment certain que l’appel à la libération de Natalia Sokolova allait être repris par le Parlement Européen la semaine suivante.

    La visite d’Andrej Hunko au Kazakhstan (un membre du Bundestag allemand et du parti de gauche Die Linke) a également constitué un évènement important. Il soutient la Campaign Kazakhstan. Andrej Hunko a visité le Kazakhstan en tant qu’observateur durant les élections frauduleuses organisées par le régime dans le pays en janvier dernier. Il a utilisé cette opportunité pour visiter Natalia Sokolova en prison, pour lui exprimer sa solidarité et lui assurer qu’il participerait aux efforts visant à mettre le maximum de pression sur le régime.

    Piquets do solidarité

    Dans le monde russophone, la section russe du CIO a été impliquée dans l’organisation de piquets de solidarité dès le début du conflit social dans le pétrole. Plusieurs conférences de presse ont été tenues afin de briser le silence médiatique à propos de la grève et pour assurer que la libération de Natalia Sokolova soit soulevée à chaque fois que cela était possible. Par la suite, ce travail a été renforcé par des piquets tenus à Moscou, Saint Pétersbourg et Kiev avec l’aide d’autres groupes de gauche et d’organisations syndicales.

    En janvier, Natalia a été nominée par le syndicat Zhanartu (affilié au Mouvement Socialiste du Kazakhstan) pour recevoir le prix de l’International Trade Union Congress en tant que “syndicaliste de l’année”. Cette nomination est soutenue par Comité Norvégien Helsinki et par le Bureau International des Droit de l’Homme du Kazakhstan. Cette nomination à elle seule a causé un grand embarras au régime kazakh. Des pressions ont régulièrement été exercées par la sureté d’Etat (KNB) sur Natalia afin qu’elle rejette cette nomination.

    Le rôle joué par le Mouvement Socialiste du Kazakhstan dans le pays n’est pas non plus à négliger. Plusieurs actions et piquets ont été tenus au Kazakhstan, avec souvent à la clé l’arrestation des militants. Zhanna Baitelova, Dmitry Tikhonov et Arman Ozheubaev ont ainsi été détenus en prison durant deux périodes de 15 jours. Des dizaines d’autres activistes ont reçu des amendes pour avoir participé aux actions de protestation. Nos camarades du syndicat Odak ont assuré que l’information concernant ces arrestations et intimidations se répandent dans tout le pays.

    Maintenons la pression sur le régime

    Il est impossible de faire ici une liste complète de toutes les actions qui ont été organisées dans de nombreux pays, en Autriche, en Australie, en Belgique, à Hong Kong, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Irlande, aux USA, en Suède, en France, au Venezuela, au Pakistan et en Pologne. Des supporters en Irlande et en Belgique ont également déployé des banderoles lors de matchs où jouait l’équipe du Kazakhstan. Des piquets ont été tenus devant des grandes entreprises ayant des contrats au Kazakhstan à Londres et à Berlin. Des dizaines de délégations syndicales à travers le monde se sont aussi saisi du sujet.

    Même si Natalia est toujours considérée comme coupable, sa libération est une grande victoire pour le mouvement ouvrier et la campagne internationale de solidarité. Cela démontre que des victoires peuvent être obtenues malgré l’opposition du régime, des patrons et de leurs partisans sur la scène internationale, malgré aussi le silence des médias officiels et la résistance des bureaucrates syndicaux. La pression exercée sur l’Ak-ordy (la résidence présidentielle) a fonctionné. Nous devons maintenant poursuivre cette campagne et maintenir la pression pour la libération des 43 travailleurs du pétrole actuellement détenus pour “incitation au conflit social” et participation à des “réunions syndicales illégales”, pour la libération de Vadim Karamshin, pour le retrait des charges pesant contre les dirigeants de l’opposition Ainur Kurmanov et Esenbek Ukteshbayev, et pour la libération de tous les prisonniers politiques du pays.

  • Stop à la dictature au Kazakhstan !

    Grâce aux richesses naturelles du pays, la brutale dictature du régime de Nazarbayev est devenue un associé commercial incontournable dans la région. Une mission économique belge s’était d’ailleurs rendue au Kazakhstan en 2010, sous la conduite prestigieuse de SAR le prince Philippe. De plantureux contrats y avaient été signés, notamment par l’entreprise Solvay. Dans le rapport officiel de l’Agence pour le commerce extérieur, nulle mention du déni de démocratie et de l’absence de respect des droits des travailleurs. Un silence complice partagé par les médias, même depuis le massacre perpétré par le régime en décembre.

    Par Thomas (Namur)

    Depuis le mois de mai, une grève dans le secteur pétrolier subit une répression terrible (menaces de mort, assassinats, passage à tabac de journalistes indépendants, arrestations arbitraires, lourdes condamnations,…). L’avocate qui défendait les grévistes Natalia Sokolova, a été condamnée à six ans de prison. Mais cette lutte est en quelque sorte devenue le catalyseur de la frustration présente dans cette société où les masses vivent dans des conditions horribles sur un sol regorgeant pourtant de richesses. Petit à petit, cette lutte syndicale est devenue politique, et a posé la question du contrôle de ces richesses par les travailleurs eux-mêmes. A la revendication de nationalisation sous le contrôle des travailleurs est venue s’ajouter la nécessité de s’organiser en un parti politique indépendant et de faire chuter la dictature.

    La répression qui frappe le mouvement a pris une autre dimension le 16 décembre dernier, lorsque les forces de l’ordre ont tiré sur une foule de manifestants. Des dizaines de victimes étaient alors tombées (le chiffre de 200 a été évoqué). Pour le régime, seuls 17 ‘‘vandales’’ sont décédés. Cette violence illustre, notamment, la crainte du clan présidentiel de voir le pouvoir lui échapper. Les élections du 15 janvier dernier n’avaient été ouvertes qu’à deux partis ‘‘d’opposition’’, en réalité à la solde du régime. Entre la peste et le choléra, les ‘‘élections’’ du 15 ont massivement été boycottées.

    Une véritable chasse aux militants politique est menée par le régime. Deux dirigeants du syndicat indépendant Zhanartu et du Mouvement Socialiste du Kazakhstan (une formation large dans laquelle militent le parti-frère du PSL au Kazakhstan, Résistance Socialiste), Esenbek Ukteshbaev et Ainur Kurmanov, ont dû partir en exil en Russie. Ils sont maintenant traqués par les services secrets russes et kazakhs et vivent sous la menace d’être enlevés et jetés en prison pour leur coller la responsabilité du massacre du 16 décembre.

    Sous la pression de l’activité du député européen Paul Murphy (militant de notre parti-frère en Irlande, le Socialist Party), l’Union Européenne vient de condamner la répression et appelle à la libération des prisonniers politiques ainsi qu’au lancement d’une enquête indépendante concernant le massacre du 16 décembre. C’est un premier pas, mais cela ne suffit évidemment pas. La solidarité internationale doit se poursuivre afin d’aider le plus efficacement possible l’organisation concrète de la lutte contre la dictature au sein même du pays.

    Une campagne internationale de solidarité a démarré sur des chapeaux de roue. Nous saluons notamment les initiatives de soutien prises par les syndicats CGT-SNPE Lorraine en France, IF Mettal en Suède, RMT-Union en Grande-Bretagne,… En Belgique aussi, différentes actions ont déjà eu lieu (protestations à l’ambassade, distribution de tracts lors du match Kazakhstan-Belgique,…) et d’autres viendront encore.

    Soutenez cette campagne de solidarité ! Rendez-vous sur le site international de la campagne afin de signer la pétition : campaignkazakhstan.org, faites un don pour soutenir le travail des militants (n° de compte 001-2260393-78 avec pour mention ”campagne Kazakhstan”), contactez-nous pour participer plus activement à cette campagne !

    • Stop à la répression qui frappe les dirigeants ouvriers et tous les militants ! Nous exigeons la libération de l’avocate des grévistes, Natalia Sokolova, et l’abandon des charges retenues contre elle.
    • Nous exigeons le respect des droits démocratiques pour tous, la liberté de réunion et d’expression, le droit de s’opposer, de faire grève et de rejoindre les syndicats indépendants!

    Inscrivez-vous sur le groupe Facebook de cette campagne

  • Les révolutions ne se font pas sans les femmes !

    8 mars : journée internationale des femmes

    Depuis plus d’un siècle, le 8 mars est la date où l’on commémore et célébre la lutte des travailleuses et des femmes révolutionnaires pour de meilleures conditions de vie et pour une société socialiste. Cette date trouve ses origines dans les luttes des femmes américaines, au XIXème siècle, pour un salaire égal à celui des hommes et des conditions de travail décentes.

    Déclaration du CIO

    Le 8 mars 1857, les travailleurs du textile de New York ont manifesté et organisé des piquets de grève pour exiger de meilleures conditions de travail et un salaire égal pour les femmes. Leurs rangs ont été brisés par la police. Cinquante-et-un an plus tard, le 8 mars 1908, leurs camarades de l’industrie textile ont manifesté à nouveau, honorant les grèves de 1857 et demandant le droit de vote ainsi que la fin des ateliers clandestins et du travail infantile. La police était là encore à cette occasion.

    En 1910, une conférence de femmes socialistes de la Deuxième internationale a adopté la proposition faite par la militante révolutionnaire Clara Zetkin, d’établir une journée internationale de la femme. Les femmes russes l’ont appliquée le dernier dimanche de février (selon le calendrier pré-révolutionnaire julien).

    En 1917, c’est aussi un 8 mars (cette fois selon le calendrier grégorien utilisé ailleurs dans le monde) que les femmes de Pétrograd ont littérelement commencé une révolution. Protestant contre les augmentations de prix et les pénuries alimentaires, elles ont envahi le centre de la ville, appelant tous les travailleurs à les rejoindre.

    « A bas la guerre et la famine ! ». La faim était responsable de la mort de milliers d’enfants et de personnes âgées, mais aussi de personnes très pauvres ou malades. La première guerre mondiale avait pris les vies de millions de paysans et de travailleurs. La Révolution de février en 1917, qui a renversé le tsarisme dans l’Empire Russe, a été le précurseur de la révolution socialiste victorieuse d’octobre cette même année.

    Sous le capitalisme : des acquis et des pertes

    Quasiment cent ans plus tard, le système dont on nous dit qu’il n’a pas d’alternative subit probablement la pire crise de son histoire. Au XXème siècle, dans beaucoup de pays européens et aux Etats-Unis, sous la pression de puissantes luttes de la classe ouvrière, le capitalisme a été forcé d’accorder l’accès à la sécurité sociale, l’éducation et à des crèches. Pendant les périodes de boom économique, les services à domicile devinrent accessibles. Mais la majorité des femmes en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, qui travaillent sans relâche, et des millions d’autres même dans les pays les plus développés, n’ont peu ou pas bénéficié de ces avancées.

    En Europe et en Amérique principalement, une couche de femmes travailleuses peut se battre pour un salaire égal, une égalité des chances et des heures de travail modulables. Au XXème siècle, les attitudes chauvinistes envers les femmes et la promotion du sexisme ont aussi été contrastées par des victoires arrachées par les luttes. Dans le système capitaliste, la « domination masculine » est partie intégrante du système : une réminiscence du passé qui constitue un moyen de maintenir la division et l’exploitation de la classe ouvrière. Mais ses pires expressions peuvent être combatues par les luttes, surtout là où elles sont liées à un mouvement unifié de la classe ouvrière contre les patrons et leur système tout entier.

    Plus durement touchées par la crise

    Aujourd’hui, dans le contexte de la crise mondiale du capitalisme, les acquis des femmes des classes ouvrière et moyenne sont attaqués. Le salaire égal à travail égal, là où il a été gagné, doit être défendu. Si les directions syndicales n’organisent pas la lutte, ce droit de base comme beaucoup d’autres seront remis en cause. Les avancées dans la classification des violences domestiques comme crime et les mesures de protection des femmes cherchant un refuge face à un compagnon violent ont aussi reculé.

    Pendant la première vague de la crise, les travailleurs (masculins) ont pu être les premiers à perdre leurs emplois face à des travailleuses dont le salaire était moindre. Mais alors que la crise s’approfondit et que les emplois publics sont massacrés, ce sont les femmes les plus durement touchées : elles peuvent perdre leur emploi rémunéré, voir leurs allocations fondre et les services sociaux atomisés. Ce n’est pas un hasard qu’elles soient en première ligne des grèves et des grèves générales en Europe notamment.

    Ce sont toujours les femmes qui s’occupent en majeure partie du foyer. Elles font la plupart des courses, de la cuisine, du ménage et ce sont elles le plus souvent qui s’occupent des autres membres de la famille. En période de crise, cela signifie cauchemar sur cauchemar sur le budget familial ; les revenus qui diminuent et les coûts qui augmentent. Alors que les services publics sont attaqués, cela veut aussi dire qu’il faut trouver plus de temps et d’énergie pour s’occuper des enfants, mais aussi des membres âgés ou malades de la famille. Le chômage de masse chez les jeunes est aussi un souci énorme : les possibilités de faire des études s’amenuisent et les aides sont inexistantes ou presque. Les jeunes sont de plus en plus dépendants de leur famille. Le poids que cela fait peser sur les familles de la classe ouvrière peut devenir insupportable, et les parents peuvent constamment avoir la peur que les adolescents chômeurs se replient sur eux-mêmes, plongent dans l’alcool, la drogue ou la petite criminalité.

    Au fil de la crise qui frappe l’Europe, des centaines de milliers de familles ont été brisées : expulsions, émigration de jeunes, suicides, ou incapacité à s’occuper des plus jeunes et des plus faibles… En Grèce, des femmes désespérées par leur incapacité matérielle à s’occuper de leurs enfants les envoient aux autorités étatiques dans l’espoir que ces derniers puissent le faire.

    Ce n’est pas un mystère si dans les manifs en Grèce, les femmes sont les plus bruyantes. Elles ne veulent pas remonter le temps, être confinées à gérer le foyer, être torturées par la pauvreté et la faim ou une nouvelle dictature militaire. Elles n’ont rien d’autre à perdre que leur futur. Un programme socialiste "Non à la dette, non à l’UE" est de plus en plus soutenu. L’idée d’un changement révolutionnaire, de l’auto-organisation, de dégager les capitalistes et les banquiers et de planifier la société selon les besoins et non la cupidité d’une poignée. Tout ceci peut attirer les femmes, les jeunes et les plus âgés. L’alternative qui consisterait à rester sous le capitalisme est un cauchemar.

    Ce sont les femmes qui souffrent le plus des guerres, guerres civiles, famines, catastrophes naturelles, saisies de terres ou dégradations environnementales. Ce sont elles qui souffrent le plus des pratiques religieuses réactionnaires comme les mariages forcés ou les mutilations génitales. Mais elles souffrent aussi le plus de l’incapacité du capitalisme à développer les économies pour le bénéfice de tous au lieu du seul bien-être d’une poignée d’ultra riches.

    Dans les pays soi-disant développés, si les longues heures de travail mettent la pression sur la vie familiale, surtout pour les femmes, dans les économies moins développées, les femmes effectuent tout le travail fatiguant dans les champs. Ce sont aussi elles qui doivent porter de l’eau sur des kilomètres à travers le pays. Elles et les enfants sont parmi les travailleurs les plus exploités et harcelés dans les usines et les mines.

    Selon l’association "Care International", 70% des plus pauvres du mondes sont des femmes et des petites filles, deux tiers des gens qui ne savent pas lire et écrire sont des femmes, et dans beaucoup de pays, plus de femmes sont susceptibles de mourir en couche que de recevoir une éducation. Dans un monde où partout les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres, le combat pour gagner des femmes socialistes à la bannière de la socialiste et de la révolution devient chaque jour plus urgent.

    Inde et Chine

    Dans des pays comme la Chine ou l’Inde, la majorité des femmes et de leurs enfants vivent dans une pauvreté absolue. Une certaine couche de la société (environ 300 millions de personnes dans ces deux pays) a pu s’élever d’une pauvreté absolue au niveau de vie moyen des classes populaires. Mais avec le choc de la crise ils commencent à s’embourber à nouveau dans la pauvreté et à se retrouver sans abri. Certains commencent à résister et à se battre sur les questions de logement et d’environnement.

    Les travailleurs (hommes et femmes) qui ont quitté les campagnes désœuvrées pour les grosses usines ont aussi commencé à lutter contre les horaires interminables et les conditions de travail dignes de l’esclavage qui leur sont imposés. En Inde, les jeunes travailleurs de Suzuki Maruti, par exemple, ont formé leur propre syndicat, se sont mis en grève et ont gagné de meilleures conditions de travail ainsi que de meilleurs salaires. Ainsi, ils peuvent nourrir, habiller et loger leur famille dans de meilleures conditions et passer plus de temps avec elle.

    Dans les usines chinoises, les jeunes femmes travaillent parfois jusqu’à 12 heures par jour. Elles ont récemment été impliquées dans d’importantes grèves. Dans l’entreprise Foxcon qui emploie un million de personnes en Chine, principalement des femmes, le suicide apparait comme la seule issue. Cependant, les grèves de l’année dernière ont permis une légère amélioration. Des menaces de suicides collectifs ont encore fait les gros titres, mais l’idée de luttes de masse progresse à nouveau. Le potentiel pour des soulèvements révolutionnaires est ancré dans la situation actuelle de la Chine dans lesquelles de nombreuses femmes joueront un rôle important pour qu’ils soient victorieux.

    Un fort ressentiment monte aussi en Chine contre la politique rigide de l’enfant unique. Elle crée de grandes souffrances émotionnelles et matérielles, surtout pour les femmes. Celles qui peuvent trouver l’argent nécessaire vont à Hong Kong pour contourner la loi et accoucher là bas. Mais elles doivent faire face, non seulement à la possibilité de sanctions à leur retour chez elles, mais aussi des tentatives racistes de faire monter l’hostilité contre les chinois du continent. Les membres du CIO à Hong Kong se battent résolument pour les droits de femmes et aussi contre toutes les expressions du racisme.

    Droits des femmes

    Les femmes doivent avoir le droit de décider si, quand et combien elles veulent d’enfants. Elles peuvent grandement souffrir de la décision d’avoir ou de ne pas avoir d’enfant. Les vrais socialistes défendent le droit de choisir de mettre fin à une grossesse non désirée dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Les membres du CIO mènent campagne, partout dans le monde, contre les religieux et autres réactionnaires qui refusent le droit à un avortement libre, dans des conditions satisfaisantes de sécurité et de délais. Cela doit être considéré comme un droit et non comme les militants hypocrites des mouvements nativistes l’appellent, un « infanticide » ! En Irlande, la députée du Socialist Party, Clare Daly, est intervenue au parlement pour défendre le droit à l’avortement.

    Avec l’approfondissement des crises, il sera de plus en plus difficile pour les femmes (seules ou avec leur conjoints) de nourrir et habiller leurs enfants. Si elles veulent ou doivent limiter le nombre d’enfants qu’elles ont (ou ne pas en avoir du tout), elles ne doivent pas en être empéchées par des restrictions religieuses, étatiques ou financières sur la contraception ou l’avortement. Les femmes doivent pouvoir profiter des plaisirs sexuels sans peur d’une grossesse non désirée. Elles doivent aussi, d’autre part, être aidées dans les problèmes d’infertilité, avec toute l’aide nécessaire de la part de l’Etat.

    Les militants pour le socialisme doivent mener des campagnes contre les mariages forcés, le viol, la circoncision, avec toute la sensibilité nécessaire quant à ces questions délicates. La religion est importante pour beaucoup de personnes qui doivent pouvoir la pratiquer tant que cela n’affecte pas les droits fondamentaux des autres. Cela inclu donc le port du hijab ou même de la burka. Ce droit ne doit pas être refusé aux femmes ni leur être imposé.

    Révolution

    L’année dernière, les révolutions étaient à l’agenda. A travers l’Histoire, en France en 1789 ou en Russie en 1917, ou plus récemment dans les rues de Tunis ou du Caire, les révolutions ont montré qu’elles peuvent éclater sur des revendications basiques comme celle du pain. Et elles peuvent finir par dégager des rois, des tsars ou des dictateurs.

    Dans les révolutions d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, les femmes ont joué un rôle important dans les batailles de rue et dans les grèves qui ont mené à la victoire. Elles ont surtout montré une grande détermination à gagner une société différente de celle prescrite par les dictateurs et par les religieux fondamentalistes réactionnaires.

    Cependant, l’ampleur de la tâche qui reste dans les pays comme la Tunisie et l’Egypte s’est illustrée dans les attaques brutales contre les femmes, même sur la place Tahrir – le centre de la révolution. Les femmes ont organisé des manifestations importantes contre cela. En Tunisie, des membres de la secte extrême des Salafistes ont attaqué des femmes relativement « libérées » qui travaillent dans les universités parce qu’elles choisissent de ne pas porter le voile.

    Aussi longtemps que survivra le capitalisme, l’exploitation et l’oppression des femmes continueront. L’une de ses pires expressions est le trafic d’êtres humains, notamment dans le but de vendre des femmes et des filles pour les forcer à se prostituer. Les campagnes contre toutes les formes d’exploitations et d’oppression dans la société actuelle, et contre toutes les formes de discrimination sur la base du sexe, de la nationalité, des croyances ou de l’orientation sexuelle, ont besoin de l’appui total du mouvement ouvrier organisé.

    Les femmes doivent être à l’avant-garde dans toutes les luttes pour les réformes aussi bien que pour la révolution. Le CIO fait tout ce qui est en son pouvoir pour cela. Les livres, pamphlets et tracts sur les questions qui affectent le plus les femmes sont d’une aide énorme. Les meetings et manifestations sur des questions particulières (fermetures de crèches, de maternités… ) peuvent attirer des femmes à la lutte socialiste. Elles jouent déjà un rôle crucial dans les campagnes pour l’emploi des jeunes, tout comme contre les coupes et l’austérité dans les grèves d’enseignants, de fonctionnaires ou de corps médical.

    Au Sri Lanka, les travailleuses des Zones Franches ont mené une grève contre la réforme des retraites de la dictature de Rajapakse et ont gagné! Au Pakistan une grève importante d’infirmières a été victorieuse. Dans la province de Sindh l’année dernière, les femmes du CIO ont organisé une marche impressionnante et bruyante sous la bannière de l’ « Association des Travailleuses de la Santé Progressive » (voire la vidéo). Au Kazakhstan, les femmes jouent un rôle primordial dans la lutte contre les expulsions de logement. Aux USA et partout, les mouvements « Occupy » ont vu des femmes exprimer leur colère contre les banquiers et les 1% de privilégiés qui dominent la société sous le capitalisme. La façon d’écrire ‘indignad@s’ en Espagne – combinant la terminaison féminine “a” avec la terminaison masculine “o” – indique une certaine conscience de l’importance de ce que les femmes soient traitées en égales.

    A l’occasion de la Journée Internationale des Femmes de 2012, le CIO salue les courageuses femmes pionnières du socialisme. On voit s’ouvrir une période de soulèvements révolutionnaires dans laquelle le CIO sera enrichi par le recrutement de femmes combattantes, sans peur.

    Les bolcheviks qui sont arrivés au pouvoir sous la direction de Lénine et Trotski ont immédiatement ouvert la porte à une “Nouvelle Vie” pour les femmes, comme le disait une célèbre affiche de propagande de l’époque. Sur la base d’une économie nationalisée, gérée par les représentants élus des travailleurs, et d’une extension de la révolution aux économies les plus avancées où l’industrie pourrait se développer plus rapidement, le rêve d’une vie sans corvée à la maison ni au travail, pourrait rapidement se réaliser.

    La montée de Staline, l’écrasement de l’internationalisme socialiste authentique, a fermé cette porte. Sous le dictateur, la vie des femmes est devenue de plus en plus dure – supportant à nouveau le double fardeau des longues heures à l’usine et le manque de crèches, de laveries, de restaurants et de loisirs.

    Dans le monde d’aujourd’hui, les révolutions prennent place dans un contexte complètement différent. Elles feront tache d’huile d’un pays à l’autre de la même façon que l’année dernière. Les gouvernements ouvriers, établis par une lutte massive, auront la tâche de réorganiser et de développer la société sur base d’un niveau plus élevé de technologies et de sciences.

    Les travailleurs – hommes et femmes – qui feront les révolutions socialistes du XXIème siècle se battront obstinément pour empêcher les anciens dirigeants de s’accrocher au pouvoir. Ils se battront aussi becs et ongles pour empêcher un personnage comme Staline, ou une clique de privilégiés, de leur voler leur révolution. Sur la base de nationalisations sous le contrôle et la gestion par les travailleurs, des perspectives s’ouvriront pour une nouvelle société – basée sur la satisfaction des besoins et des aspirations plutôt que sur la cupidité et l’exploitation, de telle façon que personne n’acceptera de revenir en arrière.

    Nous, au CIO, luttons sans cesse pour que le socialisme soit atteint dans le monde entier. Une telle société, réalisée par la propriété publique, le contrôle et la planification démocratiques, sera finalement capable d’utiliser harmonieusement et co-opérativement les talents de chaque être humain et les ressources naturelles de la planètes pour le plus grand bénéfice de la société humaine.

  • Fukushima, un an après

    Profits sur le nucléaire, les peuples dans la galère, de cette société-là, on n’en veut pas !

    Ce 11 mars, cela fait un an que le désastre de Fukushima s’est produit au Japon, l’occasion de tirer le bilan d’une année d’hypocrisie de la part de la classe dirigeante, une année où le gouvernement japonais a voulu utiliser de petits pansements pour cacher une blessure faite à la hache.

    Par Clément (Bruxelles)

    Au départ il y a eu ce tremblement de terre sous-marin qui a engendré un tsunami. Le séisme, tout comme le tsunami, ont gravement endommagé la centrale (la destruction des systèmes de refroidissement des réacteurs provoquant la fusion de leurs ‘‘coeurs’’ et l’explosion du taux de radiation). Ce n’est que quatre jours plus tard que les autorités décidèrent (enfin) d’évacuer les 750 travailleurs qui tentaient de colmater l’incident avec du matériel hétéroclite et obsolète, exposés à des taux de radiations potentiellement mortels. Différents corps de métiers (pompiers, maçons, soldats) se rendirent sur place, jusqu’à un millier le 23 mars. Le 30, le gouvernement proclama officiellement la fin de l’état d’urgence. L’entreprise concernée – le géant énergétique Tepco – évalue à 40 ans le temps qu’il faudra pour démanteler la centrale. Jusqu’ici, 300.000 tonnes d’eau ont été contaminées, 110.000 évacuées, des sols sont impropres à la culture pour les 80 prochaines années, il y a au moins 1084 cas potentiels de cancer de la gorge et le nuage radioactif a été jusqu’au bord des côtes irlandaises. Plus de soixante ans après Hiroshima, le traumatisme était encore profondément gravé dans la population.

    Aujourd’hui, ce traumatisme est considérablement renforcé, de même que la colère et la rancoeur contre cet Etat incapable d’établir un plan de secours efficace, un Etat corrompu par les lobbys et qui a sacrifié sa population contre des pots de vins, colère et rancoeur enfin contre cette entreprise qui a réduit les coûts de sécurité au minimum pour satisfaire sa soif de profits. Une fois encore, le capital et le libéralisme, par son ‘‘laissons faire, les problèmes s’autoréguleront’’ ont illustré leur incompétence à protéger la population avant et après la catastrophe. Tepco est aujourd’hui engagée dans tout une série de procès qui visent à refuser d’endosser la responsabilité de conséquences de la catastrophe, notamment sur base de l’argument que les radiations émises ne lui appartenaient plus, et qu’elle ne peut donc être tenue pour responsable. ‘‘Condamner Tepco reviendrait à considérer que l’air peut appartenir à quelqu’un et personne ne veut cela’’, a même osé dire l’un de ses avocats…

    Cette attitude n’est pas une particularité japonaise. Ainsi, si la dénucléarisation est une question qui revient régulièrement lors des campagnes présidentielles françaises, la Cour des Comptes a publié un rapport qui affirme que le démantèlement coûterait 15 milliards d’euros. Trop cher, alors on continue… Pourtant, les réacteurs nucléaires français ont été construits dans les années ’70 et étaient prévus pour durer… 20 ans. Nous sommes en 2012, pas de danger ?

    Il est vrai qu’en comparaison de la France (qui dispose de 58 réacteurs), la Belgique et ses 7 réacteurs font pâles figures. Mais leur longévité ne devait également pas dépasser les 20 ans, et les partis traditionnels ont décidé en 2003 de la fermeture des centrales après 40 ans d’exploitation ! Mais l’Organisme national des déchets et des matières fissiles enrichies (ONDRAF) a dévoilé que l’argent prévu pour le démantèlement des centrales manque à l’appel… L’ONDRAF préconisait de provisionner 578 millions d’euros fin 2010 pour le démantèlement des centrales nucléaires, mais la Commission des provisions nucléaires (tout en étant d’accord avec ce montant) n’a mis de côté que 347 millions d’euros. Avec quelles conséquences ?

    Tepco au Japon, Areva en France, GDF Suez en France et en Belgique,… Ces entreprises ne visent que le rendement maximum, et tant pis pour la collectivité.

    Il est temps que cesse cette dictature des 1% qui met en danger les 99% de la population. L’alternative à ce secteur énergétique dominé par la soif de profit, c’est la nationalisation complète du secteur, sans rachat ni indemnité, et sous le contrôle des travailleurs et de la collectivité. C’est la seule façon de garantir la satisfaction des besoins énergétiques de la population ainsi que la transition de la production d’énergie vers une production réellement verte et sûre, par un financement massif d’une recherche scientifique indépendante du lobby nucléaire et autres.

    Manifestation nationale "Fukushima plus jamais" le 11 mars, 14h30 Gare du Nord

  • Assainir jusqu'à tous devenir grecs?

    Austérité et tragédies grecques, en Belgique aussi ?

    Le plan de Di Rupo Ier pour aller chercher 11,3 milliards d’euros en priorité chez les travailleurs âgés, les chômeurs et les malades n’est pas encore d’application que la prochaine vague s’annonce déjà. Au cours du contrôle budgétaire de début mars, le gouvernement fédéral a parlé d’aller saisir deux milliards d’euros supplémentaires. Toucher à l’indexation, augmenter la TVA, instaurer une cotisation sociale généralisée et une nouvelle déclaration libératoire ‘‘unique’’ pour rapatrier de l’argent noir… Toutes ces mesures sont discutées. L’année prochaine, il sera à nouveau question de 12 milliards d’euros et, les deux années suivantes, d’encore 25 milliards ‘‘pour faire face au vieillissement’’. Entre temps, les gouvernements régionaux vont nous tomber dessus, suivis par les autorités communales après le mois d’octobre. Telle une avalanche, l’austérité arrivera de tous les côtés.

    Par Eric Byl

    Selon les politiciens, ces mesures sont nécessaires pour nous protéger de l’orage économique dont l’épicentre se situe au beau milieu de l’eurozone. Les banques et autres spéculateurs se sont aventurés bien au-delà de la zone de sécurité avec le crédit toxique. Les autorités ont dépensé des milliards d’euros pour les tenir à flot et se sont porté garantes de montants bien plus importants. La Belgique s’est portée garante pour 130 milliards d’euros, principalement pour Dexia. Si ces garanties sont utilisées, nous serons alors en pleine tragédie grecque. Mais même sans ce scénario, l’avalanche d’austérité démolira ce qui nous avait évité le pire : notre sécurité sociale et l’indexation des salaires.

    Avec le dossier de cette édition (en page 8 et 9), nos lecteurs pourront prendre connaissance des conditions inhumaines imposées à la classe ouvrière et aux classes moyennes grecques. Le compromis n’est plus possible : il faut résister ou prendre la fuite, par l’émigration si possible, mais d’autres cherchent refuge dans la drogue, ou se suicident. Les allocations et les salaires ont été réduits de 30% en moyenne. L’économie n’est toutefois pas devenue plus compétitive pour autant, bien au contraire, elle s’est contractée de 15% depuis le début de la crise. A cela s’ajoutera encore une croissance économique négative de l’ordre de 4 à 7% pour cette année.

    Plus de 3 millions de Grecs (sur 11 millions) connaissent déjà la pauvreté, avec des revenus inférieurs à 7.000 € par an. De plus en plus de gens font la queue aux soupes populaires ou aux polycliniques des Médecins du Monde car ils ne sont plus couverts par la sécurité sociale ou sont simplement dans l’impossibilité de payer la facture de soin minimale. Ces deux dernières années, 200.000 entreprises ont fermé leurs portes.

    Les mesures d’austérité n’ont pas marché. La dette publique qui était de 129% du PIB en 2009 dépasse actuellement les 160% tandis que le déficit budgétaire est toujours de 10% du PIB. Après des années d’intérêts usuriers, les banques acceptent désormais que leurs obligations grecques ne valent désormais plus que 30% de leur valeur nominale. En échange de plus d’austérité drastique, la troïka a accepté de prêter encore 130 milliards d’euros à la Grèce. Mais même selon ses propres calculs – qui sous-estiment toujours le frein sur la croissance que constitue l’austérité – la dette publique grecque sera toujours de plus de 120% en 2020. En Italie, il n’en a pas fallu autant pour éjecter Berlusconi et imposer sans le moindre suffrage le technocrate Mario Monti. Même l’Union européenne admet que son plan ne sauvera pas la Grèce de la faillite mais ne fera que gagner du temps.

    La Commission reconnait aujourd’hui que l’Union subira cette année une baisse économique de 0,3%. Les pays où l’austérité est la plus forte vont enregistrer leur plus grande chute économique. Dans la zone euro, seule l’Allemagne (+0,6%) et la France (+0,4%) connaîtront encore une relative croissance économique, mais seulement grâce à l’afflux de capitaux en fuite vers des lieux plus sûrs. En dehors de la zone euro, l’économie polonaise connaîtra une croissance grâce aux travailleurs polonais qui reviennent au pays et quittent l’Europe occidentale. Aucune relation positive de cause à effet n’a pu être établie entre l’austérité et la croissance. L’idée selon laquelle l’austérité est capable de redresser l’économie et de sécuriser l’avenir des jeunes est un écran de fumée qui sert uniquement à masquer la cupidité des patrons et des politiciens. On stoppe mieux une avalanche d’austérité en s’y prenant dès le début. Ceux qui pensent qu’il faut s’y opposer doivent le faire sans plus attendre.


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  • Une révolution socialiste peut-elle être pacifique ?

    La question de la violence est souvent posée aux militants marxistes : pouvons-nous changer le monde par des moyens pacifiques ? Les gens sont généralement rebutés par l’idée du conflit et peuvent trouver choquant de parler de révolution. Cela évoque pour eux des images de lutte armée, de guerre civile et de chaos, choses que toute personne saine d’esprit trouvera désagréable.

    Comment les socialistes authentiques peuvent-ils expliquer cette question ? Quelle approche adopter ? Tout d’abord, comprendre le rôle de la violence dans les changements sociaux exige une compréhension des forces qui existent dans la société capitaliste. Le capitalisme est un mode de production qui n’a pas toujours existé. Comme tout système social, il est né du développement des forces de production de la société précédente (le féodalisme dans ce cas-ci) et a renversé celle-ci. Tout comme les conditions sociales et économiques avaient jeté les bases du capitalisme, le capitalisme a posé celles du socialisme.

    Les contradictions internes au capitalisme (développement d’une classe ouvrière majoritaire, le prolétariat exploitée; impossibilité de continuer à faire croître les forces productives sur base de la propriété privée des moyens de production; recherche effrénée de nouveaux marchés où vendre les produits du travail, ce qui créé perpétuellement des guerres) sont précisément les facteurs qui ont créés d’eux-mêmes les bases nécessaire à la construction d’une nouvelle société.

    Comme l’a expliqué le célèbre marxiste américain James Cannon, le rôle des socialistes authentiques est ”de préparer les travailleurs pour cela, de les convaincre qu’une telle société est souhaitable et d’essayer de les organiser pour accélérer sa venue et pour y parvenir de la façon la plus efficace et la plus économique.”

    C’est le facteur subjectif qui décide si une société va aller de l’avant sur base du socialisme ou si les mouvements révolutionnaires vont être brutalement défaits. L’histoire enseigne que la classe dominante qui a fait son temps ne cède pas tout simplement sa place de bonne volonté. Elle se bat avec énergie et recourt à tout ce qui est à sa disposition afin de se maintenir au pouvoir. C’est à ce moment qu’apparait réellement l’intérêt de cette question portant sur l’utilisation de la violence.

    Beaucoup de gens nous demandent ”pourquoi ne pourrions-nous pas parvenir pacifiquement au socialisme par la voie parlementaire ?” Nous devons patiemment leur expliquer que, bien entendu, nous préférerions largement que cela se passe de cette façon, et que nous tenterons d’ailleurs d’emprunter la voie pacifique aussi loin qu’elle pourra nous conduire. Mais la classe dominante, elle, ne permettra pas qu’il en soit ainsi. Elle aura recours à la violence contre le mouvement pour le changement. Il nous faudra alors nous défendre, nous-mêmes ainsi que le droit de la majorité de la population de faire progresser la société. Voici expliqué en termes généraux quelle a de tous temps été la position des marxistes véritables.

    L’approche marxiste

    La première formulation de la position marxiste concernant la question de la révolution pacifique est apparue chez Engels dans les ”Principes du communisme” (1847). En réponse à la question : ”Sera-t-il possible d’obtenir l’abolition de la propriété privée par des méthodes pacifiques ?”, Engels répondait : ”Il serait souhaitable que cela se produise ainsi et les communistes seraient sans doute les derniers à résister à cela…Mais ils voient aussi que le développement du prolétariat dans presque tous les pays civilisés a été arrêté par la force. Si, à la fin, le prolétariat oppressé doit être poussé à la révolution, nous communistes nous défendrons la cause des prolétaires par les actes aussi bien que nous le faisons maintenant en paroles.”

    Ce qu’Engels voulait dire, aux premier temps de la publication des idées du socialisme, c’est que nous préférons évidement opérer une transition pacifique vers une autre société, mais que nous ne pouvons pas la garantir du fait de l’opposition irréductible des capitalistes. Face à leur volonté de s’accrocher à leurs privilèges, qui dépendent du système capitaliste, nous devons nous préparer et nous tenir prêts à nous défendre, nous-mêmes ainsi que notre projet politique alternatif.

    Dans la même réponse, il a également expliqué que : ”Les communistes savent trop bien que toute conspiration est non seulement vaine mais aussi nuisible. Ils ne savent que trop bien que les révolutions ne sont pas provoquées délibérément ou arbitrairement, mais qu’en tout temps et en tout lieu, elles ont surgi de circonstances absolument indépendantes de la volonté et du leadership de partis et de classes sociales.”

    Engels mettait ce point en relation avec la question de la violence. Les marxistes ne sont pas partisans d’une insurrection provoquée par une minorité. La révolution socialiste, au contraire des révolution précédentes, requiert la participation active et consciente d’une vaste majorité de la population agissant dans son propre intérêt.

    Le mouvement pour le socialisme est un mouvement démocratique visant à l’instauration d’une société démocratique. Son programme ne peut être réalisé qu’avec le soutien actif de la majorité. Dans ces conditions, la question de la violence devient donc en fait la question du refus de la minorité capitaliste de se soumettre à la volonté de la majorité.

    Cela fut très précisément le cas lors de la révolution russe de 1917. Au contraire de ce qu’on peut trouver dans de nombreux livres d’histoire et commentaires d’historiens bourgeois, les bolcheviques ont patiemment attendu et fait de l’agitation jusqu’à ce que leur programme obtienne le soutien de la majorité de la population. Ce n’est qu’alors que s’est concrètement posé la question de la prise du pouvoir. La violence survenue par la suite fut orchestrée par une minorité contre-révolutionnaire.

    La révolution russe de 1917

    Après la révolution de février 1917, qui avait renversé le Tsar de Russie Nicolas II, les bolcheviques constituaient une petite minorité dans la société. Ils avaient compris que, dans la perspective de changer la société vers le socialisme, il n’est pas suffisant d’avoir le soutien des seuls travailleurs avancés. Il est nécessaire de gagner la majorité des travailleurs, des couches des forces armées et, dans le cas de la Russie de l’époque, une large part de la paysannerie.

    Ils avaient bien compris que 90% du travail pour la révolution socialiste vise à gagner les masses par l’explication et l’organisation. Sans le soutien d’une majorité aux idées du socialisme, tout mot d’ordre de guerre civile et d’insurrection est irresponsable et contreproductif, et ne conduit pas au socialisme. Les idées du socialisme authentique sont totalement opposées à celles du terrorisme individuel, qui n’ont pas du tout comme objectif de gagner les masses au socialisme

    Tout au long de l’année 1917, Lénine a souvent dû démentir la thèse selon laquelle les bolcheviques étaient favorables à la violence. Il a toujours pointé du doigt la responsabilité de la classe dirigeante pour la violence. Même le fameux slogan ”tout le pouvoir aux soviets” a été accusé d’être en réalité un appel à la violence.

    Lénine a catégoriquement réfuté cela en disant: ”apparemment, tous les partisans du slogan ”tout le pouvoir aux soviets” n’ont pas donné une bonne idée du fait qu’il s’agissait d’un slogan pour la progression pacifique de la révolution. Pacifique dans le sens où personne, aucune classe, aucune force d’une quelconque importance ne pourrait résister ou empêcher le transfert du pouvoir aux soviets. Ce n’est pas tout. Le développement pacifique pourrait être possible même au sens où la lutte des classes et des partis à l’intérieur des soviets pourrait revêtir une forme plus pacifique et plus douce, à condition que l’entièreté du pouvoir d’Etat passe aux soviets en temps et en heure.” Trotsky a résumé cette position dans ”L’Histoire de la révolution russe” en écrivant: ”Tous les efforts du parti depuis avril jusque juillet ont étés dirigés vers la possibilité d’un développement pacifique de la révolution au travers des soviets.”

    Les bolcheviques ont donné le pouvoir aux chefs de file réformistes qui avaient la majorité dans les soviets des ouvriers paysans et soldats dans le but de gagner démocratiquement la majorité à l’intérieur de ces structures. Ils considéraient cela comme la voie la plus pacifique vers la révolution. Même lorsqu’ils étaient en minorité dans ces structures, Lénine et Trotsky ont argumenté afin d’éviter une confrontation prématurée avec l’Etat. Mais comme les dirigeants réformistes continuaient à se démasquer et à montrer leur véritable nature au grand jour, les bolcheviques ont finalement remporté la majorité des suffrages au sein des soviets.

    Mais ayant emporté la majorité, une divergence d’opinion existait entre Lénine et Trotsky à propos du moment auquel prendre le pouvoir. Lénine voulait directement profiter des divisions du pouvoir en septembre, quand ils étaient certains d’obtenir la majorité dans les soviets. Trotsky, par contre, était d’avis de postposer l’insurrection jusqu’au Congrès des soviets, le vote donnant aux bolcheviques un mandat clair pour prendre le pouvoir. C’était un facteur décisif pour achever le transfert pacifique du pouvoir. L’élément essentiel n’était pas la force militaire ou l”aptitude à prendre le pouvoir, mais la légitimité politique découlant du soutien des masses.

    Le jour du Congrès des soviets, le Comité Militaire Révolutionnaire, un organe élu des soviets maintenant sous influence bolchevique, déclencha l’insurrection d’octobre. Les bolcheviques ont pris cette décision pour défendre les acquis du mouvement révolutionnaire et les protéger de la contre-révolution, pour défendre le droit des masses à développer une société basée sur la satisfaction de leurs propres intérêts. Comme ils étaient bien préparés et qu’ils avaient gagné la majorité à leurs vues, le transfert du pouvoir qui eu lieu à Petrograd se fit sans grande violence.

    La tactique des bolcheviques était de poursuivre sur la voie la plus pacifique vers la révolution et, ayant gagné la majorité, de prendre le pouvoir afin d’éviter que le mouvement ne soit noyé dans le sang. Leur patient travail de préparation fut aussi nécessaire afin de mobiliser les masses en défense du gouvernement des travailleurs contre les forces contre-révolutionnaires et les armées d’invasion durant la guerre civile qui suivit.

    De nombreuses conditions défavorables qui existaient du temps de la révolution russe n’existent plus aujourd’hui. Le développement des forces productives a partout donné un poids gigantesque à la classe ouvrière. Contrairement à l’époque de la révolution russe, la classe ouvrière constitue une majorité décisive dans chaque pays capitaliste avancé. Parallèlement, la base de la contre-révolution, particulièrement la paysannerie, a diminué. Ce changement dans la situation objective aura d’énormes conséquences sur les futures possibilités de révolution socialiste.

    Mai 1968

    Le plus grand potentiel pour une transformation plus pacifique de la société a été illustré par l’expérience de mai ’68 en France.

    En mai ’68, la France était en pleine révolution. En l’espace de quelques jours, à partir d’une grève générale de 24 heures en solidarité avec les protestations étudiantes, dix millions de travailleurs sont partis en grève. Trotsky expliquait qu’une révolution survient quand les masses commencent à participer activement à la vie de la société. Elles deviennent alors conscientes de leur propre force et du fait qu’elles détiennent leur avenir dans leurs mains. C’est ce qui s’est produit en France en 1968.

    La classe dirigeante française et ses alliés avaient espéré qu’une grève générale de 24 heures serait suffisante pour faire retomber la pression et éviter d’autres actions. Mais les travailleurs en avaient décidé autrement et ont spontanément suivi l’exemple donné par les travailleurs de Sud Aviation. Le lendemain de la grève générale, ils sont retournés à leur usine… pour l’occuper. Ils ont enfermé leurs patrons, ont organisé un comité d’action et se sont rendus dans les usines avoisinantes et les lieux de travail pour diffuser leur idée. A partir de ce moment, la grève révolutionnaire a pris de l’élan. En un week-end, deux millions de travailleurs se sont mis en grève. Le 20 mai, ils étaient six millions et le 24 mai, ils étaient dix millions.

    Avec tous les secteurs de la société influencés par la grève, un des plus puissant gouvernement du monde développé était en crise. La classe dirigeante française était divisée et affaiblie. Aucune des nombreuses mesures répressives, aucun hurlement, aucune concession ne semblait capable d’enrayer le mouvement. La classe moyenne était non seulement acquise à l’idée de la grève, mais aussi très impliquée dans le mouvement. La police était en grève, les marins se mutinaient et les conscrits déclaraient qu’ils ne voulaient pas être utilisés contre leurs frères et leurs s?urs grévistes. La classe ouvrière avait instantanément rendu obsolètes les institutions du capitalisme et même le rôle du président.

    Le 27 mai, les représentants syndicaux obtinrent des concessions économiques importantes de la part du gouvernement et des patrons. Mais quand ils revinrent vers les travailleurs pour faire approuver ces acquis, ceux-ci les rejetèrent assemblée après assemblée. Ces réformes ne concernaient pas les demandes les plus fondamentales des travailleurs: leur désir d’avoir une économie, un système politique et une société en général contrôlée par eux-mêmes.

    A ce moment, dans une situation sans espoir, le Général De Gaulle s’envola pour l’Allemagne. A ce point, le mouvement avait complètement déstabilisé le régime et aurait pu, avec une direction révolutionnaire consciente, mettre fin au capitalisme et installer un gouvernement des travailleurs. Malheureusement, il n’y avait pas de parti capable de diriger avec succès un transfert relativement pacifique du pouvoir vers la classe ouvrière. Ainsi, rassuré par l’incapacité des dirigeants ouvriers à prendre le pouvoir, De Gaulle retourna à Paris. Il annonça la dissolution du parlement, de nouvelles élections et une campagne contre le communisme.

    Les travailleurs étaient amenés par le gouvernement et les leaders syndicaux à reprendre le travail. On leur disait de se concentrer sur les élections. Des charges de police furent nécessaires pour mettre fin aux occupations d’usines et en expulser les travailleurs. Le gouvernement et le patronat se vengeaient après avoir repris confiance.

    Malgré la défaite, ce que l’expérience de mai 68 a démontré, c’est qu’une transformation socialiste de la société peut se produire relativement pacifiquement si cette idée est présente dans chaque couche de la société et que les travailleurs sont convaincus de la nécessité de prendre la direction de la société dans leurs propres mains. Ce qui a manqué en France, c’était une direction révolutionnaire prête à les guider.

    Les violences qui ont eu lieu sont survenues précisément à cause du fait que les travailleurs ont échoué à prendre le pouvoir. C’est d’ailleurs la leçon de plusieurs autres révolutions. Si le mouvement ne parvient pas à prendre le pouvoir des mains capitalistes et à démanteler l’Etat capitaliste, les capitalistes restaure leur autorité en ayant recourt à la force.

    La révolution aujourd’hui

    Aujourd’hui, une révolution dans n’importe quel pays capitaliste avancé serait sûrement similaire à ce qui s’est déroulé en France à l’époque. S’il est vrai que l’état capitaliste est fort du nombre de ses policiers, de ses soldats et de ses ressources militaires, ce n’est pas un facteur déterminant. Un soulèvement socialiste révolutionnaire ne peut pas être compris qu’en termes de forces militaires. C’est d’abord une question de relations de forces dans la société.

    La force dont dispose la classe ouvrière dans la société capitaliste découle de son rôle dans la production et dans le fonctionnement de tous les aspects de la société. Si les travailleurs stoppent le travail, tout doit s’arrêter. S’ils construisent leurs propres structures de distribution et de décision, alors l’ordre ancien vole en éclat.

    Lorsque les travailleurs s’engagent dans une lutte de masse, se démontrant à eux-même qu’ils représentent une force importante dans la société, ils peuvent rapidement gagner le soutien de la classe moyenne exploitée, qui partage plus d’intérêts en commun avec eux qu’avec les banques et les monopoles capitalistes.

    Si les travailleurs peuvent gagner le soutien d’autres secteurs de la société comme ils l’ont fait en France et en appeler aux soldats et aux policiers sur une base de classe, ils peuvent miner la base sur laquelle la classe dirigeante peut mobiliser contre eux. Sans armée pour se battre pour eux, les capitalistes seront bien forcés de se retirer.

    Voilà quelles sont les forces qui existent dans le monde capitaliste aujourd’hui. Pour cette raison, la possibilité d’une transition vers le socialisme largement pacifique est plus grande aujourd’hui qu’à l’époque de la révolution russe.

    Quel est le principal obstacle aujourd’hui?

    Le principal problème auquel nous devons faire face aujourd’hui est que la classe ouvrière n’est pas pleinement consciente du pouvoir collectif qu’elle représente. Les réformistes du mouvement ouvrier international prennent du temps à convaincre les travailleurs qu’ils sont faibles et que l’Etat capitaliste est le plus fort. Une part de leur boniment est consacré à faire peur aux travailleurs avec l’idée que la révolution signifie inévitablement la violence et la guerre civile.

    Les socialistes authentiques ne doivent entretenir aucune illusion sur le fait que la classe capitaliste se battra avec tous les moyens à sa disposition pour conserver son pouvoir et son assise. Mais ses capacités de le faire dépendent des moyens dont cette classe dispose. Et cela dépend, pour une large part, de la capacité d’un parti révolutionnaire et de la classe ouvrière à en appeler à tous les secteurs de la société et à gagner le plus grand nombre à la cause de la révolution.

    Si les marxistes ne sont pas des partisans de l’idée de la violence, nous ne sommes pas non plus des pacifistes. Nous comprenons le rôle de l’état capitaliste et le désespoir avec lequel la classe capitaliste s’accroche au pouvoir. Cependant, nous considérons la question de la violence comme une question politique où le meilleur moyen d’assurer une voie pacifique vers la révolution est de mobiliser les masses afin de miner les bases matérielles de la contre-révolution, pour miner le soutien à la classe capitaliste.

    Avec le large soutien des masses, la classe ouvrière pourrait prendre pacifiquement le pouvoir, comme elle aurait pu le faire en France en 1968. En fait, un peuple qui a commencé à lutter doit continuer à le faire avec une orientation socialiste, c’est la seule façon envisageable d’éviter la violence.

  • Message de solidarité avec les travailleurs de Meister à Sprimont

    C’est avec consternation que nous, membres de la fraction de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique (GUE/NGL) au Parlement Européen, avons appris ce qui s’est produit à l’entreprise Meister, une filiale de Poppe & Potthoff Gmbh & Co qui produit des pièces détachées pour voitures, à Sprimont, en Belgique.

    Message de solidarité de députés européens de la Gauche Unitaire Européenne

    Document en format PDF

    Voici une semaine, les travailleurs ont appris que deux commandes importantes allaient être accordées à un autre site en République Tchèque. Craignant la délocalisation d’une partie de la production, ils ont exigé d’obtenir des explications. Comme la direction est restée sourde à ces attentes, ils ont organisé le blocage du site, enfermant la direction. La direction a été relâchée après une heure, mais 3 camions de pièces produites sont restés bloqués par les travailleurs.

    Le dimanche, la direction a répliqué en envoyant 35 gros bras – certains armés de matraques, de sprays au poivre et équipés de gilets pare-balles – pour évacuer de force les 3 camions des travailleurs. Il s’agissait d’agents de sécurité d’une entreprise de gardiennage allemande qui n’a pas de licence pour opérer en Belgique ce qui, selon la Loi belge, en fait une milice privée illégale. Ils ont infiltré le lieu et enfermé quatre ouvriers de maintenance, dont deux ont été blessés, afin de les empêcher de prendre contact avec l’extérieur. Toutefois, un piquet d’une centaine de travailleurs, à l’entrée, les a empêché de partir. Finalement, la police est arrivée sur place pour ”exfiltrer” les gros bras du patron, mais aucun d’entre eux n’a été arrêté. Leurs identités n’ont même pas été relevées, et leurs armes n’ont pas été saisies.

    Nous sommes consternés par la manière dont certains patrons abusent du droit à la libre circulation au sein de l’Union Européenne pour mettre sur pied une action paramilitaire. Il s’agit très clairement d’un dangereux avertissement pour l’entièreté du mouvement ouvrier, qui requiert une réponse déterminée.

    Nous croyons que les travailleurs ont le droit de lutter pour leurs emplois et saluons leur détermination pour ce faire. Nous croyons également que la police ne doit pas être seule à sérieusement enquêter sur Meister, les syndicats belges, français et allemands devraient aussi mener leur propre investigation concernant ce qui s’est passé et élaborer un plan d’action commun destiné à résister à de telles attaques à l’avenir.

    Nous sommes totalement solidaires des travailleurs de Meister. Nous soutiendrons chaque initiative syndicale d’informer les travailleurs d’autres sites de Meister et Poppe & Potthoff, et allons par nous-mêmes diffuser les informations concernant cette attaque. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons nous défendre de telles violences et sauvegarder nos conditions de travail, le droit de grève et nos emplois. No pasarán!

    En solidarité,

    • Paul Murphy MEP (Socialist Party, Irlande)
    • Patrick Le Hyaric MEP (Front de Gauche, France)
    • Nikolaos Chountis MEP (Syriza, Grèce)
    • Willy Meyer MEP (Izquierda Unida, Espagne)
    • Sabine Lösing MEP (Die Linke, Allemagne)
    • Sabine Wils (Die Linke, Allemagne)
    • João Ferreira (Partido Comunista, Portugal)
    • Inês Zuber (Partido Comunista, Portugal)
    • Marisa Matias MEP (Bloco de Esquerda, Portugal)
    • Miguel Portas MEP (Bloco de Esquerda, Portugal)
    • Søren Bo Søndergaard MEP (Danemark)
    • Kartika Tamara Liotard MEP (Membre Indépendante, les Pays-Bas)
    • Helmut Scholz MEP (Die Linke, Allemagne)
    • Younous Omarjee MEP (Liste "Alliance des Outre-Mers", France)
    • Gabriele Zimmer MEP (Die Linke, Allemagne)
    • Thomas Händel MEP (Die Linke, Allemagne)
  • Projection-débat à l’ULB : Bent

    Ce mardi 28 février, à 19h, une projection aura lieu à l’ULB. Bent est un film réalisé par Sean Mathias et inspiré de la pièce de théâtre éponyme de Martin Sherman, scénariste du film. Ce film est le premier à traiter de la déportation homosexuelle. Ce chef-d’œuvre, Prix de la Jeunesse au Festival de Cannes de 1997, relate en effet un aspect peu connu de l’histoire : la traque des homosexuel-le-s pendant la période nazie.

    Bien que victimes d’atrocités similaires à celles subies par les Juifs et les Roms, leur sort est toujours mal reconnu aujourd’hui. Beaucoup de gens ignorent également que nombre de survivants furent toujours sujets de persécutions, parfois arrêtés et emprisonnés, malgré la fin de la guerre, car les lois criminalisant l’homosexualité restèrent gravées dans le code pénal.

    Qu’elle soit plus ou moins perçue, la persistance des discriminations et des préjugés envers les minorités sexuelles reste d’actualité. Cette soirée s’inscrit dans la mise en lumière de la haine des homosexuel-le-s dans les évènements qui font notre Histoire. Motivée notamment par le discours négationniste, dont les propos récemment tenus par le parlementaire français Christian Vanneste, "Il n’y a pas eu de déportation homosexuelle en France", l’organisation de cette soirée se veut être une réaction simple mais directe face au mépris des évidences. Ne les laissons pas reconsidérer l’histoire et profaner ainsi la mémoire des victimes de la déportation !

    Le PSL soutient cette initiative car toutes les divisions nous affaiblissent ! Au cours de ce mois de mars, avec les mobilisations contre la manifestation du NSV à Louvain, contre le centre fermé de Vottem et en défense du droit à l’avortement, la lutte contre les discriminations sera mise à l’honneur dans nos activités. Cette projection abordant les discriminations homophobes s’inscrit totalement dans ce cadre.

    PROGRAMME DE LA SOIREE

    A 19H : LE FILM Synopsis : À Berlin, en juin 1934, Max (Clive Owen) fréquente les lieux interlopes de la capitale du Reich et vit avec Rudy, un danseur de cabaret. Le 29 juin, à la suite du meurtre brutal par des SS d’un SA dont il venait de faire la conquête, Max entame une fuite tragique avec Rudy et se retrouve à Dachau. Max, portant une étoile jaune, y rencontre Horst qui porte le triangle rose. Ensemble, ils vont tenter de supporter les conditions de vie effroyables du camp de concentration.

    A 21H30 : LE DEBAT Participeront au débat :de jeunes acteurs de la Compagnie Artaban ayant joué la pièce Bent à Bruxelles il y a peu, l’historien français Mickaël Bertrand, auteur de "La déportation pour motif d’homosexualité en France. Débats d’histoire et enjeux de mémoire", un membre d’une association LGBT.

    • Evènement facebook

    INFOS PRATIQUES

    La soirée aura lieu à l’ULB, campus du Solbosch, auditoire Lameere (UB2.252A), l’accueil commencera à 18h30. Des petits sandwiches seront disponibles à prix coûtant. Le film sera diffusé en VOSTFR.

    Avec le soutien d’ATTAC-ULB (Cercle altermondialiste), du CHE (Cercle Homo Etudiant), du BEA (Bureau des Etudiants Administrateurs), du CdH (Cercle d’Histoire), du LIBREX (Cercle du Libre Examen) du CROM (Cercle de Romanes), du CSA (Cercle Salvador Allende), d’EGA-ULB (Etudiants de Gauche Actifs), des ES (Etudiants Socialistes), des Etudiants FGTB de Bruxelles, du CEL (Cercle des Etudiants Libéraux), de COMAC-ULB (Mouvement de jeunes du PTB), des JAC (Jeunes Anticapitalistes), du CPhi (Cercle culturel de Philosophie), d’Amnesty-ULB, du CD (Cercle de Droit)…

  • La lutte internationale peut mettre un terme à la dictature des marchés !

    NON à la dette! NON à l’austérité! NON au chantage!

    En 2012, les marchés et les gouvernements à leur service ont encore plus de misère en stock. Cela signifiera à la fois une aggravation de la crise économique et de la guerre menée contre les vies et l’avenir des travailleurs. Avant tout, il y aura cette tentative d’imposer un nouveau ”pacte financier” mis au point par les politiciens de l’Union Européenne. La nouvelle grève générale de 48h des 10 et 11 février en Grèce a aussi illustré quelles sont les batailles à mener dans cette guerre de classe. Nous, les sections du Comité pour une Internationale Ouvrière de Grèce, Irlande, Portugal, Italie et Espagne, soutenues par les autres sections du CIO comme celle de France et d’Allemagne, avons travaillé à cette déclaration pour répondre à la guerre de classe déclarée contre les travailleurs et les jeunes, une réponse contre le chantage des marchés et de l’UE, une réponse contre le mensonge selon lequel il n’existerait qu’une seule alternative : celle de la lâche capitulation face aux marchés et aux actionnaires.

    Déclaration commune des sections du CIO en Grèce, Espagne, Portugal, Italie et Irlande

    En Europe, récemment devenu l’épicentre de la crise économique, les travailleurs et les jeunes n’ont cessé d’être touchés par la crise. Ils ont face à eux des perspectives toujours plus négatives. Dans la ”périphérie” de l’eurozone – Grèce, Portugal, Espagne, Italie et Irlande – la situation est dominée par un chômage de masse, en particulier pour les jeunes, une récession prolongée et une pauvreté croissante.

    Les politiques d’austérité, nées de la détermination de faire payer la crise aux travailleurs, ne servent qu’à davantage aggraver la crise économique. Les nouveaux gouvernements favorables au marché comme le Parti Populaire en Espagne et les prétendus gouvernements de technocrates imposés par les spéculateurs aux populations de Grèce et d’Italie ont, comme on pouvait s’y attendre, échoué à renverser la vapeur.

    Le processus de contagion est inévitable, avec l’Italie et la Grèce rendues exsangues par les marchés de la dette. Cela s’accompagne d’un élargissement de la crise de la dette, qui risque d’engloutir des pays dit ”centraux” comme l’Allemagne ou l’Autriche. Cette dernière est étroitement reliée à la crise financière dévastatrice à l’oeuvre en Europe de l’Est dans des pays comme la Hongrie ou la Roumanie. Tout cela pointe vers la possibilité d’une tempête financière au cours de laquelle l’Euro ne peut survivre, pas dans sa forme actuelle.

    Ejecté de l’Euro ?

    Avec le retour d’une politique ouvertement coloniale de la part des plus importantes puissances impérialistes, en particulier du capitalisme allemand, nous sommes confrontés à la collaboration jusqu’à présent docile et obéissante de la classe dirigeante nationale. A titre d’exemple, il suffit de penser à la proposition du gouvernement allemand d’abolir le contrôle grec sur le budget pour le remplacer par un commissaire européen mandaté pour surveiller l’économie grecque.

    Une des caractéristiques de la crise actuelle est la volonté des pontes du système de court-circuiter les ”normes” démocratiques, et de donner ainsi à la dictature des banques et des corporations une expression beaucoup plus claire et visible. Les politiciens et gouvernements qui défendent le système capitaliste pourri se limitent à présent au rôle de poupées chargées d’exécuter le diktat des marchés et de la troïka. Le traité intergouvernemental signé lors du dernier sommet européen souligne cette évolution. Ce traité va légalement enteriner la domination des politiques d’austérité.

    Les tentatives désespérées des chefs capitalistes, en particulier en Irlande, d’éviter un referendum sur cette question (celle des politiques d’austérité) montrent une fois de plus leur approche anti-démocratique, qui s’explique elle-même par la volonté du capitalisme à l’échelle mondiale. Toutefois, dans d’autres cas, comme en Grèce sous Papandreou cet automne, on a pu voir comment des gouvernements capitalistes essayaient d’utiliser les référendums pour mettre en place une campagne de chantage et de peur autour de ”l’éventuelle catastrophe” d’un effondrement économique qui suivrait un ”non” lors du référendum.

    Seul la mobilisation de la force des travailleurs et des jeunes, armés d’une alternative politique aux plans catastrophiques du capitalisme, peut changer la donne. Nous supportons pleinement le droit des populations de rejeter par un référendum organisé de manière pleinement démocratique, le paiement de la dette, les coupes sociales, etc. Nous nous joignons aux millions de travailleurs et de jeunes qui demandent d’exprimer leur opinion sur les politiques d’austérité. Au cours des ces échéances, nous défendrons un NON clair et sans ambiguïté.

    Combattons le chantage

    En 2011, on a vu les travailleurs intervenir massivement dans toute une série de pays européens. La Grèce a connu 7 grèves générales (dont deux de 48h) en 2011, auxquelles il faut ajouter les 7 grèves générales de 2010, alors que l’année 2012 a commencé par une nouvelle vague de grèves générales début février, en réaction aux mesures violentes discutées par le gouvernement. Cela illustre l’ampleur de la colère et de la détermination des travailleurs grecs à résister face à cette situation désespérée.

    Le Portugal a connu une grève générale en novembre, et, en Italie, il y a eu plusieurs vagues de grèves et de protestations. Au Portugal, comme en Espagne, on a vu l’explosion du mouvement des Indignés, exprimant une rage contre la dictature des banquiers. L’arrivée des masses dans les rues de Bucarest et d’autres villes a fait tomber le gouvernement roumain cette semaine.

    La réponse de l’establishment fut une campagne de chantage et de peur contre la population, en plus d’une violente répression d’Etat, dans laquelle la sortie de l’euro a été présentée comme une guillotine suspendue au-dessus des travailleurs. Cette campagne a exploité la crainte légitime des travailleurs. En restant dans les limites du système capitaliste, une sortie d’un certain nombre de pays de l’euro provoquerait une période de profonde crise économique pour toute l’eurozone, avec un accroissement du chômage, de la pauvreté et de l’appauvrissement de la population qui toucheraient des millions de travailleurs, avant tout ceux des pays “périphériques comme la Grèce, Irlande, l’Espagne ou l’Italie.

    C’est pourquoi la classe ouvrière et les mouvements sociaux, avec l’aide des partis de gauche de masse, là où ils existent, ont le devoir de développer un programme pour dépasser cette crise qui défie et dépasse le cadre et la logique de la zone euro et de l’actuel système du marché.

    Cela doit commencer par un rejet implacable du paiement de la dette nationale aux marchés des vautours et des Etats, ainsi qu’aux institutions européennes comme la BCE. Ces immenses dettes, volées sur la base de la spéculation capitaliste, d’une gestion criminelle et du népotisme pratiqué par les gouvernements néo-libéraux successifs – parmi lesquels il faut aussi compter les soi-disant partis ”socialistes” en Espagne, en Grèce, au Portugal et ailleurs – se sont démultipliées avec le sauvetage des banques, alors que la population y était opposée. Ces dettes, nous n’en sommes pas responsables.

    Alors que l’argent des travailleurs, comme les fonds de pensions, doit être protégé, il faut en revanche s’opposer résolument au pompage des ressources de la société pour payer ce fardeau criminel. En dehors de la logique malsaine des classes dirigeantes, exécutant les diktats de la Troika, ces ressources pourraient être utilisées pour créer des millions de postes de travail, pour établir un système de providence décent avec un système de santé et d’éducation public, organiser des activités économiques productives à travers de grands programmes d’investissements publics.

    Sur la base de banques et d’un secteur financier nationalisés, tout comme devraient l’être les les secteurs-clés de l’économie, sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs, un plan d’urgence pourrait être développé pour créer massivement des emplois et rétablir les conditions de vie. Nous pourrions alors voir des politiques socialistes authentiques qui commencerait à dépasser les problèmes fondamentaux imposés aux travailleurs et aux chômeurs.

    On nous dit qu’avec de telles mesures, les pays seraient éjectés de la zone euro. Cependant, avec l’offensive actuelle de l’austérité et l’impasse dans laquelle les grands pouvoirs mènent les économies les plus faibles, une telle issue (défaut de paiement et éjection de la zone euro) parait proche de toute façon!

    C’est vrai, sur base de la continuation du capitalisme et restant en dehors de la zone euro, le cauchemar pour les travailleurs continuerait ou même empirerait, puisque la dévaluation sabrerait leurs conditions de vie et leurs épargnes sous les attaques du capitalisme grec, malgré la soi-disant « indépendance » de l’Union Européenne. Mais le moyen d’éviter le désastre économique pour la classe ouvrière n’est pas d’accepter n’importe quelle attaque contre nos droits et conditions, juste pour rester dans la zone euro un peu plus longtemps ! Du point de vue des capitalistes, les alternatives que nous avons maintenant sont: a) rester dans la zone euro, en acceptant la destruction totale de l’aide de l’état ou b) garder l’euro et, faisant face à une isolation économique, un violent déclin et une misère sans précédent.

    Les travailleurs d’Europe ont cependant une troisième solution: elle commence par organiser la défense des conditions de vie et des droits des travailleurs et la rupture avec le système capitaliste.

    Cela devra s’étende à des lutes unifiées de la classe ouvrière internationale, surtout dans les pays les plus affectés par la crise. L’unité dans la lutte des travailleurs de Grèce, du Portugal, d’Irlande, d’Italie et d’Espagne pour renverser les plans de « sauvetage » et l’austérité est un pas en avant crucial et nécessaire pour la construction d’une telle alternative.

    Nous ne partageons pas, bien sûr, la vision nationaliste étriquée de ceux qui disent de simplement quitter l’euro. Les tensions nationales qui ont augmenté au cours de la crise, qui se sont vues en particulier par la propagande anti-Grecs par les représentants du capitalisme en Allemagne, en France, en Autriche et dans d’autres pays, augmentent le danger de division et les sentiments nationalistes. L’extrême-droite menaçante et les forces populistes peuvent jouer sur ces sentiments, et peuvent faire des avancées dangereuses, comme cela s’est vu en Hongrie, en Autriche et ailleurs, compte tenu du vide dans la représentation politique de la classe ouvrière.

    Et bien entendu, nous n’espèrerons jamais des gouvernements au service de la classe dominante qu’ils appliquent la politique que nous défendons. Celle-ci ne peut être accomplie que sur base d’une lutte et de perspectives anticapitalistes internationales et par un gouvernement représentant et servant les intérêts des travailleurs.

    Initialement confronté à l’éjection de la zone euro, un gouvernement des travailleurs pourrait appliquer un programme d’urgence incluant le contrôle étatique sur les importations et les exportations et, pour arrêter la “fuite des capitaux” par les possédants et les multinationales assoiffés de profits, l’imposition de contrôles du capital, sous le contrôle démocratique de représentants élus. Cela devrait être repris et dans les luttes dans tout le continent.

    Sur de telles bases, on pourrait avancer vers l’intégration authentique de l’économie et de la société européenne, à laquelle les politiques des gouvernements au service des patrons et le système capitaliste lui-même ont été un obstacle.

    Cette lutte pourrait gagner rapidement un soutien massif dans toute l’Europe, par un appel aux alliés de la classe ouvrière au Portugal, en Espagne, en Irlande, en Grèce et en Italie, mais aussi dans les économies-clé avancées en Allemagne, en France, au Royaume-Uni etc.

    Les pays éjectés de l’Union Européenne, formant une fédération sur des bases socialistes, pourraient commencer une planification et une coordination démocratiques de l’économie internationalement, dans une lutte pour une Confédération Socialiste des Etats Indépendants des Travailleurs en Europe, sur des bases libres et égales.

    Une alternative internationaliste pour mettre fin à la misère de la crise

    Plusieurs journées d’action internationales organisées au cours de l’année dernière ont donné un aperçu de la force dont peuvent disposer les travailleurs et les jeunes. Le 15 octobre 2011, Le mouvement des Indignés et Occupy ont fait descendre des millions de gens dans la rues dans le monde entier. La Confédération Européenne des Syndicats a organisé différentes actions, dont la dernière est planifiée le 29 février. Elles ont le potentiel de mobiliser, mais des actions symboliques ne sont pas suffisantes. Nous soutenons l’avancée de telles initiatives, vers une première grève générale de 24 heures dans toute l’Europe. Les grèves générales en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Irlande et en Italie devraient être coordonnées et simultanées contre les plans de sauvetages et les politiques d’austérité de la Troïka. Ce serait une première démonstration initiale d’unité et de force.

    Cependant, l’attitude des dirigeants de la Confédération Européenne des Syndicats dans leurs pays respectifs a montré que leur intention n’était pas de mener une lutte sérieuse jusqu’au bout contre la crise du capitalisme. Déplorablement, dans beaucoup de pays la classe ouvrière se confronte à la crise avec une direction syndicale indigne de ce nom, qui a systématiquement refusé de mobiliser toute la puissance de la majorité pour résister aux attaques du marché.

    Les travailleurs et les jeunes en Grèce et au Portugal ont donné une indication de comment la pression des masses et l’organisation par en bas sont efficaces à pousser la direction à agir. Le CIO lutte pour une transformation démocratique des syndicats, pour la construction de l’opposition de gauche, pour le remplacement des dirigeants qui penchent à droite par ceux qui ont la volonté de lutter et sont complètement responsables devant les membres du syndicat et contrôlés par elle, payés au salaire moyen de leur base. Les grèves générales de la période à venir devront être contrôlées démocratiquement et construites par en bas, au moyen d’assemblées générales sur les lieux de travail et dans la société, et de comités d’action, pour assurer que les luttes soient victorieuses et ne soient pas vendues par en haut.

    Nous sommes convaincus que, armés de telles organisations et d’une telle politique, on peut lutter pour une véritable alternative et la populariser. Mais une partie essentielle de ce processus est aussi de forger des organisations politiques de masse, contrôlées démocratiquement par les travailleurs, les jeunes et les pauvres, pour construire le soutien et la campagne pour une alternative aux coupes et au capitalisme. Un tel nouveau mouvement de la gauche serait capable de canaliser la colère de ceux qui sont dégoûtés par les institutions politiques vers la construction de forces politiques complètement distinctes de celles qui les ont trahies par le passé.

    Rejoignez le CIO dans la lutte pour amener les travailleurs et les jeunes à combattre dans cette perspective !

    Nous revendiquons :

    • Non à la dictature des 1%! Pour la démocratie réelle maintenant ! Les travailleurs et les chômeurs devraient décider, pas les marchés !
    • Non à l’impasse de l’austérité! Non aux coupes, pour des investissements massifs dans les emplois, le logement, l’éducation et la société ! Non au cauchemar du chômage des jeunes!
    • Pour une solution basée sur la lutte internationale! Pour des grèves générales coordonnées ! Vers une grève de 24 heures Européenne !
    • Pour des syndicats démocratiques et combattifs! Construction de la lutte par en bas par des assemblées et des comités d’action ! Construction de vrais instruments politiques massifs de gauche de la classe ouvrière et des jeunes !
    • Rejet du chantage de la Troïka et des marchés ! Seule une lutte massive peut briser le carcan de l’austérité ! Non aux gouvernements « technocrates » antidémocratiques ! Un referendum pour arrêter les nouveaux plans d’austérité de l’Union Européenne !
    • Pour une Europe des travailleurs! Opposition à l’Union Européenne capitaliste ! Luttons pour une Confédération Socialiste des états libres et indépendants en Europe !

    Socialismo Revolucionario (CIO au Portugal), ControCorrente (partisans du CIO en Italie), Socialist Party (CIO en Irlande), Xekinima (CIO en Grèce), Socialismo Revolucionario (CIO en Espagne)

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (1)

    1. L’été dernier, l’illusion selon laquelle le capitalisme mondial allait parvenir à s’extraire du pétrin dans lequel il se trouve depuis 2008 a de nouveau volé en éclats. On était parvenu à changer la Grande Dépression en une Grande Récession. C’est pourquoi on avait ouvert les robinets à argent, les dettes privées avaient été transférées aux gouvernements et les stimulants de masse avaient sauté. Depuis lors, une question cruciale tient en suspens les économistes et les politiciens : à partir de quand les déficits budgétaires peuvent-ils être purgés, sans pour autant de nouveau rejeter l’économie dans la récession ?

    2. Bonne question ! Au lieu de redémarrer au turbo sur les starting-blocks, l’économie mondiale continue à cahoter. Cela suscite des tensions, qui deviennent difficiles à cacher même avec diplomatie. Ces derniers 18 mois, les États-Unis et la FED ont continué à arroser l’économie avec leur pompe à pognon. C’est entre autres comme cela que le déficit budgétaire des États-Unis va atteindre cette année un nouveau record de 1.645 milliards $. Dans le meilleur des cas, cela pourra redescendre en-dessous de 1.000 milliards $ à partir de 2013. En même temps, le bilan de la FED, l’autorité monétaire destinée à lubrifier l’économie, a grimpé de 1.000 milliards $ avant la crise du crédit, à 3.000 milliards $ en juillet de cette année.

    3. Le gouvernement chinois a encore une fois surpassé l’américain. En pourcentage du PIB, les stimuli chinois dépassent de moitié les américains. Grâce à ses banques sous contrôle d’État, 3000 milliards $, soit 60% du PIB, sont passés au crédit. Cela n’a pu se faire que par la nature hybride de l’État chinois. Même si cela fait bien longtemps déjà que la demi-caste, demiclasse dirigeante a décidé de passer à une économie de marché, elle dispose encore toujours de leviers qui lui permettent de mobiliser les forces productives d’une manière dont les autres économies purement de marché ne peuvent que rêver. Le régime a ainsi pu neutraliser l’effet de la grande récession sur son économie et dans la foulée soutenir l’économie américaine afin d’éviter d’être entrainé en chute libre avec elle.

    4. La Chine a accumulé 3.200 milliards $ en réserve au cours de ces dernières décennies, 66% en dollars, 26% en euro. Elle aimerait bien diversifier ce trésor. Un peu partout dans le monde, les détenteurs de capitaux sont très conscients de cela. C’est pourquoi la Chine se trouve sous pression. Le moindre signe qu’elle commence à vendre ses réserves en dollars causera une fuite subite, chacun cherchant à se débarrasser de ses dollars, conduisant à une implosion de cette devise, et à une baisse subite de la valeur de ses réserves. Mais sur un plus long terme, le fait de garder ces réserves en dollars pourrait s’avérer encore plus grave.

    5. L’économie chinoise est bien la deuxième au monde par sa taille, mais avec 1.250 millions d’habitants, la consommation des particuliers est sous celle de l’Allemagne, avec ses 82 millions d’habitants. La Chine a exporté près de 1.600 milliards $ en 2010. La dépendance envers le marché américain est énorme. Le surplus commercial (c.à.d, les exportations moins les importations) avec les États-Unis en 2010 était de 273 milliards $, plus que le surplus commercial total, qui est lui de 183 milliards $. Face au surplus commercial avec les États-Unis, il y a il est vrai un déficit commercial avec les pays fournisseurs de matières premières et de mains d’oeuvre encore meilleur marché dans la plupart des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. La Chine a donc tout intérêt à ce que l’économie américaine continue à tenir le coup.

    La Chine – nouvelle superpuissance mondiale ?

    6. Les mesures prises par le gouvernement chinois ont assuré une poursuite de la croissance dans toute une série de pays, dont par exemple le Brésil et l’Australie, mais cela n’est pas sans risque. Le Brésil présente à nouveau des signes d’économie coloniale qui produit essentiellement des matières premières et des produits semi-finis et en échange ouvre son marché aux produits manufacturés chinois. On y voit même un processus de désindustrialisation. Avec l’immense hausse de la productivité en Chine, en moyenne de 9,6% entre 2005-2009, cela a fait croître l’illusion que la Chine est sur le point de détrôner les États-Unis en tant que principale puissance mondiale. Tout comme les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale avaient chassé de cette position le Royaume-Uni.

    7. Cela est cependant peu probable. Aussi bien le Royaume-Uni que les États-Unis disposaient durant toute leur phase ascendante des techniques de production les plus modernes. C’était leur efficience de production qui déterminait les limites scientifiques et technologiques du reste du monde. Tous deux ont connu leur période de gloire dans une période d’expansion économique. Les Etats-Unis – après que ses plus importants concurrents aient été aplatis sous les bombardements, l’Amérique latine leur étant tombée dans les mains comme un fruit bien mûr – ont pu imposer leurs termes commerciaux et leur monnaie au reste du monde capitaliste, et ont développé une économie de guerre, sans pour autant avoir à subir les désavantages de la guerre. Voilà quelles ont été les conditions par lesquelles les techniques de production qui étaient déjà connues avant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui se heurtaient auparavant aux limites du marché, ont pu être appliquées pour la première fois à une échelle de masse.

    8. Déjà en 1950, les États-Unis étaient beaucoup plus productifs que leurs concurrents. La productivité de l’Allemagne et de la France n’atteignait même pas la moitié de la productivité américaine. L’Union Soviétique n’en atteignait à peine que le tiers, et le Japon un cinquième. Les seuls qui atteignaient des résultats comparables étaient l’Australie, le Canada et… le Venezuela. Le Royaume-Uni était alors déjà un bon quart moins productif, juste un peu mieux que l’Argentine, mais derrière Hong Kong. Dans les années ’60 et ’70, la productivité aux États-Unis ne s’est cependant accrue que de moins de +3%, alors qu’elle s’accroissait de +5% dans les quinze pays de l’Union Européenne et de +8% au Japon. Comment cela se fait-il ? Selon la FED, à New York (Current Issues v13, n8), parce que lorsque la quantité de capital placée par travailleur est basse, le capital est relativement productif. Il a alors un haut produit marginal (la quantité par laquelle la production s’accroit pour chaque nouveau travailleur engagé) et contribue visiblement à la croissance de la productivité.

    9. Ce phénomène a déjà été expliqué par Marx. Il a fait remarquer le changement dans la composition organique du capital. Avec la composition organique, on détermine le rapport entre capital “vivant et variable” et capital “mort et constant”. Le capital vivant est consacré aux heures de travail de la main d’oeuvre et fournit une plus-value. Le capital mort est consacré aux bâtiments, aux matières premières, aux machines, et transmet sa valeur à celle du produit final, mais sans y ajouter de plus-value. La concurrence force les capitalistes à au moins suivre les techniques les plus modernes, et donc à investir de plus en plus dans du capital mort, aux dépens du capital vivant. L’effet clairement contradictoire de cela est le fait que le taux de profit – le profit réalisé par unité de capital investie – a une tendance à baisser. Les marxistes appellent cela “la loi de la baisse tendancielle du taux de profit”.

    10. Comme seconde raison pour expliquer la faible croissance de la productivité aux USA dans els années ’60 et ’70, la FED explique que des pays connaissant une degré moindre de technologie et de techniques de production, qui attirent des investissements étrangers et autres joint-ventures, pouvaient facilement copier les USA. On appelle cela la “loi de l’avancée en tant que frein” ou, pour employer une terminologie plus multilatérale et plus marxiste, la “loi du développement inégal et combiné”. Cela explique la croissance plus rapide de la productivité au Japon après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi pourquoi un pays qui se coupe du monde extérieur est au final condamné à stagner et à rester en arrière. La Corée du Nord ou l’Albanie d’Enver Hoxha, de véritables caricatures d’autarcie, en sont des témoins flagrants.

    11. La rapide hausse de la productivité au Japon et dans l’Union européenne a cependant cessé au début des années ’90. Selon la FED, cela s’est produit en Europe à cause de la “rigidité du produit et du travail”. Selon nous, cela s’est produit parce que le mouvement ouvrier en Europe est mieux parvenu qu’aux États- Unis à résister contre les tentatives du patronat de rehausser le taux d’exploitation. Pour le Japon, la FED explique qu’au fur et à mesure que la productivité d’un pays atteint son summum, le produit marginal baisse, et il devient plus difficile de copier, et de ce fait la hausse de la productivité devient plus difficile à réaliser. Nous ajouterions ceci : à moins qu’il ne survienne une situation exceptionnelle. La destruction massive de l’infrastructure et des moyens de production pendant la Deuxième Guerre mondiale constituait une telle situation exceptionnelle.

    12. Les États-Unis ont connu leur période de gloire durant l’âge d’or des années ’50 et ’60. À ce moment, la croissance économique était tirée par l’État social, avec la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, l’apparition de véritables allocations sociales, de services publics et d’un système d’impôt progressif. L’économie chinoise est au second rang si on compare sa taille pour tout le pays mais, en termes de richesse par habitant, elle se trouve à la 95e place. Le pays connait une énorme croissance de la productivité de par les raisons définies ci-dessus, auxquelles il faut ajouter son infrastructure, son niveau d’enseignement et sa centralisation, tout cela hérité de son économie planifiée. Pourtant, la productivité par travailleur en 2005 n’y était que de 15% supérieure à ce qu’elle est aux États-Unis. La Chine devrait surmonter cela, alors que nous sommes en plein milieu d’une période de contraction économique.

    Les déséquilibres de l’économie chinoise

    13. Tout comme pour le Japon en son temps, la croissance économique chinoise est essentiellement poussée par les investissements. Au début, cela permet une croissance fébrile mais, après un certain temps, cela devient un frein. Entre 2000 et 2010, les investissements se sont accrus chaque année en moyenne de 13,3%, mais la consommation des particuliers n’a cru que de 7,8%. Cela signifie un transfert de la consommation vers les investissements. La baisse des salaires, l’expansion du crédit et un cours de change sous-évalué ont tous contribué à cela. La part de la consommation dans le PIB au cours de cette période est passée de 46% à 34%, tandis que celle des investissements passait de 34% à 46%. Pour 1% de croissance du PIB, il fallait encore dans les années ’90 une croissance du capital de 3,7%, en 2000, ce 1% de croissance exigeait par contre une hausse des investissements de 4,25%. On voit donc que la rentabilité de l’investissement diminue.

    14. C’est pourquoi Wen Jiabao, le premier ministre chinois, a déclaré l’économie ‘‘instable, déséquilibrée, non-coordonnée et au final, non-durable’’. On craint que ‘‘ne soient piégés les revenus moyens.’’ C’est le phénomène où un pays ne parvient plus à croître à partir du moment où il a atteint un niveau bien défini. L’incapacité à livrer l’accès aux couches moyennes pour la majorité de la population est un de ces symptômes. Les bas salaires et la répartition inégale sont il est vrai la source de la croissance des investissements. En fait, la croissance devrait être plus basée sur la consommation des particuliers. La croissance des investissements devrait être inférieure à celle du PIB. Dans les années ’80, le Japon a tenté de soutenir la croissance avec le crédit d’investissement, sans effet : cela a conduit à une explosion du crédit. Dans les années ’90, la correction est arrivée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connait.

    15. Plus encore qu’à l’époque au Japon, les investissements en Chine sont basés sur du crédit. Sans un soutien artificiel, une grande partie ne serait pas rentable. Le moindre affaiblissement de la croissance à 7% ferait s’écrouler les investissements à 15% du PIB. Toute tentative de réorienter les moyens vers les ménages causerait une encore plus grande baisse des investissements. De ce fait, on voit que les investissements deviennent une source de stagnation, au lieu d’être un moteur pour la croissance. La Chine a maintenant un PIB par habitant comparable à celui du Japon en 1950 (juste après la guerre et juste avant le début de sa phase de croissance rapide longue de 25 ans). On dit que le PIB par habitant de la Chine pourrait atteindre 70% de celui des États-Unis en 2035, comme l’a fait le Japon en 1975 – à ce moment, l’économie chinoise serait plus grande que celle des États-Unis et de l’Europe ensemble. Bien que la taille de la population chinoise offre une échelle et des possibilités supplémentaires pour la répartition du travail, il y a aussi d’importants inconvénients qui y sont liés, le gigantesque besoin en matières premières n’est pas des moindres.

    16. La création d’argent avec laquelle le gouvernement chinois a tenté de repoussé la crise en 2009 et 2010 n’a pas réduit sa dépendance face aux exportations et aux investissements. Sur le marché de l’immobilier, il y a énormément de spéculation, dont l’argent est financé par des prêts. Cela a causé une énorme hausse des prix. La bulle immobilière a entrainé avec elle du capital spéculatif. Les investisseurs courent, il est vrai, le risque d’une réévaluation du yuan par rapport au dollar. Les hausses salariales sont compensées par la hausse des prix à la consommation. Le taux d’inflation “alarmant” provient apparemment de la croissance rapide du crédit et de la monnaie et de la hausse du prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires ; cela est renforcé par les spéculateurs qui attendent que la demande augmente. L’exportation massive de produits chinois fait en sorte qu’il y a un afflux massif de devises étrangères. Les entreprises tout comme les particuliers peuvent facilement prêter de l’argent, comme le robinet à crédit a été coupé sur injonction des autorités. Mais tandis que le gouvernement national coupe le robinet à crédit, celuici reste grand ouvert auprès des autorités locales.

    Guerre des devises et commerciale

    17. L’Occident trouve que le dernier plan quinquennal s’attaque insuffisamment aux problèmes structurels. On doit faire quelque chose pour résoudre la dépendance aux exportations et le fossé entre riches et pauvres. L’Occident a peur d’un affaiblissement de la croissance. Nouriel Roubini avertit d’un danger de crash. Mais leurs remarques ne sont certainement pas désintéressées. Ils espèrent gagner en compétitivité en forçant la Chine à réévaluer sa monnaie. Ils veulent aussi gagner l’accès à quelques miettes du marché intérieur chinois, mais celui-ci doit d’abord être mis sur pied. Pour la Chine, ils défendent par conséquent ce que partout ils combattent à tout prix : de meilleurs salaires et une sécurité sociale. Mais l’idée que la Chine puisse subitement gonfler sa consommation sans toucher aux intérêts des détenteurs de capitaux privés est une illusion. L’économie chinoise est une économie de marché libre dans la mesure où une hausse significative des salaires ou une réévaluation comparable du yuan provoquerait une chute du niveau d’investissements, et avec elle, de la croissance économique.

    18. Les gouvernements américains et européens demandent à la Chine ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se permettre. À première vue, c’est plutôt agréable. Dans la pratique, il s’agit d’une manoeuvre audacieuse. Ainsi, l’assouplissement quantitatif dont a fait usage la FED avait comme prévu affaibli le dollar au milieu de l’an passé. Cela a incité les spéculateurs à s’adonner au “carry trade”, c.à.d. à emprunter des dollars à un taux quasi nul pour les placer dans des pays avec un taux plus élevé. L’investisseur encaisse la différence de taux, sans même y engager son propre argent. L’affluence d’investissements a poussé la valeur des devises des pays receveurs, au détriment de leur compétitivité. Le premier à utiliser le terme de “guerre monétaire” a été le ministre des finances brésilien Guido Mantega, mais il exprimait ainsi ce à quoi beaucoup d’autres gens pensaient déjà. Le Brésil demande à l’OMC de prendre des sanctions contre les pays qui laissent filer trop bas leur taux de change. Il y a aussi le dumping. La Chine menace d’une guerre commerciale si les États-Unis décident de placer des taxes à l’importation sur les produits chinois.

    États-Unis : la politique anticyclique échoue

    19. Les États-Unis sont désespérément à la recherche de quelqu’un qui puisse reprendre une partie de leurs problèmes. De là viennent la pression sur la Chine pour qu’elle réévalue sa monnaie, la guerre monétaire à peine voilée, et le plaidoyer en faveur d’une politique monétaire plus conviviale en Europe. Depuis la catastrophe qu’a été le passage du “war-president” George W Bush avec ses cadeaux fiscaux aux riches, l’idée dominante est à présent de lutter contre la crise par une politique anticyclique. Ce courant est représenté par le président Obama, son ministre des Finances Timothy Geithner, et le président de la FED Bernanke. Tout comme leurs opposants, ils trouvent que l’État doit remettre de l’ordre dans ses dépenses, mais pas d’une manière qui risque d’hypothéquer la croissance. Ils craignent que des économies drastiques ne rejettent à nouveau l’économie dans la récession, voire la dépression. En plus de cela, ils souhaitent une participation de la part des riches, pour éviter des réticences de la part de la population face au plan d’austérité. Le gourou de la Bourse Warren Buffet affirme publiquement vouloir payer plus d’impôts.

    20. Cette politique s’est composée des stimuli de 800 milliards $ au début 2009, et de deux opérations d’assouplissement quantitatif par la FED, pour un total de 1850 milliards $. Entretemps, on a lancé le QE 1.5, avec lequel des remboursements libérés sont consacrés à des prêts d’États supplémentaires. La FED a également décidé de bétonner le taux nul jusqu’à 2013. Au final, elle a vendu pour 400 milliards $ de bons d’État à court terme (jusque 3 ans) et a acheté pour un montant semblable en bons d’État à long terme (de 6 à 30 ans). Rien ne semble cependant fonctionner. La consommation des particuliers n’a pas repris parce que les ménages tentent maintenant de rembourser leurs dettes, parce que le chômage sape le pouvoir d’achat, et parce que les autorités locales économisent sur les services et sur le personnel. Malgré des taux très bas, les entreprises américaines continuent à simplement stocker leur argent, pour un montant de 1,84 milliards de dollars, et préfèrent racheter leurs propres actions plutôt que d’investir.

    21. L’absence de résultat sape la crédibilité du gouvernement. Cela renforce la confiance des opposants, qui avaient pourtant pris un fameux coup avec la disparition de Bush. Cela a fait changer de camp ceux qui hésitaient. Au sein de la FED, Bernanke doit de plus en plus compter avec l’opposition, mais il ne doit pas se présenter à des élections. Obama et ses Démocrates n’ont pas ce luxe. Au niveau des Etats et au niveau plus local, des économies copieuses sont déjà bien avancées, même là où des Démocrates sont au pouvoir. Le mouvement Tea Party a sauté sur le mécontentement pour se présenter en tant que défenseur de l’Américain travailleur. Pour les Républicains, ces radicaux de droite étaient des partenaires bienvenus qui les ont aidés à obtenir la majorité à la Chambre basse en 2010.

    Le fouet de la contre-révolution

    22. Mais ce soutien pourrait bien s’avérer être un cadeau empoisonné. Le rôle des partisans du Tea Party dans l’attaque brutale contre les conditions de travail et les droits des travailleurs, entre autres au Wisconsin, a provoqué une réaction de masse. Pour les jeunes et les travailleurs, cela a été un moment décisif. Cela, en plus de son empressement à laisser les États-Unis faire défaut sur leurs paiements (pendant le débat sur le plafond légal de la dette), a endommagé le soutien populaire du Tea Party. Cela pourrait être décisif pour les élections présidentielles de 2012. Trouver un équilibre entre l’establishment des Républicains et les activistes qui exigent un plus grand rôle avec le Tea Party, devient de plus en plus difficile. Un Républicain modéré a officiellement une plus grande chance de récupérer des votes démocrates. Mais c’est surtout les dangers liés au fouet de la contre-révolution, qui font que l’establishment se réunit catégoriquement derrière la candidature de Mitt Romney. Il n’est pas exclu que ce “Grand Old Party” se dirige vers une scission après les élections présidentielles, et que le système des deux partis ne se rompe en premier lieu sur son flanc droit.

    23. Cela ne signifie pas pour autant qu’Obama a déjà gagné. Pour relever le plafond de la dette, on prévoit des économies pour 2.500 milliards $ au cours des dix prochaines années. Pas un mot sur plus d’impôts pour les riches. Le nombre de pauvres a augmenté l’an passé jusqu’à 46,2 millions, le nombre le plus élevé en 52 ans. 15% des Américains sont pauvres, le plus haut chiffre depuis ’93 : 10% des Blancs, 12% des Asiatiques, 26% des Hispaniques et 27% des Noirs. 50 millions d’Américains sont non-assurés, 48 millions des personnes entre 18 et 64 ans sont sans travail. Le revenu médian des ménages est retombé à son niveau de 1996. Le revenu médian personnel d’un travailleur adulte masculin, rapporté en dollars de 2010, était l’an passé inférieur à celui de 1973. Entre 1980 et 2009, le revenu des 20% les plus riches s’est accru de 55%, celui des 20% les plus pauvres a baissé de 4%. En 2007, 23,7% du revenu national allait aux 1% les plus riches, soit la même proportion que ce qui avait été atteint en 1929, juste avant la Grande Dépression.

    24. À chaque fois que l’on espère que l’économie a été sauvée et que l’on pense alors à débrancher la mise sous perfusion par la FED, apparait l’une ou l’autre statistique qui envoie tout valser. En août, pas un seul job n’a été créé. Les chiffres parus en juillet ont dû être fortement revus à la baisse. Immédiatement est réapparue l’angoisse que l’économie allait droit vers une nouvelle récession. Obama a lancé un nouveau plan d’emploi pour 447 milliards $, dont 240 milliards pour la réduction de moitié des impôts sur salaire, une mesure essentiellement destinée à soutenir les PME. De l’argent a été libéré pour des investissements dans des autoroutes, des chemins de fer et des écoles, et des moyens ont également été prévus pour tempérer le nombre de licenciements d’enseignants dans les écoles d’État. Pour réduire le chômage officiel de 9,1% à 5% en 5 ans, il faudrait cependant créer tous les mois 300.000 nouveaux emplois. Depuis le début de 2010, cela n’a été que 100.000 en moyenne, mais cela aussi s’est fortement réduit ces derniers temps.

    25. Ce plan ne suffira pas à remettre sur pied l’économie américaine pour une croissance durable. Il n’est qu’une répétition du plan précédent, en mode mineur. Avec de la chance, cela pourrait de nouveau tirer la croissance de l’emploi, jusqu’à la fin de ce plan. Le problème fondamental n’est toutefois pas un manque de moyens pour investir. Les entreprises ont tous les moyens qu’il leur faut. Elles ne croient cependant pas que l’investissement dans la production pourra rapporter suffisamment. Bon nombre d’entreprises reçoivent aujourd’hui bien plus de profits de par leurs transactions financières que de leur production. De plus, il n’est plus garanti qu’il existe encore un marché pour pouvoir absorber la production. Avec le développement actuel de la science et de la technique, les innovations nécessitent des années de recherche pour un rendement qui doit être réalisé dans un délai de plus en plus court. À peine un produit est-il développé qu’avec les possibilités actuelles il suffit tout au plus de quelques années pour saturer le marché mondial.

    26. Entretemps, l’État américain accumule les dettes. Tôt ou tard, il faudra bien les payer. Jusqu’à récemment, on considérait que cela était une donnée sûre. L’impasse dans le débat autour du plafond de la dette a cependant semé le doute. Qui aurait pensé que les politiciens aller amener les États-Unis au bord d’un défaut de paiement afin d’obtenir gain de cause dans la discussion budgétaire ? L’agence de notation Standard & Poors a décidé pour la première fois dans l’Histoire de baisser la garantie sur crédit de l’État américain. Elle a pris cette décision au lendemain d’un rapport avec une faute de calcul de pas moins de 2.000 milliards $. En plus, les marchés s’en foutaient de cette notation. La demande en bons du Trésor américain n’a pas descendu, de sorte que les États-Unis peuvent prêter au même taux que l’Allemagne. Cela ne va encourager la FED à faire de la lutte contre l’inflation une priorité. Au contraire, un peu d’inflation serait plus que bienvenu afin d’éponger la montagne de dettes. Le seul problème à cela est la difficulté de doser l’inflation.

    Zone euro : priorité à l’austérité

    27. La visite du ministre des finances américain Timothy Geithner au sommet européen de Wrocław n’a pas été extrêmement bien reçue. Geithner était là pour avertir l’Europe. Il aura remis en mémoire le glissement incontrôlable de Lehman Brothers jusqu’à la faillite, pour convaincre l’UE d’abandonner les spéculations sur la banqueroute de l’État grec. Il y a aussi plaidé en faveur d’un large élargissement du fonds de stabilité européen, qu’il fallait selon lui quadrupler. Les dirigeants des États-Unis craignent une nouvelle crise de l’économie mondiale, cette fois avec d’encore plus grandes conséquences que pendant la Grande Récession, déjà aussi parce que les Banques centrales et les États au cours de la précédente récession ont déjà épuisé toutes leurs munitions. Il y a apparemment plaidé en faveur d’une injection ferme et résolue de moyens afin de tuer dans l’oeuf la crise de la dette.

    28. Pour l’Europe, cela est cependant encore plus difficile que l’assainissement du budget aux États-Unis ou que la rehausse de la consommation des particuliers en Chine. Les politiciens européens sont également partagés quant à la manière de combattre la crise au mieux. Aux États-Unis domine pour le moment la tendance qui veut mettre la priorité sur la croissance plutôt que sur l’austérité. Mais il ne faut pas s’étonner que les rapports de force en Europe soient tout à fait opposés. La tendance qui veut donner la priorité à l’austérité “afin de soutenir la croissance de manière structurelle” y est dominante. Ce n’est guère surprenant. La zone euro est une union monétaire, mais pas une union fiscale ni politique. Elle consiste en 17 pays qui ont tous leur propre bourgeoisie, leur propre gouvernement et leurs propres intérêts. À qui rapporte le fait que la priorité soit mise sur la croissance ? Aux récipiendaires directs. Et à qui est-ce que ça rapporte qu’on ait des économies d’abord, avant les dépenses ? Les payeurs nets. Ces derniers sont les pays les plus forts, qui sont dominants dans la détermination de la politique de la zone euro et de la BCE.

    29. Le PSL et le CIO ont toujours été d’avis que l’unification européenne n’est pas possible sur une base capitaliste. Nous sommes également depuis longtemps convaincus du fait qu’une récession économique mettrait une croix sur le projet d’une monnaie unique européenne, même avant que l’euro n’arrive en existence. Les unions monétaires ne sont pas quelque chose de nouveau. Les pays insulaires autour de l’Australie utilisent le dollar australien et il existe encore quelques anciennes unions monétaires coloniales, telles que le franc CFA. D’autres unions monétaires ont existé par le passé sur une base volontaire entre des États plus ou moins comparables. L’Union monétaire scandinave par exemple, qui a duré de 1873 à 1914. Ou l’Union latine, à partir de 1865 entre la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, qui a ensuite été rejointe par l’Espagne et la Grèce, et enfin par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et le Venezuela (entre autres). Cette union a tenu jusqu’en 1914, bien qu’elle n’ait été officiellement dissoute qu’en 1927. Nous pensions cependant que la conjoncture économique, cette fois, exclurait complètement l’idée d’une nouvelle union monétaire. Nous nous sommes trompés. Nous restons néanmoins convaincus que la crise va à un moment donné faire éclater la zone euro, mais pas au point d’avant l’introduction de l’euro.

    30. Les bourgeoisies nationales d’Europe n’ont jamais eu l’intention, ni avec l’Union européenne, ni avec la zone euro, d’unifier les peuples d’Europe par la paix. Cela n’a jamais été que de la rhétorique, derrière laquelle était caché la signification réelle, c’est-à-dire la création de leviers pour la maximalisation du profit et de la casse sociale. C’est évident, la réalité de la division du travail croissante et le besoin de devenir plus fort dans la concurrence avec d’autres blocs commerciaux aura joué, mais jamais jusqu’au point où cela irait au prix des intérêts nationaux particuliers. Le traité de Nice et plus encore celui de Lisbonne ont en tant que but de faire de l’Europe la région la plus compétitive au monde. C’était sans doute l’intention de laisser converger petit à petit les économies nationales, même si les normes de Maastricht et le pacte de stabilité qui ont été institués à cette fin ont été abusivement utilisés par les politiciens nationaux pour rejeter sur eux la responsabilité de la politique nationale. La plupart des pays n’ont jamais atteint les conditions requises par les normes de Maastricht, encore moins du pacte de stabilité, et la Belgique non plus.

    31. Jusqu’à avant la crise de la dette, les économistes étaient convaincus que la convergence était un fait. Ils voyaient les caractères communs superficiels, mais pas les contradictions croissantes sous la surface. Ils voyaient surtout ce qu’ils voulaient voir. En 2006, Marc De Vos, de l’agence Itinera, écrivait dans une carte blanche dans De Tijd : « L’Irlande nous apprend qu’une relative inégalité de revenu est le prix à payer pour une expansion économique rapide, dont néanmoins tout le monde, y compris les pauvres en termes absolus, s’enrichit ». De Vos ne raconterai plus aujourd’hui de telles sornettes de la même manière, mais en ce temps-là, il était complètement aveuglé par l’expansion économique. Dans notre réponse dans les textes de notre Congrès de 2006, nous indiquions déjà une contradiction que lui-même n’allait découvrir que quelques années plus tard : « … le symptôme spécifique par lequel l’Irlande depuis des années a connu un taux d’intérêt réel négatif. Le taux d’intérêt est il est vrai défini par la Banque centrale européenne et se trouve depuis des années sous les chiffres de l’inflation irlandaise. Le crédit extrêmement bon marché est indirectement financé par un grand afflux de capital étranger ». À cela, nous ajoutions : « Une profonde récession sur le plan mondial fera cependant éclater l’économie artificiellement gonflée de l’Irlande (du Sud) ».

    32. Aujourd’hui, tout le monde reconnait que les contradictions n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté. Avec la politique du bas taux d’intérêt qu’ont exigé de la BCE les pays à la plus forte économie, d’énormes bulles immobilières et paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, ce qui ailleurs a été utilisé pour casser les acquis sociaux et mettre sur pied des secteurs à bas salaires. Le fait que cette bulle se viderait à un moment donné, cela fait des années que les socialistes le prédisent. Les spreads, la différence de coûts que doivent payer les Etats nationaux pour pouvoir emprunter, n’ont jamais été aussi grands. Dans Le Soir, le professeur d’économie Paul De Grauwe (KUL) expliquait qu’il s’était trompé. Au sujet d’un pays qui adhérait à une union monétaire, il dit : « Nous avions toujours pensé que ce pays devenait plus fort, mais non ! » L’Espagne a un plus petit déficit budgétaire et une plus petite dette que le Royaume-Uni, mais ce dernier peut financer sa dette à 2,52% sur dix ans, tandis que l’Espagne doit le faire pour deux fois ce prix. Cela vient, selon De Grauwe, du faite que la Banque centrale britannique peut si besoin est imprimer de l’argent elle-même afin de satisfaire à ses obligations, mais l’Espagne dépend pour cela de la BCE.

    Tragédie grecque

    33. Les pays en-dehors de la zone euro peuvent stimuler l’exportation par la dévaluation de leur propre monnaie. Qui se trouve dans la zone euro est condamné à la “dévaluation interne”, un terme à la mode pour dire “casse sociale”. Il n’y a entre temps plus un seul pays de la zone euro qui n’est pas en train d’assainir. Les uns parce qu’ils ont dû faire appel à l’aide de la “troïka” de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, les autres pour pouvoir éviter d’avoir à faire un tel appel. Les plans d’austérité dure doivent diminuer les déficits budgétaires et améliorer la compétitivité, mais ça ne marche pas. Ils sapent au contraire le pouvoir d’achat par la baisse des salaires, les attaques sur toutes les allocations sociales, la hausse du chômage et dans la plupart des pays une hausse des impôts directs sur les biens de consommation. Cela touche à son tour la petite bourgeoisie, les entreprises de distribution et les entreprises qui sont orientées vers le marché interne de chaque pays. Les véritables investisseurs sont découragés d’investir, les spéculateurs qui espèrent des rachats d’entreprises (d’État) sont encouragés. Avec la vente urgente des entreprises d’État, on perd des revenus annuels fixes en échange d’une cacahouète. Les revenus des impôts se ratatinent, et les dépenses sociales augmentent, car de plus en plus de gens y font appel.

    34. Les pays qui sont mis sous curatelle de la troïka partent directement dans une spirale de croissance négative. Dans le deuxième trimestre de 2011, l’économe grecque s’est contractée de 6,9% par rapport à l’année précédente. Le déficit budgétaire va apparaitre de 8,5% au-dessus de l’objectif de la troïka. À quoi d’autre peut-on s’attendre ? Le revenu moyen des ménages a été diminué de moitié l’an passé. Le pays menace à tout moment de faillite. Lorsque la Grèce a reçu le premier paquet de sauvetage de 110 milliards d’euro qui lui avait été promis, c’était afin d’éviter le défaut de payement sur le prêt d’État de 8 milliards d’euro devant être payé le 19 mai 2010. C’était le plus grand paquet jamais vu. Entretemps, le taux d’intérêt auquel cet emprunt a été mis à disposition de la Grèce a été diminué, et le délai de payement a été doublé. Néanmoins la Grèce a dû être soutenue une bonne année plus tard avec la promesse d’un nouveau paquet.

    35. Cette fois, il s’agit de 109 milliards d’euros. À compléter avec une contribution théorique du secteur financier via un échange d’obligations volontaire par lequel les détenteurs d’obligations grecques devraient accepter une “tonte” de 21%, d’une valeur totale de 37 milliards d’euro. Pour les banques, c’est une bonne affaire, mais pour l’État grec, cela ne va pas énormément arranges son problème de dette. Ses obligations sont il est vrai déjà maintenant échangées sur le marché secondaire à moins de 50% de leur valeur nominale. Et même avant que ce nouveau plan soit accepté par les parlements nationaux des pays de la zone euro, la Grèce est cependant de nouveau au bord du défaut de paiement. Les analystes supposent que la question n’est plus de savoir si la Grèce va vers la faillite, mais de savoir à partir de quand elle le sera.

    36. Lorsque cela se produira, les conséquences en seront catastrophiques. L’État ne pourra plus prêter ses prêts et allocations, ou alors de manière extrêmement réduite. Les factures ne seront plus payées, ou alors pas avant de longs délais. Par le non-paiement (complet ou partiel) des dettes, le pays se verra dépourvu de liquidités. Le secteur financier entrera en faillite, tout comme de nombreuses entreprises. Les pensions, aussi bien celles des pensionnés actuels que celles des futurs pensionnés, seront fortement minées. Les investisseurs tenteront de quitter le pays. Les épargnants tenteront de récupérer leur argent. Il y aura un raid sur les banques. Des troubles sociaux, mais certainement aussi des pillages seront à l’ordre du jour. Lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, des dizaines de gens sont morts dans des émeutes, l’état d’urgence a été instauré et la situation n’a finalement pu se stabiliser qu’après que la monnaie soit tombée à 25% sous sa valeur.

    37. Pour quelques économistes, c’est là le seul scénario possible, et il vaut peut-être mieux le commencer tout de suite parce que le cout social et économique n’en sera autrement que plus grand. Nouriel Roubini plaide en faveur d’une faillite et d’un départ de la zone euro, dans l’espoir qu’une forte dévaluation rétablisse la compétitivité à terme. Remonter le temps n’est cependant pas sans un certain cout. Quitter la zone euro est différent que de ne jamais y avoir adhéré. Qui va financer les dettes si la Grèce introduit sa propre monnaie ? Maintenant elles s’élèvent déjà à 142% du PIB. Ces dettes sont surtout en euro. Si la drachme est réintroduite, et qu’on a comme on s’y attend une dévaluation de 60% par rapport à l’euro, la dette sera soudainement équivalente à 230% du PIB. Il faudra alors des mesures encore plus drastiques afin d’éviter un raid sur les banques et imposer des contrôles de capital. Les entreprises avec des prêts dans le pays entreront en faillite. Les produits importés deviendront plus chers et le niveau de vie des familles sera encore plus réduit. Sur une base capitaliste, il n’y aura à ça non plus aucune réponse.

    38. Certains plaident en faveur d’une reconversion des obligations nationales en obligations européennes, dans l’espoir de décourager les spéculateurs. L’idée est de répartir le risque en empaquetant ensemble les bonnes et les mauvaises obligations d’État, un peu comme ce qui avait été fait avec les hypothèques foireuses. On craint cependant le célèbre dégât moral, par lequel la pression en faveur d’une discipline budgétaire diminue et le nombre de mauvaises obligations d’État après un certain temps entraine avec elles les bonnes vers le bas. Au lieu de répartir en tant que tel le risque jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, cela détériorerait au contraire les bons emprunts, comme on l’a vu en 2008 avec les subprimes. D’autres espèrent pouvoir limiter cela en transformant seulement 60% de ces dettes d’État en obligations européennes. Mais cela aussi ne résoudrait rien du tout, car les spéculateurs continueraient à spéculer en pourcentage au-dessus de 60%. Les pays les plus forts de la zone euro s’opposent à l’introduction d’obligations européennes. Pour reprendre les mots de Karel Lannoo dans Knack : les obligations européennes sont le point de conclusion d’une union fiscale et politique, pas le point de départ.

    Payer ou se séparer

    39. Paul de Grauwe, selon ses propres mots, dit ne rien comprendre. « Nous disposons des moyens », dit-il, « la BCE peut imprimer de l’argent autant qu’elle veut ». Cela ne causera pas d’inflation, ajoute-t-il. Mais les pays forts de la zone euro ne sont pas prêts à cela. À part le fait qu’ils abandonneraient également ainsi le contrôle sur la politique monétaire, joue à nouveau le fait que cela enlèverait la pression pour remettre de l’ordre dans les budgets. Le problème le plus important est cependant réellement le danger de l’inflation. Il est vrai que le simple fait d’imprimer de l’argent ne mènera pas immédiatement à une forte inflation. Après tout, l’inflation se produit du fait que la quantité d’argent en circulation grandit plus vite que la quantité de biens et de services disponibles. Cette quantité n’est pas seulement définie par la quantité d’argent dans la société, mais aussi par la rapidité avec laquelle cette quantité d’argent change de propriétaire. Quand l’argent est retenu par les épargnants, les investisseurs en actions comme au début de ce siècle lorsque a eu lieu le phénomène de l’inflation du prix des actifs, ou quand les entreprises qui l’entassent sans le dépenser, alors cet argent ne va pas vers l’économie réelle et n’a aucun ou quasi aucun effet sur l’inflation.

    40. Une comparaison avec le mouvement actuel du prix du pétrole, et de manière plus large de toutes les denrées énergétiques, clarifie cependant ce que l’effet pourrait être d’une création large d’argent par la BCE. À chaque fois que la croissance économique stagne, le prix du pétrole diminue, par lequel il existe un espace pour respirer. Mais dès que l’économie repart à la hausse, le prix du pétrole remonte à nouveau, par lequel la croissance est entravée. Le même peut se produire avec une trop grande hausse de la quantité d’argent. À chaque fois que l’économie stagne, le danger de l’inflation laisse la place à un danger de déflation, mais aussitôt que l’économie repart et que l’argent recommence à rouler, une trop grande quantité d’argent peut mener à une explosion d’inflation. La Chine a maintenant déjà à se battre contre une inflation galopante. Les politiciens allemands gardent encore toujours un traumatisme dû au souvenir de l’hyperinflation pendant la république de Weimar. En outre, le souvenir plus réaliste de la stagflation des années ’70 est encore plus frais dans la conscience.

    41. Le lecteur critique peut interjeter que la création d’argent aux États-Unis n’a tout de même pas mené à une inflation hors de contrôle. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que les États-Unis, en opposition à la zone euro, sont un État-nation avec une bourgeoisie nationale qui non seulement dispose de sa propre monnaie, mais aussi d’une unité politique et fiscale. En outre, les réserves en dollars existent déjà et elles sont réparties à travers le monde entier. Une création d’argent comparable dans la zone euro est facilement une de trop, aussi pour la Chine ou d’autres pays avec d’importantes réserves de valeurs. En 2012, la zone euro doit refinancer 1700 milliards d’euro, dont un quart par la France, 23% par l’Italie, 19% par l’Allemagne et 20% par l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal tous ensemble. Selon la Deutsche Bank, la Chine pourrait investir pour un montant de 175 milliards d’euro dans des titres de dette européens, soit “une goutte d’eau sur une assiette chaude”.

    42. Le 21 juin, il a été décidé d’élargir la disponibilité du fond de stabilité européen. La hausse espérée des moyens pour le fonds d’urgence est cependant demeurée lettre morte. Juste fin septembre, le parlement allemand a voté l’élargissement déjà décidé auparavant de sa contribution pour les garanties du fonds de stabilité européenne. Ainsi, le fonds dispose maintenant finalement des 440 milliards d’euro annoncés depuis janvier. Pour faire face à une faillite grecque, voire à une infection à d’autres pays européens, cela est largement insuffisant. La Chine et les États-Unis appellent à un élargissement du fonds à 2000 milliards d’euro. Cela illustre le fait qu’ils prennent au sérieux une faillite de la Grèce et ne croient pas en l’illusion que l’on peut placer la Grèce en quarantaine. Malgré la position “unique” de la Grèce, qui a déjà reçu pour 250 milliards d’euro, la crise de la dette des États s’est étendue à l’Irlande, qui a reçu un prêt d’urgence de 86 milliards d’euro, et au Portugal, avec un prêt de 78 milliards d’euro. L’Espagne qui a elle seule autant de dettes (637 mld €) que l’Irlande (148 mld €), la Grèce (328 mld €) et le Portugal (161 mld €) réunis, tente désespérément de rester à flot avec l’aide de la BCE. Si l’Italie, avec une dette (1842 mld €) trois fois plus grande que celle de l’Espagne, venait à glisser, alors même quadrupler le fonds d’urgence ne suffira plus. Comment vont-ils faire accepter cela aux 17 parlements de la zone euro ?

    43. Il y a la menace d’une nouvelle crise bancaire. Les banques françaises sont pour plus de 600 milliards d’euro exposées aux PIIGS, les banques allemandes, britanniques et américaines pour chacun de ces pays, pour environ 500 milliards d’euro. La base du capital des banques européennes a été renforcée après la crise de 2008, mais pas de la manière dont cela a été fait aux États-Unis. La plupart n’avaient pas calculé qu’elles allaient devoir renoncer à leurs obligations d’État grecques. Si demain cependant aussi les obligations espagnoles et italiennes doivent être annulées, le fait que le fonds d’urgence puisse désormais être utilisé pour recapitaliser les banques aussi sera un maigre réconfort. Les bourgeoisies européennes se sont mises dans une situation à la “catch 22”. Abandonner l’euro serait une énorme saignée pour les entreprises qui sans nul doute présenteront la facture aux travailleurs et à leurs familles. Cela serait un énorme coup porté au prestige des bourgeoisies européennes et cela mettrait fin à la collaboration qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Cela saperait en outre la position à l’export des pays les plus forts de la zone euro. Mais le cout du maintien de la zone euro continue à augmenter, et la question est à partir de quand ce prix sera-t-il trop grand ?

    44. En fait, il existe déjà depuis quelques mois un très grand consensus sur le fait que la politique de la dévaluation interne ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas d’alternative. En conséquence, on continue contre tout meilleur jugement dans la même politique. La plus jeune réalisation a été le vote au Parlement européen du fameux “sixpack”. Officiellement, cela est la réponse à la crise économique, mais on abuse de cette occasion pour institutionnaliser la politique de l’orthodoxie néolibérale. Les États-membres doivent dorénavant présenter leur budget aux institutions européennes avant de pouvoir les faire valider par leurs parlements nationaux. On peut imposer des entraves budgétaires et des plafonds de dette sont infranchissables. Qui les enfreint peut être sanctionné. En même temps, on discute cependant d’un détour pour pouvoir élargir le fonds d’urgence. Comme si on n’avait pas déjà fait assez de dégâts avec toutes ces manipulations financières, on veut y placer un effet de levier. La BCE prêterait des sommes d’argent illimitées à quiconque veut acheter les obligations d’État des pays faibles de la zone euro, avec les 440 milliards d’euro du fonds d’urgence en tant que garantie. De cette manière, on peut garantir pour quatre ou cinq fois plus d’euro en obligations d’État, et on espère contrer la spéculation contre les obligations d’Italie ou d’Espagne.

    45. On peut bien se demander à quoi ils sont occupés. En fait, ils continuent simplement à faire la même merde jusqu’à ce que la séparation inévitable et douloureuse ne se présente. C’est logique : sur base du capitalisme, il n’y a pas d’issue. Le problème fondamental est il est vrai que le marché capitaliste sous-utilise et contrecarre les capacités scientifiques et techniques. Nous devons libérer l’économie de la chasse au profit et la mettre au service de la société et de son cadre de vie et de travail, par la mise en propriété collective libre des secteurs-clés de l’économie et de la science, et par la planification démocratique. Le gouvernement qui fait cela, se ferait vraisemblablement jeter de la zone euro à coups de pieds au cul. Ce ne serait pas une autarcie délibérément choisie. Les jeunes et les travailleurs partout en Europe comprendraient bien vite que la bourgeoisie tente par là de les isoler de la seule alternative possible. Cela aurait l’effet exactement opposé.

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