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  • Égypte : Une année de révolution et de contre-révolution

    Alors que la crise économique empire, de nouveaux conflits de classes apparaissent

    A la suite de sa récente visite au Caire, afin d’y discuter avec des militants et des ouvriers en lutte contre le pouvoir de la junte militaire, David Johnson livre ici un bilan des événements révolutionnaires de l’année 2011 en Égypte, et examine les perspectives pour 2012 après les récentes élections qui ont vu la victoire des Frères Musulmans. Cet article a initialement été publié le 18 janvier sur www.socialistworld.net, le site du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO).

    David Johnson, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    ”L’Égypte est comme une maison où les rideaux ont été changés mais où tout le reste est resté identique” a récemment déclaré un militant révolutionnaire aux correspondants du CIO. La manifestation du 25 janvier 2011 a lancé un mouvement révolutionnaire qui a fait tomber le dictateur Moubarak 18 jours plus tard. Le mouvement de masse a continué sur sa lancée jusqu’à la démission d’Ahmed Shafik, le premier ministre désigné par Moubarak le 29 janvier, le 3 mars.

    Moubarak a été forcé par ses propres chefs militaires à démissionner. En prenant lui-même le pouvoir, le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) a en fait effectué un coup d’Etat militaire. Ses membres ont compris qu’en essayant de s’accrocher au pouvoir plus longtemps, ils auraient poussés le mouvement révolutionnaire – et en particulier la vague de grèves qui se développait alors rapidement – à balayer toute la classe dominante.

    Depuis lors, l’Egypte s’est retrouvé entre les feux de la révolution et de la contre-révolution, souvent d’ailleurs avec des mouvements allant dans les deux directions au même moment. C’est une réflexion de la faiblesse de la classe capitaliste égyptienne et de son incapacité à stabiliser sa domination alors que, à ce stade, la classe ouvrière est sans parti de masse ou parti révolutionnaire capable de conduire au succès du renversement du capitalisme.

    La crise économique s’approfondit, le gouvernement blâme les travailleurs

    Le premier ministre Kamal el-Ganzouri, le quatrième à tenir ce poste cette année, a déclaré, larmoyant, dans une récente conférence de presse que l’économie égyptienne était ”plus mauvaise que n’importe qui peut se l’imaginer.” On s’attend à ce que la croissance économique pour 2011 tourne autour de 1.2%, contre 5% en 2010. Le chômage s’élève maintenant à presque 12%, comparé à 9% il y a un an.

    Le tourisme représentait plus de 10% du PIB en 2010, soit un huitième de la force de travail globale du pays, mais le nombre de touristes a diminué d’un tiers durant l’année 2011. L’occupation des hôtels du Caire n’était que de 40% en juillet et de 70% en août dans les stations de la Mer Rouge. La crise économique mondiale a contribué à cette chute brutale, de même que les scènes de violences montrées dans les médias. Le gouvernement et ses partisans, cependant, blâment surtout les protestations des travailleurs, qui ‘placent leurs propres agendas avant l’intérêt général’. Le ministre des finances Samir Radwan a d’ailleurs clamé que ces protestations ouvrières étaient en grande partie responsables du déficit budgétaire et des chutes de l’investissement étranger et du tourisme.

    L’investissement direct étranger a chuté de 93% dans les neuf premiers mois de 2011 (376 millions de dollars). Selon la Banque Centrale, les réserves étrangères sont tombées à 18 milliards de dollars, contre 36 milliards début 2011. Les coûts d’emprunt du gouvernement atteignent niveau record, après que les investisseurs étrangers aient réduit leurs possessions des bons du trésor de 7,5 milliards de dollars durant les neuf premiers mois de 2011, à comparer aux achats nets de 8,6 milliards de dollars dans la même période une année plus tôt. Le gouvernement a reçu une aide financière peu commune : les forces armées lui ont prêté 1 milliard de dollars en décembre !

    L’inflation a atteint les 10% en décembre, tandis que 40% de la population lutte quotidiennement pour vivre avec moins de 2 dollars. Le gouvernement est sous pression des grandes compagnies pour s’attaquer au déficit budgétaire. Le 5 janvier, il a annoncé des coupes budgétaires dans les dépenses publiques de 14,3 milliards de LE (livres égyptiennes, soit 2,37 milliards de dollars), et veut des réductions à hauteurs de 20 à 23 milliards de LE en tout. L’austérité annoncée s’attaque aux salaires du secteur public et aux subventions énergétiques. Le gouvernement est en ce moment en pourparlers avec le Fonds Monétaire International (FMI) pour un prêt qui sera probablement conditionné à des coupes à opérer dans les subventions alimentaires, ce qui frappera les plus pauvres.

    Les travailleurs et les pauvres ont toutefois pu ressentir la puissance qui est la leur lorsque le soulèvement de masse a permis de faire dégager le dictateur. La classe dirigeante se rappelle également craintivement de la tentative du prédécesseur de Moubarak, Anwar Sadat, de couper dans les subventions du pain, ce qui avait conduit à un soulèvement de masse en 1977. N’importe quel gouvernement essayant de s’en prendre aux subventions aura besoin d’un bon réservoir de soutien, et il en aura bien besoin.

    La popularité en chute du Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA)

    La junte du CSFA a perdu une grande partie du soutien qu’il avait su s’attacher tout juste après que Moubarak ait été évincé en février 2011, lorsque l’armée était largement considérée comme ayant refusé de suivre les ordres de Moubarak et avait refusé de commettre un massacre place Tahrir du type de celui de la Place Tiananmen, à Pékin, en 1989. Les manifestants chantaient alors ”l’armée et le peuple sont ensemble.” Au cours des mois suivants, il est devenu plus clair pour la plupart des activistes que la poigne du CSFA devenait de plus en plus agrippée au pouvoir. Le SCAF et son chef, le maréchal Hussein Tantawi, peuvent cependant encore jouir d’un certain appui, principalement chez les plus âgés voient l’armée comme un garant de la stabilité.

    Après la chute de Moubarak, suite au mouvement de grève, 150 nouveaux syndicats ont été constitués, avec 1,6 millions de membres. Ceux-ci sont indépendants de la Fédération Egyptienne des Syndicats, dont les dirigeants étaient désignés par l’ancien régime. Une loi a été présentée en mars pour interdire les grèves mais – en dépit du nombre impressionnant de grèves – elle n’a pas été utilisée jusqu’à juillet, quand cinq ouvriers ont été emprisonnés. Une enquête en juillet a compté 22 sit-ings, 20 manifestations, 10 protestations et 4 rassemblements de protestations. Ce total se situe légèrement en retrait vis-à-vis du mois de juin, le nombre de grèves était plus important. Celles-ci ne visaient pas qu’à obtenir des salaires plus élevés ou de meilleures conditions de travail, elles avaient aussi pour objectif de libérer les syndicats de leur direction de bouffons précédemment à la solde de Moubarak.

    Réformes et répression

    Durant l’été dernier, les manifestations du vendredi se sont encore développées. Le gouvernement a augmenté sensiblement le salaire minimum (mais seulement à LE700 par mois – pas LE1200 comme exigé par les syndicalistes, et juste pour les travailleurs du secteur public). Il a annoncé des dépenses plus grandes pour l’éducation et les soins de santé. Des privatisations supplémentaires ont été stoppées. Reflétant la vision d’une fraction de la classe dirigeante, un ministre, Ahmed Hassan al-Borai a averti ‘‘Avant la révolution du 25 janvier, l’Egypte s’attendait à une révolution sociale et non politique. Donc maintenant il faut effectuer de réelles réformes, sinon une autre révolution sociale pourrait se produire.’’

    La frustration au sein des activistes a augmenté à cause de l’absence de changement politique, conduisant à une réoccupation de la place Tahrir le 8 juillet. Beaucoup de groupes d’activistes, y compris des Islamistes, se sont mis d’accord pour faire une manifestation commune le 29 juillet, exigeant la fin de la loi exceptionnelle de Moubarak, des jugements publiques pour Moubarak et ses acolytes, la poursuite des officiers de police et des soldats accusés d’avoir attaqués les protestataires durant la révolution et plus de pouvoir pour le gouvernement civil.

    Cependant, quand il est clairement apparu que les organisations islamistes étaient en train de mobiliser fortement pour cette manifestation, avec beaucoup de formateurs venant de l’extérieur du Caire, la plupart des jeunes et des groupes révolutionnaires l’ont boycotté, retournant à la place par après.

    Un million de personnes ont participé à la manifestation dans ce qui est devenu le ‘jour de Kandahar’, reflétant les visions religieuses conservatrices de beaucoup des participants. Il y avait des chants en soutien à Tantawi. Il y avait également une couche croissante de la population devenant lasse des manifestations et des perturbations, qui a aspiré à une certaine stabilité. Assurément, il y a eu des connivences en coulisses entre les chefs du CSFA et des leaders des MB/FM pendant une bonne partie de 2011. Encouragées par ce signe de support, les forces de sécurité ont attaqué les occupants quelques jours plus tard et ont nettoyé la place.

    Le procès de Moubarak commence

    Au même moment, le 3 août, le procès de Hosni Moubarak, de ses deux fils, de l’ex-ministre de l’intérieur et de certains proches a commencé. Les charges incluaient l’ordre de tirer, qui avait conduit à la mort de 840 manifestants, et la corruption. Le voir derrière des barreaux dans l’auditoire du tribunal a eu un effet électrifiant dans toute la région. Le procès a juste recommencé après un ajournement de trois mois. Cependant, le procès ne donne pas une réelle occasion d’examiner le parcours de son régime, y compris les liens de corruption avec de grandes entreprises, soutenues par des régimes impérialistes et la torture et l’emprisonnement des opposants. Un type différent de procès est nécessaire, devant un tribunal démocratiquement élu et responsable, des travailleurs et des pauvres.

    Les avocats de l’accusation ont réclamé la peine de mort. Il semble peu probable que le CSFA permette que leur ancien commandant soit exécuté, en raison du précédent que cela créerait si ils se trouvent eux-mêmes dans le boxe à l’avenir. (Les Frères Musulmans offrent maintenant au CSFA un accord dans lequel ils seraient exempts de futures poursuites s’ils cèdent le pouvoir à un gouvernement mené par les Frères Musulmans). Mais si l’élite en place estime que la seule manière de sauver leur régime, ou le système capitaliste, est de sacrifier quelques-uns des leurs, elle le fera certainement.

    Le 19 août, la Force de Défense Israélienne a tué cinq gardes-frontière égyptiens dans une attaque ratée. Le 6 septembre, les forces de sécurité ont attaqués les fans du club de football Ahly après un match. Plus de 130 personnes ont été blessées et beaucoup ont été arrêtées. Un grand nombre de fans de trois des plus grands clubs de football du Caire se sont unis dans une manifestation contre la police trois jours plus tard. Un large groupe s’est détaché pour attaquer l’ambassade israélienne. Les forces de sécurité ont laissé cela avoir lieu sans intervention jusqu’à ce que les bureaux aient été pris d’assaut et mis à feu. Le 16 septembre, le CSFA a annoncé que l’état d’urgence de Moubarak serait réintroduit, permettant l’arrestation et l’emprisonnement des opposants. Et, comme souvent dans la région, la question Israelo-Plaestinienne est utilisée pour détourner l’attention des attaques du gouvernement sur sa propre classe ouvrière.

    Plus tard en septembre les grèves se sont accentuées, passant au niveau industriel, y compris les ouvriers postaux, une grève nationale des professeurs durant une semaine et 62.000 ouvriers des transports publics du Caire pendant 17 jours. ‘‘Ils disent que le pays et le ministère n’ont pas d’argent, mais nous savons tous combien d’argent ils ont et ce qu’ils en font’’ disait un professeur de maths. (Ahram 20.9.11)

    En octobre, 12.000 policiers ont fait grève pour une augmentation de salaire et pour balayer des éléments de l’ancien régime parmi les officiers. Ceci illustre l’effet potentiel qu’aurait sur les rangs inférieurs des soldats et de la police appel de classe clair, issu d’un mouvement ouvrier de masse, mobilisé pour balayer complètement le régime protégeant les intérêts des grandes entreprises.

    Sectarisme

    Une église a été attaquée à Aswan, déclenchant une marche de protestation au centre de la TV d’état de Maspero au Caire le 9 octobre. Avec un contraste marqué par rapport à la manifestation de l’ambassade israélienne, la foule, pour la plupart chrétienne, a été violemment attaquée par les forces de sécurité. Autour de 27 personnes ont été tuées, plusieurs écrasées par les blindés délibérément conduits dans la foule. Malgré tout, la TV contrôlée par l’état a appelé la population a prendre la rue pour aider à protéger les forces armées ! Après cette attaque, un blogger bien connu, Alaa Abd El-Fattah, a été arrêté et accusé d’incitation à la violence envers les forces de sécurité et de sabotage. Il a été par la suite libéré après dix semaines, ayant refusé l’interrogatoire par des militaires, mais fait toujours face aux accusations. Les procès militaires de civils et la torture continuent toujours, comme sous Moubarak, avec des milliers de personnes emprisonnées.

    Le CSFA a annoncé qu’ils garderaient la main sur le budget des forces armées, plutôt que le nouveau parlement une fois élu. Ils se sont également réservés le droit de nommer un comité constitutionnel pour rédiger une nouvelle constitution. Ces changements ont déclenché une manifestation massive à la place Tahrir le 18 novembre, à laquelle les Frères Musulmans et les Salafistes ont participé – le premier vrai défi que leurs dirigeants aient fait au CSFA. Depuis lors, les déclarations des leaders des Frères Musulmans sont devenues plus critiques envers le CSFA, bien que n’appelant pas à une fin immédiate du régime militaire. C’est un signe de futures tensions, en dépit de la coopération entre les leaders islamistes et le Conseil Suprême des Forces Armées durant 2011.

    Les islamistes ont quitté la place à la fin de l’après-midi du 18. Les activistes l’ont réoccupée exigeant une fin au règne militaire. Ils ont subi des attaques sanglantes les cinq jours suivants par l’armée et les forces de sécurité, laissant 70 tués, certains ayant suffoqués de gaz lacrymogènes exceptionnellement fort. Des centaines furent blessés. Montrant la force potentielle d’action des ouvriers, cinq agents douaniers ont bloqué l’importation de sept tonnes de gaz lacrymogènes provenant des Etats-Unis.

    Le Premier ministre Essam Sharaf démissionnaire a été remplacé par Ganzouri, premier ministre entre 1996-99. Un sit-in en dehors du Bureau du Cabinet s’est développé contre ce représentant du vieux régime.

    D’autres attaques brutales de militaires et des forces de sécurité sur ces manifestants ont encore fait au moins 17 morts le 16 décembre. Parmi les scènes les plus choquantes, celle d’une manifestante traînée sur le sol et recevant à plusieurs reprises des coups de pied par le personnel de sécurité. Une marche de 10.000 femmes en colères a eu lieu quelques jours plus tard – la plus grande manifestation de femmes dans l’histoire de l’Egypte. Il y a un long registre de manifestantes harcelées par les forces de sécurité. Il est de notoriété publique qu’en février et mars passé, certaines manifestantes ont été soumises à des ‘tests de virginité’ après leur arrestation.

    L’Institut d’Egypte a proximité, logeant des milliers de livres historiques, a été incendiés. Cet incendie a une origine incertaine mais cela a été utilisé pour décrire les manifestants comme des vandales souhaitant détruire l’héritage de l’Egypte. Un professeur l’Université Américaine du Caire – de l’autre côté de la route – a quant à lui écrit qu’il ne savait même pas que ces livres existaient et qu’il avait peine à croire que n’importe qui ait eu accès à eux. Il semble que peu de mesures anti-incendie aient été installées et les sapeurs-pompiers ont été maintenus à distance au commencement de l’incendie.

    Mais en réponse, le Major Général pensionné Abdel-Moniem Kato, qui conseille les forces armées sur l’éthique et la morale, a dit que les ‘‘protestataires devraient être brûlés dans les fours d’Hitler’’ – cette référence étant destinée à dire, de façon à peine voilée, que les manifestants servent l’agenda israélien. Le CSFA tente d’accuser tous les militants – et implicitement, la révolution elle-même – de servir des intérêts étrangers. Les incursions policières dans les locaux de 17 ONG des droits de l’homme fin décembre ont renforcé ce message, certaines étant financées par les gouvernements allemand et américains ou par des partis politiques américains (naturellement, les forces armées égyptiennes reçoivent aussi 1,3 milliards de dollars par an du gouvernement américain, mais cela ne pose pas de problèmes !)

    Comme dans toutes les périodes révolutionnaires, de grandes peurs soufflent sur la société. Beaucoup de personnes craignent de plus en plus le pouvoir croissant du Conseil Suprême des Forces Armées et la restauration des restes du vieux régime. Le CSFA vise à détourner l’attention en blâmant des étrangers d’incitation à la violence et d’instabilité. L’histoire du Moyen-Orient, faite d’occupation coloniale et d’exploitation impérialiste, est un terrain fertile pour que de telles accusations.

    Boycott des élections

    Ces attaques du régime – le fouet de la contre-révolution – ont servi à radicaliser encore plus les militants. Cependant, l’écart entre eux et les masses moins actives s’élargit, comme vu pendant les élections ayant eu lieu depuis fin novembre. Après les attaques place Tahrir, la plupart des activistes ont privilégié un boycott des élections. Ils ont correctement argumenté que la procédure électorale était sous le contrôle des militaires et que le nouveau parlement n’a pas eu de réels pouvoirs. Certains ont indiqué que si l’Alliance Socialiste Populaire avait annoncé qu’elle boycottait les élections, au lieu de juste suspendre leur campagne, ils auraient immédiatement gagné 15.000 nouveaux membres.

    Mais bien que ceci ait pu se produire, une tâche vitale est de diriger les activistes vers le grand nombre, qui a vu cela comme leur première occasion de participer à des élections relativement libres. Beaucoup d’ouvriers et de pauvres moins actifs ont eu l’intention de voter aux élections. Beaucoup se sont également abstenus, certains repoussés par le procédé délibérément confus. Le taux de participation au premier tour, couvrant un tiers du pays y compris le Caire, était de 52%, bien qu’il ait diminué lors des tours suivants. Il y avait une menace d’une amende de LE500 pour les non-votants.

    Beaucoup d’ouvriers et de jeunes plus avancés politiquement, en particulier dans les villes, étaient fortement sceptiques, sinon cyniques, au sujet d’ ‘élections’ appelées sous le contrôle et la gestion des militaires. Ceci a également contribué à avoir un taux d’abstention élevé. Mais même si les militants n’avaient pas l’intention de participer au vote, construire le soutien pour une alternative nécessite d’intervenir dans les meetings électoraux et de tester les candidats devant leur audience. De tels débats aident également les militants à mieux comprendre comment gagner le soutien parmi les masses. Les partis islamistes n’ont pas participé aux protestations de fin novembre et de décembre, se concentrant sur leur campagne électorale.

    Résultats des élections

    De nombreux incidents d’irrégularités de scrutin et de trucages ont été rapportés (augmentant dans les tours suivants, particulièrement dans les zones rurales), mais en général les élections n’étaient pas les choses les mieux organisées sous Moubarak. En novembre 2010, son Parti Démocratique National (NDP) avait gagné 97% des sièges – quelques semaines avant que le soulèvement de masse l’ait mis dehors !

    La procédure électorale était très compliquée, avec des listes de partis, des listes individuelles (certaines avec plus de 200 noms sur le bulletin de vote), des sièges réservés pour des ‘ouvriers’ et des ‘fermiers’. Au moins dix candidats ont été empêchés de se présenter, ayant été nommés pour des sièges d’ouvriers par de nouveaux syndicats indépendants et non par la Fédération Egyptienne des Syndicats, menée par des défenseurs de Moubarak. L’infraction de la loi électorale la plus ordinaire furent ces 20-30 membres de partis islamistes qui ont fait campagne juste à l’extérieur des bureaux de vote. Les partis sans adhésion massive de membres n’ont pas pu faire cela, même s’ils avaient voulu. Il n’y a aucun doute que quelques électeurs ont été influencés au dernier moment et ont voté pour les islamistes, mais c’est insuffisant pour expliquer les résultats.

    Avec les résultats connus jusqu’ici pour 427 sièges, les Frères Musulmans en ont obtenu 193 pour leur Parti de la Liberté et de la Justice (FJP) (45% des sièges). Les Salafistes en ont 78 pour Al-Nour (‘Lumière’) (25% des sièges).. Les deux plus grands blocs libéraux en ont 68 entre eux. Le sixième plus grand groupe, avec dix sièges, est La Révolution Continue, le bloc de gauche, dont l’Alliance Socialiste Populaire est la plus grande composante. Ses votes varient entre 1 et 19%. Dans les zones rurales, quelques anciens membres du NDP ont été élus avec de nouvelles étiquettes de partis.

    Ces résultats ne reflètent pas le véritable rapport de forces observé dans les mouvements révolutionnaires de masse et dans les grèves d’été et automne derniers. Un sondage d’opinion d’août 2011 a montré que 69% de la population ne faisait confiance à aucun parti politique. Sans parti ouvrier de masse à ce stade, la classe ouvrière n’a pas pu s’exprimer dans cette élection en tant que classe. Les syndicats véritablement indépendants doivent développer une voix politique et pourraient jouer un rôle principal en aidant à établir un tel parti, avec les socialistes et d’autres activistes révolutionnaires.

    Le succès des Islamistes

    Le Parti de la Liberté et de la Justice des Frères Musulmans s’inspire du parti du premier ministre turque Erdogan du même nom (AKP), essayant de présenter une image modérée et moderne. Ils avaient 46 candidats féminins sur leurs listes et étaient dans une alliance avec quelques petits partis, dont deux candidats Coptes. Le long parcours d’opposition des Frères Musulmans à Moubarak, leurs programmes d’assistance sociale et de charité, et leur image relativement épargnée par la corruption aident à expliquer leurs résultats. Cependant, leur programme vise à charmer le monde du business, avec la réduction du déficit budgétaire et des coupes dans les subventions. Plusieurs de leurs dirigeants proviennent d’un parcours lié au milieu des affaires, tel que le ‘guide suprême’ Khairat El-Shater, un riche homme d’affaire. Ils décevront inévitablement ceux qui ont voté pour eux avec de grands espoirs d’amélioration de leurs conditions de vie.

    Les Islamistes plus orthodoxes, les Salafistes, ont gagnés plus ou moins 27% des voix. Leur soutien était le plus haut dans les secteurs les plus pauvres, négligés par les autres partis. Un plombier de 26 ans a dit au Financial Times (Londres) ”Nour va nettoyer le pays, se débarrasser de toute la corruption et récupérer tout l’argent qui est parti, qui est allé aux personnes riches tandis que nous n’obtenions rien. Les Frères Musulmans sont OK. Mais ils sont vieux, et ils ont déjà essayé pendant des années et n’ont fait rien pour nous.” (9.12.11)

    Mohammad Nourallah, un porte-parole de Nour a dit, ”Le vieux régime n’était constitué que de criminels. Et ils se sont entourés d’une classe qui a obtenu beaucoup d’avantages… Nos supporters sont les gens que vous voyez dans la rue, pas les gens qui vivent dans les quartiers que vous n’avez jamais vus ou dont vous n’avez jamais entendu parler.” (Financial Times 29.12.11)

    Les Frères Musulmans cherchent la coalition plutôt qu’à gouverner seul. ”Ce sera un parlement de compromis à coup sûr parce que nous ne nous joindrons pas au parti Al-Nour et que nous sommes pleins d’espoir pour établir de bons rapports,” a dit Essam al-Erian, chef adjoint du FJP. Ses associés préférés seraient de petits partis libéraux, donnant au régime une certaine prétention à être lié aux événements révolutionnaires, évènements desquels les leaders des Frères Musulmans se sont tenus à l’écart jusqu’à ce qu’il se soit avéré que les jours de Moubarak étaient comptés. De tels partenaires rendraient également un gouvernement des FM plus acceptable pour les gouvernements capitalistes du monde entier (et pour le FMI), à qui il cherchera l’appui économique. Les Salafistes seront le plus grand parti d’opposition.

    Autant les Frères Musulmans que les Salafistes ont en leur sein différentes tendances et orientations. Les sections de la jeunesse des Frères Musulmans avaient déjà créé une scission en désaccord avec la politique des leaders de se tenir hors de la confrontation directe avec Moubarak ou le CSFA. Maintenant que les élections pour l’assemblée inférieure sont finies, la demande de la fin immédiate du règne du CSFA pourrait recevoir un appui massif, bien que les dirigeants des Frères Musulmans soient plus enclins à continuer à chercher le compromis avec eux.

    Décalage croissant entre les activistes et les masses

    Beaucoup de gens des masses pauvres perçoivent les activistes libéraux de la classe moyenne comme provenant des ”quartiers que vous n’avez jamais vu”. La concentration des libéraux presque exclusivement sur des demandes démocratiques et sur le sécularisme a trouvé peu d’écho parmi ceux qui luttent quotidiennement pour nourrir leurs familles.

    Dans un sondage d’opinion fin avril 2011, 65% disait ne pas savoir pour quel parti ils voteraient si une élection devait avoir lieu la semaine suivante. Seulement 2% précisaient qu’ils voteraient pour les Frères Musulmans. Bien que ce résultat doive être regardé avec prudence, il est clair que le fossé entre les visions des activistes de Tahrir et les masses des zones pauvres du Caire et d’ailleurs s’est agrandit depuis lors. Organiser les protestations du vendredi sur le thème de ”Constitution d’abord”, par exemple, n’a pas attiré la majorité de ceux qui ont participé aux mouvements révolutionnaires de janvier et de février 2011. Les deux tiers de ceux qui l’ont fait ont indiqué au même sondage d’opinion que les raisons principales pour lesquelles ils y avaient pris part étaient les bas standards de vie et le manque de travail.

    Cet isolement croissant des activistes a encouragé l’Etat et les Frères Musulmans à lancer des attaques ces récentes semaines contre les ONG et les Socialistes Révolutionnaires, la section égyptienne de la Tendance Socialiste Internationale. Fin décembre, un principal avocat des Frères Musulmans s’est plaint aux services de sécurité de l’Etat disant que les SR projetaient de renverser l’Etat par des moyens violents. Trois membres principaux des SR ont été arrêtés et les forces de sécurité en ont interrogé un autre.

    C’est une menace sérieuse envers la gauche en général – pas simplement les SR – incluant la plupart des syndicalistes militants et des étudiants activistes. Le SR a travaillé  avec les Frères Musulmans il y a quelques années. Maintenant, ils se plaignent que les Frères soient utilisés comme un « outil de l’Etat » et les appellent à se souvenir qu’ils ont été opprimés par cette même machine d’état.

    Il est essentiel que le mouvement socialiste amoindrisse le soutien pour les Frères comme pour les Salafistes. Ceci ne peut pas être fait en faisant appel à la hiérarchie de ces organisations, ou en tombant dans le piège de débattre Islamisme et sécularisme (considéré comme de l’athéisme pour beaucoup de musulmans pratiquants).

    Au lieu de cela, un programme visant les pauvres et les travailleurs de la classe ouvrière qui supportent les Islamistes, exigeant des jobs, des salaires décents, des logements, une bonne éducation et des soins de santés gratuits est nécessaire. Un mouvement ouvrier de masse est nécessaire, il pourrait combattre pour ce programme et unir Musulmans et Coptes, hommes et femmes, jeune et vieux. Les partis islamistes rompraient le long des lignes de classe s’ils étaient construits avec une direction révolutionnaire expliquant la nécessité de balayer le système capitaliste responsable de la pauvreté et de l’oppression.

    Nécessité d’une révolution socialiste

    La nécessité d’une deuxième révolution devient plus clair pour beaucoup de ceux qui ont participé au soulèvement du 25 janvier 2011, et aux nombreuses manifestations et batailles depuis lors. Mais quelle sorte de révolution est nécessaire, et comment cela peut-il être atteint ? La première révolution a seulement ‘changé les rideaux’ – les représentants politiques de la classe régnante, qui a gardé sa richesse et puissance.

    Une deuxième révolution est nécessaire pour faire devenir propriété publique sous contrôle démocratique des travailleurs toutes les grandes compagnies, banques et grands domaines. L’économie pourrait alors être planifiée pour l’avantage de la majorité au lieu de l’élite minuscule qui est devenue plus riche sous Moubarak et continue à maintenir sa richesse sous le CSFA.

    La puissance de la classe ouvrière dans la vague de grèves en février 2011 a mis fin au combat de Moubarak pour s’accrocher au pouvoir. Une partie de cette puissance a été vue dans l’année depuis lors, bien qu’aucun parti ouvrier n’ait encore pu réunir les activistes des syndicats, les socialistes et les masses. Un programme qui rencontre les besoins des masses sur les questions pressantes de travail, des bas salaires, du manque de logements accessibles de bonne qualité, des soins de santé gratuits et de l’éducation pourrait rapidement recevoir l’appui. Une économie planifiée socialiste et démocratique emploierait la richesse produite par la majorité au profit de tous, au lieu d’être volée par les capitalistes et leurs défenseurs militaires et politiques.

    Une société véritablement socialiste démocratique n’aurait rien en commun avec le régime autoritaire bureaucratique qui a produit Moubarak. Les comités populaires de voisinage qui ont commencé à se développer après le 25 janvier, ainsi que les comités démocratiques sur les lieux de travail, pourraient se redévelopper et s’étendre sur la base de nouvelles recrudescences révolutionnaires et servir de base pour une véritable démocratie, les liant ensemble au niveau local, régional et national. Une assemblée constituante démocratiquement élue pourrait élaborer une constitution qui défendrait les droits de tous, y compris des minorités religieuses et nationales.

    Au cours du combat pour un tel programme socialiste, la balance des forces dans la société changerait. Tous les défenseurs de l’ordre existant seraient de plus en plus poussés ensemble vers l’opposition au mouvement grandissant des masses, mené par la classe ouvrière. Un tel mouvement surmonterait les divisions sectaires et résulterait en une assemblée complètement différente que celle qui vient juste d’être élue. Un gouvernement de majorité, d’ouvriers et pauvres, agirait dans l’intérêt de la majorité dans la société.

    En même temps, la crise économique globale grandissante mine le soutien au capitalisme autour du monde. Si la classe ouvrière développe une direction socialiste révolutionnaire décisive, luttant sérieusement pour prendre le pouvoir en Egypte, elle enflammerait d’autres mouvements révolutionnaires, posant les bases pour un Moyen-Orient, une Afrique du Nord et un monde socialiste.

  • Qu’attendent donc les Belges pour lutter ?

    La crise mondiale a entraîné, dans le monde entier, une renaissance de la lutte de classe. Il serait trop long d’énumérer ici toutes les luttes qui ont fait irruption depuis le début de cette année. Tant les jeunes que les travailleurs ont recours à l’arme de la lutte collective, avec des mobilisations de masse et des grèves générales, pour riposter contre des plans d’assainissement sans précédent.

    Par Els Deschoemacker, article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    La Belgique a jusqu’ici échappé à cette tendance à cause d’une combinaison de facteurs qui se renforcent mutuellement. L’économie belge a été en mesure de profiter de la reprise relativement rapide de l’économie allemande, qui a pu temporairement sortir de la crise. Mais le récent ralentissement économique mondial risque probablement d’y mettre fin à court terme. La croissance de certaines des plus grandes économies européennes, comme l’Allemagne, la France ou les Pays Bas, s’est déjà arrêtée. L’économie belge ne sera pas la seule à en subir directement les conséquences. Cela menace d’approfondir toute la crise européenne.

    Cette situation a laissé un peu de temps à la classe politique belge pour tenter de régler ses affaires internes avant de procéder aux assainissements. Ce facteur est apparu comme favorable à la croissance économique. L’impasse politique belge a empêché la mise en place par l’élite belge d’une politique d’austérité désastreuse contre la population, comme dans le reste de l’Europe. Même le Financial Times expliquait : ‘‘La croissance belge est soutenue par l’impasse politique’’. Une attaque plus frontale contre les conditions de vie des travailleurs ne semblait donc pas être à l’ordre du jour, ce qui a eu un effet stimulant sur l’économie et sur les recettes publiques, mais aussi sur la paix sociale.

    Le rôle des directions syndicales est facteur supplémentaire qui explique l’agitation sociale limitée. Malgré le mécontentement croissant à la base contre le sous-financement systématique des services publics (enseignement, transports publics, santé,…) et contre les réductions de salaires, le sommet syndical utilise systématiquement la situation de crise en Europe pour effrayer ceux qui veulent descendre en rue. Avec des arguments comme “ce que nous vivons ici n’est pas si mauvais’’ ou encore ‘‘il faut céder un peu pour éviter le pire’’, on s’est ainsi assuré que tout le monde reste tranquille.

    La question nationale n’a pas non plus aidé à stimuler l’action et le débat politique. En jouant systématiquement le rôle d’écran de fumée, elle a orienté le débat loin de conclusions telles que la nécessité de s’organiser contre ce que les politiciens nous réservent. Ni les ménages wallons ni les ménages bruxellois ne constituent une menace pour la prospérité des Flamands. Inversement, pas un seul travailleur flamand n’élabore de plans pour faire payer la crise à l’ensemble des travailleurs. Ce sont les partis politiques, des deux côtés de la frontière linguistique, qui s’accordent à vouloir nous faire payer la crise.

    Inévitablement, cela va conduire à la confrontation sociale mais, aussi longtemps que les travailleurs ne construisent pas leur propre instrument politique pour organiser chaque jeune et chaque travailleur contre la casse sociale, le poison nationaliste – tout comme n’importe quelle division – restera un obstacle à la lutte. Seul un programme et un parti unissant tous les travailleurs de Belgique – francophones, néerlandophones ou germanophones, immigrés ou ‘‘belges’’, hommes ou femmes, gays ou hétéros – a une chance de réussite contre toutes les mesures d’austérité qui nous pendent au nez !

  • Quatre mensonges patronaux démontés

    Les patrons reviennent systématiquement avec les mêmes arguments : coûts salariaux trop élevés, nécessité de diminuer les charges,… et proposent que l’on doive travailler plus longtemps ou assainir. A force de répétition, on commence parfois à y croire, et c’est bien pourquoi ils ne se gênent pas pour le faire, quitte à franchement entrer dans la démesure. Avec ce dossier, nous voulons démonter les quatre principaux mythes de la rhétorique patronale.

    Par Geert Cool

    1 ‘‘Les coûts salariaux élevés minent la compétitivité’’

    Cet argument est destiné à intimider les revendications salariales et à remettre en cause l’indexation des salaires. On a été jusqu’à faire une loi pour comparer l’évolution des coûts salariaux en Belgique avec celle de nos pays voisins. L’argument du patronat est simple: si l’on veut maintenir l’économie, les salaires (ou au moins les coûts salariaux) doivent baisser. Ce modèle est aussi connu sous le nom de ‘‘modèle allemand’’

    Cet été, Fons Verplaetse, gouverneur honoraire de la Banque Nationale, a dénoncé ce mythe dans l’hebdomadaire flamand Knack. Il y a comparé l’évolution des coûts salariaux horaires dans les secteurs privés belge et allemand en se basant sur les Rapports Techniques du Conseil Central de l’Economie, une source dont les patrons ne peuvent contester l’objectivité. Il a de plus utilisé des moyennes calculées sur trois ans pour éviter tout fruit du hasard et a comparé ces données avec l’évolution du pourcentage des exportations du marché belge (chiffres de l’OCDE et d’Eurostat). ‘‘Spontanément, tout le monde a tendance à penser que les exportations de notre pays vont beaucoup diminuer si les coûts salariaux augmentent plus fortement que dans les pays voisins, mais les chiffres objectifs démontrent le contraire’’ conclut-il.

    Entre 1999 et 2004, la différence entre le coût des salaires dans notre pays et les pays voisins a diminué de 0,7% mais, à partir de 2001, notre pays a également perdu de plus en plus de part de marché dans l’exportation (2,4%). À partir de 2004, les coûts salariaux ont augmenté de 4,2% plus vite que dans les pays voisins, alors que la diminution de la part de marché était de 0,5%. Verplaetse déclare : ‘‘Les chiffres démontrent donc clairement qu’il n’existe certainement pas de relation positive entre les coûts salariaux et la perte de part de marché.’’ Selon Verplaetse, la perte de part de marché est due à un ensemble complexe d’éléments, comprenant entre autres la stratégie du prix de vente et des éléments plus structurels comme la recherche et le développement, l’innovation et l’entreprenariat.

    Diminuer les salaires mène par contre au rétrécissement du marché interne, dans la mesure où l’exportation est plus facile vers les pays dont on importe aussi, et donc cette diminution des salaires mine notre propre position d’exportation. La diminution des salaires a pour unique objectif de servir à court terme le propre intérêt d’une poignée de riches.

    2 “Une pression fiscale trop élevée”

    Cet argument est utilisé pour revendiquer des diminutions de charges pour les employeurs, car cela conduirait à une augmentation du nombre d’emplois. En réalité, les employeurs semblent payer déjà bien peu d’impôts, et ces diminutions n’ont pas entraîné de nouveaux emplois.

    Le célèbre milliardaire Warren Buffet a récemment expliqué qu’il trouvait remarquable que lui et ses amis ne doivent payer que si peu d’impôts. Les diminutions d’impôts ayant surtout été introduites après 2000 aux USA, Buffet s’étonne de constater que 40 millions d’emplois ont été créés entre 1980 et 2000 ‘‘et vous savez ce qui a été observé par la suite : des taux d’impôts plus bas et une croissance d’emplois encore plus basse.’’

    Les grandes entreprises paient de moins en moins d’impôts en Belgique, certains disent même que le pays est devenu un paradis fiscal. La CSC a démontré que le taux d’imposition réel pour les entreprises a diminué de 19,9% en 2001 jusqu’à (à peine) 11,8% en 2009. Une des explications les plus importantes est la fameuse Déduction des intérêts notionnels. En 2009, les entreprises ont payé 93,956 milliards d’euros d’impôts sur les sociétés mais si le taux d’imposition de 2001 avait été appliqué, l’État aurait perçu 7,6 milliards d’euros de revenus supplémentaires. La CSC parle d’une ‘‘hémorragie fiscale massive’’.

    Les intérêts notionnels et autres mesures similaires n’ont pas conduit à la création de nouveaux emplois, aucune différence significative n’existant entre le nombre de nouveaux emplois avant et après l’introduction de cette mesure favorisant les grandes entreprises. Dans les 20 entreprises qui ont le plus bénéficié des intérêts notionnels (qui représentent un tiers du coût de la mesure, soit 5,6 milliards d’euros), il n’y a que 242 employés de plus qu’en 2007. Sans l’entreprise GSK Biologicals uniquement, il y aurait même une diminution de 347 emplois.

    3 ‘‘Nous devrons travailler plus longtemps’’

    Dans bon nombre de pays voisins, l’âge de la retraite a été augmenté jusqu’à 67 ans. Chez nous aussi, le patronat plaide en la faveur de cette augmentation avec une argumentation toute simple : nous vivons plus longtemps. C’est indéniable, mais ce n’est pas le seul élément à prendre en compte.

    Il y a par exemple l’augmentation de la productivité, qui fait que nous produisons davantage durant la période pendant laquelle nous travaillons. Cet élément est systématiquement mis de côté par le patronat. Entre 1964 et 2002, il s’agissait d’une augmentation de 215%. Cela provoque une forte augmentation du stress et de la pression au travail, il n’est donc pas évident de travailler plus longtemps que 60 ou 65 ans.

    De plus, le montant des pensions diminue par rapport aux salaires. Une pension moyenne ne représente plus que 60% du dernier salaire. Un quart des pensionnés vit même en dessous du seuil de pauvreté. La diminution de la pension légale et les augmentations continuelles de productivité des travailleurs font que le budget total pour les pensions dans le PIB (produit intérieur brut) n’augmentera pas durant les années qui viennent.

    Il est remarquable de voir comment le patronat plaide à la fois pour la prolongation de l’âge de la retraite et se retrouve en même temps en toute première ligne pour faire appliquer les mesures de prépension lors des restructurations. Pour les employeurs, il ne s’agit pas tellement de l’âge de la retraite, mais bien de la poursuite du démantèlement de la pension légale et de la sécurité sociale.

    4 ‘‘Le gouvernement a vécu au-dessus de ses moyens et doit épargner’’

    L’astronomique dette de l’État est utilisée par le patronat pour en appeler à de sérieuses coupes budgétaires. L’augmentation récente des dettes de l’État est la conséquence de la prise en charge des dettes privées par la société. Après s’être délestés de leurs propres dettes sur le dos de la collectivité, les patrons et les banquiers exigent de celleci qu’elle paie immédiatement les dettes. La course aux profits s’accompagne d’une belle arrogance à l’égard des travailleurs.

    Car nous devons être bien clairs, ceux qui devront payer les dettes, pour les employeurs, c’est nous. Le président de la FEB (Fédération des Entreprises de Belgique) avait déclaré dès le début de la crise : ‘‘nous devons ajuster nos attentes d’augmentation systématique du bien-être en Occident. Notre système n’est psychologiquement et financièrement pas structuré pour ça. Un processus d’adaptation est nécessaire.’’ Traduisons : le niveau de vie d’un travailleur doit diminuer.

    Les politiques d’assainissements conduisent à une amplification des problèmes économiques. Même les économistes néolibéraux renommés doivent maintenant le reconnaitre. Marc De Vos du ‘‘Think Tank’’ Itinera en fait partie. Dans le Knack, il a parlé de l’option d’assainissements très durs : ‘‘Des coupes budgétaires drastiques et des réformes européennes sont sensées réveiller les marchés financiers. Mais cela semble fonctionner difficilement. D’un côté, le remède semble pire que la maladie, dans le sens qu’il envoie l’économie à la catastrophe, ce qui fait qu’un pays comme la Grèce se retrouve dans une spirale infernale sans perspectives et avec de plus en plus de dettes. De l’autre, la population ne peut pas continuer à avancer sans perspective, les protestations en rue en témoignent. Et sans coopération de la part de la population, aucun programme de réformes ne peut réussir.’’

    Pendant que la droite et les employeurs exigent des contre-réformes et des assainissements, selon le Financial Times, la relativement bonne position économique de notre pays est due au fait que, en Belgique, on ne mène pas encore de politique économique très dure. La droite veut changer cela, en suivant le modèle irlandais de baisse de charges patronales, le modèle allemand de bas salaires, le modèle français de réforme des pensions, mais aussi le modèle britannique d’assainissements très durs. Peut-être De Wever devrait-il vérifier ce pourquoi les économies des pays qu’il met en avant comme modèles tombent les unes après les autres ?

  • En bref…

    Cette rubrique est destinée à mettre en avant différents faits, citations ou petites nouvelles particulièrement frappantes.


    Impossible de vivre avec 3000 euros par mois…

    Jean Michel Javaux, coprésident d’ECOLO et bourgmestre d’Amay notamment, a été légèrement attaqué au sujet du cumul, thème particulièrement cher à son parti. Il s’est défendu en disant sur Twitter : "c pas un cumul…Vous pouvez ergoter mais bourgmestre d’une commune de -de 15000 habitants (et aucun autre mandat electif) oblige tous les échevins et exécutifs à avoir un boulot." Ce qu’il faut savoir, c’est que le salaire brut des bourgmestres a été revalorisé en 2011. Actuellement, il s’agit de 3.000 euros bruts par mois. Pour une ville comme Mons, il s’agit de 6.000 euros. ce qu’affirme donc en substance Mr Javaux, c’est donc qu’il n’est pas possible de vivre avec 3.000 euros par mois. Sur quelle planète vit-il? Très nombreux sont les travailleurs qui ne disposent pas de cela, et de fort loin d’ailleurs… Peut-être que nous pourrons à l’avenir voir ECOLO participer activement aux luttes pour de meilleurs salaires avec l’objectif de permettre à chacun d’avoir plus de 3.000 euros ?


    De gauche, ECOLO?

    Ce n’est pas la semaine de Javaux… WikiLeaks a publié un document qui est un rapport d’une discussion “confidentielle” entre le chef de file des ‘‘verts’’ et l’ambassadeur des Etats-Unis. Ce texte est limpide quant aux efforts effectués par l’homme fort d’ECOLO pour plaire à l’establishment, une rhétorique tout autre que celle qu’il utilise vers ses électeurs ou la base du parti… Morceaux choisis : Javaux aurait précisé que son parti n’est pas de gauche (Ecolo ‘‘bousculant les frontières entre les classes.’’) et aurait aussi déclaré que des militants sont issus de riches familles notamment liées à RTL ou Umicore (‘‘Il a un nombre étonnant de supporters clés parmi les riches familles industrielles belges, a-t-il expliqué.’’ou encore ‘‘Il explique que certains des militants Ecolo les plus importants viennent des familles riches qui contrôlent de grandes compagnies en Belgique, notamment RTL (une chaîne de télévision privée) et Umicore (un groupe chimique)’’). Javaux aurait aussi positivement parlé de l’implication de la Belgique dans les opérations militaires en Afghanistan (tout en admettant que ce sujet est sensible, surtout parmi les immigrés qui votent pour ECOLO) et aurait déclaré qu’il est important de travailler avec l’OTAN et l’ONU. Les centrales nucléaires pourraient aussi rester ouvertes plus longtemps. L’ambassadeur fait aussi remarquer que Javaux slalome entre les partis traditionnels et qu’il ‘‘ est bien possible que les verts créent la surprise en Wallonie en poussant des réformes qui ne sont pas nécessairement appréciées à gauche ou au centre.’’


    Ce système est littéralement malade

    165 millions de personnes en Europe sont atteintes de troubles psychiatriques ou neurologiques plus ou moins graves. C’est le constat auquel est arrivé le Collège européen de neuropsychopharmacologie après une étude réalisée sur 500 millions de personnes issues des 27 pays de l’Union Européenne. Un expert en santé mentale due l’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré que ‘‘c’est bun indicateur du stress de notre société, pas forcément de troubles psychiatriques’’. L’Etat de la santé mentale dans notre pays est lui-aussi préoccupant. En 2009, 263 millions de doses journalières d’antidépresseurs ont été vendues. Cette année-là, on estime qu’un Belge sur dix a pris des antidépresseurs, soit 1,1 million de personnes. Environ 5% de la population du pays est aux prises avec une lourde dépression.


    ‘‘Le pire de la crise de l’euro est encore à venir’’

    Wolfgang Munchau du journal Financial Times ne fait pas dans la dentelle. ‘‘Je m’attends de ce fait à ce que la récession frappe la zone euro de plein fouet, et sans défense. Lorsque cela arrivera, la crise de l’eurozone ne sera pas belle à voir.’’ Pourquoi ? Il explique que chaque pays de la zone euro oublie qu’il fait partie d’un ensemble, et que ses actions ont un impact sur cet ensemble. Il se comporte comme une petite économie ouverte. Or, les plans de sauvetage ont besoin de la croissance pour jouer à plein. Celui de la Grèce, qui était déjà problématique au moment de sa rédaction, est compromis par la récession du pays. La stratégie de recapitalisation des banques est en train de s’effondrer avec le ralentissement économique. Cet été, la croissance semble s’être figée dans les pays de l’eurozone. Cela fait deux mois que les prêts consentis au secteur privé sont en berne. Les prévisions pour l’activité manufacturière sont en recul. Il critique aussi sévèrement les plans d’austérité de la France, l’Espagne, l’Italie, la Grèce, le Portugal et l’Irlande, qui retentissent sur l’ensemble de la zone euro.


    Les dirigeants britanniques du Parti travailliste veulent être bien clairs: ils n’aiment pas les grèves

    Que faire en tant que dirigeant politique d’un parti d’opposition sensé être auprès des travailleurs lors d’une interview concernant une grève des fonctionnaires si quand on ne soutient pas du tout cette grève ? On répète la même chose à chaque question…


    Entre amis

    Fin juin 2011, Filip Dewinter, porte-parole du Vlaams Belang, a participé à une réunion de la Lega Nord à Pontida, près de Bergamo. Il y a notamment rencontré Francesco Speroni (à l’extrême droite de la photo). Un mois plus tard, ce même Speroni expliquait que Breivik n’avait fait que défendre la civilisation occidentale avec son massacre…


    Rions un peu avec les riches (en anglais)

  • Les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en danger

    Les semaines passées ont montré qu’aucune victoire des révolutions en Afrique du Nord n’est véritablement acquise, et ce malgré l’appel des masses à de vrais changements et à la liberté, et aussi malgré les événements héroïques des semaines passées. En Égypte et en Tunisie les classes dominantes font des efforts désespérés pour maintenir leur richesse et leur pouvoir.

    Par Robert Bechert

    Depuis la fuite de Ben Ali, la Tunisie a connu trois gouvernements qui ont dû accepter des élections pour une assemblée constitutionnelle. L’élite fait tout ce qu’elle peut pour préserver ses positions privilégiées. L’ancienne police secrète devait être dissoute, mais le nouveau ministre aux affaires intérieures Habib Essid est l’ancien chef du cabinet du ministère aux affaires intérieures entre 1997 et 2001. Le ‘nouveau’ ministre a donc été impliqué dans les tortures, la répression et tout le sale boulot de l’ancien régime de Ben Ali.

    De même, le gouvernement militaire qui a remplacé Moubarak en Égypte se bat continuellement contre la révolution. Comme en Tunisie, un nombre croissant de salariés et de jeunes se rendent compte du fait que l’armée n’est pas l’amie de la révolution. Les militaires ont déjà annoncé des plans pour criminaliser des grèves, des actions de protestations, des sit-in et des réunions rassemblant jeunes et travailleurs.

    Le 8 avril, ces travailleurs et ces jeunes sont retournés la place Tahrir afin de reprendre eux-mêmes l’initiative. Des centaines de milliers de salariés, de jeunes et d’officiers militaires (contre la volonté du sommet de l’armée) se sont réunis pour un ‘vendredi du nettoyage’. On y a lancé des appels pour balayer le régime de Moubarak. Les salariés du secteur textile ont revendiqué la renationalisation des entreprises privatisées, la disparition de l’ancien syndicat d’Etat, un salaire minimum d’environ 200 dollars et la poursuite judiciaire de la bande de gangsters corrompus autour de Moubarak.

    L’armée a déjà tenté de réprimer ces protestations. Cette répression a été soutenue par un représentant des Frères Musulmans, Al-Bayourni. Celui-ci a déclaré que ‘‘rien ne doit empêcher l’unité de la population et de l’armée’’. Derrière cette soi-disant unité, il y a des tentatives des Frères Musulmans d’arriver à un accord avec le sommet de l’armée. La répression ne s’est pas arrêtée après cette action du 8 avril. Le 11, le bloggeur Mikel Nabil a été condamné à trois ans de prison après avoir mis à nu les crimes de l’armée durant la révolution. Il est clair que nous ne pouvons pas faire confiance au sommet de l’armée. Il faut une force indépendante des masses.

    Sans une telle force de la population laborieuse, le contrôle se maintiendra dans les mains des classes dominantes et des élites. Ce n’est qu’en construisant des organisations de masse, dont de véritables syndicats libres, et avant tout un parti indépendant, que les vrais révolutionnaires (les travailleurs, les jeunes, les petits paysans et les pauvres) pourront disposer d’un instrument avec lequel combattre les tentatives de l’ancien régime qui s’accroche au pouvoir et avec lequel créer une véritable alternative, à savoir un gouvernement formé par les représentant des salariés, de petits paysans et des pauvres.

    Quelle voie en avant en Libye ?

    En Libye, l’absence d’organisations propres aux masses a contribué au déraillement de la révolution. La révolte initiale des masses a échoué dans la partie occidentale du pays autour de Tripoli. Cela est dû en partie au fait que le régime disposait d’une certaine base (entre autres grâce à une série d’éléments de progrès social réel obtenus ces dernières quarante années), mais aussi parce que la révolution ne disposait pas d’une réelle direction.

    Quelques rebelles dans l’Est ont brandi l’ancien drapeau monarchiste, un symbole très impopulaire dans l’Ouest du pays. Les éléments plus radicaux à Benghazi ont été mis de côté et les éléments pro-capitalistes, renforcés par les déserteurs du régime de Kadhafi, ont gagné le contrôle du processus avec le soutien de l’impérialisme. La résistance contre Kadhafi est très limitée à l’Ouest de la Libye, où habitent les deux tiers de la population.

    Ainsi, le mouvement se trouve sans issue. Il est probable que la Libye sera divisée en deux pour une certaine période au moins. L’intervention de l’ONU et de l’OTAN ne vise pas la défense des masses, mais vise à établir un régime pro-capitaliste fiable. Kadhafi était un allié trop incertain. Le journal britannique Financial Times a déclaré très honnêtement qu’il fallait ‘‘amplifier les actions militaires dans la région afin de défendre les intérêts du Royaume-Uni’’ (FT, 08/04).

    Le fait que les grandes puissances mondiales se taisent sur la répression continuelle au Bahreïn et qu’ils protestent de manière sélective contre la conduite du régime syrien illustrent que les intérêts de la majorité de la population ne comptent pas du tout. L’argument ne sert qu’à masquer les intérêts de classe de l’impérialisme.

    Il faut l’action décisive du mouvement ouvrier !

    Les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient font face à des tournants. Au Bahreïn, en Libye, en Syrie et au Yémen, la question centrale est : comment progresser et renverser la dictature ? En Égypte et en Tunisie, les anciens vestiges des anciens régimes doivent être balayés. La solution appartient aux masses. En Tunisie et en Égypte, il s’est avéré que la lutte déterminée peut mettre de côté des dictateurs. Mais la volonté de se battre ne suffit pas.

    Les masses doivent s’organiser dans des syndicats indépendants et démocratiques et dans un parti de masse des travailleurs et des pauvres autour d’un programme clair qui puisse protéger et étendre les acquis des révolutions.

    Des forces révolutionnaires sincèrement au côté des masses doivent rejeter toute alliance avec des forces pro-capitalistes telles que l’ONU ou l’OTAN. Afin de l’emporter sur des régimes dictatoriaux, les travailleurs et les jeunes doivent forger leurs propres instruments, seuls capables d’amener la victoire des révolutions, une victoire qui n’impose pas uniquement les droits démocratiques, mais qui assure aussi que les richesses de la société reviennent véritablement aux masses et soient gérées et contrôlées démocratiquement dans leurs propres intérêts.

    Cela pourrait créer la base pour une liberté véritable et pour un véritable socialisme démocratique.

  • Un tsunami d’austérité déferle sur l’Europe

    Malgré l’opération de sauvetage financier de la Grèce, ses obligations d’Etat sont toujours considérées comme de la pure camelote par les agences de notation. Maintenant, il semble bien que ce soit au tour de l’Espagne et du Portugal et, ailleurs encore en Europe, la machine d’austérité est mise en marche. Ainsi, en Grande-Bretagne, le nouveau gouvernement conservateurs / libéraux-démocrates veut assainir 7 milliards d’euros en un an. En Allemagne, Angela Merkel veut assainir 80 milliards d’euros d’ici 2014. Ce tsunami d’austérité touche presque tous les pays européens, son arrivée chez nous n’est qu’une question de temps.

    Article basé sur une analyse de Robert Bechert, du CIO

    LA CRISE N’EST PAS FINIE

    L’Union Européenne et l’euro ont reçu de bonnes claques et les réunions de crise sont devenues la norme. Les contradictions internes à l’Union Européenne se sont également exprimées avec des tensions personnelles entre différents dirigeants européens, Sarkozy menaçant même un moment de quitter la zone euro. Beaucoup a été tenté pour éviter la faillite de la Grèce et relever l’euro mais, pour la première fois depuis son instauration en 1999, une discussion s’est ouvertement développée concernant la possibilité d’expulser des pays de la zone euro.

    Les classes dirigeantes n’ont pas seulement eu peur qu’une faillite grecque conduise à une nouvelle chute économique, elles craignaient également que d’autres pays soient ‘‘infectés’’ par les protestations ouvrières en Grèce. Une révolte en Grèce ou dans un autre pays pourrait initier une vague de protestations, et cette peur est à la base de la campagne de propagande internationale destinée à faire passer les Grecs pour des ‘‘paresseux’’ ainsi que des tentatives de monter les travailleurs des différents pays les uns contre les autres.

    Cette crainte des classes dirigeantes est justifiée. La crise commencée en 2007 est loin d’être terminée. La situation économique reste incertaine, même si certains pays ont connu une faible croissance. Les capitalistes n’ont aucune confiance en une relance et, si relance il y a, elle sera de toute façon limitée et sans création d’emplois. Le fait que la croissance économique d’avant la crise ait été stimulée par le crédit a pour conséquence que les dettes restent un élément important. Les grandes dettes des Etats instaurent une pression sur les gouvernements pour assainir les dépenses mais ces opérations d’austérité peuvent conduire à une nouvelle récession.

    SONGES EUROPÉENS ET MENSONGES

    Le secteur financier reste instable, ce qui renforce la position de faiblesse de l’euro envers le dollar. Ceci dit, tous les pays européens ne sont pas mécontents avec un euro faible qui stimule les exportations. Le paquet de sauvetage pour la Grèce était destiné à sauver l’euro, mais le Financial Times a de suite fait remarquer: ‘‘La crise de la zone euro se développe tellement vite que l’opération de sauvetage pourrait vite être dépassée (par les évènements, ndlr).’’

    Le “rêve européen” est sapé par la crise ainsi que par les tensions entre les différentes bourgeoisies nationales et leurs représentants politiques. Lors de l’introduction de l’euro il y a dix ans, nous avions déjà dit qu’une complète unification européenne était impossible sur base capitaliste. L’intégration européenne à laquelle nous avons assisté était exceptionnelle mais, en même temps, le capitalisme est essentiellement resté basé sur les Etats nationaux, avec des bourgeoisies nationales défendant leurs intérêts propres. Dans un contexte où tout se passait bien sur le plan économique, les classes capitalistes nationales pouvaient coopérer. Toutefois, la crise survenue, seuls comptent les intérêts nationaux.

    Si la crise dévoile les faiblesses de l’euro, elle n’est pas destinée à n’avoir d’effets qu’au niveau des marchés financiers. Les travailleurs sont directement menacés. Il nous faut comprendre cette crise et lui apporter une réponse. Les sommets de l’Union Européenne ne sont bons qu’à conclure de grands accords et à annoncer de grandes mesures, mais ces gesticulations cachent fort mal les contradictions internes à l’Union. La succession rapide d’annonces et de mesures sans grands effets illustre justement que ces gens-là n’ont aucune véritable solution.

    QUELLE RÉPONSE ?

    Les finances publiques gémissent dans presque tous les pays européens sous l’impact des opérations de sauvetage massives à destination des banques, de la baisse des revenus de l’impôt et des mesures destinées à adoucir les conséquences de la crise. En conséquence, le niveau de vie des travailleurs et les services publics sont sous pression. En Roumanie, par exemple, il est proposé une baisse de 25% des salaires en plus d’une baisse de 15% des pensions, qui sont déjà pitoyables. Cette vague d’austérité entraîne l’instabilité ou l’impopularité de nombreux gouvernements européens.

    Les travailleurs doivent résister contre chaque tentative de nous faire payer la crise. Jusqu’à présent, la Grèce a montré la voie avec des protestations de masse contre les assainissements du gouvernement social-démocrate. Au Portugal et en Espagne également, de grandes manifestations et des actions de grève se développent, là encore contre des assainissements budgétaires portés par des gouvernements soi-disant socialistes. En Allemagne, 45.000 personnes ont récemment défilé à Stuttgart et Berlin.

    Fait remarquable, beaucoup de ces actions ont été le résultat d’une grande pression de la base, sans initiative des dirigeants syndicaux nationaux. Dans la plupart des cas, les directions syndicales semblent ne vouloir que des actions symboliques, au lieu de préparer une lutte sérieuse pour défendre nos intérêts. Des mobilisations et des manifestations peuvent illustrer la force du mouvement ouvrier, mais elles peuvent aussi être utilisées pour faire baisser la pression et ainsi freiner le développement d’un mouvement combatif.

    Ces hésitations existent parce que beaucoup de dirigeants syndicaux sont eux-mêmes rentrés dans la logique de ce système ou ne voient pas d’alternative à opposer au capitalisme. Pire, dans de nombreux cas, les dirigeants syndicaux essaient même de coopérer avec les gouvernements pour appliquer les assainissements, comme c’est le cas en Irlande mais aussi aux Pays-Bas, où la direction syndicale a accepté une augmentation de l’âge d’accès à la pension jusqu’à 67 ans.

    RÉPONDRE À LA CONFUSION PAR UNE CLARTÉ SOCIALISTE

    Ce manque de mots d’ordres clairs ou de plan d’action est une expression partielle de l’affaiblissement de la conscience socialiste et de la disparition de certaines traditions du mouvement ouvrier suite à la chute du stalinisme en 1989. Même là où se développent de nouvelles formations de gauche (Die Linke en Allemagne ou le NPA en France), l’anticapitalisme n’est pas traduit en une vision claire concernant la manière de lutter contre le capitalisme pour le remplacer par une alternative socialiste. Cette confusion est très claire à la FGTB wallonne qui mène campagne sous le slogan ‘‘Le capitalisme nuit gravement à la santé’’, sans se détacher clairement du PS.

    Les défis pour le mouvement ouvrier sont gigantesques. Les attaques antisociales se combinent aux dangers du nationalisme et de la politique de diviser- pour-mieux-régner, ce qui peut avoir un certain impact sur la conscience des masses. Cela a sans doute été le cas avec la campagne massive des médias allemands contre les Grecs qui avaient besoin de ‘‘notre argent’’ parce qu’ils étaient ‘‘trop paresseux’’ pour travailler eux-mêmes. La politique de diviser- pour-mieux-régner s’exprime aussi dans des campagnes destinées à monter les travailleurs du secteur privé contre ceux du public ou encore les travailleurs autochtones contre les travailleurs immigrés. Tout est fait pour éviter que ne se développe une compréhension générale de la crise comme conséquence du système capitaliste.

    Nous devons nous opposer à la dictature et au chaos du marché, mais en même temps plaider pour une transformation socialiste de la société. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) défend la nécessité d’un plan d’action européen et a été, avec d’autres, à la base d’un appel de députés européens de la Gauche Unitaire Européenne pour une semaine européenne d’action de protestation et de solidarité fin juin. Nous devons lutter ensemble et avancer des revendications telles que la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion démocratique des travailleurs afin d’aboutir à une planification socialiste de la production dans une fédération européenne socialiste démocratique.

  • RETOUR VERS LE FUTUR: Val Duchesse et Plan Global

    Puisque les économistes et les analystes semblent d’accord pour dire que les nouveaux plans d’austérité pourraient être encore plus durs que le Plan Global de ’93 ou celui de Val Duchesse en ’86, ce n’est pas inutile de revenir sur ce que furent ces plans, histoire de voir ce qui nous attend…

    Par Geert Cool

    Le Plan de Val Duchesse

    En 1986, Verhofstadt, alors ministre du Budget, affirme vouloir économiser 140 milliards de francs (3,5 milliards d’euros), notamment sur la sécurité sociale et l’enseignement. Il veut reporter l’âge de départ à la retraite à 65 ans pour tout le monde, "rationaliser" l’enseignement supérieur et "responsabiliser" les services publics,…

    Ce nouveau plan d’économie vient à la suite d’une série de mesures qui ont déjà taillé durement dans les salaires et les allocations depuis quatre ans. La longue période d’instabilité et de crise politique de 1978 à 1981 – qui a suivi plus de 15 ans de coalition chrétienne socialiste soutenue par les deux syndicats – a en effet mené à un nouveau compromis historique : un gouvernement chrétien-libéral Martens-Gol-Verhofstadt soutenu par la CSC/ACV de Jef Houthuys.

    Lors d’une première attaque contre les fonctionnaires en 1983, la FTGB/ABVV s’est retrouvée seule, ce qui a mené le mouvement de grève générale dans les services publics à une défaite. Le journal britannique Financial Times en a conclu que ce gouvernement pourrait rester en place tant qu’il pourrait compter sur le soutien ou la passivité d’au moins un des deux syndicats.

    La politique néolibérale du gouvernement Martens-Gol-Verhofstadt est brutale : elle se traduit par une diminution des salaires de 12% à 15% en moyenne et une diminution de 20% des allocations, notamment par le biais de plusieurs sauts d’index. Dans le même temps, les profits des entreprises augmentent de 57%.

    L’annonce du plan de Val Duchesse mène à une manifestation nationale de la FGTB/ABVV le 31 mai 1986. La direction y attend 100.000 personnes, mais ce sont 200.000 personnes qui répondent présent. Houthuys et la direction nationale de la CSC/ACV sentent que la pression sur leurs permanents devient trop grande. Ils finissent par faire tomber Verhofstadt et la coalition chrétienne-libérale quelques mois après.

    Le Plan Global

    Revenus au gouvernement avec les chrétiens en 1987, les partis socialistes poursuivent la politique “d’assainissement”. En 1993, c’est au tour de Dehaene, alors Premier ministre, de frapper avec son Plan Global.

    Celui-ci entre dans le cadre de la politique d’austérité imposée au niveau européen par le Traité de Maastricht fraîchement signé. Partis chrétiens et socialistes concoctent un plan d’assainissement de 500 milliards de francs (12,5 milliards d’euros) qui passe entre autres par une refonte de l’index (avec l’introduction de l’index-santé) et un blocage des salaires. Sous la pression de la base, la réponse est la plus grande grève générale depuis 1936. Mais les directions syndicales ne veulent pas d’une chute du gouvernement et freinent le mouvement.

    Au parlement, tous les députés chrétiens et socialistes votent en faveur du Plan Global. Le mouvement contre celui-ci s’éteint dans une mort silencieuse.

    Deux leçons

    On peut tirer de ces événements deux leçons importantes pour la résistance contre les plans d’austérité à venir. Nous avons besoin de syndicats démocratiques et combatifs qui opposent un front uni aux attaques. Et l’absence d’une représentation politique affaiblit la résistance des travailleurs. Si ces leçons sont tirées et que des avancées sont faites sur ces deux points, des victoires seront possibles à l’avenir.

  • Pouvoir d’achat. Face au discours patronal, une alternative politique est nécessaire

    2007 a été une nouvelle année record pour les profits patronaux. La palme d’or va aux cinq principales multinationales pétrolières du monde qui ont récolté à elles seules pas moins de 93 milliards d’euros de profits. Chez nous aussi, les patrons se frottent les mains. Les entreprises du Top 30.000 ont fait ensemble 77 milliards d’euros de profits, un montant historique. Par contre, pour les travailleurs et leurs familles, les derniers mois ont été ceux de l’envolée des prix à la pompe et à la caisse et de la dégringolade du pouvoir d’achat. Mais, avec la crise financière et économique née aux Etats-Unis cet été et qui gagne peu à peu l’ensemble de la planète, les patrons n’ont aucune envie de faire des concessions.

    Geert Cool

    Guy Quaden (gouverneur de la Banque Nationale – et membre du PS !) a pu déclarer le plus franchement du monde que toute augmentation salariale est «catas-trophique», sans provoquer de réaction parmi les partis établis. Lorsqu’un représentant d’ING a osé reconnaître dans les médias que les prix de la nourriture augmentaient de manière spectaculaire, il a bien vite été rappelé à l’ordre par d’autres qui ont précisé que les prix sont en moyenne encore à 7,5 % sous la moyenne européenne. La Banque Nationale a quand même reconnu que ce sont les produits à bas prix qui ont le plus augmenté et que le rythme de hausse des prix des produits alimentaires transformés est plus élevé en Belgique que dans la zone euro. Pourtant, pour la Banque, pas question d’intervenir sur les prix, elle préfére laisser la population adapter ses habitudes de dépenses…

    L’économiste Paul De Grauwe a reconnu le problème du pouvoir d’achat (sans en tirer de conclusions, il reste tout de même libéral) dans une interview au Vif : « Je peux comprendre les grèves et les revendications salariales des syndicats. Nous sortons d’une période de profits d’entreprise énormes. Les salaires n’ont pas suivi cette tendance. La partie des salaires dans le revenu national a chuté.(…) Je n’ai plus aucune sympathie pour le patronat: ce qu’ils récoltent maintenant, ils l’ont semé eux-mêmes. Qui plus est, l’avidité des topmanagers est révoltante. »

    Dans le Financial Times, le chroniqueur Martin Wolf est encore allé plus loin: « Je crains que la combinaison de la fragilité du système économique avec les profits records qu’il a générés ne détruise quelque chose de plus important : la légitimité politique de l’économie de marché elle-même. »

    C’est pour cette même raison que le PS et le SP.a essaient de surfer sur le sentiment anti-néolibéral en donnant de la voix contre les intérêts notionnels, les super-profits et la fraude fiscale.

    Mais la meilleure garantie pour construire une alternative politique au néolibéralisme n’est pas de se tourner vers les vieux complices de cette politique, qu’ils continuent d’ailleurs à appliquer à tous les niveaux de pouvoir où ils se trouvent. Nous devrons construire notre propre instrument politique : un parti des travailleurs qui se base sur les milliers de travailleurs qui ont mené des actions pour le pouvoir d’achat et qui défende les centaines de milliers d’autres qui voient fondre leur pouvoir d’achat et s’inquiètent de l‘avenir.

    Pour en savoir plus:

  • Le gouvernement veut mouiller les syndicats dans l'offensive sur les salaires

    Rencontre entre syndicats et patronat

    Le gouvernement a organisé ces derniers mois un premier tour de concertation avec les syndicats et le patronat pour arriver à un accord sur les salaires. En fait, il s’agit donc d’anticiper sur la concertation sur les salaires prévue pour la fin de cette année. Il faudra alors conclure un nouvel Accord Interprofessionnel (AIP).

    Karel Mortier

    Guy Verhofstadt a déclaré le 27 mars que "Les syndicats et les employeurs reconnaissent qu’il y a un problème avec la compétitivité de nos entreprises. Ils plaident aussi pour l’instauration de mécanismes de contrôle, et c’est important en cas d’inflation trop élevée. Les partenaires sociaux ne veulent pas non plus que les futures diminutions de charges soient détournées en augmentations de salaire."

    Au lieu de préparer la lutte pour les prochains mois, les dirigeants syndicaux se laissent déjà embarquer dans le raffiot néo-libéral pourri. On pouvait s’y attendre dès lors qu’ils avaient déjà accepté qu’on touche à l’index, ce qui fait que l’indexation des salaires a été différée de quelques mois. Pour compenser cet énième coup de rabot sur les salaires, les syndicats reçoivent la "promesse" qu’on va créer plus d’emplois et que les entreprises vont investir dans l’innovation.

    D’après Cortebeeck (CSC), il n’est pas question de toucher à l’index – c’est pourtant ce qu’on vient de faire – ni aux barèmes salariaux. Mais il laisse ouvertes toutes les autres pistes pour contenir les salaires. Le message qu’il envoie aux secteurs n’est pas de voir comment on peut augmenter le pouvoir d’achat des affiliés: il leur demande de s’attabler avec les patrons pour voir comment on peut contenir la hausse des salaires.

    Les patrons ne manqueront pas d’imagination pour proposer les pistes adéquates. Il semble déplacé d’évoquer les profits et les salaires exorbitants des top managers. Quel contraste avec la baisse du pouvoir d’achat de la majorité de la population… malgré la hausse de la productivité !

    Au moment même où Paul De Grauwe, économiste libéral de renom, déclare que la question des salaires trop élevés est une fable et fait sans doute partie d’un agenda caché de la FEB visant à augmenter les marges de profit des entreprises, le sommet syndical reprend à son compte une bonne part de l’agenda de la FEB et du gouvernement comme cadre des prochaines négociations intersectorielles.

    La lutte contre le Pacte des Générations est-elle en train de se répéter ? A ce moment-là aussi, Cortebeeck avait été immédiatement acquis à la nécessité de ce pacte, mais sa base l’a rappelé à l’ordre plusieurs fois. Le livre "50 mensonges sur le vieillissement" du chef du service d’étude de la CSC, Gilbert De Swert, a été totalement ignoré alors qu’il contient tant de contre-arguments pour mener la discussion.

    Aujourd’hui, même les déclarations d’un économiste libéral dont la rubrique fait autorité dans le Financial Times ne semblent pas suffire à détourner Cortebeeck du cadre de réflexion néo-libéral imposé par le gouvernement.

    Cela fait déjà trois décennies qu’on dit aux travailleurs de se serrer la ceinture en échange de plus d’emplois et de plus d’innovation. Tout ce qu’on voit, c’est un chômage qui grimpe et des conditions de travail qui se dégradent pour ceux qui ont encore un boulot. Quant aux moyens supplémentaires pour l’innovation et la formation, on les attend toujours. La Belgique continue à se signaler par de très piètres performances sur ces terrains d’après toutes les études internationales. Le seul résultat tangible de cette politique, c’est que ceux qui possèdent le capital iront de nouveau puiser dans les poches de ceux qui produisent la richesse de ce pays.

  • UE. Instrument des banques et des multinationales

    L’UE est utilisé pour obtenir sur le plan européen une accélération des mesures néo-libérales. Mais au moment d’une crise économique l’UE est mis sous pression.

    La Constitution dans ses propres mots

    L’UE défend un projet libéral, dans lequel l’intérêt central est la libre concurrence et non pas les services à la population. “L’Union offre à ces citoyens (…) un marché interne dans lequel la concurrence est libre et authentique.” (article I-3)

    Malgré toutes les déclarations affirmant que la Constitution et la directive Bolkestein n’ont rien voir l’une avec l’autre, on lit dans la Constitution: “Par une loi-cadre européene, des mesures vont être prises afin de réaliser la libéralisation des services.” (article II-147)

    L’UE veut un élargissement des moyens pour la défence, avec une unification plus large en tête, un premier pas vers une armée européenne. “Les états-membres s’engagent d’améliorer graduellement leurs compétences militaires.” (article II-41).

    Dans la Constitution Européenne, un texte très large, il y a encore un tas d’exemples de ce projet néolibéral défendu par l’UE. Les soi-disant mesures “sociales”, auquelles se réfèrent souvent les socio-démocrates, ne sont, au contraire, pas plus élaborées que quelques généralités vagues et vides.

    A la fin de l’année passée, il était déjà clair que l’économie entrait en difficultés dans beaucoup de pays européens. Cela a été confirmé par les résultats européens du premier trimestre de 2005, où deux pays avaient une croissance négative (l’Italie -1,6% et les Pays-Bas –0,6%) et d’autres pays, comme la Belgique, avaient une croissance zéro. A cause de celà, il devient très difficile de suivre les règles européennes, comme par exemple celles sur le déficit budgétaire qui ne peut pas dépasser 3% du produit intérieur brut (PIB).

    De plus, il y a un mécontentement croissant contre l’UE. Les grands thèmes des dirigeants européens – le marché unique, l’euro et l’élargissement – n’ont en rien réalisé les aspirations de progrès. Au contraire, ils ont encore amplifiés la crise économique du fait que les différents gouvernements ne pouvaient plus prendre des mesure pour stimuler l’économie nationale. Comme dévaluer la monnaie pour stimuler l’exportation, par exemple.

    On en est déjà au point que le ministre italien Roberto Maroni a déclaré que l’Italie ferait peut-être mieux de revenir à la Lire: “Cela fait déjà trois années que l’euro a démontré qu’il n’est pas le moyen adéquat contre la stagnation de la croissance, la perte de la force de concurrence et la crise de l’emploi.”

    Directive Bolkestein: attaque libérale sur nos droits!

    Le but de cette directive est de liquider des soi-disant obstacles pour le commerce des service en Europe. En réalité, c’est une proposition extrémiste qui permet que les règles les plus basses sur le plan social, de la sécurité et de l’environnents deviennent la norme. La directive proposée rendra possible qu’une entreprise de contruction basée en Pologne fasse travailler des ouvriers de construction en Belgique aux salaires et conditions de travail polonais. Idem pour les bureaux d’intérim, des services de nettoyage, des services par des autorités locales, mème notre enseignement et nos soins de santé sont en danger.

    Des gouvernement ne seront plus capable d’imposer certains tarifs minimaux ou maximaux pour des médicaments ou d’imposer des normes minimales pour le cadre de personnel dans les hopitaux et les maisons de repos. Le marché sera toujours plus envahissant et imposera sa dictature du profit dans des secteurs aussi vitalement importants que les soins de santé.

    Stratégie de Lisbonne

    Quand la nouvelle Commission Européene sous la direction de Barrosso fut mis sur pied, elle annonça immédiatement que les “reformes économique” seraient la tâche la plus importante. Ça n’est donc pas étonnant que la composition de la Commission Européenne est surtout orientée vers la défence du libre marché et des libéralisations. Cela fit applaudir (entre autre) le journal économique britannique Financial Times.

    La politique européenne actuelle est basée sur “la stratégie de Lisbonne”. En 2000, au sommet européen de Lisbonne, un plan de privatisations et de dérégulations massives a été proposé. L’économie des Etats-Unies y était utilisé comme modèle. Pour cela, on comptait aussi sur les nouveaux états-membres en Europe Centrale et de l’Est. La fédération patronale européenne Unice déclarait: “L’élargissement est une opportunité en or pour augmenter la compétititvité.” L’UE à 25 va “rendre prioritaire la compétivité des entreprises” disait Barrosso quand il faisait la sélection pour sa commission. L’élargissement est certainement un argument important pour les entreprises qui revendiquent des salaires plus bas et une semaine de travail plus long.

    Aujourd’hui la seule chose qui tient ensemble l’Union Européenne est la volonté collective des capitalistes en Europe de liquider la sécurité sociale et de faire une offensive sur les travailleurs et leurs familles. Mais de l’autre coté il y a aussi la pression inévitable des interêts nationaux des politiciens et des capitalistes.

    Tous les éléments de la crise actuelle – le pacte de stabilité, la constitution, le budget,… – peuvent mener à un Europe avec deux ou trois différents camps et des niveaux différents d’intégration.

    Blair a déjà annoncé qu’il ne va pas y avoir de referendum en Grande-Bretagne. La Tchèquie veut suivre cet exemple. Il est probable que le processus de ratification va être arrêté, suivi par une période de “réflexion”. Une crise économique va renforcer la crise politique de l’UE et peut même mettre à l’agenda d’un certain nombre d’états-membre la remise en cause de l’adhésion.

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