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  • États-Unis : Après la tragédie de Boston : non au racisme et à la répression !

    A Boston (1), un horrible attentat a été perpétré lundi contre le Marathon. Ce genre d’acte ne devrait jamais se produire où que ce soit dans le monde. On a vu d’innombrables actions de solidarité, comme lorsque les gens ont accouru vers le lieu de l’explosion afin de secourir les centaines de personnes qui ont été prises dans le souffle de destruction. Les participants au Marathon ont dû courir trois kilomètres de plus pour aller faire des dons de sang, et de très nombreux Bostoniens ont ouvert leur porte aux personnes sinistrées.

    Article par Bryan Koulouris, membre à Boston de Socialist Alternative, section américaine du CIO

    Des messages de solidarité ont été envoyés à Boston par les habitants de Kaboul en Afghanistan et de Bagdad en Iraq et même de l’équipe de base-ball de New York, le Yankee Stadium. Mais au même moment, les compagnies de soins de santé demandent d’énormes sommes d’argent pour effectuer les opérations chirurgicales nécessaires et les victimes se voient contraintes de demander des dons à d’autres citoyens, tandis que les milliardaires tirent d’immenses bénéfices de ce drame.

    Une des trois personnes tuées par l’explosion était un enfant de huit ans, Martin Richard, qui résidait dans le quartier populaire de Dorchester. La photo du petit Martin, portant un dessin qu’il avait fait pour réclamer la paix dans le monde après le meurtre raciste de Trayvon Martin, a fait le tour du monde et est devenu une des principales images associées à cette tragédie. Malheureusement, la mort de Martin Richard a été immédiatement suivie d’actes racistes.

    Dès le lundi, un étudiant originaire d’Arabie saoudite a été attaqué dans le quartier près de la ligne d’arrivée du Marathon pour son “comportement suspect” et pour son “odeur d’explosif” alors qu’elle s’enfuyait du lieu de l’explosion. Toute la première journée d’enquête a été perdue à cause de l’attention excessive qui a été accordée à cette fausse piste, du fait des préjugés racistes des enquêteurs.

    Les médias, et en particulier la chaine d’informations CNN, ont tout fait pour provoquer un sentiment islamophobe et anti-immigrant, en publiant la photo du Saoudien et en diffusant en continu de faux rapports de suspects et d’arrestations. Un de ces rapports faisait par exemple état d’un suspect “au teint basané”. Le même jour, la police de Boston était en train d’arrêter et de fouiller des jeunes latinos et afro-américains, dans une ambiance très militaire.

    Guerre, violence, terrorisme

    En tant que socialistes, nous condamnons absolument cette attaque terroriste. Quel que soit la motivation de ceux qui en sont à l’origine, de tels actes sont totalement réactionnaires. Les premières victimes en sont les simples travailleurs. Les méthodes des terroristes, telles que ce que nous avons vu à Boston, donnent un prétexte tout trouvé aux forces de droite pour renforcer le sentiment raciste et nationaliste dans la société. Cela a pour seul résultat un affaiblissement de la classe ouvrière, et dessert uniquement les intérêts des capitalistes.

    Les médias ont beaucoup fait état de ce que les auteurs de l’attaque étaient sans doute motivés par une idéologie terroriste islamiste de droite, en particulier vu les doléances du peuple tchétchène à majorité musulmane envers l’oppression brutale de leur pays par la Russie.

    Quand bien même de telles allégations seraient fondées, les attaques perpétrées à Boston ne parviendront pas le moins du monde à affaiblir l’impérialisme américain ou l’oppression des peuples tchétchène, irakiens, afghan, palestinien ou arabe par les puissances impérialistes. En fait, la véritable conséquence de tout cela est l’effet inverse, c’est-à-dire l’affaiblissement de la lutte du peuple tchétchène et de l’ensemble des peuples opprimés et le renforcement du pouvoir de l’État américain, en donnant un prétexte à la classe dirigeante américaine et internationale pour piétiner les droits de l’homme.

    Bien que nous nous opposons entièrement au terrorisme et à l’islam politique de droite, les travailleurs et les socialistes ne peuvent en aucun cas soutenir les méthodes racistes de l’appareil policier du capitalisme américain ni sa politique impérialiste à l’étranger perpétrée au nom de la “lutte contre le terrorisme”. L’élite au pouvoir tente en effet d’exploiter de manière cynique la juste colère de la population contre le terrorisme.

    Plutôt qu’une chasse aux sorcières racistes, nous devons forger l’unité de tous les peuples opprimés, de tous les travailleurs et de tous les jeunes du monde entier, afin de pouvoir nous attaquer à la racine du problème. Dans la même semaine au cours de laquelle s’est produite la tragédie de Boston, quatorze personnes ont perdu la vie et des centaines de personnes ont été grièvement blessées dans une usine d’engrais au Texas. Les conditions de travail dans cette usine violaient quotidiennement les normes de sécurité. Au même moment, vingt-deux vétérans de l’armée américaine se suicident tous les jours.

    Les travailleurs doivent s’unir contre la domination capitaliste afin d’obtenir dans les faits la sécurité au travail, le suivi psychologique des personnes en détresse et des soins de santé gratuits et de qualité. Cette lutte est capable de tous nous unir au-delà des frontières raciales, ethniques ou religieuses. Une telle approche d’unité des travailleurs peut former un puissant contre-poids à la violence religieuse et ethnique non seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier.

    Les héros du Marathon

    Tout le monde connait à présent Carlos Arredondo, via d’innombrables images et récits médiatiques sur cet “homme au chapeau de cow-boy”. Carlos a accouru vers le site de l’explosion pour aider à évacuer les blessés vers les ambulances et le personnel médical. Son action a sans aucun doute permis de sauver des dizaines de vie. Une des personnes secourues par Carlos a été le premier témoin à donner à la police une description du “suspect n°” qui a été abattu lors d’une fusillade jeudi.

    Carlos est un immigré et un militant citoyen affligé par la perte de son fils Scott, tué en Iraq où il s’était engagé en tant que soldat. Lorsque le mouvement anti-guerre a connu son apogée, Carlos était présent à chaque manifestation. Carlos et sa compagne, Melida, étaient aussi présents sur le site de l’incident du Marathon.

    Parmi les héros oubliés de l’incident de Boston, figurent le personnel de l’Association des infirmier(e)s du Massachusetts (Massachusetts’ Nurses Association, MNA), un syndicat qui se bat tous les jours pour garantir les effectifs du personnel afin d’accorder des soins de qualité aux patients, face aux entreprises hospitalières privées dont le but est de “réduire les couts”. Les infirmier(e)s de la MNA ont soigné les victimes de l’attentat et poursuivront leur campagne de maintien des effectifs.

    Seamus Whelan, militant de la MNA et membre de Socialist Alternative, par ailleurs candidat aux élections pour la mairie de Boston, a déclaré que : « Après cette horrible attentat qui n’a causé que terreur et tragédie, nous voyons clairement la nécessité de soins de santé gratuits, garantis et de qualité. Le personnel médical, afin d’accorder un meilleur traitement aux patients, se trouveront à l’avant-garde de la lutte contre le plan d’Obama de coupes dans le budget de la sécurité sociale, de Medicare et de Medicaid ».

    Le débat sur l’immigration

    Les politiciens capitalistes qui se trouvent dans l’antichambre du pouvoir ont prévu d’entamer un débat sur l’immigration plus tard cette année. La récente tragédie est maintenant instrumentalisée par les médias de droite afin de renforcer le sentiment anti-immigration. Cela pourrait gâter le débat et le pousser vers la droite.

    Les jeunes qui ont été accusés d’avoir commis cet acte horrible sont des immigrés qui ont passé la plupart de leur vie aux États-Unis. Il est insensé d’attaquer l’ensemble des immigrés ou des musulmans pour cette unique raison. Depuis, on a déjà vu une femme musulmane se faire attaquer dans le quartier populaire de Malden. Contrairement à la propagande médiatique, la vérité est que la plupart des attentats et meurtres de masse qui ont été perpétrés et qui continuent à être perpétrés aux États-Unis l’ont en fait été par des hommes blancs non-musulmans.

    Toute attaque sur les droits civiques des travailleurs immigrés serait en fait une attaque sur l’ensemble de nos droits, puisque cela renforcerait le bras de la réaction contre les travailleurs et contre les jeunes. Toute loi soi-disant “anti-terroriste” qui prétend viser les “terroristes” ou les immigrés est en fait une attaque anti-démocratique déguisée qui sera ensuite utilisée contre les militants qui se battent contre le pouvoir des multinationales, comme on l’a vu ces dernières années, quand le FBI et la police ont étendu le champ des compétences anti-terroristes qui leur ont été octroyées après le 11 septembre 2001 pour pouvoir réprimer tous les militants du mouvement Occupy, les militants anti-guerre et les militants syndicaux.

    Socialist Alternative est en faveur de la naturalisation immédiate et complète de l’ensemble des travailleurs sans-papiers. Cela est bien loin de la pseudo-“réforme de l’immigration” proposée par Obama, dont le but n’est que de fournir aux grands patrons une main-d’œuvre bon marché et constamment menacée de déportation, tout en créant un processus long, cher et humiliant que les sans-papiers doivent accomplir afin de se faire naturaliser, tout en niant tout statut légal à la minorité de ceux qui sont aujourd’hui sans-papiers.

    La naturalisation des travailleurs immigrés renforcerait leur confiance dans leur capacité à lutter pour de meilleurs salaires et de meilleures allocations sociales. Cela renforcerait l’ensemble des travailleurs à la table des négociations et dans les luttes contre les coupes budgétaires. Les immigrés ont toujours contribué à construire les syndicats aux États-Unis, et ils continueront à le faire.

    Arrestation à domicile de masse, réjouissances

    Vendredi, près d’un million de résidents du Grand Boston ont reçu l’ordre de rester chez eux et de ne pas quitter leur domicile. On nous a dit que cela aiderait les enquêteurs à localiser le suspect, un jeune homme âgé de 19 ans, alors en fuite. Les rues étaient complètement abandonnées, Boston a été transformée en un tableau de film d’apocalypse.

    Le suspect a été attrapé peu après que cet ordre ait été levé, parce qu’un résident de Watertown, le faubourg où s’est déroulée la fusillade, a découvert le suspect sur son bateau en sortant de chez lui.

    Il y a alors eu une grande explosion de joie, tout le monde était réconforté en se disant que le cauchemar était terminé. Cependant, les effets de ces événements vont se faire sentir encore longtemps. La classe dirigeante a maintenant une occasion de faire passer de nouvelles lois “anti-terroristes” qui accroitront le pouvoir répressif de l’État et de continuer à diffuser une propagande de droite raciste, anti-islam et anti-immigration.

    Toutefois, la conscience de la population n’est pas la même que celle qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001, où on avait vu naitre un soutien massif à la guerre et aux attaques sur les droits démocratiques. Lorsque Socialist Alternative a dressé son stand dans la rue à Boston samedi, c-à-d un jour après l’ordre de rester à la maison, nous n’avons pas été confrontés à la moindre hostilité. Sur nos pancartes, il était écrit : « Défendons les droits démocratiques », « Non aux attaques contre les immigrés ».

    La plupart des gens sont épuisés par toutes ces émotions et cherchent des réponses. À la base de tout se trouve le système capitaliste qui crée l’aliénation, la guerre, la pauvreté, et le sentiment d’impuissance qui mène à de tels actes détestables. Seule la puissance de la solidarité des travailleurs peut surmonter ces calamités et le système qui les engendre.


    (1) Pour bien comprendre : située au nord-est des États-Unis, Boston est une ville de 5 millions d’habitants, la dixième plus grande ville des États-Unis. Capitale de l’état de Massachusetts, elle est aussi une des plus vieilles villes du pays, fondée par la première vague de colons britanniques en 1630. Aujourd’hui, elle est un important centre historique, économique et culturel. Le Marathon de Boston est quant à lui une véritable institution : il se déroule chaque année depuis 1897, avec en moyenne 20 000 participants et 500 000 spectateurs.

  • WikiLeaks : l’empire américain dévoilé

    Ce mardi 7 décembre, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, actuellement l’organisation fauteuse de troubles n°1, a été arrêté après s’être rendu à la police londonienne. C’était là la dernière attaque contre cette organisation, parmi toute une série d’autres. Le site internet de WikiLeaks a subi des attaques sur sa liberté d’accès, des entreprises comme Amazon ou PayPal ont interrompus tous leurs services rendus à WikiLeaks tandis que des institutions financières comme MasterCard et Visa ont gelé ses comptes. Bradley Manning, un des fauteurs de troubles de WikiLeaks, a été arrêté en mai et est maintenant confronté à la cour martiale et jusqu’à 52 de prison.

    George Martin Fell Brown et Brandon Madsen, Socialist Alternative (CIO-États-Unis)

    WikiLeaks a été lancé en 2007 et fournit des méthodes sécurisées et anonymes à tout individu qui désire révéler des informations sensibles aux journalistes, généralement sous forme de documents originaux. Ce mois de juillet, nous avons vu la publication massive et sans précédent de plus de 90.000 rapports d’incidents et d’espionnage au sujet de la guerre d’Afghanistan de 2004 à 2009. Et, le 23 octobre, a suivi la publication de près de 400.000 documents américains classifiés se référant à la guerre en Irak.

    Au total, c’est près de 500.000 documents, auxquels il faut rajouter les plus de 250.000 câbles diplomatiques américains, qui sont en train d’être publiés en ce moment. Cette “mégafuite” dépeint une image bien sombre de l’armée américaine qui, en plus de sa malhonnêteté violente, est aussi embourbée dans une crise sanglante et insoluble. Mais plutôt que de faire face à ces problèmes de manière franche, le gouvernement américain a tourné son attention vers des attaques contre WikiLeaks afin d’éviter d’autres situations embarrassantes.

    Certains politiciens va-t-en-guerre tels que Peter King et Mitch McConnell ont accusé WikiLeaks de manière fort hypocrite en disant que l’organisation met en danger les troupes américaines en révélant des secrets gouvernementaux ! Mais c’est bel et bien, et avant tout, leur soutien aux guerres impérialistes en Irak et en Afghanistan qui est la cause de toutes ces années de carnage dans ces deux pays. C’est l’administration Bush qui a lancé toutes ces fausses accusations sur la prétendue présence d’armes de destruction massives en Irak, entrainant par là des centaines de milliers de morts. Si WikiLeaks avait existé à l’époque, alors tous ces mensonges auraient été révélés au grand jour et d’innombrables vies auraient été sauvées.

    Délits sexuels et “espionnage”

    Le tout dernier rebondissement dans cette affaire a été l’arrestation de Julian Assange pour la soi-disant charge de délits sexuels qu’il aurait commis en aout 2010 en Suède. Assange affirme que ce conflit provient du fait que ces rapports sexuels ont été consentis, mais non protégés. Toutefois, la justice l’accuse d’avoir eu un rapport non protégé avec une femme qui était endormie. Il a été libéré sous caution, mais reste maintenu sous surveillance à Londres et est menacé d’extradition vers la Suède.

    Ce sont là de graves accusations, qui ne doivent pas être prises à la légère. S’il y a la moindre véracité derrière elles, il faut mener une enquête. Cependant, la manière dont l’enquête a été menée jusqu’ici ôte beaucoup de crédibilité à l’affaire… Peu de temps après que l’enquête ait commencé, le procureur général, Eva Finné, a fait annuler les accusations et retirer le mandat d’arrêt, avec pour commentaire : «Je ne pense pas qu’il y ait de raison de le soupçonner d’avoir commis un crime» (Dagens Nyheter, 03/11/10). Toutefois, l’enquête a été rouverte après l’intervention de Claes Borgström, un politicien suédois haut placé.

    De même, il n’a pas encore été condamné pour un quelconque crime, et la Suède ne l’a jusqu’à présent convoqué que pour l’interroger au sujet de cette affaire. Néanmoins, l’Organisation internationale de la police criminelle (Interpol) a émis une ‘‘notice rouge’’ contre lui, sous laquelle il a été arrêté. Interpol n’a jamais, au grand jamais, montré le moindre intérêt dans une quelconque affaire de violence envers les femmes. En considérant le nombre d’actes de violence sexuelles qui se passent chaque seconde dans le monde (dont très peu sont effectivement suivis par la police), il y a beaucoup de raisons de soupçonner Interpol d’être en train d’utiliser cette affaire en tant que prétexte pour lancer une chasse à l’homme. Tout ceci suggère que les gouvernements britannique et suédois, sous pression des États-Unis, sont plus intéressés dans le lancement d’un procès pour hérésie contre Assange et WikiLeaks que dans l’avènement d’une nouvelle politique de lutte contre la violence faite aux femmes.

    C’est très certainement le cas pour le gouvernement américain, qui tente d’obtenir l’extradition d’Assange vers les États-Unis pour y répondre des chefs d’espionnage liés aux révélations faites par WikiLeaks. La sénatrice Diane Feinstein (Démocrate, Californie) a émis le souhait qu’Assange soit condamné selon les termes de l’Espionage Act de 1917. Il s’agit d’une loi très floue qui a été instituée sous le président Woodrow Wilson dans le but de réprimer l’opposition à la Première Guerre mondiale. Cette loi a connu son “heure de gloire” avec l’arrestation en 1918 du militant socialiste Eugene Debs, pour avoir fait un discours anti-guerre qui aurait pu “gêner le recrutement”.

    Feinstein exige également une peine de dix ans de prison pour chaque fuite, ce qui reviendrait à une peine totale de 2.500.000 ans de prison. Erie Holder, le procureur général d’Obama, a dit que les cadres américains étaient en train de mener une «enquête très sérieuse et active, qui est de nature criminelle» autour des fuites de WikiLeaks (New York Times du 08/12/10). Les sénateurs Joe Liberman (Démocrate indépendant, Connecticut), Scott Brown (Républicain, Massachusetts) et John Ensign (Républicain, Nevada), ont introduit une loi qui rendrait criminel tout média qui publierait des documents de WikiLeaks.

    Ces mesures représentent une grave attaque à la liberté d’expression et d’information. Il faut résolument s’y opposer. Quelles que soient les motivations derrière les accusations de délits sexuels en Suède, il est honteux que le gouvernement américain soit prêt à utiliser de telles charges en tant que levier pour attaquer la liberté d’information.

    Morts de civils et torture

    L’hystérie des gouvernements américains et du monde entier dans leurs attaques sur Julian Assange et sur WikiLeaks révèle une grave hypocrisie si on considère les révélations contenues dans les fuites elles-mêmes. Malheureusement, le gouvernement et les médias américains ont été capables d’utiliser les accusations suédoises afin de détourner l’attention des crimes bien réels et bien documentés qui ont été commis en Irak et en Afghanistan.

    Une chose qui saute aux yeux presqu’instantanément est le fait que le gouvernement américain a menti du début à la fin en affirmant que les morts de civils en Irak étaient maintenues au strict minimum, et qu’ils ne savent en réalité même pas combien de civils ont été tués. Les documents estiment qu’entre 2004 et 2009, des centaines de morts violentes de civils ont été enregistrées en Afghanistan, et plus de 66.000 en Irak, mais celles-ci n’ont jamais été publiquement révélées. Il ne fait aucun doute que ces statistiques ne représentent qu’une fraction du nombre de civils qui ont réellement été tués, mais même si on se réfère au système de comptage de l’armée américaine, ce nombre équivaut à trois fois le nombre de morts “ennemies” au cours de la même période (soit 23.984).

    Ceci ne devrait guère surprendre qui que ce soit, après avoir visionné la vidéo “Meurtre collatéral” également publiée par WikiLeaks un peu plus tôt dans l’année, qui montrait un groupe d’Irakiens et ce qui s’est avéré être deux journalistes de l’agence Reuters se faire bombarder sans aucun scrupule par des hélicoptères Apache américains dans les rues de Bagdad le 12 juillet 2007. Ils sont tous décédés. Cette vidéo a été suivie par une autre, montrant le meurtre d’un groupe d’hommes désarmés, tandis que leurs enfants trainaient d’autres blessés hors de portée. Quelles que soient les intentions des soldats impliqués, ces actes constituent clairement une violation des règles d’engagement, étant donné qu’aucun des individus pris pour cible n’avait affiché le moindre comportement hostile.

    Comme Glenn Greenwald l’a fait remarqué à ce moment-là, «Il y a un véritable danger que des incidents du type de ce massacre en Irak soient exposés d’une manière fragmentaire et inhabituelle : c’est à dire, la tendance de parler de cela comme étant s’il s’agissait d’une aberration. Ce n’en est pas une. C’est en fait le contraire : cela fait partie de la procédure standard que nous suivons lors de toute guerre, invasion ou occupation.» (Salon.com, 06/04/10)

    Cette position est soutenue à la fois par de nouvelles preuves et par la vidéo elle-même, dans laquelle les soldats dans l’hélicoptère reçoivent la permission d’ouvrir le feu avant même qu’ils n’aient rapporté quoi que ce soit qui puisse indiquer que les personnes bombardées représentaient une quelconque menace immédiate.

    De même, le scandale des actes de torture dans la prison d’Abu Ghraib en 2004 était un autre cas que l’armée a tenté de décrire comme un acte perpétré par “quelques individus pourris”. Il semble que des actes de torture aussi malsains que ceux-ci ou pire encore ont pu se poursuivre en Irak sous la supervision de l’armée américaine, tant qu’ils étaient effectués par les autorités ou par les forces de sécurité irakiennes. Un ordre fragmentaire (ou “frago” – un ordre qui altère un ordre existant) a bien clarifié le fait que les cas d’“abus d’Irakiens par des Irakiens” ne nécessitait “aucune enquête plus approfondie”. Les incidents d’actes de torture auxquels il est fait allusion dans les documents incluent l’électrocution, des foreuses électriques, et de temps à autre l’exécution de détenus. (bbc.co.uk 23/10/10)

    La réaction des autorités

    Le contrecoup politique qui a suivi ces fuites a été profond : l’ensemble de l’establishment politique a condamné en vrac toutes les fuites et a menacé de répliquer lourdement par des procès contre toutes les personnes impliquées. Certains conservateurs aux États-Unis ont été encore plus loin, comme le commentateur de Fox News qui a appelé à ce que l’éditeur en chef de WikiLeaks Julian Assange soit traité comme un “prisonnier de guerre”. Christian Whiton, un ancien cadre du département d’État, a déclaré que l’ensemble du personnel de WikiLeaks doit être classifié en tant que “combattants ennemis”, et a vigoureusement défendu le fait que des “actions non-judiciaires” soient utilisées contre eux. Un éditorial du Washington Times a dit que le gouvernement américain devrait ‘‘mener la guerre contre la présence sur internet de WikiLeaks’’, et d’autres déclarations similaires sont apparues sur le site de l’American Enterprise Institute (AEI). (The Independent, 27/10/10)

    Le soldat de première classe Bradley E. Manning, âgé de 22 ans – et qui est déjà accusé en tant que premier suspect dans le cadre de la publication de la vidéo “Meurtre collatéral” de même que de la vidéo d’un autre raid aérien et de la dernière fuite des 250.000 câbles diplomatiques américains – a lui aussi été classifié comme étant une “personne d’intérêt” en ce qui concerne les carnets de la guerre d’Afghanistan. Rien que sur la base des chefs d’accusation retenus contre lui, il pourrait être condamné à 52 ans de prison !

    Tandis que ces attaques contre les responsables des fuites sont en cours, l’administration Obama a en même temps tenté de dénigrer la portée de ces documents, utilisant l’argument éhonté selon lequel ceux-ci ne couvrent que la période qui a précédé la nouvelle offensive, alors que selon eux, la guerre se déroule à présent fort bien. Elle a aussi reçu une petite couverture de la part du Times de Londres, qui a résumé toute l’affaire en disant que «Après tout, les documents ne contredisent pas les rapports officiels de la guerre». Un peu plus récemment, Obama, dans une déclaration commune avec le Président mexicain Felipe Calderón, a condamné «les actes déplorables perpétrés par WikiLeaks» concernant les nouvelles fuites au sujet de la guerre contre la drogue. (New York Times, 11/12/10)

    Les efforts frénétiques réalisés pour contenir ces fuites et leur portée vont à l’encontre de toutes les promesses de “transparence” de l’administration Obama. La vérité est plutôt que le gouvernement se base sur le secret en tant qu’outil crucial avec lequel revigorer le soutien en faveur de la guerre, et c’est pourquoi il est tellement prompt à poursuivre les personnes responsables de la fuite de ces documents.

    D’ailleurs, cela aussi est confirmé par des documents en provenance de l’armée américaine et de la CIA qui ont été publiés précédemment par WikiLeaks, et qui mentionnent la nécessité de détruire WikiLeaks et comment susciter artificiellement un soutien en faveur de la guerre d’Afghanistan en France et en Allemagne. Ces documents comportent des chapitres aux titres tels que “L’apathie du public permet aux dirigeants d’ignorer les électeurs”. Dans un autre document de cette série, intitulé “Pourquoi compter uniquement sur l’apathie pourrait ne pas être suffisant”, la CIA esquisse d’autres stratégies cruciales pour assurer le soutien à la guerre, tels que l’utilisation de femmes afghanes pour faire des déclarations pro-guerre, afin de jouer sur la sympathie des français envers les réfugiés afghans. Elle souligne aussi l’utilité de Barack Obama en tant que belle gueule pour la guerre, et comme étant quelqu’un à qui la plupart des populations européennes à accorderont plus facilement leur confiance. (Glenn Greenwald, Salon.com 27/03/10)

    Poursuivre les taupes responsables de la diffusion de ces documents n’a rien à voir avec la protection de la population, comme de nombreux membres de l’establishment voudraient le faire croire, mais à plutôt tout à voir avec le “management de la perception” (encore une belle formule de la CIA). Pour le reste d’entre nous, ces taupes devraient être considérées comme des héros, prêts à risquer leur vie pour pouvoir livrer au public ces informations cruciales. Ces documents peuvent et doivent être diffusés aussi largement que possible afin d’exposer la brutalité et la futilité des guerres, et devraient constituer un incitant pour renouveler les efforts d’organisation dans le but d’y mettre un terme immédiatement.

    Action de protestation contre la censure de WikiLeaks par le gouvernement au siège d’Amazon.com

    Ce lundi 13 décembre, la cour du siège de Amazon.com a été inondée par une cacophonie de sifflets et de chants, tandis que 50 personnes protestaient contre la censure de WikiLeaks par le gouvernement américain. Malgré l’averse glaciale, les militants ont envoyé un message clair et sans équivoque à Amazon.com, comme quoi leur décision de censurer WikiLeaks en supprimant son site de leurs serveurs ne se fera pas sans bruit.

    Sous la pression du gouvernement américain, Amazon.com a été la première parmi toute une série d’entreprises qui sont en train de restreindre notre droit de connaitre ce que le gouvernement est en train de faire, en bloquant l’accès au site de WikiLeaks, et donc aux câbles diplomatiques américains, et en refusant de transmettre les dons comme pour PayPal, Mastercard ou Visa.

    Ceci est une attaque flagrante de notre liberté d’information, de presse et de parole – qui sont des éléments cruciaux et fondamentaux de la démocratie. Ceci représente une tentative de faire taire l’opposition croissante aux guerres impopulaires en Iraq et en Afghanistan, alors que de nombreux câbles révèlent un effort concerté de la part de l’administration Bush comme de celle d’Obama de tromper le peuple américain et le monde afin de pouvoir mener leurs guerres au Moyen-Orient.

    L’action, soutenue par Socialist Alternative, a obtenu un soutien large parmi les organisations militantes et la population. La liste des signataires inclut la Coalition de la communauté arabe américaine de l’état de Washington, les Vétérans d’Irak contre la guerre (section de Fort Lewis), les Vétérans pour la paix (chapitres 92 et 111), le Green Party du comté de Skagit, le Centre Whatcom pour la paix et la justice, le collectif Seattle uni contre la répression du FBI, Coffee Strong (une association de vétérans), les Femmes radicales, et le Parti socialiste pour la Liberté

    De concert avec les millions de personnes outragées par cette offensive inacceptable contre nos droits démocratiques, et tirant son inspiration des centaines de manifestants à Brisbane en Australie et au Royaume-Uni contre la censure de WikiLeaks, de même que des millions dans toute l’Europe qui ont décidé d’entrer en résistance contre les coupes budgétaires brutales dans les programmes sociaux, nous étions remplis d’indignation et avons scandé «Liberté de parole – sous l’attaque, que faisons-nous ? Levons-nous, ripostons !» Malheureusement, les médias de masse, malgré leurs belles promesses, n’ont pas daigné envoyer le moindre reporter, laissant aux travailleurs et aux jeunes la tâche de s’opposer au rôle perfide qui est joué par le gouvernement américain et par les corporations, et de défendre nos droits à la liberté de presse et de parole.

  • Obama sera-t-il à la hauteur ?

    L’élection du premier président «afro-américain », dans un pays dont l’histoire est marquée par le racisme, la ségrégation et l’esclavage, a éveillé les espoirs d’une large couche de la communauté noire. Surfant sur une opinion publique massivement hostile à la guerre en Irak et sur une crise économique qui a jeté le discrédit sur les politiques néo-libérales menées durant les années Bush, les accents « progressistes » du discours d’Obama ont fait mouche.

    Jalil (Etudiants de Gauche Actifs-ULB)

    Obama arrive pourtant au pouvoir avec en toile de fond la plus profonde crise économique que le capitalisme ai traversé depuis 1929, ce qui l’a rapidement forcé à dilapider l’essentiel de ses promesses électorales : il a prévenu que le système d’assurance-santé pour tous ne serait pas pour cette année. Surtout, face à l’hécatombe qui frappe le marché du travail (2,6 millions d’emplois ont disparu en 2008), ces promesses en termes de création d’emplois paraissent bien dérisoires. Avant d’être élu, il parlait de créer 5 millions d’ emplois. Une fois au pouvoir, le chiffre était retombé à 3 millions . C’est de la « sauvegarde » de 3 millions d’emplois dont il s’agit à présent…alors que le nombre officiel de chômeurs avoisine déjà les 11 millions !

    Sauver le capitalisme américain, sur le dos des travailleurs

    Obama a décidé de plafonner la rémunération des banquiers à 500 000 dollars. Cette mesure ne s’applique pourtant pas à ceux qui ont bénéficié du plan de sauvetage de Bush, comme les dirigeants de Merryll Linch qui ne seront pas contraints de revenir sur la distribution des 4 milliards de dollars qu’ils s’étaient accordés avant que leur banque soit absorbée par la Bank of America. De plus, les limites imposées ne concerneront pas les dividendes et elles seront levées lorsque les prêts de l’Etat auront été remboursés. Il ne s’agit pas, a déclaré Obama, d’une « prise de contrôle par l’Etat. L’initiative privée suivra son cours mais il faudra rendre des comptes et se montrer responsable».

    La notion de “sacrifice” est centrale dans les discours d’Obama : ce dernier se prépare à faire payer la crise sur le dos des travailleurs et des couches pauvres de la population. Le nouveau paquet de sauvetage de près de 800 milliards de dollars va tout au plus atténuer les effets de la crise, mais ne permettra pas d’enrayer la vague de fermetures d’entreprises et de licenciements de masse qui accompagnent la récession. Dans ce plan de relance, 40% des fonds seront destinés à de nouvelles baisses de taxes pour les entreprises et les classes moyennes. Au-delà de l’inefficacité avérée de telles mesures pour relancer l’économie, Obama montre par là sa volonté de tendre la main aux Républicains dans un objectif de réconciliation bipartisane ; le Washington News commentait récemment : “Le président élu propose des baisses de taxes qui pourraient faire rougir George W. Bush”…

    Le plan de relance d’Obama est avant tout destiné à sauver le capitalisme américain de la faillite, et non un plan destiné à venir en aide aux travailleurs et à leurs familles. Le déficit budgétaire pour l’année 2009 est estimé à 1,2 trillions de dollars (8,3 % du PIB) avant même la mise en oeuvre du plan de relance. Il est clair que, d’une manière ou d’une autre, ces dettes gigantesques vont devoir être repayées par la collectivité à un stade ultérieur, tandis que les capitalistes et les gros actionnaires continueront de s’octroyer de généreux profits.

    Obama : question de race ou question de classe ?

    Obama se profile habilement comme un successeur de figures historiques du mouvement noir comme Martin Luther King. De nombreux commentateurs nous présentent aujourd’hui l’élection d’Obama comme la réalisation du « rêve américain » et annoncent l’avènement d’une société « postraciale ». Pourtant , la politique réactionnaire d’une Condoleeza Rice ou d’un Colin Powell dans l’ancienne administration Bush illustrent que le racisme et l’oppression des noirs ne diminueront pas par la simple arrivée au pouvoir d’un président de couleur. Sarkozy a utilisé la même technique en insérant trois ministres « d’ouverture » dans son cabinet (Rahcida Dati, Fadela Amara et Rama Yade). Ce gouvernement continue néanmoins ces politiques d’austérité contre les acquis sociaux, une répression accrue contre les jeunes des quartiers populaires, les sans-papiers et le droit de grève.

    La population noire et immigrée traverse une situation sociale dramatique. Premières victimes de la crise, les noirs américains subissent de plein fouet le chômage de masse (l’an dernier, 20.000 noirs ont perdu leur emploi rien que dans le secteur automobile) et les expulsions de logement dues à la crise immobilière. Aujourd’hui, un adulte afro-américain sur quinze est en prison, et les discriminations contre les immigrés sont toujours aussi nombreuses que par le passé. Une enquête officielle provenant du FBI illustre même que les attaques et discriminations à caractère raciste ont tendance à augmenter dernièrement. La répression policière contre les jeunes afroaméricains nous a été rappelée par le récent meurtre d’un jeune afro-américain par un agent de la BART (la police des transports) à Oakland le soir du nouvel an.

    La pauvreté énorme de nombreux quartiers aux Etats-Unis et les incessantes discriminations touchant la population noire et immigrée ne pourront être combattue que par une lutte commune des travailleurs et des jeunes de toutes les origines pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, et contre le capitalisme, qui se nourrit de la division et des problèmes sociaux. Telle est la principale leçon du mouvement pour les droits civiques. Cette leçon, Obama ne l’a pas faite sienne, enfermé qu’il est dans une logique capitaliste, et voulant transcender les divisions sociales au nom de « l’unité de la nation ».

    Vers une ère de paix ?

    Obama a été porté au pouvoir grâce notamment à son positionnement contre la guerre. La promesse de retrait des troupes du bourbier irakien dans les 16 mois a été un élément-clé pour remporter les primaires démocrates contre Hillary Clinton. La réalité est bien moins réjouissante, comme l’atteste la confirmation au secrétariat à la défense de Robert Gates, l’un des principaux va-t-en guerre de l’ancienne administration.

    La situation irakienne ne demande plus un tel contingent militaire car les intérêts américains en Irak sont maintenant protégés par le gouvernement fantoche mis en place par les USA. Cependant, la « sécurité » en Irak reste extrêmement précaire, et le plan de retrait reste conditionné à une évolution sur le terrain qui laisse supposer que non seulement un retrait rapide et unilatéral est tout sauf probable (les 16 mois se sont déjà transformés en 23 mois), mais laisserait en outre derrière lui un pays dévasté et en proie à des tensions explosives. L’objectif de doubler les effectifs militaires en Afghanistan permet lui aussi de nuancer les volontés « pacifistes » d’Obama.

    Le coup médiatique sur la fermeture de Guantanamo ne peut cacher les dizaines d’autres prisons sans droits éparpillées dans le monde comme Bagram en Afghanistan ou Diego Garcia, un territoire britannique situé dans l’océan Indien. Les ordres signés par Obama ne remettent pas en cause la procédure connue sous le nom d’« extradition extraordinaire », par laquelle les Etats-Unis ont, durant les années Bush, kidnappé des présumés terroristes et les ont envoyés dans des pays étrangers ou des prisons secrètes de la CIA pour les torturer. Le président ne s’est toujours pas expliqué non plus sur ce qu’il comptait faire avec le Patriot Act 1 et 2, qui limite les libertés individuelles au nom des lois anti-terroristes.

    Quant au conflit israélopalestinien, les seules prises de position publiques qu’Obama a prises sur le sujet visait à assurer son soutien inébranlable à la sécurité d’Israël, tout en ne soufflant mot sur l’occupation et les bombardements à Gaza. On se souvient également de son plaidoyer devant une association de lobby pro-israélienne aux USA, pour que Jérusalem devienne la “capitale indivisible d’Israël”. Le Congrès -à majorité démocrate- a quant à lui renouvelé pour 10 ans l’aide annuelle de 3 milliards de dollars à l’Etat d’Israël…Tout ça porte à croire qu’à part une plus grande dose de concertation avec les autres grandes puissances, la politique étrangère d’Obama au Moyen-Orient ne va pas subir de changements fondamentaux.

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