Tag: États-Unis

  • En Bref…

    Cette rubrique est destinée à mettre en avant différents faits, citations, vidéos ou petites nouvelles particulièrement frappantes. Aujourd’hui, il est notamment question de l’impact de l’accord fédéral sur les chômeurs ou encore de divers économistes pour qui l’austérité n’est en aucun cas la solution.


    Di Rupo 1er et les chômeurs

    La FGTB vient de publier des chiffres issus de leur estimation de l’impact de l’accord gouvernemental sur les chômeurs. Selon le syndicat, pas moins de 24.000 sans-emplois seraient exclus des allocations de chômage dès avril 2012, dont 17.000 uniquement en Wallonie. Les 80.000 militants qui se sont retrouvés dans la rue ce 2 décembre avaient bien raison: il faut résister contre le gouvernement ”papillon”, ce gouvernement d’austérité !


    ”Un «socialiste» au «16», le socialisme au tapis”

    C’est le titre de l’édito de ce 9 décembre de Nico Cué, président des métallos Wallonie-Bruxelles de la FGTB. Il déclare notamment : ”Depuis sa note de l’été dernier, Elio Di Rupo n’a cessé de reculer. Son parti se présente comme un bouclier pour les travailleurs. Il ressemble aux «tortues» des légions romaines dans Astérix. Sauf qu’ici, elles n’avancent pas, elles participent aux reculs des forces du travail. (…) A gauche, nous avons besoin d’une politique de gauche. Comme de pain. D’une gauche offensive. D’une gauche qui rende les coups plutôt que de les encaisser. D’une gauche qui fasse changer la peur de camp. D’une gauche qui permette enfin d’envisager pour nos enfants un avenir meilleur que leur présent.” Il a tout à fait raison. A quand la traduction concrète de ce constat, par un appel à la construction d’un nouveau parti des travailleurs ?


    ”Les politiques d’austérité ne résoudront pas la crise”

    Pour l’économiste américain Joseph Stiglitz, prix Nobel en 2001 et ancien vice-président de la Banque mondiale, les politiques d’austérité ne vont en rien résoudre la crise, ni aux Etats-Unis, ni en Europe. ”Les politiques d’ajustement aux Etats-Unis et en Europe ne résoudront pas la crise économique. Le déficit budgétaire n’est pas à l’origine de la crise, c’est au contraire la crise qui a causé le déficit budgétaire.”, a-t-il ainsi déclaré à l’occasion d’une conférence à l’Université d’État de Buenos Aires.


    De Grauwe et l’eurozone

    Le magazine flamand Humo a relayé les propos de l’économiste Paul De Grauwe, qui s’oppose aux politiques d’austérité menées dans les divers pays. L’économiste libéral n’est pas non plus des plus optimistes concernant l’avenir de la crise. ”Ce que je crains le plus, c’est une profonde récession qui conduit à une crise bancaire: c’est désormais une bombe à retardement. Avec une récession et une crise bancaire, nous serons coincés pour de nombreuses années, même si nous pouvons continuer à jouer avec l’eurozone. Mais le danger réside dans le fait que ce cocktail est très dangereux et que même cela peut s’effondrer. " Pour De Grauwe, un effondrement de la zone euro pourrait conduire à une plus petite union, centrée autour de l’Allemagne.


    Metallica: un "produit d’exportation américain"

    On avait visiblement tort de considérer que Metallica était un groupe dont l’activité est de faire de la musique… Selon le manager du groupe, Metallica est "un produit d’exportation comme, par exemple, Coca Cola." Il s’explique: "Nous recherchons les meilleurs marchés." Le manager poursuit en expliquant que la tournée européenne du groupe a été avancée "Dans les années à venir, le dollar va devenir plus fort et l’euro plus faible. J’ai donc insisté pour d’abord partir en tournée en Europe."


    24 milliards d’économies en Italie

    Le gouvernement italien non-élu dirigé par le technocrate Monti veut économiser 24 milliards d’euros, en s’attaquant notamment à l’âge du départ en pension. Alors qu’un jeune sur trois est sans emploi, les travailleurs âgés ne pourront prendre leur retraite qu’après 42 ans de travail. Ceux qui travailleront jusqu’à 70 ans pourront obtenir des avantages fiscaux. La sécurité sociale est également attaquée. Pour les riches, il n’y a par contre que de petites mesurettes toutes symboliques.


    Cartoon

    ”J’espère juste que l’on gardera tout cela sous contrôle après que la police ait découvert que nous volons leurs pensions.”

  • Occupy Oakland : De l’occupation à la grève

    La question de la manière dont le mouvement Occupy va se développer est importante tant pour les 99% que pour les 1% et Occupy Oakland a illustré la meilleure manière d’aller de l’avant. L’avenir du mouvement aura des conséquences pour tout le monde et, comme le disait l’historien et militant américain Howard Zinn: ‘‘Il n’est pas possible d’être neutre sur un train en mouvement.’’

    Par Jente (Anvers), article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste (n°167)

    Une des revendications parmi les plus fréquentes du mouvement Occupy concerne l’accès à l’enseignement et quand, une journée à peine après une répression massive et brutale du mouvement Occupy, la ville d’Oakland (Californie) a décidé de fermer cinq écoles pour raisons budgétaires, les enseignants ont de suite rejoint le mouvement. Rester à l’écart n’était pas une option, cela aurait tout simplement signifié d’accepter les pertes d’emplois sans broncher.

    L’enseignement est aussi un thème important pour les vétérans de guerre. Ces derniers sont sensés obtenir des bourses d’étude, mais il est en réalité très difficile de pouvoir en bénéficier. Il leur est également difficile de trouver un emploi : le taux de chômage parmi les anciens soldats a augmenté pour dépasser les 30%. Leur risque de devenir sans-abris est deux fois plus élevé. Cela permet de comprendre pourquoi les vétérans rejoignent le mouvement Occupy et pourquoi ils ont joué un rôle dans le mouvement de masse qui s’est développé au Wisconsin il y a quelques mois.

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    • Comment les 99% de la population peuvent-ils prendre le contrôle de la société ?
    • #Occupy Wall Street : quand l’Amérique s’indigne !
    • Etats-Unis : Quel avenir pour le mouvement ‘Occupy’ ?
    • USA : Non à la dictature de Wall Street !
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      La manifestation d’Occupy Oakland du 25 octobre a été très brutalement réprimée, afin de tenter de stopper les actions par l’intimidation et la violence, sous prétextes de faits isolés alimentés par la désinformation. Les 1% ont tout intérêt à stopper le mouvement. En s’opposant au pouvoir de ces 1%, le mouvement s’oppose à leur soif de profit, cette avidité étant le socle sur lequel ce système est construit.

      L’assemblée générale qui a suivi ces faits a riposté en votant massivement pour un appel lancé aux syndicats pour une grève générale à Oakland, la première aux Etats-Unis depuis 1946, grève générale qui s’était d’ailleurs tenue… à Oakland. Avec le soutien de différents syndicats, plus de 20.000 manifestants se sont rassemblés à l’endroit où la manifestation de 1946 avait commencé. Le cinquième port des Etats-Unis a ensuite été bloqué par les milliers de personnes qui occupaient les rues.

      Conséquence du résultat enthousiasmant de cette action de masse : de nombreux participants sont désormais convaincus de la nécessité de développer consciemment la lutte comme une véritable lutte de classe contre le capitalisme, basée sur la force de la classe des travailleurs. Il est crucial de suivre partout l’exemple d’Oakland et de s’orienter vers la base du mouvement organisé des travailleurs. Il est alors possible de lutter pour une alternative au capitalisme, le socialisme démocratique.

      Personne ne peut rester à l’écart de cette lutte. Comme le disait en son temps la révolutionnaire allemande Rosa Luxemburg, le choix face à nous est limité à ‘‘socialisme ou barbarie’’.

  • Les soins de santé doivent-ils saigner pour leur crise ?

    Tract de Hypertension || PDF

    Austérité dans les soins de santé

    Après chaque round de négociations pour un nouveau gouvernement, les assainissements prévus dans les soins de santé augmentent. Le 20 novembre dernier, le montant de 1,2 milliard d’euros dans la note Di Rupo a presque doublé vers 2,3 milliard d’euros. Pour les libéraux, cette casse sociale n’est pas suffisante. La prochaine fois qu’Alexander De Croo de l’Open VLD tombe de son cheval, il pourra se soigner lui-même à l’hôpital. La norme de croissance du budget des soins de santé de 4,5% est diminuée et sera de 2% maximum. Cette norme de croissance du budget a pour but de payer le vieillissement (tant des patients que du personnel) et de payer les augmentations des frais liés aux progrès technologiques.

    Des milliards pour les banques, des cacahuètes pour nous ?

    Le budget pour l’accord social pluriannuel des services de santé fédéraux est 300 millions d’euros. Difficile à dire si c’est une blague ou pas. Pour les 150.000 travailleurs des secteurs flamands du non-marchand, un accord social a récemment été conclu, avec un coût de 210 millions d’euros. L’introduction d’un presque 13ème mois (94 à 95%) est un pas important. Quand on compare le budget pour les 300.000 travailleurs des secteurs fédéraux avec le budget flamand, il est clair que le budget fédéral est très limité…

    IF-IC

    La mise en oeuvre de la nouvelle classification des fonctions (IF-IC) avec des échelles de salaires correspondantes, coûtera déjà 910 millions d’euros. Bien que l’idée soit d’étaler les effets de cette classification sur deux accords sociaux successifs, il ne faut pas être physicien nucléaire pour savoir que les 300 millions d’euros sont largement insuffisants.

    Lorsque les banques étaient en difficulté, le gouvernement n’a eu besoin que d’un week-end pour mettre les milliards d’euros sur table. Notre secteur continue à « attendre Godot » depuis le dépôt de nos revendications le 2 février 2010. Ah oui, nous avions presque oublié le mini-accord de 2011. Le nom de cet accord vite fait dit tout ; avec seulement 50 millions d’euros en plus, c’est un vrai mini-accord. La priorité de ce gouvernement en affaires courantes est claire : sauver les banques pendant que les travailleurs sont en difficulté. Il semble qu’en plus ils veulent nous faire payer la crise.

    L’institut Itinera

    Dans le cercle antisocial autour d’Alexander De Croo, il y a aussi l’institut Itinera avec des experts qui ont un énorme accès aux médias pour défendre leurs positions néolibérales. Les prophètes de la commercialisation et des privatisations n’ont aucun scrupule pour mettre en avant leurs déclarations audacieuses.

    Dans le magazine Jobat du 14 novembre (consacré au secteur des soins de santé), Brieuc Van Damme suggérait : « La norme de croissance dans le secteur des soins de santé est encore de 4,5% en dessus de l’inflation. C’est beaucoup plus que la croissance de l’économie. Cela signifie que les soins de santé cannibalisent la richesse produite en Belgique. » Nous, le personnel naïf, pensions cependant que c’étaient les banquiers, spéculateurs et grand managers qui poussent l’économie dans les problèmes et qui sont responsables pour la crise la plus profonde depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Heureusement que les prophètes de l’institut Itinera nous montrent la voie…

    En plus, l’article met en avant que la seule solution est une commercialisation profonde parce que nous évoluons vers une économie dans laquelle la responsabilité est mise chez les individus. Nous savons ce que cela veut dire aux Etats-Unis. Des millions d’Américains n’ont pas accès aux soins de santé pendant que les managers de grandes entreprises d’assurances sont parmi ceux qui ont les salaires les plus élevés. L’utilisation de nouveaux médicaments ou technologies devient dépendante d’une analyse coûts-bénéfices.

    Pas d’alternatives ?

    Le journal d’action Hypertension plaide pour une réorganisation fondamentale du système des soins de santé pour aller à l’encontre de la menace libérale de chaos. Notre réponse à la soif de profit de l’industrie pharma, à la commercialisation rampante et au cancer de la médecine de performance est la création d’un service de santé publique et national qui défende les intérêts de la population au lieu des intérêts du profit ou du prestige de différentes personnes et institutions.

    À notre avis, cela n’est pas possible dans le système capitaliste, qui est aujourd’hui dans une crise. La lutte pour un système de santé différent est une partie intégrante de la lutte pour une autre société. Il est donc grand temps que le mouvement syndical se rapproche de la nouvelle génération de jeunes qui, tant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord qu’en Europe et aux Etats-Unis, se met en avant dans la lutte. Le socialisme démocratique est, à notre avis, la seule alternative.

    Notre réponse à TINA (There Is No Alternative) est la prononciation de ROSA* : "Socialisme ou barbarie !"

    (*Rosa Luxemburg : socialiste allemand)

  • En Bref…

    Cette rubrique est destinée à mettre en avant différents faits, citations, vidéos ou petites nouvelles particulièrement frappantes. Ce samedi, différentes données concernant les ”99%” et les ”1%” sont mises à l’honneur.


    Les inégalités aux Etats-Unis

    L’économiste américain Paul Krugman a très clairement illustré à l’aide d’un graphique à quel point augmentent les inégalités aux USA, en comparant le développement des revenus des 1% les plus riches à ceux des autres 99%. Les 80% les plus pauvres ont vu leur situation s’empirer. Les 1% les plus riches n’ont fait que s’enrichir encore. Les deux tiers de l’augmentation des richesses sont allés vers les 0,1% les plus riches. La plupart des gens qui composent ce 0,1% sont à la tête de grandes entreprises et de grandes banques. Krugman parle d’une concentration croissante des richesses et des revenus.


    Quel changement sous Obama?

    Les banquiers de Wall Street ont gagné bien plus sous le mandat présidentiel d’Obama que sous celui de Bush. Sous la présidence de Bush, il y a eu des années de croissance sans précédent pour les salaires et les primes des plus riches. La crise de 2008 est ensuite arrivée mais, ces 2,5 dernières années, les profits et les salaires sont allés encore plus haut. Pourtant, Obama veut épargner, principalement sur le dos de la population. La promesse de ”changement” est restée confinée à de belles paroles, le seul changement que la population peut percevoir est un changement négatif. Pendant ce temps, les riches deviennent encore plus riches.


    L’homme le plus riche de tous les temps vit aujourd’hui

    Dans le journal britannique The Guardian, George Monbiot a écrit cette semaine que les 10% les plus pauvres de Grande-Bretagne ont perdu 12% de leurs revenus entre 1999 et 2009, alors que les 10% les plus riches ont vu les leurs augmenter de 37%. Monbiot affirme aussi que la personne la plus riche de tous les temps vit aujourd’hui, c’est Carlos Slim, . Par rapport à la quantité des forces de travail qu’il peut acheter dans son pays, il serait 14 fois plus riche que Crésus, l’homme le plus riche de l’histoire de l’empire romain et allié crucial de Jules César. Slim est neuf fois plus riche que Carnegie, le magnat de l’acier du 19e siècle, et quatre fois plus riche que Rockefeller, autre grand capitaliste américain du 19e siècle. Forbes estime la fortune de Slim à 63,3 milliards de dollars.



    ”La frontière de la faim commence ici”

    ”La frontière de la faim, qui se situait jadis au nord du Sahara, a gagné le sud de l’Espagne et du Portugal”. C’est ce que déclare un des travailleurs de la Banque alimentaire de Lisbonne (The Guardian, relayé par Courrier International) en commentant un chiffre, celui des 160.000 personnes qui ont bénéficié de l’aide de cette banque alimentaire l’an dernier. Ce nombre augmente d’année en année.



    Roger Waters (Pink Floyd) concernant le mouvement “Occupy”

  • En Bref…

    Cette rubrique est destinée à mettre en avant différents faits, citations, vidéos ou petites nouvelles particulièrement frappantes. Cette semaine, les raisons fiscale de l’amour de Bernard Tapie pour la Belgique, le nouvel emploi de Tony Blair auprès de la dictature kazakhe ou encore les conséquences du coût des soins de santé en Belgique.


    La Belgique, plus sûre que la Suisse pour les riches

    Notre pays est la ‘‘terre d’accueil rêvée pour ceux qui refusent de payer l’ISF, beaucoup plus sûre que la Suisse" selon Charlie Hebdo, qui commentait la création en Belgique du Holding Groupe Bernard Tapie. Le magazine français explique que cette société a reçu en décembre près de 61.000 titres de son groupe français, équivalent à une somme d’environ 215 millions d’euros. C’est une somme similaire à celle que tapie a reçue de l’Etat français dans le cadre du dossier du Crédit Lyonnais. Selon Charlie Hebdo, cette décision s’explique par la volonté de Tapie d’échapper à l’impôt sur la fortune, qui n’existe pas dans notre pays, ainsi qu’à l’impôt sur la revente des titres de société, une opération exonérée d’impôt en Belgique. Comme quoi, Mittal n’est pas le seul à profiter des largesses de l’Etat belge…


    Un belge sur cinq ne se soigne pas, surtout à cause du coût

    Ce jeudi, Le Soir a rapporté qu’un Belge sur cinq refuse de se rendre chez le médecin quand il est malade et que, dans quatre cas sur dix, c’est à cause du prix. Plus de six patients belges sur dix limiteraient aussi leurs dépenses de base (logement, carburant, alimentation, éducation) pour leurs factures de santé. Ces données sont issues d’une étude internationale menée par l’auditeur Deloitte. Le seul pays où les gens s’abstiennent plus qu’en Belgique d’aller chez les médecins sont les Etats-Unis. A quand un nouveau documentaire de Michael Moore sur les soins de santé ? Mais cette fois-ci, en Belgique…


    Des milliards de profits dans la pétrochimie

    Un certain nombre d’entreprises également actives dans notre pays ont fait connaître leurs résultats pour le troisième trimestre de 2011. A nouveau, ce sont de profits gigantesques dont il est question. Exxon a réalisé un bénéfice de 7,3 milliards d’euros au troisième trimestre, soit 41% de plus que pour le même trimestre l’an dernier. La multinationale est suivie par Shell, avec 4,9 milliards d’euros. Mais si les recettes de Shell ont augmenté de 36%, la production a diminué de 2%. BASF a réalisé un bénéfice net de 1.192 milliard d’euros, quand même 50 millions de moins qu’au même trimestre l’année dernière. Bayer, de son côté, a obtenu un bénéfice trimestriel de 642 millions d’euros (contre 285 millions l’an dernier). Et ce serait à nous de payer pour la crise?


    Les conservateurs catholiques contre le mouvement Occupy

    A Anvers, le KVHV (cercle des étudiants catholiques conservateurs) a répondu par un communiqué de presse au mouvement Occupy Anvers. Nos pieux étudiants de droite estiment qu’il n’existe aucune raison de s’indigner. Mais, très vite, le cœur du problème a été dévoilé : ‘‘Le mouvement Occupy n’est pas un mouvement neuf. C’est un nouveau déguisement pour le communisme révolutionnaire. Les organisateurs ne le savent que trop bien, mais gardent le silence envers les participants." Contre la menace rouge, choisissez le camp du KVHV ! Cette organisation réactionnaire a aussi déclaré que ‘‘relever le gant de la défense du marché libre et du capitalisme. Nous faisons cela parce que le capitalisme est le seul système au monde qui favorise le bénévolat et la promotion de l’Homme." Qui garde au chaud un siège au Conseil d’administration de Dexia pour le KVHV ?


    Tony Blair conseiller de la dictature kazakhe

    Tony Blair ose encore se considérer comme un homme de gauche. C’est particulièrement drôle au regard de la politique qui a été appliquée par son gouvernement… A la fin de ce mandat de Premier ministre britannique, Blair est resté actif dans la politique. Mais, depuis cette semaine, il est également devenu conseiller du dictateur Nazarbayev au Kazakhstan ! À cette fin, un contrat affirme que Tony Blair recevra 9,2 millions par an ! Blair a également été conseiller auprès de la banque américaine Morgan JP (2,3 millions d’euros de salaire par an). Jusqu’au début de cette année, Blair aidait également le dictateur libyen Kadhafi pour ses contrats lucratifs en Libye. Blair s’est fait connaître comme le petit caniche de Bush pendant la guerre en Irak. Il reste à ce niveau maintenant, mais pour Nazarbayev.


    Un soutien croissant pour le mouvement Occupy

    L’agence de presse IPS a diffusé cette semaine les données d’une étude demandée par le New York Times et CBS News qui disent que ‘‘43% des Américains soutiennent les idées d’Occupy Wall Street. A la mi-octobre, l’agence Gallup avait publié un sondage qui montrait que seuls 22 % de la population étaient derrière les objectifs du mouvement. Les manifestants peuvent recevoir de meilleurs chiffres avec leurs revendications pour une plus grande égalité. Ce mardi, une étude du Bureau du budget du Congrès (CBO) a montré que le revenu moyen après déductions fiscales pour le 1% le plus riche a connu une croissance de 275% entre 1979 et 2007. C’est sept fois plus que la croissance des revenus du reste des 99% de la population sur cette même période."


    Les ‘‘communistes’’ grecs contre les Indignés

    Le KKE (le parti ‘‘communiste’’ grec) n’ont pas compris les Indignés. Ces jeunes gens ne feraient que détourner l’attention de la lutte organisée par le syndicat communiste PAME. C’est en tout cas ce qu’ont affirmé deux membres du Comité Central du KKE dans un entretien qui a été très rapidement supprimé du site du PTB belge. Voici toutefois un extrait de ce que Kostas Ziogas disait au sujet des Indignés: ‘‘"Sur le fond, il s’agissait d’un mouvement constitué par la bourgeoisie pour calmer la tension, pour détourner les travailleurs du PAME et du KKE. Ce type de protestation a été présenté en opposition avec le mouvement de la classe ouvrière ; l’action se déroulait loin des lieux de travail. La bourgeoisie ne parvient pas à endiguer la protestation populaire alors elle a tenté de la miner de l’intérieur en avançant des revendications diverses, qui ne la menace pas." C’est un peu rapide comme analyse…

  • Tous Indignés?

    Après la manifestation réussie de samedi dernier (10.000 personnes environ), des actions spontanées locales se préparent à partir d’appels lancés sur Facebook, et attirent déjà un grand nombre de participants virtuels. Dans l’ordre, il y a un #OccupyAntwerp ce samedi, #OccupyBxl HQ European Union ce dimanche contre le sommet européen des chefs d’Etats, un #OccupyLeuven jeudi prochain et un #OccupyGent le samedi d’après. D’autre part, le large soutien pour les revendications anticapitalistes des Indignés a également été remarqué par l’establishement, qui se précipite pour déclarer tous azimuts qu’il comprend les Indignés et la colère contre les effets de la crise.

    Le président européen Herman Van Rompu et le président de la Commission Européenne Manuel Barroso ont été la cible de nombreux slogans et pancartes lors des manifestations du mouvement des Indignés. Pourtant, tous deux ont déclaré – sans rire – qu’ils comprennent ces actions de protestation. Barroso a même été jusqu’à dire qu’il était "scandalisé" et que les banques "doivent contribuer" contre les effets de la crise. Le chef de file libéral et ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt a quant à lui déclaré à la radio que les Indignés manifestaient à juste titre, que les problèmes dénoncés étaient effectivement graves et que seule une union budgétaire européenne serait une issue à la crise ! Comment la logique du problème peut-elle faire partie de la solution ?

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      15 octobre

    • 15 octobre: Journée de résistance inter-continentale
    • Reportage-photos de Bruxelles (1)
    • Reportage-photos de Bruxelles (2)
    • Reportage-photos de Bruxelles (3)
    • Reportage-photos de Bruxelles (4)
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      Ce n’est pas exactement pour ça que les manifestants étaient dans les rues de Bruxelles et d’ailleurs samedi dernier… Les manifestations étaient clairement orientées contre ce système capitaliste qui conduit à la crise, contre les banquiers et les spéculateurs ainsi que contre leurs représentants politiques. Comment osent-ils maintenant parler ainsi ? Comprennent-ils que, pour les Indignés, Van Rompuy est une marionnette aux mains des banquiers et des spéculateurs ? Il n’y a pas si longtemps, le président européen était d’ailleurs lui-même un banquier, il a été membre de longue date du conseil d’administration de Dexia, un poste duquel il n’a démissionné que pour devenir premier ministre.

      Si les politiciens prétendent être ceux qui comprennent le mieux les Indignés, ce n’est que parce qu’ils réalisent qu’il que la répulsion provoquée parmi la population par les banquiers et les spéculateurs est très large et très profonde. Les politiciens tentent désormais de se distancer artificiellement de cette image, même si la croissance de la spéculation est le résultat de la politique qu’ils ont menée avec enthousiasme. En Europe, leurs politiques d’austérité enfonce dans la précarité les jeunes, les travailleurs, les chômeurs, les pensionnés,…

      Au Etats-Unis, le président Obama essaie lui aussi de récupérer une partie du mouvement. Il se réfère même à Martin Luther King et dit qu’il soutient l’occupation de Wall Street ! Pure hypocrisie. L’équipe économique du président américain n’est pas composée de syndicalistes et de représentants des collectivités locales, ce sont tous des banquiers de Wall Street ! Comment un gouvernement de représentants de Wall Street peut sérieusement prétendre qu’il proteste contre Wall Street ?

      Ces politiciens ne nous représentent pas, ils tentent de récupérer le mouvement parce qu’ils savent que la protestation contre le capitalisme n’a pas une expression politique indépendante. Nous pensons que cela devrait être un point de discussion dans le mouvement de Indignés, auquel nous participons. Nous comprenons et partageons le dégoût des jeunes face à la politique établie. Nous croyons que nous ne devons pas laisser la politique aux politiciens, et que nous devons construire notre propre voix politique.

      Dans les jours et semaines à venir, d’autres actions sont prévues dans notre pays. Ce qui en sortira n’est pas encore clair. Mais le fait est qu’il existe un large soutien pour la manifestation de samedi dernier et la participation à la manifestation a dépassé toutes les attentes initiales. On note aussi une radicalisation croissante parmi les jeunes et une ouverture croissante à la discussion d’alternatives.

      Nous serons présents aux prochaines actions prévues à Anvers, Bruxelles, Louvain et Gand.

      #OccupyAntwerp Samedi 22 octobre, occupation de la Groenplaats à Anvers à partir de 15h. Groupe Facebook

      #OccupyBxl HQ European Union Dimanche 23 octobre, occupation de la rue de la loi face au sommet européen à partir de 13h. Groupe Facebook

      #OccupyLeuven Jeudi 27 octobre occupation de la Grote Markt à Louvain à partir de 16h. Groupe Facebook

      #OccupyGent Samedi 29 Octobre occupation du Zuidpark à gand à partir de 13h à South Park. Groupe Facebook

  • [DOSSIER] Ce système est pourri… jusqu’à la moelle !

    Il y a quinze ans, notre pays a été touché par une explosion massive de protestations et de colère. Après une semaine d’actions spontanées et de manifestations a suivi la Marche Blanche du 20 octobre 1996 à Bruxelles, avec 300.000 manifestants. Le “Mouvement blanc” a illustré la vitesse à laquelle un mouvement peut se développer. Quinze ans plus tard, il est utile de revenir sur ces actions, mais aussi sur le rôle de la Justice. Après quinze années, qu’est-ce qui a réellement changé ? Quelle est la position des marxistes concernant le système judiciaire ? Nous publions ici un dossier de Geert Cool, actif à l’époque dans le mouvement en tant que militant marxiste.

    Le mouvement blanc : une explosion de colère dans les rues

    Le Mouvement blanc, créé en 1996, est apparu à la suite de l’affaire Dutroux et a exprimé la profonde tristesse éprouvée face au destin des jeunes victimes de Dutroux & Co. Mais au fur et à mesure que les obstacles s’amoncelaient autour de l’enquête, la tristesse est devenue colère.

    L’étincelle qui a mis le feu aux poudres a été le dessaisissement du dossier du juge d’instruction Connerotte après avoir commis le ‘‘crime’’ de manger une assiette de spaghetti lors d’une soirée de soutien aux familles des fillettes disparues… Il ne pouvait dès lors plus être considéré comme “impartial”. Connerotte était considéré comme un personnage dynamique écarté de l’affaire par les manœuvres bureaucratiques de l’establishment judiciaire sur le coup de cet “arrêté spaghetti”. Beaucoup de gens craignaient une nouvelle opération ‘‘sourde oreille’’.

    Les actions ont largement démontré que les politiciens avaient perdu tout crédit auprès de la population, tout comme diverses institutions bourgeoises : Justice, police et médias. Les frustrations s’accumulaient et les travailleurs de Volkswagen-Forest ont lancé le mouvement en cessant le travail le 14 octobre. Très vite, ils ont été imités dans l’ensemble du pays, une semaine de manifestations spontanées et de protestations de masse a suivi.

    L’establishment a en partie perdu le contrôle sur la situation, et s’est vu contraint de lancer de appels désespérés pour que les élèves retournent en classe et les travailleurs au boulot. L’establishment entier ne faisait qu’un, du gouvernement au Roi en passant par l’Église, dans leur frayeur face au mouvement. Il leur fallait absolument que la Marche blanche reste apolitique. De fait, les politiciens traditionnels n’avaient aucun contrôle sur les idées politiques en développement dans ce mouvement dont l’ampleur, la spontanéité et la rapidité ont surpris tout l’establishment.

    Ce n’était pas seulement la Justice, mais l’ensemble de la société qui était remis en question. Nous avons accompagné ce sentiment avec notre slogan “Le système est pourri jusqu’à la moelle”. Là où nous avons su avoir un certain impact, comme à Gand, ce slogan a été repris de manière massive. Nous avons aussi dépensé beaucoup d’énergie pour organiser cette explosion de colère spontanée, avec la mobilisation d’une grande manifestation générale le vendredi 18 octobre 1996 à Gand. L’appel à cette manifestation est venu du Syndicat estudiantin (Studentenvakbond, SVB), dans lequel nos membres jouaient un rôle actif.

    Nous nous sommes rendus aux entreprises, écoles et campus tout en intervenant dans les manifestations spontanées. Les journées étaient fort chargées. Le matin, il fallait se lever tôt, attraper un mégaphone et chercher la première manifestation spontanée qui nous tombait sous la main pour la renforcer et appeler la population à la rejoindre. Ce rituel s’est répété pendant plusieurs jours. La manifestation de Gand du 18 octobre 1996 a été massive : avec 25.000 participants, elle a été la plus grande manifestation du mouvement après la Marche blanche nationale.

    À ce moment, le mouvement était de plus en plus poussé par les travailleurs et leurs familles, sans que cela n’aie toutefois été consciemment en tant que classe, mais plutôt en tant que parents ou enfants. Pourtant, il était possible d’éveiller leur conscience. Un simple mot d’ordre des directions syndicales aurait suffi à donner une orientation au mouvement et à lui permettre de se développer davantage. Nous défendions qu’il fallait un appel à la grève générale et à la formation de comités d’action pour la préparer, ce qui l’aurait placée sous le contrôle de la base. Mais les directions syndicales étaient aussi effrayées que les politiciens par l’idée d’une grève générale.

    Cette attitude a offert à l’establishment l’opportunité de récupérer le mouvement. Faute d’une direction de la part du mouvement syndical, ce sont les parents des enfants disparus, bien souvent contre leur gré, qui ont été proclamés porte-paroles et dirigeants du mouvement. Ils étaient présents dans tous les médias et, tout à coup, toutes les portes – jusqu’à celles du Palais royal ! – leur étaient ouvertes. L’establishment a fait tout son possible pour transformer la Marche blanche en un cortège apolitique où toute critique de l’establishment était interdite. Cela a été couplé avec la répression ad hoc ; nos militants qui, toute la semaine, s’étaient tenus à l’avant des manifestations ont brusquement et impitoyablement été arrêtés pour la simple raison qu’ils avaient des tracts. La liberté d’expression n’était pas permise. Cette récupération a conduit le mouvement à l’impasse.


    Justice de classe pour servir les intérêts des riches

    L’appareil judiciaire suit des règles et des lois qui servent les intérêts de l’establishment. Indépendamment de la composition ou de la structure exacte des tribunaux, il est certain que toutes les décisions doivent être en accord avec les règles qui protègent les privilèges du Capital. L’État bourgeois tel que nous le connaissons aujourd’hui ne fait que protéger le système capitaliste, dont il est d’ailleurs issu, malgré toute la rhétorique sur l’indépendance et l’impartialité de la Justice.

    Sous le capitalisme, le principe central du système législatif est la protection de la propriété privée des moyens de production. Cela vaut aussi bien sur le plan du droit bourgeois (les dettes, les contrats, etc.) que sur le plan du droit pénal. Nous ne défendons clairement pas le fait que les comportements asociaux (tels que la violence, les cambriolages…) ne doivent pas être punis. Mais nous constatons que le droit pénal est appliqué de façon différente en fonction du milieu familial ou de la position sociale. Un grand fraudeur du secteur diamantaire peut bien plus se permettre qu’un simple ouvrier.

    La “neutralité” du droit n’est pas évidente. Les règles sont les mêmes pour tous : riches ou pauvres. Voler une pomme est interdit, quand bien même tu crèves de faim. Mais grâce à toute leur technologie légale très chèrement payée, les riches s’en sortent généralement bien – il suffit de voir comment une personnalité telle que DSK se dépêtre aussi facilement d’une affaire de viol. Les décisions sont prises par des juges habituellement eux-mêmes issus du petit monde de l’élite. Beaucoup de juges ont toute une carrière d’avocat derrière eux et peuvent compter sur un revenu fort confortable. Il n’est pas question d’un contrôle démocratique de la Justice par la population.

    Les véritables socialistes appellent au démantèlement de l’appareil judiciaire existant. Nous sommes en faveur de la formation de nouveaux tribunaux, avec des juges élus de manière démocratique par la majorité de la population et révocables à tout moment par la base.

    Dans une société socialiste, le nombre de conflits diminuera. Aujourd’hui, la plupart des débats sont liées à des conflits sur la propriété. Les cas de criminalité et de comportement asocial seront évidemment punis, mais en gardant un œil sur la prévention de ce genre de comportement, et avec compensation du tort causé à la société. Une approche purement répressive ne résout rien et ne conduit pas à la baisse de la criminalité, comme le prouve la situation aux Etats-Unis. Nulle part ailleurs dans le monde il n’existe un tel pourcentage de la population en prison, sans que le pays ne devienne plus sûr pour autant.


    “Tous sont égaux devant la loi”. Certains plus que d’autres…

    Exagérons-nous lorsque nous parlons de Justice de classe ? Penchons-nous seulement sur un cas récent.

    Selon une estimation faite en Suisse, le secteur du diamant à Anvers a fraudé pour un montant d’au moins 700 millions d’euros. La chance que cela entraîne une condamnation est proche de zéro. Cette fraude est presqu’aussi grande que celles de Beaulieu (du patron du textile De Clerck) et de la KB-Lux prises ensemble – ces deux entreprises ayant chacune fraudé pour environ 400 millions d’euros, sans condamnation. Moralité : pas de soucis pour les gros profits. Faites bien attention à payer vos amendes de circulation, mais dormez tranquille si vous fraudez pour 700 millions d’euros.

    Les fraudeurs diamantaires peuvent compter sur leurs soutiens politiques. À Anvers, ce secteur dispose de son propre échevin : Ludo Van Campenhout (N-VA, ex-VLD). Celui-ci a déclaré que l’affaire “a été exagérée par les médias” et que des mesures “très strictes” ont été prises. L’échevin des diamantaires fraudeurs veut empêcher toute possibilité d’enquête. Quant au secrétaire d’État à la lutte contre la fraude (Carl Devlies, CD&V) : ‘‘Il y a déjà beaucoup de mesures, et je pense qu’elles sont suffisantes’’. Pour le secteur du diamant et les autres fraudeurs, ces mesures paraissent effectivement suffisantes.

    Le secteur diamantaire a lui-même engagé de coûteux avocats pour obtenir les dossiers du fisc via le Conseil d’État. Ainsi, le secteur veut savoir ce que le fisc sait, afin de pouvoir ensuite conclure un accord avec lui. Voilà comment les riches lavent leur linge sale en famille.

    Quand les hauts magistrats d’Anvers déclarent au début de l’année judiciaire que la sécurité sociale est affaiblie par la forte augmentation du travail au noir, ils ne s’attaquent pas aux organisateurs de ces circuits illégaux. Ils se limitent à des appels pour s’en prendre à l’afflux de travailleurs immigrés, les victimes des circuits occultes : les petites victimes du travail au noir sont embarquées tandis que les grands fraudeurs sont libres.

    Petite parenthèse ; pour rester dans le cas d’Anvers, les pénuries sont énormes. Des crèches aux écoles, en passant par les loisirs, l’emploi et les services publics, de plus en plus de choses font défaut. De grandes parties de la population perdent pied, et deviennent des proies faciles pour les criminels (tels que les trafiquants de drogue). La politique de droite a conduit au chaos et la réponse pour chaque proposition du type de créer de véritables emplois avec un salaire décent – ou investir dans de véritables logements de même que dans l’enseignement – est invariablement qu’il n’y a “pas de moyens”. Mais qui oserait encore le dire maintenant que l’on sait que les diamantaires peuvent tranquillement frauder pour 700 millions d’euros ?


    Encore plus pourris

    Notre niveau de vie est attaqué, l’establishment politique ne s’est fait remarquer ces dernières années que par ses chamailleries, la Justice ne s’occupe toujours que de défendre les intérêts des riches (qu’on pense seulement à l’affaire Fortis), et les médias inondent l’ensemble d’un flot de variétés abêtissantes.

    Les politiciens se trouvent à des lieues des réalités quotidiennes. En tant que parlementaires, ils gagnent 10.000 euro par mois et reçoivent des dédommagements jusqu’à 300.000 euros en plus d’une pension bien garnie (après seulement 20 ans de travail). Ensuite, ils peuvent boucler leur fin de carrière avec les postes lucratifs que leur proposent les grandes entreprises dans leurs conseils d’administration. L’indignation face au montant de la prime de départ de Sven Gatz en tant que député (300.000 euros) a bien illustré que le mécontentement envers les politiciens traditionnels est aujourd’hui exceptionnellement élevé. Qui croit encore ces politiciens ?

    La Justice a été réformée ici et là. Des éléments de la structure ont été supprimés, mais son mode de fonctionnement de base n’a pas été touché. Cela reste aussi un petit univers en-dehors du monde, composé de “gens qui se connaissent”. La manière dont le palais de Justice de la place Poelaert à Bruxelles se dresse au-dessus du centre-ville, symbolise bien la situation. En 2009, on a découvert un vaste système de chantage et de corruption impliquant des avocats, des magistrats et des dirigeants d’entreprise autour de la juge De Tandt à Bruxelles. L’enquête à ce sujet a été perturbée pendant des années par le parquet-général, qui craignait que l’image de la Justice n’en soit ternie. Ces pratiques avaient notamment été révélées quand la juge De Tandt avait rendu un jugement dans l’affaire Fortis qui était un copier/coller d’un projet de condamnation émanant des avocats qui représentaient le gouvernement dans le procès. C’est tout à fait courant. Les syndicalistes savent bien que la justice se laisse facilement atteler au carrosse du patronat pour littéralement prendre le relais des requêtes unilatérales des avocats patronaux pour briser les grèves. Qui croit encore ces juges ?

    Entre-temps, la confiance envers les médias est elle aussi en berne. Nous n’avons pas encore eu chez nous de scandales tels que celui de Murdoch au Royaume-Uni (les journalistes mouchardaient les téléphones de particuliers pour obtenir des scoops bien juteux). Le journal de Murdoch, News of the World, a dû fermer boutique. Chez nous aussi, de plus en plus de gens se posent la question : comment pouvons-nous encore croire ces journalistes ?

    Au sommet de la police, de la Justice, du monde des affaires et de la politique, tout le monde se connait, des alliances mutuelles existent et vont plus loin que ce que l’on s’imagine d’ordinaire. En vertu du maintien de ces alliances, on joue de manière “créative” avec la législation et la juridiction. Même les interventions policières peuvent être ordonnées de manière elles aussi très créatives. La soi-disant séparation des pouvoirs est une idée plus théorique qu’autre chose, destinée à donner un semblant d’impartialité. Dans la pratique, l’ensemble de l’establishment est absolument uni en un seul grand cercle d’amis cernant les différents pouvoirs.

    Dans le contexte d’un système en crise, des divergences d’opinion peuvent se développer au sommet. Mais le développement le plus important est celui d’une défiance croissante envers l’ensemble de l’establishment. Dans leur lutte pour un niveau de vie décent, les travailleurs et leurs familles entrent en confrontation avec cet establishment. Comme ce système n’offre aucun avenir décent à la majorité de la population, tout ce que nous pouvons faire est d’expliquer que ce système est pourri jusqu’à la moelle.


    Le Mouvement blanc, 15 ans après

    Un large mouvement spontané qui fait trembler l’establishment jusqu’à ses fondations – il y a 15 ans, c’était là un événement absolument exceptionnel. Aujourd’hui, dans le contexte de la vague de révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cela nous parait naturellement un peu moins spectaculaire. Il est pourtant important d’expliquer que chez nous aussi, il est possible de voir apparaitre un véritable mouvement, et que même pour des faits divers en apparence insignifiants, une explosion peut se produire. La vitesse et l’ampleur du Mouvement blanc sont une réponse à tous ceux qui pensent que rien ne se passe jamais dans notre pays, ou que les mouvements n’y sont pas à l’ordre du jour en ce moment. Les conditions pour un mouvement tel que celui de 1996 sont aujourd’hui beaucoup plus présentes. Il y a clairement encore plus de mécontentement, de sorte que la moindre goutte pourrait aboutir à des protestations de rues.

    L’absence d’implication active de la direction syndicale a assuré que le mouvement garde un caractère flou quant à sa nature de classe. D’autres couches de la société ont également participé au mouvement. Mais cela est une donnée statique. Le patronat avait déjà décroché à partir du moment où les actions de grève ont commencé. Les classes moyennes avaient auparavant joué un rôle actif dans la diffusion d’affiches des enfants disparus et avaient une sympathie envers les actions, mais n’en avaient pas la direction.

    Parmi les intellectuels, il y avait une certaine condescendance envers le caractère “populaire” de ce mouvement. C’est après la grève de Volkswagen à Forest que le mouvement a acquis un caractère de masse, et qu’il a été de plus en plus porté par les travailleurs et leurs familles. Le Mouvement blanc a également montré la force potentielle des travailleurs. C’est pourquoi il est essentiel pour les forces de gauche d’éveiller la conscience et de donner des perspectives au mouvement à partir d’une position de classe.

    Le Mouvement blanc n’a pu être récupéré que parce que le mouvement ouvrier n’y a pas donné une direction consciente. Il manquait de mots d’ordre et d’une organisation appropriée. Là où il y avait une direction au mouvement, surtout à Gand, il y a eu une grande manifestation de 25.000 personnes et des slogans clairs tels que “Le système est pourri jusqu’à la moelle”.

    Cela montrait le potentiel qui aurait pu se réaliser si seulement les directions syndicales s’étaient impliquées de manière active dans ce mouvement. Voilà pourquoi il est extrêmement important d’organiser les syndicalistes et militants actifs, tant sur le plan syndical que politique. Nous devons refonder tout un nombre de traditions du mouvement ouvrier, de sorte que lors de nouveaux moments décisifs, l’initiative ne puisse pas forcément être abandonnée pour être récupérée par d’autres forces.

  • En Bref…

    Cette rubrique est destinée à mettre en avant différents faits, citations, vidéos ou petites nouvelles particulièrement frappantes.


    8.890 chômeurs privés d’allocations en 6 mois

    Au cours des 6 premiers mois de l’année, pas moins de 5.224 chômeurs ont été sanctionnés en Wallonie, et 2.196 en Flandre en les privant temporairement ou définitivement de leur allocation de chômage. C’est un quart de plus que l’an dernier. L’Onem avertit de suite que la différence s’explique par le fait que les chômeurs sont plus contrôlés, et plus facilement sanctionnés. La chasse aux chômeurs fonctionne donc très bien… A quand une diminution du temps de travail avec embauches compensatoires et sans perte de salaire, histoire de s’en prendre au chômage et pas aux chômeurs ?


    Plus d’un postier malade est licencié chaque jour

    Plus d’un postier est licencié chaque jour pour cause de maladie! Point commun: toutes les victimes de ces licenciements sont contractuelles et ne sont donc pas protégées comme les statutaires, dénonce la CSC Transcom. André Blaise, responsable général du secteur poste à la CSC Transcom affirme : “En 2010, nous en avons compté un peu plus de 400. Et pour 2011, on est encore bien partis.” Sur 30.000 employés, bpost compte 20.000 statutaires et 10.000 contractuels, ce qui n’est pas légal.


    Le Trou noir

    L’hebdomadaire britannique The Economist, considéré comme une référence mondiale, prévient des risques d’un trou noir dans son édition de cette semaine. ‘Be Afraid’ (‘prenez peur’) titre le magasine en première page, car l’économie mondiale se dirige droit vers un gigantesque Trou noir. Le magazine développe ses arguments en ce sens : les dirigeants européens ne parviennent pas à sauver l’euro, aucun indicateur économique n’est positif quant à une reprise, les économies émergentes commencent à s’essouffler, les nouvelles des Etats-Unis ne sont pas bonnes,… The Economist affirme que les politiciens ont tort de se concentrer sur des économies à court terme, mais aussi qu’il manque de politiciens honnêtes. ‘‘En Allemagne, où le chômage est inférieur à celui de 2008, les électeurs croient que les Grecs et les Italiens sont paresseux et constituent le problème. Merkel doit encore expliquer à ses électeurs que les banques allemandes font partie du problème et que l’électeur a le choix entre une solution coûteuse et l’effondrement de ses banques.’’


    10 ans après le 11 septembre. Le nombre d’attaque continue d’augmenter au Pakistan

    Attentats-suicides, bombes et attaques contre la population, voilà dix ans qu’il s’agit d’une réalité quotidienne au Pakistan. Alors que différente régions du pays étaient encore dans les années 1970 un paradis pour les hippies et les touristes, c’est maintenant la peur et la violence qui domine. Les touristes ont disparu depuis bien longtemps. Depuis le 9 septembre 2011, le Pakistan a changé et est devenu le centre international des attentats suicides. Depuis le 09/11, on a compté une moyenne de 480 décès et de 1014 blessés chaque année. Dans les années ’90, le Pakistan n’avait connu qu’un attentat-suicide, une attaque contre l’ambassade égyptienne à Islamabad en 1995.

    Le top-trois des attentats-suicides s’établit pour l’instant comme suit:

    1. Irak : plus de 12.000 morts et de 30.000 blessés depuis le début de la guerre en 2003.
    2. Pakistan : 303 attentats-suicides ayant causé 4.808 morts et 10.149 blessés
    3. Afghanistan: 736 attentats-suicides au total, ayant causé 3.755 morts

    Si l’Irak connaît une diminution du nombre d’attentats, c’est l’inverse au Pakistan. En 2003, il y a eu 70 morts dans ce pays, pour 766 en 2007 et 1.172 en 2010. Pour cette année, nous en sommes à 601 décès pour les 9 premiers mois.


    La crise augmente le nombre de suicides

    Le site Express.be a écrit cette semaine: " Les suicides ont augmenté de 40% en Grèce sur les cinq premiers mois de cette année, par rapport à la même période de l’année dernière, écrit le Wall Street Journal. Ils ont doublé depuis le début de la crise, et atteignent désormais 6 pour 100.000. Et selon les responsables de la santé mentale en Grèce, les statistiques sous-estiment la réalité, parce que le suicide est particulièrement tabou chez les Grecs. L’Eglise orthodoxe interdit les rites religieux en cas de suicide, sauf si la personne décédée était malade mentale. Les familles masquent donc les suicides en accidents. Ailleurs, en Europe, le nombre de cas de suicides a aussi progressé depuis le début de la crise financière, selon une étude récente menée par la revue britannique The Lancet. Le nombre de suicides a particulièrement augmenté entre 2007 et 2009, et notamment dans les pays les plus durement touchés. En Grèce, le nombre de suicides de personnes de moins de 65 ans a augmenté de 17% en 2008 par rapport à 2007, et en Irlande, il a progressé de 13%."


    ‘‘L’économie s’effondre’’

    La BBC a publié une interview très révélatrice d’un trader, maintenant critiqué de toutes parts aux vu de ses déclarations, un peu trop directes et honnêtes pour la bourgeoisie. Selon lui, la zone euro va tout simplement se crasher et il explique que le monde est gouverné par "Goldman Sachs".


    Vidéo de la ‘‘Marche des salopes’’ de dimanche dernier

    Jean-Marie

  • Les conséquences du 11 septembre : Un monde mis sens dessus-dessous

    Dix ans ont passé depuis que les tours jumelles du World Trade Center se sont effondrées à New York. Dans la période qui a suivi cette attaque terroriste, l’impérialisme américain a déclenché un massacre de masse en Afghanistan et en Irak, poussant certains à croire que s’était ouverte une ère de domination totale du monde par une seule superpuissance. Mais la crise économique mondiale actuelle et l’impuissance des États-Unis face à la révolution en Afrique du Nord et au Moyen-Orient a au contraire démontré la fausseté de ce point de vue. Dans cet article, Peter Taaffe, secrétaire général de la section du CIO en Angleterre et Pays de Galles (le Socialist Party) analyse les nombreux bouleversements qu’a connu la situation mondiale depuis lors.

    Par Peter Taaffe

    Les effroyables attentats terroristes du 11 septembre 2011 à New York, en Pennsylvanie et à Washington ont été un des moments déterminants de l’Histoire récente. La mort de milliers de gens a fourni à la réaction capitaliste – dirigée par le président américain George W Bush et le premier ministre britannique de l’époque, Tony Blair – l’excuse de déclencher une nouvelle ère de terrible guerre impérialiste et de distiller partout les relents empoisonnés de la division ethnique et du racisme, dirigés en particulier contre les citoyens de confession musulmane. Cela a résulté en une somme colossale de morts et de destruction, qui a infligé une incommensurable misère et souffrance sur des millions de travailleurs et de pauvres, en particulier dans le monde néocolonial.

    Dès ce moment, le Socialist Party a condamné sans ambages Al-Qaïda, l’organisation à l’origine de ces attaques, décrivant ses méthodes comme étant celles de ‘‘petits groupes utilisant un terrorisme de masse’’. Au même moment, nous n’avons jamais accordé le moindre soutien à Bush, à Blair, ni à la cacophonie des médias capitalistes qui appelaient alors au déclenchement mondial d’une “guerre contre le terrorisme”. En réalité, ces gens ont utilisé le 11 septembre pour justifier l’emploi de la terreur d’État contre des populations sans défense et innocentes partout dans le monde, symbolisée par les salles de torture de Guantánamo et par la tristement célèbre prison d’Abu Ghraib en Irak.

    Toutefois, ce point de vue politique n’a pas été partagé même par certains groupes de gauche, qui préféraient rester équivoques et refusaient de condamner ces attaques. Ce refus était une approche profondément erronée, qui risquait d’aliéner la majorité des travailleurs, dégoutée par le carnage à New York et à Washington. En outre, cela amenait alors la possibilité pour Bush et Blair de rallier ces travailleurs à leur cause pour les préparatifs de l’invasion en Afghanistan puis en Irak.

    Tout au long de l’Histoire, le marxisme s’est toujours opposé à l’emploi de méthodes terroristes. En Russie, le marxisme a été dès le départ forcé de s’opposer à ces méthodes dans la lutte contre le régime brutal et dictatorial du tsar. Les marxistes opposaient à ces méthodes la lutte de masse de la classe ouvrière qui, alliée aux paysans (et en particulier les masses rurales pauvres), était pour eux la seule force capable de mener une lutte victorieuse contre le tsarisme.

    Léon Trotsky comparait le terrorisme au ‘‘libéralisme capitaliste, mais avec des bombes’’. Cela peut nous sembler étrange aujourd’hui. Il est inconcevable, par exemple, d’imaginer que Nick Clegg, dirigeant des libéraux-démocrates britanniques et vice-premier ministre du Royaume-Uni, associé à des actes terroristes ! Mais les idées de Trotsky demeurent valides de nos jours. Les libéraux croient qu’un changement fondamental peut être obtenu par le simple retrait de tel ou tel ministre, voire gouvernement. Le terroriste partage ce point de vue, mais via des méthodes violentes. Le remplacement d’un ministre ou d’un gouvernement n’est pas une condition suffisante pour accomplir un réel changement social. Pensons-nous que l’élimination du gouvernement britannique actuel, par exemple, et l’arrivée au pouvoir du travailliste Ed Miliband et de son New Labour serait un facteur capable de modifier la situation en profondeur ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Parce qu’un gouvernement Miliband serait toujours fermement ancré dans le cadre du capitalisme, aucun changement substantiel n’en découlerait, en particulier en ce qui concerne les conditions sociales de la masse de la population.

    Al-Qaïda, cependant, était un genre entièrement différent de groupe terroriste. Malgré les tentatives de certains groupes de gauche d’embellir l’image des terroristes islamistes, Al-Qaïda est ancrée dans les doctrines du wahhabisme, une version médiévale de l’islam sunnite et le crédo dominant du régime théocratique d’Arabie saoudite. Dans le passé, les groupes terroristes qui se basaient, au moins en théorie, sur la réalisation des intérêts sociaux des masses, se lançaient dans l’assassinat de figures publiques particulièrement réactionnaires, de membres de gouvernements, etc. Les origines d’Al-Qaïda, avec son opposition messianique non sur une base de classe mais contre les “infidèles” et le “Grand Satan” que sont les États-Unis, signifie que cette organisation utilise une terreur de masse indiscriminée. Non seulement elle a attaqué les États-Unis et ses alliés, mais a également abattu d’innocents travailleurs et pauvres. Cela était évident lors du 11 septembre, mais aussi lors d’autres attentats terroristes auparavant et depuis lors.

    Le correspondant du journal The Independent Patrick Cockburn, a souligné ce fait : ‘‘On mentionne toujours trop peu dans les médias occidentaux un aspect particulièrement malsain des activités d’Al-Qaïda : cette organisation a toujours tué plus de musulmans chi’ites que d’Américains. Ce groupe était sectaire avant d’être nationaliste. Les chi’ites étaient considérés comme des hérétiques, aussi dignes de mourir que tout soldat américain ou britannique. Encore et encore, les kamikazes d’Al-Qaïda ont ciblé de simples travailleurs chi’ites sur les places publiques de Bagdad tandis qu’ils se rendaient au travail tôt matin, quand ce n’était pas des bombes massives qui explosaient au moment où les fidèles chi’ites quittaient leurs mosquées’’. C’est le même tableau qui émerge au Pakistan, où les talibans (une filiale d’Al-Qaïda) massacraient les musulmans chi’ites partout où ils les voyaient.

    De plus, Al-Qaïda n’est pas réellement parvenue au cours des dix dernières années à engranger le moindre véritable succès contre l’impérialisme américain ou ses régimes vassaux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le principal groupe autour d’Oussama ben Laden était fort restreint, de sorte que son étendard était “donné en franchise” à d’autres groupes terroristes islamistes partout dans le monde. L’idée selon laquelle on avait affaire à une sorte “Internationale islamiste” n’a jamais été qu’une grossière exagération. Le seul moment où ce groupe est parvenu à rassembler quelque chose qui ressemble à une véritable force était en Afghanistan dans les montagnes de Tora Bora, probablement entre 1996 et 2001.

    Lutte de masse

    Au cours des magnifiques révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, à commencer par la Tunisie puis par l’Égypte, Al-Qaïda n’a eu que peu voire aucune influence. Comme nous l’avions prédit – à l’encontre de nombreux groupes de gauche, tels que le Socialist Workers Party au Royaume-Uni, qui s’est adapté à des organisations basées sur un islam politique de droite tout en exagérant leur importance – les jeunes et les travailleurs ont rejeté le modèle terroriste erroné, adoptant à la place les méthodes de la lutte de masse. Les occupations massives des places publiques, les grèves et les manifestations – voilà quelles ont été les armes politiques des masses tunisiennes et égyptiennes qui ont mené au renversement de Ben Ali et de Moubarak.

    Il est vrai que le déclenchement de la révolution a été l’auto-immolation du vendeur de rue Mohamedd Bouazizi. Mais cet acte individuel n’a rien à voir avec les méthodes de terreur de masse indiscriminée perpétrée par des kamikazes qui caractérise Al-Qaïda. Qui plus est, les conditions pour la révolution avaient été préparées par toute la période précédente, de sorte que le moindre facteur déclenchant aurait pu mettre en branle un mouvement de masse en Tunisie ou en Égypte, ce qui est un trait commun à toutes les véritables révolutions.

    Là où la religion garde une certaine base et une attraction pour les masses, en particulier dans le monde néocolonial, cela est dû en partie du fait des conditions de la dictature ou du caractère économiquement sous-développé de certains pays qui ont une large population agraire. Dans la dictature stalinienne en Pologne avant 1989, c’est le catholicisme qui, via les églises, a fourni aux travailleurs polonais les moyens d’organiser la résistance. Par conséquent, leur insurrection a adopté une coloration religieuse fortement prononcée. Cela ne les a cependant pas menés à tirer des conclusions pro-capitalistes de leur opposition au stalinisme, du moins pas dans la première phase. En 1981-81, le mouvement Solidarnosc, avec ses comités de masse et une participation massive, représentait à la base le mouvement pour une révolution politique visant à remplacer les structures d’État stalinistes anti-démocratiques. En même temps, il cherchait à conserver les éléments de l’économie planifiée, de la nationalisation, etc. Lors de la révolution iranienne de 1979, nous avons observé une forme d’“islam radical” qui disposait alors d’un immense pouvoir d’attraction pour les travailleurs et les pauvres de l’époque. Nous ne pouvons exclure le fait que de tels phénomènes se produisent à nouveau dans le monde néocolonial.

    En Égypte, au départ, les masses ont été capables de concentrer leurs forces en opposition au régime Moubarak autour des mosquées et, dans une certaine mesure, des syndicats indépendants clandestins. Mais les Frères musulmans étaient la seule organisation autorisée à fonctionner de manière semi-politique, en plus d’être une organisation charitable d’aide sociale. Il est donc tout naturel que certaines sections de la population se soient d’abord tournées vers cette organisation dans la période qui a suivi le renversement de la dictature égyptienne. Alors qu’il existe des groupes et partis islamiques en Tunisie, ceux-ci ne semblent pas disposer du même ancrage dans la société que ce n’est le cas en Égypte à ce stade. La Libye post-Kadhafi, d’un autre côté, pourrait connaitre une fracture du pays et la croissance de groupes islamistes. Mais il est encore trop tôt pour déterminer si cela deviendra ou non la tendance dominante. En Égypte, malgré la récente importante mobilisation des islamistes sur la place Tahrir, ceux-ci ne sont d’aucune manière certains d’obtenir une majorité absolue même en cas d’élections anticipées organisées à la va-vite qui les favoriseraient. En outre, il n’est pas certain que les Frères musulmans resteront une force unifiée et cohérente. Il y a des scissions, qui reflètent en partie des divisions d’un caractère de classe. On parle maintenant de la création éventuelle d’au moins quatre différents partis politiques formés à partir de la Confrérie.

    En même temps, les forces opposées à l’islam politique de droite, laïques et socialistes, trouvent un écho parmi les sections nouvellement politisées de la classe ouvrière en Égypte, en Tunisie et partout dans la région. Même au Yémen, qui est ‘‘largement considéré comme participant à la franchise Al-Qaïda’’ (The Guardian), l’insurrection de février a mené à la création de comités révolutionnaires dans lesquels les débats faisaient rage quant à la nécessité d’adopter une stratégie non-sectaire pour parvenir à un réel changement. Partout au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, l’élan initial des révolutions a été en faveur d’une approche non-sectaire, avec une direction claire vers des conclusions de classe de la part des masses. Dans les conditions sociales indescriptibles du Yémen (un pays de sept millions d’habitants dont un tiers est jugé comme “alimentairement précaire” et dont 10% sont mal nourris), il faudra plus que de la religion pour satisfaire aux revendications des masses.

    Libérées du joug de la dictature, celles-ci se sont déversées sur l’arène politique et, comme le montre l’exemple de l’Égypte, ne seront pas réduites au silence par les édits de l’élite militaire discréditée. Elles vont pousser encore et encore pour mettre en avant leurs propres revendications en faveur de conditions de vie drastiquement améliorées, de droits démocratiques, d’organisation syndicale, etc. L’ingrédient vital qui manque aujourd’hui afin de garantir le succès dans la lutte est l’existence d’organisations de masse, de puissants syndicats et de partis ouvriers indépendants. Mais les mouvements convulsifs qui ont déjà été expérimentés, tout comme les encore plus grands mouvements à venir, seront d’importantes sources d’enseignements pour les masses, qui en tireront la conclusion que ce n’est que sous leur propre bannière qu’elles pourront conquérir une position à partir de laquelle elles pourront commencer à réaliser leurs attentes en termes d’emplois, de logements et de mode de vie.

    L’impasse d’Al-Qaïda

    Un des principaux facteurs déclencheurs de la révolution – qui a permis au Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) de prévoir comme nous l’avons fait l’an dernier l’apparition imminente d’un mouvement visant à renverser Moubarak – a été l’aggravation des conditions sociales partout à travers la région, et en particulier la hausse spectaculaire du chômage de masse. Cette aggravation découlait elle-même de l’approfondissement de la crise économique mondiale du capitalisme, accompagnée par une détérioration de l’accès à la nourriture et par l’importation massive de céréales dans cette région qui, historiquement, a été un des berceaux de la civilisation et de la fondation de l’agriculture humaine, dans le croissant fertile entre les fleuves Tigre et Euphrate. Rien ne pourrait mieux illustrer le caractère destructeur du latifundiste et du capitalisme modernes, et de leur incapacité à fournir les bases vitales aux travailleurs et paysans de la région.

    Une chose est absolument claire : Al-Qaïda et l’islam politique de droite n’ont rien à offrir en termes concrets, ni pour la lutte, ni pour l’accomplissement des objectifs des masses dans cette région. Pas seulement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, mais également au Pakistan et en Afghanistan, les méthodes d’Al-Qaïda représentent une complète impasse politique. L’assassinat de Ben Laden en juillet a été un non-événement pour la masse des Pakistanais. Lorsqu’il a été lui-même assassiné sur ordre de l’impérialisme américain, son organisation était dans les faits déjà morte politiquement.

    Toutefois, le danger du terrorisme et de l’attraction des idées terroristes pour les sections aliénées de la société, y compris la jeunesse en général et même quelques jeunes travailleurs, n’est pas restreint au monde néocolonial. Comme l’a montré l’exemple des Brigades rouges en Italie dans les années ’70 et ’80, si la classe ouvrière et ses organisations ne parviennent pas à prendre l’initiative du changement, alors quelques personnes désespérées peuvent se mettre à chercher un raccourci imaginaire vers le socialisme – le terrorisme. Les conditions auxquelles la classe ouvrière est confrontée aujourd’hui, et en particulier la jeunesse, sont incommensurablement pires qu’à l’époque. Il est par conséquent nécessaire d’examiner de contrer les méthodes terroristes d’un point de vue marxiste, afin d’empêcher que de nombreux éléments qui autrement feraient de très bons socialistes, n’aillent se perdre dans cette impasse.

    L’attaque sur les tours jumelles et sur le Pentagone d’il y a dix ans a été l’acte terroriste le plus spectaculaire de l’Histoire. Il a également été, du point de vue d’Al-Qaïda, le plus “efficient en termes de couts”, coutant un peu moins de 500 000 $ à organiser (soit 167$/personne tuée, NDT), une simple bagatelle pour l’héritier de la riche famille saoudite des Ben Laden. Au même moment, cela a permis à l’impérialisme de se mobiliser via son fameux appel à “la guerre contre la terreur”, avec toutes les implications réactionnaires qui en découlent.

    Cela a aussi permis à l’impérialisme, surtout américain, de renforcer sa prouesse militaire, qui a alors mobilisé pour l’intervention militaire en Afghanistan et en Irak, avec toutes les conséquences sanglantes pour les masses, là et ailleurs. Selon Robert Harris : ‘‘Le nuage de fumée des tours jumelles s’étend toujours par-dessus la planète. Il semble que nous vivons à présent dans une ère plus sombre, plus paranoïaque, moins optimiste que celle dans laquelle nous vivions dans les années ’90 lorsque la guerre froide venait de se terminer, et que le “choc des civilisations” ne faisait en réalité que commencer. L’Amérique ne s’en est jamais pleinement remise : ni l’Occident de manière générale’’. (Sunday Times, 14 aout 2011).

    L’arrogance de l’impérialisme

    Mais l’équilibre des forces sur le plan mondial qui penchait de manière si décisive en faveur de l’impérialisme américain a subi un profond changement. L’impérialisme américain a été au départ renforcé par le 11 septembre, tandis que ses représentants proclamaient sa dominance. En 2001, les États-Unis étaient toujours la principale puissance économique et militaire de la planète. Leur ambition d’accomplir la “pleine dominance militaire sur tous les plans” a été mise en œuvre dans la période qui a suivi le 11 septembre. Dans cette période, les États-Unis ont dépensé à eux seuls en termes d’armement autant que le reste du monde pris tout ensemble, y compris en termes d’armes de destruction massive.

    Cette nouvelle donne a été accompagnée par la doctrine facile de la “guerre contre la terreur”. Selon le secrétaire à la Défense américain de l’époque, Donald Rumsfeld, celle-ci devrait se prolonger pour les 50 prochaines années ! Mais comme nous l’avions prédit, elle n’a en réalité pas duré dix ans, complètement discréditée même parmi les bourgeois. Néanmoins, sous cette couverture, une offensive massive a pu être lancée contre les droits démocratiques de la population américaine et d’ailleurs.

    Les médias capitalistes aux États-Unis et ailleurs se sont avilis plus encore que de coutume par leur alignement sur le régime Bush. Cela a jeté la base pour l’intervention impérialiste en Afghanistan et en Iraq, sous l’appellation hypocrite d’“intervention militaire libérale”. La droite américaine avait rêvé de pouvoir se débarrasser du “syndrome Vietnam”, et en a reçu l’opportunité avec le 11 septembre. Voilà encore un aspect des implications réactionnaires du terrorisme : il renforce la marge de l’État en termes de répression et d’attaques sur les droits démocratiques, y compris ceux de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier. Même les émeutes largement spontanées qui sont récemment survenues au Royaume-Uni ont été utilisées par le gouvernement pour tirer le balancier politique plus à droite, avec des menaces de répression accrues.

    Bien avant les guerres qui ont éclaté, le CIO avait prédit que l’Afghanistan et l’Irak avaient de grandes chances de se faire envahir. Toutefois, nous avons contré les inévitables peurs et déception, voire de noir pessimisme, qui s’étaient emparées du mouvement ouvrier en particulier. Peu après les attaques du 11 septembre, nous écrivions ceci : ‘‘Le 11 septembre, comme nous l’avons vu, a clairement ouvert la voie a une nouvelle phase pour le monde et pour le capitalisme. Malgré les clairons de Bush et de ses laquais comme Blair, cela ne veut pas dire que nous sommes arrivés dans une période victorieuse et triomphale pour l’impérialisme. Les “victoires” qui ont été obtenues sont bourrées de contradictions. Il est certain que le colosse américain parcourt en ce moment le monde comme jamais auparavant dans l’Histoire. Mais en même temps, il a rempli ses fondations de tout le matériel explosif du capitalisme mondial’’ (Après le 11 septembre, peut-on vaincre l’impérialisme américain ? – septembre 2002).

    L’impérialisme américain a de fait connu de profonds changements, qui ont fait tomber en poussière toutes les doctrines de Bush et de ses partisans néoconservateurs. Qui parle encore aujourd’hui d’un président américain jouant le rôle d’un “César” moderne, comme c’était le cas après le 11 septembre ? Barack Obama n’a été qu’un simple observateur, incapable d’intervenir dans les premières étapes des révolutions tunisienne et égyptienne. Ce n’est qu’avec l’assistance des régimes théocratiques contre-révolutionnaires d’Arabie saoudite, du Bahreïn et autres, en plus de l’intervention de l’OTAN en Libye, que l’impérialisme américain est parvenu à garder une très fragile main dans la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    En Syrie, ce n’est qu’après une période prolongée de troubles qu’Obama s’est senti capable d’intervenir contre Bashar al-Assad avec la menace de sanctions économiques au cas où il ne quitterait pas la scène politique. Comme c’était le cas avec toutes les forces pro-capitalistes de la région, toutefois, Obama est terrifié à l’idée de ce qui surviendrait au cas où Assad serait renversé. Ce problème ne semble pas se poser dans l’immédiat, puisque le régime d’Assad conserve toujours une base de soutien dans les régions cruciales que sont Damas et Alep.

    Mais la chute d’Assad pourrait mener à une désintégration “désordonnée” du pays et à sa fracturation selon des lignes ethniques et religieuses. Cela pourrait avoir des répercussions immédiates, avec par exemple l’intervention d’Israël au cas où les événements en Syrie venaient à affecter les territoires qu’il contrôle, tels que les collines de Golan. La Turquie menace même d’intervenir militairement afin de préserver la “stabilité”. Cela signifie qu’elle agira si elle juge probable un renforcement de l’opposition de la part de la population kurde en Syrie, libre du contrôle d’Assad, qui renforcerait à son tour l’opposition des Kurdes de Turquie au gouvernement Erdogan. Dans une telle situation, l’intervention de l’impérialisme américain ne se fait en gros plus qu’en paroles. C’est ce qui a conduit Robert Fisk du journal The Independent à écrire : ‘‘Obama rugit. Le monde tremble. Ou pas.’’

    Le terrible legs de l’impérialisme

    Ceci souligne le fait que l’impérialisme américain, tout en restant un géant économique et militaire, ne possède plus la puissance nécessaire pour imposer sa volonté aux quatre coins de la planète, comme cela semblait être le cas dans la période de l’après 11 septembre. Il est pris au piège de ses propres faiblesses économiques, symbolisées par l’immense déficit budgétaire, qui est en partie une conséquence des saccages impérialistes en Afghanistan et en Irak. La somme colossale de 3 trillions de dollars a été dilapidée dans la catastrophe de l’intervention américaine en Irak et en Afghanistan. Cela est l’équivalent d’environ un cinquième du PIB annuel des États-Unis. Pire encore est le bilan : au moins 600 000 civils irakiens innocents ont péri, en plus des troupes de la “coalition des braves” mortes dans les guerres ingagnables en cours dans ces pays.

    Et quel est le résultat de ces interventions ? Les talibans sont toujours là. Pire encore, leur influence néfaste, en conséquence de la guerre en Afghanistan, s’est étendue aux masses pakistanaises, déjà plongées dans une misère croissante et dans le pur désespoir qui prévaut dans les principales régions et villes du pays. Le pantin afghan du Royaume-Uni et des États-Unis, Hamid Karzai (dit le “maire de Kaboul”) est de plus en plus assiégé et pourrait se voir renversé si le soutien impérialiste et ses baïonnettes venaient à disparaitre, comme cela sera sans doute le cas prochainement. Le récent assassinat de son frère et d’autres piliers du régime indique à quel point les talibans sont capables de pénétrer au cœur même de la capitale et à quel point est fragile l’État afghan actuel. Plus encore, l’impérialisme est engagé dans des pourparlers avec les talibans – comparées par David Cameron, le premier ministre britannique, au “processus de paix” en cours en Irlande du Nord. Ceci démontre bien ce que nous avons dit dès le départ : cette guerre est ingagnable.

    En réalité, l’impérialisme est sur le point de “déclarer victoire puis battre en retraite”, en utilisant sans doute l’écran d’un gouvernement de “coalition” impliquant les talibans, ou du moins quelques sections d’entre eux, et certains reliquats du régime actuel. Au même moment, il pourrait également continuer à déverser des ressources dans la construction de la pseudo “armée afghane” tout en maintenant des bases dans la zone. Un tel scénario existe pour l’Irak. Encore une fois comme nous l’avions prédit, c’est un terrible legs qui est laissé au peuple irakien par l’intervention impérialiste américano-britannique. Les forces américaines préparent leur “retrait”, après avoir complètement ruiné l’Iraq sans avoir résolu – mais bien au contraire après avoir renforcé – tous les problèmes de pauvreté, de manque de services et infrastructures de base et, par-dessus tout, des divisions ethniques et sectaires.

    Néanmoins, lors du splendide mouvement – essentiellement ouvrier – cette année de tous les groupes ethniques, la classe ouvrière irakienne commence à réémerger de la catastrophe. Ce développement renforce aussi notre argument contre l’intervention impérialiste en tant que moyen de renversement de Saddam Hussein. Il y avait certaines personnes soi-disant de gauche – en particulier parmi les exilés irakiens – qui affirmaient que seule une intervention militaire extérieure pourrait renverser Saddam. Nous soulignons au contraire le potentiel de la classe ouvrière irakienne, mais nos arguments étaient systématiquement écartés sous prétexte que ‘‘Les Irakiens sont un peule enchainé, incapable d’entrer en action par lui-même’’ et que ‘‘L’impact pour dégager Saddam doit venir de l’extérieur’’. De nombreuses personnes se sont alors tournées vers les pires ennemis de la classe ouvrière, les capitalistes et les impérialistes, pour accomplir l’œuvre que seul un mouvement indépendant de la classe ouvrière était en réalité capable de réaliser.

    Nos arguments ont été confirmés lors des magnifiques mouvements indépendants des masses qui se sont dressées et ont fracturé l’armée en Égypte et en Tunisie. De plus, les développements de la classe ouvrière et de ses organisations indépendantes, même dans des sociétés frappées par la misère comme l’Afghanistan et l’Iraq, va se poursuivre tout au long de la prochaine période. La tendance vers des mouvements non-sectaires qui était présente dans tous ces événements peut se développer à une échelle régionale. Aucun pays, pas même le plus puissant, n’est viable de par lui-même, et certainement pas du point de vue économique. Ce n’est qu’en combinant les ressources des différents peuples en une confédération socialiste, garantissant la pleine autonomie et les pleins droits démocratiques pour toutes les nationalités et groupes ethniques, y compris la reconnaissance des droits à la langue et des minorités religieuses, que les peuples de cette région pourront émerger du cauchemar qu’ils connaissent aujourd’hui sur base du capitalisme.

    La fin du monde unipolaire

    Dans la période qui a immédiatement suivi les attentats du 11 septembre, l’impérialisme américain a été capable d’imposer sa volonté, bien que dans certaines limites, parce qu’il ne se trouvait plus aucune puissance rivale directement face à lui. Pendant la guerre froide, le seul rival de l’impérialisme américain était la Russie stalinienne. Le spectaculaire effondrement de celle-ci, peu après le décès de l’“Union soviétique” et des restes de l’économie planifiée stalinienne, a fortement affaibli cet ancien géant économique et politique.

    Cette situation mondiale et la position unipolaire dont jouissaient les USA après le 11 septembre sont à présent révolues, surtout étant donné la montée de la Chine qui, on l’estime, dépassera les États-Unis au cours de la prochaine décennie en termes de PIB et de production – bien que sans doute pas en termes de niveau de vie. La Chine, forte de sa nouvelle puissance économique, défie de plus en plus directement l’impérialisme américain, et même sur les plans militaire, diplomatique et géopolitique. Cela a été récemment démontré avec le lancement du tout premier porte-avion chinois, clairement destiné à être employé dans le Pacifique afin d’y contrer la dominance de la flotte américaine. La Chine a également lancé son propre modèle de bombardier furtif, et ses avions de guerre ont déjà chassé les engins de reconnaissance américains de l’espace aérien chinois entre la Chine et Taïwan.

    Contrairement à la situation d’il y a dix ans, les stratèges du capitalisme américain ont été bien forcés de se rendre compte qu’ils ne peuvent plus continuer leur politique précédente. Dans les années ’90, la part des dépenses militaires américaines dans le total mondial semblait stable et supportable. Cette impression découlait largement du fait que la part du PIB américain dans le PIB mondial était elle aussi relativement stable pendant une décennie. Cependant, au cours de la première décennie de ce siècle, la part du PIB américain dans le PIB mondial a décliné, et son immense dépense militaire devient de plus en plus insupportable. Mais, à cause des interventions aussi couteuses qu’inutiles en Afghanistan, en Irak et ailleurs, la part américaine dans les dépenses militaires mondiales s’est en réalité accrue de 36% à 42%. C’est ce qui pousse maintenant l’administration Obama à envisager des coupes dans le budget de la Défense pour une valeur d’environ 800 milliards de dollars.

    Il fallait bien évidemment s’attendre à ce que cela provoque la colère du complexe militaro-industriel et de ses représentants au Congrès, qui sont prêts à effectuer des coupes dans les budgets sociaux afin de pouvoir maintenir leurs illusions dans la grandeur impériale des États-Unis. Mais, étant donné l’affaiblissement des fondations économiques du capitalisme américain, il ne peut plus se permettre cela sans effectuer des attaques encore plus grandes sur le niveau de vie des classes ouvrière et moyennes. Cela signifie que les États-Unis, en plus de se voir frustrés sur la scène internationale, vont aussi connaitre au sein de leurs propres frontières la même explosion de féroce lutte de classe – bien qu’avec des caractéristiques spécifiquement américaines quant à la vitesse et à la détermination de la classe ouvrière – qu’a récemment connu l’Europe.

    Par conséquent, au lieu de la nouvelle ère triomphaliste de renforcement et d’épanouissement du capitalisme à laquelle s’attendaient entièrement ses stratèges après le 11 septembre, c’est exactement l’inverse qui s’est produit dix ans plus tard. Déchiré par ses propres contradictions, confronté à sa plus grande crise depuis les années ’30, le capitalisme américain et mondial se retrouve dans une impasse. Le capitalisme est un système déchu. Le récent “Rapport sur le développement” de la Banque mondiale estime qu’un quart de la population mondiale vit aujourd’hui dans des pays grièvement endommagés par des cycles de violence politique et criminelle. Martin Wolf affirmait calmement dans le Financial Times que : ‘‘Le politique et le criminel sont étroitement connectés’’. Le Mexique et ses dérives à la “Mad Max” dont il est le symbole sont un indicateur de cette tendance.

    La confiance en berne des capitalistes

    Une des pires conséquences du 11 septembre a été le fait qu’il a permis au capitalisme, en particulier de la part de son extrême-droite, de stigmatiser l’ensemble des musulmans comme étant des partisans déclarés, sinon tacites, du terrorisme d’Al-Qaïda, ce qui n’est pas le cas et ne l’a jamais été. Tout comme dans le cadre du conflit en Irlande du Nord, où de parfaits innocents ont été arrêtés et emprisonnés, les musulmans eux aussi ont été arrêtés et emprisonnés. Les divisions et suspicions qui existaient déjà entre les travailleurs d’origine immigrée et les autres travailleurs se sont agrandies. Cela a été renforcé par Cameron et son criticisme du “multiculturalisme”, une attaque à peine voilée à l’encontre des immigrés. Les politiciens partout en Europe – y compris Angela Merkel en Allemagne et Nicolas Sarkozy en France – jouent tous le même air.

    Pourtant, dans la période qui a suivi les récentes émeutes au Royaume-Uni et le meurtre de trois jeunes Asiatiques à Birmingham, c’est bel et bien une approche “multiculturelle” qui a été adoptée par les Asiatiques, les noirs et les blancs. Cette adoption a été essentiellement du fait de la magnifique initiative prise par le père d’un des jeunes décédés. Cela aurait alors fourni au mouvement ouvrier une opportunité d’intervenir et de donner une expression à ce rassemblement instinctif de la classe ouvrière. C’est aussi cela qui s’est produit en Irlande du Nord en 1969 après que les délégués syndicaux de Belfast aient pris l’initiative de former des “comités pour la paix” entre travailleurs protestants et catholiques. Malheureusement, le mouvement ouvrier n’a pas fait de même à Birmingham, laissant la porte grande ouverte aux organisations religieuses. Seule une approche de classe mettant en avant les intérêts de l’ensemble des travailleurs pourrait permettre au mouvement de garder sa colère et son humeur combative.

    À moins que ne s’ouvre une nouvelle voie ouvrière et socialiste, l’influence néfaste de l’extrême-droite peut croitre, avec parfois pour résultat que des maniaques du style d’Anders Breivik en Norvège se mettent en tête d’assassiner des innocents au nom de la soi-disant “guerre contre l’Islam”. Cette créature n’était qu’un reflet de l’islam politique de droite, utilisant les mêmes méthodes fascisantes qu’Al-Qaïda.

    L’Humanité est en ce moment en train de plonger dans des conditions qui deviennent de pire en pire, avec des catastrophes environnementales et la destruction de tous les espoirs pour l’avenir en brisant les perspectives de la jeunesse. La situation a été résumée par Max Hastings (de la Royal Society of Literature britannique) lorsque celui-ci racontait une discussion qu’il avait eue avec un banquier, au sujet de la projection du gouverneur de la Bank of England, lequel avait évoqué le fait que le Royaume-Uni devait s’attendre à “sept années de vaches maigres”. Hastings et ce banquier étaient toutefois arrivés à la conclusion que c’était là une perspective fort modeste : parlons plutôt de “70 années” ! Bien sûr, personne ne peut donner une estimation précise de combien de temps cette crise va durer. Mais une chose est sûre : les porte-paroles du capitalisme eux-mêmes n’ont pas confiance dans leur propre système. Les capitalistes démontrent cela par leur refus de réinvestir dans la production le surplus extrait du travail de la classe ouvrière. Voilà pourquoi 2 000 milliards de dollars qui ne profitent à personne attendent maintenant des jours meilleurs bien à l’abri dans les coffres-forts des grandes entreprises américaines, et pourquoi de même 60 milliards de livres sterling sont en ce moment inutilisés, stockés par les entreprises britanniques. Il n’y a aucun “débouché profitable” dans lequel investir, du coup le chômage monte, la misère s’accroit, et la classe ouvrière peut bien aller au diable.

    Bien que pas encore de manière consciente, aujourd’hui la masse de la classe ouvrière et des pauvres rejette instinctivement le système de par ses actions. Elle n’est pas encore parvenue à se défaire de l’héritage des 20 à 30 dernières années de campagne idéologique du capitalisme néolibéral afin de gagner un soutien à son système. Mais sur le plan social, les masses du monde entier sont en train de virer à gauche. Cette humeur finira inévitablement par se refléter également sur le plan politique, à moins que le capitalisme ne finisse avant cela par trouver une issue à la présente impasse. Même les Héraults de ce système, qu’ils se trouvent dans les gouvernements, dans les parlements, ou dans les think-tanks – ces monastères modernes du capitalisme – ne gardent que très peu d’espoir dans le fait que leur système puisse être sauvé sur le court terme. Tout cela fournit la base pour de terribles événements convulsifs révolutionnaires, qui élargiront énormément l’audience en faveur des idées socialistes et marxistes, et pour les partis de masse qui seront bâtis sur ces fondations.

    La véritable leçon du 11 septembre est que ni l’impérialisme, ni son reflet direct qu’est le terrorisme islamiste – ni aucune forme de terrorisme – n’offrent une voie en avant pour la classe ouvrière et pour l’Humanité. Seules les idées libératrices et démocratiques du socialisme tracent un chemin vers l’avenir.

  • [DOSSIER] Pourquoi le capitalisme prépare de puissantes explosions sociales

    Le mois dernier, en une fraction de temps, l’euphorie concernant la ‘‘reprise économique’’ est devenue panique. Commentateurs et analystes s’efforcent à expliquer le phénomène. On fait référence à la psychologie et au manque de leadership politique. Pour nous, ce ne sont là que les symptômes d’une maladie chronique. La plupart de la population ne doit s’attendre qu’à l’appauvrissement et à une exploitation accrue de la part du capitalisme.

    Par Eric Byl, article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Si l’on avait consacré les 5.000 milliards de dollars de valeur boursière évaporés ce dernier mois à la lutte contre la faim dans le monde, la Corne de l’Afrique serait probablement un paradis aujourd’hui. Avec les 25 milliards d’euros disparus à Bruxelles, on aurait pu déminer la bombe à retardement du coût du vieillissement. Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent. Il faut d’abord créer la richesse avant de pouvoir la partager, nous disent les libéraux. Ils nous ont aussi affirmé que lorsque l’on enrichi suffisamment les riches, cela arrose le reste de la population. C’est exactement l’inverse que nous constatons : lorsque les pauvres deviennent plus pauvres, cela affecte également le revenu des groupes moyens. Le professeur britannique Richard Wilkinson souligne que tant la crise de 1929 que celle de 2008 sont survenues à un moment où l’inégalité sociale a atteint un sommet.

    Quand les économistes bourgeois sont au bout du rouleau, ils font appel à Marx. Selon le professeur d’économie Nouriel Roubini, celui-ci ‘‘avait partiellement raison en disant que la mondialisation, un secteur financier enragé et la redistribution des richesses issue du travail finiraient par conduire à la destruction du capitalisme.’’ Tout comme le prix Nobel Paul Krugman, il appelle à une restauration progressive des finances publiques, à des stimulants ciblés et à des impôts plus équitables. ‘‘L’alternative, c’est comme dans les années ‘30 du siècle dernier, la stagnation interminable, la dépression, des guerres monétaires et commerciales, des contrôles de capitaux, des crises financières, des gouvernements insolvables et l’instabilité politique.’’ Pour éviter cela, Warren Buffet, le gourou des bourses, appelle à cesser le traitement fiscal favorable aux super-riches. ‘‘Dans les années ‘80 et ‘90, quand je payais encore plus d’impôts, je n’ai jamais hésité à investir’’. Voilà ce que n’aiment pas entendre nos patrons belges, pour qui les propositions – pourtant timides – de Di Rupo représentent déjà un tsunami d’impôts.

    La recette de Roubini a pourtant déjà été appliquée, en 1933, quand le président américain Roosevelt a renversé la politique d’assainissements catastrophique de Hoover avec son New Deal. Dès que Roosevelt a voulu réduire le déficit budgétaire en 1937, l’économie a à nouveau plongé dans la dépression. Si Roubini avait pris au sérieux la seconde partie de sa citation de Marx, il saurait pourquoi. Il a finalement fallu la deuxième guerre mondiale et ses 70 millions de morts, la destruction massive des infrastructures et des entreprises, puis la peur du communisme et par conséquent l’acceptation de la nationalisation de pans entiers de l’économie, de l’organisation des services publics, de la création de la sécurité sociale et de la négociation sociale pour que l’économie se remette complètement de la Grande Dépression.

    Des sociétés et leurs limites

    Marx a dit, en boutade, que l’homme n’a pas été libéré de l’esclavage mais qu’il s’agit de l’inverse. Les sociétés esclavagistes, aussi répréhensibles furent-elles, ont à une certaine époque joué un rôle dans la protection de l’homme, à la merci de la nature. Même si, initialement, les sociétés esclavagistes se situaient à un niveau inférieur et ont étés envahies par des sociétés basées sur ce que Marx appelait le mode de production asiatique, elles l’ont par la suite remporté. Elles étaient plus productives, les esclaves étant totalement à la merci du maître.

    Au fil du temps, cet avantage s’est transformé en son ‘‘opposé dialectique’’. Le nombre d’esclaves était la mesure de toute richesse, un ‘‘investissement’’ à nourrir et à loger, y compris aux moments non productifs. L’amélioration de la production ou de l’utilisation des outils n’intéressait pas les esclaves. Ils frappaient les chevaux jusqu’à ce qu’ils deviennent boiteux. Le besoin continuel de nouveaux esclaves réclamait des efforts de guerre constamment plus importants. Ce n’est que lorsque Rome est complètement tombée en décadence que des sociétés féodales primitives et moins développées ont eu des opportunités de l’envahir.

    Les serfs étaient alors liés à la terre. Ils devaient céder une partie du produit au Seigneur, mais ils pouvaient utiliser eux-mêmes le restant. Eux avaient donc intérêt à accroître la productivité, et c’est ainsi qu’ont été rendus possibles l’utilisation de meilleurs outils et le passage de l’assolement biennal à l’assolement triennal. La croissance de la productivité a également jeté les bases du capitalisme commercial, des expéditions et des pillages coloniaux ainsi que du développement des précurseurs de nos industries (les manufactures) qui, par la suite, se sont heurtés aux limites de la société féodale basée sur la propriété terrienne.

    Selon les économistes actuels, les conditions matérielles ne contribuent guère à expliquer pourquoi le socialisme ne fonctionne pas, contrairement au capitalisme. Seuls leur suffit l’égoïsme de l’homme et son manque de motivation pour être productif sans compétition. Marx ne nierait pas l’existence de caractéristiques psychologiques mais, plutôt que d’expliquer la société à partir de là, il enquêterait sur les caractéristiques matérielles à la base de certains phénomènes psychologiques. Parallèlement, il tiendrait compte d’une certaine interaction.

    Ses conclusions au sujet de l’aliénation associée au développement du capitalisme nous offrent d’ailleurs beaucoup plus de bases pour comprendre les récentes émeutes des banlieues anglaises que les discours des politiciens portant sur la haine et ‘‘l’effondrement moral’’ de la génération actuelle. Marx admirait la manière révolutionnaire dont le capitalisme développait les forces productives. Il reconnaissait le rôle progressiste du capitalisme mais, comme avec toutes les sociétés antérieures, il a en même temps analysé ses limites en profondeur.

    Défauts inhérents et maladie chronique du capitalisme

    La tendance à la surproduction et au manque d’investissements sont des ‘‘défauts inhérents’’ au capitalisme. Le travailleur ne reçoit jamais le produit intégral de son travail sous forme de salaire. Une partie du travail non rémunéré (plus-value) disparaît dans les poches du patron qui, autrement, fermerait rapidement boutique. Mais la compétition favorise la concentration de capital dans de grands conglomérats. Tant que les capitalistes réinvestissent une part importante de la plus-value, la surproduction est principalement un problème cyclique, puisque la production et l’installation de nouvelles machines exige des travailleurs qu’ils consacrent à leur tour leur salaire en biens de consommation et en services.

    Face à la concurrence, les capitalistes sont obligés de recourir à l’usage des techniques de production les plus modernes. Cela nécessite des investissements sans cesse plus importants dans les machines, la recherche scientifique et le développement technologique, qui devront être amortis dans des délais constamment plus courts. Dans la composition du capital, le facteur travail (ou capital variable, générateur de plus-value) souffre donc en faveur du capital fixe. Le bénéfice par unité de capital investi (le taux de profit) a dès lors tendance à baisser. C’est ce qui explique que, surtout depuis le milieu des années ’70, les marchés boursiers ont connu une forte expansion. Beaucoup de capitalistes préfèrent spéculer en bourse plutôt que d’investir dans la production, qui ne génère pas grand chose. Ceux qui sont restés dans la production se sont adressés aux banques afin de financer des investissements coûteux. Toutes les grandes entreprises participent désormais à l’investissement en bourse. L’idée qu’il existerait un capital industriel responsable au côté d’un capital financier téméraire n’est qu’un mythe.

    Par le passé, ces défauts inhérents étaient ‘‘gérables’’. Mais comme la science et la technologie ont atteint un niveau où toute innovation engloutit rapidement le marché capitaliste, la manière dont notre production est organisée constitue un frein continuel au développement. Les innovations nécessitent des années de recherche pour une durée de vie de plus en plus courte. Pourtant, les actionnaires privés exigent du rendement et ne veulent surtout pas courir le risque qu’un concurrent s’envole avec le fruit de leur investissement, d’où le commerce des brevets et le sabotage constant des savoirs scientifiques, qui devraient être librement accessibles.

    Les raisons immédiates de la crise actuelle

    La presse économique cite toute une série de raisons derrière cette ‘‘montagne russe boursière qui donne le vertige à l’investisseur’’. Pour les Etats-Unis : la crainte d’une nouvelle récession, l’impasse entre Démocrates et Républicains et la réduction de la notation triple A. Pour l’Europe : l’extension de la crise de la dette, l’avenir de la monnaie unique et la solvabilité des banques. Pour la Chine : l’inflation galopante, les craintes de l’impact de la récession américaine sur les exportations et la dette des collectivités locales. Nous ne balayons pas ces raisons immédiates, mais la raison sous-jacente est que la science et la technique ont dépassé les limites de l’élasticité du marché capitaliste. Les possibilités modernes aspirent à une libre gestion collective et à une planification démocratique, ce que les capitalistes ne peuvent temporairement contourner qu’en repoussant les contradictions internes jusqu’à devenir incontrôlables !

    Dans les années ’80, déjà, pour tenter de surmonter la surproduction et restaurer les taux de profits, on s’est servi de l’extension des crédits à bon marché sur le plan de la consommation et, sur celui de la production, de restructurations et de fermetures d’entreprises, de réduction des coûts de production de biens et de services ainsi que d’attaques contre les salaires, les conditions de travail, les horaires et les contrats de travail. L’effondrement des caricatures totalitaires de socialisme en Europe de l’Est et en Union Soviétique sous le poids parasitaire de la bureaucratie stalinienne et la décision de la bureaucratie chinoise d’introduire – de façon contrôlée – le marché libre afin de s’enrichir personnellement ont donné une énorme impulsion au transfert de production vers des pays à bas salaires.

    L’économie mondiale est un enchevêtrement de nombreux facteurs qui s’influencent mutuellement. D’où ‘‘l’effet papillon’’ selon lequel un petit mouvement dans un pays, dans des circonstances particulières, peut déclencher une tornade dévastatrice dans un autre. Avec 1.200 milliards de dollars de bons du Trésor américain dans ses réserves de change et encore 800 milliards de dollars en obligations d’institutions liées aux autorités américaines, le gouvernement chinois est effrayé par une dévaluation drastique du dollar. En 2000, la consommation particulière en Chine représentait 46% de son Produit Intérieur Brut et les investissements, 34%. Dix ans plus tard, ces investissements représentaient déjà 46%, tandis que la consommation privée avait chuté à 34%, en conséquence de l’expansion massive du crédit bon marché et de la sous-évaluation de la monnaie chinoise. Cela explique l’inflation galopante et la menace de surchauffe de l’économie. Si le marché américain décroche suite à une récession, on craint que la Chine connaisse un développement semblable à celui que connaît le Japon depuis le début des années ‘90.

    USA : vers une rechute

    L’impasse entre Démocrates et Républicains, en particulier du Tea Party, concernant l’augmentation du plafond d’endettement du pays a illustré à quel point les représentants politiques de la bourgeoisie sont divisés concernant la manière de s’attaquer à cette crise. Rien ne semble fonctionner. Les ménages ne consomment pas parce qu’ils réduisent leurs dettes, que le chômage mine leur pouvoir d’achat et que les gouvernements locaux économisent. Malgré les taux d’intérêt bas, les entreprises continuent de garder leur argent au lieu de l’investir. La Banque Fédérale s’est déjà, à deux reprises, mise à imprimer de l’argent sans que cela n’apporte fondamentalement de solution, et le gouvernement fédéral devra bien un jour endiguer son déficit budgétaire. Comment faire cela sans provoquer une explosion sociale?

    Cependant, certains analystes renversent le raisonnement. Un éditorial du journal boursier flamand De Tijd, fait même appel à Gustave Lebon, qui à publié en 1895 ‘‘La psychologie des foules’’. Selon le rédacteur, les investisseurs aspirent à une poigne de fer, mais ils ne la reçoivent ni aux États-Unis, ni en Europe. Le raisonnement est ainsi fait: il n’y a pas de direction, la confiance disparaît, ainsi la panique se crée et le troupeau court dans toutes les directions. Les fondations, selon ces analystes, sont en effet en bonne santé, parce que les entreprises ont un stock de cash important. L’hebdomadaire The Economist estime toutefois la probabilité d’une récession aux États-Unis à 50% et les investisseurs espèrent quand-même un troisième recours à la planche à billet.

    Si l’agence de notation Standard & Poor a, pour la première fois depuis 1941, dévalorisé la cote des États-Unis, c’est, selon ces mêmes analystes, la faute des politiciens. S&P peut bien prétendre que l’énorme erreur de calcul à hauteur de 2.000 milliards de dollars dans le rapport sur lequel elle se basait n’a pas joué dans la démission du PDG, il est certain que cela y aura certainement contribué. La vague de critiques que S&P a dû avaler et le fait que les investisseurs, au lieu de fuir, ont encore augmenté leurs achats d’obligations du Trésor américain, permettant aux États-Unis d’emprunter à un taux d’intérêt inférieur à celui de l’Allemagne, l’ont probablement achevé.

    Bye, bye Europe ?

    Pour ne pas se faire assommer par les oracles modernes – les agences de notation – les foyers grecs, portugais et irlandais ont fortement serrés leurs ceintures. Mais maintenant, presque tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont incompétentes. Parce que ce sont des personnes de chair et de sang, selon le professeur d’économie Paul De Grauwe de Louvain ; parce que ce sont des entreprises privées qui veulent faire du profit et non pas des évaluations appropriées, selon nous. La sévère politique d’économie imposée à la population en échange de l’aide de la troïka (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Fonds européen de stabilité) a plongé ces sociétés dans une profonde récession.

    L’unification capitaliste de l’Europe et la monnaie unique étaient des leviers de maximisation des profits et de casse sociale. Les différences entre les diverses économies nationales de la zone euro n’ont pas diminué, mais augmenté. Avec la politique de faibles taux d’intérêt que les économies les plus fortes ont exigé de la Banque Centrale Européenne, des bulles immobilières se sont développées et des paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, instrumentalisés ailleurs pour briser des acquis sociaux et mettre en place des secteurs à bas salaires. Cette hydrocéphalie devait se dégonfler à un certain moment, nous le disons depuis des années. Les spreads, la différence entre les coûts auxquels les gouvernements nationaux peuvent emprunter, n’ont jamais été plus grands.

    Des pays non membres de la zone euro peuvent stimuler les exportations en dévaluant leur monnaie. Quiconque est emprisonné dans la zone euro ne peut que recourir à la dévaluation interne, un mot à la mode qui signifie ‘‘casse sociale’’. Les bourgeoisies européennes se sont elles-mêmes placées dans une situation kafkaïenne. Abandonner l’euro provoquerait une hémorragie majeure pour les entreprises qui repousseraient sans doute la facture vers les travailleurs et leurs familles. Mais le coût du maintien de la zone euro pourrait devenir trop élevé. La Grèce a besoin d’une seconde aide, et quelques pays ripostent déjà, mais si l’Espagne et l’Italie glissent elles-aussi bientôt, nous entrerions alors dans une toute autre dimension. Le secteur bancaire européen deviendrait insolvable, la liquidité s’assécherait, une récession mondiale s’ensuivrait et la zone euro s’éclaterait probablement de façon incontrôlée. C’est pourquoi la BCE a relancé son programme d’achats d’obligations d’États. Pour l’instant, cela semble fonctionner, mais personne ne croit que cela puisse être suffisant à terme.

    D’où l’illusion de transférer – en partie ? – les dettes nationales vers l’Europe et de les mutualiser dans des obligations européennes. Selon Karel Lannoo, le fils, cela sous-entend une responsabilité commune, un trésor européen et donc des revenus d’impôts européens. Tous les 17 parlements nationaux auraient à l’approuver. Par ailleurs, on sait très bien que la crise en 2008 avait été déclenchée parce qu’on avait saucissonné de mauvais prêts, en particulier les hypothèques à grands risques, pour les emballer avec de meilleurs prêts, en espérant qu’ainsi, les risques seraient tellement éparpillés qu’il n’y en aurait plus. Qui ose prétendre que la même technique, parce que ce sont les obligations européennes, fonctionnerait lorsqu’il s’agit de dettes publiques ?

    Fuite vers des refuges

    Les investisseurs fuient vers de prétendues valeurs refuges. En cas de croissance, ce sont des matières premières, particulièrement le pétrole, mais la hausse des prix conséquente étrangle la croissance. Les récoltes sont aussi très populaires, mais elles ont déjà entraîné des émeutes de la faim. Aujourd’hui, les obligations des gouvernements américain et allemand sont populaires, mais elles rapportent chacune moins que ce que l’on perd par inflation. Ensuite viennent l’or et les francs suisses. Le prix de l’or dépasse de loin le coût de production et la Suisse risque de devenir victime de son succès. La demande pour les francs fait tellement rebondir la monnaie que sa propre industrie risque d’être enrayée et que l’industrie du tourisme risque de s’effondrer. Des consommateurs suisses vont de plus en plus faire leurs achats de l’autre côté des frontières. Cet avertissement, l’Allemagne le prendra en considération, car ce scénario risque de lui arriver dans le cas d’un éclatement de la zone euro.

    Explosions sociales

    Ces dernières années, les fidèles lecteurs de Lutte Socialiste et du site ‘‘socialisme.be’’ ont pu lire dans nos publications de nombreux articles consacrés aux révolutions, aux grèves générales et aux mouvements provoqués par les premiers effets de la crise. Selon nous, ce ne sont là que des signes avant-coureurs des explosions sociales qui nous attendent. Lors de ces explosions, le mouvement ouvrier va se réarmer tant sur le plan organisationnel que programmatique. Le Parti Socialiste de Lutte est déterminé à y apporter une contribution importante.

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