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Tag: Espagne
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60 ans après la Seconde Guerre mondiale
On commémore ces temps-ci le 60ème anniversaire de la fin la Seconde Guerre mondiale. Les médias nous ont abreuvés d’articles et de témoignages historiques sur ce qui fut la plus grande boucherie à ce jour de l’histoire humaine (60 millions de morts). Un dossier de plus? Non, car les commémorations occultent trop souvent les tenants et aboutissants de cette guerre qui a changé pour près d’un demi-siècle les rapports de force au niveau mondial.
Thierry Pierret
La Première Guerre mondiale avait été une guerre de repartage du monde entre puissances impérialistes. Pendant des décennies, il y avait une course de vitesse entre les différentes puissances européennes pour s’emparer des différents pays d’Afrique et d’Asie. La Grande-Bretagne et la France étaient sorties gagnantes de cette course de vitesse, l’Allemagne devant se contenter des “miettes” du monde colonial.
C’est la volonté de l’Allemagne d’imposer un repartage du monde à son avantage qui a plongé le monde dans la “Grande Guerre” en 1914. Les principaux partis sociaux-démocrates s’étaient rangés derrière le drapeau de leur propre impérialisme. C’est la Révolution russe qui a mis fin à la Grande Guerre sur le front de l’est avec l’armistice de Brest-Litovsk. Quelques mois plus tard, la révolution en Allemagne mettait fin aux hostilités sur le front occidental. Malheureusement, la révolution en Allemagne n’a pas abouti à la prise du pouvoir par les travailleurs comme en Russie. Le Parti social-démocrate (SPD) y était autrement plus puissant que les mencheviques en Russie et le jeune Parti communiste allemand (KPD) a commis des erreurs tactiques. La défaite de la révolution en Allemagne, mais aussi en Italie, en Hongrie, en Slovaquie,… ouvre désormais la voie à une période de contre-révolution en Europe qui sera le prélude à une nouvelle conflagration mondiale.
La montée du fascisme
La petite-bourgeoisie était prise en tenaille entre le mouvement ouvrier d’une part, la grande industrie et les banques d’autre part. La faillite les guette et, avec elle, la nécessité de vendre leur force de travail pour vivre. Ils aspirent au retour à l’ordre, c’est-à-dire à la situation qui prévalait avant l’industrialisation, à savoir une société de petits producteurs. Les fascistes les séduisent avec leurs diatribes contre “le capital financier” et contre le communisme. La crise économique des années trente verra les secteurs décisifs de la bourgeoisie soutenir le fascisme pour rétablir ses profits en écrasant le mouvement ouvrier et en forçant l’ouverture des marchés extérieurs aux produits allemands.
Il est donc faux de prétendre que la mégalomanie de Hitler et de Mussolini serait la cause de la Seconde Guerre mondiale. En fait, le programme des partis fascistes correspondait aux nécessités du capitalisme en période de crise aigüe. La seule façon pour la bourgeoisie des pays vaincus (Allemagne) ou mal desservis par la victoire (Italie) de restaurer sa position, c’était d’imposer un nouveau partage du monde par la guerre. Or seuls les partis fascistes étaient déterminés à le faire là où les partis bourgeois classiques étaient soucieux de préserver les équilibres internationaux. Il y a donc un lien entre le fascisme et la guerre dans la mesure où ce sont deux conséquences parallèles de la crise du capitalisme en décomposition.
Capitulation du mouvement ouvrier
La victoire du fascisme n’était pas inéluctable. En Allemagne, les partis ouvriers et leurs milices – SPD et KPD – étaient plus puissants que le Parti nazi. Mais le SPD refusait l’affrontement sous prétexte de respecter la légalité là où les nazis n’en avaient cure. Plutôt que d’organiser les travailleurs, il préférait s’en remettre au Président Hindenburg comme “garant de la démocratie”.
Quant au KPD, il suivait la ligne de Moscou qui professait la théorie absurde selon laquelle la social-démocratie et le nazisme étaient des frères jumeaux (théorie du social-fascisme). Le KPD a même organisé des activités en commun avec les nazis! Cette attitude des dirigeants des deux grands partis ouvriers allemands a complètement désorienté les travailleurs allemands face aux nazis. En 1933, Hitler prenait le pouvoir sans coup férir avec la bénédiction de Hindenburg…
Le Pacte germano-soviétique
L’arrivée au pouvoir de Hitler – dont Staline était pourtant largement responsable – a semé la panique à Moscou. Pour assurer sa défense, l’URSS va désormais privilégier une stratégie d’entente avec la France et la Grande-Bretagne. Pour ce faire, il ne fallait rien faire qui puisse effrayer les bourgeoisies française et britannique. Par conséquent, les partis communistes occidentaux devaient adopter un profil bas et privilégier des alliances non seulement avec la social-démocratie, mais aussi avec la “bourgeoisie progressiste”.
Cette stratégie débouchera sur la formation de gouvernements de front populaire en France et en Espagne en 1936. Pour maintenir coûte que coûte ce front de collaboration de classe, le PC n’hésitera pas à casser la grève générale en France et à liquider la révolution en Espagne. Mais en 1938, Paris et Londres repoussent l’offre de Staline d’agir de concert pour contrer les visées de Hitler sur la Tchécoslovaquie.
Staline change alors son fusil d’épaule et signe le Pacte germano-soviétique en 1939. Il croit ainsi assurer ses arrières. Bien plus qu’un pacte de non-agression, le Pacte germano-soviétique comportait un protocole secret qui organisait le dépeçage de l’Europe de l’est entre l’Allemagne et l’URSS. Alors que les bolcheviques avaient rendu publics tous les traités secrets en 1917, Staline renouait avec les pires méthodes des puissances impérialistes.
Une nouvelle guerre de repartage
La Seconde Guerre mondiale fut, en Europe de l’Ouest, en Afrique et en Asie, une nouvelle guerre de repartage du monde. L’Allemagne, qui avait été privée de toutes ses colonies en 1918, voulait prendre sa revanche. L’Italie, mal desservie par sa victoire en 1918, avait annexé l’Albanie et envahi l’Ethiopie en 1935. Mais l’Ethiopie était le seul pays africain qui restait à coloniser. L’Italie ne pouvait plus étendre son empire colonial qu’en empiétant sur les colonies françaises et britanniques. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de son entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne en 1940. En Asie, le Japon, après avoir annexé la Corée et la Mandchourie, s’était lancé à la conquête de la Chine toute entière. Il lorgnait sur les colonies françaises, britanniques et hollandaises en Asie. Mais les Etats-Unis s’opposaient aux prétentions impériales de Tokyo en Asie et lui ont coupé son approvisionnement en pétrole.
D’où l’attaque sur Pearl-Harbour en décembre 1941 pour avoir les mains libres dans le Pacifique. Pearl-Harbour a fourni le prétexte rêvé au Président Roosevelt pour engager les Etats-Unis dans la guerre, puisque le Japon était un allié de l’Allemagne et de l’Italie. La guerre est désormais mondiale. Elle oppose les puissances impérialistes établies (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne) aux forces de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon), c’est-à-dire l’axe des mal servis du partage colonial. Mais entre-temps, il y a eu l’offensive allemande contre l’URSS en juin 1941. Cette nouvelle donne va non seulement changer le cours de la guerre, mais aussi en changer partiellement la nature.
La victoire soviétique
Staline avait cru gagner un répit de 10 ans en signant le Pacte germano-soviétique. Il en avait également profité pour ramener la frontière occidentale de l’URSS à celle d’avant 1914 (annexion de l’est de la Pologne, des pays baltes, de la Bessarabie). En revanche, l’invasion de la Finlande se solda par un fiasco. Staline, dans sa lutte acharnée contre l’opposition de gauche, avait liquidé tous les officiers qui avaient été formés par Trotsky. Privée de ses meilleurs officiers, l’Armée rouge s’est révélée incapable de venir à bout de l’armée finlandaise. Hitler en a conclu que l’Armée rouge n’était qu’un tigre de papier et qu’elle s’effondrerait sous les coups de la Werhmacht. Or les nazis, dans leur entreprise de destruction systématique du mouvement ouvrier organisé, ne pouvaient pas tolérer l’existence de l’état ouvrier – tout bureaucratisé qu’il fût – soviétique. Le 22 juin 1941, la Werhmacht envahissait l’URSS à la stupéfaction de Staline qui croyait dur comme fer au Pacte. Les premières semaines de l’offensive ont semblé donner raison à Hitler.
L’Armée rouge, mal préparée, privée d’officiers compétents, s’effondrait sous les coups de butoir de la Wehrmacht, perdant des centaines de milliers de prisonniers et de tués en quelques jours. Mais Hitler avait sousestimé la capacité de résistance et d’auto-organisation de la population russe.
Surtout, Hitler avait sousestimé le potentiel d’une économie planifiée même bureaucratiquement. Jamais un pays relativement arriéré comme l’URSS n’aurait pu fournir un tel effort de guerre dans les conditions d’une économie de marché. L’Armée rouge a pu stopper l’offensive hitlérienne avant de partir à la contre-offensive.
L’URSS payera sa victoire de quelque 27 millions de morts. Les pertes sont d’autant plus lourdes que le régime nazi se déchaîne contre les “sous-hommes” (Juifs, Slaves, Tsiganes). Si l’antisémitisme du régime avait d’abord eu pour but de désigner un bouc-émissaire pratique aux souffrances de la population, il acquiert dès lors une dynamique propre qui conduira à la Solution finale.
Mais cette pulsion mortifère exprime surtout l’impuissance des nazis à retourner la situation en leur faveur. A partir de ce moment, la guerre change de nature. On assiste à une course de vitesse entre l’Armée rouge et les anglo-américains. Ceux-ci ne se décident à ouvrir un nouveau front (débarquement de juin 1944) que pour endiguer l’avance soviétique. Après la capitulation allemande, cette course se poursuivra en extrême-orient où les Etats-Unis n’hésiteront pas à utiliser l’arme atomique pour contraindre le Japon à capituler sans délai et éviter une partition du Japon comme en Allemagne et en Corée.
La révolution met fin à la guerre
Les dirigeants américains et britanniques envisagent même de faire une paix séparée avec l’Allemagne pour repousser l’Armée rouge. Mais les nazis s’obstinent à vouloir mener la guerre sur les deux fronts et le putsch contre Hitler échoue. Surtout, les travailleurs n’auraient pas toléré la prolongation de la guerre et sa transformation en guerre est-ouest. En Italie, en France, en Yougoslavie, en Grèce, les partisans communistes libèrent la majorité du territoire. Ils sont une force avec laquelle les alliés doivent compter. La prise du pouvoir par les communistes était possible dans plusieurs pays, y compris à l’ouest. Mais Staline le leur a interdit et a ordonné aux partisans de rendre leurs armes en échange d’assurances de la part des Alliés. On peut dire que le stalinisme a joué le même rôle contre-révolutionnaire en 1945 que la social-démocratie en 1918. Dans les pays occupés par l’Armée rouge, nombre de communistes actifs dans la résistance sont liquidés car jugés peu fiables. Alors que c’est la révolution (ou la menace de révolution) qui a empêché les Alliés de continuer la guerre contre l’URSS, Staline a cru pouvoir opter pour la coexistence pacifique avec l’impérialisme (accords de Yalta). Mais Staline ne recueillera pas davantage les fruits de sa “modération” que dans les années trente. En 1949, les puissances impérialistes créent l’OTAN pour endiguer l’URSS et le monde bascule dans la guerre froide. Pendant près d’un demi-siècle, la violence de l’impérialisme sera contenue par l’existence du bloc de l’est. Mais les tares du stalinisme ont fini par avoir raison des états ouvriers bureaucratisés. La chute de l’URSS ouvre la porte à une nouvelle ère de tensions interimpérialistes.
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IRAK: Le fantôme du Vietnam revient hanter Bush
Le 30 juin est la date retenue pour le passage symbolique du pouvoir en Irak à une nouvelle autorité. Ce changement sera évidemment de pure façade: une autorité non élue et choisie par l’occupant américain sera remplacé par une nouvelle autorité… non élue et choisie par l’occupant américain. Mais, demain comme hier , le pouvoir réel appartiendra toujours à l’armée américaine.
Jean Peltier
Car le fait le plus marquant de ces dernières semaines est la montée du nombre d’attaques contre l’armée US et surtout contre ceux qui collaborent avec elle. Les postes de recrutement pour la police et l’armée sont devenues les cibles quotidiennes des groupes de résistants, tandis que l’organisation liée à Al-Qaïda multiplie les enlèvements de militaires et de civils étrangers, de manière à faire monter la pression sur les gouvernements de ces pays pour qu’ils se retirent du pays.
Quinze mois après le début de la guerre, le bilan est désastreux pour Bush. L’Irak devait devenir un « modèle » pour l’instauration de la démocratie « à l’américaine » au Moyen-Orient ; aujourd’hui, le pays est dans un état chaotique et le nouveau régime installé par l’armée américaine ne dispose d’aucune base populaire en dehors du Kurdistan. La chute de Saddam Hussein devait représenter un coup fatal au terrorisme ; l’Irak est devenu une base d’accueil pour les militants des mouvements intégristes radicaux de tout le monde musulman. La mainmise sur l’Irak devait assurer aux compagnies américaines le contrôle de l’appareil de production pétrolier et surtout des énormes réserves enfouies dans le sol du pays .
Aujourd’hui, la production reprend à grand peine, les actes de sabotages dans les raffineries et les pipelines se multiplient et le cours du pétrole s’envole sur les marchés internationaux. Et, cerise sur le gâteau, la guerre devait assurer à Bush une réélection dans un fauteuil. Au lieu de quoi sa cote de popularité baisse avec régularité.
Bush est maintenant confronté à un dilemme extrêmement douloureux. Soit il opte pour un gouvernement fantoche et une administration reconstruite et soumise aux USA. Mais, pour cela, vu l’impopularité énorme de l’occupation parmi la population et la multiplication des attentats, l’administration américaine sera obligée d’envoyer de plus en plus de troupes en Irak. Soit le gouvernement US essaie d’échapper à l’enlisement et retire peu à peu ses troupes d’Irak, laissant ses partisans se débrouiller sur place. Mais cela paraîtrait aux yeux du monde entier comme l’aveu d’un échec colossal…. avec le risque, en plus, de voir l’Irak basculer dans un chaos complet.
Trente ans après, le fantôme du Vietnam revient hanter le pensionnaire de la Maison Blanche : soit l’enlisement pendant des années, soit le retrait sans gloire et lourd de conséquences, soit l’un puis l’autre !
Mais, quoiqu’il arrive en Irak, un mythe s’est déjà effondré : celui de la superpuissance américaine que, depuis la chute du mur de Berlin et l’accélération de la mondialisation, rien ne pourrait plus arrêter. La résistance de la population irakienne, comme auparavant celle du Vietnam, montre les limites de la puissance US : elle peut, grâce à son énorme potentiel technologique et militaire, gagner sans trop de difficultés une guerre conventionnelle – surtout contre un régime dictatorial du Tiers- Monde. Mais elle ne peut imposer sa volonté face à la résistance massive d’un peuple.
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Jean Jaurès)
Le vingtième siècle a été un siècle de guerres d’une ampleur jamais égalée jusque là : 10 millions de morts lors de la Première Guerre Mondiale, 55 millions lors de la Deuxième, 2 millions dans les guerres successives d’Indochine et du Vietnam et des dizaines de millions d’autres au cours de la centaine d’autres guerres locales ou régionales qui ont ravagé un grand nombre de pays depuis 1945.
Certes, les guerres font partie de l’histoire de l’humanité depuis des millénaires mais le passage au capitalisme a donné une nouvelle ampleur à cellesci. Dès le 16e siècle, les premières bourgeoisies marchandes ont largement assis leur fortune sur la conquête du continent américain, qui a entraîné l’extermination d’une grande partie des populations indiennes d’Amérique, et sur la colonisation de l’Afrique, où le pillage des richesses s’est accompagné de la déportation de millions d’Africains vers les Amériques. Dans ce monde colonial, les grandes puissances européennes, l’Espagne, puis la France et la Grande-Bretagne, ont utilisé continuellement la guerre pour accroître leurs richesses et leur empire.
Ces guerres de rapines et de pillages menées par les Etats ne diffèraient encore des anciennes guerres féodales que par leur ampleur. Mais il est un autre type de guerre plus propre au capitalisme qui va ensuite se développer : celle qui prolonge directement la concurrence économique entre les entreprises.
Au cours des cent cinquante dernières années se sont constituées dans les pays économiquement les plus avancés de grandes entreprises ne visant plus seulement un marché national devenu trop étroit mais aussi une expansion internationale qui les pousse à l’affrontement avec leurs concurrents d’autres pays. Dans ce jeu, chaque Etat national exerce toute la pression dont il est capable – y compris au plan militaire – pour aider ses propres capitalistes à prendre l’avantage sur leurs rivaux étrangers. Aussi longtemps que l’économie est en expansion, la plupart des multinationales peuvent espérer réaliser des profits suffisants pour continuer à se développer. Mais quand une crise économique survient et s’approfondit, la concurrence économique devient une véritable guerre économique et la lutte pour la vie des capitalistes peut devenir une lutte pour la vie entre Etats, chacun disposant de moyens de destruction grandissants.
Les deux grandes guerres mondiales ont été des guerres impérialistes, c’està- dire des conflits entre des alliances d’Etats capitalistes pour le contrôle des ressources et des marchés et pour la domination du monde. Par la suite, la grande majorité des guerres ont eu comme toile de fond les luttes entre les multinationales et leurs Etats pour s’emparer du contrôle de positions économiques et stratégiques décisives.
Les deux guerres du Golfe avaient évidemment pour enjeu le contrôle du pétrole. Mais des guerres beaucoup plus locales n’échappent pas à cette logique. Ainsi, dans les multiples conflits qui ensanglantent l’Afrique, derrière les luttes entre chefs locaux pour le pouvoir se dessinent les manoeuvres des USA pour élargir leur emprise au détriment des anciennes puissances coloniales anglaises et françaises.
La concurrence et la guerre sont inséparables et elles sont toutes deux au coeur même de l’existence du capitalisme. Ce n’est qu’en renversant ce système barbare et en construisant un système réellement socialiste – remplaçant la concurrence et la course effrénée au profit par une planification démocratique permettant d’orienter la production vers la satisfaction des besoins de la majorité de la population – que nous pourrons instaurer une véritable paix mondiale.
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Elections du 13 juin. Pas de promesses en l’air!
Elections du 13 juin.
LA REPRISE économique sera-t-elle au rendez-vous? On ne peut se fier aux économistes car leurs prévisions varient d’une semaine à l’autre. Ils misent sur les profits d’une entreprise ou d’un secteur, ou encore sur la croissance des cours de bourse pour «ajuster» leurs prévisions.
Guy Van Sinoy
Regardons plutôt l’économie réelle. Il y a plus de chômeurs qu’au début de l’ère Verhofstadt et leur nombre croît quotidiennement. Chaque jour une entreprise ferme ses portes ou «remercie» son personnel. Des milliers d’emplois vont disparaître d’ici quelques années à la SNCB et à La Poste. Drôle de manière de stimuler l’emploi! Les 200.000 emplois promis par Verhofstadt/Onkelinx n’étaient que du bluff.
Tous les grands partis ont leur plan d’austérité en poche. En Flandre, des responsables VLD et SP.a ont déjà averti que des mesures «douloureuses» suivraient les élections. Le PS et le MR restent plus prudents à l’approche des élections. Dans les pays voisins, les attaques contre les travailleurs sont déjà en marche. Des luttes de grande ampleur ont déjà eu lieu dans plusieurs pays (Italie, Espagne,…). Le gouvernement belge a reporté ce genre de mesures pour après les élections sociales et politiques de cette année. Un plan d’austérité tous azimuts s’annonce donc pour l’automne, quelle que soit la composition du prochain gouvernement.
Amnésie sociale
Quand on écoute parler Elio Di Rupo on constate que plus on se rapproche des élections plus il adopte un langage social. Encore quelques semaines et il se prendra pour le chef d’un grand parti qui siège dans l’opposition.
Il y a quelques mois, beaucoup ont ironisé sur le MR après les déboires fiscaux de Daniel Ducarme. «Après l’amnistie fiscale, Daniel Ducarme invente l’amnésie fiscale…» entendait-on.
En ce qui concerne Di Rupo il faudrait plutôt parler «d’amnésie sociale». Ce beau parleur semble oublier que son parti est un pilier fondamental du gouvernement à tous les niveaux: au fédéral, à la Région wallonne, à la Région bruxelloise et à la Communauté française. Son parti est solidaire de toutes les mesures prises par les gouvernements à tous les niveaux que nous venons d’énumérer: la baisse répétée des charges sociales des entreprises, les mesures contre les chômeurs, l’amnistie fiscale, l’application de la Déclaration de Bologne en Communauté française, l’expulsion des sans-papiers par charter, l’intervention de la police sur le campus de l’ULB, la préparation de la privatisation de la SNCB et de La Poste, etc.
Dans les discours de 1er Mai, le président du PS évoquera sans doute la nécessite de faire barrage à la politique libérale. Surprenant langage de la part de quelqu’un qui était ministre des Communications au moment de le privatisation de Belgacom!
A l’occasion de ce 1er Mai, nous lançons un appel aux travailleurs, aux allocataires sociaux, aux jeunes à qui l’avenir semble plus sombre que jamais. Ne tolérez pas que les conquêtes sociales conquises après la Deuxième Guerre mondiale (la sécurité sociale, le droit à l’enseignement gratuit) soient anéanties sous la menace des délocalisations ou sous les injonctions de l’Union européenne. Avec nous, résistez à la casse des acquis sociaux!
Votez pour le MAS: pour une opposition de gauche, socialiste et démocratique!
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Amendes de roulage. C’est la politique qu’il faut changer, pas les mentalités
Amendes de roulage
LA BELGIQUE fait piètre figure en matière d’accidents de la route mortels. Il paraît qu’il faut changer les mentalités. D’après les hommes politiques, «Celui qui ne veut rien entendre va le sentir passer». Depuis le 1er mars, les infractions sont réparties en 4 catégories: les infractions simples et 3 degrés d’infractions graves. En cas de perception immédiate, les amendes vont de 50 euros pour une infraction simple à maximum 300 euros pour une infraction grave du 3e degré. En cas de paiement différé, c’est 10 euros de plus. Celui qui ne paie pas est passible de poursuites judiciaires. Dans ce cas, l’addition pourra atteindre 1.375 euros pour une infraction simple et 2.750 euros pour une infraction grave des deuxième et troisième degré. A partir du 1er septembre, rouler à vélo sans feux ou ignorer la priorité de droite par inadvertance coûtera la peau des fesses.
Eric Byl
Les lourdes amendes vont-elles réduire le nombre d’infractions?
Le gouvernement espère réduire radicalement le nombre d’accidents à coups de lourdes amendes. Il faut dire qu’on déplore en Belgique 13,7 tués sur les routes pour 100.000 habitants. Notre pays arrive en cinquième position après le Portugal, la Grèce, l’Espagne et la France. Les Pays-Bas (6,9), le Royaume-Uni (6) et la Suède (6,6) affichent de bien meilleurs résultats. La Belgique est même nettement au-dessus de la moyenne européenne (11,1).
Comment cela s’explique-t-il? En tout cas, pas par le montant des amendes. Les tarifs néerlandais sont nettement inférieurs aux tarifs qui seront appliqués dans notre pays. Quelques exemples: aux Pays-Bas, rouler à vélo sans feux coûte 17 euros, brûler un feu rouge 86 euros. En Belgique, on paiera 137 euros dans les deux cas et même 175 euros à partir du 1er septembre.
Il va de soi que ces supers amendes ne dissuaderont pas les fils à papa de foncer à toute allure avec leurs bolides. Ils payeront sans sourciller. En revanche, de telles amendes provoqueront des difficultés financières dans les familles modestes qui perdront de fait leur droit à la mobilité. Il fut un temps où le SP, avant qu’il ne devienne le SP.A, plaidait pour des amendes proportionnelles au revenu. On n’entend plus guère parler aujourd’hui de tentatives de tempérer quelque peu la justice de classe.
La répression ne fait que sanctionner la faillite d’une politique
Pour le CD&V dans l’opposition, ce ne sont pas les amendes mais les contrôles qui doivent augmenter. En 2001, les Pays-Bas ont distribué 7,2 millions de contraventions dont 6 millions pour excès de vitesse. En Belgique, c’est 1 million et demi dont seulement 500.000 pour excès de vitesse. Un plus grand risque de se faire pincer poussera sans doute bon nombre de conducteurs à la prudence, mais il y a plus. Les Pays-Bas oeuvrent depuis 50 ans à l’aménagement du territoire tandis qu’en Belgique, surtout à l’époque où le CVP faisait encore la pluie et le beau temps, on a laissé s’installer un joyeux chaos. Les magasins de quartiers ont été éliminés par la concurrence des grandes surfaces, les entreprises ont été installées dans des zones dépourvues de transport public, des méga-dancings ont été implantés en plein champs sans accès aux transports en commun,… En d’autres mots, ceux qui ont appliqué la politique des dernières décénnies sont au minimum co-responsables de chaque accident et de chaque amende. Une vie humaine n’est certes pas quantifiable en argent, mais des statistiques ont évalué le coût total des accidents de la route avec dommages corporels à 1 milliard d’euros par an. Il faut encore y ajouter le coût des embouteillages. Le MAS/LSP préférerait dépenser une telle somme pour créer des emplois de proximité et développer des transports en commun gratuits et de qualité. C’est la seule manière de garantir la sécurité sur les routes. Les amendes ne sont jamais qu’un moyen d’occulter la faillite d’une politique.
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Espagne: Aznar paie cash pour ses mensonges
L’ABOMINABLE ATTENTAT aveugle à Madrid, qui a fait 200 morts et au moins 1.500 blessés, a profondément heurté le peuple espagnol. 12 millions de personnes ont manifesté contre la terreur. Le jour après, le PP, le parti conservateur d’Aznar au gouvernement perdait les élections. Le PSOE la sociale-démocratie obtient le meilleur résultat depuis la chute de Franco: 11 millions de voix. Izquierda Unida (IU) encaisse une nouvelle défaite en reculant de 9 sièges à 5 au parlement national. IU s’est brûlée les doigts dans des coalitions locales avec le PSOE, en menant avec lui une politique d’austérité. Les élections sont une punition aux instincts belliqueux d’Aznar, de sa politique asociale et des mensonges patents sur la «certitude» de l’engagement de l’ETA basque dans les attentats.
Emiel Nachtegael
Défaite du PP conservateur
Deux semaines avant les élections, Aznar avait confié au Monde qu’il n’est pas «de ceux qui se laissent ballotter par le flux et le reflux de l’opinion publique, ceux-là sont des girouettes». Un vrai leader, selon lui, devait adopter les décisions «contre l’opinion publique si il était personnellement convaincu que c’était pour le bien du pays». La politique gouvernementale, avec sa criminalisation de chaque forme d’opposition a rappelé pour beaucoup d’Espagnols les souvenirs de la période de Franco. Les organisations des droits de l’Homme font annuellement mention de tortures de Basques arrêtés. Et dorénavant l’état a également la permission d’ouvrir le courrier et les emails, de procéder aux écoutes téléphoniques et de pouvoir entrer dans les habitations sans mandat de perquisition.
Après ces attentats meurtriers on voit pointer à nouveau le débat sur «la vulnérabilité de la démocratie en Europe» face aux «provocations terroristes». Les marxistes n’ont rien de commun avec des réseaux réactionnaires islamistes comme AlQaeda. Presque toutes les victimes des attentats étaient de simples travailleurs espagnols ou issus de l’immigration, travaillant à Madrid. Le terrorisme offre un excellent prétexte à ceux qui veulent le renforcement de l’appareil d’état. Maintenant c’est contre le terrorisme, mais demain ce sera contre la lutte sociale comme Bush l’a fait après le 11 septembre.
Répercussions sur le plan international
La défaite magistrale du gouvernement PP qui a entraîné l’Espagne dans la guerre tandis que 90% des Espagnols étaient contre a un an plus tard renforcé le mouvement antiguerre contre l’occupation de l’Irak. Différents pays européens ont, comme l’Espagne, déjà annoncé qu’ils ne souhaitaient pas maintenir leurs troupes en Irak plus tard que le 30 juin. Les électeurs espagnols ont sanctionné l’arrogance avec laquelle Aznar a traîné le pays dans la guerre qui n’était pas la leur et qui a déjà coûté la vie à presque 10.000 civils irakiens, 13.500 militaires irakiens et 665 soldats des troupes de la coalition. Comme l’on pouvait lire sur une pancarte: «Aznar; c’est votre guerre, ce sont nos morts».
PSOE
Les jeunes et les travailleurs espagnols ne voient pas le PSOE comme un parti socialiste combatif. Avant les attentats, les sondages donnaient le PSOE comme grand perdant. Il s’est rendu impopulaire par de nombreux scandales de corruption et par sa transformation précoce en parti bourgeois. Même si le nouveau gouvernement PSOE, mené par José Zapatero va devoir faire quelques concessions limitées, son programme sera de pousser plus loin la libéralisation et la réforme asociale du marché du travail.
Le PSOE ne doit pas sa victoire électorale à une opposition de gauche active à la politique d’Aznar, mais à la haine envers Aznar suscitée par ses mensonges sur les auteurs de l’attentat. Les Basques et les Catalans n’ont pas beaucoup à attendre d’un nouveau gouvernement PSOE, qui n’est pas prêt à rompre avec le système capitaliste et qui, en défenseur de l’état bourgeois, ne reconnaît pas fondamentalement le droit à l’auto-détermination. L’énorme prise de conscience politique, surtout de la part des jeunes et des jeunes travailleurs, offre de nouvelles occasions de construire un parti ouvrier qui soit socialiste dans la lutte et pas seulement en paroles.
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UE: Le modèle néo-libéral imposé aux travailleurs et à la jeunesse
Union européenne:
LE 13 JUIN on votera aussi pour le Parlement européen. L’Union européenne est devenue ces dernières années synonyme de plan d’austérité et de privatisation. Combien de politiciens sociaux-démocrates ou verts se disent incapables d’empêcher les mesures asociales «à cause de l’Europe». Comme si c’était un ordre de venu du ciel. Et comme si leurs propres responsabilités devaient être mise de côté.
Pour entrer dans la zone de l’euro, le gouvernement belge a imposé aux travailleurs, dans les années 90, une austérité de cheval. Le traité de Maastricht imposait de limiter le déficit public (la différence entre les recettes et les dépenses de l’état) à 3% du Produit Intérieur Brut (PIB). De plus la dette publique devait être ramenée à 60% du PIB et les normes fixées en commun pour l’inflation (augmentation des prix) sont gérées par la Banque centrale européenne.
L’Europe est un projet fait par et pour les capitalistes. Pensez par exemple au rôle de la Table ronde des Industriels européens, le plus important groupement de multinationales européennes. Ce club de capitalistes qui se partagent les profits déclare presque ouvertement que les mesures asociales doivent devenir la règle en Europe. De cette manière ils veulent devenir plus fort contre les deux autres blocs capitalistes importants: les États-Unis et l’Asie regroupée derrière le Japon.
La phase de reprise économique de l’après-guerre et la menace du bloc de l’Est stalinien, a été le ciment qui a permis – même sur une base capitaliste – une certaine collaboration et une intégration européennes. Dès que le gâteau est devenu trop petit à partager, les intérêts nationaux ont refait surface. Même avec une régression générale depuis les années 70 en arrière-plan, la période temporaire de croissance des années 90 a permis le lancement d’une monnaie commune sous la forme de l’euro.
L’Union monétaire européenne (UME) était dans une large mesure, contrainte sous la pression «d’en haut», d’accélérer la liquidation des droits sociaux des travailleurs. Nous retrouvons au travers de cela l’importance de l’unité des capitalistes européens.
Aujourd’hui les chefs des états qui ont imposé le respect des critères de Maastricht sont beaucoup plus souples lorsqu’il s’agit de continuer à les faire respecter par leur propre pays. Le président de la Commission européenne, Romano Prodi, va traîner la France et l’Allemagne devant la Cour de Luxembourg car ces pays ne respectent plus scrupuleusement la norme du pacte de stabilité des 3%.
Les tensions entre états européens se sont aussi fait jour sur la question de la guerre en Irak. Plus récemment la procédure sur la répartition des postes de commissaires à la Commission, consécutive à l’élargissement de l’Union à dix autres pays, a mené à un conflit ouvert avec l’Espagne et la Pologne qui ne veulent pas que l’on touche à leurs intérêts nationaux.
Ce n’est pas la bonne âme des capitalistes qui a préservé l’Europe de la guerre pendant ces 50 dernières années, mais l’importance de la classe ouvrière qui ne va pas renoncer à ses acquis sans bataille. A terme, les divergences entre les différentes bourgeoisies fera capoter l’Union européenne. Seule une Fédération socialiste des pays européens, et du reste du monde, peut véritablement créer l’unité.
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Constitution européenne : Un pas de plus pour l’Europe libérale
L’élaboration de la constitution européenne fonctionne comme un parfait miroir de focalisation des différentes tendances de la politique européenne des capitalistes et de leurs représentants.
Geneviève Favre
Tout d’abord l’opposition sur la structure des institutions de l’Union européenne entre les puissances dominantes comme La France et l’Allemagne et les petits pays comme la Pologne ou l’Espagne montre bien le fossé qu’il y a entre la volonté d’unifier les forces européennes et la réalité des divergences d’intérêts économiques et politiques. En effet alors que Chirac et Schröder souhaitent un axe franco-allemand dominant, les petits pays dont ceux qui vont rejoindre l’Union en mai 2004, refusent plusieurs aspects de la nouvelle constitution européenne (comme la restriction du nombre de commissaires à 15 à partir de 2009, ou l’obligation d’opter pour la politique commune de défense plutôt que pour l’Otan.)
Cependant si concurrences et rivalités existent entre les capitalistes, il y a un terrain d’accord immuable : le renforcement de la casse des services publics, le développement du travail précaire et la facilitation des licenciements. Ainsi la partie de la constitution reprenant notamment les traités de Maastricht et d’Amsterdam, armes européennes contre les acquis des travailleurs, a été adoptée sans débat ni aucune difficulté. De plus une constitution ne vise traditionnellement qu’à définir les structures des institutions et non pas les politiques menées. Cette inclusion dans la constitution elle-même de traités définissant les politiques libérales européennes montre bien que les instances dirigeantes veulent une Europe clairement antisociale. A ceci s’ajoute l’indépendance accentuée de la BCE (Banque centrale européenne) et son alignement sur le libéralisme. Et même si nous n’avons aucune illusion à l’égard du parlement européen, qui est comme les autres institutions de la démocratie bourgeoise au service des classes dirigeantes, on ne peut que remarquer son maintien à une fonction législative très limitée, au profit d’un pouvoir accru du Conseil européen, notamment sur les questions de politiques économiques et sociales.
L’objectif des capitalistes est clair : renforcer l’arsenal de lois anti-ouvrières dans toute l’Europe et arguer de l’Union européenne pour justifier dans chaque pays les mesures libérales de casse des acquis sociaux et des services publics. Aussi, les divergences actuelles au sein de la majorité en France ne tiennent qu’à une question de forme : comment va-t-on exploiter et museler la classe ouvrière, par des lois nationales ou par des lois européennes ?
Ce n’est pas un hasard non plus de voir la droite du PS s’accorder avec la position des pro-européens de droite, en voyant dans le projet des " avancées significatives ". Hubert Védrine perçoit en effet ce texte comme " raisonnable " et " le meilleur résultat possible ". Tout au plus des dirigeants du PS désirent amender le texte sans changer les fondamentaux de la politique libérale. Le vieil argument du " C’est mieux que rien " est évidemment mis en exergue, notamment par les Verts. Certaines tensions néanmoins se font sentir à l’intérieur de l’ex gauche plurielle, certains militants prônant, comme le PC, un refus.
Mais le " non "à cette constitution ne doit pas se faire sur des bases nationalistes (ouvriers et patrons ne partagent aucun intérêt commun , l’union sacrée pour la défense de la souveraineté n’a donc pas lieu d’être) mais sur la nécessité de construire une mouvement européen de défense des intérêts des travailleurs.
Plus que jamais le sort des travailleurs est lié non pas aux manœuvres et ressorts des capitalistes sur cette question de la constitution mais avant tout dans leurs capacités à construire une réaction générale et massive à l’exploitation capitaliste, dans leurs capacités à mettre en avant une alternative socialiste de renversement du système actuel.