Tag: Egalité salariale

  • 500.000 personnes dans la rue en Suisse pour une “Grève des femmes”

    Plus de 500.000 femmes, travailleurs et jeunes sont descendus dans les rues de toute la Suisse le 14 juin dernier dans le cadre d’une grève nationale des femmes.

    Par Valerie Leary, militante de la campagne socialiste féministe ROSA en Irlande et membre du Socialist Party (CIO-Irlande).

    L’ampleur même des manifestations dans de nombreuses villes a envoyé un message clair : le statu quo ne sera plus toléré. Rien que dans les rues de Zurich, 160.000 personnes ont manifesté, tandis que 40.000 se sont rassemblées devant le Parlement à Berne, de 40.000 à 50.000 ont manifesté à Lausanne et à Bâle, 25.000 à Genève, 12.000 à Fribourg et à Sion et, dans des villes beaucoup plus petites comme Neuchâtel, Saint-Gall et Delémont, le chiffre oscille entre 4.000 et 10.000.

    Aucun changement significatif

    Cette action historique représente la plus grande mobilisation de l’histoire récente du pays et a été entreprise près de 30 ans après la grève nationale des femmes de 1991 qui avait également connu une mobilisation massive de plus de 500.000 femmes dans les rues du pays. Le mouvement avait forcé la mise en œuvre de la législation sur l’égalité, y compris l’égalité salariale et l’introduction du congé maternité. L’égalité avait été inscrite dans la Constitution une décennie plus tôt, en 1981, mais peu avait été fait pour que cela soit suivi de lois. Cette mobilisation avait été nécessaire pour forcer l’establishment à agir.

    30 ans plus tard, les revendications n’ont pas vraiment changé. En Suisse, les femmes gagnent encore en moyenne 20% de moins que leurs homologues masculins, elles sont plus susceptibles d’occuper des emplois précaires et faiblement rémunérés, elles ont des pensions moins élevées et elles effectuent 282 millions d’heures de travail non rémunéré chaque année à domicile ou sous forme de travail bénévole (l’équivalent de 148.000 postes à plein temps). Récemment, le Parlement a voté contre deux propositions visant à introduire le congé de paternité.

    Les grévistes réclament l’égalité de rémunération à travail égal et la fin des conditions précaires, des pensions décentes combinées à un abaissement de l’âge de la retraite, une revalorisation du travail domestique et des soins, une réduction du temps de travail sans perte de salaire, la socialisation des soins aux enfants et du travail de soins que les femmes font généralement à la maison, le droit de choisir et le droit à l’autonomie corporelle qu’il s’agisse d’avortement, de sexualité ou d’identité de genre, la fin de la violence et du harcèlement sexistes, homophobes et transphobes, les droits des migrants, une éducation sexuelle inclusive et globale dans les écoles, la solidarité internationale et la fin du racisme !

    S’organiser

    La grève a d’abord été déclenchée par les femmes dans les syndicats qui ont adopté une résolution lors du Congrès syndical suisse en juin de l’année dernière, appelant à une grève le 14 juin 2019. Immédiatement après, une assemblée a été convoquée, à laquelle ont participé quelque 150 délégués de chaque canton. Depuis lors, des collectifs de femmes se sont formés dans chaque région, ville et village avec à leur tête des militantes syndicales, des travailleuses ordinaires, des étudiantes et des jeunes. La dynamique a clairement été inspirée par la récente vague de mouvements et de luttes féministes dans le monde, dont la grève de masse à l’occasion de la Journée internationale des femmes de 2018 dans l’État espagnol ainsi que par le récent mouvement des jeunes contre la catastrophe climatique. Les collectifs ont organisé une assemblée en mars pour appeler officiellement à la grève du 14 juin et à laquelle plus de 500 femmes venant de tout le pays ont participé.

    Au cours de l’année écoulée, les collectifs ont organisé et participé à de nombreuses manifestations et actions telles que des manifestations et des actions de désobéissance civile. Ils ont notamment pris part à la manifestation contre le changement climatique, ont organisé des manifestations et des actions à l’occasion de la Journée internationale des femmes et sont intervenus dans les manifestations du 1er mai. Au cours des derniers mois, d’autres mesures ont été prises pour préparer la grève, notamment diverses interventions et performances artistiques dans des espaces publics, le déploiement de banderoles sur les ponts et la création d’une station de radio féministe. La grève a reçu un large soutien au sein de la population, les sondages montrent que 63 % des femmes étaient en faveur de la grève. Une femme sur cinq prévoyait de participer à la grève ce jour-là et les hashtags #frauenstreik2019 et #2019grevefeministe faisaient tendance sur les médias sociaux.

    14 juin – Journée de protestations et de piquets de grève

    Les manifestations du 14 juin ont commencé à 1 heure du matin par des actions dans de nombreuses villes, y compris des marches contre la violence sexiste, le déploiement de banderoles sur des monuments historiques, des manifestations bruyantes de “casseroles” et des feux de joie. Dès le matin, des piquets de grève ont été organisés dans de nombreux lieux de travail, notamment à l’extérieur des hôpitaux, des maisons de repos et des établissements de soins, avec des actions de solidarité et des piquets de grève des nettoyeurs, des éboueurs et autres professions traditionnellement masculines.

    Des petits-déjeuners ont été organisés sur les piquets de chaque ville pour soutenir les grévistes, ces actions du matin ont réuni plus de 100.000 personnes à l’échelle nationale. Tout au long de la journée, des ateliers improvisés de fabrication de pancartes dans les écoles ou dans la rue, des pique-niques, des discours et des chorales féministes ont été organisés et ont culminé avec les manifestations de l’après-midi organisées dans chaque ville et municipalité.

    Les organisations patronales ont vivement critiqué la grève, la qualifiant d’illégale et s’opposant fermement à ses revendications. Cependant, le mouvement et la pression étaient tels que de nombreux employeurs ont été forcés d’adopter une position conciliante et de permettre au personnel de participer à l’action d’une manière ou d’une autre.

    Les partis traditionnels de droite tels que le PLR (Parti libéral radical), les ministres du gouvernement et les politiciens de droite de haut niveau ont également subi des pressions pour montrer une certaine forme de soutien à l’action. Ce jour-là, l’UDC (Union du Centre Démocratique), un parti bourgeois conservateur d’extrême droite, s’est sans surprise opposé à la grève, ses membres féminines organisaient un déjeuner de charité pour collecter des fonds pour une organisation anti-avortement pour marquer cette journée !!

    Nécessité d’un parti des travailleurs

    Les Verts et le PS se sont consciemment mis en avant dans ce mouvement. Cependant, ils ne représentent pas d’alternative. Elles participent au pouvoir depuis des décennies, tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal, et sont constamment orientées vers la droite, soutiennent les politiques d’austérité qui frappent le plus durement les femmes et la classe ouvrière et ne proposent que des réformes édulcorées.

    Bien que les militantes syndicales aient été l’épine dorsale de ce mouvement et que leurs revendications soient claires, le mouvement est politiquement très éclectique et confus, sans perspective anticapitaliste claire de la part des collectifs et avec la présence d’éléments de féminisme libéral.

    Il faut une alternative de gauche claire et reposant sur la classe des travailleurs en Suisse, une alternative capable de mettre en avant les revendications du mouvement. Comme dans le reste de l’Europe, les conditions de travail des travailleurs en Suisse sont attaquées, mais aucun parti ne représente leurs intérêts à l’échelle nationale. Une telle alternative pourrait constituer un grand pas en avant.

    Une nouvelle génération entre en action

    L’élan acquis par le mouvement au cours des derniers mois est vraiment inspirant et a permis à de nombreuses jeunes femmes, travailleuses et étudiantes de s’engager pour la première fois en politique. L’action a également popularisé l’idée de l’action de grève comme méthode qui peut imposer le changement et arracher des revendications qui bénéficieront à la classe ouvrière dans son ensemble.

    Un appel a été lancé pour que les collectifs se réunissent le 2 juillet afin de discuter d’une stratégie pour aller de l’avant. La lutte doit se poursuivre sur l’élan de cette grève et des appels doivent être lancés à destination du mouvement syndical pour exiger l’organisation d’actions, y compris une grève impliquant tous les travailleurs. Pour répondre aux aspirations des centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans la rue, il faut remettre en question le système capitaliste – qui repose sur l’exploitation et qui engendre inégalités et discriminations – et construire une alternative socialiste.

  • 14 mars – Equal Pay Day. Pour un salaire minimum de 14€ de l’heure (2300€/mois)

    La différence de salaire entre hommes et femmes reste une réalité dans la Belgique d’aujourd’hui. Une femme gagne en moyenne 8% de moins qu’un homme par heure de travail. Mais ce chiffre augmente à 21% si on analyse la différence sur base annuelle.

    Les femmes sont généralement cantonnées dans les secteurs d’activité les moins bien payés et où les temps partiels sont légion : les soins, le nettoyage, l’horeca, la distribution,… C’est certainement la présence importante du temps partiel parmi les femmes salariées qui expliquent la différence entre ces 2 chiffres. En effet, 43,9% des femmes qui travaillent le font à temps partiel pour 9,6% des hommes. Le salaire des femmes est encore souvent considéré comme un revenu d’appoint pour la famille plutôt que comme un salaire à part entière.

    Cette situation les rend souvent financièrement dépendantes de leur partenaire et les laisse sans réelles alternatives en cas de relation violente. Les mesures du gouvernement qui visent à élargir les contrats précaires (flexi-jobs, contrats intérims, titres-services,…) ainsi que les sauts d’index et les attaques sur les pensions ne font que renforcer cette réalité. Le gouvernement avec le patronat ne compte pas s’arrêter là : grâce à la chute du gouvernement, ils ne pourront pas en finir avec la barémisation des salaires sous cette législature (indispensable pour ne pas se retrouver seul face à son patron pour négocier son salaire), mais la mobilisation reste primordiale pour la suite.

    Tout comme à Glasgow, si l’écart salarial entre hommes et femmes se maintient, ce n’est pas parce que les hommes gagnent trop, mais parce qu’une minorité accapare une majorité des richesses. Ainsi, les CEO du Bel 20 avaient déjà gagné le 8 janvier ce que l’on obtient, en moyenne, en une année de travail ! Dans une telle société, aucune égalité – y compris de genre – n’est possible.

    En Belgique, la campagne Fight for 14 € de la FGTB est cruciale pour lutter contre l’oppression spécifique des femmes, puisque – avec les jeunes et les travailleurs immigrés – c’est elles que l’on retrouvent avec les salaires les plus faibles. Dans ce cadre, le 14 mars – Equal Pay Day – revêt une importance toute particulière. En effet, c’est le jour où les travailleuses auront finalement gagné ce que les hommes obtiennent en un an. Avec la campagne ROSA, nous participerons aux actions qui prendront pour l’Equal Pay Day dans le cadre de la campagne pour un salaire minimum de 14€ de l’heure, soit 2.300€ par mois. Cette lutte ne peut, bien entendu, pas être séparée de celle pour des emplois de qualité, accompagnée d’une réduction collective du temps de travail, pour en finir avec les horaires flexibles à temps partiel, et donc avec les salaires partiels !

  • 14 mars 2018 – EQUAL PAY DAY – Journée pour l’égalité salariale

    Le 14 mars 2018 est la date à laquelle les femmes auront rattrapé en Belgique le niveau du salaire brut annuel touché par les hommes fin décembre 2017. A l’heure où le féminisme revient sur le devant de la scène à travers le monde, le fossé salarial entre femmes et hommes reste bien réel, y compris chez nous : 20% de salaires bruts mensuels en moins dans le secteur privé, 26% de pension en moins en moyenne,… Cela place les femmes dans une position de citoyennes de second rang, ce qui est encore aggravé par les mesures d’austérité des différents niveaux de pouvoir.

    Les autorités cherchent à combler les déficits budgétaires sur le dos de celles et ceux qui peinent déjà à joindre les 2 bouts. Cela doit cesser ! L’argent ne manque pas : les profits des plus grosses fortunes ne font qu’augmenter. Le 8 janvier 2018, c’était le ‘CEO Jackpot Day’, c’est-à-dire le jour où les administrateurs des 20 principales entreprises belges cotées en bourse avait déjà gagné l’équivalent de ce qu’un travailleur belge gagne sur toute une année !

    Un salaire décent pour toutes et tous !

    Plusieurs éléments expliquent la différence salariale, mais ne peuvent en rien la justifier. Les femmes sont généralement cantonnées dans les secteurs d’activité les moins bien payés et où les temps partiels sont massivement utilisés : les soins, l’enseignement, la distribution,… 45% des femmes employées travaillaient à temps partiel (chiffre de 2016). Cela ne reflète pas un choix personnel : seules 9% des femmes dans cette situation ne désirent pas un travail à temps plein. 24% des travailleuses à temps partiel expliquent leur situation par la nécessité de s’occuper des enfants ou d’autres personnes dépendantes. Le salaire des femmes est encore souvent considéré comme un revenu d’appoint pour la famille plutôt que comme un salaire à part entière. Cette situation les rend souvent financièrement dépendantes de leur partenaire et elles sont plus susceptibles de passer sous le seuil de la pauvreté. Cette situation est aggravée par le démantèlement des services publics (soins aux personnes trop chers et/ou en nombre insuffisant, manque de crèches,…) et la volonté du gouvernement d’élargir les contrats précaires : flexi-jobs, contrats intérims, titres-services, …

    La campagne ROSA lutte pour :

    – une réduction collective du temps de travail afin de s’en prendre aux difficultés de combiner vie privée et travail. Pour les 30h par semaine sans perte de salaire, avec embauches compensatoires et réduction des cadences là où c’est nécessaire.
    – des emplois de qualité. Stop aux contrats précaires, pour des contrats CDI.
    Pour un salaire minimum de 14€/heure.
    – que les soins aux enfants, personnes âgées,… soient une tâche collective et non pas une responsabilité individuelle des femmes. Des services publics de qualité accessibles à toutes et à tous sont indispensables. Stop à l’austérité dans les services publics et le secteur des soins !

    Stop aux attaques sur nos pensions !

    Contrairement à l’idée diffusée par les politiciens, le niveau des pensions en Belgique est parmi le plus bas d’Europe. Dans notre pays, 4 pensionnés sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté. Et deux-tiers d’entre eux sont des femmes. La pension des femmes est également en moyenne 26 % inférieure à celle des hommes. Les femmes ont des carrières professionnelles moins longues que les hommes en raison du rôle social qui continue à leur être presque exclusivement assigné. Et la réforme des pensions en cours va encore plus massivement précariser les femmes. En effet, après avoir relevé l’âge légal de la pension à 67 ans, s’être attaqué à la liste des métiers pénibles et à l’assimilation de certaines périodes, le ministre des pensions, Daniel Bacquelaine, a encore plusieurs cartes en poche : pension à temps partiel, pension à points,… Il ne s’agit pas – comme il le dit – d’augmenter la pension de ceux qui voudraient travailler plus longtemps, mais bien de faire des économies en s’attaquant à ceux qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts.

    La Campagne ROSA lutte pour :

    – que le gouvernement revienne sur toutes les réformes menées ces dernières années :
    âge de la pension, périodes assimilées,…
    – que l’on ne touche pas aux pensions du secteur public, ni aux périodes assimilées.
    – une pension minimum d’au moins € 1.500 bruts par mois.
    – que les pensions du secteur privé équivalent au moins à 75% du salaire moyen.
    – des droits individualisés, de manière à permettre une indépendance financière des femmes.

    Pourquoi construire la campagne ROSA – Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité ?

    La Campagne ROSA a pour objectif de lier la lutte contre le sexisme à la lutte contre les politiques d’austérité. Nous plaidons pour une plus grande implication des femmes dans les mouvements sociaux et dans les syndicats afin, d’une part, de construire un mouvement large et unitaire et, d’autre part, de permettre d’y intégrer les revendications touchant plus spécifiquement les femmes. Nous plaidons également pour un mouvement uni contre les différentes formes de discriminations : sexisme, racisme, LGBTQI+-phobie, transphobie,… La campagne ROSA organise des événements, des actions et des campagnes contre le sexisme et le système qui l’entretient. N’hésite pas à prendre contact avec nous et à nous rejoindre !

    Participe à la Conférence ROSA
    Samedi 31 mars de 10h à 18h à Bruxelles

    Pour la première année de la campagne ROSA, nous organisons une conférence nationale avec différentes ateliers dont « LES DROITS DES FEMMES SUR LES LIEUX DE TRAVAIL ET DANS LES SYNDICATS : luttes contre le harcèlement, pour la réduction collective du temps de travail, pour un salaire minimum de 14€/h, pour des pensions décentes, … », avec la participation d’Heather Rawling, militante anglaise de la ‘Campaign Against Domestic Violence’. Programme complet sur campagneROSA.be

    => Programme et infos pratiques

  • 94 % des femmes touchées par les discriminations au travail

    Les discriminations vis-à-vis des femmes sont omniprésentes et revêtent des formes variées. Le sexisme est quotidien, en rue ou à la maison. Mais les discriminations hommes-femmes frappent également les lieux de travail : 94% des femmes affirment les subir au boulot également. En 2016, le nombre total de signalements pour discriminations fondées sur le sexe et/ou le genre déposés à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a à nouveau augmenté (+18% par rapport à 2015). La grande majorité des signalements introduits l’ont été par des femmes (59%) et concernent la discrimination liée à l’emploi. Pour cet institut, ces chiffres ‘‘démontrent que la position de la femme sur le marché du travail reste vulnérable’’.

    Par Emily, coordinatrice de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité)

    Ainsi, 80% des femmes affirment être interrompues fréquemment et/ou ne pas être écoutées lorsqu’elles parlent, 75% admettent subir des commentaires sur les vêtements qu’elles portent ou ceux qu’elles devraient porter ou encore des blagues ou des remarques déplacées (1). À cela s’ajoute un écart salarial de plus de 20% entre le salaire moyen annuel des hommes par rapport à celui des femmes. L’écart de revenu s’aggrave encore à la pension, cette dernière étant en moyenne 34% moins élevée pour les femmes, les mettant bien souvent de facto en situation de pauvreté ou de dépendance.

    Cet écart se renforce avec la réforme des pensions. Les politiques de casse sociale et le manque de structures publiques qui en résulte obligent la personne qui a le plus petit revenu dans le ménage (le plus souvent une femme) à prendre en charge des tâches qui étaient auparavant prises en charge par la collectivité : s’occuper d’un parent malade en l’absence de structure d’accueil ou d’un bébé qui n’a pas eu de place en crèche. Les soins délivrés à un membre de la famille constituent d’ailleurs le seul motif de crédit temps encore valable, mais avec d’importants impacts financiers. Conséquence de ces politiques, plus de la moitié des femmes déclarent avoir subi un traitement discriminatoire durant la grossesse et la maternité, allant jusqu’au licenciement (2). Cela accentue les discriminations à l’embauche et précarise toujours plus les femmes. Le manque d’indépendance économique les force parfois à accepter un sexisme quotidien au boulot de peur de se retrouver sans le sou, ce qui a également un impact sur la manière dont elles sont perçues dans la société de manière générale.

    Lutter contre les mesures asociales du gouvernement Michel, c’est lutter pour les droits des femmes !

    Nous avons besoin d’un plan d’action pour stopper le gouvernement. Nous avons un besoin urgent de réinvestissements massifs dans les services publics et, pour ce faire, les richesses existent ! Elles sont toutefois aujourd’hui détenues par une minorité de la société alors qu’elles pourraient être utilisées pour répondre aux besoins de la majorité sociale. Mais pour cela, les secteurs clés de l’économie doivent être placés entre les mains de la collectivité, c’est-à-dire nationalisés, sous gestion et contrôle démocratiques. Face aux écarts de revenus, on n’entendrait ainsi plus que les hommes ont une pension trop élevée : les moyens existeraient pour que chacun dispose d’un revenu lui permettant de mener une vie décente. Les bases matérielles seront là pour s’atteler efficacement au combat contre les autres formes de discrimination que prend le sexisme.

    Les secteurs précaires : encore plus durement touchés par le sexisme

    C’est entre autres le cas pour les nettoyeuses et les aides familiales. Les personnes qui travaillent via les entreprises de titres-services gagnent un petit salaire horaire. Celui-ci devient complètement dérisoire lorsque l’on prend en considération les temps de déplacement souvent très élevés pour se rendre d’un client à l’autre. Les trajets éloignent encore un peu plus la possibilité de travailler à temps plein. Pire, 31,7% des nettoyeuses / aides familiales ont un jour été victimes de violences sexuelles au travail selon une enquête réalisée par la CSC Alimentation et Service auprès de plus de 7000 affiliées. En plus, nombreuses sont celles qui dénoncent l’absence de soutien des entreprises de titres-services vis-à-vis des travailleuses victimes d’une agression. Conserver les clients et avec des rentrées financières est, selon leur logique, plus important…

    Il est essentiel de lutter pour une revalorisation de ce secteur, et en premier lieu d’un point de vue salarial. Pour que le salaire horaire effectif soit correct et un temps plein réaliste, exigeons d’intégrer le temps de déplacement entre les différents clients dans le temps de travail. Favoriser des délégations syndicales avec plus de travail de terrain est également important. Organiser des travailleurs isolés sur leurs lieux de travail permet de faire remonter les problèmes, tels que des cas d’agressions, dans des organes de discussion collective comme le CPPT. Mais un travailleur qui déciderait démissionner ne devrait pas non plus se retrouver sanctionné.

    Au-delà de cela, pour permettre à tout le monde de travailler tout en ne s’épuisant pas au boulot, partageons le temps de travail entre toutes et tous : pour un temps plein à 32h voire même 30h semaine. Dans le secteur du nettoyage (souvent fort féminin) où le temps partiel est légion, cela signifie principalement une augmentation de salaire. En général, dans la société, cela permettrait d’embaucher pour compenser les temps pleins diminués vers les 30h semaine, résolvant ainsi la crise de l’emploi. Et comme nous n’avons jamais produit autant de richesse, ce nouveau temps plein doit se faire sans baisse des salaires, en allant chercher l’argent là où il se trouve.

    Enfin et surtout, retirons ce secteur des mains du privé. Il ne bénéficie aujourd’hui qu’aux patrons des entreprises de titres-services et dans une bien moindre mesure aux clients qui ont l’argent pour s’offrir un tel service. Faisons de ce secteur un véritable service public, pour lutter contre les mauvaises conditions de travail de ce secteur où la concurrence est rude. Cela permettra également à tous de bénéficier par exemple du soutien d’une aide familiale comme les nombreuses personnes âgées avec une petite pension. Cela luttera également contre la double journée de travail des femmes qui totalisent en moyenne 245 minutes de travail domestique non rémunéré contre 151 minutes pour les hommes.

    Un plan d’action dans les entreprises en faveur de l’égalité salariale

    Le Conseil national du travail a mis sur pied une nouvelle méthode de calcul de l’écart salarial entre homme et femme. Ce n’est plus l’écart salarial effectif qui est évalué, mais bien la structure des rémunérations de l’entreprise. Ce n’est pas qu’un changement de terminologie : on ne vise plus l’égalité, mais bien l’équité et le public ciblé par un plan d’action obligatoire change fondamentalement. Désormais, le manque à gagner en termes de prime et de salaire pour les temps partiels, les crédits temps pour motif de soin (le seul motif existant encore) et les congés maternité ne sont plus pris en considération.

    L’écart salarial parmi les ouvriers et les employés pour lesquels les salaires se négocient collectivement est alors considéré comme raisonnable, c’est-à-dire inférieur à 5 % (est-ce acceptable?!). Par contre, en ce qui concerne les cadres et en particulier le personnel de direction, moins souvent en crédit temps ou autre, cette nouvelle méthode de calcul met en avant de graves inégalités salariales. Un plan d’action à la faveur des membres de la direction doit donc bien souvent, avec cette nouvelle méthode de calcul, obligatoirement être mis sur pied.

    Si toutes les inégalités salariales sont inacceptables, la campagne ROSA n’a pas pour objet de lutter pour qu’une plus grande part de la masse salariale soit attribuée au pourcent au sommet de la société tandis que les 99 % subissent toujours les conséquences d’une politique de rémunération discriminatoire. Ce n’est clairement pas ça une politique de lutte contre les discriminations. Et si les cadres, qui sont tiraillés entre le marteau et l’enclume, veulent lutter contre les inégalités hommes-femmes, ils devraient se mettre au côté des employés et des ouvriers et lutter collectivement pour une barémisation et contre les mesures d’austérité.

    (1) https://www.youtube.com/watch?v=5z7q4W_XcPU
    (2) https://www.rtbf.be/info/societe/detail_plus-de-la-moitie-des-femmes-discriminees-au-travail-pendant-leur-grossesse?id=9621774

  • Equal Pay Day: Pour de meilleurs salaires, pour toutes et tous!

    Photo: Flickr/95213174@N08

    Le 14 mars prochain se tiendra l’Equal Pay Day, la journée de l’égalité salariale. Ce n’est, en effet, qu’à cette date que les femmes auront rattrapé le niveau de salaire brut annuel que les hommes ont touché fin décembre. L’écart salarial s’est quelque peu réduit ces derniers temps, mais il s’élève toujours à 21% dans notre pays.

    Plusieurs éléments expliquent cette situation. Les femmes ont des carrières professionnelles moins longues que les hommes en raison du rôle social qui continue à leur être presque exclusivement assigné. Elles sont aussi victimes d’une double ségrégation : elles sont généralement cantonnées dans les secteurs d’activité les moins rémunérateurs et où les temps partiels prévalent. Elles sont également bloquées dans la progression de leur carrière en raison du ‘‘plafond de verre’’. En effet, on leur permet moins qu’aux hommes d’accéder aux fonctions de cadres et de dirigeants et au travail hautement qualifié.

    Le salaire des femmes est encore souvent considéré comme un revenu d’appoint pour la famille plutôt que comme un salaire à part entière. Cette situation les rend souvent financièrement dépendantes de leur partenaire et plus susceptibles de passer sous le seuil de la pauvreté.

    Les différentes mesures prises par le gouvernement Michel rendent les femmes d’autant plus vulnérables: dégressivité des allocations de chômage, diminution voire suppression du complément en cas de travail à temps partiel involontaire, exclusion du chômage des personnes en bénéficiant sur base de leurs études, suppression du crédit-temps sans motif, allongement de la carrière, modification des périodes assimilées pour la pension,…

    Sans parler des attaques brutales que subissent nos services publics et qui ne vont certainement pas aider à combler le fossé salarial entre hommes et femmes. En effet, c’est au niveau des statutaires du secteur public que l’écart salarial est le moindre puisque la négociation des salaires y est collective !

    Le rapport 2016 sur l’écart salarial entre hommes et femmes indique clairement la poursuite de la précarisation de l’emploi. En effet, on constate que l’écart entre femmes travaillant à temps plein et femmes travaillant à temps partiel augmente alors que l’écart entre femmes travaillant à temps partiel et hommes travaillant à temps partiel diminue.

    Ceci montre à quel point il est important que tous les travailleurs s’unissent pour de meilleurs salaires pour tous. Il nous faut lutter tous ensemble contre les bas salaires. La faible marge salariale de 1,1 % issue du dernier Accord Interprofessionnel (AIP) et la révision de la loi de 1996 sur la compétitivité ne nous laissent pas entrevoir beaucoup d’espoir d’amélioration de nos conditions de vie.

    Le Global gender gap index 2016 (mondial) indique, quant à lui, un recul de notre pays en matière de santé. Il se place à la 64ème place sur 144 pays. Le démantèlement de la sécurité sociale (avec, entre autres, la hausse du ticket modérateur de 45 % pour les visites chez certains spécialistes comme les gynécologues) n’y est certainement pas anodin. On constate que de plus en plus de familles, a fortiori quand elles sont monoparentales, reportent voire renoncent à des soins en raison de leurs coûts.

    La précarisation s’accélère. Il nous faut casser ce cercle vicieux par la lutte unifiée de tous les travailleurs, en ce compris les couches précarisées, autour de revendications offensives telles que l’augmentation du salaire minimum à 15 euros de l’heure et la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires.

  • Les écarts salariaux perdurent, la lutte contre le sexisme reprend de la vigueur

    Pendant de nombreuses années, en Europe, nous avons connu une amélioration lente, mais réelle, de la situation économique des femmes. Mais, selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, qui regroupe 35 pays capitalistes développés), ce n’est plus le cas. Au classement mondial des écarts entre hommes et femmes, la Belgique arrive en 24ème position(1) ; excepté en termes d’accès à l’éducation, l’étude souligne que la Belgique a encore du chemin à faire.

    Par Emily (Namur)

    Une question de choix ?

    Nombre de femmes constatent qu’elles ne gagnent pas autant que leurs collègues masculins. Et pour cause, l’écart salarial s’est accru et s’élève, toujours selon l’OCDE, à 9,8 % et selon Institut pour l’égalité des Femmes et des Hommes il est de 8 % en termes de salaire horaire et à 22 % sur base annuelle. Pour la droite, le constat est une aubaine : diminuons le salaire des hommes ! Voilà l’approche ahurissante de la campagne contre le sexisme de la FEL (Fédération des Étudiants Libéraux) qui considère que les collègues masculins ont ‘‘encore trop d’avantage’’.

    Pour d’autres, ces salaires moindres s’expliquent à cause des choix d’études et de boulots. Mais, le problème, ce n’est pas la grande proportion de femmes travaillant dans les crèches, comme infirmière ou comme instit. Le problème, c’est le manque de valorisation de métiers pourtant cruciaux pour l’avenir de l’ensemble de la société. Ceux qui s’occupent de nos enfants, de nos proches malades, etc. ne sont-elles pas des personnes en qui on place notre confiance ? Pourquoi serait-ce un mauvais choix de carrière ? Il faut revaloriser ces secteurs et en faire des services publics forts, accessibles à tous et de qualité, tant pour le personnel que pour les usagers.

    Le premier facteur explicatif des bas salaires, ce sont les temps partiels, toujours aux dires de l’OCDE. Près de la moitié des salariées sont à temps partiel contre 10 % des salariés(2). Un choix? Bien plus une obligation de s’adapter au manque d’infrastructures publiques d’accueil et d’accompagnement des enfants en bas âge, des personnes âgées ou encore des moins valides. Les horaires de travail ne correspondent par exemple pas à ceux des écoles. Et dans un couple, généralement, c’est celui qui a le plus petit salaire qui s’adapte, le plus souvent la femme…

    Riposter contre les écarts salariaux, cela exige donc d’investir dans les soins de santé, les structures publiques d’accueil,… tout en luttant en faveur de la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire, avec embauche compensatoire et réduction des cadences. Sans cela, parler d’équilibre entre vies privée et professionnelle revient à se limiter aux familles qui en ont les moyens.

    Un accès aux soins de santé problématique

    Pour de plus en plus de gens, il faut choisir : manger ou se soigner. C’est d’autant plus vrai pour les femmes. La Belgique se trouve à la 64ème place en matière d’accès des femmes aux soins de santé par rapport aux hommes(3) . Le Global Gap Gender Index 2016 met en lumière que ce sont les mères célibataires qui éprouvent le plus de difficultés. En effet, 80 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté et priorisent leurs enfants à leur santé lorsque cela s’avère nécessaire.

    Ensuite, les mesures de protection de la santé maternelle des femmes restent précaires. Le congé de maternité de 15 semaines reste un des plus courts d’Europe. Les examens gynécologiques sont moins régulièrement remboursés et le nombre de jours à la maternité a été réduit d’une demi-journée. Les coupes budgétaires de 902 millions d’euros dans les soins de santé prévus par Maggie de Block ne peuvent qu’empirer cette situation déjà catastrophique. Les discriminations à l’embauche sont presque encouragées dans ses projets puisque l’employeur devrait payer 10 % des indemnités versées par la mutuelle (Inami) aux salariées enceintes écartées de leur travail.

    Les luttes reprennent de la vigueur

    En très peu de temps, nous avons vu l’impressionnante lutte victorieuse contre l’interdiction totale du droit à l’avortement en Pologne (voir notre édition de novembre) ou encore les mouvements de masse pour sa légalisation en Irlande. Aux États-Unis, des mouvements féministes appellent à rejoindre les mobilisations anti-Trump à l’occasion de son investiture officielle les 20 et 21 janvier prochains. En Islande, les femmes ont également fait grève le 24 octobre à 14 h 38 pour marquer la différence salariale de 14 % par rapport à leurs collègues masculins travaillant jusqu’à 17 h.

    Des organisations féministes françaises ont ensuite repris l’idée qui a par ailleurs fait les gros titres de plusieurs journaux le 7 novembre. Notons que cette campagne a pris une ampleur toute particulière dans le groupe de communication du CAC40 Publicis d’Élisabeth Badinter, figure du ‘‘féminisme’’ en France. Les syndicats y dénoncent les inégalités salariales et l’important turn-over des travailleuses(4). Aucun changement réel ne viendra du monde des employeurs, c’est par des actions collectives de masses pour un changement de société que nous y parviendrons. L’idée fait visiblement son chemin et c’est tant mieux !

    (1) World Economic Forum, Global Gender Gap Index 2016.
    (2) Institut pour l’égalité des Femmes et des Hommes, L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique ; Rapport 2015.
    (3) World Economic Forum, Global Gender Gap Index 2016.
    (4) LCI, Des syndicats dénoncent les inégalités de salaires hommes-femmes dans l’entreprise de la féministe Élisabeth Badinter, 18 novembre 2016.

  • [DOSSIER] “A travail égal, salaire égal!” La grève des femmes de la FN de Herstal

    greve_femmes_FN_02
    Il y a tout juste 50 ans éclatait la grève des “femmes-machines” de la FN-Herstal, en région liégeoise. Du 16 février au 8 mai, les ouvrières ont lutté sous le slogan “À travail égal, salaire égal”. Il s’agissait de la première grande mobilisation européenne pour l’égalité salariale. C’était il y a 50 ans, mais ce slogan reste d’actualité. Le fossé salarial entre femmes et hommes existe toujours bel et bien aujourd’hui et les discriminations sont nombreuses, au travail comme ailleurs. La meilleure manière de commémorer l’héroïque combat des ouvrières de la FN-Herstal, c’est encore de poursuivre la lutte pour une émancipation réelle des femmes, ce qui ne saurait devenir une réalité que suite au renversement de la société capitaliste. Nous reproduisons ci-dessous un dossier écrit par Jean Peltier peu avant les 40 ans de cette grève. 


     

    greve_femmes_FN_01Le 16 février 1966 éclatait une grève qui allait devenir historique : celle de 3.000 ouvrières de la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre (FN) de Herstal. Cette grève est devenue historique pour deux grandes raisons :

    1. Les grèves de femmes sont rares : celle de la FN fut la plus importante, car elle a duré 12 semaines, elle fut massivement suivie du début à la fin, elle s’est concrétisée dans un slogan (“A travail égal, salaire égal !”) pouvant être repris par toutes les femmes travailleuses et elle s’est terminée par une victoire (même si celle-ci ne fut que partielle)

    2. Elle a eu lieu à un moment charnière : 5 ans après la grande grève de l’hiver 60-61 contre la Loi unique (1 million de travailleurs au moment le plus fort de la grève) et 2 ans avant Mai ’68 qui a permis la relance d’un nouveau mouvement féministe dans la jeunesse. La grève de la FN a donc été marquée par la combativité issue de 60-61 et elle a servi de référence pour les toutes les femmes qui voulaient défendre et étendre leurs droits dans les années qui suivirent.

    Plusieurs décennies après, certaines idées fausses se sont parfois développées quant à cette grève, notamment l’idée que ce fut la première grève des femmes en Belgique et que cette lutte s’était heurtée à l’opposition des ouvriers.

    La revendication “A travail égal, salaire égal !” et le mouvement ouvrier

    Pendant la première phase de développement du capitalisme industriel en Belgique (1800-1870), les femmes et les enfants sont massivement intégrés à la production dans des emplois non qualifiés, surexploités et sans droits. Vers 1860, les femmes représentent 35% de la main-d’oeuvre, non qualifiée et surexploitée: le salaire d’une ouvrière représente en moyenne la moitié du salaire d’un manoeuvre masculin adulte. En 1900, après que la bourgeoisie ait décidé de “reconstruire” la famille ouvrière, les femmes représentent encore 26% de la main-d’oeuvre.

    Durant tout le 19e siècle, la grande majorité des hommes – les bourgeois mais aussi les prolétaires – ont une vision profondément sexiste, marquée par la religion : les femmes sont inférieures aux hommes, leur faiblesse est naturelle, leur place est à la maison pour s’occuper de l’entretien de la famille et des enfants.
    La création en 1885 du Parti Ouvrier Belge (l’ancêtre du PS) représente un grand pas en avant : la Charte de Quaregnon affirme que “le parti ouvrier est le représentant non seulement de la classe ouvrière mais de tous les opprimés sans distinction de nationalité, de culte, de race ou de sexe”. Le POB lutte donc pour l’égalité civique et le suffrage universel pour tous. Néanmoins, la position dominante au sein du parti reste que la place naturelle de la femme est au foyer pour s’occuper du ménage et des enfants. Mais comme on est encore loin de cette situation idéale (!) et que les femmes doivent travailler, il est juste que, à travail égal, elles touchent un salaire égal. L’objectif central reste pourtant que le salaire de l’homme devienne suffisant pour pouvoir se passer du travail de la femme et lui permettre de retourner à la maison.

    Après la 1ère guerre mondiale, le travail des femmes se développe en tant qu’employées dans les bureaux des usines et dans les administrations. L’agitation sociale grandit, les travailleurs obtiennent la journée des 8 heures et des hausses de salaires. Les femmes participent aux mouvements de grève et les premières grèves de femmes ont même lieu, notamment celles des ouvrières polisseuses sur métal de Liège et Herstal en 1920, des vendeuses de grands magasins en 1920 aussi et, en 1922, celles des ouvrières du textile à Verviers (qui dure 5 mois!).

    Le mouvement syndical (qui reste totalement dominé par les hommes) revendique “A travail égal, salaire égal” mais ne fait que très peu d’efforts pour imposer cette revendication dans la réalité. La patronat finit par accepter – en théorie – cette idée mais il la contourne dans la pratique, en imposant des petites différences entre les postes et les opérations de travail entre hommes et femmes qui font qu’il n’y a presque jamais de travail égal… et donc pas de salaire égal !

    Après la 2e guerre mondiale, les nouvelles institutions internationales comme l’O.N.U. et l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.) inscrivent dans leurs principes l’idée “A travail égal, salaire égal”. En 1957, le Traité de Rome, qui crée le Marché Commun (l’ancêtre de l’Union européenne) entre six pays dont la Belgique, reprend lui aussi le principe “A travail égal, salaire égal” dans son article 119. Bien entendu, ce principe n’est mis en oeuvre nulle part, mais l’application de l’article 119 deviendra la revendication centrale des ouvrières en grève de la FN.

    Pour le patronat belge, la revendication de l’égalité salariale entre hommes et femmes est un “luxe impossible”. Les arguments pour justifier cela sont déjà les mêmes que ceux qu’on entend à tout moment aujourd’hui : la concurrence internationale est trop forte, la mise en oeuvre du Marché Commun empêche de faire des “folies”. Pour le patronat, le salaire féminin reste un appoint et les femmes au travail sont trop instables et trop souvent absentes (maladies, accouchements, soins des enfants) pour qu’on puisse les considérer de la même manière que les hommes.

    Les femmes jouent un rôle actif dans tous les grands mouvements de grève en Belgique – en 1936, en 1950 lors de l’Affaire Royale et en 1960-61 – mais elles restent marginales dans le mouvement syndical (tant à la FGTB qu’à la CSC) tout comme dans le Parti Socialiste Belge.

    La F.N. de Herstal

    La F.N. est un fleuron de l’industrie liégeoise depuis 1886. Elle a une production variée : les armes surtout mais aussi les motos et même, pendant un temps, les autos. En 1966, elle emploie 13.000 travailleurs. C’est une entreprise florissante qui peut donc se permettre de payer des salaires élevés. Les femmes sont 3.900 à la F.N., soit 30% de l’ensemble des travailleurs. Il y a 350 employées pour 3.500 ouvrières.

    A la F.N., les ouvrières occupent le bas de l’échelle à tous les points de vue :

    • elles sont engagées comme manoeuvres spécialisées (le grade le plus bas) : elles font le gros oeuvre sur les pièces avant de les apporter aux ouvriers qualifiés (des hommes) qui font la finition.
    • elles n’ont pas suivi d’études préparatoires et apprennent donc leur métier dans l’usine;
    • leur travail se fait dans des conditions dégueulasses que montre très bien le documentaire TV (huile, bruit, manque d’hygiène, absence de vêtements de protection,…);
    • elles sont appelées les “femmes-machines” (elles ne sont que le simple prolongement de la machine qui leur dicte le rythme du travail).
    • L’encadrement est totalement masculin, du grand patron au régleur des machines en passant par les ingénieurs et les contremaîtres.
    • Les femmes n’ont aucun espoir de promotion : la F.N. organise des formations qui sont officiellement ouvertes à tous, hommes et femmes, mais réservées à ceux qui ont ont suivi à l’école des cours techniques de mécanique (ce qu’aucune femme n’a fait !).
    • Les inégalités salariales sont criantes : l’ouvrier le moins qualifié qui entre à la F.N. est payé directement en classe 4 et peut régulièrement progresser; par contre, les femmes se répartissent dans les classes 1 à 3 et ne peuvent espérer monter plus haut puisqu’elles ne suivent pas les formations internes à la F.N. !
    • enfin, dans la vie syndicale de l’entreprise, les femmes restent sous-représentées : si elles représentent 30% de la main-d’oeuvre, il n’y a que 6,5% de déléguées à la FGTB et 9% à la CSC.

    Chronologie de la grève des femmes de la F.N.

    greve_femmes_FN_038 nov. 65 : Début des discussions au niveau national pour l’établissement d’une nouvelle convention qui doit réduire les différences salariales entre hommes et femmes dans le secteur du métal. Le patronat fait traîner les négociations. A la FN, la direction refuse toute négociation dans l’entreprise tant qu’un accord national n’est pas signé.
    Janvier 66 : Nombreuses réunions syndicales dans l’entreprise sur le thème “A travail égal, salaire égal”. Le mécontentement augmente.

    9 février : Débrayage spontané des femmes. Après avoir tenu une assemblée où les délégations syndicales promettent de faire pression sur la direction de l’usine, elles acceptent de reprendre le travail.

    16 février : Après une assemblée syndicale où les délégations annoncent que la direction ne veut pas bouger, les femmes partent spontanément en grève contre l’avis des délégués. Les hommes manoeuvres (les moins bien payés) touchant 32 francs l’heure et les femmes 25 francs, elles réclament 5 francs/heure d’augmentation. Les femmes présentes à l’assemblée font le tour de l’usine pour lancer le mouvement. 3.000 ouvrières partent en grève.

    17 février : 1ère assemblée générale de la grève. 3.000 femmes partent en cortège de l’usine, jusqu’à la salle de réunion. Les permanents syndicaux demandent la suspension de la grève mais les femmes refusent. 1.000 ouvriers sont déjà en chômage.

    18 février : Un accord national est signé : il ne garantit que 1 franc/heure d’augmentation.

    19 février : La direction de la FN refuse d’aller plus loin que l’accord national.

    21 février : 2e assemblée générale. Les directions syndicales commencent à reprendre le mouvement en main. Ils reconnaissent la grève et dénoncent la présence d’éléments indésirables qui n’ont rien à voir avec la F.N. en visant les militants extérieurs à l’usine du Parti Communiste de Belgique (le PC officiel, pro-soviétique), du Parti Communiste Wallon (une scission du PCB, pro-chinoise) et du Parti Wallon des Travailleurs (scission de gauche du PSB dans lequel militent les trotskistes). Des ouvrières des ACEC à Herstal et de Schreder à Ans partent en grève en solidarité. Après l’AG, les ouvrières les plus combatives et les plus méfiantes vis-à-vis de l’appareil syndical, appuyées par le PCW, constituent un Comité d’Action pour élargir la grève et appeler à la solidarité.

    28 février : 3e assemblée générale : les directions syndicales affermissent leur contrôle sur la grève. Elles font voter la création d’un Comité de Grève de 24 femmes (18 FGTB et 6 CSC), moins pour diriger la grève (ce sont les permanents qui conservent l’essentiel des contacts avec la direction de la FN et les instances syndicales nationales) que pour éliminer les influences plus à gauche, comme le Comité d’Action. 3.000 ouvriers sont en chômage. Les premiers versements de solidarité avec la grève arrivent.

    Début mars: Une pétition de solidarité des hommes avec les ouvrières en grève circulent. La majorité de travailleurs de l’entreprise – encore au travail ou en chômage – signe cette pétition. Les syndicats et les mouvements féminins (liés au PSB, au PC et au Mouvement Ouvrier Chrétien) popularisent la grève. Le conciliateur social fait une proposition d’augmentation de 3 francs/heure en plusieurs étapes.

    3 mars : 4e assemblée générale : 2.500 ouvrières rejettent les propositions du conciliateur et votent la prolongation de la grève. Le Comité de grève est chargé de gérer la solidarité financière venant de l’extérieur et est tenu au courant de l’évolution des négociations par les syndicats. Son nombre de membres est porté à 29 et il intègre des membres du Comité d’Action dont l’influence va diminuer peu à peu.

    9 mars : 5e assemblée générale : la direction ne bougeant pas, la grève est prolongée. A la tribune se suivent interventions de solidarité de mouvements féminins et de délégations d’entreprises et lecture des premiers messages de l’étranger.

    Mars : Les difficultés financières grandissent mais la solidarité s’organise de mieux en mieux. Les commerçants offrent des produits, les délégations et les centrales syndicales organisent des collectes un peu partout, les quotidiens de gauche lancent des souscriptions de soutien, des dons arrivent de syndicats d’autres pays européens. Le Comité de Grève se réunit tous les jours pour organiser la remise d’argent et de colis aux ouvrières en grève et aux chômeurs en difficulté. Les ouvrières des ACEC-Herstal partent elles aussi en grève. Dans une autre usine de la région où les ouvrières sont parties en grève, la direction accorde une augmentation salariale substantielle aux femmes.

    21 mars : 6e assemblée générale : la direction de la FN refuse toujours de négocier des augmentations supérieures à l’accord national. La grève est prolongée. Le nombre d’ouvriers au chômage atteint 4.000 et des secteurs entiers de l’usine sont à l’arrêt. A l’assemblée, une représentante de la CGT française reçoit une ovation extraordinaire et 2.500 ouvrières chantent La Marseillaise. Le journal télévisé de la RTB évoque la grève pour la première fois (après cinq semaines de grève !).

    24 mars : Une délégation des Comités d’Action des femmes de la FN et des ACEC-Herstal se rend aux ACEC-Charleroi pour appeler les ouvrières à partir en grève (des assemblées d’ouvrières des ACEC-Charleroi réclament une grève depuis des semaines mais elles sont bloquées par les permanents syndicaux); plusieurs centaines d’ouvrières des ACEC débraient et se rendent dans les sièges syndicaux pour engueuler les permanents.

    28 mars : 7e assemblée générale : les dirigeants syndicaux liégeois dénoncent à la tribune les tentatives de la direction pour briser la grève par des informations mensongères dans la presse… et condamnent publiquement la descente du Comité d’Action à Charleroi. Pour faire baisser la tension, les syndicats annoncent une manifestation à Herstal le 7 avril. La grève continue aux ACEC-Herstal et chez Schreder à Ans. A Charleroi, les dirigeants syndicaux imposent un nouveau délai avant un départ en grève.

    Fin mars : Intense activité dans les séances parlementaires et dans les couloirs du parlement autour de la grève de la FN et des revendications d’égalité salariale hommes-femmes. Mais rien n’avance.
    7 avril : Après 51 jours de grève, une manifestation se déroule à Herstal en présence de responsables syndicaux liégeois et de quelques parlementaires de gauche. Les cas de misère se multiplient (il est fréquent que plusieurs personnes de la même famille travaillent à la FN) tandis que la solidarité continue à s’amplifier.

    12 avril : Malgré l’opposition de l’appareil syndical, les ouvrières des ACEC-Charleroi partent en grève. Un Comité d’Action des ouvrières des ACEC-Charleroi se forme à l’initiative du PCW.

    15 avril : 8e assemblée générale : des négociations reprennent avec la direction mais rien n’avance. La grève est donc une nouvelle fois prolongée.

    19 et 23 avril : La grève se termine aux ACEC, d’abord à Charleroi puis à Herstal, sur des augmentations salariales de 2 francs pour les femmes et des engagements de révision des classifications.

    25 avril : 5.000 personnes manifestent à Liège sur le slogan “A travail égal, salaire égal” : les femmes de la FN forment le gros de la manifestation mais il y aussi des délégations d’entreprises de tout le pays ainsi que des délégations des Pays-Bas et de France.

    Fin avril : 9e assemblée générale : les propositions patronales, considérées comme insuffisantes, sont rejetées. Près de 5.000 ouvriers sont en chômage technique.

    4 mai : Syndicats et direction tombent d’accord sur un accord : 2 francs/heure à la reprise du travail et 0,75 franc au 1er janvier 1967.

    5 mai : 10e assemblée générale : la bureaucratie syndicale jette tout son poids dans la balance pour faire voter l’acceptation de l’accord devant une assemblée convoquée à la hâte et moins nombreuse que d’habitude. L’accord est finalement accepté au scrutin secret par 1.320 oui et 205 non. Beaucoup de femmes acceptent cet accord du bout des lèvres parce qu’elles sont épuisées financièrement mais elles trouvent son contenu insatisfaisant.

    Après la grève : Même si la rentrée est douloureuse et que beaucoup d’ouvrières sont déçues, la combativité des femmes permettra par la suite d’obtenir de nouvelles augmentations salariales à la FN, plus importantes pour les femmes que pour les hommes. Une nouvelle grève de trois semaines en 1974 permettra l’ouverture aux femmes d’une soixantaine de fonctions qui leur étaient fermées jusque là et de nettes améliorations en matière d’hygiène et de conditions de travail.

    Traits marquants et leçons de la grève des femmes de la F.N.

    8mars_206
    Un atelier de discussion aura pour thème : “50 ans après la grève des femmes de la FN Herstal pour l’égalité salariale. La place des grèves dans les conquêtes sociales des femmes.” La discussion sera introduite par Maud, militante syndicale. Plus d’infos en consultant notre calendrier d’activités sur ce site.

    1. Dès le départ, le mouvement a été massif et uni; c’était tellement évident pour tout le monde qu’il n’y a jamais eu besoin de faire un piquet de grève pour faire respecter la grève pendant les douze semaines !

    2. Dans sa première phase, le mouvement a aussi été spontané et radical. Les appareils syndicaux ont été débordés et placés devant le fait accompli de la grève. Des militant(e)s d’extrême-gauche (PCB, PCW, PWT) ont joué un rôle important dans le déclenchement de la grève et dans l’impulsion de la solidarité. Dès le premier jour, un Comité d’Action a regroupé les militantes les plus radicales pour ne pas laisser les appareils syndicaux enterrer un mouvement qu’ils ne souhaitent pas.

    3. Débordée par le déclenchement de la grève, la bureaucratie syndicale a montré une grande intelligence tactique. Elle a reconnu la grève au bout de quelques jours (elle ne pouvait pas faire autrement!) et elle a entrepris de la récupérer en créant un Comité de Grève officiel pour réduire l’audience du Comité d’Action.

    4. Les hommes ont été fortement aux côtés des femmes dès le début de la grève (la pétition de soutien aux femmes a été massivement signée et aucun homme n’a fait le jaune en acceptant de faire le travail des femmes !). Et ils sont restés solidaires même quand la moitié d’entre eux ont été réduits au chômage technique. Le sexisme n’a pas disparu mais il a reculé fortement devant le courage et la détermination des ouvrières grévistes.

    5. La solidarité de classe a été énorme : collectes réalisées par les délégations syndicales d’entreprises, dons des centrales syndicales, collectes réalisées par les partis de gauche (des secteurs du PSB, le PCB, le PCW, le PWT) et par des mouvements féminins liés aux syndicats et aux partis de gauche,… La solidarité est même venue de commerçants et de professions libérales d’Herstal et de la région, preuve que la classe ouvrière peut polariser autour d’elle des couches populaires plus larges quand elle lutte de manière décidée. Enfin, il y a eu une solidarité importante à l’étranger (France, Pays-Bas, Allemagne, Italie) venant des mêmes mouvements (syndicaux, politiques et féminins) qu’en Belgique.

    6. Sous la pression de la combativité des femmes et malgré leur faible représentation dans les syndicats (à la FN et ailleurs), la grève a été organisée d’une manière partiellement démocratique. Les points positifs principaux ont été : des assemblées hebdomadaires où la poursuite de la grève était chaque fois discutée et mise au vote, les interventions de solidarité de délégations d’entreprises, de centrales syndicats, de mouvements féminins, l’élection d’un comité de Grève,… Mais cette organisation a rencontré des limites dues au contrôle réel exercée par la bureaucratie syndicale : les A.G. ont été dirigées par les permanents (de l’entreprise et de la régionale), les négociations nationales et avec la direction sont restées le privilège des dirigeants syndicaux, le Comité de Grève n’a pas dirigé celle-ci mais a été essentiellement cantonné à la gestion de tous les problèmes sociaux (une tâche essentielle mais limitée),…

    7. L’extension du mouvement n’a pas été facilitée par les appareils syndicaux. Le meilleur moyen de faire pression sur le gouvernement et le patronat était d’élargir le mouvement né à la FN et suivi par les ACEC et Schreder par un appel à la grève dans d’autres entreprises à forte proportion de femmes. Les bureaucraties syndicales de Liège n’ont pas suivi cette orientation. Pire encore, l’appareil des métallos FGTB de Charleroi (soumis au PSB) a tout fait pour empêcher la grève aux ACEC-Charleroi (et la casser une fois qu’elle a eu démarré). Les ouvrières de la FN se sont donc trouvées très seules dans un conflit qui n’aurait sans doute duré douze semaines si les syndicats avaient élargi rapidement le mouvement.

    8. Les deux manifestations sont venues très tard : celle de Herstal après 7 semaines et celle de Liège après 10 semaines ! Et encore, les syndicats n’ont organisé la manif de Herstal que parce que les femmes les plus combatives essayaient d’étendre le mouvement par elles-mêmes (en envoyant des délégations à Charleroi) et qu’il fallait détourner l’énergie des ouvrières vers quelque chose de moins dangereux pour la bureaucratie. De plus, les syndicats n’ont pas essayé de mobiliser massivement pour ces deux manifs (5.000 personnes à Liège pour une manifestation de solidarité avec une grève qui dure depuis dix semaines, c’est très peu).

    9. Les mouvements féminins ont joué un rôle positif en élargissant la solidarité et en menant une campagne idéologique bienvenue contre les idées réactionnaires telles que “la place de la femme est au foyer et pas en usine” ou “le salaire de la femme n’est qu’un salaire d’appoint” encore bien vivantes chez les hommes (et même chez une partie des femmes !) à l’époque. Mais, étroitement liés au PSB et aux syndicats, ces mouvements féminins n’ont pas pu, ni voulu remettre en cause la direction exercée par les bureaucraties syndicales.

    10. Les “petits” partis de la gauche radicale (quelques centaines de membres tant au PCW qu’au PWT, c’est plus de membres et surtout plus de travailleurs membres qu’au PTB et au MAS aujourd’hui !) ont joué un rôle actif et positif pour développer la solidarité mais aussi l’initiative autonome des femmes. Mais le sectarisme stalinien du PCW l’a souvent isolé dans l’action.

    11. La combativité des femmes de la FN a été extraordinaire et la solidarité a montré qu’un large courant dans la classe ouvrière se reconnaissait en elles et était prêt à les soutenir. Ce qui a manqué pour que leur combat se termine par une victoire éclatante plutôt que par une demie-victoire, c’est, comme souvent, l’existence d’un courant syndical combatif solidement organisé et d’un parti révolutionnaire implanté dans les entreprises qui auraient pu les aider à contrer le réformisme et le contrôle pesant de la bureaucratie syndicale et du PS sur le mouvement ouvrier.

  • Débat FGTB – CEPAG : L’égalité… Une priorité !

      Par Coralie (Liège)

    Le 20 mars dernier s’est tenu à Namur un débat organisé par la FGTB dévoilant sa 7ème campagne en faveur de l’égalité salariale entre hommes et femmes. 9 partis étaient présents pour répondre aux questions posées par l’organisation syndicale : le MG, la LCR, VEGA, le PTB, le PSL, le MR, le PS, le CDH et Ecolo. Les questions abordaient la qualité du service public, l’accueil de la petite enfance et des personnes dépendantes, ainsi que la réforme du chômage.

    Marisa, oratrice pour le PSL, a souligné que les personnes les plus touchées par la précarité de l’emploi sont essentiellement les femmes. Ces dernières sont effectivement les plus affaiblies par les conséquences du système capitaliste, non seulement par la fragilité de leur statut social, mais aussi de leurs contrats, majoritairement partiels et contraints par la charge endossée du ménage. À cela, nous répondons notamment par la nécessité d’une réduction collective du temps de travail, sans perte de salaire et avec embauche compensatoire. Cette mesure, quoi qu’insuffisante si elle est isolée, permettrait toutefois une réduction drastique du chômage ainsi qu’une meilleure répartition des tâches au sein du ménage. Il est, de plus, nécessaire de concevoir et d’appliquer une individualisation complète des droits, faisant de ces derniers un acquis fondamental pour tous et non tributaire de la question du genre. Sur la question des services publics, il est clair que nous sommes pour leur extension et pour un refinancement massif de ceux-ci. Nous pensons également que ces services publics doivent fonctionner sous le contrôle démocratique des travailleurs et des usagers, nous valorisons d’ailleurs de manière générale la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques des secteurs clés de l’économie.

    Si ces points de programme nous apparaissent comme évident pour permettre une meilleure équité entre les travailleurs, il en va manifestement tout autrement pour certains partis. Sans surprise, le MR estime à cet égard que l’inégalité est une donnée factuelle. Lors du débat, Florence Reuter a répondu à la question de la répartition des tâches et du travail par la présence probable d’une, je cite, “sensibilité naturelle” des femmes travaillant dans des secteurs ménagers ou éducatifs, cette dernière s’appuyant majoritairement sur des chiffres afin d’expliquer ce “constat”. Son argument de tête est celui de la liberté de “choix” des femmes, expliquant que si ces dernières veulent travailler dans des secteurs liés a la petite enfance ou encore les soins de santé, c’est leur droit. Elle ne croit de ce fait pas que les écoles pourraient pousser les femmes dans ces secteurs et les hommes dans d’autres. Drôle de choix que de vouloir travailler dans des secteurs reproduisant l’exploitation domestique, secteurs qui par ailleurs sont parmi les moins bien rémunérés… C’est dès lors toute la question du “pourquoi” qu’elle décide ainsi de nier, préférant sans doute se cacher derrière une sorte de déterminisme biologique ; pourtant réfuté depuis près de 30 par les autorités scientifiques du corpus social.

    Concernant les partis de gauche tels que la LCR, le MG, Vega et le PTB, ces questions ont été traitées avec un même enthousiasme. De nombreuses approches étant similaires, il serait dès lors intéressant de travailler ensemble sur ces questions dans un futur proche. Une fois les élections passées, la construction d’un large front de la résistance sociale contre l’austérité qui s’abattra sur nous – et qui frappera les femmes plus durement encore – sera une nécessité cruciale. A contrario, il a de nouveau été constaté une belle hypocrisie de la part des partis se disant de gauche, à savoir le PS et Ecolo. Ces derniers, bien que prônant “évidemment” l’égalité, se retrouvent à voter tantôt pour l’exclusion de 50.000 chômeurs (PS) ou encore pour le Traité d’austérité européen (le TSCG) au niveau de la région wallonne (PS et Ecolo), ceci ne manquera pas d’alourdir davantage le poids des inégalités, en particulier pour les femmes.

    Nous assistons avec cette question de l’égalité salariale à un effet boule de neige des mesures d’austérité prises au niveau national – mais aussi européen – rendant la femme d’autant plus dépendante des services sociaux établis. Alors que jamais autant de richesses n’ont été présentes dans la société, comment explique-t-on la régression systématique du budget fédéral alloué au service public? Comment explique-t-on que le fossé entre détenteurs de capitaux et travailleurs s’agrandisse à vitesse grand V? Ces réponses trouvent toutes une base commune au sein de la logique de la compétitivité, mettant dès lors sur la sellette une politique réellement sociale.

    Il est indispensable de répondre aux questions quotidiennes qui se posent aux travailleurs dans le cadre du système capitaliste, mais ces réponses doivent être orientées vers un changement radical de système, seule manière d’éviter les effets pervers des réformes politiques actuelles. En ce sens, nous nous devons d’attaquer les causes du problème et éviter d’entretenir une machine politique qui colmate les brèches et qui par là-même reporte toute réelle solution en faveur d’une équité sociale.

    Ce 30 mars, participons tous ensemble à la MANIFESTATION PRO CHOIX et en défense des droits des femmes ! 14h, place Poelaert à Bruxelles.

  • Les femmes gagnent en moyenne 23% de moins que les hommes !

    Equal Pay Day – journée de l’égalité salariale

    Par une militante de la FGTB

    Chaque année, dans le courant du mois de mars, la plateforme belge Equal Pay Day composée de Zij-Kant (les femmes du SP.a) et de la FGTB, met l’accent sur l’écart salarial hommes/femmes. C’est, en effet, au mois de mars que les femmes atteignent le niveau de salaire brut annuel que les hommes ont touché fin décembre. Cette campagne a le mérite de rappeler, chaque année, que cette discrimination salariale est loin d’avoir disparu. En 2013, les femmes touchent toujours, en moyenne, 23 % de moins que les hommes !

    Plusieurs éléments expliquent cette situation. Les femmes ont des carrières professionnelles moins longues que les hommes : elles commencent à travailler plus tard et interrompent plus souvent leur carrière en raison du rôle social qui continue à leur être presque exclusivement assigné : soins aux enfants et aux parents moins valides. Elles sont aussi victimes d’une double ségrégation : elles sont généralement cantonnées dans les secteurs d’activité liés au bien-être, au commerce de détail ou à l’horeca qui sont les secteurs les moins rémunérateurs et où les temps partiels prévalent. 44 % des femmes travaillent à temps partiel, dont 89 % involontairement.

    Elles sont aussi bloquées dans la progression de leur carrière en raison du ‘‘plafond de verre’’. En effet, on leur permet moins qu’aux hommes d’accéder aux fonctions de cadres et de dirigeants (composées à 23 % de femmes) et au travail hautement qualifié (19 %). Le salaire des femmes est encore souvent considéré comme un revenu d’appoint pour la famille plutôt que comme un salaire réel. Cette situation les rend souvent financièrement dépendantes de leur partenaire et plus susceptibles de passer sous le seuil de la pauvreté (en cas de divorce, notamment).

    Toutes ces discriminations sont bien mises en avant dans le matériel Equal Pay Day. Cependant, les conclusions qui en sont tirées sont susceptibles de provoquer des divisions entre les travailleurs. Ainsi, les affiches de campagne, même si elles doivent être prises au second degré, risquent de renforcer les stéréotypes dont les femmes sont victimes.

    En effet, au fil des années, nous constatons que la campagne, qui fait pourtant référence à la grève des travailleuses de la FN Herstal des années ‘60, semble éviter de mettre en avant un plan d’action et de plutôt chercher un coupable à cet état de fait. Dans certains cas, ce sont les femmes qui sont visées pour leurs mauvais ‘‘choix’’ de carrière ou d’études ; dans d’autres, ce sont leurs partenaires pour leurs manques d’implication dans le travail ménager ! La campagne se trompe de cible. En effet, ce ne sont pas les femmes, ni leurs partenaires qui sont responsables des bas salaires qu’elles touchent, mais bien leurs employeurs ! Là où nous voyons clairement un élément de lutte de classes réclamant une réaction collective, la campagne semble souvent rechercher des solutions individuelles. Tantôt en tentant d’expliquer aux femmes les pièges que représente le temps partiel, à d’autres, en misant sur une meilleure information des jeunes filles quant au choix de leurs études, alors que la détention d’un diplôme dit ‘‘masculin’’ ne leur garantit absolument pas d’échapper au plafond de verre et enfin, plus récemment, en culpabilisant le partenaire en mettant l’accent sur le fait que les hommes devraient davantage s’investir dans le ménage pour permettre à leurs femmes de travailler à temps plein.

    Parmi les solutions individuelles proposées, il en est une à épingler tout particulièrement parmi le « livre de recettes de Greta » destinée aux femmes afin d’améliorer leurs conditions salariales (campagne 2009) : la négociation individuelle de leur salaire ! Cette recette nous semble particulièrement nuisible à la solidarité et donc contre-productive ! Toutes les avancées obtenues par la classe ouvrière l’ont été grâce à la lutte solidaire. Les progrès que les femmes ont obtenus l’ont été en pleine période de luttes collectives dans les années ‘50-’60. Les statistiques indiquent, par ailleurs, clairement que c’est au niveau des statutaires du secteur public que l’écart salarial est le moindre : 10 % – contre 35 % dans le privé (indicateur ‘‘loonkloof’’ 2013) – secteur public où la négociation est collective ! De plus, une autre de ces recettes mise aussi sur les ‘‘suppléments’’ au salaire dont la plupart ne génèrent pas de sécurité sociale.

    En quoi ces revendications mises en avant dans les différentes campagnes EPD constitueraient-elles un remède à l’écart salarial si le système reste tel quel ? Le but n’est pas d’inverser les rôles et de pousser les hommes à prendre sur eux le rôle social dévolu, pour l’instant, dans la plupart des cas, aux femmes. Ceci ne ferait que casser la solidarité.

    Le but n’est pas de prendre aux uns pour donner aux autres, comme ce fut le cas dans le dossier du rapprochement des statuts ouvriers/employés, dans lequel le nivellement par le bas a prévalu. Il s’agit d’améliorer le confort de toute la famille en donnant aux femmes, un salaire décent et aux familles, l’accès à des services collectifs de qualités et gratuits !

    En matière d’égalité, la seule chose que nous ayons vraiment obtenue, c’est le rallongement des années de carrière nécessaires à l’accès à la (pré)pension. Et ainsi, un fossé salarial qui se creuse davantage puisque nos retraites seront proportionnellement encore moindres et ce d’autant plus que les périodes assimilées pour le calcul de la pension ont également été revues à la baisse.

    Il est évident que l’écart salarial bénéficie à la classe capitaliste en tirant les salaires vers le bas. Les gouvernements successifs ont institué un secteur de bas salaires via les A.L.E., les articles 60, les titres-services, le temps partiel dans lequel les femmes ont été poussées et sont majoritaires. Les statistiques montrent qu’en période de crise, les femmes sont plus durablement touchées et plus massivement poussées dans la pauvreté à cause des diverses mesures d’austérité. Ce sera d’autant plus vrai en Belgique, avec la dégressivité des allocations de chômage qui privera 8743 travailleurs à temps partiel de l’allocation complémentaire, dont 88,4 % de femmes. Nouvel avantage pour la classe dirigeante : le fait qu’elles soient privées de l’allocation complémentaire entraînera une baisse fictive des chiffres du chômage puisqu’elles en seront exclues.

    Il faut reconnaître que la campagne EPD met en avant la nécessité de meilleures structures d’accueil et d’une meilleure conciliation travail-vie privée. Et il est vrai qu’elle a abouti à une nouvelle loi (12/04/12) visant à mettre en place des classifications de fonctions neutres quant au genre, permettant d’éviter l’arbitraire lors de la fixation du salaire et de fournir davantage d’informations aux Conseils d’Entreprise quant à l’écart salarial hommes/femmes. Cette loi, lorsqu’elle sera assortie des arrêtés d’exécution, permettra assurément d’accélérer le processus de réduction de l’écart salarial dans les entreprises où un bon rapport de forces est établi, c’est à dire dans les entreprises où des délégations syndicales combatives pourront mener la lutte. Cependant, les secteurs d’activité où sont cantonnées les femmes sont précisément ceux où les syndicats sont le moins présents et où l’application de cette loi pourra le moins être suivie. Les syndicats ont ici un rôle à jouer : celui d’organiser les travailleurs de ces secteurs, même si ce n’est pas chose aisée. Il est possible de les sensibiliser et de les mener à la lutte. L’action des accueillantes d’enfants en mai 2008 l’a bien montré. Leur statut précaire et les difficultés à remplir les conditions d’accès à la profession accentuent d’ailleurs la pénurie de places d’accueil dans les grandes villes.

    Dans ce contexte, nous revendiquons :

    • Des structures d’accueil des enfants en adéquation avec les besoins de la population. Une place pour chaque enfant, financièrement accessible à tous. Refus de la norme européenne de 1/3 de places par rapport au nombre d’enfants. D’autant qu’avec le rallongement des carrières professionnelles avant d’avoir accès aux (pré)pensions, le manque pourrait être accentué par le fait que les familles pourront moins compter sur les grands-parents comme solution de dépannage.
    • Des structures d’accueil abordables pour les parents âgés.
    • Un refinancement de l’enseignement permettant de répondre aux besoins de tous et une réelle gratuité.
    • des horaires de travail en adéquation avec les horaires d’école. Et non pas des structures d’accueil flexibles qui rendent les conditions de travail des accueillantes encore plus difficiles.
    • Une lutte contre la flexibilisation du travail. Il faut sortir du cercle vicieux dans lequel la flexibilisation du travail des uns renforce celui des autres, comme cela risquerait d’être le cas avec les crèches d’entreprise et les crèches à horaires décalés et comme c’est le cas avec les heures supplémentaires des pères de famille qui obligent, en retour, leur femme à rester dans un emploi précaire pour pouvoir être à la maison pour s’occuper des enfants.
    • Ainsi, nous revendiquons les 32 heures sans perte de salaire pour tous, avec partage du travail entre tous les travailleurs disponibles. Pour que les richesses, essentiellement produites par les travailleurs, puissent être utilisées pour le bien-être de la majorité de la population, il faut arrêter qu’une toujours plus grande partie de cette richesse parte dans les poches des grandes actionnaires. Seule la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous contrôle ouvrier permettra un plan majeur d’investissements pour la création de crèches et d’écoles et d’emplois de qualité pour tous.

    Ces revendications ne pourront être obtenues que par la lutte unifiée de la classe des travailleurs, en ce compris les couches précarisées.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop