Tag: Dominique Strauss-Kahn

  • France : L'austérité rejetée dans la seconde économie de l'eurozone

    A côté de la profonde défaite des partis pro-austérité en Grèce, la chute de Sarkozy constitue un réel tournant dans la situation actuelle. Il s’agit du huitième gouvernement européen à subir le désaveu des urnes au cours de cette dernière année, mais les élections françaises et grecques ont représenté jusqu’ici les plus grands rejets de l’austérité sur le plan électoral.

    Par Robert Bechert, CIO

    A la suite de la lutte massive sur les pensions en 2010, nombreux ont été les travailleurs, les jeunes et les membres d’autres couches de la société à concentrer leur attention sur l’effort visant à assurer que Sarkozy ne soit pas réélu. Mais cette élection présidentielle n’a pas seulement été un vote de nature à rejeter la personne de l’arrogant président Nicolas “bling-bling” Sarkozy. Il s’agissait également d’un rejet des attaques antisociales qu’il a lancées ainsi que d’une réaction face à l’impact croissant de la crise économique sur les travailleurs et leurs familles.

    Tous les sondages illustrent que la plupart des gens n’ont pas voté pour Hollande en soutien à sa politique, mais principalement pour faire dégager Sarkozy. Cependant, la victoire de Hollande a suscité de grands espoirs et de grandes attentes, pas seulement en France mais internationalement, que le temps est venu pour un changement face à la politique d’attaques contre les conditions de vie. Hollande a dû refléter cette pression anti-austerité et anti-riches issue de la base de la société, en faisant quelques promesses limitées et en se présentant comme le candidat de la croissance et contre l’austérité. Le programme de Hollande comprend ainsi une augmentation du salaire minimum, la création de 150.000 emplois pour la jeunesse, l’engagement de 60.000 nouveaux enseignants et de 5.000 policiers supplémentaires.

    Hollande a continué à jouer sur le thème pro-croissance lors de la soirée des élections, en disant que “L’austérité ne peut plus être la seule option” dans son discours à Tulle. Plus tard cette nuit-là, Place de la Bastille à Paris, Hollande a affirmé à la foule que “Vous êtes plus que des gens qui veulent un changement. Vous êtes déjà un mouvement qui se lève en Europe et peut-être dans le monde.” Cela est vrai, mais Hollande peut-il donner ce que des millions de gens réclament et espèrent ?

    Que fera Hollande?

    L’étroite victoire de Hollande est la première pour le Parti Socialiste (PS) aux élections présidentielles depuis 24 ans, et il s’agit seulement de la troisième (après 1981 et 1988) dans toute l’histoire de la cinquième République, créée en 1958 par Charles de Gaulle. Mais, en dépit du nom du parti de François Hollande, ce n’est en rien une victoire pour le socialisme pour ce qui est de rompre avec le capitalisme. Bien que, dans sa campagne, Hollande ait déclaré que son “réel adversaire” était le monde de la finance, il n’y oppose aucune résistance réelle sous la forme de la nationalisation des banques, des sociétés financières et des grandes entreprises. Le PS est un parti qui cherche avant tout à fonctionner au sein même du système capitaliste. Cela ne signifie toutefois pas que de nombreux partisans du PS ne veulent pas de changement, de réformes, etc., cela veut simplement dire que ce n’est pas un parti qui a vocation d’en finir avec le capitalisme. Le fait que Dominique Strauss-Kahn, l’ancien chef millionnaire du Fonds Monétaire International, ait été avant sa disgrâce publique le candidat favori du PS en dit énormément au sujet de l’attitude du PS face au capitalisme.

    A côté de ses promesses d’améliorations, Hollande a également un plan de réduction du déficit similaire à celui de Sarkozy. Tant les plans économique de Hollande que ceux de Sarkozy sont basés sur une perspective de croissance de 1,7% pour l’an prochain. Cela est incroyablement irréaliste; une croissance plus faible ou aucune croissance du tout augmentera la pression des marchés sur Hollande.

    Le nouveau président français propose également d’introduire une obligation constitutionnelle pour que le gouvernement ait systématiquement un budget en équilibre et d’éliminer le déficit budgétaire d’ici 2017, un an plus tard que ce que Sarkozy avait prévu de faire. Hollande cherche à y parvenir en sauvant 100 milliards d’euros par an avec un mélange d’augmentation de taxes et de coupes dans les dépenses, sans qu’il ait précisé de quelles coupes il allait être question.

    Le potentiel pour des luttes de masse

    Cependant, de nombreux capitalistes craignent que Hollande soit sous pression pour au moins limiter les mesures d’austérité et l’impact de la crise sur la population. Sa victoire a renforcé la confiance des travailleurs, des jeunes et de tous les opprimés de France en montrant que la droite pouvait être vaincue.

    Cela peut réveiller les traditions françaises de mouvements de masse par en-bas, ce qui pourrait forcer Hollande à aller plus loin que ce qu’il avait initialement prévu.

    De telles luttes pourraient surgir tant sur base de revendications offensives, comme pour des augmentations de salaire, que sur base de riposte contre des attaques, comme des licenciements. A la fin du mois d’avril déjà, Hollande avait averti dans Le Parisien que sa victoire pourrait voir une vague de licenciements en disant que des décisions prises puis postposées pour après les élections, et que ce n’était pas l’arrivée du PS au pouvoir qui allait être responsable de ces licenciements. Dans une interview radio, Hollande a déclaré qu’il ne laisserait pas ce cortège de licenciements prendre place. Les travailleurs qui auront à faire face à ces attaques tenteront de pousser Hollande à respecter ces phrases et lui demanderont de soutenir leurs luttes.

    Hollande et son gouvernement feront face à une grande pression des marchés pour résister à l’opposition aux coupes budgétaires et aux revendications visant à améliorer les conditions de vie des masses. Mais en même temps, les divisions deviennent de plus en plus grandes entre les divers gouvernements et capitalistes concernant ce qu’il convient de faire. Même les agences de notation reflètent cette situation en demandant plus de coupes et en se plaignant simultanément que trop peu est fait pour stimuler la croissance économique, ce qui est nécessaire pour rembourser les dettes.

    L’Europe de l’après "Merkozy"

    Merkel et le gouvernement allemand ne veulent pas changer de position, tant face à l’appel de Hollande pour renégocier le traité fiscal européen que sur la Grèce, mais ils pourraient être forcés d’accepter certaines mesures destinées à atténuer l’impact de la crise. De tous les dirigeants des principaux pays européens qui étaient en fonction au début de la crise, seule Angela Merkel est restée au pouvoir, et il est loin d’être garanti que l’actuel gouvernement allemand survivra aux prochaines élections de septembre 2014. Le jour de la victoire de Hollande, Merkel a parlé des “deux faces d’une même pièce – le progrès n’est possible qu’avec des finances solides, en plus de la croissance”.

    Un commentateur allemand a écrit “Jusqu’à présent, il n’existe pas d’alternative réaliste sur la table autre que de consolider les budgets nationaux en coupant dans les dépenses. Hollande devra reconnaître ce fait dans un délai de quelques courtes semaines. Le nouveau dirigeant français aura un paquet de stimulus en tant que complément au pacte fiscal, mais rien de plus. Cette concession a déjà été acceptée par la chancelière allemande, par le président de l’euro-goupe Jean-Claude Juncker et par le président de la Banque Centrale Européenne Mario Draghi.”

    La pression combinée de la crise économique et de la base de la société constituera un test pour Hollande. Sans défier le capitalisme, Hollande pourra être poussé dans des directions contradictoires, forcé à la fois de faire des concessions sociales et de mener des attaques contre le niveau de vie de la population.

    Après les leçons tirées de l’expérience du PS au pouvoir entre 1981 et 1995 sous la présidence de François Mitterrand et entre 1997 et 2002 avec le gouvernement Jospin, de nombreux travailleurs en France n’accordent plus aucune confiance au PS, un parti qui est considéré par cette couche radicale comme un administrateur du capitalisme. Le gouvernement de Jospin a ainsi plus privatisé que les gouvernements de la droite traditionnelle. Cela explique l’enthousiasme extraordinaire qui a soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon et du Front de gauche aux premier tour des présidentielles, dont le slogan de “Prenez le pouvoir” a été vu comme un cris de ralliement contre la classe dirigeante. Cette atmosphère anticapitaliste a aussi été illustrée par les plus de 600.000 personnes qui ont voté au premier tour pour le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et pour Lutte Ouvrière (LO), qui se situent à la gauche du PS et du FdG. De façon similaire, le soutien électoral était déjà large en 2002 et en 2007 pour LO et la LCR qui se situaient à la gauche de la ‘Gauche Plurielle’ de Jospin (qui rassemblait le PS et le Parti Communiste).

    Dans cette période trouble, Hollande va être testé. Mais comme son gouvernement se base sur le capitalisme, il est inévitable qu’un processus similaire à celui connu avec Jospin se développe après un certain temps. Mais en ces temps de crises sociale et économique, cette période sera bien plus agitée qu’alors. Nous assiterons à une radicalisation à gauche, avec l’opportunité de construire une nouvelle force capable de rompre avec le capitalisme. Mais des opportunités existent aussi pour le Front National qui recourt à un mélange de populisme, de racisme et de nationalisme afin de se construire un soutien. Une nouveau chapitre s’ouvre en France et en Europe.

  • N’acceptons aucune discrimination !

    Ces dernières années, on nous a répété que tous les problèmes de discrimination avaient été résolus : l’égalité légale pour les homosexuels et les femmes avait été obtenue et le dernier élément de discrimination – le ‘‘plafond de verre’’, c’est-à-dire les obstacles que rencontrent les femmes pour accéder à des postes élevés au travail – était en train de rompre.

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    Action du personnel hôtelier lors de la parution de DSK devant le juge.
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    Mais lutter pour les droits des femmes ou ceux des LGBT (lesbiennes, gays, bis et trans) reste nécessaire, comme en témoignent la violence homophobe croissante dans des villes comme Bruxelles et Anvers ou encore l’omniprésence du sexisme et de la violence contre les femmes dans notre société. Ces derniers temps, de nouveaux exemples ont encore attiré l’attention sur ces problèmes. Le fait que Berlusconi est un homophobe en plus d’être effroyablement sexiste était déjà connu de longue date. Mais l’affaire Dominique Strauss-Kahn (DSK) a aussi éclaté.

    Lorsqu’il a dû paraître devant le juge, 200 travailleuses du secteur hôtelier ont manifesté devant le tribunal, une action organisée par le syndicat du personnel hôtelier. Ce syndicat comprend 30.000 membres à New York et a remarqué que beaucoup de travailleurs du secteur sont victimes d’abus sexuels, et mène donc campagne à ce sujet. La femme de chambre qui est la victime présumée de l’affaire DSK est d’ailleurs membre de ce syndicat, et c’est suite au travail du syndicat qu’elle a osé parler.

    En Italie, en février dernier, un million de femmes (et d’hommes) sont descendus en rue de 230 villes de tout le pays pour protester contre le sexisme, dans un pays où le ministre de l’Egalité des chances est une ancienne miss Italie… Plus tard se sont aussi déroulées les ‘‘Slutwalks’’.

    La société capitaliste est totalement pénétrée de sexisme, c’est une société où la femme est présentée comme objet sexuel, comme une marchandise à ‘‘embellir’’ à l’aide de l’industrie cosmétique.

    Parallèlement, nous devons nous opposer à toutes les tentatives réactionnaires destinées à revenir sur nos droits, comme c’est le cas avec les réactionnaires anti-avortement. Cette offensive est notamment soutenue par l’archevêque Léonard et d’autres personnalités religieuses, qui participent chaque année à une manifestation ‘‘pour la vie’’.

    Nous défendons le droit des femmes à faire leur choix en toute liberté, de préférence d’ailleurs avec une prolongation du délai durant lequel il est possible de se faire avorter. Mais nous lions ce combat à celui pour une vie décente, avec de bons salaires et de bonnes allocations sociales, afin d’assurer qu’aucune femme ne choisisse d’avorter principalement pour des raisons financières.

    Le PSL souhaite à nouveau participer à la mobilisation pour un rassemblement ‘‘pro-choix’’ contre le rassemblement anti-avortement qui se tiendra fin mars 2012. Vous voulez collaborer à cette protestation ? Contactez-nous : femmes@socialisme.be

  • La “Gay pride” moscovite et la lutte pour l’égalité

    CIO à Moscou

    Une fois de plus, comme toujours à cette époque de l’année, la une des nouvelles internationales est remplie d’images de militants LGBT en train de se faire arrêter à Moscou et confrontés à la violence de l’extrême-droite et de la police. Mais les journalistes ne montrent que rarement ce qui se passe réellement derrière les caméras. Cette année, la campagne pour les droits des LGBT à Moscou a montré que le mouvement est divisé, non seulement en ce qui concerne les tactiques, mais aussi en ce qui concerne la direction politique qui doit être prise.

    22 mai – la “Marche pour l’égalité”, dirigée entre autres par les membres du CIO

    Depuis son lancement, la “Gay Pride” à Moscou s’est aliénée un nombre croissant de militants LGBT par son approche, qui est basée non pas sur des tentatives de mobiliser la plus large couche de LGBT possible et de les unifier dans la lutte avec d’autres groupes qui subissent des discriminations, en particulier les femmes. À la place, ce mouvement s’est basé sur une approche qui consiste purement à “faire de la com”, marketing, en invitant des personnalités internationales bien connues pour participer à un spectacle élitiste dans le centre-ville qui, de la manière dont il est organisé, ne peut mener qu’à l’arrestation de ses participants. Il ne fait absolument rien pour rallier à soi l’opinion publique ; au lieu de ça, il se présente simplement en tant que petite minorité persécutée qui se bat contre le reste de la société. Comme un de leurs organisateurs l’a écrit sur son blog : « Mieux vaut avoir deux militants et mille journalistes, plutôt que mille militants et deux journalistes ». Leur approche élitiste et arrogante a été démontrée lors d’un talk show télévisé, quelques jours seulement avant la gay pride, lorsque leur principal organisateur Nikolaï Alekseïev a déclaré de but en blanc qu’il « chie sur ce que pense la majorité de la population ». (Toute personne qui se rend sur son blog peut aussi lire de merveilleux commentaires sur ce qu’il pense des juifs ou de Lady Gaga, de même qu’en ce qui concerne la “pute clandestine” qui aurait selon lui été utilisée pour discréditer Dominique Strauss-Kahn).

    Cette année, la “Gay pride” n’a pas échappé à cette règle. Des dizaines de milliers d’euro ont été dépensé pour faire venir des gens tels que Peter Tatchell du Royaume-Uni, les militants LGBT Dan Choi et Andy Thayer, avec aussi Louis-Georges Tin qui est venu de France. Ces derniers ont été détenus par la police aux côtés de trente autres personnes, dont la moitié étaient des partisans d’extrême-droite qui avaient tenté d’attaquer la Gay pride.

    La réalité est que le mouvement pour la “Gay pride” russe est en crise. Il n’a été capable de mobiliser que quelques dizaines de gens – après tout, à quoi bon venir à une manif si c’est juste pour se faire arrêter sans que cela n’émeuve le moins du monde l’opinion publique ? L’ampleur de la crise a été démontrée par le comportement de son dirigeant, Nikolaï Alekseïev, qui n’est même pas venu à la Pride, sous prétexte qu’il se serait fait mal au pied lors du talk show deux jours auparavant.

    Mais ce n’est pas que son pied qui a été blessé lors de l’émission “Duel”. Sa fierté en a elle aussi pris un fameux coup. L’émission consiste à un débat entre deux orateurs debout chacun derrière une barrière, faisant participer également le public. Face à un membre dirigeant du parti de Poutine, Russie unie, et à un public composé de droitiers et de fanatiques religieux, il s’est avéré complètement incapable de mettre en avant le moindre argument. Même lorsqu’on lui a simplement demandé quel était la revendication de la Gay pride, tout ce qu’il a pu sortir a été la décision de la “Cour européenne des droits de l’Homme” qui disait que c’était mal d’interdire la marche. Confronté à des questions de plus en plus provocantes, il a craqué et s’est enfui du plateau.

    26 mai – Jennia Otto lors de l’émission “Duel”

    Heureusement, une membre du CIO, Jennia Otto, est parvenue à bondir sur le podium et à prendre sa place. Elle a été un véritable électrochoc. En à peine trois minutes, elle a été vue par trois millions de gens, a annoncé le fait qu’elle est membre du CIO, a rabattu leur caquet aux bigots, a expliqué que l’enjeu de la campagne n’est pas le droit des LGBT à organiser des carnavals, mais fait au contraire partie prenante de la lutte de tous les opprimés – LGBT, femmes, travailleurs, immigrés – pour leurs droits et pour l’égalité. Ce soir-là, le site web du CIO russe a quasi explosé sous l’afflux de visites, 6000 personnes tentant d’en savoir plus sur la position de Jennia et du CIO. (L’émission peut être regardée ici : http://www.youtube.com/watch?v=PvoPuswCqu0 – l’intervention de Jennia démarre après 50 minutes)

    Un peu plus tard, Alekseïev a fait l’âpre commentaire suivant : « Grâce à Dieu, il n’ont pas laissé l’anticapitaliste parler pour plus de quelques minutes. Je devrais dire ici ce qui est important. Je suis un fidèle partisan du système capitaliste. Je suis contre le communisme, le socialisme, l’égalité, l’unité des travailleurs du monde entier et toutes ces conneries paranoïaques. Le capitalisme triomphera, et avec lui, la Gay pride ».

    Le fait est qu’il y a un mouvement croissant de militants LGBT qui lient leur lutte à la campagne pour l’égalité et qui cherchent la victoire via l’unité avec les autres couches opprimées dans une lutte commune contre le capitalisme. À peine quelques jours avant la Gay pride, une formidable “Marche pour l’égalité” a rassemblé plus de 80 militants LGBT, féministes et socialistes, qui sont parvenus à descendre toute une rue du centre de Moscou. Le CIO a joué un rôle crucial dans l’organisation de cet événement.

    Les autorités avaient refusé d’accorder l’autorisation pour cette marche, sous prétexte qu’elle « provoquerait une réponse hostile dans la société » et qu’elle « pourrait avoir un effet négatif sur la santé psychologique des enfants et des adolescents ». De telles considérations, évidemment, n’empêchent pas les autorités d’autoriser des marches fascistes destinées à renforcer les sentiments homophobes. Mais au contraire de la Gay pride, la Marche pour l’égalité n’avait pas pour objectif l’arrestation de ses participants. Ceux-ci s’étaient donné rendez-vous à un endroit secret ; certains membres avaient été envoyés en reconnaissance afin de détecter toute présence policière le long de l’itinéraire ; puis, lorsque la police est arrivée, un plan de dispersion maintes fois répété a été mis en œuvre.

    Tout en défilant, les manifestants ont entre autres scandé : « Non à la discrimination sur base du sexe ou de l’orientation ! », « Non à la discrimination, oui à l’émancipation ! », « À bas le fascisme, l’homophobie et le sexisme ! », « Mon corps m’appartient ! », « Égalité sans compromis ! », « Les travailleurs sont unis, ne laissons pas les racistes les diviser ! », « Tout comme deux et deux font quatre, seule la lutte nous permet de gagner des droits ! », « À bas le capitalisme ! ».

    Clairement, alors que la Gay pride devient de plus en plus isolée, le soutien croit pour des événements tels que la Marche pour l’égalité, qui en est à sa deuxième édition cette année. Les membres du CIO jouent un rôle crucial dans cette marche, afin de garantir le fait que les idées socialistes y soient clairement mises en avant. Ils ne limitent pas la lutte pour les droits des LGBT à un événement médiatique qui se déroule une fois par an, mais mènent campagne toute l’année contre toutes les formes de discriminations, de répression et d’exploitation en montrant au cours de ce processus que dans le cadre d’une lutte commune, les travailleurs perdent leurs préjugés et leurs stéréotypes. Au contraire d’Alekseïev pour qui “le capitalisme vaincra”, de nombreux jeunes militants LGBT voient bien que la discrimination exercée à leur encontre est liée aux injustices dans l’ensemble de la société, et en tirent des conclusions socialistes. Le CIO en Russie, en liant la lutte pour l’égalité à la lutte contre le capitalisme et pour le socialisme, est convaincu que c’est uniquement par cette stratégie que le mouvement peut être construit et qu’une victoire peut être obtenue.

  • Les tâches urgentes de la révolution tunisienne

    L’insurrection populaire de masse a forcé Ben Ali à quitter le pays

    La Tunisie d’aujourd’hui n’est pas le même pays que celui qu’elle était il y a à peine un mois. Le puissant mouvement de révolte des masses tunisiennes a balayé le dictateur, le Président Ben Ali, à la vitesse d’une tornade, preuve s’il en fallait de la rage qui s’est accumulée après des décennies de règne autoritaire. La peur de parler de politique, même en privé, a été remplacée par un gigantesque processus de bouillonnement politique ; nous assistons au début d’une révolution. Comme ils paraissent loin, les jours de la dictature “incontestée” de Ben Ali !

    Par Chahid Gashir, CIO

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    Pour en savoir plus:

    • Maghreb : La révolte Tunisienne s’étend en Algérie – Solidarité avec les masses Tunisiennes et Algériennes !
    • Révolte sans précédent en Tunisie – A bas le régime de Ben Ali !
    • Tunisie: Message de solidarité de Joe Higgins, député européen du CIO
    • Algérie: Arcelor Mittal connaît sa seconde grève à durée indéterminée de l’année! Juin 2010
    • Algérie : Révolte de masse et actions de grève continuent de secouer le pays Avril 2010
    • COURRIER des lecteurs: Elections en Tunisie – Quels enjeux et perspectives? Septembre 2009

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    La Tunisie qui, pendant des années, était louée par les analystes capitalistes et les pays impérialistes en tant que régime le plus stable de la région, décrit comme un “modèle de développement économique” il y a à peine un mois par le chef du FMI Dominique Strauss-Kahn, est maintenant parcourue de fissures. Ce paradis touristique, avec ses merveilleuses plages méditerranéennes, a révélé son vrai visage, et la violence utilisée pour écraser la véritable révolte de masse a montré le vrai caractère d’un des régimes les plus répressifs de la région.

    Le mouvement révolutionnaire qui s’est développé au cours du dernier mois en Tunisie est d’une importance historique pour les masses de l’ensemble du monde arabe et d’ailleurs. Au moment où dans la plupart des pays du monde on applique des politiques d’austérité et le cours des denrées alimentaires ne cesse de monter, affectant tout le monde, la Tunisie pourrait devenir un exemple à suivre pour les travailleurs et les jeunes du monde entier. Ce mouvement est le plus grand bouleversement qui ait ébranlé la dictature tunisienne au pouvoir depuis plus d’un quart de siècle, et sans doute le plus grand bouleversement de toute l’histoire du pays.

    Chacune des tentatives successives de Ben Ali dans le but de calmer la situation a lamentablement échoué. Le clan dirigeant de Ben Ali a définitivement perdu toute sorte de soutien populaire. Après avoir dissous le gouvernement tout entier, annoncé de nouvelles élections législatives dans les six mois, et décrété l’état d’urgence, le Président haï a fini par fuir le pays, tandis que les opposants étaient en train de déchirer en riant ses nombreux immenses portraits qui ornaient les façades de la capitale.

    Des ondes de choc dans toute la région

    La lutte épique des travailleurs et de la jeunesse tunisienne a créé une vague de panique parmi les régimes voisins, de même que parmi les gouvernements de leurs alliés occidentaux en Europe et aux États-Unis.

    Les commentaires du Président américain Barack Obama, qui applaudissait le « courage et la dignité du peuple tunisien », vont certainement laisser un gout amer aux nombreux Tunisiens qui ont combattu sans relâche leur gouvernement, celui-ci étant soutenu par les États-Unis. Obama ne fait bien entendu que célébrer un fait déjà accompli, dans l’espoir qu’il trouvera une conclusion pro-impérialiste. Lui et ses cohortes n’ont jamais pris aucune initiative pour critiquer les régimes amis ou vassaux ; c’est ainsi que Washington n’a pas dit le moindre mot au sujet du trucage flagrant des élections en Égypte à la fin de l’année passée.

    De la même manière, la réponse muette du gouvernement français quant aux protestations et à la répression dans son ancienne colonie nord-africaine a suscité un tollé parmi sa forte communauté maghrébine. La déclaration de la Ministre française des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui proposait la coopération de la France avec le gouvernement tunisien afin de “rétablir la sécurité” – allant même jusqu’à souligner l’expérience et l’expertise de l’État français dans ce domaine – a une fois de plus révélé le véritable caractère de la politique extérieure française et l’embarrassement de sa classe dirigeante, qui perçoit une menace à ses investissements dans un de ses avants-postes dans la région.

    L’insurrection tunisienne a ouvert un nouveau chapitre de développements révolutionnaires dans le monde arabe, qui pourrait rapidement provoquer un effet domino à l’encontre des régimes dictatoriaux voisins. D’ailleurs comme par hasard, les gouvernements de Jordanie, du Maroc, d’Algérie et de Lybie ont tous mis en place au cours des dernières semaines des mesures pour diminuer les prix des denrées alimentaires, de peur de voir des développements similaires se produire dans leurs propres pays. « Chaque dirigeant arabe tourne vers la Tunisie son regard rempli de peur, tandis que chaque citoyen arabe se tourne vers la Tunisie rempli d’espoir et de solidarité », twittait un commentateur égyptien cité par le Guardian de Londres le 15 janvier.

    La révolte a commencé dans la petite ville de Sidi Bouzid à la mi-décembre pour se répandre comme un feu de brousse à l’ensemble du pays, et est allée bien plus loin que de simples revendications contre le chômage. Elle n’a montré aucun signe d’épuisement malgré tous les zigzags et toutes les manœuvres désespérées du régime Ben Ali dans sa lutte pour la survie. Le cycle de répression barbare opéré par la police sur ordre de la clique au pouvoir a selon les organisations des droits de l’Homme causé la morte de plus de 70 citoyens. Il a été rapporté que la police a tiré à balles réelles sur les cortèges funèbres en mémoire aux manifestants tués lors des jours précédents ; ceci montre bien jusqu’où était prêt à aller le régime afin de préserver son emprise sur le pouvoir. Une telle débauche de violence est typique d’un régime aux abois et dont la survie même est en danger ; cependant, cette violence n’a fait qu’encore plus enflammer la colère des travailleurs et des jeunes. La Tunisie n’est d’ailleurs pas un cas isolé à cet égard : c’est le cas dans de nombreuses parties du monde, où les actions de solidarité et les appels à la fin de la répression n’ont fait que croitre au cours de la dernière période.

    Les masses tunisiennes, ayant perdu toute crainte du régime de plus en plus isolé, se sont soulevées dans chaque recoin du pays. La capitale Tunis, le cœur économique du pays qui avait été épargnée lors des premières semaines du mouvement qui avait éclaté dans les provinces pauvres du centre et du sud du pays, a été atteinte de manière décisive par le mouvement à partir du mardi 11 . « On n’a pas peur, on n’a pas peur ! » clamaient ce jour-là les centaines de jeunes qui se soulevaient et attaquaient les bâtiments administratifs à Ettadem, un quartier pauvre de Tunis. En guise de réponse, le gouvernement a ordonné l’imposition d’un couvre-feu illimité de 20h à 5h30 du matin dans toute la capitale et a dans un premier temps déployé le soir même dans toute la ville des unités militaires accompagnés de véhicules blindés. Mais ces mesures se sont en général révélées inefficaces : des milliers de manifestants les ont courageusement défiées dès le premier soir. La peur a changé de camp, passant du côté de l’élite dirigeante.

    Les failles dans le camp du pouvoir

    Ces derniers jours, certains ministres et ex-ministres, ainsi que d’autres politiciens membres du parti présidentiel, le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), ont exprimé de plus en plus de critiques publiques à l’encontre de Ben Ali et sur la manière dont il avait répondu aux protestations ; ces divisions au sein du camp du pouvoir étaient le reflet de la pression qui venait d’en-bas. Certaines personnalités du régime cherchaient par-là à se positionner pour la période de l’“après Ben Ali” en misant sur le mouvement de masse. Certaines parties de l’élite dirigeante se sont de plus en plus apprêtées à se débarrasser de Ben Ali afin de préserver leurs propres intérêts, espérant ainsi apaiser la révolte des masses, de la même manière que l’on jette un os à un chien dans l’espoir de le calmer.

    Reflétant ces divisions croissantes, on a également fait état de tensions en train de se développer au sein de l’armée. Le chef de l’armée, le Général Rachid Ammar, a été démis de ses fonctions le dimanche 9 janvier pour avoir refusé de donner l’ordre aux soldats de réprimer les manifestations, et pour son attitude ouvertement critique sur l’usage “excessif” de la force contre les manifestants. De tels prises de position se sont multipliées, notamment parmi les soldats qui ont refusé d’ouvrir le feu sur leurs frères et sœurs de classe et qui dans certaines zones ont fraternisé avec les manifestants et les ont protégés de la police.

    C’est la raison pour laquelle l’armée a été retirée de Tunis jeudi soir pour y être remplacée par la police et d’autres forces de sécurité généralement considérées comme étant plus loyales au régime. Mais même certaines sections de la police ont été affectées par le mouvement de masse. Le New York Times a rapporté l’histoire de deux policiers qui ont dissuadé les manifestants enragés d’attaquer un commissariat à Tunis en leur suggérant d’aller plutôt saccager les luxueues villas de bord de mer de la famille du Président ! Un manifestant a commenté : « Les policiers sont pauvres tout comme nous. Ils ont dit, “Allez plutôt à leurs villas s’il vous plait, c’est plus logique” ».

    La révolution doit exploiter ces fissures au sein de l’appareil d’État, afin de renforcer ses propres forces. De fait, malgré le départ de Ben Ali, le vieil appareil d’État avec son immense machine de répression est resté essentiellement intact. En-dehors de l’armée, on estime qu’entre 80 000 et 120 000 personnes on été déployées par l’État tunisien pour assurer le contrôle de la population. Malgré le climat compréhensible d’euphorie qui vit après la fuite de Ben Ali, le processus révolutionnaire ne fait en réalité que commencer, et tous les dangers qui se pointent à l’horizon doivent être affrontés grâce à une politique correcte. Des forces réactionnaires incorrigibles, provenant de l’intérieur comme de l’extérieur de la machine d’État, pourraient tenter d’exploiter l’état de confusion générale afin de reprendre l’initiative, et d’organiser une violence sans merci contre les forces progressistes, les syndicalistes, les jeunes manifestants, etc.

    Pour faire face à une telle situation, un appel de classe doit être adressé aux troupes afin de les gagner à la cause de la révolution ; la création de véritables comités élus de soldats doit faire partie d’un tel processus, afin de purger l’armée des éléments réactionnaires et des personnes qui ont collaboré avec le vieux régime.

    On parle beaucoup de gangs de pillards qui s’attaquent aux habitations et aux magasins, incendiant des bâtiments et attaquant des gens. Il y a énormément de soupçons qui indiquent que ces gangs sont en fait composés de policiers, d’éléments des forces de sécurité et d’anciens criminels engagés par la clique de Ben Ali pour montrer que sans Ben Ali, “le chaos règne”, et pour tenter d’en faire porter la responsabilité aux manifestants pacifiques.

    D’un autre côté, le problème de “la loi et l’ordre” est utilisé par les autorités intérimaires pour tenter de justifier le maintien de l’état d’urgence et de la loi martiale, et pour imposer de grosses restrictions sur les libertés civiles. Ces deux aspects doivent recevoir une réponse par la formation de forces de défense ouvrières armées et gérées démocratiquement afin de protéger les quartiers, les citoyens et les manifestants contre la violence arbitraire, quelle qu’en soit l’origine. Il a été rapporté que des habitants de la cité côtière de Gammarth, dans le Nord, sont en train de s’organiser dans leur quartier pour se protéger contre les milices du régime. De telles initiatives doivent être prises partout, afin de garantir la sécurité contre toutes représailles de la part d’éléments réactionnaires.

    Les zigzags politiques de Ben Ali ne l’ont pas sauvé d’une fin honteuse

    Ben Ali, dans une tentative désespérée de gagner un certain répit, a viré mercredi son Ministre de l’Intérieur, Rafik Belhaj Kacem – le chef de la police tunisienne – en tentant de fournir aux masses un bouc-émissaire. Mais cette manœuvre, comme tous les précédents limogeages de ministres, a à peine satisfait la combativité et le désir de vengeance qui s’étaient développés parmi les masses tunisiennes. Ben Ali a alors plus mis l’accent sur la “carotte” que sur le “bâton”, allant d’une concession à l’autre.

    Son discours télévisé de jeudi soir, dans lequel il promettait de ne pas se représenter aux élections de 2014, ordonnait aux troupes d’arrêter de tirer à balles réelles sur les manifestants, annonçait la fin de la censure d’internet et la liberté totale des médias, plus de “pluralisme politique” et la réduction du prix du pain, du lait et du sucre, représentait un demi-tour complet par rapport à la politique qu’il avait adoptée précédemment. Mais les mesures n’ont pas permis d’arrêter la colère. Cette preuve flagrante de faiblesse de la part du régime n’a fait que renforcé la volonté et la confiance du mouvement, galvanisant le sentiment de ses propres forces, et ouvrant la porte pour que les actions de protestation déferlent dans une direction encore plus radicale. C’est ce qui a été illustré par la manifestation sans précédent de milliers d’opposants qui ont descendu l’avenue Bourguiba vendredi, en criant « Non à Ben Ali, la révolte se poursuit ! », « Ben Ali — assassin ! », « Ben Ali — dehors ! », « Go, go, go… game over ! », exigeant que Ben Ali quitte le pouvoir immédiatement.

    Il était clair que les concessions effectuées par Ben Ali n’étaient que des changements cosmétiques, proposés dans une tentative désespérée du gouvernement d’éviter que la lutte n’aille plus loin et ne menace les fondations même des intérêts capitalistes. De fait, bien que le départ de Ben Ali était devenue une des principales revendications du mouvement, derrière cet appel se trouvait d’instinct remis en question l’ensemble du système sur lequel reposait le pouvoir de Ben Ali, même si cela n’était pas formulé clairement.

    L’emprise étroite de Ben Ali et de sa famille, qui s’est retrouvée aux commandes de pans entiers de la richesse et des activités profitables du pays grâce à un savant mélange de corruption, d’extortion et autres pratiques mafieuses, est devenue le symbole du pouvoir arrogant et corrompu de la riche classe capitaliste tunisienne. « Non, non, aux Trabelsi qui ont pillé le budget ! » était un des slogans les plus populaires, visant Leila Trabelsi, la deuxième femme de Ben Ali, qui possède d’importants parts dans de nombreuses entreprises tunisiennes. « Il semble que la moitié des membres du monde des affaires tunisien possèdent une connection avec Ben Ali grâce à un mariage, et on dit que ce sont ces relations qui ont le plus contribué à leur fortune », écrivait un ambassadeur américain dans un des câbles diplomatiques publiés récemment par WikiLeaks. Il semble que certains membres de la famille de Ben Ali avaient déjà quitté le pays jeudi par peur des conséquences du mouvement révolutionnaire. C’était le cas par exemple de Mohamed Sakher El Materi, le beau-fils milliardaire de Ben Ali, qui s’était réfugié dans sa villa de luxe à Montréal au Québec.

    Quelles perspectives pour le mouvement ?

    La chute de Ben Ali est maintenant acquise mais, malheureusement, il n’y a jusqu’ici aucune force ouvrière indépendante capable de donner une direction à cette explosion spontanée pour indiquer l’étape suivante, et pour prendre des initiatives afin de faire triompher une révolution politique et sociale qui pourrait radicalement transformer la société tunisenne tout entière. Pour accomplir cela, il faut rompre avec le capitalisme et commencer à élaborer un plan de rénovation de la société selon des lignes socialistes, pour satisfaire aux intérêts de la majorité en instaurant une justice sociale, en résolvant le problème du chômage en donnant un emploi décent à tous, et en donnant libre cours aux aspirations longtemps réprimées en faveur de réels droits démocratiques.

    L’absence d’une direction armée d’un programme socialiste clair et capable d’expliquer quelles sont les prochaines étapes nécessaires pour faire progresser le mouvement pourrait avoir comme conséquence un reflux temporaire du mouvement. Le vide politique laisse ouverte la possibilité à toutes sortes de forces de venir exploiter la situation à leur propre avantage. Dans une telle situation, il n’est pas exclu d’assister à un coup d’État militaire justifiant son action par la nécessité d’un “grand nettoyage”. Un tel coup d’État pourrait même bénéficier d’un certain soutien populaire. D’un autre côté, certains dirigeants de l’opposition bourgeoise, qui avaient déjà tenté de qualifier le discours de Ben Ali d’“ouverture” de la part du gouvernement (le principal dirigeant de l’opposition, Najib Chebbi du Parti démocratique progressiste, a qualifié l’allocution présidentielle de « très bonne », tandis que Moustapha Ben Jaafar, le chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés, a dit que le discours de Ben Ali « ouvrait des possibilités »), vont essayer de se mettre en avant et d’utiliser leur écartement de la vie politique pour préserver l’ordre ancien.

    Vendredi soir, après que le Premier Ministre Mohamed Ghannouchi ait déclaré prendre les commandes en tant que dirigeant parce que Ben Ali était « temporairement dans l’incapacité d’accomplir son devoir », il y a eu des rumeurs de protestations continues devant le Ministère de l’Intérieur, appelant à la démission immédiate de Ghannouchi. Par la suite, le Conseil constitutionnel a annoncé que le dirigeant de la chambre basse du Parlement, Fouad Mebazaa, serait le Président intérimaire. La Constitution requiert que de nouvelles élections présidentielles soient organisées dans les 60 jours à partir d’aujourd’hui. Ces gens sont en train de se préparer à poignarder dans le dos la lutte héroïque des masses ! Ghannouchi est un économiste qui a passé l’entièreté de sa carrière politique aux côtés du Président Ben Ali, tandis que Mebazaa fait lui aussi partie de la même élite politique corrompue. Comme l’a fait remarquer Youssef Gaigi, un militant tunisien cité par Al-Jazeera : «Les gens ne savent pas s’ils peuvent faire confiance à ce type, parce qu’il fait lui aussi partie de l’establishment. Il a fait partie du parti politique qui a dirigé la Tunisie pendant ces 23 dernières années, et il était fortement impliqué dans le précédent gouvernement, qui est maintenant appelé une dictature ».

    Les masses n’ont pas dépensé autant d’énergie, fait autant de sacrifices, versé autant de sang pour voir tout bêtement d’autres membres de l’élite dirigeante, étroitement associés à l’ancien régime, prendre la place de Ben Ali. Le premier jour après que le gouvernement Ben Ali se soit enfui, le gouvernement a déployé l’armée, la police et les services de sécurité dans les rues. Que cela serve d’avertissement aux travailleurs, aux chômeurs, aux jeunes et aux masses pauvres des régions urbaines et rurales. Officiellement c’était pour assurer “la loi et l’ordre”, mais tandis que la population laborieuse veut de l’ordre dans sa vie, ce n’est pas le but du gouvernement. “La loi et l’ordre” que désirent les associés de Ben Ali sont celles qui leur permettent de garder le contrôle. C’est pourquoi il est essentiel que la population s’organise et construise des organisations indépendantes de masse capables d’élaborer une stratégie révolutionnaire afin de sortir de l’impasse et d’éviter que la révolution ne soit volée par en-haut.

    Les travailleurs et les jeunes ne devraient accorder aucune confiance à aucune forme de repartage du pouvoir entre ces bandits pillards et meurtriers. Il ne faut pas permettre la persistance de l’appareil répressif de l’ancien régime, ni que le vieux gouvernement puisse rester au pouvoir. En ce qui concerne les appels à un “gouvernement d’unité nationale” – ce qui est de plus en plus suggéré par d’importantes couches des partis d’opposition –, cela n’aurait un sens que s’il s’agit d’un gouvernement d’unité de la classe ouvrière et de tous les opprimés, un gouvernement qui représente véritablement les masses en lutte, désireux de balayer l’ensemble de ceux qui ont participé au et profité du régime de Ben Ali, et qui s’oppose fermement à tout compromis avec l’ensemble des dirigeants capitalistes, qu’il s’agisse d’associés proches de Ben Ali ou pas. Toute autre forme d’“unité” reviendrait à la neutralisation du mouvement révolutionnaire et à ce que ce mouvement soit relégué au rang de force auxiliaire pour remplacer un clan d’oppresseurs par un autre. De vraies élections véritablement démocratiques peuvent être organisées sous le contrôle démocratique des travailleurs ; c’est là la seule manière d’empêcher les tentatives de récupérer la révolution par les partisans de l’ancien régime.

    Dans ce sens, la question de qui contrôle la richesse et les moyens de production du pays est devenue un des enjeux cruciaux auxquels est confronté le mouvement s’il veut résoudre la crise du chômage et de la misère. De fait, tant que les relations économiques demeureront sur une base capitaliste, orientée vers les profits de quelques-uns (qui que soient ces quelques-uns !), aucun changement fondamental et durable ne pourra être effectué dans les conditions de vie de la majorité. Seule la classe ouvrière organisée, en prenant le contrôle des secteurs-clés de l’économie, peut réaliser un tel changement.

    Une partie de la direction de la fédération syndicale UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) partage des relations amicales et de longue date avec la dictature ; par exemple, le secrétaire général de l’UGTT a réitéré son soutien à Ben Ali, seulement quelques jours avant sa chute. Malgré tout ceci, le syndicat a finalement été débordé par l’impact de la vague révolutionnaire sur ses 500 000 affiliés, et a donce été forcé à appeler à l’action. « Loyal au régime depuis la fin des années ’80, l’UGTT a soutenu la réelection du Président Ben Ali en 2009.Toutefois, son rôle depuis le début du mouvement le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid est plutôt différent. De nombreux débats ont tout d’abord été organisés à travers tout le pays dans les bâtiments des sections régionales, qui ont eu pour résultat à la fin de décembre que le secrétaire général de l’UGTT a menacé d’attaque en justice quiconque parmi ces membres participerait à de tels meetings. Le lendemain de Noël, le mouvement, qui reposait sur quelques branches dissidents du syndicat comme la poste ou l’enseignement primaire et secondaire, a graduellement gagné l’ensemble des branches du syndicat » (Mediapart, 12/01/2011).

    Cette semaine, de solides grèves générales de ville ont été organisées à Sfax, à Sousse, à Kasserine, et à Tunis. Dans la capitale, malgré l’appel des dirigeants syndicaux à ne pas manifester pendant la grève générale de deux heures de vendredi, beaucoup de syndicalistes ont défié ces ordres et sont quand même descendus dans les rues. Il est urgent que cette lutte pour balayer l’ancien régime soit étendue et coordonnée, y compris si nécessaire via une grève générale demandant le départ des associés de Ben Ali, les pleins droits démocratiques et un gouvernement des travailleurs et des pauvres. Pour cela, il faut la formation de comités démocratiquement contrôlés, élus par les travailleurs eux-mêmes dans les entreprises et dans les usines. De tels comités d’organisation doivent être mis sur pied dans les quartiers et dans les villages, afin de garantir que la lutte soit partout contrôlée par en-bas, et que chaque organisation politique puisse y défendre son point de vue et ses propositions en termes de suivi du mouvement actuel. De tels comités pourraient ensuite se coordonner les aux autres sur une base locale, régionale, et nationale, afin d’édifier les fondations d’un gouvernement des travailleurs et des pauvres.

    Un tel gouvernement – dans lequel chaque responsable élu ne gagnerait pas plus que le salaire d’un travailleur moyen, et serait soumis au droit de révocation à tout moment – pourrait confisquer les principales entreprises et banques qui sont toujours en ce moment aux mains des dirigeants mafieux, pour les placer sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population laborieuse dans son ensemble. On jèterait par-là les bases pour commencer la reconstruction socialiste de la société, basée sur la planification démocratique de l’économie dans l’intérêt de tous. De telles mesures constitueraient un exemple éclatant, inspirant les masses de la région tout entière.

    Le CIO est pour la pleine reconnaissance des droits démocratiques, de la liberté d’expression, de la liberté d’association, de la liberté de presse et pour la fin immédiate de l’état d’urgence. Nous appelons à la libération immédiate de tous les prisonniers politiques en Tunisie et à la constitution de tribunaux ouvriers afin de juger les criminels, les assassins et les bourreaux qui sont toujours en maraude et qui occupent même d’importantes positions dans l’appareil d’État. L’avenir de la Tunisie ne doit pas être déterminé par un accord entre des éléments de l’ancien régime et les dirigeants de l’opposition pro-capitaliste ; au lieu de ça, il faut des élections transparentes et pleinement démocratiques pour une Assemblée constituante révolutionnaire, dans laquelle les représentants des travailleurs et des pauvres pourraient décider de l’avenir du pays.

    Nous appelons à l’organisation d’actions de solidarité avec la lutte tunisienne à l’échelle internationale. Des initiatives peuvent aider à structurer une campagne internationale afin de propager le soutien de manière active pour la révolution tunisienne en cours.

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