Tag: Dominique de Villepin

  • EADS/Airbus. Les profits s’envolent, l’emploi s’écrase!

    Nouvelle onde de choc dans le monde des travailleurs : EADS a décidé de supprimer 10.000 emplois en quatre ans sur les 55.000 que compte sa filiale Airbus. Une fois encore, ce n’est pas une entreprise en crise qui se sépare d’une partie de ceux qui ont forgé ses richesses : le chiffre d’affaire d’EADS s’élève à 39,4 milliards d’euros pour 2006, soit une hausse de 15% par rapport à 2005.

    Nicolas Croes

    La société Airbus a été créée en 1970 et rassemble des entreprises aérospatiales nationales française, anglaise, allemande et espagnole. Nombreux étaient ceux qui voyaient dans ce consortium un des symboles les plus parlants de l’Union Européenne. Il y a deux ans à peine, le président français Chirac, le premier ministre britannique Blair, son collègue espagnol Zapatero et le chancelier fédéral allemand Schröder avaient eux-mêmes repris la métaphore à l’occasion de la sortie de l’A380. Finalement, le parallèle est effectivement très significatif, bien plus d’ailleurs que ne l’auraient souhaité ces chefs d’Etat…

    18% : une aumône…

    En 1999, le gouvernement français du « socialiste » Jospin a décidé de privatiser l’aérospatiale française. Rapidement, les intérêts du privé ont dominé au sein du nouveau groupe nommé EADS. Ce groupe est devenu n° 2 mondial dans l’aéronautique civile avec Airbus et n° 1 dans les hélicoptères militaires avec Eurocopter, le lancement de satellites avec Arianespace, le positionnement géosatellitaire avec Galileo et les missiles militaires avec MBDA.

    Pour les cinq années à venir, les carnets d’Aibus sont copieusement remplis : 2.357 appareils sont commandés, ce qui correspond à 258 milliards de dollars. Une situation qui ravit les actionnaires qui, depuis la privatisation de 1999, s’en mettent plein les fouilles: les actions rapportent en moyenne plus de 18% de bénéfices chaque année. Mais ce n’est pas encore suffisant. C’est même très loin de l’être pour étancher la soif de profit de la direction et des actionnaires.

    En conséquence, 4.300 travailleurs français seront jetés à la porte, au même titre que 3.700 allemands, 1.600 anglais et 400 espagnols. Ceux qui restent n’auront qu’à se réjouir, ils pourront même rester plus longtemps dans les usines… pour le même salaire! C’est ce que révèle le magazine allemand Focus : la direction d’Airbus envisagerait de faire passer les travailleurs de 35 heures de travail par semaine à 40, sans aucune compensation salariale.

    C’est exactement ce qu’avait fait le groupe américain Boeing quand Airbus était devenu n°1 mondial (place qu’il a perdue cette année). Boeing a pu se hisser à nouveau à la première place en escaladant les corps des travailleurs laissés sur le côté : 42% de l’effectif de 1998 ont été licenciés alors que ceux qui ont évité la trappe doivent subir des cadences infernales. C’est maintenant au tour d’Airbus, tandis que la Chine vient juste de décider de se lancer sur le marché aéronautique, menaçant l’hégémonie des deux compagnies occidentales.

    Sauver les meubles… pas les travailleurs

    Comment enrayer le cycle infernal des travailleurs sacrifiés sur l’autel de la concurrence? La décision du conseil d’administration d’EADS aura aussi des répercussions en Belgique. Depuis le début des années 1980, plusieurs sous-traitants d’Airbus sont des entreprises belges (la Sonaca, la Sabca, Asco et Eurair). Lors du dernier conseil extraordinaire des ministres à Louvain, le gouvernement belge a décidé de débloquer 150 millions d’EUR. C’est autant d’argent qui sortira de nos impôts pour compenser la rapacité d’un groupe infime de grands actionnaires.

    Cependant, pour beaucoup de politiciens placés devant ce drame humain – finalement si caractéristique de la société d’exploitation que nous connaissons – la solution se trouve là : faire intervenir l’Etat (et notre argent). Attention! Il n’est en aucun cas question de revenir sur les privatisations! Si l’Etat doit intervenir, c’est uniquement quand les choses vont mal. Pour le reste, les bénéfices peuvent continuer à alimenter la folie des grandeurs des capitalistes, et uniquement elle. En France, où Airbus s’est infiltré dans la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a par exemple déclaré qu’il soutiendrait Airbus comme il l’avait «fait avec Alstom» (l’Etat avait pris 20% du groupe quand celui-ci était en difficulté).

    Pour d’autres, le sort des travailleurs ne compte absolument pas. Le Premier ministre français Dominique de Villepin a ainsi précisé que s’il mesurait « pleinement l’inquiétude » des salariés, ce plan est pour lui « nécessaire pour sortir définitivement de la situation d’incertitude et préparer l’avenir »!

    Airbus – ou VW-Forest pour prendre un autre exemple récent – illustre combien les logiques de « nos » gouvernements sont incapables de résoudre les problèmes de l’économie de marché. Pour sauver les emplois d’Airbus, il faut renationaliser l’entreprise, sans achat ni indemnité. Les travailleurs doivent avoir accès aux comptes de l’entreprise et à toutes les informations sans restrictions pour prévenir les erreurs de gestion et les magouilles. Mais seule une transformation socialiste de la société pourra sauvegarder définitivement les emplois d’Airbus et d’ailleurs.

  • La France: Vers un nouveau mai 68?

    La crise des banlieues de la fin de l’année passée semblait promettre à la droite française des lendemains qui chantent. Le Ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, caracolait en tête des sondages et des observateurs soi-disant avertis annonçaient un glissement à droite général de la société française.

    Thierry Pierret

    Lors de cette crise, nous écrivions que le soutien dont bénéficiait le gouvernement Villepin-Sarkozy dans les sondages était purement conjoncturel et ne faisait que traduire le désarroi des travailleurs et de leurs familles face à la rage (auto)destructrice d’une partie de la jeunesse des banlieues. Nous écrivions également que la popularité de Sarkozy baisserait à nouveau dès lors que la lutte des classes reprendrait le dessus.

    Le gouvernement a cru habile de tenter de dévier la protestation violente des jeunes des banlieues contre leurs conditions de vie – dont le chômage de masse – au profit de son projet néolibéral. Il a fait voter un ensemble d’attaques baptisé cyniquement « loi sur l’égalité des chances » qui prévoit toute une batterie de mesures visant à casser encore plus le marché du travail : abaissement de l’âge du stage professionnel de 16 à 14 ans, abaissement de l’âge du travail de nuit à 15 ans, Contrat Nouvelle Embauche (CNE) qui instaure un stage de 2 ans pour tous les travailleurs des entreprises de moins de 20 salariés. Le Contrat Première Embauche (CPE), qui étendait ce stage aux jeunes de moins de 26 ans, devait couronner ce dispositif. Mais c’était compter sans la lame de fond anti-libérale qui avait balayé la Constitution européenne et qui avait eu raison du prédécesseur de Dominique de Villepin.

    Après avoir quelque peu tergiversé face à l’ampleur du mouvement, la droite a fait bloc autour de Villepin. Elle sait que reculer devant la jeunesse en retirant le CPE risque d’ouvrir une brèche dans laquelle les travailleurs du public comme du privé pourraient s’engouffrer massivement. Un scénario analogue, certes dans un contexte différent, s’était jadis produit en Mai 68. A l’époque, la bureaucratie stalinienne du PCF et de la CGT avait abusé de l’autorité immense qu’elle avait dans la classe ouvrière pour sauver le régime chancelant de de Gaulle. Si un mouvement d’une telle ampleur devait se reproduire, ni le PCF ni le PS ni aucune organisation syndicale n’aurait cette fois l’autorité suffisante pour le canaliser. Mais il n’y a pas davantage d’organisation de masse de travailleurs capable de le conduire à des victoires décisives, sans même parler d’une issue révolutionnaire.

    L’unité de la droite autour de Villepin n’est pourtant que de pure façade. Si le mouvement continue de prendre de l’ampleur au lieu de s’essoufler comme l’espère Villepin, ce sera le sauve-qui-peut qui verra tous les dirigeants de la droite chercher désespérément une porte de sortie. Les antagonismes internes n’en ressurgiront alors qu’avec plus de vigueur.

    Quelle que soit son issue, le mouvement contre le CPE a déjà sérieusement entamé le crédit de la droite. Villepin et Sarkozy ont vu leur cote de popularité s’effondrer en quelques semaines. L’un et l’autre sont donnés perdants au deuxième tour des élections présidentielles de 2007 face à l’éventuelle candidature de la compagne du président du PS, Ségolène Royal, qui ne cache pourtant pas son admiration pour Tony Blair ! Bien qu’encore improbable à ce stade, une réédition à l’envers du scénario du 22 avril 2002 n’est pas à exclure, qui verrait le ou la candidat(e) du PS affronter celui du FN au second tour en raison d’un effondrement des candidats de la droite classique.

    La question d’une alternative socialiste se pose ici de façon très concrète. Il y a un vide béant à gauche que seul un nouveau parti de masse des travailleurs pourrait combler. Les organisations traditionnelles de l’extrême gauche française, comme la LCR et LO, pourraient prendre des initiatives décisives pour la création d’un tel parti. Le feront-elles cette fois-ci ou laisseront-elles une fois de plus passer l’occasion?

  • Paris: des centaines de milliers de manifestants contre le CPE

    France

    Ce 18 mars avait lieu dans toute la France des manifestations pour dénoncer le train de mesures asociales du CPE (Contrat Première Embauche) . Selon les médias, il y avait des manifestations dans plus de 150 villes. La CGT estime que 1.5 millions de gens ont manifesté dans les rues de France.

    Vincent Devaux

    Cela fait bien longtemps qu’il n’y a plus eu de mobilisations aussi massives en France et malgré que la contestation soit présente depuis des semaines, cela ne pourrait bien être que le début d’un mouvement plus large si De Villepin et le gouvernement Chirac s’entêtent dans leur ligne arrogante de détricotage social.

    Rien qu’à Paris le cortège aurait compté plus de 350.000 personnes. Alors que les gens en fin d’après-midi terminaient le défilé Place de la Nation, d’autres ne l’avaient toujours pas commencée et étaient toujours sur la place Denfert-Rochereau, le point de rendez-vous à 6km de là. La mobilisation était immense et toutes les tranches d’âges dans la société étaient présentes.

    Tout le monde se rend compte que la précarisation est générale. Beaucoup de gens font également le parallèle avec mai 68 ; il est clair que la récente occupation de la Sorbonne y est pour quelque-chose ; elle est devenue un symbole de résistance contre l’arrogance du gouvernement Chirac. Egalement, c’est le mouvement étudiant et lycéen par son ampleur, sa capacité d’organisation qui a amené des secteurs plus larges de la population dans les rues. Si elles seront les premières victimes du Contrat Première Embauche, les mesures du gouvernement Chirac toucheront également les moins jeunes, par exemple au travers des « Contrats Séniors ».

    La Coordination Nationale des Etudiants formait la tête du cortège – malgré les essais de récupération bureaucratique par l’UNEF- principal syndicat étudiant en France- et était bien plus importante que cette dernière. Etudiants et lycéens mis à part on pouvait noter la présence des syndicats (majoritairement la CGT, mais également la CFDT, FO,…), mais également une délégation d’une organisation de parents, des délégations de sans-papiers (la coordination nationale des sans-papier était présente), les Intermittants du spectacle,…

    Beaucoup de personnes « non-organisées » étaient présentes dont beaucoup de travailleurs et de personnes plus âgées. Dans le cortège on pouvait entendre une délégation chanter « La Sorbonne on l’a gagnée, la Sorbonne on la gardera ». D’autres slogans traduisaient la rage envers le gouvernement et le patronat : « À ceux qui veulent précariser les jeunes, les jeunes répondent : "Résistance !" », « Villepin t’es foutu, la jeunesse est dans la rue » , « Villepin Démission », certaines délégations avançaient le mot d’ordre de grève générale mais en tout cas le mot d’ordre principal qui ressortait clairement dans toute la manif était le « Retrait du CPE ».

    Notre organisation soeure en France, La Gauche Révolutionnaire, est intervenue avec ses journaux et des tracts, aidée par des camarades venus de Belgique. Les gens étaient en tout cas très curieux et très demandeur vis-à-vis de tracts, ce qui peut être expliqué par un processus d’une politisation qui va au delà d’une simple radicalisation et de recherche d’alternative –la gauche institutionnelle étant discréditée-.

    Dominique de Villepin est désormais sous une énorme pression; il est clair qu’il ne pourra pas maintenir une position aussi inflexible telle que jusqu’ici. Son taux de popularité est en baisse; il n’a plus que 37% d’opinion favoribale soit une baisse de 16 % en deux mois. Selon un sondage, actuellement 68% des français veulent le retrait du CPE ; ce qui entre en contradiction avec les propos hypocrites du gouvernement qui voudraient faire passer « les masses silencieuses » pour des gens qui seraient favorables au CPE.

    Les syndicats ont prévu de se réunir ce lundi pour décider de l’appel à la grève afin d’obtenir le retrait du CPE. La semaine va redémarrer dans les lycées et les unifs par des assemblées générales pour décider de la suite des mobilisations Une grande journée de mobilisation est déjà prévue pour jeudi prochain (le 23). La mobilisation doit s’élargir et l’appel à la grève dans les usines doit être utilisé pour prendre à la gorge le patronat et son bras armé gouvernemental dans ce qu’il lui est le plus chèr: les profits.

  • France. Etudiants en lutte: l’avenir des jeunes plus que jamais menacé

    Rapport d’un participant

    La France est secouée par les mobilisations étudiantes et lycéennes contre la « loi sur l’égalité des chances »… d’être exploité. AJB, membre d’Etudiants de Gauche Actifs (EGA/ALS) et du Mouvement pour une Alternative Socialiste (MAS/LSP), est parti en France, conscient que ces luttes sont dirigées contre un ennemi commun à tous, par-delà les frontières : le néo-libéralisme et le capitalisme qui l’a engendré.

    Propos recueillis par Nicolas Croes

  • Paris: des centaines de milliers de manifestants contre le CPE
  • France. Contrat Promotion Esclave!
  • Pour une grève tous ensemble, jeunes et travailleurs. Retrait du CPE
  • Tracts, déclarations,… de la Gauche révolutionnaire
  • Peux-tu nous expliquer ce qu’est cette loi sur l’égalité des chances ?

    Il s’agit d’une attaque sans précédent, orientée contre les jeunes, mais qui concerne l’ensemble des travailleurs. Ce projet de loi est constitué de trois parties: la possibilité d’aller en apprentissage dès 14 ans, celle d’effectuer du travail de nuit dès 15 ans, et la dernière partie est le fameux Contrat Première Embauche (CPE). Selon le CPE, tout jeune pourra, jusqu’à 26 ans, être licencié sans justification durant les deux premières années qui suivent son embauche. En cas de licenciement, après trois mois d’attente, il pourra de nouveau être engagé aux mêmes conditions… De quoi apprendre à accepter n’importe quoi sous la menace constante de se retrouver sans emploi à tout moment !

    Cela a évidemment mené à des actions de protestation…

    Oui, qui ont atteint une ampleur qui n’est pas sans rappeler mai 68. Je suis arrivé à Paris ce mardi 7 mars au matin, juste à temps pour participer aux manifestations contre le CPE qui se sont déroulées partout en France et qui ont fait battre le pavé à plus d’un million de personnes à travers l’hexagone, dont 150.000 à Paris.

    Dans une ambiance peu commune on imagine.

    Il est assez difficile de se représenter ce que cela peut être quand on vient de Belgique. La grande majorité des manifestants étaient des jeunes, étudiants ou lycéens, et la combativité était très grande, même si elle variait selon les facultés. Certaines revendiquaient le retrait de la totalité du projet de loi, d’autres uniquement le retrait du CPE, au cri de «C comme chômage, P comme précarité, E comme exploitation : retrait du PCE, retrait du CPE !». J’étais déjà venu pour les mobilisations du 7 février qui avaient réuni 45.000 jeunes à Paris, et plus ou moins 400.000 dans toute la France, et ce en plein congé scolaire, ce qui rendaient impossibles les descentes d’information dans les écoles. La fac’ de Rennes était déjà occupée à ce moment.

    Qu’en est-il aujourd’hui ?

    Ce vendredi 10 mars, 42 facultés étaient occupées, sur les 80 que compte le pays. Plus de la moitié donc, et une faculté non occupée n’est pas une faculté non mobilisée!

    Que s’est-il passé après la manif’ ?

    Nous nous sommes réunis à la faculté de Jussieux. Enfin, il a tout de même fallu passer au-dessus des grilles que les vigiles avaient placées… Nous étions à peu près 200 étudiants et une cinquantaine de lycéens. Etaient présents également quelques jeunes travailleurs précaires. La majeure partie de ces jeunes les plus motivés étaient syndiqués à l’UNEF (Union Nationale des Etudiants Français) ou au syndicat SUD et organisés dans des organisations politiques comme la Confédération Nationale du Travail (CNT), la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), la Jeunesse Communiste (JC) ou encore Lutte Ouvrière (LO). Ils composaient environ 75% de l’assemblée. J’espérais retrouver des camarades de la Gauche Révolutionnaire (organisation-sœur du MAS en France), mais, dans la capitale, ils étaient principalement à Paris 8.

    A cette réunion, il a été décidé de faire des descentes dans les autres facultés le lendemain pour en bloquer un maximum. A chaque fois, les blocages ont été votés à une bonne majorité.

    Et ensuite?

    Le jeudi matin, je suis allé à une des facultés les plus mobilisées, celle de Nanterre, qui était occupée. Tout y était bloqué, y compris la fac’ de droit (ce qui n’était plus arrivé depuis au moins une quinzaine d’années). Là, j’ai rencontré l’UNI…

    L’UNI ? Qu’est-ce c’est ?

    Il n’y a pas que les organisations de gauche qui sont présentes dans les facultés, les partisans de la chasse aux pauvres du gouvernement sont aussi présents. En fait, l’UNI est un mouvement de jeunes de droite, proche de Sarkozy, qui comprend une aile d’extrême-droite. Mais bon, quand on entend Sarko dire qu’il voulait nettoyer les banlieues au Karcher, on comprend qu’une proximité puisse exister entre ses partisans et ceux de Le Pen. Mardi, ils étaient une vingtaine à avoir fait le tour des blocages en chantant la Marseillaise en faisant le salut nazi. A cela, les grévistes répondaient « Nanterre, Précaires, on est tous solidaires ! » et en chantant l’Internationale.

    Ils ont réussi à rentrer à l’intérieur d’un bâtiment occupé, aidés par une dizaine de vigiles (en tout, ils ne devaient pas être plus d’une vingtaine). Une centaine d’étudiants en droit qui voulaient avoir cours en ont profité pour rentrer aussi. Finalement, ils ont été repoussés après une lutte entre grévistes et membres de l’UNI.

    Ceux-ci en sont restés là ?

    Non. Ils ont réussi à regrouper un millier de d’étudiants, venus à l’appel de « contre le blocage », et ils ont participé à l’Assemblée Générale de la faculté. En fait, si beaucoup de jeunes sont contre le CPE et la « loi pour l’égalité des chances », beaucoup s’opposent également aux blocages. Et là, dans les discussions, la situation a été complètement retournée. Des étudiants grévistes et moi-même sommes intervenus dans l’AG contre l’UNI et les étudiants qui voulaient reprendre les cours, et le blocage a été de nouveau voté!

    Qu’as tu mis en avant ?

    L’importance d’avoir une vision globale du problème. Que la loi sur l’égalité des chances est une suite logique des attaques libérales contres les travailleurs, les jeunes et les étrangers. Que les attaques contre le travail ont commencé par des attaques contre les retraites en Allemagne, en France et, comme on le sait, il y a quelques semaines en Belgique. Le gouvernement français élu de manière quasi-illégitime (Le Pen – Chirac au second tour) ne cesse d’attaquer de manière frontale tous les acquis sociaux. On se rappelle aussi la manière dont ils ont réprimé successivement le mouvement lycéen, le mouvement étudiant contre le système « LMD », le mouvement des intermittents du spectacle, les émeutes dans les banlieues,… Aujourd’hui la réponse que le gouvernement amène passe encore par la répression policière. J’ai terminé mon intervention sur l’obligation d’ouvrir la lutte aux jeunes de banlieues qui seront les premières victimes du CPE mais aussi aux travailleurs sans attendre l’appel des bureaucraties syndicales qui se font assez discrètes dans la hantise de revoir un nouveau mai 68 ou des grèves massives comme celle de 1995.

    Comment les différentes facultés sont-elles coordonnées ?

    La coordination d’Ile-de-France, c’est à dire de Paris et de sa région, se réunit tout les deux jours. Les différentes facultés se réunissent tous les jours en Assemblées Générales, auxquelles tous peuvent participer. C’est là que sont à chaque fois élus les étudiants qui iront à la prochaine réunion de la coordination d’Ile-de-France: 7 représentants par faculté occupée, et 3 par faculté mobilisée, mais non-occupée. S’ils fonctionnent comme ça, c’est pour éviter que les facultés de droite ne bloquent tout. Et au niveau national, cela fonctionne comme ça aussi, mais les réunions sont hebdomadaires.

    A l’intérieur des fac’, des commissions ont été mises sur pied: actions, interprofessionnelle (pour aller à la rencontre des associations et des travailleurs à l’extérieur de la faculté), sécurité, mobilisation, enseignants et travailleurs (orientée vers les travailleurs de la faculté), et enfin lycéenne. Dans plusieurs facultés, des motions de soutien ont été votées par les travailleurs en solidarité avec les étudiants, et beaucoup de lycées sont bloqués et occupés également. A titre d’exemple, une école professionnelle près de Nanterre est venue donner un coup de main pour bloquer la fac’. Le niveau de conscience politique des lycéens à Paris est très élevé. J’ai pu à de nombreuses reprises le remarquer, par les discussions politiques avec ceux-ci mais aussi en écoutant les interventions dans les assemblées générales. Les AG se tiennent dans des décors surréalistes avec comme slogans sur les murs : « Arrêtez d’étudier l’histoire, faites-la », « Une seule solution, la révolution » ou une des phrases mythique du Che « Hasta la victoria siempre » (Jusqu’à la victoire, toujours).

    Des actions sont donc prévues conjointement ?

    Tout à fait, et c’est tant mieux parce que c’est vraiment nécessaire. Isolés, séparés, les étudiants ne peuvent rien. Par exemple, le jeudi après-midi, il a été décidé de faire des diffusions de tracts dans un maximum de gares de la capitale afin d’expliquer la problématique du CPE et les positions des étudiants et aussi de mettre sur pied des manifestations « sauvages » – c’est à dire non annoncées – pour le vendredi.

    C’est ainsi que 2.000 étudiants ont déboulé sur les Champs-Elysées, pour la première fois depuis mai 68! La manifestation s’avançait, au rythme de l’Internationale et de slogans comme « Etudiants, salariés, même combat ! » ou encore, « Le pouvoir est dans la rue », « Tout est a nous, rien n’est à eux… ». Nous sommes restés deux heures Place de l’Etoile, en face de l’Arc de Triomphe, qui est un grand symbole. Il y a eu là-bas quelques heurts avec la police, mais les étudiants sont partis d’eux-mêmes pour bloquer les Champs-Elysées durant quatre heures, juste avant d’aller à la Sorbonne. En fait, la Sorbonne était occupée depuis la veille au soir par 150 étudiants et un bon millier d’autres manifestaient à l’extérieur, juste séparés de leurs camarades par les CRS. Or, pendant ce temps, les autres facultés étaient toujours occupées et il y avait mille tâches à faire. Les chiffres de manifestants ne sont donc pas révélateurs du nombre d’étudiants impliqués dans ces mobilisations. Des barricades ont été élevées au Boulevard Saint-Michel et au Quartier Latin, hauts lieux des évènements de mai ‘68, dans les chants et les slogans comme le traditionnel « CRS : SS » ou encore « Police partout, justice nulle part », « La police est en colère, le pinard il est trop cher », « On veut étudier, pour pas finir policier »,…

    Et vendredi, la Sorbonne tenait toujours bon…

    Oh oui. Nous étions 1500-2000 à protester à l’extérieur, tout en lançant de la nourriture aux occupants qui n’avaient rien mangé depuis la veille. Un groupe est rentré par derrière, un autre, dont je faisais partie, a réussi à rentrer par les toits. A l’intérieur, nous nous sommes retrouvés à environ 500. Il y avait des discussions politiques, des pièces de théâtre sur Mai 68’, sur la Commune de Paris (dont nous allons fêter le 135e anniversaire le 18 mars), de la musique,… Les flics, de l’extérieur, essayaient de voir où étaient les étudiants pour lancer des lacrymogènes à cet endroit.

    Mais finalement, le samedi, vers 4h du matin, les CRS ont chargé le bâtiment et évacué la fac’. La grande majorité des occupants a pu s’enfuir, grâce aux manifestants de l’extérieur qui ont tout fait pour aider leurs camarades de lutte. Mais il y a tout de même eu 27 arrestations. Une manifestation le lendemain a été organisée aux cris de « Libérez nos camarades ». Deux heures plus tard, tous les camarades ont été libérés.

    Et c’est ce jour là que je suis rentré en Belgique, crevé, courbaturé, mais avec un moral qui résistera à bien des coups durs avant de retomber !

    Et les actions continuent !

    Les actions continuent, et continueront encore. Dominique de Villepin, le premier ministre, vient encore de dire maintenant (dimanche 12 mars) qu’il était hors de question de retirer le projet de loi. Qu’attendre d’autre de la part d’hommes pour qui seuls comptent les profits des patrons? La « loi sur l’égalité des chances » n’est qu’un gigantesque cadeau pour eux, ils sont les seuls bénéficiaires de ce retour en arrière. Le MEDEF (la fédération patronale) appuie évidement le premier ministre tout en affirmant que le Contrat Première Embauche et le Contrat Nouvelle Embauche n’étaient pas suffisants et qu’il fallait élargir les facilités de licenciements qu’offrent ceux-ci à tous les types de contrats !

    Tout ce que tu dis est très intéressant. D’autant plus que l’on a entendu un autre son de cloche ici.

    Oui, le rôle des médias dans toute cette histoire est on ne peut plus honteux. Ils ne disent pas la vérité, où alors ils la déforment à l’avantage des partisans du projet de loi. Contrairement à ce qui a été dit, rien n’a été cassé à la Sorbonne, sauf le local des réactionnaires de l’UNI, qui a été saccagé. Des papiers ont même été collés aux murs pour ne rien abîmer tout en écrivant partout slogans, réflexions et revendications. De même, il a été dit que les étudiants avaient brûlé des livres inestimables, alors que s’il y a bien eu un feu dans la cour, seules les publications de l’UNI et des syllabi périmés ont été jetés au feu. Un autre exemple est l’histoire de cette fille handicapée (Paris 10 Nanterre), qui voulait passer le blocage au-dessus de plusieurs escaliers, et qui est tombée en se cassant le bras par accident. Directement, le gouvernement, relayé par la presse sans que personne ne cherche à savoir ce qui s’était passé, a déclaré que les étudiants jetaient des gens dans les escaliers!

    Une dernière chose importante, il a été constamment répété que la Sorbonne était occupée par des intermittents du spectacle, des travailleurs précaires, bref, tout sauf des étudiants. Je n’ai rencontré que trois participants à l’occupation qui n’étaient pas étudiants. Il y avait des étudiants d’autres facultés, c’est vrai, mais la majorité était de la Sorbonne.

  • France. Les syndicats appellent à un jour de grèves et d’actions nationales.

    Un front commun des confédérations syndicales françaises préparent un jour d’actions et de grèves ce mardi 04 octobre. Cela sera le troisième jour d’actions nationales cette année, se déroulant dans une période de colère montante au sujet des salaires, de la sécurité de l’emploi et des privatisations.

    Karl Debbaut

    Les syndicats dénoncent la vague de réformes néolibérales introduites par le gouvernement français, dirigé par le Premier Ministre Dominique de Villepin et le ministre sans portefeuille, Nicolas Sarkozy.

    Ils ont, par exemple, introduit des nouveaux contrats de 2 ans pour des personnes travaillant dans des firmes employant moins d’une vingtaine d’employés. Cela dans le but de miner les droits des travailleurs et de faciliter les licenciements. En même temps, ils discutent beaucoup de renforcer les contrôle sur les allocations sociales, d’accélérer la privatisation de Gaz de France et d’Electricité de France et de vendre les péages d’autoroute au secteur privé.

    Cette grève est un premier grand test pour Dominique de Villepin, le nouveau Premier Ministre, en poste depuis seulement quatre mois. En effet, celui-ci remplaça son ‘camarade de parti’ Raffarin, qui, lui, avait été frappé de plein fouet par le NON au référendum sur la Constitution Européenne. De Villepin a passé son premier mois à faire des déclarations dans lesquelles il défendait le ‘modèle social français’. Nicolas Sarkozy, le ‘patron’ du parti au gouvernement, l’UMP, est lui aussi un fervent politicien néolibéral. Il se prépare à un nouveau défi : devenir le prochain président français, en appliquant de féroces attaques sur les droits des travailleurs, sur les allocations et sur l’emploi dans le secteur public. Toute cette politique de répression ne peut être stoppée que si les syndicats organisent sérieusement la lutte pour la défense de leurs membres.

    Les marins protestent contre les plans de privatisation

    Le mardi 26 septembre, l’élite des forces armées du GIGN ont débarqué sur un ferry Corse, celui-ci étant au centre de la lutte contre la privatisation de la SNCM. Les marins protestaient contre les plans du gouvernement français de vente de la part de l’Etat français de la compagnie de Ferry SNCM à une compagnie française d’investissements (Butler Capital Partners). Cette compagnie annonça qu’elle comptait réorganiser la SNCM, ligne de ferry qui transporte 1,25 millions de passagers par an entre Marseille et la Corse, et qu’elle pourrait licencier jusqu’à 400 travailleurs de la compagnie qui en compte 2400.

    En protestation à ces plans de licenciements, environ 30 marins, membres de la CGT et de la STC ont prit le contrôle de l’un des bateaux de la compagnie et ont quitté le port de Marseille mardi passé. Le GIGN, force d’intervention anti-terroriste, est intervenu avec une dizaine d’hommes à l’aide d’hélicoptères Puma et ont reprit contrôle du bateau. Les marins ont été menottés, enfermés dans les cabines du bateau, forcés de se mettre à genoux sur le pont du bateau et arrêtés pour détournement, un crime pour lequel ils peuvent être condamnés jusqu’à 20 ans de prison.

    La dramatique démonstration de force des autorités françaises n’a pas impressionné les travailleurs des ports de Marseille et Bastia. A Bastia, des émeutes se dont déroulées et la police a dû intervenir avec 200 policiers anti-émeute. Une bataille rangée avec plus de 1000 travailleurs s’est déroulée pendant 4 heures la nuit de mardi passé. La CGT a ensuite appelé à une grève de 24 heures à Marseille, qui a, en fait, complètement paralysé le plus gros port français. Les travailleurs ont aussi alors voté l’extension de la grève, bloquant ainsi l’accès au complexe pétrochimique et au port pétrolier clé de Fos-sur-Mer.

    Manifestations et grèves le 4 octobre

    Les syndicats ont appelé à des manifestations à Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg, Bordeaux et Montpellier pour ce mardi 04 octobre. Ces manifestations vont attirer des milliers de personnes et seront accompagnées de grèves dans le secteur public et dans certaines compagnies du secteur privé. Des membres de la Gauche révolutionnaire (section sœur du MAS en France) participeront à ces actions.

  • Agressivité asociale au nom de la lutte contre le chômage…

    Placé comme premier ministre par Chirac deux jours après la victoire du NON à la constitution; Villepin va s’acquitter du sale boulot que Raffarin n’avait pu terminer. Le jour de sa nomination, Jacques Chirac, lors de son allocution, avait alors mis l’emploi comme « priorité de l’action gouvernementale ».

    Vincent Devaux

    Le nombre de chômeurs, en hausse depuis quatre ans, est passé de 8,6 % en juin 2001 à 10,1 % en juin 2005. Mais sous le capitalisme, les mesures destinées à baisser le taux de chômage ne visent en fait qu’à précariser et flexibiliser encore plus les conditions de travail. Les intérêts du patronat passent loin devant le bien-être des gens… Dominique de Villepin l’a bien compris, et s’est rapidement retroussé les manches. Voulant travailler « vite et fort », il a obtenu fin juin de l’Assemblée nationale le droit pour le gouvernement de prendre des ordonnances pour ses mesures sur l’emploi. La mesure la plus importante est l’instauration d’un Contrat « Nouvelles Embauches » -CNE- .

    Il s’agit d’un contrat à durée indéterminée pour des entreprises de moins de 20 salariés qui donne la possibilité pour le patron de mettre fin au contrat à tout moment et sans donner de motifs, et ce durant les deux premières années. Mais le CNE ne constitue qu’un élément des mesures asociales qui s’annoncent, parmi les autres ordonnances ; la suppression de certains impôts pour les entreprises comptant entre 10 et 19 salariés, soi-disant pour aider à embaucher, mais aussi la non-comptabilisation des travailleurs de moins de 26 ans dans les effectifs de l’entreprise, ce qui permet de contourner certaines obligations du code du travail et de permettre des avantages financiers.

    Le patronat doit se frotter les mains avec cette nouvelle flexibilisation! Ces mesures sont censées s’appliquer dès le 1er septembre. Et ce n’est pas Laurence Parisot, nouvelle présidente du Medef (l’organisation patronale française) qui va s’en plaindre. Réputée plus à droite qu’Ernest-Antoine Seillière (!), son prédécesseur ; elle sera la cavalière idéale du gouvernement sur une piste de danse qui vise à restaurer un maximum les taux de profits. N’a t’elle pas déclaré vouloir une « modernisation du code du travail »et vouloir « casser un tabou, celui de la représentation syndicale ». Elle joue à la sur-enchère en déclarant vouloir élargir ce Contrat Nouvelles Embauches aux entreprises de plus de 20 salariés.

    D’autre part Villepin envisage de supprimer l’impôt sur la fortune (ISF), de réduire l’imposition sur les plus-values mobilières et d’introduire les fonds de pensions. Toutes ces mesures n’ont pourtant jamais profité aux travailleurs, ni même servi à résoudre le problème du chômage ; elles ont pour conséquence de faire payer la crise par les travailleurs et de remplir les poches du patronat. Le problème de la surproduction ne peut être résolu de cette manière ; ni même par la répression des chômeurs, annoncée par Villepin pour le mois d’août ; au travers d’un contrôle accru et de la possibilité pour l’Assedic (organe de paiement des allocations) de sanctionner directement le demandeur d’emploi.

    Les attaques pleuvent de partout ; la CGT avait organisé des manifestations le 21 juin, rassemblant seulement quelques milliers de personnes, il en faudra beaucoup plus pour faire reculer le gouvernement et le patronat ; un plan d’action en front commun syndical est nécessaire pour la rentrée. Au final, la seule manière qui permette de résoudre le problème chronique du chômage est le partage du temps de travail : 32 heures semaines, sans perte de salaire, avec embaûche compensatoire.

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