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  • Coronavirus. De Lijn : ‘‘Ne pas attendre les mesures de la direction’’

    Photo : Jean marie Versyp

    Divers experts et médias recommandent fréquemment d’éviter les transports publics, en particulier aux heures de pointe. En combinaison d’une gestion de crise où la confiance fait défaut, cela provoque beaucoup d’anxiété chez les chauffeurs et le reste du personnel.

    Par un chauffeur

    De Lijn s’est vanté dans la presse que les véhicules seraient nettoyés quotidiennement. Beaucoup de collègues ont entendu ça avec colère. C’est faux. Au mieux, les véhicules sont rapidement balayés. Il est impossible d’effectuer un nettoyage adéquat après toutes les économies réalisées et le manque de personnel que cela implique dans les services de soutien et les services techniques.

    Un comité Covid19 a été créé à De Lijn, mais il ne comporte que des représentants de la direction et des médecins d’entreprise. Les représentants du personnel, les syndicats, en sont exclus ! La communication est principalement effectuée via l’intranet, ce qui est largement insuffisant. En outre, les mesures sont prises trop tard et reposent sur des considérations autres que la santé du personnel et des voyageurs.

    Le jeudi 12 mars, plusieurs CPPT (Comité pour la prévention et la protection au travail) ont demandé que plus aucun trajet ne soit vendu sur les véhicules, de ne plus accepter de paiements en espèces, de laisser les passagers monter à l’arrière des véhicules et de protéger le chauffeur, afin qu’une distance d’au moins 1 mètre ou 1,5 mètre puisse être respectée.

    Jeudi soir, un certain nombre de mesures ont été annoncées, telles que la distribution de gels ou de lingettes désinfectantes,… Ces mesures sont nécessaires, mais insuffisantes. Les questions soulevées par les CPPT n’ont suscité aucune réaction.

    Le front commun syndical a demandé l’organisation d’une réunion d’urgence en exigeant l’adoption immédiate de mesures supplémentaires. Parallèlement, des initiatives ont été prises en divers endroits par les délégations syndicales. Les syndicats ont distribué des affiches aux chauffeurs de bus anversois avec le message ‘‘montez à l’arrière du bus’’ et ‘‘pas de vente de billets’’. Des rubans ont également été tendus dans les bus pour assurer qu’une distance soit respectée. Si la direction refuse de prendre soin de notre santé et de notre sécurité, à nous de le faire !

    En fin de compte, la direction n’a pas eu d’autre choix que d’adopter ces mesures. Mais elle a tout d’abord refusé d’autoriser les rubans de démarcation. À Anvers, la direction les a faits enlever des bus. Un nouveau collègue faisait remarquer : ‘‘C’est comme une guerre entre les cadres et les chauffeurs’’. Finalement, la mesure de protection a été imposée. Mais il est typique que cela n’ait pu être le cas que sous pression de la base.

    Heureusement, la solidarité entre collègues est très grande. Mais beaucoup se demandent combien de temps ils devront rouler ainsi. Ne ferions-nous pas mieux de passer à un service minimum avec des équipes plus restreintes ? Ce système a déjà été testé lors d’une grève (pour les lignes prioritaires), cela peut donc être appliqué assez rapidement (cela permettrait que le système soit utilisé à l’avantage du personnel au moins une fois au lieu de servir à briser les grèves).

    En tout cas, il est clair que nous ne devons pas rester assis à attendre que la direction prenne des mesures. C’est une honte qu’aucun représentant du personnel ne figure dans le comité Covid19. C’est de notre santé qu’il s’agit ! C’est exactement pour cela qu’un CPPT existe, avec des représentants du personnel ! La direction veut profiter de cette situation de crise pour établir une nouvelle norme dans le processus décisionnel en excluant toute participation des représentants syndicaux.

    Il est scandaleux que nos droits démocratiques soient ainsi bafoués. Et également scandaleux que la direction refuse de se réunir avec les délégués en raison des risques pour la sécurité : ces mêmes délégués circulent chaque jour avec des bus et des trams pleins. Et il existe aujourd’hui des possibilités technologiques suffisantes pour tenir des réunions à distance.

    Une fois de plus, il est évident que nous ne devons pas compter sur le gouvernement ou la direction pour la protection du personnel. Sur les lieux de travail, nous savons mieux que quiconque ce qui doit être fait pour notre protection. Nous l’avons démontré une fois de plus. Nous ne devons pas nous arrêter aux initiatives spontanées, mais mieux nous organiser. Pourquoi ne pas créer nos propres comités pour discuter des mesures à prendre et, si la direction n’est pas prête à les accepter, les mettre en œuvre nous-mêmes ?

    Les mesures en faveur de notre sécurité, de notre santé et de nos intérêts sociaux ne doivent pas dépendre de la direction. C’est nous qui faisons tourner la boutique, nous devons pouvoir participer aux décisions qui nous concernent !

    Nous publions différentes réactions de travailleurs et de jeunes confrontés à la crise du Coronavirus dans leur travail et dans leur vie. N’hésitez pas à nous envoyer votre contribution via redaction@socialisme.be

  • Une réponse socialiste à la pandémie du Covid-19

    La protection et la santé au travail et dans la société en général sont des questions qui préoccupent le mouvement ouvrier en premier lieu. C’est au prix de durs combats que nous avons arraché la sécurité sociale, dont l’assurance maladie. Les travailleurs ont également défendu la prévention et la protection au travail et dans leur milieu de vie. Ces derniers mois, les jeunes et les travailleurs ont milité en faveur du climat, c’est-à-dire pour la protection de la santé des personnes et de la planète. Ci-dessous, cinq propositions pour faire face à la crise.

    Article de Geert Cool tiré de l’édition spéciale de Lutte Socialiste qui sera envoyé demain à nos abonnés.

    1/ Un plan d’investissements publics drastique dans les soins de santé

    Le taux de mortalité en raison du virus est de 2,6% en Italie, mais il atteint 3,9% dans les zones où les hôpitaux sont saturés. Un espace suffisant dans les hôpitaux est essentiel pour combattre le virus.

    Ces dernières années, le nombre de lits d’hôpitaux a fortement diminué en Belgique. Le progrès médical a permis de réduire le nombre de lits et de faire des économies. Alors qu’en 1990, il y avait encore 46.472 lits d’hôpitaux pour les admissions en soins intensifs, ce chiffre est tombé à 34.962 lits en 2019. Si les progrès de la médecine se traduisent en diminution des infrastructures, ils risquent de se transformer en pandémie.

    Après des années d’austérité, la pénurie de personnel se généralise dans le secteur des soins de santé. Un emploi dans ce secteur est peu attractif : bas salaires, pression au travail insoutenable, horaires décalés. La contestation récente dans plusieurs hôpitaux en réaction aux mauvaises conditions de travail n’est donc pas étonnante. Les patients souffrent de la politique de réduction des coûts imposée par Maggie De Block: les temps d’attente augmentent, le nombre de jours d’hospitalisation diminue, les soins et les médicaments sont de plus en plus chers.

    Les économies rendent la médecine préventive moins efficace. ‘‘Mieux vaut prévenir que guérir’’, dit le dicton, mais cela n’est possible qu’avec un système de soins de santé développé. Les économies réalisées sur la sécurité sociale doivent cesser, mais il faut aller au-delà et investir davantage.

    2/ Des travailleurs protégés à leur domicile avec un salaire complet et une prime de risque pour ceux qui doivent travailler

    Celles et ceux qui travaillent devraient avoir librement accès aux mesures de protection telles que les masques de protection. Si les entreprises qui produisent des masques prétendent qu’il n’y a plus de stock afin de faire grimper les prix, elles doivent être placées sous le contrôle des représentants élus de la population et du personnel de l’entreprise.

    Des mesures de protection sont indispensables en cas de danger sur le lieu de travail, mais il faut aussi prévoir des indemnisations. Par exemple une prime de risque pour le personnel de santé ou le personnel des transports publics, lorsqu’il y a contact avec le public et donc avec des personnes potentiellement infectées. Pour faire face à la fermeture des écoles, il faut réduire les heures de travail sans perte de salaire afin d’organiser la garde des enfants. Des recrutements supplémentaires doivent permettre d’y parvenir.

    Toute personne contrainte à ne pas travailler, en quarantaine ou malade, doit être protégée des soucis financiers. La maladie elle-même est déjà assez grave ! Ceux qui ne peuvent pas travailler en raison de la crise du coronavirus doivent être entièrement indemnisés. L’augmentation de l’allocation de chômage temporaire de 65 % à 70 % du salaire est une bonne chose, mais c’est insuffisant. Le salaire complet doit être versé ou remplacé par une allocation qui correspond à 100 % du salaire. Après tout, les loyers, les hypothèques ou le coût de la vie ne diminuent pas.

    Lorsque les écoles ferment, les parents doivent avoir la possibilité de s’occuper de leurs enfants à la maison, à moins qu’ils ne travaillent dans des secteurs essentiels tels que les soins ou la distribution de nourriture. Cela devrait être possible tout en conservant la totalité du salaire. Un plan doit être établi pour déterminer quels sont les secteurs essentiels et quels travailleurs peuvent être déployés à cette fin. Cela doit être fait par des comités d’experts en soins, organisés et gérés démocratiquement, par la collectivité locale et par les travailleurs du secteur concerné. Un soutien immédiat dans le secteur des soins avec un vaste programme de recrutement est nécessaire. Les personnes qui travaillent dans un secteur non essentiel et qui restent à la maison devraient également pouvoir temporairement aider le secteur des soins.

    Le personnel des secteurs essentiels devrait bénéficier d’une protection suffisante offerte gratuitement. Le contrôle de cette situation ne doit pas être laissé aux politiciens, aux patrons ou aux conseils d’administration. Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui savent le mieux ce qu’il faut faire.

    Les petites entreprises ou les indépendants qui se retrouvent en difficulté à cause de cette crise doivent être indemnisés sur la base de besoins prouvés. Les travailleurs qui subissent des pertes en raison de l’annulation de vacances, de concerts ou d’autres activités doivent être indemnisés. Ce n’est pas aux travailleurs de payer pour cette crise.

    3/ Le secteur pharmaceutique et d’autres secteurs clés doivent devenir propriété publique

    Les entreprises pharmaceutiques cherchent chacune séparément un vaccin contre le coronavirus. Le développement d’un tel vaccin est important pour l’avenir, même s’il est peu probable qu’il y ait encore un vaccin utilisable cette année. Les différentes entreprises travaillent séparément car elles entendent transformer la percée en chiffre d’affaires pour elles-mêmes. C’est ainsi que fonctionne le secteur pharmaceutique, l’un des plus rentables au monde. Entre 2000 et 2018, 35 géants pharmaceutiques ont réalisé ensemble un bénéfice net de 1.900 milliards de dollars dans le monde ! Les marges bénéficiaires des entreprises pharmaceutiques sont bien supérieures à la moyenne, voire plus élevées que celles du secteur technologique. Des laboratoires privés proposent des tests de coronavirus à des prix exorbitants dans l’espoir de bénéficier de la crise.

    Il est scandaleux que l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques du pays, GSK, ait annoncé au début de l’année une restructuration qui pourrait coûter des centaines d’emplois. À un moment où le développement d’un vaccin est crucial, il est tout aussi important d’utiliser au maximum les connaissances disponibles. Cela montre également qu’il est problématique de laisser ce secteur vital à la soif de profits des grands actionnaires. Notre santé compte moins que leurs dividendes.

    L’ensemble du secteur doit être aux mains du public afin que les travailleurs et la population dans son ensemble puissent décider démocratiquement de de ce qui est produit et de quelle manière. Cela permettra de réduire les prix, d’éliminer les pénuries de médicaments et de rassembler les efforts pour développer de nouveaux vaccins.

    4/ Transparence démocratique et planification rationnelle

    Le manque de clarté, la méfiance justifiée envers les institutions établies et le sensationnalisme des médias dominants créent une certaine panique au sein de la population. Et la méfiance conduit à faire des réserves démesurées. Il est important que chacun ait accès à des informations fiables et scientifiquement fondées. Tout le contraire du fonctionnement actuel des médias. De plus, l’information ne sera considérée comme fiable que s’il y a une transparence démocratique.

    Les décisions sur les mesures nécessaires doivent être prises par des structures démocratiques de travailleurs, avec des représentants du mouvement ouvrier et de la population locale en consultation avec des experts médicaux. Dans les entreprises, les Comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ont un rôle à jouer : la lutte contre la propagation du coronavirus fait partie de leur domaine.

    Mais il faut plus : l’ampleur de la crise rend nécessaire une approche planifiée. Dans le mouvement pour le climat, nous avons préconisé une planification rationnelle afin de permettre une réorientation de la production. Cela est nécessaire pour éviter le gaspillage, mais aussi pour réaliser une transition vers les énergies renouvelables. Il en va de même pour l’organisation de la production et de la distribution de produits vitaux tels que l’alimentation, les médicaments, les équipements de protection,… en temps de crise.

    Le principe du juste-in-time utilisé sous le capitalisme pour économiser sur les stocks rend la chaîne d’approvisionnement vulnérable. Les intérêts commerciaux et économiques placent la santé au second plan. Pieter Timmermans, de l’organisation patronale FEB, a commenté dans La Libre (13 mars) : “A mon avis, l’essentiel a été sauvegardé : la préservation de l’appareil de production et surtout de ceux qui travaillent dans les entreprises”. Lire : les bénéfices des actionnaires. Nous ne pouvons pas laisser l’organisation de l’économie à cette cupidité !

    Afin de permettre un contrôle et une gestion démocratiques de la production et de la distribution, nous devons assurer que les leviers économiques deviennent propriétés publiques. La nationalisation de secteurs clés de l’économie sous le contrôle démocratique de la collectivité doit poser les bases d’une planification rationnelle où les ressources disponibles seront adaptées aux besoins et aux exigences de la population.

    5/ Prendre l’argent là où il est

    C’est LA question qui se posera au lendemain de la crise du coronavirus : qui en paiera les conséquences ? Sur fond de crise boursière, liée à une récession de l’économie réelle, les capitalistes et leur personnel politique diront que l’argent manque. Ils diront que la collectivité doit continuer à soutenir les grandes entreprises pour qu’elles puissent investir, après quoi cela se répercutera sur la population. C’est faux. Nous l’avons constaté après la crise de 2008. Les cadeaux aux capitalistes ont été augmentés, tandis que la majorité de la population a été obligée de se serrer la ceinture. En Belgique, nous avons subi un saut d’index qui a réduit nos salaires réels, une augmentation de l’âge de la pension, des économies sur la sécurité sociale, etc.

    Immédiatement au début de la crise du coronavirus, les autorités ont annoncé qu’il y avait de l’argent pour les banques. Les entreprises ont obtenu, entre autres, un report du paiement de leurs cotisations à la sécurité sociale. Mais il n’est pas question de fonds supplémentaires pour nos salaires et nos soins de santé.

    Si cela ne dépendait que des patrons et de leurs pantins politiques, le coût de la crise serait répercuté sur les travailleurs et leur famille. Ils nous diront qu’augmenter les salaires est impossible et qu’il faudra nous serrer la ceinture, notamment en sabrant dans la sécurité sociale. Ils vont essayer de faire passer cela pour de la solidarité. La vérité est que le tax-shift à lui seul a créé un trou de 5,8 milliards d’euros dans la sécurité sociale. Toutes sortes de systèmes de prestations extra-légales, encouragés par le gouvernement par le biais, entre autres, d’un plafond obligatoire de normes salariales, ont également créé un trou de plusieurs milliards dans la sécurité sociale. Au lieu d’investir dans une meilleure protection sociale, qui ne s’avère pas être un luxe superflu dans cette crise, des milliards ont été donnés en cadeau aux grandes entreprises. Toutes les réductions de cotisations patronales à la sécurité sociale doivent cesser immédiatement. Nous exigeons le remboursement de ce qui a été pillé et l’imposition de contributions sociales pour faire face aux besoins. C’est grâce au combat acharné de la classe ouvrière que la sécurité sociale a été instaurée pour faire face à des crises comme celles d’aujourd’hui.

    Aller chercher l’argent là où il est exigera le même type de combat ! Les études d’Oxfam ont clairement illustré qu’un petit groupe richissime dispose d’une fortune sans précédent. Des milliards d’euros sont planqués dans les paradis fiscaux et des capitaux sont investis massivement dans des productions socialement inutiles, comme les dépenses militaires. Allons y chercher ce dont nous avons besoin ! Et pas en le demandant gentiment ! Nous devrons nous battre pour retirer les secteurs clés des mains des grands actionnaires et les placer sous propriété publique.

    En fin de compte, pour orienter les richesses et les moyens disponibles sur la satisfaction des besoins de la majorité de la population, il faut un changement de système. Le capitalisme est un système malade, nous avons besoin d’une société différente. Nous défendons un système de contrôle et de propriété publique démocratique des moyens de production afin qu’ils puissent être utilisés dans l’intérêt de la majorité de la population, une société socialiste démocratique.

  • Coronavirus. SNCB : ‘‘Il y a eu chez nous comme ailleurs une sous-estimation du danger’’

    Alors que le pays est petit à petit mis à l’arrêt, nous constatons que ce sont les fonctionnaires, régulièrement pointés du doigt par les politiciens de droite pour leurs soi-disant « privilèges », qui sont appelés à la rescousse. Les hôpitaux et les services de secours sont sur le pied de guerre, les enseignants sont en première ligne, et les agents des transports en commun sont appelés à continuer de travailler malgré les risques.

    Par un cheminot

    Bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions, il semble clair pour de plus en plus de cheminots que les mesures prises en interne dans la lutte contre le coronavirus sont insuffisantes. Il y a eu chez nous comme ailleurs une sous-estimation du danger que représente cette pandémie. La prise de conscience s’est rapidement développée ces derniers jours, mais la direction semble être toujours un temps en retard.

    L’argent en liquide continue à être manipulé aux guichets alors qu’il semble être un facteur important de contamination. Comme à la TEC, la direction annonce des mesures de nettoyage spéciales depuis plusieurs jours mais nous ne les constatons pas sur le terrain. Dans certains services, les gels hydroalcooliques n’ont toujours pas été distribués, même aux nettoyeurs. L’ordre fait aux accompagnateurs de train d’effectuer un « contrôle visuel » des titres de transports manque manifestement de clarté et constitue donc un risque. Certaines mesures positives ont bel et bien été prises – lorsqu’elles sont appliquées –, comme la suppression des trains qui ne possèdent pas de toilettes en service équipées d’eau et de savon. Mais face à l’urgence et aux mesures radicales qui semblent nécessaires, nous constatons surtout des actions de communication et des « préconisations ».

    Les managers ont cultivé ces dernières années une culture du « présentéisme ». La mise en place de la nouvelle procédure de contrôle des malades basée sur l’indice de Bradford, et l’introduction prévue dans les prochaines semaines d’ « entretiens maladies » entre la hiérarchie et les agents considérés comme « trop souvent malades » est en contradiction totale avec les mesures de précaution sanitaires nécessaires. Les nouvelles directives indiquant de rester chez soi lorsqu’on se sent malade, publiées tardivement et laissant toujours planer la menace de la visite d’un médecin contrôle, commencent seulement à faire leurs effets. La suspension immédiate de toutes les mesures de répression des agents malades est une nécessité absolue si nous voulons limiter la propagation du virus au sein de la société.

    La SNCB s’apprête à mettre en place dans les prochains jours un « service alternatif des trains » si elle n’a plus à sa disposition suffisamment d’agents en bonne santé pour assurer le service habituel. L’opportunité d’activer ce scénario le plus tôt ou le plus tard possible fait débat, car la diminution du nombre de trains en circulation aurait pour conséquence une augmentation de l’occupation des rames alors que la distanciation sociale est conseillée par les experts. Dans le même temps, de nombreux agents qui sont en permanence au contact des usagers évoquent leurs craintes d’être contaminés et de contaminer à leur tour leurs proches malades, âgés, ou des voyageurs.

    Certains parents sont toujours à la recherche d’une solution pour faire garder leurs enfants qui n’auront plus école : les garderies, lorsqu’elles acceptent les enfants des cheminots, ne seront ouvertes que pendant les horaires d’écoles, alors qu’il y a des cheminots au travail à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. La revendication qui pourrait naître de cette situation serait la mise sur pied d’un service alternatif des trains sur base volontaire et accompagnée de mesures sanitaires renforcées.

    Les transports publics sont un service structurel dans la société, et de nombreuses personnes travaillant dans des services essentiels comme les soins de santé les utilisent. Dans quelle mesure devrait-on pouvoir suspendre ou non le trafic des trains pour limiter la propagation d’une épidémie ? Cette question n’avait jamais été abordée auparavant, nous manquons de recul et elle fait donc toujours débat. La réponse devrait être tranchée sur base d’une discussion démocratique à propos des besoins sociaux absolument nécessaires. Une chose est sûre : un gouvernement capitaliste, pour qui le profit des grandes sociétés a été la priorité durant les 6 dernières années, n’est pas capable de faire cela. Les travailleurs et leurs organisations, en étant organisés et déterminés, le pourraient.

    La direction des chemins de fer a son avis sur la question : en annulant toutes les réunions paritaires avec les représentants élus des travailleurs comme les CPPT, elle entend bien faire à sa manière. La santé des travailleurs a pourtant rarement été mise autant en danger, et des alternatives respectant les mesures de distanciation sociale sont possibles. Plus que jamais, la participation démocratique du personnel aux mesures de santé est nécessaire ! Non à l’affaiblissement des droits démocratiques !

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  • Coronavirus. Secteur de l’événementiel. “Les collègues craignent la faillite de notre entreprise”

    Partout dans le monde, des événements sont annulés à cause du coronavirus. Aucun organisateur d’événements musicaux, sportifs, de foires, etc. ne veut être tenu pour responsable d’une (éventuelle) propagation du virus ou ne veut avoir une gueule de bois financière si personne n’ose venir à l’événement. Le secteur de l’événementiel est donc l’un des premiers à ressentir la crise.

    Par Serge, travailleur du secteur à Bruxelles

    La société pour laquelle je travaille loue du matériel audiovisuel. Depuis des semaines, les locations annulées se succèdent. Bien entendu, cela a un effet direct sur le lieu de travail. Alors qu’auparavant, il arrivait parfois que dix camions par jour viennent chercher du matériel, ce n’est plus que dix camions par semaine. La situation ne promet pas de s’améliorer. La direction a déjà annoncé qu’aucune location n’est prévue pour le mois d’avril.

    L’entreprise emploie normalement environ 300 personnes. 25 d’entre elles travaillent sous contrat intérimaire. Leurs contrats ont récemment été résiliés parce qu’il ne leur reste pas assez d’argent et de travail. Pour le personnel permanent, un système de chômage technique variable est appliqué.

    Ces mesures n’ont surpris personne. Néanmoins, mes collègues sont très inquiets. Personne ne peut prédire combien de temps durera cette crise. La direction a déjà fait savoir que si la situation ne s’améliore pas rapidement, des personnes seront licenciées.

    Le secteur de l’événementiel est caractérisé par une grande inégalité. Alors que les magasiniers gagnent un peu plus que le salaire minimum légal, la direction se déplace en voitures de sport coûteuses. La concurrence dans le secteur est également implacable. Il est essentiel d’avoir à chaque fois une longueur d’avance sur les autres. C’est pourquoi l’entreprise investit massivement dans de nouveaux équipements avec de l’argent qui n’est souvent pas (encore) là. Les dettes s’accumulent. Les actionnaires sont peut-être encore plus inexorables que la concurrence. Malgré la crise, ils veulent voir leur investissement multiplié.

    Tout cela explique que l’entreprise n’a jamais pu mettre de l’argent de côté au cas où les choses ne se passeraient pas comme prévu. Le personnel en paie maintenant le prix. Pour l’instant, cela se limite au chômage technique, mais de nombreux collègues craignent la faillite de l’entreprise.

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  • Covid-19 : Terrassons le coronavirus et la marchandisation de la santé.

    Suite à la propagation du coronavirus, nous sommes contraint·e·s d’annuler nos événements y compris la Grande manifestation de la santé du 29 mars. Ce n’est que partie remise bien évidemment.

    Déclaration de La Santé en Lutte

    Pour l’instant, nous allons nous concentrer sur les problématiques liées aux conditions de travail et de soins en cette période de crise.

    C’est, en effet, dans un secteur déjà en surcharge, en manque d’effectifs et sous-financé depuis des années, que nous allons devoir, nous soignant·e·s et personnel logistique, administratif et hôtelier, nous battre pour endiguer une pandémie sans précédent.

    Retour sur le plan de crise du gouvernement

    Nous avons appris avant hier les nouvelles mesures prises par le gouvernement en affaires courantes. Nous saluons les précautions et le souci pour les enjeux sanitaires qui touchent l’ensemble de la population. Le gouvernement a en effet finalement été à l’écoute des alertes données par le monde scientifique et par les professionnels du secteur, et comme nous le savons, ce n’est pas forcément à son habitude.

    Néanmoins, nous restons perplexes sur certains points. En effet, nous notons le compromis qui a été réalisé pour maintenir l’activité économique des grandes entreprises, pourtant majoritairement non essentielle au bon fonctionnement de notre société. Il nous semble que les principaux acteurs économiques impactés par les mesures seront les travailleur·euse·s de l’horeca, les étudiant·e·s, le milieu culturel et associatif, ainsi que les petits indépendants qui ont parfois déjà du mal à boucler leur fin de mois. Nous comprenons bien l’idée derrière ces choix, et nous soutenons le principe : il faut éviter les concentrations de population. C’est à ce titre qu’il nous paraît dès lors absurde et dangereux de maintenir l’activité des grandes entreprises où l’on sait que des centaines de travailleur·euse·s vont se côtoyer et plus que probablement risquer de contribuer à la propagation du virus.

    Nous sommes également inquiets par rapport à la question du maintien des salaires des personnes confinées ou dans l’incapacité d’aller travailler. En effet, la précarisation de la population va engendrer des dégâts sanitaires que nous redoutons fortement. Plusieurs études révèlent la corrélation immédiate entre le niveau de revenus et le niveau de santé de la population. Nous sommes donc très préoccupés par ce risque de paupérisation et par les difficultés d’accès aux soins qui ne vont pas faciliter la lutte contre le Covid-19. En effet, il est à noter, dans les annonces du gouvernement, l’absence d’intervention concernant la prise en charge des frais médicaux liés à cette pandémie. Nous sommes face, aujourd’hui, à un secteur de santé inégalitaire, fonctionnant à plusieurs vitesses. L’accès aux soins est de plus en plus conditionné au niveau du revenu des patient·e·s. Face au coronavirus les personnes à faibles revenus ont donc un risque de mortalité plus élevé. Nous ne l’acceptons pas.

    Pour finir, on ne peut pas passer à côté d’une autre annonce stupéfiante : la Ministre de la Santé a défendu, au parlement, quelques heures avant les annonces concernant les mesures à prendre pour lutter contre la pandémie de Covid-19, un projet de loi visant à économiser 48 millions supplémentaires dans les hôpitaux du pays ; cela même alors que depuis des mois le secteur dénonce un épuisement généralisé, et appelle urgemment à un refinancement. N’a-t-elle décidément honte de rien ?

    Alors, sommes-nous prêt·e·s ?

    C’est la question que tout le monde se pose. Comme nous le disions plus haut, le coronavirus arrive comme une charge supplémentaire dans un secteur déjà à bout. Alors, bien évidemment, nous, personnel de la santé, nous allons faire preuve de solidarité et allons donner le maximum pour soigner l’ensemble de la population. Comme à notre habitude, dirons-nous, car c’est là le sens que nous donnons à notre travail.

    Quelles seront les conséquences des économies imposées précédemment dans notre système de santé sur la capacité de prise en charge et de lutte contre la pandémie qui nous menace aujourd’hui ?

    D’abord, il sera toujours plus difficile d’avoir davantage de soignant·e·s au chevet des patient·e·s. Des conditions de travail repoussantes ont eu raison des infirmières, depuis des années, créant une pénurie majeure.

    Ensuite, la marchandisation du secteur a poussé les directions hospitalières à externaliser, précariser, sous-staffer des services essentiels au bon fonctionnement de la structure hospitalière. En effet, aujourd’hui plus que jamais, nous allons avoir besoin du personnel logistique, administratif et hôtelier en nombre, formé, motivé. Une attention particulière devra être donnée au personnel de l’entretien ménager, qui sera dans les jours à venir, tout comme les autres professionnels de la santé, certainement sur-sollicité.

    Pour finir, le tournant managérial de la gestion hospitalière laisse des équipes soignantes sans supervisions professionnelles aptes à traiter les questions de santé. Heureusement que nous savons encore comment faire notre métier. Pour exemple, les soins à domiciles, laissés sans directives et qui ont eu le professionnalisme de se donner des guidelines propres et concrètes pour la gestion de la pandémie. De plus, la gestion managériale du « juste à temps » laissant les unités avec très peu de stock, ce qui présage des grosses pénuries de matériel.

    Pour conclure, nous sommes conscients que nous allons devoir donner beaucoup de nos personnes dans cette phase sanitaire critique. Pour illustrer ces sacrifices, la direction du CHU Saint-Pierre a demandé « d’annuler toutes les vacances, récupérations et congés programmés jusqu’au mois de juin » de tout son personnel. Le personnel de la santé devra être sur le pont ces prochains mois, nous le savons. Ces mesures sont les prémices d’une réquisition qui nous guette, probablement. Mais quelles sont les contreparties proposées par les directions hospitalières et l’Etat pour le personnel de la santé qui sera amené à sacrifier beaucoup durant les mois à venir ? Pour l’instant, et une fois de plus, le personnel des institutions de soins se prépare à ce qu’on lui demande de nombreux efforts, sans la garantie d’une reconnaissance juste et nécessaire.

    Aujourd’hui, plus que jamais, la population réalise l’importance d’avoir des effectifs en suffisance et du personnel soignant sur le terrain, formé et correctement payé, pour faire face aux problèmes de santé. Plus que jamais, nous savons que nous avons besoin de tout le monde dans cette fourmilière qu’est l’hôpital. Du personnel d’entretien au médecin, du laborantin au brancardier, un renfort global des effectifs est bel et bien urgent et nécessaire. Plus que jamais, le monde réalise que la santé est un droit pour toutes et tous, et qu’il serait inacceptable de laisser mourir ceux et celles qui ont peu de moyens. Plus que jamais, nous nous rendons compte que les entreprises privées ne suivent pas cette logique, en spéculant sur la maladie, les médicaments, les produits désinfectants, les masques, etc.

    C’est pourquoi, plus que jamais, notre slogan « + d’effectifs, + de salaires et + d’humanité » fait sens, pendant et après la pandémie.

    Préparons-nous à nous battre sur tous les fronts contre le coronavirus et contre l’austérité !

    Nous demandons :

    • Une protection plus grande de la population en arrêtant toute la production non essentielle afin de limiter réellement au maximum la propagation du virus.
    • Des garanties claires de maintien des salaires pour toutes celles et ceux qui sont amené·e·s à arrêter le travail dans ce contexte de crise.
    • Une prise en charge par l’Etat avec participation importante des grandes entreprises pour toutes celles et ceux qui auront à subir une prise en charge médicale liée au coronavirus.
    • Un arrêt immédiat de toutes mesures d’économies dans le secteur de la santé.
    • Un refinancement massif du secteur pour faire face à cette situation et à toutes situations ultérieures. L’objectif doit être des soins de qualité gratuits pour toutes et tous.
    • Des contreparties sérieuses pour tout le personnel du secteur qui sera amené à travailler dans des conditions encore plus difficiles dans les semaines et mois à venir.

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  • Coronavirus. Réaction d’un pompier “La solidarité et l’organisation par la troupe face à l’insuffisance de moyens”

    “En tant que travailleurs de la santé de premières lignes (NDLR: les pompiers bruxellois sont aussi ambulanciers), nous sommes particulièrement concernés par la pandémie du covid19. En effet, nous sommes les premiers confrontés aux patients suspectés ou infectés, de nous va aussi dépendre les premières mesures de protection de l’environnement du patient quand celui-ci entre à l’hôpital.

    “Nous avons bien évidemment des procédures pour nous protéger, mais il est certain que ces mesures vont faillir à un moment. La question pour nous est de garder notre potentiel de réponse opérationnel un maximum intact et le plus longtemps possible pour protéger la population du covid19 et ou des problèmes quotidiens (incendies, accidents, etc).

    “La direction semblait apathique depuis une semaine et donc la délégation CGSP-ACOD du Service Incendie et d’Aide Médicale Urgente (SIAMU) de Bruxelles a décidé de remettre un véritable plan de bataille sous forme de questionnaire à la hiérarchie pour qu’elle prenne rapidement des mesures radicales. Le SFLP nous a emboîtés le pas et ce jeudi de nuit la direction semble avoir compris partiellement le message et commence à réagir. Comme pour la réaction du gouvernement fédéral nous espérons qu’il n’est pas trop tard.

    “Mais plus que tout, nous sentons le poids d’années de non-augmentation budgétaire et de mauvaise gestion. Nous travaillons en flux-tendu en temps normal tant au niveau du personnel que du matériel, mais cette crise du coronavirus va faire plonger le service dans la pénurie.

    “Déjà en ce début de crise les couacs hebdomadaires deviennent quotidiens, avec des ambulances indisponibles fautes de matériels, des uniformes qui n’arrivent pas, des procédures non-adaptées et du personnel administratif et opérationnel insuffisant. C’est une certitude que cela va aller en s’aggravant.

    “Faire grève dans ces conditions est hors de question pour nous quand la société a le plus besoin des travailleurs de la santé. Énormément de collègues se sont portés volontaires pour annuler des congés (avant que les voyages soient annulés) et d’autres de venir travailler en période dite de repos. Une solidarité et une organisation commence à s’installer par la troupe petit-à-petit pour pallier aux insuffisances dues au manque de personnel et de moyens ainsi qu’au manque de réponse de la hiérarchie.”

    Nous allons publier différentes réactions de travailleurs et de jeunes concernant l’impact de la crise du Coronavirus à leur travail et dans leur vie. N’hésitez pas à nous envoyer votre contribution via redaction@socialisme.be

  • Coronavirus : aux États-Unis, une situation aggravée par les inégalités


    Au début de cette semaine dernière, cinq billions de dollars ont été effacés des marchés boursiers du monde entier, en raison des craintes liées au Coronavirus. Les travailleurs, à l’ombre de la menace du virus, auront cependant des préoccupations bien plus importantes.

    Par Rob Rooke, Socialist Alternative, ASI-USA, article initialement publié le 11 mars

    Alors que le virus COVID-19 fait le tour du monde, des millions de travailleurs seront non seulement préoccupés par leur santé et celle de leur famille, mais aussi par la question de savoir si cette crise les anéantira économiquement. Aux États-Unis, et en particulier sur la côte ouest, on constate déjà une réduction des voyages et des revenus de nombreuses entreprises en raison de l’annulation de conférences. Les effets économiques s’aggraveront si les écoles sont fermées et si d’autres restrictions sont imposées.

    Cinquante millions de personnes en Chine sont actuellement soumises à une quarantaine obligatoire, la plupart ne pouvant pas quitter leur domicile et aller travailler. Au Japon, toutes les écoles seront fermées pendant tout le mois de mars, ce qui oblige les parents qui travaillent et qui ont des enfants plus jeunes à rester à la maison. On estime que l’éducation de 300 millions de jeunes a été perturbée dans le monde entier.

    Plus de 200 personnes sont mortes en Iran et le virus menace de se propager au Moyen-Orient, y compris parmi les réfugiés désespérés en Syrie dans des camps sans infrastructure. Les experts estiment que le nombre de cas de cette maladie dans le monde passera à 100.000 en quelques jours.

    Dans le monde entier, de nombreux hôpitaux n’ont pas de kits de test ou sont à court de matériel. Les masques respiratoires et les désinfectants manquent dans les magasins. Dans les zones les plus touchées par le virus, seuls les plus désespérés se rendent à l’extérieur. De nombreux pays pauvres, le virus se propagera d’autant plus facilement que leurs systèmes de santé sont défaillants, et les quartiers pauvres du monde développé seront les plus touchés par la maladie.

    Quel est le degré d’imminence de COVID-19 aux États-Unis ?

    Ici aux États-Unis, malgré la tentative de l’administration Trump la semaine dernière d’affirmer le contraire, l’épidémie s’étend. Sur la côte ouest, au moment où nous écrivons ces lignes, l’État de Washington s’est déclaré en situation d’urgence sanitaire avec 10 décès signalés, et en Californie, 124 travailleurs de la santé du centre médical de l’Université de Davis sont en quarantaine.

    Les États-Unis seront deux fois plus touchés que les autres pays développés en raison de leur système de santé privé et de la faiblesse de leur réglementation en matière de congé de maladie. Les Centers for Disease Control (CDC) demandent aux gens de faire trois choses : se laver les mains et, s’ils sont malades, rester à la maison et consulter un médecin. Des millions de travailleurs à bas salaire ne pourront se permettre que de se laver les mains.

    Quarante-cinq pour cent des Américains ne disposent pas d’épargne et 24 % disposent de moins de 1.000 dollars de réserve. Ils y réfléchiront à deux fois avant de rester à la maison. Les enseignants, les serveurs, les chauffeurs et les autres travailleurs ayant des contacts fréquents avec les gens sont vulnérables à la maladie. Les employeurs américains ne sont pas tenus par la loi fédérale d’accorder aux travailleurs des congés de maladie payés, ce qui contribue à faire circuler plus de virus au travail que ce qui devrait être le cas. Pour les 60 millions d’Américains qui n’ont pas ou peu d’assurance maladie, consulter un médecin signifie peser le pour et le contre en considérant dans l’équation le paiement du loyer ou des prêts étudiants. Un facteur supplémentaire dans la circulation du virus au travail est la culture de travail oppressive des patrons aux États-Unis, où l’on attend de vous que vous travailliez jusqu’à ce que vous tombiez raide.

    Les travailleurs faiblement rémunérés, surtout les sous-assurés, le plus souvent des femmes, et souvent des personnes de couleur, seront les moins à même de se défendre contre ce virus et ses effets.

    “Je vous demande instamment d’ouvrir les fonds d’urgence de la ville de Seattle et du comté de King pour garantir que toute personne de notre région souffrant d’une maladie respiratoire ait accès à la visite d’un médecin sans crainte de factures médicales”, était-il écrit dans une lettre ouverte de la conseillère socialiste de Seattle Kshama Sawant (Socialist Alternative) aux dirigeants de la ville et du comté de King. Cette lettre souligne la nécessité d’adopter des mesures d’urgence afin d’aider les travailleurs au niveau local. Mais il est encore plus vital de prendre des mesures réelles au niveau fédéral, de mobiliser les ressources nationales et d’assurer une coordination à l’échelle nationale.

    Le 10 mars, le New York Times a publié un éditorial en faveur d’un Congrès “exigeant que les travailleurs reçoivent des congés payés s’ils tombent malades ou s’ils doivent s’occuper d’un membre de leur famille malade”. Comme le journal souligne, 32 millions de travailleurs du secteur privé n’ont pas de congé de maladie payé. Les États-Unis sont l’un des rares pays industrialisés à ne pas avoir de politique de congés de maladie payés, bien que certains États aient adopté une loi en ce sens. Bien que l’appel du Times pour des congés de maladie payés dans cette situation soit rationnel, même d’un point de vue capitaliste, le manque de congés de maladie pour des dizaines de millions de personnes expose en soi à quel point le capitalisme américain est dysfonctionnel.

    Trump à la barre !

    Le Coronavirus exposera aussi pleinement le régime dysfonctionnel et incompétent de Trump. La principale préoccupation du milliardaire en chef est la bourse et sa réélection. La santé et le bien-être des travailleurs sont au bas de sa liste de priorités. C’est le point de départ de sa réponse à l’épidémie.

    Lors de la conférence de presse de la semaine dernière, le président a clairement exprimé sa position : exagérer les succès du confinement et, puisque le vice-président Pence supervise le confinement, faire de lui son bouc émissaire. Le président a contredit la position du CDC selon laquelle le coronavirus se répand. Trump a même affirmé qu’un vaccin était en route, ce que les experts ont exclu. La nomination par Trump de Pence, dont le scepticisme vis-à-vis de la science est bien connu, va ajouter à l’anxiété des experts qui veulent s’attaquer efficacement à cette crise.

    La tentative de garder secrètes les informations précises quant à la propagation du virus en Chine est à la base de celle-ci. L’administration Trump adopte une approche similaire qui aggravera sans aucun doute l’épidémie. Mais les régimes qui mentent éhontément le font souvent à leurs risques et périls.

    Il devient chaque jour plus clair que des semaines précieuses ont été perdues alors que des efforts auraient pu être déployés pour contenir le virus. Cela est particulièrement démontré par la pénurie de tests. L’administration affirme maintenant qu’un million de personnes seront testées d’ici la fin de la semaine. Mais comme le montre la situation dans l’État de Washington, le virus s’y propage depuis des semaines sans entrave, en l’absence de tout plan national sérieux pour une réponse coordonnée

    Les Républicains xénophobes

    Il est dans la nature de la classe capitaliste de rechercher des boucs émissaires. La droite va tenter de brosser le tableau d’un monde hostile à l’Amérique. Le sénateur de l’Arkansas, Tom Cotton, a affirmé que le principal rival économique des États-Unis, la Chine, pourrait avoir fabriqué le virus dans un super laboratoire. C’est un signe des efforts que les républicains, en particulier, déploieront pour protéger leur chef des reproches.

    Jouer avec la xénophobie anti-chinoise permettra quelques gains politiques, mais il est peu probable que cela tienne la route pour la plupart des travailleurs. Cependant, les discriminations à l’égard des Asiatiques et des Américains d’origine asiatique semblent bien s’accroitre. Des centaines de personnes ont défilé dans le quartier chinois de San Francisco le week-end dernier sous la bannière “Fight the Virus NOT the People” (combattre le virus, pas les gens). Comme le changement climatique, cette crise sanitaire exige une réponse internationale qui est minée par les perspectives nationales étroites de chaque classe capitaliste.

    L’effondrement des marchés boursiers internationaux a marqué la fin de l’une des pires semaines de l’histoire de l’administration républicaine actuelle. Ce qui veut dire quelque chose. Suite à l’échec de la stratégie de destitution du Parti démocrate, Trump s’est lancé dans une grande purge contre toute personne résistant à son autorité. Il a chargé un jeune homme de 29 ans, John McEntee, d’enquêter dans tous les ministères fédéraux pour détecter les signes d’un sentiment anti-Trump. De plus en plus, le président s’entoure d’incompétents dont le principal attribut est leur totale loyauté envers le milliardaire. C’est totalement contre-productif pour une catastrophe sanitaire nationale. Trump cherche à faire taire les experts de la santé et à placer ses partisans sur le devant de la scène.

    Le marché aggrave la situation

    L’aspect le plus ridicule de la réponse de Donald Trump à la crise actuelle est peut-être sa suggestion que les Américains achètent des actions afin de soutenir l’économie. Cela illustre sa profonde incompréhension de la crise actuelle, liée à son obsession de rester au pouvoir. Cela illustre aussi à quel point les milliardaires estiment que ce qui est bon pour les entreprises privées est toujours bon pour tous les autres. Cette manière de penser aggravera les perspectives de toutes les personnes concernées.

    Les grandes entreprises monopolistiques qui dominent l’économie américaine ont tendance à considérer les catastrophes comme des opportunités économiques. Leur premier instinct est l’argent et comment en faire plus.

    Comme dans le cas de la crise climatique actuelle, les capitalistes sont non seulement trop dépendants du profit pour élaborer un plan, mais ils sont aussi trop divisés par leurs intérêts étroits pour travailler ensemble à la résolution des problèmes. Dans une crise sanitaire majeure comme celle-ci, ils seront contraints de travailler ensemble dans une certaine mesure. Mais quand la situation requiert rapidité et agilité, ce modèle économique échoue à chaque fois. Une planification est nécessaire, qui exige la participation des travailleurs et des experts de la santé de bas en haut. Dans une économie socialiste démocratique, un tel plan de lutte contre le coronavirus ne reposerait pas sur les bénéfices ou la protection des privilèges de l’élite, il placerait les intérêts des travailleurs au premier plan.

    Quelles sont les mesures à prendre ?

    La réponse scientifique aux épidémies de virus reste la même aujourd’hui que depuis des centaines d’années : isolement et identification, mise en quarantaine, puis recherche des voies de transmission. Plus la réponse est précoce, plus elle est efficace et plus le virus est contenu. Le COVID-19 se contracte très facilement, mais sans un comptage précis des personnes infectées, le taux de mortalité n’est pas clair. À ce stade, il semble être sensiblement plus élevé que celui d’une grippe normale.

    Bien que l’on puisse faire plus, nous sommes opposés aux mesures brutales de quarantaine de masse imposées par la dictature chinoise, où la police a été utilisée sans pitié contre le public. De nombreux districts scolaires envisagent déjà la possibilité de fermer des écoles. Une étude de Women’s Policy Research a révélé que les travailleurs qui se sont rendus au travail pendant leur maladie lors de l’épidémie de grippe H1N1 de 2009 ont probablement causé sept millions d’infections de plus qu’il n’y en aurait eu autrement. Une quarantaine plus large créerait une demande de réponse publique, y compris des mesures d’urgence au même titre que les catastrophes naturelles.

    Le gouvernement fédéral doit immédiatement adopter des mesures d’urgence pour protéger les travailleurs dans la période à venir :

    • Congés de maladie payés pour tous les travailleurs malades et ceux qui s’occupent de parents malades ;
    • Pas de licenciement des travailleurs qui choisissent de se mettre en quarantaine ;
    • Soutien économique, y compris alimentaire, pour les ménages mis en quarantaine ;
    • Des soins de santé gratuits – y compris les visites et les traitements des médecins – pour tous pendant toute la durée de la crise ;
    • Moratoire sur le paiement des loyers et des hypothèques et sur le recouvrement des prêts pendant la crise ;
    • Interdiction des profits des hôpitaux ou des entreprises de fournitures médicales.

    Le pouvoir de la classe ouvrière et une présidence de Bernie Sanders !

    Dans l’immédiat, la nécessité d’une assurance maladie pour tous est cruciale. Les travailleurs n’ont pas besoin d’une épidémie de virus pour les convaincre. Le soutien hésitant de la sénatrice Warren en faveur d’un système national de soins de santé ne correspond pas à l’urgence de l’épidémie actuelle. Cela ne correspond pas non plus à la crise dans la vie quotidienne de millions d’Américains confrontés à des besoins de santé qu’ils ne peuvent pas se permettre de payer. Le plan de Bernie Sanders prévoit une mobilisation massive des travailleurs pour forcer les républicains et les démocrates de l’establishment à adopter la loi sur l’assurance maladie. Socialist Alternative irait plus loin dans la lutte pour un système de soins de santé entièrement public et contrôlé démocratiquement, en faisant passer les chaînes d’hôpitaux et l’industrie pharmaceutique dans le giron de l’État.

    La mise en œuvre du programme complet de Bernie concernant les droits syndicaux, les congés de maladie et d’autres réformes constituerait un grand pas en avant dans la bonne direction. Sanders s’est également engagé à annuler la privatisation et les coupes budgétaires dans les services publics que les démocrates et les républicains ont effectuées. Alors que Trump a essayé de réduire le financement des Centers for Disease Control, une administration Sanders pourrait commencer à rassembler des ressources pour répondre non seulement aux crises sanitaires mais aussi aux catastrophes naturelles qui se produisent plus fréquemment en raison du changement climatique. Mais nous avons besoin de bien plus qu’un simple changement de gouvernement.

    Pour assurer une vie durable et la stabilité économique des travailleurs, nous avons besoin d’un changement systémique profond. Le modèle économique actuel donne la priorité aux intérêts des milliardaires. Les ressources suivent aveuglément le profit et détruisent les familles de travailleuses et travailleurs. Sous le capitalisme, l’apport d’idées de la classe ouvrière reste généralement inexploité. Là où les syndicats existent, nos voix sont entendues, mais essentiellement de manière défensive. Compte tenu des énormes crises écologiques et sanitaires à venir, nous devons changer fondamentalement les priorités de ce monde.

    Nous avons besoin d’un gouvernement reposant sur la classe ouvrière et que cette dernière dispose du pouvoir démocratique à tous les niveaux de la société. Le Coronavirus, en substance, est un autre avertissement sur la nécessité de nous débarrasser d’urgence du système capitaliste.

  • Coronavirus. C’est tout le système qui est malade !

    • Investissements publics massifs dans les soins de santé
    • Nationalisation de l’industrie pharmaceutique
    • Pour une planification démocratique de la gestion de la crise

    Des centaines de milliers d’infections, des milliers de décès, un confinement. Toutes les contradictions et les faiblesses du système sont exacerbées par la crise du coronavirus. Les coupes budgétaires qui ont eu lieu dans les soins de santé et les services publics ont rendu plus difficiles les possibilités de riposter face à la crise. La mondialisation du processus de production implique des conséquences économiques mondiales, il en va de même pour le virus. Si nous laissons la gestion de la crise à la classe capitaliste et à ses partis, ce sont les travailleurs qui en payeront le prix fort.

    Nous l’avons déjà constaté avec les mesures tardives prises contre la propagation du virus. Le gouvernement chinois a tenté de dissimuler la crise pendant quelques semaines cruciales. Il n’en a pas été autrement chez nous : la gravité du danger a tout d’abord été mise en doute. La raison principale était économique : le monde politique défendait les intérêts des grandes entreprises. Même là où il le confinement est complet, comme en Italie, le travail continue alors que le virus ne s’arrête évidemment pas aux portes d’une usine. En Chine, les autorités ont été beaucoup plus rapides à remettre la production sur les rails qu’à prendre des mesures contre la propagation du virus. En régime capitaliste les profits passent avant tout, y compris lorsqu’il s’agit de la santé publique.

    Les années de coupes budgétaires dans le secteur des soins de santé et dans les services publics, y compris les soins aux personnes âgées, rendent plus difficile la réalisation d’un plan efficace axé sur les besoins de la population. Les images du chaos dans les services d’urgence en Italie parlent d’elles-mêmes. Le dévouement remarquable du personnel soignant témoigne de la solidarité qui caractérise la classe ouvrière. Les infirmières travaillent littéralement jusqu’à tomber de fatigue alors que le contact quotidien avec des patients infectés comporte de grands risques : de 3 à 5% du personnel soignant des hôpitaux du nord de l’Italie est lui-même infecté. Néanmoins, ce personnel soignant travaille d’arrache-pied pour faire face à la crise. Nous le constatons à chaque catastrophe : la masse de la population et des travailleurs se surpasse pour aider les autres.

    Quel contraste entre cet engagement et cette solidarité du personnel et la cupidité des grandes entreprises et des capitalistes, qui n’hésitent pas à spéculer sur le prix des produits de protection (masques de protection, gel hydro-alcoolique, gants). La valeur en bourse des actions d’Orapi, l’entreprise française leader du marché européen des produits de nettoyage industriel, a augmenté de 30% lors du crash boursier du 9 mars. Les actions des grands supermarchés comme Wall Mart ont été relativement épargnées, car les spéculateurs supposent que les gens vont s’y précipiter. Au lieu d’élaborer un plan de distribution alimentaire efficace dans les régions les plus touchées, des profits spéculatifs sont accumulés sur base du chaos. Les entreprises pharmaceutiques sont en concurrence pour être les premières à développer un vaccin et toucher le jackpot. La collaboration et le partage d’informations seraient plus efficaces, mais c’est contraire à la concurrence et à la loi du marché.

    La crise du coronavirus dévoile l’échec du capitalisme. Ce système est malade : le secteur de la santé se fissure, les entreprises pharmaceutiques se font concurrence, il n’y a pas de plan efficace pour faire face à la crise. La Banque nationale belge a libéré une réserve d’un milliard d’euros pour les banques du pays. Elles sont protégées contre les pertes résultant de la crise du coronavirus. Les travailleurs et le secteur des soins de santé en général ne bénéficient pas d’une telle sollicitude. Il n’est pas question d’investir des milliards dans les soins de santé. Il n’est pas non plus question de protection pour ceux qui deviennent chômeurs temporaires. Le mouvement ouvrier doit s’organiser pour que ça change : imposer une planification démocratique de la gestion de la crise, afin que ce ne soient pas les travailleurs qui paient la note de ce système malade.

    Ce système capitaliste incapable de protéger notre santé doit être renversé de toute urgence. Nous avons besoin d’un remède efficace contre ce système malade. C’est pourquoi nous nous battons en faveur d’une société socialiste dans laquelle les secteurs clés seront placés entre les mains de la collectivité afin qu’une planification rationnelle et démocratique de l’économie axée sur les besoins de la majorité de la population soit possible.

  • Italie “Arrêtons tout avant qu’il ne soit trop tard ! Le virus ne s’arrête pas aux portes de l’usine !”

    Réaction de Giuliano Brunetti, Resistenze Internazionali, Alternative Socialiste Internationale – Italie 

    Après un retard inutile, le gouvernement a maintenant décidé de renforcer les mesures visant à contenir la propagation du coronavirus en Italie. Dès mardi, un décret du président du Conseil, Giuseppe Conte, a ordonné la fermeture de toutes les activités commerciales, à l’exception des pharmacies, des kiosques à journaux et des épiceries. Cette mesure s’ajoute à la fermeture de tous les lieux d’étude et de rassemblement : universités, écoles, gymnases, cinémas, bars et théâtres. Ce décret remplace celui qui a transformé tout le pays d’abord en zone orange puis en zone rouge, et celui qui a verrouillé de nombreuses régions du nord.

    Afin de contenir la propagation du Coronavirus, il nous est demandé, à juste titre, de rester chez nous et de limiter les contacts au minimum. Si nous devons quitter notre domicile, nous devons signer une déclaration certifiant que nous sommes en bonne santé. En gros, cela signifie qu’il n’est permis de quitter la maison que pour aller travailler, chez le médecin ou pour faire des courses. Une seule personne par famille est autorisée à le faire.

    Si vous quittez votre domicile sans raison valable, vous risquez une amende et une mise en accusation pénale. Des centaines de personnes ont déjà été signalées par la police pour avoir enfreint cette ordonnance. La police arrête les gens dans la rue pour vérifier s’il existe des raisons sérieuses et fondées de quitter son domicile. Ces mesures drastiques ont un sens si elles sont prises par toutes les personnes de tous âges et de tous statuts sociaux.

    Mais pourquoi alors, les entreprises ne ferment-elles pas ? Même s’il est nécessaire de réduire les déplacements au minimum, les entreprises restent ouvertes, ce qui démontre la servilité du gouvernement envers la Confindustria, la fédération patronale italienne, et rend vaines les autres mesures adoptées.

    Quelqu’un pense-t-il sérieusement que le virus ne va pas se propager aux entrepôts logistiques, aux cantines d’usine ou dans les bus et les trains que nous utilisons pour nous rendre au travail ? Quel est l’intérêt de bloquer le transit des personnes, si les marchandises circulent librement et sans être dérangées ? Quel est l’intérêt de fermer des restaurants, mais de maintenir les services de livraison à domicile des plateformes Justeat et Deliveroo ? Pourquoi permettre aux coursiers de la BRT de continuer à travailler sans aucune mesure de sécurité, comme des masques ? Pourquoi n’est-il pas possible de distribuer gratuitement et immédiatement des masques sanitaires au personnel de la grande distribution et aux catégories de travailleurs : chauffeurs, routiers, éboueurs qui doivent continuer à travailler ?

    Face à cette situation, où les profits des capitalistes sont plus importants que la santé collective de millions d’Italiens, les travailleurs de dizaines d’entreprises se sont engagés dans des grèves spontanées pour exiger que leur droit à la santé soit respecté. Des grèves et des mobilisations ont déjà eu lieu chez Fiat à Pomigliano, Pasotti à Brescia, Piaggio à Pontedera, Electrolux à Susegana et Bonfiglioli à Bologne. D’autres grèves sont prévues pour chez Fincantieri à Palerme et Vitesco à Pise. Il est probable que ces grèves s’étendront encore. Les trois principaux syndicats de métallurgistes, la FIM, la FILM et l’UILM, exigent l’arrêt complet de la production jusqu’au 22 mars. L’Unione sindacale di base (USB) a, pour sa part, annoncé un plan de 32 heures de grèves dans les secteurs industriels non essentiels, à partir d’aujourd’hui.

    Pour arrêter la propagation du virus, il faut mettre un terme à tout travail inutile. Les transports aériens, ferroviaires, maritimes et routiers, sauf s’ils sont essentiels, doivent maintenant cesser. Face à la gravité de la situation, à un système de santé national qui risque de s’effondrer, entraînant avec lui des centaines de vies, nous devons immédiatement arrêter la production, juste pour faire des profits, et fermer les bureaux, les usines et les entreprises inutiles. C’est la seule décision sensée à prendre pour le moment.

    Dans le même temps, des paiements spéciaux de quarantaine doivent être immédiatement introduits pour garantir que les millions de travailleurs qui perdront leur salaire à cause de la pandémie ne risquent pas de mourir de faim. Le recours au Fonds d’allocations complémentaires extraordinaires doit être immédiatement mis à la disposition de tous les travailleurs de tous les secteurs, quel que soit leur type de contrat et quel que soit le nombre d’heures travaillées. Des suppléments de salaire devraient être accordés à tous les travailleurs occupant des emplois précaires, par exemple dans le tourisme et la restauration, qui travaillaient avant l’épidémie sans contrat en bonne et due forme ou avec des contrats « à durée zéro », surtout lorsqu’ils auront plus de difficultés à trouver du travail à l’avenir.

    Dès mercredi soir, avec plus de 12.000 cas confirmés, un chiffre certainement bien inférieur à la réalité, le test de dépistage de la maladie doit être effectué pour l’ensemble de la population, en commençant par les personnes les plus à risque. Des prélèvements ne devraient pas être faits uniquement pour les cas les plus graves, lorsque les symptômes de la maladie sont déjà évidents et que l’infection s’est déjà propagée. Les porteurs de virus peuvent être asymptomatiques et la période d’incubation peut durer jusqu’à vingt jours. Il est donc nécessaire de surveiller toute la population résidente afin de cartographier la population infectée pour qu’elle puisse être correctement isolée, traitée et assistée non seulement sur le plan médical, mais aussi en ce qui concerne la nourriture et les autres produits nécessaires !

    Cette grave crise dans laquelle beaucoup d’entre nous risquent de perdre leur emploi, leur stabilité économique et, dans certains cas, même leur vie – il y a déjà plus de mille morts rien qu’en Italie – doit être abordée de manière décisive et transparente, avec la participation des syndicats et de l’ensemble de la population à la prise de décision.

    Aujourd’hui, le Service national de santé devrait être doté de toutes les ressources nécessaires pour permettre à nos héroïques médecins, infirmières et personnel auxiliaire de mener cette dure bataille contre cet ennemi invisible. Pas un lit d’hôpital, pas une seringue, pas un seul médicament ne doit être détourné de son usage pour assurer la santé et le traitement des personnes. Les installations médicales privées doivent être réquisitionnées immédiatement ! Les cliniques et les centres de traitement privés doivent être immédiatement intégrés au NHS et le personnel qui y travaille doit bénéficier des mêmes conditions que celui qui travaille dans le système étatique.

  • Coronavirus : marchés boursiers en chute libre et craintes d’une nouvelle récession

    Le plus grand effondrement du marché depuis la crise de 2008

    Per Olsson, Rättvisepartiet Socialisterna, section suédoise d’Alternative Socialiste Internationale. Article initialement publié le 10 mars.

    L’effondrement des bourses qui s’est produit lundi 9 mars a été le plus important depuis le début de la crise du capitalisme mondial en 2008. La chute de la bourse des États-Unis à l’heure d’ouverture a été si sévère qu’elle a entrainé un arrêt technique des échanges après seulement cinq minutes.

    Cet effondrement des marchés boursiers mondiaux a été provoqué non seulement par la perte de production et la stagnation de la croissance causées par l’épidémie de coronavirus, mais aussi par une nouvelle menace : un nouveau conflit portant sur le cours du pétrole.

    Ce conflit s’est déclaré après que l’Arabie saoudite a baissé le prix de son pétrole en guise de réponse au refus de la Russie de convenir d’une réduction de la production. Lundi, le cours du pétrole a atteint son niveau le plus bas depuis la première guerre du Golfe, en 1991.

    Tout semble indiquer que les effets du krach boursier de lundi et de ceux qui se sont produits dans les jours et les semaines qui ont précédé ne sont pas des phénomènes temporaires. Il s’agit de la tempête parfaite, qui présage de nouvelles tempêtes dans le futur proche.

    « L’effondrement du cours du pétrole et la réduction de la demande suscitée par l’épidémie de coronavirus créent un cocktail toxique ; si le marché chute de façon si brutale à présent, c’est en raison de la crainte d’une récession mondiale », a déclaré ce lundi Mme Johanna Kull, économiste chez Avanza.

    L’économie mondiale est aujourd’hui plus faible qu’au début de la crise de 2007-2009, laquelle a eu pour conséquence la guerre commerciale, une hausse massive des montagnes de dettes, et des déséquilibres.

    Même avant la propagation mortelle du virus, la croissance économique en Chine avait déjà ralenti (l’année dernière, l’économie chinoise a connu une croissance de 6,1 %, soit le taux de croissance le plus faible depuis 29 ans) et plusieurs pays étaient au bord de la récession. Le commerce mondial avait également déjà cessé de croitre à la fin de l’année dernière.

    Craignant de voir la baisse de l’activité économique (particulièrement prononcée dans l’industrie) se propager aux marchés financiers, les gouvernements et les banques centrales ont ressuscité leurs mesures de « relance ciblée », qui se sont traduites par un retour de la politique monétaire d’« assouplissement quantitatif » : une baisse des taux d’intérêt et d’autres mesures destinées à garantir l’accès des marchés financiers à des prêts bon marché. Cette politique a temporairement joué le rôle de « lubrifiant » pour les cours des actions et pour les profits, même si l’effet sur l’économie réelle en a été extrêmement limité.

    Mais lorsque le coronavirus a commencé à se propager et que l’économie chinoise, la deuxième au monde (et bientôt la première), a été mise à l’arrêt, toutes les tendances à la crise déjà présentes se sont renforcées. Depuis le début de l’année, l’économie chinoise est au point mort. Pris de panique, le régime chinois et les capitalistes de ce pays ont maintenant commencé à prendre des mesures visant à lever l’état d’urgence pour forcer les travailleurs à retourner sur leur lieu de travail, malgré le risque de contagion persistant. Ce retour au travail forcé pourrait rapidement engendrer une catastrophe humaine et une crise économique encore plus graves.

    Dans son pronostic du 2 mars, l’OCDE écrivait : « La contraction de la production en Chine se ressent dans le monde entier, mettant en évidence le rôle de plus en plus crucial que joue la Chine dans les chaines d’approvisionnement, les voyages et les marchés de denrées de base mondiaux ». L’institution met également en garde contre ce phénomène : « Une épidémie de coronavirus plus durable et plus intense, qui se propagerait à une grande échelle dans la région Asie-Pacifique, en Europe et en Amérique du Nord, affaiblirait considérablement les perspectives économiques. Dans ce cas, la croissance mondiale pourrait tomber à 1,5 % en 2020, soit la moitié du taux prévu avant l’apparition de ce virus ».

    Les exportations de la Chine ont chuté de façon spectaculaire au cours des deux premiers mois de l’année, ce qui, au vu de son important déficit commercial, envoie au régime le signal que « la situation va s’aggraver », comme l’a écrit le South China Morning Post le 9 mars.

    Le fait que la bourse de Wall Street n’ait pas connu la moindre hausse la semaine dernière malgré la réduction de 50 points de son taux directeur par la Réserve fédérale américaine reflète à la fois le pessimisme et les inquiétudes de l’élite capitaliste qui estime que même le « marché » ne fait pas très confiance à la diminution des taux d’intérêt.

    Comme l’écrivait M. Andreas C?ervenka dans Dagens Industri le 3 mars, « L’inquiétude des marchés concernant le coronavirus rappelle les semaines qui ont suivi le crash de la banque Lehman : la seule chose qui est certaine, c’est que rien ne l’est. Partout règnent les suppositions et les rumeurs. La différence par rapport à 2008 est que l’économie mondiale affronte aujourd’hui cette nouvelle crise en partant déjà d’une position de faiblesse. Et les mesures de relance ne semblent guère gêner le virus ».

    Cependant, les autres banques centrales vont suivre la tendance ; tandis qu’au même moment, les gouvernements sont prêts à dépenser des sommes vertigineuses pour mettre le capitalisme et les capitalistes à l’abri du danger. Cela pourrait éventuellement ralentir le cours de la crise, surtout si ces mesures de relance sont accompagnées d’autres plus globales, sous la forme d’investissements dans les infrastructures, de programmes pour l’emploi et autres. Mais même ces efforts ne pourront éviter la persistance de la stagnation ou donner au capitalisme la stabilité nécessaire pour éviter de nouvelles crises économiques et politiques.

    Sur un large front, tous les pronostics économiques sont maintenant revus à la baisse. D’après Bloomberg Economics, l’économie chinoise ne devrait croitre que de 1,2 % au premier trimestre 2020 par rapport à l’année précédente, soit la plus faible croissance jamais enregistrée. Mais sans reprise rapide en mars, même cette prévision pourrait s’avérer optimiste.

    Le capitalisme chinois est le principal moteur de croissance du capitalisme mondial depuis la crise de 2008-2009 et personne ne peut le remplacer, surtout maintenant que le capitalisme états-unien se développe également plus faiblement que prévu, que le Japon et la Corée du Sud sont déjà en récession, et que la croissance dans la zone euro risque d’être négative pour le premier semestre de cette année.

    Pour les travailleurs et les jeunes, il est nécessaire de se préparer politiquement et rapidement aux périodes de turbulences qui nous attendent. D’abord et avant tout, en reprenant la lutte contre le mélange toxique formé par le capitalisme, la politique droitière et l’épidémie. Nous devons exiger une protection et des mesures préventives contre le coronavirus, une indemnisation complète pour tous ceux qui ne peuvent se rendre au travail totalement ou partiellement, des soins médicaux gratuits, une assurance maladie générale et une expansion rapide des soins de santé publique, des fonds pour le développement de vaccins ainsi que l’amélioration des conditions des travailleurs de la santé, le droit de travailler à domicile et la fermeture immédiate de tous les environnements à risque.

    Une nouvelle récession mondiale, venant s’ajouter à une décennie perdue d’austérité et de stagnation, soulignera encore davantage, aux yeux de millions de personnes, la faillite du système capitaliste et la nécessité d’une alternative socialiste permettant d’assurer la solidarité internationale et la planification démocratique de l’économie pour répondre aux besoins de la population et de la planète.

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