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  • Cameroun: Non à la dictature ! Non au RDPC !

    Récemment, le RDPC, le parti du président du Cameroun, a convoqué une réunion à Liège. Mis au courant grâce à l’un de nos camarades camerounais, plusieurs membres du Mouvement pour une Alternative Socialiste se sont rendus à cette réunion pour protester contre la dictature et contre l’implantation d’une cellule locale du RDPC en région liégeoise.

    Dictature et corruption sur le dos du peuple

    La situation au Cameroun, comme d’ailleurs partout en Afrique, est particulièrement préoccupante. Depuis la fin des années ’60, le pouvoir est exercé par un seul parti, l’Union Nationale Camerounaise, devenue en 1985 le Rassemblement « Démocratique » du Peuple Camerounais. Il aura fallu attendre 1991 et de nombreuses révoltes et émeutes contre la dictature pour qu’un multipartisme de façade soit instauré.

    Cependant, lors des élections de 1992, le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, a réussi à se maintenir à la tête du pays en truquant les élections, comme il le fait toujours d’ailleurs. Son pouvoir est exorbitant. Entre autres :

    • il est le président du parti majoritaire absolu au parlement, et chef du gouvernement,
    • il nomme, récompense ou punit les magistrats,
    • en tant que chef suprême des forces armées, il gère directement la police et la gendarmerie,
    • il nomme les emplois civils et militaires,
    • il nomme le conseil constitutionnel, la cour des comptes, ceux qui vérifient le bon déroulement des élections,…

    Il faut ajouter à cela le contrôle des journaux, des radios, de la télévision…

    Les études de l’ONG Transparency International font ressortir que cette dictature a deux fois été le N°1 mondial en terme de corruption (en 1999 et 2000). En 2006, le Cameroun n’était « plus » que 25e sur 163 pays… Le journal “The African Independent” a par exemple dénoncé le fait que l’ancien directeur des impôts aurait acheté son poste de ministre des finances pour 2 milliards de francs CFA (un peu plus de 3 millions d’euros). En 2004, plus de 50% des ménages camerounais ont reconnu avoir versé au moins un pot-de-vin.

    Toujours d’après Transparency International, en 2005, chaque ménage camerounais aurait dépensé environ 102.500 francs CFA (156 euros) en moyenne en pot-de-vin. Cela représenterait de un tiers à un cinquième des revenus des ménages les moins aisés. Selon Christol Georges Manon, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption au Cameroun, 40% des recettes enregistrées chaque année ne servent pas le développement pour cause de corruption. La dictature a bien tenter de donner le change, mais comme le dit un avocat camerounais: « les poissons ne peuvent pas voter un budget pour l’achat des hameçons »…

    Les multinationales et entreprises occidentales ne sont pas étrangères à ce processus. Le parquet de Paris a par exemple ouvert un enquête contre Total pour soupçons de corruption dans l’exploitation et la commercialisation de pétrole au Cameroun.

    Les violations des droits de l’homme sont monnaie courante dans ce pays où la peine de mort est toujours d’actualité. En 2005, un exemple a particulièrement ému l’opinion internationale, celui d’une dizaine de gays camerounais emprisonnés à cause de leur orientation sexuelle différente. L’homosexualité est en effet considérée comme une infraction… Des idées que l’ont pourrait retrouver sans aucune difficulté au Front National par exemple. Il est vrai que Chantal Biya, la femme du président, est en excellents termes avec Jany Le Pen, et a d’ailleurs souhaité bonne chance à Jean-Marie Le Pen pour les élections…

    Une réunion fort révélatrice…

    Alors que la réunion à Liège devait commencer à 17h00, la délégation officielle n’est arrivée que sur le coup de 21h00…

    Nous avons mis à profit ce long temps d’attente pour discuter avec la cinquantaine de Camerounais qui s’était déplacée. La majorité des présents étaient là pour demander des comptes aux représentants du pouvoir en place, chose qu’ils ne peuvent pas faire au pays sous peine d’emprisonnement dans des conditions extrêmements pénibles. Nous avons été très bien reçu avec nos pancartes « Non à la dictature, non au RDPC » et « Non à la Répression Dictatoriale du Peuple Camerounais », comme en témoigne la diffusion de notre mensuel, l’Alternative Socialiste, parmi la communauté camerounaise présente. Les messages de solidarité ont fusé des deux côtés, sous quelques regards un peu plus sombres…

    Quand enfin la délégation officielle est arrivée, nous sommes également rentrés, silencieux, mais en brandissant toujours fièrement nos pancartes. Une discussion vive et animée s’est engagée et la police a été appelée, sous les protestations d’une partie des participants. Le temps que nous soyons jetés dehors, nous avons toutefois pu voir comment était orientée la discussion de la tribune.

    L’orateur a pris la parole sans un mot d’excuse pour les 4 heures de retard, avant qu’un Camerounais indigné ne lui fasse la remarque. Pour beaucoup, c’était assez révélateur de la manière dont les choses se passent au Cameroun : on traite la population comme autant de chiens galeux, aucune raison de s’excuser de quoi que ce soit… Ensuite, les personnes présentes ont pu voter pour la seule et unique liste de responsables de la section locale qui était constituée, selon les remarques ironiques de notre camarade, majoritairement d’étudiants qui voient dans ces fonctions une manne d’argent pour faire face au coût des études qu’ils ont entrepris en Belgique.

    C’est à ce moment que la police est arrivée, avec le responsable du local, bien désolé de se rendre compte un peu tard qu’il avait loué la salle à un parti dictatorial.

    Quel droit avons-nous de critiquer ?

    Comme nous l’ont fait remarqué certains, la Belgique est mal placée pour donner des leçons sur beaucoup de points (Charleroi, entre autres exemples, a désormais une renommée internationale…). Cependant, nous ne nous définissons pas comme des moralisateurs attachés à la Belgique, mais comme des activistes politiques attachés au sort des travailleurs, quelles que soient leurs nationalités. C’est-à-dire contre les Etats, belges ou camerounais, qui ne servent qu’à préserver l’ordre établi et l’exploitation.

    S’il est vrai que la situation est bien différente en Belgique, il faut aussi voir d’où cela vient. Et là, il faut constater que la richesse d’un pays ne veut pas dire nécessairement la richesse d’une population et qu’elle se construit souvent sur le dos d’autres pays. Que dire de la colonisation du Congo par exemple ? On parle peu en Belgique de l’exploitation gigantesque qui a assassiné plusieurs millions de Congolais uniquement sous Léopold II.

    Vis-à-vis du Cameroun, l’activité de certaines entreprises belges, sous le silence complice de nos dirigeants, révèle un cynisme extraordinaire. Une étude réalisée au Cameroun précise par exemple que la Belgique est le deuxième pays exportateur de poulets congelés vers le Cameroun. Ces exportations sont un véritable drame pour toute l’Afrique de l’Ouest qui voit ces arrivages de Belgique ou d’ailleurs inonder les marchés locaux à des prix 2 ou 3 fois moins chers. Conséquence : la pauvreté augmente de façon gigantesque en parallèle avec les problèmes de santé de la population.

    Autre exemple, chez nous cette fois : une jetée a été construite à Nieuport – avec l’aval des autorités flamandes – en azobé, un bois en provenance du Cameroun. Problème : il ne s’agit pas de bois certifié, c’est-à-dire que la coupe a été faite de manière illégale et dans une région à la biodiversité exceptionnelle où vivent des populations subsistant directement de la forêt. Ces abattages illégaux auraient déjà fait perdre 75 millions d’euros de taxe au Cameroun. Il faut dire que la population n’aurait de toute façon pas trop vu la couleur de ces taxes et que la corruption du pays encourage ce genre de pratiques… Le relatif bien-être que nous avons dans les pays dits développés se fait en partie sur le dos de l’exploitation des populations du Tiers-Monde. Cela rend-t-il nos gouvernements moins odieux ?

    Contre cette logique de profit qui mène la planète à la catastrophe, nous opposons la lutte et la solidarité des travailleurs pour une autre société, une société socialiste.

  • Libéralisation de la poste: 275 bureaux en moins!

    Libéralisation de la poste: 275 bureaux en moins!

    Par voie de presse, il a été annoncé que La Poste voulait fermer environ 275 de ses 1.300 bureaux de poste l’an prochain. Et ce n’est qu’un début ! A terme, la direction veut en arriver à une situation où il n’y aurait plus qu’un seul bureau par commune. Il ne subsisterait donc que 589 bureaux.

    Un correspondent

    Plaintes en hausse sur la qualité du service

    En à peu près six ans, ce seraient donc deux tiers des bureaux de poste qui devraient disparaître, comme une bonne partie des conditions de travail du personnel et de la qualité du service, d’autant plus amoindrie que les boîtes rouges sont elles aussi en voie d’extinction.

    En remplacement, des points-postes devraient être installés dans des grandes surfaces, des librairies, des gares et des maisons communales pour n’offrir qu’un service minimum. Dans les bureaux restants, il faudra sérieusement prendre de quoi s’occuper en attendant d’être servi.

    Les plaintes, par contre, vont continuer à augmenter. 2006 promet d’être une année record sur ce plan, avec quelques 75.000 plaintes par mois, 20% de plus que l’an passé.

    La réduction du temps accordé pour effectuer les tournées, due à l’introduction des plans Géoroute 1 et 2, a augmenté la pression au travail et le nombre de plaintes.

    Hausse du prix du timbre

    Autre annonce, le timbre non prior, le moins cher, va disparaître. En échange, la direction promet que tous les courriers seront distribués le lendemain.

    L’utilisateur de timbres non prior payera 6 cents de plus (+12%). Cette hausse frappera surtout l’homme de la rue, les petits clients. En revanche, la Poste offrira des réductions aux gros clients pour les fidéliser après la libéralisation du marché postal en 2009. La suppression du timbre non prior entrera en vigueur fin mai, …soit après les élections fédérales.

    Pas assez de moyens ?

    Les 5 nouveaux centres de tri seront aussi opérationnels après les élections. Gand X est maintenant établi à Wommelgem. Le centre de tri est aussi grand que 18 terrains de football et a coûté 250 millions d’euros (10 milliards de francs belges). Au total, quelques 1250 millions d’euros seront investis dans les 5 centres de tri.

    Il y a deux ans, l’argent n’était pas disponible pour tenir les engagements pris en convention collective sur la semaine des 36 heures pour le personnel ni pour maintenir la retraite anticipée. Et voilà qu’il y a soudain 1250 millions d’euros… D’où viennent-ils ? On dirait un projet de surinvestissement, comme à la Sabena. Cela explique peut-être aussi la scission de mail (distribution du courrier) et de retail (service financier), qui permettra de vendre l’un des deux.

    Au-delà des investissements, 10 millions d’euros vont chaque année au nouveau partenaire anglo-danois qui s’est offert 49% des actions pour 300 millions d’euros.

    Les restructurations signifient des pertes d’emploi

    Restructuration après restructuration, des 44.000 emplois il y a 10 ans, il n’en reste que 35.000. Après avoir accepté une flexibilité accrue, la modération salariale, le travail du week-end, … plusieurs milliers d’emplois disparaîtront encore. Pour l’usager, la « libéralisation » du marché, ce sont des prix plus élevés, pour des services diminués.

    La voilà, l’Europe néolibérale !

  • Négociations salariales: les patrons réalisent des profits records, mais en veulent toujours plus

    Réponse à un courrier des lecteurs de la FEB

    Le 6 octobre, notre rédaction a eu l’honneur de recevoir un courrier d’un lecteur inhabituel. Le service d’information de la FEB (Fédération des Entreprises Belges) nous a demandé d’attirer l’attention de nos lecteurs sur une rectification. Il y aurait eu, selon lui, une « erreur » dans un article de notre site. Nous y avions parlé de « l‘avarice » de la FEB et des topmanagers, en nous référant entre autre à l’augmentation des salaires des membres de la direction des entreprises reprises dans l’indice boursier belge, le Bel-20. Si nous savions déjà que nos articles et positions avaient un certain écho, notre étonnement a cependant été grand d’apprendre que le patronat belge suivait également notre argumentation.

    Peter Delsing

    Topmanagers nécessiteux?

    La FEB nous écrit ainsi : « Nous avons lu l’article ci-dessous avec intérêt. Noussignalons cependant que la supposition selon laquelle les salaires des membres de la direction des entreprises côtées au BEL-20 auraient augmenté de 12 % (cfr Trends/Tendances) est complètement fausse »

    S’agit-il alors de pauvres nécessiteux, à l’aube des négociations salariales avec les syndicats? Il semblerait que oui… « Le rédacteur de Trends/Tendance a reconnu quelques semaines après que ses calculs étaient erronés et que la véritable hausse des salaires des topmanagers n’était que de 2 %, moins que l’inflation donc. Il nous semble opportun que vous indiquiez à vos lecteurs cette rectification. »

    On pourrait donc croire en lisant ces lignes que les topmanagers, à cause de l’inflation, ne peuvent plus mettre de beurre sur leurs tartines.

    A partir de novembre se dérouleront les négociations salariales entre les syndicats et le patronat qui devraient déboucher sur un nouvel Accord Interprofessionnel (AIP). Les enjeux – et la FEB le sait- ne sont pas minces. La colère de beaucoup de salariés et de militants syndicaux remontera-t-elle à la surface un an après un mouvement contre le Pacte des générations stoppé de façon anti-démocratique par les directions syndicales? Ou bien les patrons arriveront-ils encore à faire payer les salariés pour augmenter des profits déjà exorbitants, en dépit du pouvoir d’achat à la baisse et de la misère croissante

    Des profits records !

    Depuis le début de la politique néolibérale, faite d’austérité et de modération salariale, un gigantesque transfert de richesses s’est produit des travailleurs vers les riches. En 1981, début de cette politique et année de crise économique, les profits des entreprises représentaient 20 milliards de francs belges. Six ans seulement plus tard, ils pesaient déjà 167 milliards, soit 8 fois plus. Dix ans après, en 1997, les profits atteignaient 1.240 milliards de francs. Pendant cette même période (de 1981 à 1997), les prix ont augmenté d’environ 60 % sous l’effet de l’inflation. Les 1.240 milliards de francs de 1997 représentent donc 775 milliards en francs de 1981. Les profits (inflation déduite) de 1997 sont donc 4,5 fois plus élevés qu’en 1987 et… 39 fois plus élevés qu’en 1981.

    La FEB devrait aussi savoir que, pendant la dernière décennie (1997-2006), les patrons n’ont pas vu fondre leurs profits. Tout au plus, à cause d’une croissance plus faible, le rythme d’augmentation a-t-il ralenti. En 2003, les profits des entreprises étaient de 37 milliards d’euros ! Inflation déduite, on arrive ainsi à l’équivalent de 870 milliards de francs de 1981, soit plus de 43 fois le montant de 1981 !

    Ces dernières années n’ont pas été non plus faites de vaches maigres pour le patronat. Les 97 plus grandes entreprises qui ont clôturé leur comptabilité fin 2005 ont indiqué un profit net commun de 18 milliards d’euros, en hausse de 31 % par rapport à 2004. En 2005, les profits des banques Dexia et KBC ont augmenté respectivement de 12 et 39%.

    Celui ou celle qui a vu sa fiche de salaire augmenter pareillement peut lever la main. Les études montrent que le pouvoir d’achat des salariés du privé a baissé de 2,08 % depuis 10 ans, celui des fonctionnaires de 2,28 % et ceux des non-salariés de 2,61 à 3,25 %. Les modifications imposées à plusieurs reprises à l’index ont engendré une baisse de notre pouvoir d’achat. Ces pourcentages sont encore probablement sous-estimés, vu que le loyer n’est pas encore totalement compris dans l’index actuel.

    L’index sapé engendre, depuis des années, une baisse de notre pouvoir d’achat. Ces pourcentages sont encore probablement une sous-estimation, vu que le loyer n’est pas encore totalement compris dans l’index actuel.

    Topmanager: 1,5 millions d’euros par an. Et vous?

    Le PDG d’une entreprise du Bel-20 gagne en moyenne 1,5 milions d’euros par an. Et quand Pieter Timmermans, manager à la FEB, juge que les salaires des travailleurs ont trop augmenté, il veut en fait dire qu’ils n’ont pas encore assez perdu de pouvoir d’achat.

    Nous devons exiger une véritable hausse des salaires: les patrons et les grands actionnaires ont augmenté énormément leur part du gâteau depuis 25 ans. Leur soif de profit face à la ‘concurrence’ a entraîné la société dans une logique terrible. Plus de richesse d’une part, plus de pauvreté d’autre part. Nous devons nous opposer à une indexation qui ne porterait plus que sur les salaires nets (comme le réclame le VOKA, une organisation extrémiste du petit patronat flamand), ce qui minerait la sécurité sociale. Les directions syndicales ne doivent pas se laisser séduire par cette proposition qui aboutirait à limiter la hausse du pouvoir d’achat à la minorité des salariés aux revenus les plus bas.

  • 50e anniversaire de la catastrophe minière de Marcinelle

    50e anniversaire de la catastrophe minière de Marcinelle

    Le 8 août 1956, la plus grande catastrophe minière que la Belgique ait connue se produit dans la mine du Bois du Cazier, à Marcinelle (près de Charleroi). Elle fait 262 victimes, de douze nationalités différentes, dont plus de la moitié sont des italiens. Cinquante ans plus tard, les causes du drame – les mauvaises conditions de travail et le manque de sécurité – sont toujours d’actualité… même si la grande presse n’en parle guère.

    Marie Francart

    Rappel des faits

    Le 8 août, à 8h10 du matin, 274 mineurs viennent de se mettre au travail, lorsqu’un ouvrier-encageur qui travaille dans la mine, commande la remontée de wagonnets de charbon vers la surface. Un des chariots, mal engagé, dépasse de la cage métallique qui le hisse et accroche, lors de sa remontée, une poutrelle. Celle-ci sectionne deux câbles électriques à haute tension, une conduite d’huile sous pression et un tuyau d’air comprimé. Les boiseries s’enflamment aussitôt. Attisé par l’action d’un ventilateur, l’incendie se propage, répandant des gaz carboniques mortels dans les galeries où travaillent les mineurs, à une profondeur de plus de 900 mètres. C’est ainsi que ce qui aurait pu être un simple incident technique s’est transformé en véritable catastrophe.

    L’épais nuage de fumée noire qui sort du puits alerte rapidement le personnel de surface ainsi que les proches des mineurs qui viennent s’accrocher aux grilles du puits afin d’obtenir des nouvelles de leur parent prisonnier du brasier. Malgré le travail acharné et de longue haleine (pendant 2 semaines) des équipes de secours, seuls 6 mineurs – remontés quelques minutes après le drame – sortiront vivants de la mine. Les 262 autres mineurs périront, asphyxiés par le monoxyde de carbone.

    Mépris de la classe ouvrière

    Tandis que les journalistes (cet événement est un des premiers à être retransmis en direct à la télé ) et les autorités (le roi Baudouin lui-même se déplace pour l’occasion !) peuvent accéder à l’entrée du puits par la grande porte, les familles des victimes sont repoussées derrière les grilles d’entrée. Elles y restent des journées entières, dans l’espoir de quelque nouvelle… en vain. Ce n’est que le soir ou le lendemain qu’elles ont accès aux informations, par le biais de la radio ou des journaux.

    Pour les familles dont les proches ne sont pas retrouvés rapidement, c’est le drame : plus de salaire mais pas d’indemnité non plus tant que la victime n’est pas officiellement déclarée « décédée ». On peut imaginer la détresse de ces familles, loin de chez elles, qui non seulement ont perdu un être cher mais, en plus, ne perçoivent plus de revenu.

    Solidarité de classe

    Alors que l’administration tergiverse sur le montant des indemnités et les personnes qui y ont droit, les familles se retrouvent dans des situations de plus en plus précaires. Heureusement, la solidarité s’organise : d’abord celle des autres mineurs, et rapidement, celle de toute une population qui se mobilise, et pas seulement en Belgique. Ainsi, la radio française « Europe 1 » lance une vaste opération de soutien aux familles des victimes de la catastrophe : des conducteurs sont envoyés pour sillonner la France entière afin récolter de l’argent et dans certaines villes, ils trouvent le lieu de rendez-vous de l’action « noir de monde ». Cette opération à elle seule permet de récolter 25 millions de francs belges. Une somme rondelette, pour l’époque !

    « Chronique d’une catastrophe annoncée »

    Bien que la catastrophe du Bois du Cazier ait marqué les mémoires par son ampleur et sa médiatisation, elle est loin d’être le seul accident minier qu’ait connu la Belgique. D’après les ‘’Annales des Mines de Belgique’’, l’extraction de charbon (en Belgique) a causé la mort par accident de 20.895 ouvriers entre 1850 et 1973. Au Bois du Cazier, l’accident de 1956 n’était pas le premier non plus : Giuseppe Di Biase, un mineur qui a travaillé au Bois du Cazier pendant 7 ans, a déclaré lors du procès qu’en 1952 un accident avait déjà eu lieu, en beaucoup de points semblables à celui de la catastrophe. Selon Alain Forti et Christian Joosten, les auteurs de ‘’Cazier judiciaire, Marcinelle, chronique d’une catastrophe annoncée’’, « La vraie question ne consistait pas à savoir si une catastrophe pouvait se produire au Bois du Cazier, mais bien quand elle se produirait. » En effet, tous les présages du drame étaient réunis : wagonnets mal entretenus et sujets à de fréquentes pannes, manque de communication entre le fond et la surface, négligence des ingénieurs – qui toléraient la proximité immédiate d’électricité, d’huile et d’air comprimé – ainsi que manque de formation des travailleurs, en particulier de ceux qui travaillaient à des postes-clefs.

    Justice de classe

    En mai ’59 s’ouvre le procès de cinq protagonistes du drame devant le tribunal correctionnel de Charleroi. Les avocats des parties civiles, dont beaucoup sont communistes, espèrent obtenir la condamnation pénale des ingénieurs et arracher au gouvernement la nationalisation de l’industrie charbonnière. Mais la Justice ne penche pas de ce côté-là de la balance (ce qui ne nous surprend pas) : les ingénieurs sont acquittés et la nationalisation n’aura jamais lieu. Lorsque, suite au procès en appel en 1961, un seul ingénieur est condamné, on a l’impression qu’il est le bouc émissaire idéal. Car, si la faute avait été imputée à un ouvrier-mineur, les patrons auraient fini par devoir admettre que les ouvriers étaient trop peu formés ou envoyés au fond prématurément, ce qui aurait sans doute suscité un mécontentement social et peut-être des grèves. Par ailleurs, s’en prendre aux patrons risquait de nuire à l’appareil d’Etat qui avait encore besoin l’extraction de charbon pour faire tourner l’économie.

    La terrible révélation des conditions de vie des mineurs

    Une des conséquences de la catastrophe a été de mettre en lumière les conditions de travail et de vie inhumaines et dégradantes que connaissaient les mineurs, majoritairement italiens. Entre 1946 et 1949, 77.000 Italiens ont été recrutés pour venir travailler dans les charbonnages belges, alors que la mine faisait fuir la plupart des Belges. En plus des conditions de travail très pénibles – pour effectuer leur travail, les mineurs doivent ramper dans les veines de charbon -, ils connaissent des conditions de vie particulièrement précaires. Ils sont littéralement parqués dans des baraques qui avaient servi de camps pour prisonniers pendant la deuxième guerre mondiale et qui leur sont attribuées en échange d’un loyer !!! Ces baraques ne sont pourvues ni de toilettes, ni d’eau courante. Evidemment, elles ne sont pas isolées si bien qu’on y cuit en été et qu’on y gèle en hiver. Pour couronner le tout, les Italiens sont souvent victimes de mépris et d’attitudes racistes de la part de Belges, qui vivent dans des conditions à peine meilleures qu’eux. Quoiqu’il en soit, à l’époque, tous les mineurs, qu’ils soient belges ou immigrés, sont considérés comme des parias et se sentent honteux de leur métier.

    L’après-Marcinelle

    La tragédie de Marcinelle a provoqué une véritable prise de conscience dans la population belge. Dorénavant, les mineurs ne sont plus considérés comme des parias mais deviennent des héros du travail, respectés et même glorifiés.

    L’ampleur de la catastrophe et surtout sa médiatisation ont contraint les patrons à revoir les conditions d’extraction et l’Etat à imposer une réglementation plus contraignante (règles de sécurité plus strictes, élévation de l’âge d’admission pour un travail de fond à 16 ans au lieu de 14). Cependant, les véritables travaux de modernisation qui étaient indispensables pour améliorer les conditions de travail et de sécurité des mineurs n’ont jamais été effectués, car, un an à peine après le drame, les premiers puits wallons commencent à fermer pour cause de non-rentabilité. Fin des années ’70, il ne reste plus une seule mine en activité en Belgique.

    La mine est fermée, les accidents de travail continuent

    Une page de l’histoire économique et sociale belge est tournée. Bien qu’aujourd’hui, la presse fasse ses choux gras avec le cinquantième anniversaire de l’Evénement, la plupart des documents ne font que relater les faits ou proposent des interviews « émotionnantes » de témoins du drame mais ne proposent pas d’analyse des causes de la catastrophe et refusent de désigner les véritables responsables : les patrons de l’industrie minière. Plus grave, ils présentent la catastrophe comme un fait inéluctable, une sorte de catastrophe naturelle, qui appartient désormais au passé et qui n’a plus aucun lien avec notre monde d’aujourd’hui.

    Or, d’après la FGTB, il y a eu, pour la seule année 2004, 198.861 victimes d’accidents de travail en Belgique et le nombre d’accidents mortels s’élevait à 195, dont 24 lors de la catastrophe à Ghislenghien. Ces chiffres prouvent bien que, malgré l’amélioration des conditions de vie et de sécurité sur les lieux de travail depuis cinquante ans, les accidents de travail restent un fléau qui menace un grand nombre de travailleurs. Et cette situation ne risque pas de s’améliorer avec l’accentuation de la flexibilité (des journées de 10 heures multiplient les risques liés à la fatigue et à l’inattention), la pression de la concurrence (qui amène bien des patrons à rogner sur les dépenses d’entretien et de sécurité) et la privatisation des services publics (comme le montrent les multiples accidents mortels de chemins de fer en Grande-Bretagne depuis leur privatisation). La lutte pour des conditions de travail décentes reste tout autant d’actualité au 21e siècle qu’elle l’était au 19e et au 20e.

  • C’est aux patrons de payer. Face à la division du sommet, il faut l’unité à la base

    Face à la division du sommet, il faut l’unité à la base

    Tract du MAS

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    Que veulent le patronat et les politiciens?

    Le patronat veut le plus de gains possible par un maximum de flexibilité. Le gouvernement les suit en créant encore plus de faux-emplois pour les jeunes. Ces jobs, que l’on peut refuser, nous coûtent nos revenus depuis que la chasse aux chômeurs est ouverte.

    Le patronat trouve que les travailleurs sont trop coûteux. Ils vont piller de préférence la sécurité sociale. Le gouvernement collabore avec le patronat en lui donnant des milliards de diminution d’impôts (5 milliards d’euros en 2005). Maintenir les travailleurs âgés plus longtemps assure d’avoir à sa disponibilité une plus grande offre de forces de travail. Les abus des patrons sont là pour démolir les conditions et les salaires des travailleurs.

    Cela explique pourquoi les gains des entreprises connaissent chaque année de nouveaux records. Ces gains sont maintenant de plus de 40 milliards d’euros ; dans les années ‘80, ils étaient encore de 40 milliards de francs belges ! Au Sommet de Lisbonne (mars 2000), il a été décidé que l’U.E., pour 2010, devait devenir le marché le plus compétitif du monde. Dans toute l’Europe, toutes sortes de mesures similaires sont prises. Les autres pays mènent avec autant d’ardeur la course à la démolition sociale, sans attendre d’être rattrapé par l’Europe. Résultat : sur le plan mondial, des super-profits pour les poches des mêmes patrons (avec des filiales dans différents pays) et un appauvrissement pour les travailleurs et leurs familles.

    32 heures semaine, sans pertes de salaire

    Il y a déjà 600.000 chômeurs en Belgique, mais le patronat et les politiciens veulent nous faire travailler encore plus longtemps. En réalité, ils veulent surtout s’enrichir. Pour cela ils veulent réformer le marché du travail. Non pas en répartissant le travail disponible entre tous ni en maintenant le pouvoir d’achat pour tous, mais en remplaçant les emplois à temps plein, stables et correctement payés par des jobs à temps partiel, instables et mal payés, comme en Suède ou aux Pays-Bas. Le patronat passe cependant sous silence le fait que les familles hollandaises sont sans cesse appauvries, par une forte augmentation du nombre de travailleurs précaires.

    Pas touche à nos pré-pensions

    Le gouvernement affirme que la sécurité sociale va à la banqueroute. “ Trop d’inactifs pour le nombre d’actifs “, disent-ils. Les jeunes et les vieux sont ainsi dressés les uns contre les autres. Le gouvernement a diminué sa participation à la sécu de 30 % en 1980 à 11 % aujourd’hui. La sécurité sociale n’a pas connu de déficit ces cinq dernières années, mais au contraire un excédent. Les pensions nous coûtaient 5,4 % du PIB en 1980, contre 5,2% à l’heure actuelle. Les pré-pensions sont un moyen pour soulager les restructurations et les fermetures; le gouvernement et le patronat veulent les supprimer. (*)

    Chiffres de la sécurité sociale: http://www.cnt-nar.be/

    Le sommet de la CSC se trahit, ainsi que sa base

    FGTB : que faire après le 7 octobre ?

    La CSC réfutait les arguments du gouvernement dans son livre “ 50 mensonges sur le vieillissement “. Pourtant, le sommet de la CSC refusait la participation à la grève du 7 octobre et a quand même annulé la grève du 10 car les pré-pensions à 58 ans, ainsi qu’un certain nombre de conditions secondaires, sont maintenues. La CSC se réjouit que le gouvernement veuille dépenser 400 millions d’euros provenant de l’augmentation des précomptes mobiliers pour les injecter dans la sécurité sociale, les patrons recevant pas moins d’1,2 milliards d’euros supplémentaires de baisse de charges. La FGTB veut -à juste titre- maintenir la pression, mais que faire si le gouvernement applique ses mesures ? Allons-nous retourner au travail la queue entre les jambes ? Y aura-t-il des réunions de militants ? Y aura-t-il des séances d’information dans les entreprises ? Discuterons-nous pour mettre en place un plan d’action ? Le sommet de la CSC, mis sous pression par sa base, prendra-t-il des initiatives ? Cela devra être discuté après le 7 octobre dans des réunions de militants.

    Un réseau démocratique de syndicalistes combatifs

    A quelques nuances près, tous les partis parlementaires veulent mener la même politique néo-libérale. Le MAS/LSP s’attèle à créer un réseau démocratique de syndicalistes combatifs. Ainsi nous voulons reconstruire un rapport de force dans les entreprises et les différents secteurs, et en même temps revendiquer que les prises de décisions se fassent démocratiquement. Le syndicat appartient à ses membres, mais ceux-ci sont hélas trop souvent mal informés et parfois ouvertement contrecarrés. Les appareils syndicaux sont aujourd’hui pieds et mains liés à la social-démocratie (FGTB) et aux chrétiens-démocrates (CSC), qui exécutent loyalement le programme du patronat. Les militants syndicaux ont besoin d’un parti qui traduit leurs points de vue politiques et qui soit entièrement indépendant du patronat.

    Le Parti de Gauche (Allemagne) illustre le potentiel d’un parti des travailleurs

    En Allemagne, le succès du Parti de Gauche (8,7%) démontre qu’un programme qui va à l’encontre du néo-libéralisme reçoit un bon écho. Nous pensons que ce potentiel existe également en Belgique. Le MAS veut aider à sa réalisation. En même temps le MAS plaide pour un programme de transformation socialiste de la société, dans laquelle la production sera organisée en fonction des besoins de tous et non pour les profits de quelques-uns.

  • “A travail égal, salaire égal!” La grève des femmes de la FN de Herstal

    1966 (16 février – 8 mai)

    Le 16 février 1966 éclatait une grève qui allait devenir historique : celle de 3.000 ouvrières de la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre (FN) de Herstal. Cette grève est devenue historique pour deux grandes raisons :

    1. Les grèves de femmes sont rares : celle de la FN fut la plus importante, car elle a duré 12 semaines, elle fut massivement suivie du début à la fin, elle s’est concrétisée dans un slogan (“A travail égal, salaire égal !”) pouvant être repris par toutes les femmes travailleuses et elle s’est terminée par une victoire (même si celle-ci ne fut que partielle)

    2. Elle a eu lieu à un moment charnière : 5 ans après la grande grève de l’hiver 60-61 contre la Loi unique (1 million de travailleurs au moment le plus fort de la grève) et 2 ans avant Mai ’68 qui a permis la relance d’un nouveau mouvement féministe dans la jeunesse. La grève de la FN a donc été marquée par la combativité issue de 60-61 et elle a servi de référence pour les toutes les femmes qui voulaient défendre et étendre leurs droits dans les années qui suivirent.

    Jean Peltier

    Quarante ans après, certaines idées fausses se sont parfois développées quant à cette grève, notamment l’idée que ce fut la première grève des femmes en Belgique et que cette lutte s’était heurtée à l’opposition des ouvriers.

    La revendication “A travail égal, salaire égal !” et le mouvement ouvrier

    Pendant la première phase de développement du capitalisme industriel en Belgique (1800-1870), les femmes et les enfants sont massivement intégrés à la production dans des emplois non qualifiés, surexploités et sans droits. Vers 1860, les femmes représentent 35% de la main-d’oeuvre, non qualifiée et surexploitée: le salaire d’une ouvrière représente en moyenne la moitié du salaire d’un manoeuvre masculin adulte. En 1900, après que la bourgeoisie ait décidé de “reconstruire” la famille ouvrière, les femmes représentent encore 26% de la main-d’oeuvre.

    Durant tout le 19e siècle, la grande majorité des hommes – les bourgeois mais aussi les prolétaires – ont une vision profondément sexiste, marquée par la religion : les femmes sont inférieures aux hommes, leur faiblesse est naturelle, leur place est à la maison pour s’occuper de l’entretien de la famille et des enfants.

    La création en 1885 du Parti Ouvrier Belge (l’ancêtre du PS) représente un grand pas en avant : la Charte de Quaregnon affirme que “le parti ouvrier est le représentant non seulement de la classe ouvrière mais de tous les opprimés sans distinction de nationalité, de culte, de race ou de sexe”. Le POB lutte donc pour l’égalité civique et le suffrage universel pour tous. Néanmoins, la position dominante au sein du parti reste que la place naturelle de la femme est au foyer pour s’occuper du ménage et des enfants. Mais comme on est encore loin de cette situation idéale (!) et que les femmes doivent travailler, il est juste que, à travail égal, elles touchent un salaire égal. L’objectif central reste pourtant que le salaire de l’homme devienne suffisant pour pouvoir se passer du travail de la femme et lui permettre de retourner à la maison.

    Après la 1ère guerre mondiale, le travail des femmes se développe en tant qu’employées dans les bureaux des usines et dans les administrations. L’agitation sociale grandit, les travailleurs obtiennent la journée des 8 heures et des hausses de salaires. Les femmes participent aux mouvements de grève et les premières grèves de femmes ont même lieu, notamment celles des ouvrières polisseuses sur métal de Liège et Herstal en 1920, des vendeuses de grands magasins en 1920 aussi et, en 1922, celles des ouvrières du textile à Verviers (qui dure 5 mois!).

    Le mouvement syndical (qui reste totalement dominé par les hommes) revendique “A travail égal, salaire égal” mais ne fait que très peu d’efforts pour imposer cette revendication dans la réalité. La patronat finit par accepter – en théorie – cette idée mais il la contourne dans la pratique, en imposant des petites différences entre les postes et les opérations de travail entre hommes et femmes qui font qu’il n’y a presque jamais de travail égal… et donc pas de salaire égal !

    Après la 2e guerre mondiale, les nouvelles institutions internationales comme l’O.N.U. et l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.) inscrivent dans leurs principes l’idée “A travail égal, salaire égal”. En 1957, le Traité de Rome, qui crée le Marché Commun (l’ancêtre de l’Union européenne) entre six pays dont la Belgique, reprend lui aussi le principe “A travail égal, salaire égal” dans son article 119. Bien entendu, ce principe n’est mis en oeuvre nulle part, mais l’application de l’article 119 deviendra la revendication centrale des ouvrières en grève de la FN.

    Pour le patronat belge, la revendication de l’égalité salariale entre hommes et femmes est un “luxe impossible”. Les arguments pour justifier cela sont déjà les mêmes que ceux qu’on entend à tout moment aujourd’hui : la concurrence internationale est trop forte, la mise en oeuvre du Marché Commun empêche de faire des “folies”. Pour le patronat, le salaire féminin reste un appoint et les femmes au travail sont trop instables et trop souvent absentes (maladies, accouchements, soins des enfants) pour qu’on puisse les considérer de la même manière que les hommes.

    Les femmes jouent un rôle actif dans tous les grands mouvements de grève en Belgique – en 1936, en 1950 lors de l’Affaire Royale et en 1960-61 – mais elles restent marginales dans le mouvement syndical (tant à la FGTB qu’à la CSC) tout comme dans le Parti Socialiste Belge.

    La F.N. de Herstal

    La F.N. est un fleuron de l’industrie liégeoise depuis 1886. Elle a une production variée : les armes surtout mais aussi les motos et même, pendant un temps, les autos. En 1966, elle emploie 13.000 travailleurs. C’est une entreprise florissante qui peut donc se permettre de payer des salaires élevés. Les femmes sont 3.900 à la F.N., soit 30% de l’ensemble des travailleurs. Il y a 350 employées pour 3.500 ouvrières.

    A la F.N., les ouvrières occupent le bas de l’échelle à tous les points de vue :

    – elles sont engagées comme manoeuvres spécialisées (le grade le plus bas) : elles font le gros oeuvre sur les pièces avant de les apporter aux ouvriers qualifiés (des hommes) qui font la finition.

    – elles n’ont pas suivi d’études préparatoires et apprennent donc leur métier dans l’usine;

    – leur travail se fait dans des conditions dégueulasses que montre très bien le documentaire TV (huile, bruit, manque d’hygiène, absence de vêtements de protection,…);

    – elles sont appelées les “femmes-machines” (elles ne sont que le simple prolongement de la machine qui leur dicte le rythme du travail).

    – L’encadrement est totalement masculin, du grand patron au régleur des machines en passant par les ingénieurs et les contremaîtres.

    – Les femmes n’ont aucun espoir de promotion : la F.N. organise des formations qui sont officiellement ouvertes à tous, hommes et femmes, mais réservées à ceux qui ont ont suivi à l’école des cours techniques de mécanique (ce qu’aucune femme n’a fait !).

    – Les inégalités salariales sont criantes : l’ouvrier le moins qualifié qui entre à la F.N. est payé directement en classe 4 et peut régulièrement progresser; par contre, les femmes se répartissent dans les classes 1 à 3 et ne peuvent espérer monter plus haut puisqu’elles ne suivent pas les formations internes à la F.N. !

    – enfin, dans la vie syndicale de l’entreprise, les femmes restent sous-représentées : si elles représentent 30% de la main-d’oeuvre, il n’y a que 6,5% de déléguées à la FGTB et 9% à la CSC.

    Chronologie de la grève des femmes de la F.N.

    8 nov. 65 : Début des discussions au niveau national pour l’établissement d’une nouvelle convention qui doit réduire les différences salariales entre hommes et femmes dans le secteur du métal. Le patronat fait traîner les négociations. A la FN, la direction refuse toute négociation dans l’entreprise tant qu’un accord national n’est pas signé.

    Janvier 66 : Nombreuses réunions syndicales dans l’entreprise sur le thème “A travail égal, salaire égal”. Le mécontentement augmente.

    9 février : Débrayage spontané des femmes. Après avoir tenu une assemblée où les délégations syndicales promettent de faire pression sur la direction de l’usine, elles acceptent de reprendre le travail.

    16 février : Après une assemblée syndicale où les délégations annoncent que la direction ne veut pas bouger, les femmes partent spontanément en grève contre l’avis des délégués. Les hommes manoeuvres (les moins bien payés) touchant 32 francs l’heure et les femmes 25 francs, elles réclament 5 francs/heure d’augmentation. Les femmes présentes à l’assemblée font le tour de l’usine pour lancer le mouvement. 3.000 ouvrières partent en grève.

    17 février : 1ère assemblée générale de la grève. 3.000 femmes partent en cortège de l’usine, jusqu’à la salle de réunion. Les permanents syndicaux demandent la suspension de la grève mais les femmes refusent. 1.000 ouvriers sont déjà en chômage.

    18 février : Un accord national est signé : il ne garantit que 1 franc/heure d’augmentation.

    19 février : La direction de la FN refuse d’aller plus loin que l’accord national.

    21 février : 2e assemblée générale. Les directions syndicales commencent à reprendre le mouvement en main. Ils reconnaissent la grève et dénoncent la présence d’éléments indésirables qui n’ont rien à voir avec la F.N. en visant les militants extérieurs à l’usine du Parti Communiste de Belgique (le PC officiel, pro-soviétique), du Parti Communiste Wallon (une scission du PCB, pro-chinoise) et du Parti Wallon des Travailleurs (scission de gauche du PSB dans lequel militent les trotskistes). Des ouvrières des ACEC à Herstal et de Schreder à Ans partent en grève en solidarité. Après l’AG, les ouvrières les plus combatives et les plus méfiantes vis-à-vis de l’appareil syndical, appuyées par le PCW, constituent un Comité d’Action pour élargir la grève et appeler à la solidarité. 28 février :

    3e assemblée générale : les directions syndicales affermissent leur contrôle sur la grève. Elles font voter la création d’un Comité de Grève de 24 femmes (18 FGTB et 6 CSC), moins pour diriger la grève (ce sont les permanents qui conservent l’essentiel des contacts avec la direction de la FN et les instances syndicales nationales) que pour éliminer les influences plus à gauche, comme le Comité d’Action. 3.000 ouvriers sont en chômage. Les premiers versements de solidarité avec la grève arrivent.

    Début mars: Une pétition de solidarité des hommes avec les ouvrières en grève circulent. La majorité de travailleurs de l’entreprise – encore au travail ou en chômage – signe cette pétition. Les syndicats et les mouvements féminins (liés au PSB, au PC et au Mouvement Ouvrier Chrétien) popularisent la grève. Le conciliateur social fait une proposition d’augmentation de 3 francs/heure en plusieurs étapes.

    3 mars : 4e assemblée générale : 2.500 ouvrières rejettent les propositions du conciliateur et votent la prolongation de la grève. Le Comité de grève est chargé de gérer la solidarité financière venant de l’extérieur et est tenu au courant de l’évolution des négociations par les syndicats. Son nombre de membres est porté à 29 et il intègre des membres du Comité d’Action dont l’influence va diminuer peu à peu.

    9 mars : 5e assemblée générale : la direction ne bougeant pas, la grève est prolongée. A la tribune se suivent interventions de solidarité de mouvements féminins et de délégations d’entreprises et lecture des premiers messages de l’étranger.

    Mars : Les difficultés financières grandissent mais la solidarité s’organise de mieux en mieux. Les commerçants offrent des produits, les délégations et les centrales syndicales organisent des collectes un peu partout, les quotidiens de gauche lancent des souscriptions de soutien, des dons arrivent de syndicats d’autres pays européens. Le Comité de Grève se réunit tous les jours pour organiser la remise d’argent et de colis aux ouvrières en grève et aux chômeurs en difficulté. Les ouvrières des ACEC-Herstal partent elles aussi en grève. Dans une autre usine de la région où les ouvrières sont parties en grève, la direction accorde une augmentation salariale substantielle aux femmes.

    21 mars : 6e assemblée générale : la direction de la FN refuse toujours de négocier des augmentations supérieures à l’accord national. La grève est prolongée. Le nombre d’ouvriers au chômage atteint 4.000 et des secteurs entiers de l’usine sont à l’arrêt. A l’assemblée, une représentante de la CGT française reçoit une ovation extraordinaire et 2.500 ouvrières chantent La Marseillaise. Le journal télévisé de la RTB évoque la grève pour la première fois (après cinq semaines de grève !).

    24 mars : Une délégation des Comités d’Action des femmes de la FN et des ACEC-Herstal se rend aux ACEC-Charleroi pour appeler les ouvrières à partir en grève (des assemblées d’ouvrières des ACEC-Charleroi réclament une grève depuis des semaines mais elles sont bloquées par les permanents syndicaux); plusieurs centaines d’ouvrières des ACEC débraient et se rendent dans les sièges syndicaux pour engueuler les permanents.

    28 mars : 7e assemblée générale : les dirigeants syndicaux liégeois dénoncent à la tribune les tentatives de la direction pour briser la grève par des informations mensongères dans la presse… et condamnent publiquement la descente du Comité d’Action à Charleroi. Pour faire baisser la tension, les syndicats annoncent une manifestation à Herstal le 7 avril. La grève continue aux ACEC-Herstal et chez Schreder à Ans. A Charleroi, les dirigeants syndicaux imposent un nouveau délai avant un départ en grève.

    Fin mars : Intense activité dans les séances parlementaires et dans les couloirs du parlement autour de la grève de la FN et des revendications d’égalité salariale hommes-femmes. Mais rien n’avance.

    7 avril : Après 51 jours de grève, une manifestation se déroule à Herstal en présence de responsables syndicaux liégeois et de quelques parlementaires de gauche. Les cas de misère se multiplient (il est fréquent que plusieurs personnes de la même famille travaillent à la FN) tandis que la solidarité continue à s’amplifier.

    12 avril : Malgré l’opposition de l’appareil syndical, les ouvrières des ACEC-Charleroi partent en grève. Un Comité d’Action des ouvrières des ACEC-Charleroi se forme à l’initiative du PCW.

    15 avril : 8e assemblée générale : des négociations reprennent avec la direction mais rien n’avance. La grève est donc une nouvelle fois prolongée.

    19 et 23 avril : La grève se termine aux ACEC, d’abord à Charleroi puis à Herstal, sur des augmentations salariales de 2 francs pour les femmes et des engagements de révision des classifications.

    25 avril : 5.000 personnes manifestent à Liège sur le slogan “A travail égal, salaire égal” : les femmes de la FN forment le gros de la manifestation mais il y aussi des délégations d’entreprises de tout le pays ainsi que des délégations des Pays-Bas et de France.

    Fin avril : 9e assemblée générale : les propositions patronales, considérées comme insuffisantes, sont rejetées. Près de 5.000 ouvriers sont en chômage technique.

    4 mai : Syndicats et direction tombent d’accord sur un accord : 2 francs/heure à la reprise du travail et 0,75 franc au 1er janvier 1967.

    5 mai : 10e assemblée générale : la bureaucratie syndicale jette tout son poids dans la balance pour faire voter l’acceptation de l’accord devant une assemblée convoquée à la hâte et moins nombreuse que d’habitude. L’accord est finalement accepté au scrutin secret par 1.320 oui et 205 non. Beaucoup de femmes acceptent cet accord du bout des lèvres parce qu’elles sont épuisées financièrement mais elles trouvent son contenu insatisfaisant.

    Après la grève : Même si la rentrée est douloureuse et que beaucoup d’ouvrières sont déçues, la combativité des femmes permettra par la suite d’obtenir de nouvelles augmentations salariales à la FN, plus importantes pour les femmes que pour les hommes. Une nouvelle grève de trois semaines en 1974 permettra l’ouverture aux femmes d’une soixantaine de fonctions qui leur étaient fermées jusque là et de nettes améliorations en matière d’hygiène et de conditions de travail.

    Traits marquants et leçons de la grève des femmes de la F.N.

    1. Dès le départ, le mouvement a été massif et uni; c’était tellement évident pour tout le monde qu’il n’y a jamais eu besoin de faire un piquet de grève pour faire respecter la grève pendant les douze semaines !

    2. Dans sa première phase, le mouvement a aussi été spontané et radical. Les appareils syndicaux ont été débordés et placés devant le fait accompli de la grève. Des militant(e)s d’extrême-gauche (PCB, PCW, PWT) ont joué un rôle important dans le déclenchement de la grève et dans l’impulsion de la solidarité. Dès le premier jour, un Comité d’Action a regroupé les militantes les plus radicales pour ne pas laisser les appareils syndicaux enterrer un mouvement qu’ils ne souhaitent pas.

    3. Débordée par le déclenchement de la grève, la bureaucratie syndicale a montré une grande intelligence tactique. Elle a reconnu la grève au bout de quelques jours (elle ne pouvait pas faire autrement!) et elle a entrepris de la récupérer en créant un Comité de Grève officiel pour réduire l’audience du Comité d’Action.

    4. Les hommes ont été fortement aux côtés des femmes dès le début de la grève (la pétition de soutien aux femmes a été massivement signée et aucun homme n’a fait le jaune en acceptant de faire le travail des femmes !). Et ils sont restés solidaires même quand la moitié d’entre eux ont été réduits au chômage technique. Le sexisme n’a pas disparu mais il a reculé fortement devant le courage et la détermination des ouvrières grévistes.

    5. La solidarité de classe a été énorme : collectes réalisées par les délégations syndicales d’entreprises, dons des centrales syndicales, collectes réalisées par les partis de gauche (des secteurs du PSB, le PCB, le PCW, le PWT) et par des mouvements féminins liés aux syndicats et aux partis de gauche,… La solidarité est même venue de commerçants et de professions libérales d’Herstal et de la région, preuve que la classe ouvrière peut polariser autour d’elle des couches populaires plus larges quand elle lutte de manière décidée. Enfin, il y a eu une solidarité importante à l’étranger (France, Pays-Bas, Allemagne, Italie) venant des mêmes mouvements (syndicaux, politiques et féminins) qu’en Belgique.

    6. Sous la pression de la combativité des femmes et malgré leur faible représentation dans les syndicats (à la FN et ailleurs), la grève a été organisée d’une manière partiellement démocratique. Les points positifs principaux ont été : des assemblées hebdomadaires où la poursuite de la grève était chaque fois discutée et mise au vote, les interventions de solidarité de délégations d’entreprises, de centrales syndicats, de mouvements féminins, l’élection d’un comité de Grève,… Mais cette organisation a rencontré des limites dues au contrôle réel exercée par la bureaucratie syndicale : les A.G. ont été dirigées par les permanents (de l’entreprise et de la régionale), les négociations nationales et avec la direction sont restées le privilège des dirigeants syndicaux, le Comité de Grève n’a pas dirigé celle-ci mais a été essentiellement cantonné à la gestion de tous les problèmes sociaux (une tâche essentielle mais limitée),…

    7. L’extension du mouvement n’a pas été facilitée par les appareils syndicaux. Le meilleur moyen de faire pression sur le gouvernement et le patronat était d’élargir le mouvement né à la FN et suivi par les ACEC et Schreder par un appel à la grève dans d’autres entreprises à forte proportion de femmes. Les bureaucraties syndicales de Liège n’ont pas suivi cette orientation. Pire encore, l’appareil des métallos FGTB de Charleroi (soumis au PSB) a tout fait pour empêcher la grève aux ACEC-Charleroi (et la casser une fois qu’elle a eu démarré). Les ouvrières de la FN se sont donc trouvées très seules dans un conflit qui n’aurait sans doute duré douze semaines si les syndicats avaient élargi rapidement le mouvement.

    8. Les deux manifestations sont venues très tard : celle de Herstal après 7 semaines et celle de Liège après 10 semaines ! Et encore, les syndicats n’ont organisé la manif de Herstal que parce que les femmes les plus combatives essayaient d’étendre le mouvement par elles-mêmes (en envoyant des délégations à Charleroi) et qu’il fallait détourner l’énergie des ouvrières vers quelque chose de moins dangereux pour la bureaucratie. De plus, les syndicats n’ont pas essayé de mobiliser massivement pour ces deux manifs (5.000 personnes à Liège pour une manifestation de solidarité avec une grève qui dure depuis dix semaines, c’est très peu).

    9. Les mouvements féminins ont joué un rôle positif en élargissant la solidarité et en menant une campagne idéologique bienvenue contre les idées réactionnaires telles que “la place de la femme est au foyer et pas en usine” ou “le salaire de la femme n’est qu’un salaire d’appoint” encore bien vivantes chez les hommes (et même chez une partie des femmes !) à l’époque. Mais, étroitement liés au PSB et aux syndicats, ces mouvements féminins n’ont pas pu, ni voulu remettre en cause la direction exercée par les bureaucraties syndicales.

    10. Les “petits” partis de la gauche radicale (quelques centaines de membres tant au PCW qu’au PWT, c’est plus de membres et surtout plus de travailleurs membres qu’au PTB et au MAS aujourd’hui !) ont joué un rôle actif et positif pour développer la solidarité mais aussi l’initiative autonome des femmes. Mais le sectarisme stalinien du PCW l’a souvent isolé dans l’action.

    11. La combativité des femmes de la FN a été extraordinaire et la solidarité a montré qu’un large courant dans la classe ouvrière se reconnaissait en elles et était prêt à les soutenir. Ce qui a manqué pour que leur combat se termine par une victoire éclatante plutôt que par une demie-victoire, c’est, comme souvent, l’existence d’un courant syndical combatif solidement organisé et d’un parti révolutionnaire implanté dans les entreprises qui auraient pu les aider à contrer le réformisme et le contrôle pesant de la bureaucratie syndicale et du PS sur le mouvement ouvrier.


    Pour en savoir plus :

    – “La grève des femmes de la FN en 1966” un livre de Marie-Thérèse COENEN paru en 1991 aux éditions Pol-His du CRISP (il est toujours disponible en librairie)

    – “La première grève féminine d’Europe. les leçons de la grève de la FN”, article paru dans le numéro d’octobre 1966 de “Lutte de Classe”, la revue de la section belge de la Quatrième Internationale (voir Francine pour plus de renseignements)

  • Grève à durée illimitée pour: Des soins de santé à la mesure des patients et du personnel!

    Freya, Inge et Rudy veulent: Des soins de santé à la mesure du budget

    Cela fait plus d’un an que le personnel du non-marchand est en action. Nous revendiquons une réduction de la pression du travail et une meilleure rémunération pour effacer l’arriéré salarial. Le gouvernement ne veut rien entendre. Cela a finalement mené à un blocage de la situation. Le gouvernement refuse de négocier sous la pression d’une grève, les syndicats se rendent cependant compte que cela fait plus d’un an que nous manifestons et que notre patience est à bout.

    Hypertension Journal d’action de syndicalistes combatifs CSC et FGTB

    En décembre 2003, les syndicats du non-marchand ont mis sur pied, après consultation d’au moins 15.000 membres du personnel, une plate-forme complète de revendications pour tout le secteur. Nous y revendiquions entre autres 25.000 emplois supplémentaires, la semaine des 36 heures, une opération de rattrapage salarial, un 13ième mois complet, des moyens pour la formation, une prolongation de la convention collective des 45+ et de la prépension à 57 ans. Dans son ensemble cela représente un budget de 3,7 milliards d’euros.

    Ces revendications n’avaient rien d’excessif. 25.000 emplois supplémentaires, cela peut sembler beaucoup à première vue, mais, dans un secteur qui emploie 450.000 personnes, cela fait tout au plus une augmentation du personnel de 5 %. Le gouvernement n’a que le vieillissement à la bouche. La Banque Nationale de Belgique a calculé que les dépenses de soins de santé pour un septuagénaire sont en moyenne 3,5 fois plus élevées que pour quelqu’un de 35 ans et celles pour un nonagénaire au moins 12 fois plus élevées. Le gouvernement cite volontier ces chiffres à l’appui de ses tentatives de nous imposer de nouvelles coupes budgétaires ou de nous faire travailler plus longtemps, mais il les oublie dès lors qu’on demande des moyens pour le secteur.

    Il n’y a pas si longtemps, l’hebdomadaire de droite Trends/ Tendance publiait les chiffres de profits des 30.000 plus grandes entreprises de Belgique. Il semblerait que sur une année, ils aient doublé pour atteindre un minimum de 27,8 milliards d’euros ou 300.000 francs belges par personne active. Ni les cours de la bourse, ni les investissements, qui se trouvent à des niveaux historiquement bas, ne peuvent expliquer cette augmentation de gains. Les raisons les plus importantes à cela sont l’augmentation du taux d’exploitation par la flexibilité et le travail pénible.

    Cela conduit évidemment à une hausse des coûts de maladies. Les patrons et le gouvernement poussent les profits à la hausse, mais ils ne sont pas prêts à faire de même avec les dépenses de santé qui vont de pair.

    Non seulement dans le secteur privé, mais également dans le nonmarchand, le volume de travail augmente tandis que le personnel se réduit. De plus en plus de membres du personnel tombent en dépression et sont surmenés. Le gouvernement s’en rend bien compte, d’où le système de fin de carrière qui prévoit des jours de congé supplémentaires pour les plus de 45 ans. La prépension à 57 ans et l’élargisssement du système de fin de carrière à tous les membres du personnel n’est donc pas un luxe superflu.

    Une étude de l’Institut Supérieur du Travail de Louvain montre que les salaires dans le non-marchand sont en moyenne 10,5% plus bas que les salaires pour des fonctions équivalentes dans d’autres secteurs. Un 13ième mois complet devrait compenser en partie ce décalage.

    Une plate-forme de revendications édulcorée

    Les syndicats ont déjà fortement édulcoré leurs revendications en espérant trouver plus d’écho auprès d’un gouvernement qui les ignorait superbement. Il n’est plus question de la généralisation de la semaine des 36 heures ni même des 25.000 emplois supplémentaires. La plateforme de revendications sur base de laquelle les syndicats veulent négocier actuellement ne se monte qu’à 520 millions d’euros, soit la même somme que pour Belgacom, qui a trente fois moins de personnel que dans le non-marchand. Cela ne représente que les dividendes annuel distribués par Belgacom à tous ses actionnaires.

    C’est pourtant déjà trop pour le gouvernement qui ne propose que 375 millions d’euros en cinq ans, soit 75 millions d’euros par an. Avec cette somme, le gouvernement veut créer 10.000 nouveaux emplois en six ans, dont presque la moitié pour des lits supplémentaires dans les maisons de repos et les maisons de convalescence. Seuls 5.700 de ces emplois supplémentaires pourraient donc servir à baisser la pression du travail, à remplacer les absents et à compenser l’élargissement du système de fin de carrière à tous les membres du personnel. Le gouvernement ne cesse de claironner qu’il s’agit de 10.000 emplois supplémentaires, mais il se garde bien de préciser qu’il s’agit pour une bonne part de temps partiels. En réalité, cela n’équivaut qu’à 7.500 temps pleins.

    En ce qui concerne les salaires, le gouvernement ne veut pas entendre parler d’un 13ième mois. Il campe sur une hausse graduelle de la prime de fin d’année jusqu’à 300 euros par an. Cela ne correspond même pas à une augmentation de salaire de 2 % en 6 ans. En outre, le gouvernement veut compenser le détricotage du système de pension légale par une pension extra-légale via une cotisation de 150 euros par an et par travailleur, soit 0,58 % du salaire moyen dans le secteur des soins de santé.

    A propos de la pression du travail, le gouvernement propose une légère amélioration du système de fin de carrière. Le nombre de membres du personnel qui entrent en ligne de compte sera élargi et les emplois " non-pénibles " recevront également une légère compensation. Il est cependant alarmant que l’élargissement du système de fin de carrière serve de feuille de vigne au démantèlement des prépensions. Les syndicats du non-marchand doivent s’alarmer du fait que le gouvernement se serve de leur secteur pour remettre en question les prépensions à l’approche de la conférence sur les fins de carrières.

    Le secteur du non-marchand en Flandre n’a encore rien obtenu. Leurs revendications sont cependant comparables à celles du secteur fédéral. Le gouvernement flamand attend officiellement que le fédéral bouge, mais la ministre Vervotte a d’ores et déjà marqué son accord avec la proposition de son collègue Franck Vandenbroucke sur le gel des salaires.

    Le front commun syndical se maintient, mais non sans mal.

    Finalement, la proposition gouvernementale a été rejetée par les syndicats. Cela n’a pas été sans mal, surtout au sein du Setca/BBTK. Les militants n’ont pas – ou si peu – été consultés. Au sein des comités professionnels, les secrétaires ont déclaré que la LBC allait de toute façon accepter l’accord et que la grève était donc vouée à l’échec. En outre, les sociaux-démocrates au sein du BBTK/Setca ne cessent d’insinuer que la LBC chrétienne n’est disposée à faire grève que parce que le CD&V et le Cdh ne sont pas au gouvernement fédéral. La LBC fait pourtant également grève dans les secteurs flamands, malgré que le ministre de la santé – CD&V- provient de l’ACV (la CSC en Flandre).

    Résultat : 66% du BBTK/Setca ont voté pour la reprise du travail. Même les libéraux de la CGSLB ont voté dans leur ‘groupe d’intérêt nonmarchand’ à 75 % contre l’accord. La LBC a consulté 350 militants et délégués lors de ses étatsgénéraux. Seules deux personnes présentes ont voté pour l’accord. Le MAS a des militants tant à la LBC et à la CNE qu’au BBTK/Setca. Nos militants du BBTK/Setca se sont sentis manipulés.

    Certains participent à des comités de grève où ils ont été obligés de se distancier de leur centrale syndicale. Le BBTK/Setca s’est finalement rallié aux autres syndicats, mais l’épisode a mis en évidence le besoin de démocratie interne.

    Les syndicats mettent parfois plus d’énergie à se mettre des bâtons dans les roues qu’à organiser la lutte. Rien n’est plus absurde que ces blocs rouges, verts et bleus. Nous espérons que les assemblées du personnel qui s’organisent ici et là pourront rétablir la confiance.

    Freya dans les traces de Wivina Demeester et de Mieke Vogels

    Il n’a fallu qu’une grève pour faire tomber le masque de Freya VdB. Elle refuse de négocier sous la pression d’une grève. N’importe quel patron qui s’exprimerait ne récolterait que des huées. Freya marche ainsi dans les traces de l’ancienne ministre CVP Wivina Demeester qui se demandait jadis si "on travaillait vraiment dans le secteur nonmarchand". Mieke Vogels, lorsqu’elle était ministre Agalev de la santé dans le gouvernement flamand, voulait exécuter son "accord" sans les syndicats.

  • Accord Interprofessionnel – face à l’agression patronale: Il est temps de passer à la contre-attaque!

    Accord Interprofessionnel – face à l’agression patronale:

    Les profits ont plus que doublé, mais pas le pouvoir d’achat.

    Dès avant l’été, les patrons ont lancé l’offensive en vue du nouvel Accord Interprofessionnel (AIP). Sur leur cahier de revendications: plus de flexibilité, un gel des salaires et un système de fin de carrière encore plus favorable aux patrons. Il s’agit de préserver la compétitivité des entreprises. Sous peine de mettre en danger l’emploi et l’Etat-Providence. Bref: nous devons remercier les patrons de pouvoir faire des sacrifices.

    La presse, qui est entièrement aux mains du patronat, ne cesse d’asséner ce non-sens. De temps en temps, la presse spécialisée publie pourtant les vrais chiffres. Et qu’en ressort-il? D’après l’hebdomadaire de droite ‘Trends’, les 30.000 plus grandes entreprises de Belgique ont doublé leurs bénéfices en 2003, engrangeant le montant record d’au moins 27.8 milliards d’euros ou 1.121 milliards de francs belges, soit un peu moins de 300.000 frs par habitant actif.

    L’entreprise la plus rentable en 2003 était Belgacom. Les 15.975 travailleurs ont rapporté au moins 5 milliards d’euros de profits nets, soit 12,65 millions de francs belges par travailleur.

    Brisons le carcan de de la norme salariale

    Malgré ces super-profits, le patronat ne veut pas entendre parler d’augmentation de salaire. Les extrémistes du Voka, l’ancien VEV, vont jusqu’à remettre en question l’indexation des salaires. La FEB et l’UCM veulent limiter l’augmentation des salaire à 3.3 %, soit le niveau de l’inflation. Il n’est toujours pas question de compensation pour l’augmentation de la productivité. Même l’augmentation barémique de 1 % est remise en cause.

    Le patronat invoque le Conseil Central de l’Economie (CCE). Celui-ci calcule la soi-disant norme salariale qui impose que les salaires belges ne doivent pas augmenter plus que ceux des pays voisins. Le CCE a pourtant fait savoir “discrètement” qu’il s’était trompé de 0.9% au détriment des travailleurs. La réaction de Paul Soete, de l’organisation patronale Agoria, en dit long: “Ne cédons pas au fétichisme des chiffres”. Bref: la norme salariale ne vaut que lorsqu’elle arrange les patrons.

    Les directions syndicales ne revendiquent que 1% d’augmentation de salaire au- delà de l’inflation et des augmentations barémiques. Ce n’est rien d’autre qu’un appât pour nous faire avaler plus de flexibilité. Lorsqu’on voit l’augmentation du nombre de travailleurs pauvres, les chiffres de profits qui donnent le tournis, les prestations de la bourse belge et les salaires mirobolants que s’accordent royalement les managers d’entreprises, on ne peut qu’exiger une hausse substantielle du pouvoir d’achat des travailleurs et l’abrogation immédiate de la norme salariale.

    La classe politique et le patronat: bras dessus, bras dessous

    Malgré les chiffres de profits, beaucoup de travailleurs pensent que les entreprises sont sur le point d’être foudroyées par la concurrence. Depuis l’été, les arguments patronaux ne cessent d’être martelés par le patronat lui-même et la presse, mais aussi par les politiciens.

    Frank Vandenbroucke a déjà annoncé le gel des salaires des fonctionnaires flamands avant même que le patronat n’y ait songé. En culpabilisant les chômeurs et en les contraignant à accepter n’importe quel job, on cherche à brader le prix de la main d’oeuvre. Les patrons jouent là-dessus sans vergogne pour mettre les salaires sous pression et faire reculer les conditions de travail.

    Il est de bon ton aujourd’hui de dénoncer la “fraude sociale” pour faire accepter la politique de suspension des chômeurs. Mais qui sont ces gens qui suspendent? Marie Arena a été prise la main dans le sac pour avoir dépensé au moins 300.000 euros – soit 12 millions de francs! – dans la rénovation de son cabinet.

    Il semble que chaque législature voit les ministres dépenser entre 50.000 et 70.000 euros pour la rénovation de leur cabinet. La plupart des travailleurs ne consacrent pas autant d’argent à la maison dans laquelle ils espèrent habiter toute leur vie!

    La semaine des 40 heures en pratique

    L’accord dans le secteur de la construction, qui permet de prester 130 heures supplémentaires non-récupérables à seulement 120 % du salaire normal, a donné des idées aux patrons. Ils veulent maintenant 175 heures supplémentaires par an (au lieu de 65h) et ce sans devoir passer par la délégation syndicale. Celui qui travaille 150 heures supplémentaires par an preste en moyenne une semaine de 40 heures. Les patrons veulent en plus que les heures de travail soient comptabilisées en base annuelle. Pour les travailleurs, cela signifie en pratique qu’ils pourront travailler 48 heures une semaine et puis 28 heures la semaine suivante.

    Les jeunes surtout sont touchés par les emplois précaires et hyperflexibles. C’est une pratique illégale courante de ne faire signer leur contrat aux intérimaires qu’après la prestation de leur semaine de travail. Certaines entreprises comptent plus de 50% d’intérimaires dans leur personnel. Pour lutter contre cela, les jeunesses syndicales et Résistance Internationale organisent le 19 mars une nouvelle Marche des Jeunes pour l’Emploi. Le MAS essaie de lui donner un caractère combatif en lançant dès à présent des comités de mobilisation aux bureaux de pointage, dans les entreprises avec les délégations jeunes des syndicats, dans les quartiers, dans les écoles et les universités. N’hésitez pas à prendre contact avec nous.

    La combativité y est

    Vers une grève générale!

    Cela fait des mois déjà que les entreprises entrent en action les unes après les autres contre un patronat de plus en plus agressif. Licenciements, allongement de la durée du travail, flexibilité accrue, menaces de délocalisation, les patrons mettent en oeuvre toute la panoplie de menaces à leur disposition. Les entreprises publiques ne sont pas épargnées. De Lijn, les TEC, la STIB, La Poste, la SNCB,… partout des milliers d’emplois sont en jeu et les conditions de travail se dégradent. Il n’y a pas d’argent pour les bâtiments scolaires. Le Non-Marchand a un besoin urgent de 25.000 emplois supplémentaires et d’un rattrapage salarial.

    L’offensive du patronat et de ses laquais politiques est générale. Nous devons y répondre par des actions de grève générales. Le Non-Marchand part en grève le 27 janvier. Pourquoi pas une grève générale de 24 heures ce jour-là ou, mieux encore, de 48 heures les 27 et 28 janvier?

    Avec quel programme? Cela fait plus d’un an que le Non-Marchand a rassemblé ses militants en front commun syndical lors d’un grand meeting pour travailler à une plateforme commune de revendications.

    Pourquoi ne pas faire de même sur une base interprofessionnelle. Une telle plate-forme de revendications pourrait aligner les mots d’ordre suivants:

  • Abrogation de la norme salariale, pour une hausse réelle du pouvoir d’achat
  • Stop à la flexibilité, pas d’assouplissement des heures supplémentaires
  • Maintien des horaires sur base hebdomadaire, pas d’annualisation
  • Des services publics de qualité: stop à la libéralisation et à la privatisation
  • Non à l’exclusion: il faut s’en prendre au chômage, pas aux chômeurs
  • 32 heures sans perte de salaire et avec embauche compensatoire
  • 25.000 emplois pour le Non-Marchand
  • Suppression du travail intérimaire. Des emplois fixes, correctement rémunérés
  • Nationalisation sous contrôle ouvrier de toute entreprise qui menace de délocaliser, de licencier ou de baisser les salaires

    Le mot d’ordre de grève générale est un vain mot s’il ne va pas de pair avec un programme clair et un plan d’action qui soient discutés dans les entreprises et qui reçoivent le soutien de tous les travailleurs. Non à la grève pour faire retomber la pression, oui à la grève pour imposer nos revendications.

    Il faut un nouveau parti des travailleurs!

    Même si les travaillleurs parviennent temporairement à faire plier le genou au gouvernement et au patronat, ceux-ci ne renonceront jamais à nous imposer les mêmes mesures sous l’une ou l’autre forme tant que le capitalisme subsistera. D’où la nécessité de construire le MAS/ LSP en tant que parti révolutionnaire.

    Un parti qui ne rejette pas l’anticapitalisme et le socialisme dans un avenir lointain, mais qui y travaille quotidiennement en partant de la pratique. Nous ne disons pas d’attendre des lendemains qui chantent. Bien au contraire, nous devrons lutter pour y arriver, y compris avec tous ceux qui ne sont pas encore convaincus aujourd’hui de la nécessité de changer fondamentalement la société. Mais même si nous faisons tomber le gouvernement, nous savons que nous n’avons rien de bon à attendre d’une autre coalition. Les travailleurs sont en effet privés d’instruments politiques. Le SPa, le PS et les verts sont devenus des partis intégralement au service du patronat.

    Nous plaidons pour la formation d’un grand parti de lutte, ouvert à tous ceux qui veulent lutter contre les mesures d’austérité néo-libérales. Un parti qui fasse également retentir les griefs des travailleurs dans l’enceinte du Parlement et qui sache l’utiliser pour soutenir les luttes quotidiennes et les populariser.

    Un tel parti ne pourra voir le jour en Belgique que si la CSC/ACV rompt avec le CDh/CD&V et la FGTB/ABVV avec le PS-SPa et que des pans entiers du mouvement syndical décident de se donner un prolongement politique. La seule mise sur pied d’un tel parti signifierait déjà un énorme pas en avant. Il serait cependant rapidement placé devant le choix de s’intégrer au système ou de rompre avec lui.

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