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Tag: Central Intelligence Agency
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Zero Dark Thirty. Un film de propagande sur la traque de Ben Laden
Le film raconte l’histoire de la ‘‘plus grande chasse à l’homme de l’Histoire’’, celle d’Oussama ben Laden. La réalisatrice Kathryn Bigelow affirme que la neutralité artistique est respectée, mais ce film n’est que de la pure propagande en faveur de la politique étrangère américaine qui a fait suite au 11 septembre 2001, particulièrement au niveau du recours à la torture.
par Eddie McCabe
L’histoire suit une jeune agente de la CIA, Maya (jouée par Jessica Chastain), dont la farouche détermination plus de dix ans durant fut la clé de la découverte de Ben Laden et de son exécution sans aucune forme de procès, de même que beaucoup d’autres femmes et hommes qui se trouvaient dans la même maison.
Grâce à la collaboration du gouvernement américain, nous avons avec ce film un aperçu des opérations de la CIA et une idée précise des techniques de torture. Pour le reste, l’histoire est prévisible et, malgré les 2 heures et demi que dure le film, les personnages restent sans profondeur. Le personnage principal est une solitaire froide et impitoyable directement sortie de l’école de la CIA. Il s’agit plus d’un robot que d’un être humain.
Le film commence par les images horribles des attentats du 11 septembre 2001, avec également des images d’attentats- suicides méprisables commis par des groupes affiliés à Al-Qaïda. La torture est présentée comme la réponse normale face à ces crimes horribles. L’information qui conduira finalement à trouver Ben Laden a été soutirée par la torture. Le plus frappant est toutefois ce qui est à peine soulevé dans le film, à savoir l’invasion et l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak et le massacre par l’impérialisme américain de centaines de milliers de personnes innocentes. L’effet de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient après le 11 septembre est totalement ignoré.
Alors que le régime d’Obama est loué par l’establishment pour l’élimination d’Oussama Ben Laden, rien n’est dit sur le fait que les États-Unis soutiennent aujourd’hui des groupes similaires à Al-Qaïda en Libye et en Syrie, tout comme Ben Laden l’avait été dans les années ‘80.
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10 ans après le début de la guerre en Irak
La moisson impérialiste de la mort et la destruction
Il y a dix ans de cela, sous la dénomination, la coalition dirigée par les États-Unis attaquait l’Irak. Malgré une énorme opposition publique, symbolisée par dix millions de manifestants anti-guerre à travers le monde le 15 et 16 février 2003, la campagne ‘‘choc et effroi’’ de bombardement débuta le 20 mars suivie, quelques heures plus tard, de l’invasion territoriale.
Par Niall Mulholland, Socialist Party (CIO Angleterre et Pays de Galles)
L’énorme force militaire envahissait une population qui avait souffert de 35 ans de dictature sous Saddam Hussein, de la guerre du Golfe de 1991, et de 13 ans de sanctions cruelles des Nations Unies, qui ont détruit l’économie irakienne, réduit des millions de gens à la pauvreté et couté de un demi-million à un million de vies irakiennes.
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‘‘Ravager, massacrer, usurper sous de faux noms, ils appellent cela l’empire ; et, où ils ont fait un désert, ils disent qu’ils ont donné la paix.’’ Caius Cornelius Tacitus (Tacite, 56-117), historien romain.
La fiction des armes de destruction massive
La guerre de 2003 fut « justifiée » par un torrent de propagande et de mensonges émanant de Washington et de Downing Street, relayé par la complicité de l’appareil médiatique de droite.
Le président Bush accusait alors le dictateur irakien, Saddam Hussein, de tenter d’acquérir de l’uranium pour développer des « armes de destruction massive ». Le secrétaire d’État américain, Colin Powell, annonça aux Nations Unies que l’Irak se munissait de capacité d’armes biologiques. Tony Blair, le premier ministre anglais du Labour Party, proclama que les armes de destruction massive irakiennes pouvaient être prêtes à être utilisées « dans les 45 minutes ». Saddam fut aussi accusé de soutien à Al-Qaida.
Tout ceci n’était que mensonges. Très vite après l’invasion, les forces occupantes ne purent apporter les preuves d’existence des armes de destruction massive de Saddam ou des liens entre l’ancien régime de Saddam et le « terrorisme ». En fait, ce fut l’occupation qui causa le ressentiment qui permit à la terreur d’Al-Qaida de s’installer en Irak.
A la veille du 10ème anniversaire de la guerre, l’ancien premier ministre déclarait encore à la BBC : « Quand vous me demandez si je pense aux pertes de vie depuis 2003, bien sûr. Je serais inhumain de ne pas le faire, mais pensez à ce qui serait arrivé si on avait laissé Saddam en place. »
Les commentaires habituels de Blair ne s’attachent pas à l’énorme coût humain de la guerre. Selon plusieurs études ; de 2003 à 2011, de 150.000 à 400.000 irakiens ont violemment perdu la vie. The Lancet, journal médical réputé, a estimé un chiffre encore plus gros de 600.000 morts violentes entre 2003 et 2006 seulement. Ajouté à cela, il y a des milliers d’irakiens qui sont toujours portés disparus et des milliers d’américains, d’anglais et d’autres soldats de la coalition militaire qui ont péris ou ont été sévèrement blessés.
La moisson de la mort en Irak a laissé 2 millions de veuves qui doivent, seules, rapporter le pain dans leur foyer et 4 à 5 millions d’orphelins (dont 600.000 qui vivent dans les rues). La guerre a poussé 4 millions de personnes à fuir, dont 1 million vers la Syrie. 1,3 millions d’irakiens ont dû fuir ailleurs en Irak. Depuis 2008, de ceux-ci, seule 1 personne sur 8 de a pu rentrer chez elle.
L’aventure irakienne de Bush et Blair a également eu un énorme coût pour l’économie américaine. Selon l’économiste Joseph Stiglitz, ancien chef de la Banque Mondiale, cela a prélevé 3 trillions de dollars hors de l’économie américaine. Alors qu’il y a toujours des fonds pour mener des guerres à l’étranger pour le compte des profits et des intérêts commerciaux, les travailleurs anglais et américains voient leur niveau de vie tomber dramatiquement.
Les justifications de Blair continuent
Les interviews de Blair n’arrivent pas à lui faire avouer les véritables raisons de l’invasion. A la place de la guerre d’agression impérialiste, c’est « l’intervention humaniste » et les tentatives de Blair et de Bush d’exporter la démocratie libérale de type occidentale au Moyen Orient qui est présentée.
Les classes dirigeantes internationales étaient divisées quant à l’Irak. Les pouvoirs mondiaux et régionaux étaient craintifs quant aux conséquences de l’invasion et aux gains que les États-Unis allaient se faire sur leur dos. Les néo-conservateurs de Bush ont tout de même poussé à la guerre.
Les impérialismes américain et britannique, qui avaient précédemment soutenu Saddam, ne sont pas partis en guerre pour arrêter l’oppression, introduire des droits démocratiques ou améliorer les niveaux de vie.
Pendant des décennies, le régime sadique de Saddam a tué et terrorisé les irakiens tout en profitant du soutien occidental. Après le renversement d’un autre despote favori des occidentaux, le Shah d’Iran, l’occident encouragea Saddam à envahir son voisin. Des millions de personnes périrent ou souffrirent de terribles blessures à la suite de cette guerre qui dura 8 années.
Mais Saddam, en envahissant le Koweït voisin en 1991, est allé à l’encontre des intérêts des impérialistes occidentaux. Le potentiel qu’avait Saddam de contrôler l’approvisionnement vital en pétrole a terrifié les pouvoirs occidentaux qui ont très rapidement constitué une force militaire massive.
Lors de la première guerre du Golfe, la coalition menée par les États-Unis a vite repris le petit État riche en pétrole mais fut arrêtée aux frontières irakiennes. Peu d’intérêt fut porté à l’opposition à Saddam en 1991. Les forces militaires occidentales croisèrent les bras alors qu’un soulèvement des chiites et des kurdes fut brutalement réprimé par le dictateur.
Exploitant cyniquement l’attaque terroriste atroce d’Al-Qaida du 11 septembre 2001, la Maison Blanche et Downing Street ont avidement sauté sur l’opportunité d’une intervention militaire directe pour renverser Saddam et pour imposer un régime docile pro-occidental.
S’emparer du contrôle des réserves abondantes de pétrole irakien, estimé à 9% du total mondial, était un objectif clé pour l’impérialisme américain, en tant qu’intérêts géostratégiques vitaux dans le Moyen-Orient.
Peut-être était-ce pour éviter que ces véritables intentions ne deviennent de notoriété publique que le Cabinet a insisté pour que le rapport Chilcot publié tardivement ne contienne aucune preuve évidente qui pourrait révéler de quoi discutaient Bush et Blair avant l’invasion.
Appui aux dictateurs
Avant la première guerre du Golfe et les années de sanction, le taux d’alphabétisation en Irak dépassait les 90%. 92% des irakiens avaient accès à l’eau potable et 93% bénéficiaient de soins de santé gratuits.
En 2011, après l’occupation impérialiste, 78% des adultes sont instruits et 50% de la population vit dans des bidonvilles (17% en 2000).
Plus d’un million d’irakiens sont exilés à travers l’Irak. Près de la moitié des 400.000 réfugiés dans la capitale (personnes déplacées victimes de la terreur sectaire) vivent dans la misère des bidonvilles.
Selon la Banque Mondiale, un quart des familles irakiennes vit sous le seuil de pauvreté. Moins de 40% des adultes disposent d’un emploi. Des millions de personnes manquent d’électricité, d’eau potable et d’autres services essentiels.
[/box]Bush et Blair n’ont pas été confrontés à la justice pour leurs crimes de guerre irakiens. La Cour pénale internationale, tout comme les Nations Unies, est dominée par les intérêts des Etats-Nations les plus puissants. Seuls les anciens despotes et les seigneurs de guerre des Balkans et d’Afrique, qui s’étaient confrontés à l’impérialisme, ont été poussés devant la Cour à La Haye.
Parmi toutes ses justifications pour ses massacres de guerre, Blair a demandé « Si nous n’avions pas retiré Saddam du pouvoir, pensez juste, par exemple, ce qui serait arrivé si les révolutions arabes s’étaient poursuivies à l’heure actuelle et que Saddam, qui est probablement 20 fois pire qu’Assad en Syrie, essayait d’écraser un soulèvement en Irak ?
Il est incontestable que Saddam était un tyran brutal et que son régime a massacré de nombreuses personnes dont des communistes et des syndicalistes. Mais l’ancien premier ministre n’a aucun problème avec les dictateurs en-soi. Les associés de Tony Blair conseillent aujourd’hui le despote du Kazakhstan, Nazarbayev, le boucher des travailleurs du pétrole en grève. Et l’Irak « libérée » de Blair est actuellement dirigée par le Premier Ministre Nouri al-Maliki, que même le journal de droite The Economist accuse de « tendances dictatoriales ».
L’invasion de 2003 a considérablement augmenté parmi les arabes le sentiment d’humiliation et d’injustice vis-à-vis de l’impérialisme. Cela a été un facteur important qui a conduit aux révolutions de 2011 contre les dictateurs soutenus par l’occident dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Tout comme cela a semé la colère contre l’absence de droits démocratiques, le chômage de masse et la pauvreté dans ces sociétés.
Le « Printemps arabe » ne justifie pas du tout l’aventure néocoloniale de Blair mais confirme en fait nos positions dans le déroulement de la guerre en Irak : que le renversement du tyrannique Saddam était la tâche de la classe ouvrière irakienne par un mouvement de masse unifié.
Fin 2010 et début 2011, le renversement des proches alliés de l’occident, Ben Ali et Moubarak – qui étaient des dictateurs soi-disant « imprenables » tout comme Saddam – a montré que c’est aussi une voie d’action possible pour les masses irakiennes.
« Résoudre le conflit israélo-palestinien ? »
John Prescott, Vice-Premier ministre du Royaume-Uni (Labour) en 2003, aujourd’hui Lord Prescott, a admis récemment à la BBC que l’invasion de l’Irak en 2003 « ne pouvait être justifiée ». Il a déclaré avoir soutenu l’invasion parce qu’il croyait que George Bush avait un plan pour résoudre le conflit israélo-palestinien.
Bush et Blair ont proclamé que la défaite de Saddam Hussein pouvait être une impulsion pour un nouveau plan pour la paix en Israël et en Palestine. Mais comme nous l’avions prévu en 2003, l’oppression des palestiniens allait continuer sans relâche après l’invasion irakienne. Pour ses propres intérêts impérialistes géostratégiques, les États-Unis continuent de soutenir Israël, son plus proche allié dans la région, pendant que l’indépendance et l’auto-détermination palestiniennes sont plus éloignées que jamais.
Dans une interview accordée à l’édition nocturne de la BBC, Blair a consenti que « la vie quotidienne en Irak aujourd’hui n’est pas ce qu’il souhaitait qu’elle soit » quand il a mené son invasion dix ans plus tôt. Il poursuivait en disant qu’il y avait des « améliorations significatives » mais que « c’était loin d’être ce que ça devait être ».
C’est un euphémisme ! Nous nous sommes résolument opposé à l’intervention impérialiste en 2003 et prédisions très justement que cela mènerait à l’oppression et au chaos – ouvrant les portes à une conflit sectaire – et que l’impérialisme serait englué dans un long conflit.
La politique impérialiste de dé-Baasification du régime de Saddam largement basé sur les sunnites et la dislocation de l’armée irakienne, a entraîné des purges sectaires des sunnites. Cela a enflammé la résistance de ceux-ci.
L’occupation coloniale brutale, incluant la torture et l’abus systématique des civils dans les prisons comme celle d’Abu Ghraib, le siège de la ville de Falloujah et le massacre de combattants de la résistance et de beaucoup de civils dans des villes comme Haditha et Balad, ont provoqué une opposition de masse croissante – non exclusivement sunnite – contre l’occupation menée par les États-Unis. Le sentiment anti-guerre a grandi aux États-Unis, en Angleterre et partout dans le monde.
En dépit de son impressionnante machine militaire et de son trésor de guerre, la coalition fut incapable d’écraser la résistance et a recouru à la technique de « diviser pour mieux régner ». Ils ont soutenu les chiites contre les sunnites, créant une orgie de sang.
Conséquences
En 2004, selon des enquêtes du Guardian et de la section arabe de la BBC, l’administration Bush s’est tournée vers « l’option salvadorienne » – nommée ainsi suite au rôle joué par les États-Unis dans la gestion des escadrons de la mort d’extrême droite au Salvador dans les années ‘80. Les milices chiites ont été armées et financées par les États-Unis. Des centaines de milliers d’irakiens ont été tués et des millions exilés par la suite. Les sunnites furent les grands perdants de la guerre civile sectaire.
Une constitution imposée par les États-Unis a institutionnalisé les divisions sectaires et ethniques. Les élections en 2005 ont vu les partis chiites remporter la majorité au parlement et le poste de premier ministre.
Une classe dirigeante corrompue et réactionnaire et des partis politiques sectaires se battent pour les ressources naturelles irakiennes pendant que la majorité de la population vit dans la pauvreté. Bien que l’Irak dispose de 100 milliards de dollars annuels en revenus pétroliers, très peu de cet argent est alloué à la population. L’Irak est le 8ème pays le plus corrompu au monde selon Transparency International.
La Capitale Bagdad, qui héberge un cinquième des 33 millions d’irakiens, est toujours une ville en guerre, divisée par les postes de contrôle militaires et en proie aux attentats sectaires. Bagdad et le centre du pays souffrent quotidiennement de bombardements, d’assassinats et d’enlèvements.
L’héritage de Bush et de Blair comprend un quintuplement des malformations congénitales et une multiplication par quatre du taux de cancer dans et autour de Falloujah. Ce sont des conséquences de l’utilisation par les forces de la coalition de munitions radioactives appauvries en uranium.
Les politiciens occidentaux aiment différencier Bagdad à la paix relative qui règne dans la région kurde riche en pétrole et dans les provinces majoritairement chiites. Mais ce n’est qu’illusion.
Les chiites dans le sud sont relativement protégés car une communauté domine largement. Le chômage y est cependant élevé et la plupart des chiites vivent encore dans une pauvreté effroyable.
Les Kurdes
Des tensions entre les Kurdes, les Arabes et d’autres minorités sont toujours présentes dans le gouvernement régional kurde semi-indépendant. Au grand dam du gouvernement central de Bagdad, le régime kurde a conclu 50 accords pétroliers et gaziers avec des compagnies étrangères et exporte directement du pétrole en Turquie.
Après des décennies d’oppression brutale, beaucoup de Kurdes espèrent pouvoir obtenir une véritable auto-détermination. Mais le gouvernement régional kurde est entouré d’états qui ont une longue histoire dans l’oppression kurde. Les dirigeants réactionnaires kurdes se sont alliés aux États-Unis et à la Turquie, qui fut l’un des pires auteurs de leur oppression.
Un élément indicateur du conflit grandissant autour du pétrole et des territoires entre le gouvernement régional turc et le régime central irakien est l’affrontement entre les combattants peshmerga kurdes et les troupes irakiennes.
Le retrait de Saddam n’a pas transformé le monde en « un lieu sûr » comme l’avaient promis Bush et Blair. Dans les faits, le monde est devenu encore plus violent et instable. Saddam ne possédait pas d’armes de destruction massive mais, après l’invasion de 2003, les « Etats voyous », comme la Corée du Nord, ont conclu que le seul moyen d’arrêter les attaques menées par les États-Unis contre eux était d’acquérir ces armes.
Malgré la déroute de l’impérialisme en Irak, les États-Unis et la Grande-Bretagne continuent de mener des conflits partout dans le monde pour servir leurs intérêts vitaux. Tentant de maintenir une distance avec la guerre de Blair, Ed Miliband a déclaré que la guerre en Irak avait été une erreur mais il continue à soutenir les troupes britanniques en Afghanistan et ne plaide pas pour la fin des frappes de drones américains.
La guerre de 2003 et l’occupation ont eu des conséquences à long terme pour la région. Installer des forces occidentales en Irak visait à isoler et à encercler davantage l’Iran. Mais Téhéran a compris qu’elle avait une influence sur le gouvernement irakien dominé par les chiites et « l’arc chiites » a été renforcé.
En partie pour contrer l’Iran, les États réactionnaires du Golf et l’impérialisme occidental sont intervenu en Syrie, exploitant l’opposition sunnite à Assad. Le conflit syrien se répercute au Liban et en Irak, ou un « Printemps sunnite » a vu des manifestions d’opposition de masse dans les zones sunnites.
Révolution
La majorité des irakiens ne veulent pas être replongés dans les horreurs de la guerre civile. Mais pour empêcher d’autres conflits, pour en finir avec l’interférence impérialiste et pour se débarrasser des élites dirigeantes réactionnaires et corrompues, les travailleurs ont besoin d’une alternative.
L’Irak avait une gauche forte jusqu’à ce qu’elle soit écrasée par la CIA dans les années ‘60 et par le régime de Saddam par la suite.
La plus importante leçon de cette tragédie et des horreurs de la dernière décennie est la nécessité pour les travailleurs d’avoir un parti de classe indépendant pour lutter pour leurs intérêts. Un tel parti revendiquerait la nationalisation des richesses pétrolières, sous la propriété publique démocratique au bénéfice de la population.
Comme les révolutions de 2011 en Égypte et en Tunisie l’ont montré, des luttes de masse peuvent se développer contre les tyrans et, malgré les limites du mouvement, peuvent les démettre du pouvoir. Mais pour parvenir à un véritablement changement de société, les travailleurs ont besoin d’un programme socialiste dans chaque pays, régionalement et internationalement.
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Nigéria : La “Journée de l'Enfant” 2012
Luttons pour défendre les droits de l’enfant et pour une société meilleure
Nous avons célébré ce 27 mai la journée de l’Enfant au Nigéria. Mais cela n’est au final qu’une journée de plus où les politiciens capitalistes se lamentent et poussent des hauts cris face à l’horreur à laquelle sont confrontée des millions d’enfants de part le monde, tout en promettant solennellement de ne rien faire jusqu’à l’an prochain.
Seun Ogunniyi et HT Soweto, SPN (CIO-Nigeria)
La journée de l’Enfant est célébrée à diverses dates dans de nombreux pays du monde. Au Nigéria, cette journée est surtout observée par le gouvernement et par les ONG. À part donner un jour de congé aux élèves, pratiquement rien n’est fait par le gouvernement afin d’utiliser cette journée pour mettre en avant le véritable plan social qui est nécessaire afin de mettre un terme à la multitude de problèmes qui affectent les enfants. En général, ce n’est qu’une nouvelle occasion pour les gouvernements et les politiciens de faire résonner la fanfare, tout en laissant les problèmes irrésolus jusqu’à l’année suivante. Même la plupart des ONG censées défendre les droits de l’enfant oublient souvent d’utiliser cette journée afin de proposer un programme de campagne pour lutter pour une véritable amélioration des conditions sociales des enfants.
Selon le CIA Fact Book, 42% de la population nigériane est composée d’enfants. Sous les conditions de vie brutales que connait la vaste majorité des Nigérians, les enfants constituent un très grand groupe social vulnérable qui est particulièrement menacé.
Une enfance de cauchemar
Très peu de gens dans notre pays, à part quelques enfants de familles riches et bien placées, peuvent dirent avoir eu une enfance heureuse, et ce, surtout depuis le début de la politique néolibérale anti-pauvre qui a commencé dans les années ’80.
La vieille génération qui a grandi dans les années ’70 et au début des années ’80 garde cependant toujours de bons souvenirs de leur jeunesse. Pour la nouvelle génération, ces souvenirs paraissent être des contes de fées. Cela en raison des conditions de vie effroyables que la plupart des parents et des familles connaissent au Nigéria. Mis à part quelques moments de bonheur que les familles ouvrières tentent de créer pour leurs enfants, il n’y a que très peu de choses faites par le gouvernement pour assurer une enfance heureuse.
Le Nigéria est un pays tout aussi âpre pour les enfants qu’il l’est pour les adultes. Les maux du capitalisme et de la société immensément inégale qu’il a créée sont durement ressentis par la plupart des enfants de familles ouvrières et pauvres pendant leurs premières années. La malnutrition, les maladies telles que la polio et la méningite, les mauvaises conditions de logement, la pauvreté, les violences, les viols, le manque d’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux autres besoins de base laissent tout autant de cicatrices qui ne disparaitront pas à l’âge adulte.
Le Nigéria a un très haut taux de mortalité infantile, à 93,93 pour mille naissances. Comparons cela à 6,31‰ aux États-Unis. Cela est la conséquence de l’effondrement du système de soins de santé publics. Une majorité des enfants naissent dans les églises, dans les mosquées, chez le marabout, et autres lieux insalubres, parce que la plupart des familles pauvres ne peuvent pas se permettre le cout des hôpitaux privés. Cela explique aussi pourquoi nous ne disposons d’aucune statistique exacte du taux de naissances, puisqu’une majorité des naissances se déroulent là où on personne ne les enregistre.
L’effondrement des soins de santé publics signifie que la santé des enfants est de plus en plus mise à mal. Le Projet national pour le contrôle de la malaria lancé par le ministère de la Santé a découvert qu’environ 300 000 enfants nigérians meurent de la malaria chaque année, et que 4 enfants sur 10 sont infectés par le parasite de la malaria. Le Nigéria est aussi le pays avec le record mondial de transmission du sida de la mère à l’enfant. Selon M. Mitchel Sidible, directeur exécutif du Programme des Nations-Unies pour le sida (UNAIDS), ‘‘Nous avons aujourd’hui au Nigéria 70 000 bébés qui naissent chaque année avec le sida’’ (This Day, 29 avril 2012). On estime également à 1,8 millions le nombre d’enfants orphelins du sida au Nigéria (dont les parents sont morts du sida).
Ces conditions affreuses qui affligent les enfants ne pourraient être autrement dans un pays où 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté et n’a pas accès à de bonnes maisons, à l’électricité ni à de l’eau potable, malgré le fait que le Nigéria est un des premiers producteurs de pétrole sur le plan mondial. Les familles à bas revenu ne peuvent pas se permettre une alimentation même la plus basique, les soins de santé, l’éducation et autres besoins sociaux pour leurs enfants.
Les conditions des enfants sous aussi un reflet de l’oppression que subissent les femmes sous le capitalisme. La situation est bien pire pour les mères célibataires, qui sont souvent sans emploi. Du fait du manque de crèches ou de homes à financement public qui pourraient aider les mères pauvres ou célibataires à élever leurs enfants, le nombre de bébés abandonnés augmente de plus en plus au Nigéria.
Pour les enfants abandonnés, la survie lors des premières années est un véritable défi. Paradoxalement, le gouvernement a laissé l’accueil des enfants abandonnés à des ASBL, à des organes religieux et à des individus charitables, ce qui signifie que seuls quelques-uns de ces enfants abandonnés connaitront la chance d’être recueillis et élevés. La majorité d’entre eux meurt au coin d’une rue où leur mère – souvent une mère célibataire, ou dont le père a refusé la responsabilité d’élever l’enfant – les a abandonnés dans l’espoir qu’un Bon Samaritain les ramasse.
Exploitation et violence sur les enfants
Après leur naissance difficile, beaucoup d’enfants connaitront très tôt la joie du travail. Le travail des enfants est un phénomène de plus en plus répandu au Nigéria. Rien que dans notre pays, l’Organisation internationale du travail estime à plus de 12 millions le nombre d’enfants âgés de 10 à 14 ans qui est contraint aux travaux domestiques ou à la prostitution. Il n’est guère surprenant de constater que ce nombre correspond presque entièrement au nombre estimé d’enfants non-scolarisés au Nigéria. Sans un accès à l’éducation, les enfants deviennent vulnérables et se voient contraints de travailler.
Toutefois, la hausse du travail des enfants est étroitement lié aux attaques sur le revenu de la classe ouvrière et des familles pauvres. Les politiciens des principaux partis anti-pauvres au pouvoir tels que le PDP et l’ACN préfèrent ne pas mentionner ce fait et au lieu de ça, faire porter le blâme aux parents. Parfois, certains gouvernements régionaux ont menacé ou même tenté de faire passer des lois qui pénalisent les parents dont les enfants sont trouvés en train de travailler dans la rue.
Cependant, cela ferait bien longtemps que le problème du travail des enfants aurait été résolu si on pouvait juste le faire disparaitre par un ou deux décrets. Mais la cause véritable du travail des enfants se trouve dans l’abandon du financement des infrastructures publiques par le gouvernement et dans les conditions de misère que connaissent la majorité massive des parents ouvriers et des familles pauvres. Et seule une politique visant à améliorer les conditions de vie des parents travailleurs pourra réellement enclencher un début d’amélioration des conditions pour les enfants aussi.
Les parents qui ont perdu leur emploi ou dont le salaire ne suffit pas à subvenir aux besoins de base de leur famille se voient souvent contraints de créer leur propre petite entreprise (épicerie, etc.) afin d’accroitre le revenu familial. C’est dans de tels cas que l’on voit les enfants, bien souvent dès l’âge de cinq ans, parcourir les rues après l’école afin de vendre leur marchandise. On en voit même dans la rue pendant les heures d’école – ce qui signifie certainement qu’ils ne sont pas scolarisés. Cette pratique, en plus d’influencer négativement les performances académiques des enfants, a aussi pour conséquence le fait qu’ils sont fatigués et que leur esprit ne peut se consacrer au temps de jeu et de repos que requiert leur âge afin de pouvoir se développer en individus normaux, énergiques et heureux.
Il y a aussi la menace de la traite et du trafic d’enfants. Des parents pauvres ou ignorants se voient souvent promettre une “vie meilleure” pour leurs enfants qu’ils abandonnent ensuite à des trafiquants. Le manque de services sociaux public et l’inaction du gouvernement ne leur laisse que peu de choix, ils sont facilement trompés par les fausses promesses des esclavagistes.
Les violences faites aux enfants au sein de la famille comme en-dehors sont également en croissance. À cause des médiocres conditions de logement au Nigéria, les familles ouvrières et pauvres vivent entassés les uns sur les autres dans un seul logis où se retrouvent souvent cinq à dix autres familles, sans toilettes ni salle de bain privée ; les enfants manquent souvent d’espace où pouvoir grandir en toute sécurité. Souvent, et surtout au moment où ils entrent dans l’adolescence, ils deviennent victimes d’adultes qui bien souvent vivent dans le même bâtiment ou dans la même enceinte. Parfois, cela se passe à l’école.
Nous voyons de temps à autre dans les médias des rapports terrifiants concernant les violences faites aux enfants. Parfois, les enfants sont abusés par leur famille proche ou par leurs voisins. M. Michael Gbarale, cadre de l’organisation Stepping Stones Nigeria à Port Harcourt, a par exemple estimé qu’en six mois, pas moins de 18 cas de viols ont été rapportés rien qu’à Port Harcourt. Gbarale, cependant, se plaignait que seuls deux de ces dix-huit cas aient eu des conséquences judiciaires. Tous ces cas incluaient une fillette de 13 ans violée par un groupe de garçons, un homme qui harcelait ses deux sœurs âgées de 6 et 3 ans, et une fille de 10 ans violée sous la menace d’une arme à feu (Vanguard, 10 mars 2012).
Il y a une culture de silence autour du viol, due aux conséquences sociales que cela entraine. Les violences faites aux enfants sont souvent cachées, laissant l’enfant victime sans aucun soutien psychologique. Dans certains endroits du pays, des centaines d’enfants accusés d’être des “enfants-sorciers” sont enfermés dans d’étroites cellules par des institutions spirituelles. Ils sont souvent torturés pendant des journées entières. La police ne donne souvent qu’une réponse fortement inefficace aux plaintes de viols ou de harcèlement. Parfois, tout ce qu’elle peut faire est d’enfermer les coupables, mais il n’y a jamais d’aide médicale ou psychologique pour les enfants victimes. Les conséquences sociales de tout ceci est une masse d’enfants traumatisés qui, ayant connu l’expérience d’une forme de violence ou d’une autre, conservent ce traumatisme à l’âge adulte.
S’en prendre aux véritables coupables
La cause des horribles conditions de vie des enfants est le capitalisme et l’inégalité, la misère en plein milieu d’un pays d’abondance, et l’insécurité de vie qu’il crée pour l’immense majorité des familles de travailleurs et pauvres. Selon l’Office national des statistiques, plus de 100 millions de Nigérians vivent avec moins de 2 dollars par jour, sur une population du pays estimée à 170 millions.
L’immense majorité de la population est dépourvue d’un accès à des services de base qui sont nécessaires pour assurer aux enfants une enfance décente, tels que des logements vivables, des emplois corrects pour leurs parents, l’électricité, l’accès à l’éducation et aux soins de santé. La politique gouvernementale de sous-financement de l’enseignement – afin de faire payer les frais par les parents et par le secteur privé – signifie que plus de 12 millions d’enfants en âge d’être éduqués ne vont pas à l’école. Les filles sont une grande majorité de ces enfants non-scolarisés.
Bien que l’enseignement, s’il faut en croire le Child Rights Act étatique, soit un droit pour chaque enfant, les enfants nigérians sont dans les faits frustrés de ce droit. Au Nigéria, le Child Rights Act promulgués en 2003 par le gouvernement fédéral avait pour objectif d’assurer la protection des droits de l’enfant. L’article 1er, qui concerne le droit à la vie, est renforcé par les articles 7 et 8 qui donnent à chaque enfant nigérian le droit à un enseignement de qualité et à des soins de santé. Il y est clairement établi que le gouvernement doit rendre l’enseignement obligatoire et gratuit pour tous, tout en encourageant un accès égal à l’enseignement pour toutes les couches de la société, y compris les enfants handicapés. Malheureusement, ce texte de loi n’est pas entré en vigueur à tous les niveaux de gouvernement. On retrouve la même situation d’insouciance gouvernementale concernant l’accès à des infrastructures sociales de base en ce qui concerne l’accès aux soins de santé.
Les petites filles et les enfants handicapés courent souvent encore plus de risques de ne pas pouvoir entrer à l’école à cause de la misère ou du fait du manque d’infrastructures capables d’assurer leur accueil. Dans un pays tel que le Nigéria, où les médecins et les enseignants partent régulièrement en grève à cause du fait que le gouvernement s’inquiète moins de leur sécurité sociale que de celle des autres travailleurs, un enseignement et des soins de santé de qualité ne sont pas garantis.
Les gouvernements à tous les niveaux, via leur politique du “partenariat public-privé”, ont abandonné l’enseignement et la santé aux mains de quelques investisseurs privés. Ces derniers ont assuré leur commercialisation. Les parents sont à la merci des propriétaires des écoles privées, parce que les écoles étatiques sont mal équipées et sous-financées. Malheureusement, nombre de ces écoles privées, malgré les énormes factures qu’il faut payer pour pouvoir y accéder, ne sont bien souvent rien d’autre que des taudis manquant par exemple d’espace de récréation dans lequel les jeunes élèves puissent apprendre et développer leurs capacités mentales et physiques, en plus de pouvoir participer à des activités sportives.
La vie des enfants mise en péril au nom du profit
Sous le capitalisme, la situation ne peut qu’empirer et seule une alternative socialiste peut améliorer la condition des enfants à tous points de vue. C’est parce que le capitalisme fait toujours passer le profit avant le bien-être des gens, y compris les conditions de vie des enfants. L’affaire Pfizer, dont le procès a duré 15 ans, est un bon exemple de cela.
En 1996, une épidémie de choléra, de rougeole et de méningite a éclaté au Nigéria. Des représentants de Pfizer, une des plus grandes compagnies pharmaceutiques au niveau mondial, se sont alors rendus à Kano au nord du Nigéria pour y administrer un antibiotique expérimental, nommé trovafloxacine (ou Trovan), à environ 200 enfants. Environ 50 sont morts, tandis que nombre d’autres ont développé des difformités physiques et mentales. Selon les rapports, ‘‘Les chercheurs n’ont pas obtenu de formulaires d’assentiment signés, et le personnel médical de Pfizer n’a pas informé les parents que leurs enfants allaient recevoir un médicament expérimental.’’
En 2001, les familles des enfants, ainsi que les gouvernements de l’état de Kano et du Nigéria, ont attaqué Pfizer en justice au sujet de ce traitement et pour ‘‘utilisation d’une épidémie afin d’accomplir des tests sur des sujets humains sans approbation, en plus d’avoir expressément sous-dosé le groupe contrôle traité aux antibiotiques traditionnels et ce, dans le seul but de truquer les résultats de l’expérience au profit du Trovan.’’ Il a fallu 15 ans de procédures judiciaires et de scandale public au Nigéria et dans le monde, pour contraindre Pfizer à payer des compensations aux familles des victimes.
Cette affaire a révélé au grand jour la putréfaction de l’élite dirigeante corrompue du Nigéria, qui n’a pas établi la moindre protection ou régulation contre l’usage de nouveaux traitements et d’expérience médicales. Là où les lois et régulations existent, elles sont en général ignorées par les bureaucrates du ministère de la Santé qui sont dans la poche des compagnies pharmaceutiques. Cette manière de procéder est similaire à celle adoptée par les compagnies pétrolières qui suivent des pratiques de production et de fonctionnement brutales et dangereuses, causant des destructions à l’environnement, aux sources d’eau potable, aux étangs de pêche, à l’agriculture et aux conditions de vie en général dans la région du delta du Niger et ce, avec le plein assentiment des autorités.
Dans ce contexte d’effondrement du secteur de la santé et de corruption légendaire des hauts fonctionnaires dans le ministère de la Santé et dans le gouvernement, les Nigérians sont considérés comme guère plus que des cobayes pour les multinationales pharmaceutiques qui ne respectent rien, pas même la vie humaine, dans leur recherche frénétique de profit. Une étude récemment publiée par des chercheurs nigérians de l’Université de Lagos a révélé qu’une énorme proportion des médicaments utilisés pour traiter la malaria (produits par de grandes multinationales) ne correspondent en réalité pas aux normes de traitement requises ! Malgré le tollé que cette étude a provoqué dans la société, le seul résultat en a été une série de dénis dans la presse, quelques remontrances et beaucoup de “c’est pas moi c’est lui”.
Tout ceci démontre bien que le même style d’affaire peut très bien se répéter à nouveau encore et encore dans le futur, causant de nouvelles dévastations et morts d’enfants.
Une vie décente est possible, pour les enfants comme pour les adultes
Il faut que les syndicats, les groupes de défense des droits de l’homme et les organisations pro-masses se réunissent pour établir un programme d’actions afin de lutter pour le droit des enfants, y compris le droit à l’éducation, à une vie décente, à des soins de santé et à un avenir.
Alors que de nombreux gouvernements ont souvent adopté une rhétorique très dure à l’encontre du “travail des enfants” – en particulier du colportage de rue -, ils ont toujours adopté une démarche contre-productive qui consiste à menacer les parents pauvres qui demandent à leurs enfants d’aller vendre des marchandises afin d’arrondir le budget familial. Mais la véritable cause du travail des enfants reste les conditions de misère de masse qui afflige des millions de familles travailleuses et pauvres – misère empirée par la politique néolibérale capitaliste de sous-financement et de commercialisation de l’enseignement.
C’est pourquoi toute campagne qui vise à protéger les droits des enfants doit également inclure et mettre en avant d’une manière la plus énergique qui soit la revendication d’un enseignement réellement gratuit à tous les niveaux, de même que la gratuité des soins de santé, en plus de la création de services publics étatiques tels que des orphelinats, des centres d’accueil, et autres services de garde des enfants pour les mères célibataires, tout cela sous le contrôle démocratique des parents, des travailleurs et de la communauté. Seule l’organisation de ce genre de services sociaux et leur extension à l’échelle nationale, y compris dans les zones rurales, pourra apporter le début d’une solution et d’une vie décente pour les enfants du Nigéria.
Aucun des partis politiques du Nigéria ne possède le moindre programme capable de libérer les enfants des conditions horribles auxquelles ils sont confrontés en grandissant. D’ailleurs, ces partis ne disposent pas non plus d’un programme capable de résoudre la crise du chômage, du sous-développement, de la misère de masse et de l’inégalité qui ravage la société. En vérité, la politique de privatisation, de commercialisation et de dérégulation qui est mise en œuvre par tous les partis dirigeants actuels partout dans le pays ne fait qu’aggraver la situation en détruisant les derniers vestiges de tout programme social au niveau de l’enseignement et des soins de santé, ce qui ne fait qu’ajouter aux problèmes sociaux qui affectent les enfants.
Il est temps de bâtir un parti politique alternatif des travailleurs, des jeunes, et des pauvres, qui puisse apporter une réelle politique pro-pauvre afin d’endiguer les problèmes sociaux qui affectent les enfants et populations vulnérables dans la société, tout en montrant aussi la voie hors des conditions de misère de masse qui afflige la vaste majorité des Nigérians, une misère au milieu d’un pays d’abondance.
Une véritable solution à la condition sociale de l’enfant nigérian ne pourra émerger qu’à partir du moment où seront nationalisés les secteurs-clés de l’économie du Nigéria, sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population laborieuse. Il sera alors possible de récupérer la richesse volée par les 1 % et de commencer à l’investir afin de restaurer notre infrastructure sociale décrépie et de fournir un enseignement, des soins de santé et tous les services nécessaires à une vie décente pour nos enfants, qui pourront alors grandir en sachant qu’ils auront un avenir une fois adultes.
Cela signifie que la lutte pour défendre les droits des enfants et pour assurer la survie de la prochaine génération ne sera victorieuse qu’une fois le capitalisme et sa politique anti-pauvre seront éliminés et que le Nigéria sera restructuré selon des lignes socialistes et démocratiques.
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Libye: Non à l’intervention militaire occidentale !
Victoire à la révolution libyenne! Construisons un mouvement indépendant des travailleurs et des jeunes!
Même si elle a été fêtée avec joie dans les rues de Tobruk et de Benghazi, la décision du Conseil de sécurité de l’ONU de décréter une ”no fly zone”, une zone d’exclusion aérienne, n’a pas été prise dans le but de défendre la révolution libyenne. Les révolutionnaires libyens peuvent penser que cette décision va les aider, mais ils se trompent. Des calculs économiques et politiques se trouvent derrière les décisions des puissances impérialistes, il ne s’agit pas de sauver la révolution contre Kadhafi. Les majeures puissances impérialistes ont décidé d’exploiter la révolution et de tenter de remplacer Kadhafi par un régime plus fiable. L’annonce par le ministre libyen des affaires étrangères d’un cessez-le-feu immédiat a toutefois compliqué la position de l’impérialisme.
Robert Bechert, CIO
Confrontés à une avance rapide des troupes de Kadhafi, nombreux sont ceux à l’Est du pays qui ont considéré que l’idée d’une ”no-fly-zone” serait de nature à les aider, mais ce n’est pas là le chemin pour défendre et étendre la révolution. Malheureusement, le mouvement initial de la révolution vers l’Ouest, où habitent les deux tiers de la population, n’était pas basé sur un mouvement construit sur base de comité populaire et démocratiques capables d’offrir un programme clair afin de gagner le soutien des masses et des soldats du rang, tout en menant une guerre révolutionnaire. Cela a donné à Kadhafi l’opportunité de regrouper ses troupes.
Le soutien croissant pour une ”no-fly-zone” est une inversion du sentiment exprimé sur des affiches en anglais à Benghazi, en février dernier: “No To Foreign Intervention – Libyans Can Do It By Themselves” (”Non à une intervention étrangère, les Libyens peuvent le faire par eux-mêmes”). Cela suivait les merveilleux exemples de Tunisie et d’Égypte, où l’action de masse a totalement miné les régimes totalitaires. Les masses libyennes étaient confiantes que leur élan finirait en victoire. Mais Kadhafi a été capable de maintenir sa poigne sur Tripoli. Cette relative stabilisation du régime et sa contre-offensive ont conduit à un changement dans l’attitude vis-à-vis d’une intervention étrangère, ce qui a permis à la direction largement pro-occidentale du Conseil National Libyen rebelle de passer au-dessus de l’opposition des jeunes à une demande d’aide à l’Ouest.
Cependant, malgré les déclarations du régime de Kadhafi, il n’est pas certain que ses forces relativement petites auraient été capables de lancer un assaut contre Benghazi, la seconde plus grande ville de Libye, avec environ un million de personnes y vivant. Une défense de masse de la ville aurait pu bloquer l’attaque des forces restreintes de Kadhafi. Maintenant, si le cessez-le-feu se maintien et que Kadhafi reste au pouvoir à Tripoli, une scission de fait du pays pourrait se produire, pour retourner à quelque chose de semblable aux entités séparées qui avaient existé avant que l’Italie ne crée la Libye après 1912 et qui a été restauré par la Grande-Bretagne à la fin des années ’40.
Quel que soit l’effet immédiat de la ”no fly zone”, toute confiance placée dans l’ONU ou dans les puissances impérialistes menace de miner les véritables aspirations de la révolution qui a commencé le mois dernier. Les puissances qui ont menacé d’actions militaires ne sont pas amies des masses libyennes. Jusqu’à récemment, ces mêmes puissances étaient plutôt heureuses de faire affaire et de flatter la clique de meurtriers de Kadhafi afin de maintenir un partenariat, très certainement concernant les industries du gaz et du pétrole libyennes. Le jour suivant la décision de l’ONU, le Wall Street Journal (qui appartient à l’empire Murdoch) s’est lamenté que “le partenariat étroit entre les services secrets du dirigeant libyen le Colonnel Muammar Kadhafi et la CIA a été détruit” (18 mars 2011). Le journal disait encore: “selon un fonctionnaire américain âgé” ce ”partenariat” était ”particulièrement productif”.
Maintenant, après avoir perdu d’anciens dictateurs alliés, Moubarak en Égypte et Ben Ali en Tunisie, l’impérialisme essaye de tirer profit du soulèvement populaire en Libye à la fois pour redorer son image “démocratique” et pour aider à installer un régime plus “fiable”, au moins dans une région du pays. Tout comme avant, la région d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, en raison de sa situation stratégique et de ses réserves de pétrole, est d’une importance majeure pour les puissances impérialistes.
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Cherchez l’opposant le plus sincère au dictateur libyen…
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Cela révèle l’absolue hypocrisie des principales puissances impérialistes, qui ont soutenu des régimes dictatoriaux et répressifs à travers tout le Moyen-Orient depuis des décennies. Au même moment qu’ils décidaient d’une No-Fly-Zone, ces puissances impérialistes n’ont absolument rien fait contre l’Arabie Saoudite et ses alliés et leur répression de la population du Bahreïn. Dans les 12 heures qui ont suivi la décision de l’ONU, les forces armées d’un autre allié régional, le Yemen, ont tués au moins 39 manifestants dans la capitale, Sanaa. L’ONU n’a été capable de prendre sa décision en Libye à cause du soutien de la Ligue Arabe pour une ”no-fly-zone”, mais ces régimes réactionnaires ne disent rien, bien entendu, à propos de la répression au Bahreïn, au Yémen ou dans un autre pays arabe.
Les considérations de Cameron et de Sarkozy pour la Libye sont en partie motivées par leur impopularité dans leur propre pays, avec l’espoir qu’un succès à l’étranger pourraient renforcer leur position. Cameron espère très clairement jouir d’un effet similaire à celui dont a bénéficié Thatcher après sa victoire en 1983 au cours de la Guerre des Malouines (Falklands). Mais Thatcher a pu compter sur une victoire militaire rapide – une opération ”no-fly-zone” ne conduira pas à une même victoire militaire. Sarkozy, après le désastre de sa politique tunisienne qui a entraîné la chute de son ministre des affaires étrangères, a besoin d’un succès pour contrecarrer les sondages actuels, les élections présidentielles de 2012 arrivant à grands pas.
Les zig-zags de Kadhafi
En dépit des récents rapprochements entre les puissances impérialistes et Kadhafi, ce tyran est resté un allié incertain. Au cours de ses 42 années au pouvoir, la politique de Kadhafi est faite de zig-zags, parfois violents. En 1971, il a aidé le dictateur soudanais, Nimeiry, à écraser un coup d’État de gauche qui avait pris place en réaction à l’interdiction de la gauche, y compris du parti communiste soudanais, qui avait un million de membres. Six ans plus tard, Kadhafi a proclamé une "révolution du peuple" et a changé le nom officiel du pays de ”République Arabe Libyenne” en ”Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste”. Malgré le changement de nom et la création de soi-disant “comités révolutionnaires”, il ne s’agissait pas d’un véritable socialisme démocratique où d’un mouvement en cette direction. Les travailleurs et les jeunes de Libye n’ont pas dirigé leur pays. Kadhafi est resté au pouvoir. Cela est d’ailleurs souligné par le rôle incroyablement proéminent que jouent nombre de ses enfants dans le régime.
Depuis 1969 toutefois, sur base des revenus du pétrole et d’une petite population, de grandes améliorations ont eu lieu, particulièrement au niveau de l’enseignement et des soins de santé, ce qui explique pourquoi Kadhafi peut encore jouir d’une certaine base parmi la population. Même si l’opposition est grandissante contre la clique de kadhafi, spécialement parmi les jeunes et la population qui a reçu une instruction, la peur existe face à l’avenir, face à qui pourra le remplacer, de même qu’existe une grande opposition à tout ce qui sent le pouvoir de l’étranger. L’utilisation répandue du vieux drapeaux monarchiste a aliéné ceux qui ne veulent pas d’un retour à l’ancien régime, et Kadhafi a utilisé cela pour justifier ses actes. Porter le vieux drapeaux peut encore être contre-productif pour les Libyens de l’Ouest, parce que l’ancien roi provient de l’Est.
Mais ces facteurs ne constituent pas une explication complète pour comprendre pourquoi Kadhafi est capable, au moins temporairement, de stabiliser sa position. Alors qu’il y a un soulèvement populaire dans l’Est du pays, Kadhafi a été capable de maintenir sa position à l’Ouest, malgré les protestations à Tripoli et les soulèvements à Misrata, Zuwarah et dans quelques autres endroits.
Le rôle de la classe ouvrière
Contrairement à l’Égypte et à la Tunisie, la classe ouvrière n’a pas joué un rôle indépendant dans la révolution. De plus, de nombreux travailleurs en Libye sont des immigrés qui ont quitté le pays ces dernières semaines.
L’absence d’un élément tel que le syndicat tunisien UGTT (malgré le fait que sa direction nationale est pro-Ben Ali), a compliqué la situation en Libye. Le grand enthousiasme révolutionnaire de la population n’a pas encore eu d’expression organisée. Le ”Conseil National” qui a émergé à Benghazi, très largement un conseil autoproclamé, est une combinaison d’éléments du vieux régime et d’éléments pro-impérialistes. Par exemple, le porte-parole du Conseil, Mahmoud Jibril, l’ancienne tête dirigeante du Bureau national de développement économique de Kadhafi, est décrit par l’ambassadeur américain comme un “interlocuteur sérieux qui a compris la perspective américaine”.
Il est facile pour Kadhafi de présenter ces gens comme une menace pour le niveau de vie des Libyens et comme des agents des puissances étrangères. Cette propagande n’a cependant qu’un effet limité, le niveau de vie de la population étant en train de diminuer, au contraire du chômage (de 10% actuellement), depuis la fin du boom du pétrole dans les années ’80 et depuis le début des privatisations en 2003.
Kadhafi utilise la menace de l’intervention impérialiste pour récupérer du soutien dans le pays, et cela peut avoir un plus grand effet en cas de partition du pays. Combien de temps cela pourra marcher est une autre question. En plus de sa rhétorique anti-impérialiste, Kadhafi a fait des concessions. Chaque famille a reçu l’équivalent de 450 dollars. Certains travailleurs des services publics ont eu 150% d’augmentation de salaire et des taxes sur la nourriture ont été abolies. Mais cela ne répond pas aux revendications de liberté et à la frustration grandissante de la jeunesse libyenne (la moyenne d’âge est de 24 ans dans le pays) contre la corruption du régime.
A travers le monde, des millions de personnes suivent les révolutions dans la région et sont inspirées par elles. Ces évènements ont inspiré des protestations contre les effets de la crise capitaliste dans plusieurs pays. Certains de ceux qui accueillent les événements révolutionnaires de la région peuvent soutenir la ”no-fly-zone”, mais nous affirmons que cela se fait en premier lieu pour défendre les intérêts des puissances impérialistes, ces mêmes puissances qui ne font rien contre la répression dans le Golfe.
Que peut-il être fait pour réellement aider la révolution libyenne? En premier lieu, les syndicats doivent bloquer les exportations de gaz et de pétrole de Libye. Ensuite, les travailleurs dans les banques doivent organiser le gel des finances de Kadhafi.
La ”no-fly-zone” ne va pas automatiquement conduire au renversement de Kadhafi. Comme Saddam Hussein en son temps, le dirigeant libyen pourrait consolider sa position pour un moment dans les parties du pays qu’il contrôle. Comme l’ont montré les expériences de Tunisie et d’Égypte, la clé pour renverser une dictature réside dans un mouvement des travailleurs et des jeunes.
Un programme révolutionnaire
L’avenir de la révolution doit se décider dans le pays lui-même. Cette victoire demande un programme qui peut aller outre les divisions régionales et tribales, et qui soit capable d’unifier la masse de la population contre la clique de Kadhafi et pour un meilleur avenir.
Un programme pour la révolution libyenne qui pourrait véritablement bénéficier à la masse de la population serait basé sur de véritables droits démocratiques: la fin de la corruption et des privilèges, la sauvegarde et le développements de gains sociaux obtenus grâce au pétrole, l’opposition à toute forme de recolonisation et la défense d’une économie démocratiquement contrôlée, sous propriété publique, et d’une planification économique afin d’utiliser les ressources du pays pour le bien des masses.
La création d’un mouvement indépendant des travailleurs, des pauvres et des jeunes pourrait opérer cette transformation réellement révolutionnaire de la société. C’est la seule façon de contrecarrer les plans de l’impérialisme, de mettre fin à la dictature et d’améliorer la vie de la population.
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Pour l’indépendance réelle et pour le socialisme !
50 ans d’indépendance formelle de la RD Congo, suka wapi (*) ?
Ce 30 juin 2010, au regard du bilan de ces 50 ans ‘‘d’indépendance’’, on verra qu’il ne reste plus grand-chose de cette indépendance et que la grande fête du 30 juin 1960 n’aura que peu duré. Depuis lors, le Congo n’a connu que la dictature pro-impérialiste de Mobutu, les guerres, la souffrance et la misère. Pour une réelle indépendance et pour que les énormes richesses du pays reviennent à la population, une société socialiste est nécessaire.
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République Démocratique du CongoPopulation en 2009 : 68.692.542 (6 fois la Belgique, autant qu’en France)
Quelques dates :
- 1885: Léopold II achète le Congo en tant que propriété personnelle, et s’enrichit par la vente de caoutchouc. Entre 1885 et 1908, au moins 5 millions de Congolais meurent des suites de l’exploitation et de la maladie
- 30 juin 1960: le Congo obtient son indépendance, sous la Présidence de Kasavubu et avec Lumumba comme Premier Ministre. Lumumba est assassiné en 1961
- 1965-1997: le Général Mobutu prend le pouvoir. En 1971, le Congo est rebaptisé Zaïre. En 1984, la fortune de Mobutu était estimée à 4 milliards de dollars
- 18 mai 1997: Kabila entre dans Kinshasa avec ses troupes de l’AFDL
- 1998: début de la guerre civile, lorsque le Rwanda et l’Ouganda se liguent contre Kabila
- 2001: Kabila est assassiné lors d’une tentative de coup d’Etat, son fils prend le pouvoir à sa suite
- 2006: Kabila Jr. remporte les élections
Une indépendance arrachée de haute lutte
‘‘L’indépendance du Congo constitue l’aboutissement de l’œuvre conçue par le génie du Roi Léopold II’’ voilà ce que déclare le roi Baudouin à Léopoldville (Kinshasa) le 30 juin 1960, en affirmant que l’indépendance est le sommet de l’œuvre civilisatrice de la Belgique en Afrique. Un beau mensonge, destiné à justifier la colonisation afin de garder une mainmise ‘amicale’ (sic) sur le Congo et à préserver le prestige de la Belgique sur la scène internationale. La vérité, la voilà : l’indépendance du Congo a été acquise au prix de la lutte implacable du peuple congolais et au prix du sang de nombreux combattants de cette indépendance.
Ainsi, le 4 janvier 1959, la foule de Léopoldville s’était attaquée aux symboles du colonialisme, police et armée en tête, après l’interdiction et la répression d’un meeting de l’ABAKO de Joseph Kasa-vubu(1), au prix d’une centaine de morts. Ce n’est qu’après cet événement que la Belgique s’est résolue à l’indépendance, en comprenant qu’elle était incapable d’assumer une lutte prolongée. Avant cette date, l’indépendance était inconcevable à court terme. Ainsi, le professeur Van Bilsen, de l’UCL, parlait alors d’une éventuelle indépendance du Congo par l’intermédiaire d’un plan étalé sur 30 années.
Cette cérémonie du 30 juin à Kinshasa révèle trois choses. Premièrement, la Belgique ne compte nullement abandonner sa mainmise sur le Congo. Deuxièmement, le discours du président Kasa-Vubu montre que la plupart des élites congolaises est prête à vendre cette indépendance que le peuple a obtenue pour quelques privilèges personnels. Le président Kasa-Vubu remercie ainsi Baudouin pour avoir ‘‘aimé et protégé’’ la population du Congo. La troisième chose rétablit la vérité sur l’indépendance du Congo et est révélée dans le discours de Patrice Lumumba(2), qui affirme que ‘‘cette Indépendance (…) nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.’’
C’est de ce discours, où Lumumba salue les combattants de l’indépendance, ses ‘‘frères de lutte’’, dont nous nous souviendrons ce 30 juin 2010.
Du colonialisme au néocolonialisme
Comme l’a annoncé Baudouin, la Belgique ne compte pas abandonner ses ‘‘droits’’ sur le Congo et, plus spécifiquement, sur les richesses minières du pays. Quand il se rend compte que Lumumba, le premier ministre, veut vraiment faire profiter les richesses du pays aux Congolais, l’Etat belge décrète sa mise à mort ainsi que celle de son gouvernement nationaliste. Cela se concrétise tout d’abord par un soutien à la sécession du Katanga (où se trouvent la plupart des richesses minières et la puissante Union Minière) et à celle du Sud-Kasai (où se trouvent les ressources diamantifères) et ensuite par l’assassinat de Lumumba et le soutien au Coup d’Etat du général Mobutu.
Le régime mobutiste est un régime de dictature et de terreur instauré avec le soutien de la Belgique et des Etats-Unis, à travers la CIA qui travaillait déjà avec Mobutu depuis plusieurs années. La formule qui dit que ‘‘contre des privilèges personnels, les élites congolaises sont prêtes à vendre leur pays aux intérêts occidentaux’’, se vérifie.
Le régime de Mobutu est soutenu par les puissances occidentales afin de protéger les intérêts économiques occidentaux au Congo (devenu Zaïre en 1971) et pour être la plaque tournante de la CIA contre le ‘‘communisme’’ en Afrique. Ainsi, le Zaïre a par la suite été la base arrière de l’UNITA, qui luttait pour les intérêts occidentaux en Angola contre le Mouvement Populaire de Libération de l’Angola (MPLA) au pouvoir.
Grâce à une aide occidentale considérable, le régime de Mobutu peut offrir quelques miettes à la population ; le niveau de vie s’améliore durant quelques années, avec des résultats corrects dans l’éducation par exemple. Mais cette relative et très brève période de réussite n’est due qu’au financement occidental et, quand les régimes occidentaux décident que Mobutu va trop loin et qu’ils le lâchent définitivement après la chute du mur de Berlin et la fin de la ‘‘nécessaire lutte contre le communisme’’, le régime s’effondre.
Dépourvu du soutien occidental, le Zaïre de Mobutu sombre dans le chaos et la violence : Kengo wa Dondo, le chef du gouvernement du parti unique MPR (et actuel président du Sénat), ‘‘remet de l’ordre’’ dans les finances de l’Etat en pratiquant une politique néolibérale brutale, saccageant tous les acquis des travailleurs et de la population et allant même jusqu’à ne plus payer les fonctionnaires. Cette politique engendre une violence généralisée dans le pays et on assiste aux grands pillages opérés par les FAZ (l’armée officielle), qui n’avait plus touché leur salaire depuis longtemps.
Cette période où l’impérialisme lâche Mobutu voit aussi l’organisation de la Conférence nationale souveraine (CNS) sensée opérer une transition démocratique pour le pays. On voit alors ‘‘l’opposant’’ de Mobutu, Etienne Tshisekedi (3) et son UDPS, monter en puissance pour finalement accepter de devenir premier ministre de Mobutu à plusieurs reprises. Cela illustre une fois de plus à quel point les élites congolaises sont prêtes à vendre leur pays pour quelques privilèges.
La fin de Mobutu
Extrait de l’édito de ce journal en juin 1997
«Kabila a accompli ce que tous les pouvoirs impérialistes voulaient éviter à tout prix: prendre d’assaut Kinshasa. La position de Kabila est donc forte aujourd’hui. Ce qu’il va ensuite faire reste provisoirement une énigme. Les besoins sont immenses: emplois, salaires, soins de santé, enseignement, logement, transport et communications… L’objectif n’est pas seulement la reprise de l’économie et sa gestion dans l’intérêt des masses, mais aussi la reconstruction d’une économie totalement ruinée.’’
«Cela ne peut se faire en ouvrant le pays à la dictature du marché et au capitalisme mondial. L’Alliance semble pourtant suivre cette voie: avant la prise du pouvoir, des accords d’exploitation ont déjà été signés avec des entreprises américaines et sud-africaines. Cela ne peut aboutir qu’à des zones franches dans les provinces disposant de richesses minérales où des journées de 16 heures de labeur avec des salaires de famine seront la norme.’’
«Seul un gouvernement qui nationalise et planifie l’économie en faveur des masses peut offrir une solution. Les ouvriers et les paysans pauvres doivent être impliqués dans la mise sur pied et l’application d’un plan de reconstruction.’’
«Le Congo devra évidemment faire du commerce avec le capitalisme mondial. Il sera donc soumis à une pression gigantesque. En restant indépendant de l’impérialisme et en mettant l’intérêt du peuple au centre de ses préoccupations, le Congo peut être un exemple pour tous les Africains et un pôle de solidarité internationale.’’
[/box]Les erreurs de Laurent-Désiré Kabila
C’est dans ce contexte d’un Etat chancelant que démarre, en 1996, la guerre de l’AFDL, dont le porte-parole est Laurent-Désiré Kabila, qui tenait son maquis d’inspiration maoïste à Hewa Bora au Sud-Kivu depuis les années ’60. En réalité, derrière cet homme se trouvent les armées rwandaise et ougandaise, désireuses de profiter de la faiblesse du Zaïre pour piller les richesses de l’Est du pays (or, coltan, cassitérite, etc.) et pour traquer les génocidaires hutus de 1994 réfugiés au Zaïre. Vouloir ‘‘libérer’’ le pays avec des armées liées à l’impérialisme dans son dos, voilà la première erreur de Kabila.
La population, qui veut en terminer avec le pouvoir chaotique de Mobutu, accueille favorablement les miliciens de l’AFDL jusqu’à Kinshasa, où le régime passe définitivement aux mains de Kabila le 17 mai 1997. Enfermé dans la théorie maoïste des deux étapes, et redevable envers ses ‘‘amis’’ rwandais, ougandais, angolais, zimbabwéens,… et occidentaux ; Kabila veut accueillir les ‘‘bons’’ capitalistes contre les ‘‘mauvais’’ qui avaient soutenu le régime mobutiste. Il octroie donc des concessions aux sociétés multinationales qui avaient financé la guerre de l’AFDL. Seconde erreur: impossible de libérer un pays du joug de l’impérialisme en l’accueillant à bras ouvert sur son sol ; impossible de développer un pays en permettant à des sociétés assoiffées de profits d’exploiter ses richesses. Un réel développement indépendant passe par la mise sous contrôle des travailleurs des entreprises pour que les richesses produites profitent à la population toute entière, que le développement s’effectue sur base nationale et pour éviter l’exportation des bénéfices vers l’étranger.
Alors que les Congolais avaient accueilli l’AFDL à bras ouverts pour mettre fin au chaos mobutiste et à la dictature de parti unique du MPR ainsi qu’au ‘‘multi-mobutisme’’ instauré avec la CNS (celles-ci avaient permis la création de parti ‘d’opposition’, tous d’anciens mobutistes convertis à la démocratie comme Kengo, Tshisekedi, Karl-i-Bond, etc.), Kabila échoue à intégrer les masses dans un projet révolutionnaire. Les CPP (comités de pouvoir populaire) devaient, à la base, être le centre du pouvoir de Kabila, son instrument démocratique. Mais, au lieu de cela, les CPP jouent rapidement le rôle de courroie de transmission des ordres du haut vers le bas et non de réel pouvoir populaire. Rien d’étonnant : la lutte de Kabila était avant tout une lutte armée plus qu’un mouvement révolutionnaire populaire.
Les caractéristiques principales d’une lutte armée sont de ne pas impliquer toutes les masses pauvres mais seulement les combattants ainsi que d’obéir à un système hiérarchique strict où la démocratie n’a pas place. C’est ce modèle qui s’applique désormais à l’ensemble de la société congolaise. C’est la troisième erreur fondamentale de Kabila et, lorsque les alliés rwandais et ougandais se sont retournés contre l’enfant turbulent Kabila, celui-ci n’a pu compter sur aucune base et s’est retrouvé seul, sans réel appui autre que celui de l’Angola jusqu’à son assassinat en 2001.
Les parrains contre le filleul, le fils contre le gendre
En 1998, Kabila s’émancipe trop de ses parrains, et ceux-ci décident de lancer une nouvelle guerre de ‘‘correction révolutionnaire’’ (sic). Ainsi nait le RCD, où se retrouvent pêle-mêle les anciens cadres de l’AFDL, des anciens FAZ, des membres de l’UDPS,… Bref, toute la clique pro-impérialiste du pays et tous les aventuriers prêts à gagner quelques privilèges contre services rendus à l’impérialisme. En réalité, les armées rwandaises et ougandaises ne tardent pas à se disputer la part du lion. Les troupes s’entretuent à Kisangani et l’Ouganda crée le MLC dirigé par Jean-Pierre Bemba, gendre de Mobutu. Le vieux Kabila assassiné, le fils prend la relève et, quelques millions de morts plus tard (on parle de 4 millions), on arrive aux accords signés à Sun City en 2002, qui prévoient un gouvernement commun Kabila-MLC-RCD et des élections en 2006. Cet accord a été rendu possible car les différentes parties étaient finalement d’accord sur l’essentiel depuis la mort de Kabila : satisfaire les occidentaux en accueillant les institutions financières internationales et répartir les postes de pouvoir. Quel cynisme ! Le fils de l’ancien président Kabila et le gendre de Mobutu (Jean-Pierre Bemba est également le fils de Jeannot Bemba Saolona, ancien président de l’ANEZA – association nationale des entreprises du Zaïre sous Mobutu, le patron des patrons), ensemble pour l’occident et les privilèges.
Les élections donnent Kabila vainqueur et celui-ci réalise la politique voulue par l’impérialisme et les institutions financières internationales. Mais il n’y a aucun doute sur le fait que Jean-Pierre Bemba aurait réalisé le même programme, voire encore pire, lui qui est le fruit de l’union entre Mobutu et le patronat zaïrois.
Un pays sous tutelle
Aujourd’hui, à qui profitent les richesses du Congo ? Certainement pas à son peuple qui se voit accablé d’une pauvreté extrême. Dans des provinces comme l’Equateur ou le Bandundu, le taux de pauvreté atteint les 90%. Dans l’ensemble du pays, l’espérance de vie atteint péniblement les 54 ans et 1 million de personnes décèdent chaque année du SIDA. Et, en effet, le Congo n’a pas son avenir en main. En acceptant les plans des institutions financières internationales, Joseph Kabila leur a donné les clés de la maison. Aujourd’hui, par exemple, c’est un Canadien qui dirige la Gécamines, ancien fleuron de l’économie zaïroise et société nationale active au Katanga. Celui-ci a pour mission d’octroyer des concessions minières au plus offrant et c’est tout le capitalisme sauvage qui se retrouve au Katanga : du capitaliste belge Georges Forrest aux sociétés chinoises en passant par les multinationales venues d’Inde, du Canada, etc.
Les programmes sociaux d’éducation, de santé,… sont inexistants. Les fonctionnaires ne reçoivent que rarement leur salaire, s’adonnant à la corruption pour survivre. Les infrastructures promises par Kabila dans ses ‘‘5 chantiers’’ sont invisibles. Rester dans le cadre du FMI ne pourra que faire perdurer cette situation : avec la dette immense laissée par Mobutu (pour construire des villas en Suisse, ce que les bailleurs savaient parfaitement), le Club de Paris – les grands créanciers des pays endettés – possède un moyen de pression extraordinaire pour pousser le régime congolais à libéraliser au maximum son économie, faisant ainsi place aux capitalistes qui pillent le pays. Cette question de la dette empêche également le Congo de toute capacité d’action puisque le budget de l’Etat s’en retrouve amoindri.
Pour un Congo véritablement indépendant – Pour un Congo socialiste
50ans après l’indépendance, nous voyons un pays sous tutelle des institutions financières internationales, un pays où la population ne voit pas un franc de ses richesses. En 2011 auront lieu les élections présidentielles et législatives et, quel que soit le vainqueur (Joseph Kabila, un opposant issu du PPRD, du MLC ou de l’UDPS), cet Etat des lieux de changera pas car tous ont la volonté d’être celui qui plaira le plus à l’impérialisme, tous sont prêts à vendre leur pays pour quelques privilèges. Au parlement, tous seront prêts à aller chercher leur enveloppe de dollars pour voter ‘‘comme il faut’’.
La réappropriation du pays passe par la prise en mains de ses richesses par les travailleurs et le peuple tout entier et par la prise en mains par les paysans des grandes concessions octroyées aux amis de Mobutu.
La résolution de la question agraire et la nationalisation des concessions minières, voilà ce qui permettra, grâce au profit immense qu’elles produisent, de dégager de l’argent pour construire les infrastructures nécessaires au développement du pays, pour investir dans l’éducation et dans la santé. Cette nationalisation doit être véritable et démocratique, c’est-à-dire entre les mains de ceux qui y travaillent et aux mains du peuple tout entier et non entre les mains de quelques dirigeants corrompus.
Ce programme doit être réalisé en tenant compte des leçons enseignées par l’Histoire : ne faisons pas confiance aux élites prêtes à vendre le pays pour quelques privilèges ; ne nous allions pas avec des impérialistes, nos intérêts sont opposés ; ne nous allions pas avec des capitalistes, l’appropriation collectives des richesses est le seul gage d’une indépendance réelle ; impliquons les masses au maximum dans ce processus révolutionnaire, elles seules ont la force de résister aux agressions, elles seules peuvent éviter le pouvoir d’une élite corrompue ; la lutte commence au sein des travailleurs des villes par les grèves et les manifestations, la lutte armée n’est qu’un outil périphérique qui, utilisé seul, mène à la dictature.
(*) Ça se termine où (quand) ?
(1) L’ABAKO est l’Association des Bakongos, un parti régionaliste de la province du Bas-Congo dirigé par le président Kasa-vubu (1913-1969) qui représentait les positions pro-occidentales et soutenait la dictature de Mobutu.
(2) Lumumba (1925-1961) était un chef de file du Mouvement national congolais (MNC) qui a remporté les élections en décembre 1959. Opposé à la déclaration d’Indépendance – parrainée par la Belgique – de la riche province du Katanga, il avait fait appel au soutien de l’Union soviétique. La radicalisation de Lumumba a donné lieu à son assassinat soutenu (ou organisé) par l’Occident.
(3) Etienne Tshisekedi a toujours été un « opposant » au service de l’impérialisme. En 1965, il devient ministre de l’Intérieur sous Mobutu et participe, en 1967, à la rédaction de la nouvelle constitution de parti unique et au manifeste de Nsele qui fonde le MPR, Parti-Etat. Ce n’est qu’en 1982 qu’il fonde l’UDPS pour obtenir le pouvoir qu’il voulait partager avec Mobutu mais que celui-ci monopolisait. Lors de la transition ‘‘démocratique’’ et de la CNS, Tshisekedi sera plusieurs fois Premier Ministre de Mobutu comme demandé par les impérialistes qui voulaient le compromis entre ces deux hommes. Après la chute de Mobutu, l’UDPS a en permanence cherché des alliés contre Kabila. En 2006, l’UDPS soutient Jean-Pierre Bemba au second tour de la présidentielle après avoir boycotté l’élection.
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Iran 1978-79: Une révolution volée à la classe ouvrière
Pour comprendre la situation actuelle en Iran, il est important de savoir comment ce régime est arrivé au pouvoir. Le mouvement révolutionnaire iranien de 1978-79 a constitué une force puissante que personne n’attendait et qui a réussi à mettre fin au régime dictatorial et particulièrement répressif du Chah, monarque absolu pro-occidental. La classe ouvrière s’était soulevée, mais faute de direction politique claire, la révolution a été volée aux travailleurs par les forces religieuses conservatrices groupées autour de l’Ayatollah Khomeini, le prédécesseur de Khameini. Revenir sur les évènements révolutionnaires de 1978-79 est aussi d’un immense intérêt pour le mouvement actuel.
Par Robin Clapp
Aujourd’hui, l’Iran est une dictature religieuse mais, il y a maintenant 30 ans, un mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière a renversé la monarchie iranienne et aurait pu aller jusqu’à l’instauration d’une république socialiste.
Robin Clapp (CIO-Angleterre et Pays de Galles) parcourt ici ces évènements et explique pourquoi la contre-révolution a été victorieuse (texte écrit en 2003)
Quand les experts de la CIA ont rédigé un rapport sur la santé politique du régime monarchiste et pro-occidental iranien e septembre 1978, ils ont conclu qu’en dépit de son régime autocratique, le Chah d’Iran régnait sur une dynastie stable dont le pouvoir pouvait encore s’étendre sur au moins une autre décennie. Quatre mois plus tard seulement, le Chah était toutefois forcé de prendre la poudre d’escampette face à une révolution populaire qui a mis bas un des régimes les vicieux au monde…
La SAVAK, la police secrète du Chah, forte de 65.000 personnes, avait infiltré chaque couche de la société, avec des méthodes empruntées à la sinistre Gestapo nazie. Ces méthodes avaient d’ailleurs été ‘améliorées’ à tel point que le dictateur chilien Augusto Pinochet avait envoyé ses tortionnaires se former à Téhéran. Mais malgré ces colossaux obstacles, les travailleurs ont renversé le Chah et ont mis en branle un processus révolutionnaire qui a terrifié tant les régimes réactionnaires du Moyen-Orient que les puissances impérialistes occidentales. De plus, et ce n’est pas le moindre, ce soulèvement populaire a également alarmé la bureaucratie stalinienne d’Union Soviétique, alors engagée dans un commerce lucratif avec l’Iran.
Hélas, au final, les travailleurs ne devaient pas pouvoir profiter des fruits de leur révolution. Le pouvoir est passé des mains du Chah à celles des de l’Islam politique de droite dirigé par l’Ayatollah Khomeini.
Trois ans après, toutes les lois laïques avaient été annulées et les femmes s’étaient vues imposées des codes vestimentaires tirés d’une interprétation stricte de la tradition islamique. 60.000 professeurs ont à ce moment été renvoyés et des milliers d’opposants défendant les intérêts de la classe ouvrière ont été assassinés ou emprisonnés. Le parti communiste iranien, le Toudeh (Parti des Masses d’Iran), qui avait acceuilli avec enthousiasme le retour d’exil de Khomeini en 1979, a lui-même été interdit en 1983.
une atmosphère révolutionnaire
Un régime totalitaire se maintient par la terreur et l’oppression, mais cela ne fonctionne que tant que les masses demeurent effrayées et inertes. Mais l’horreur éprouvée quotidiennement conduit en définitive à la révolte. Une fois que la classe ouvrière laisse sa peur du régime de côté et entre en action, la police secrète et toutes ses effroyables méthodes s’avèrent souvent impuissants.
Entre octobre 1977 et février 1978, des manifestations de masse illégales ont déferlé sur l’Iran. Revendiquant des droits démocratiques et leur part de la richesse du pays, les étudiants, puis la classe ouvrière, ont bravé les balles et la répression en occupant les rues.
En janvier 1978, après que des tirs mortels aient touché plusieurs centaines de manifestants dans la Ville Sainte de Qom, une grève de deux millions de travailleurs s’est étendue de Téhéran à Isphahan, Chiraz et Mashad. Les pancartes tenues par les manifestants et les grévistes clamaient: «Vengeance contre le Chah et ses amis impérialistes américains», d’autres revendiquaient «Une république socialiste basée sur l’Islam». De plus en plus, les soldats ont commencé à fraterniser avec la foule en criant: “Nous sommes avec le peuple!”.
Même la classe capitaliste dirigée par le Front National d’Iran de Mehdi Bazargan, qui avait tout d’abord limité ses ambitions à un partage du pouvoir avec le Chah, a été forcée par le développement d’une atmosphère ‘rouge’ à adopter un programme ‘semi-socialiste’.
La révolution iranienne avait suivi les traces de la révolution russe de 1905, mais à un plus haut degré. A l’époque, les masses avaient accordé leur confiance aux ‘démocrates’ en costume qui avaient promis qu’ils arriveraient à faire entendre raison au Tsar. En Iran, partout, on pouvait entendre des cris réclamer que le Shah soit poussé hors du pouvoir.
Les travailleurs des services publics et des banques ont joué un rôle crucial pour exposer au grand jour la nature particulièrement pourrie du régime. Des employés de banque avaient ainsi ouvert les livres de compte pour révéler que durant les trois derniers mois de 1978 uniquement, un milliard de livres sterlings avaient été détournés du pays pour finir dans les poches de 178 membres de l’élite iranienne. D’autre part, le Chah avait sauvé une somme similaire aux USA. La réponse des masses, furieuses, a été de brûler environ 400 banques.
Classe, parti et direction
Quand Mohammed Reza Pahlavi, le Chah d’Iran, a honteusement quitté le pays pour la dernière fois le 16 janvier 1979, la lutte avait largement dépassé le stade de considérer son simple départ comme une victoire. Il était maintenant question de l’abolition de l’Etat absolutiste. Quelle forme devait prendre le nouvel Iran?
La classe ouvrière avait mené la lutte contre le Chah avec détermination : manifestations de masse, grève générale de quatre mois et, finalement, insurrection (les 10 et 11 février 1979). L’ancien régime avait été abattu pour toujours. Dans cette lutte, la classe ouvrière était devenue bien consciente de son pouvoir, mais hélas pas de la façon de l’organiser pour garder le contrôle de la société en ses mains propres.
La Révolution teste toutes les classes sociales, et la question clé pour la classe ouvrière est de savoir si elle possède une direction décisive pour être capable de passer d’une insurrection populaire à la construction d’une société socialiste.
En Iran – malgré le grand héroïsme des travailleurs, des étudiants et de la jeunesse – il manquait une direction marxiste de même qu’un parti de masse capable de tirer les conclusions nécessaires du cours de la révolution. La tâche des marxistes était alors d’expliquer la nécessité pour la classe ouvrière, alliée aux minorités nationales et aux paysans pauvres, de prendre consciemment le pouvoir dans ses mains et de réaliser les tâches d’une révolution socialiste.
Mais la gauche iranienne n’a pas saisi cette opportunité. Les plus grandes forces de gauche étaient à l’époque le Parti communiste (Toudeh) et les guerrillas des Fedayin du Peuple (‘marxiste’) et de l’Organisation des Moudjahiddines du peuple iranien (islamiste).
Ces organisations avaient beaucoup de membres, jouissaient d’un grand soutien dans la population et possédaient des armes. Mais elles souffraient énormément de leur confusion programmatique. Elles n’ont pas poursuivi de politique de classe indépendante pour les travailleurs, mais se sont au contraire mises à la remorque de Khomeini malgré les tentatives du clergé intégriste d’étouffer chaque mouvement indépendant des travailleurs.
La chute de l’autocracie avait laissé le pouvoir vide d’occupant. Mais au moment précis où les masses auraient dû prendre en main leur destinée, quand le pouvoir était à elles, le Toudeh a proposé l’instauration d’une ‘république musulmane démocratique’. En réalité, cela signifiait que le Toudeh refusait de prendre la direction de la révolution pour participer à la réalisation des objectifs poursuivis par les Mollahs.
La montée de l’islam politique de droite
Les relations entre le Chah et son orientation pro-occidentale et les mosquées islamiques étaient depuis longtemps très tendues. Quand le Chah avait dépossédé les mosquées de leurs terres, le clergé musulman avait furieusement réagi et s’était vertement prononcé contre ce régime athée. Le guide spirituel des chiites iraniens, l’Ayatollah Khomeini, avait d’ailleurs été poussé à l’exil en Turquie et plus tard à Paris à la suite d’une révolte contre les expropriations de terres en 1963. Des douzaines de personnes y avaient rencontré la mort du fait de la répression.
Marx avait décrit la religion comme "le soupir de la créature opprimée". A cause de l’interdiction de toutes les organisations opposées au Chah, les adversaires du regime avaient tendance à se rassembler autour des mosquées, où étaient délivrés des sermons radicaux. De plus en plus, ces sermons étaient considérés comme une lutte contre le totalitarisme.
Les positions de Khomeini, en exil, étaient distribuées par cassettes audio en Iran. Arrivées en nombre restreint, elles étaient ensuite reproduites et diffusées. Khomeini et les autres Mollahs parlaient de liberté et de démocracie, d’un retour à un Islam épuré, débarassé des influences occidentales et non-islamiques qui avaient, selon eux, corrompus la culture et conduit la société dans une voie sans issue.
Dans l’Iran économiquement semi-arriéré de l’époque, avec un haut niveau d’illettrisme et environ la moitié de la population vivant dans les campagnes, les paroles des Mollahs étaient une puissante force d’attraction pour les paysans et certaines parties de la classe moyenne, même pour des travailleurs. Alors que le Front National d’Iran voulait faire des compromis avec la dynastie, Khomeini voulait la faire tomber. Quand les masses entendaient les appels pour une République Islamique, elles comprenaient une république ‘du peuple’, pas des riches, où leurs revendications auraient été prises en compte.
Dès le triomphal retour d’exil de Khomeini le 1er février 1979, le Toudeh a immediatement accordé son soutien à la formation d’un Conseil Révolutionnaire Islamique et lui a demandé de le rejoindre dans un Front Populaire Unis.
Revolution et contre-révolution
Mais ce même mois de février 1979, une situation de double pouvoir s’est développée à Téhéran. Le gouvernement s’était sauvé alors que les travailleurs, qui contrôlaient les usines et les enterprises, organisaient des comités démocratiques de travailleurs et saisissaient les armes des forces armées.
C’est toutefois Khomeini qui a bénéficié de cette vague révolutionnaire. En mélangeant des intérêts de classe contradictoires et opposés, son mouvement a réussi à obtenir le soutien des forces séculaires et non-religieuses, grâce à une rhétorique populiste radicale: une république islamique favorisant les opprimés contre les tyrans locaux et l’impérialisme américain.
Les militants religieux ont été aptes à détourner la révolution car ils étaients la seule force dans la société qui avait un objectif politique défini ainsi qu’une organisation et une stratégie pratique pour l’atteindre.
Le 1er avril, Khomeini a obtenu une victoire à travers tout le pays lors d’un référendum national qui demandait à faire se prononcer face à l’unique choix suivant : République islamique – Oui ou Non.
Les derniers jours qui ont précédé le référendum, pourtant, il a néanmoins été forcé à être plus prudent. Des confrontations avaient lieu entre les Gardiens de la Révolution Islamique et les travailleurs qui voulaient garder leurs armes récemment acquises. Khomeini dénonçait ceux qui souhaitaient continuer la grève générale comme des "traîtres que nous devons frapper au visage".
En essayant de trouver un équilibre entre les classes sociales, il a dans le même temps accordé de grandes concessions aux travailleurs. Les médicaments et les transports gratuits ont été instaurés, des factures d’eau et d’électricité ont été annulées et les produits de première nécessité ont été lourdement subsidiés pour maintenir de bas prix.
Mais les coffres de l’Etat étaient vides et le chômage atteignait 25%. En juillet, des décrets de nationalisation ont alors été dévoilés, accompagnés de l’établissement de tribunaux spéciaux avec le pouvoir d’imposer de deux à dix ans de prison pour "tactiques perturbatrices dans les usines ou agitation ouvrière".
Khomeini n’a cependant été capable d’instaurer la base de son pouvoir que graduellement. Puis, quand l’Irak a envahi l’Iran en 1980, début d’une guerre sanglante de huit années, les masses se sont ralliées en défense de la révolution. A ce moment déjà, les braises révolutionnaires s’étaient refroidies.
Le Parti Républicain Islamique mis sur pied par le clergé du tout nouveau Conseil révolutionnaire était lié aux vieux petits bourgeois (les petits capitalistes) et aux marchands des bazars qui réclamaient de l’ordre et la défense de la propriété privée. Tout en défendant ces couches conservatrices, Khomeini s’attaqua à l’impérialisme occidental en nationalisant le secteur pétrolier.
Un régime hybride
L’Etat islamique iranien est une république capitaliste d’un type particulier – un Etat religieux capitaliste. Dès le début, deux tendances sont apparues dans le clergé.
Un groupe, autour de Khomeini, défendait que les Imams soient au pouvoir à travers un Etat capitaliste semi-féodal avec de nombreux centres de pouvoir. A leurs yeux, l’impérialisme américain représentait le ‘Grand Satan’ et ils encourageaient l’exportation du fondamentalisme islamique à travers le monde musulman. D’autres figures dirigeantes du régime, avec une aile cléricale plus pragmatique, voulait construire un Etat capitaliste moderne et centralisé. Tout en continuant à dénoncer les USA, ils ont voulu, particulièrement dans la dernière ‘90, renforcer les liens avec les pays occidentaux.
Les conflits entre ces deux tendances et les crises politiques périodiques qui en resultent n’ont jamais été résolus et ont été à la base des conflits entre l’Ayatollah Khamenei et le président réformiste Khatami, élu avec une grande majorité en 1997.
Conclusions
Les évènements d’Iran ont permis la croissance d’un islam politique militant dans le monde musulman. En surface, il s’agit d’une demonstration de la force des masses pour lutter contre l’impérialisme.
Mais en tant que marxistes, nous devons être clairs. L’Islam n’est pas en soi plus radical ou réactionnaire que toute autre religion au monde, et le fondamentalisme islamique n’est pas un phénomène homogène.
Les conditions qui ont permis le développement d’un Islam politique de droite ont été créées par la faillite des mouvement nationalistes arabes et par les trahisons des partis ‘communistes’ qui ont refusé de mener une politique de classe indépendante et se sont rangés derrière différentes formes de bourgeoisies nationales. Mais le développement de l’Islam politique de droite reflète également qu’en Iran et ailleurs, le capitalisme est dans une impasse dans la région. Les masses opprimées ont besoin de trouver leur propre voie de sortie.
Les variantes plus tardives d’Islam politique n’ont qu’une partie du radicalisme que Khomeini a été force d’embrasser au cours des premiers mois de la révolution iranienne.
Les Talibans et les méthodes terroristes d’Al-Qaïda et d’Oussama Ben Laden n’offrent pas de solution à la lutte des masses opprimées contre le capitalisme et les propriétaires terriens. Au contraire, ces méthodes divisent la classe ouvrière et l’empêchent d’avoir son identité distincte et combative.
Aujourd’hui, 20% des Iraniens possèdent la moitié de la richesse du pays. La lutte des classes refait régulièrement son apparition. Les édits abrutissants des Imams s’opposent résolumment à la volonté des jeunes de vivre librement leur vie.
L’avenir de l’Iran est incertain. Un nouveau parti de la classe ouvrière doit être construit sur des bases marxistes solides, un parti qui soit capable d’apprendre pourquoi la révolution a été volée aux travailleurs en 1979.
Les revenus pétroliers du pays ont diminué de moitié depuis lors, avec de graves conséquences pour la classe ouvrière. Celle-ci reviendra sur le devant de la scène pour finir ce qui avait été initié par la dernière révolution.
Le développement du capitalisme avant la révolution
Avant 1979, l’impérialisme voyait l’Iran comme une ‘ligne de front’ cruciale en tant qu’Etat-tampon contre l’influence de l’Union Soviétique dans le Moyen Orient et l’Asie du Sud. De plus, ces fabuleuses réserves de pétrole étaient vitales pour les intérêts occidentaux.
En 1953, un mouvement nationaliste radical dirigé par le Premier ministre Mossadegh et le Front National d’Iran avait cherché à nationaliser l’industrie pétrolière du pays, déclenchant des manifestations et des éléments d’insurection pupulaire. Le Chah avait été temporairement forcé de s’exiler suite à la pression du mouvement de masse.
La réaction de l’impérialisme a été décisive. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont demandé l’arrestation de Mossadegh et ont mis en branle l’oppération Ajax en déployant des forces secrètes en Iran pour forcer l’armée iranienne à agir dans les intérêts des puissances occidentales.
Le Chah a été réinstallé et a dirigé l’Iran d’une main de fer pendant vingt-cinq ans. Son retour a été synonyme de répression brutale de l’opposition politique organisée et des synidicats, déclarés illégaux. De soncôté, la CIA a accordé son ‘aide’ pour réorganiser les forces de sécurité.
Après 1953, l’Iran est entré dans une ère frénétique d’industrialisation, largement sur base du programme économique du Front National capitaliste, ce qui a érodé sa popularité. L’idée était de transformer la noblesse en classe capitaliste moderne, une classe dirigeante sur le modèle occidental.
Des réformes agraires ont été introduites, qui ont enrichi les propriétaires terriens féodaux grâce à des compensations financières énormes. Ils étaient encouragés à investir cet argent dans les nouvelles industries.
Une rude exploitation
Les paysans, eux, ont par contre beaucoup souffert de cette situation. Environ 1,2 million d’entre eux ont eu leurs terres volées, avec en conséquences la famine et un exode important vers les villes où ils onstituaient une main d’œuvre extrêmement bon marché pour les nouveaux capitalistes.
Avant la révolution, 66% des travailleurs dans le secteur des tapis de la ville de Mashad étaient âgés de six à dix ans tandis qu’à Hamadam, une journée de travail était de 18 heures. En 1977, la plupart des travailleurs gagnait 40 livres sterling par an. Même s’il existait formellement un salaire minimum, 73% des travailleurs gagnaient encore moins que cela…
Les usines iraniennes ressembaient à l’Enfer de Dante, la ressemblance avec la Russie pré-révolutionnaire était frappante. Là aussi, un processus d’industrialisation casse-cou avait été mené par une classe capitaliste très faible essayant de s’extirper elle-même d’un passé féodal en créant, selon les mots de Marx, son ‘fossoyeur’ sous la forme d’une classe ouvrière militante.
Au fur et à mesure de l’arrivée des paysans dans les villes, la population urbaine a doublé pour atteindre 50%. Téhéran était passé de trois millions d’habitants à cinq millions entre 1968 et 1977, avec 40 bidonvilles autour de ses banlieues.
En 1947, il n’y avait que 175 grandes entreprises employant 100.000 travailleurs. 25 ans plus tard, 2,5 millions de travailleurs étaient engagés dans les usines, un million dans l’industrie de la construction et presque le même nombre dans le transport et les autres industries.
L’Iran était en pleine transition, à moitié industrialisée, à moitié coloniale. Une puissante classe ouvrière avait émergé en une seule génération. En Russie, la classe ouvrière avait grimpé jusqu’à 4 millions sur une population totale de 150 millions. Armée du marxisme, cette classe ouvrière avait pu engager la paysannerie derrière elle pour rompre la chaîne du capitalisme à son point le plus faible, en 1917.
En comparaison, le poid social de la classe ouvrière iranienne était bien plus important – environ quatre millions de travailleurs sur une population de 35 millions.
Ne jamais envahir une révolution
L’impérialisme américain a regardé, impuissant, les derniers jours du Chah en Iran. Des voix s’étaient élevées au Pentagone pour envoyer des porte-avions et des marines dans le Golfe, mais des personnes plus avisées au sein de la classe dirigeante américaine avaient estimé :‘on n’envahit pas une révolution populaire’.
Les Etats-Unis étaient tout juste en train de commecer à lêcher leurs plaies suite à la cuisante défaite de la guerre du Vietnam. Là-bas, la lutte sociale des paysans et des travailleurs pour se débarrasser des chaînes de l’oppression avait mis la superpuissance sur les genoux.
Une invasion de l’Iran dirigée par les USA aurait eu d’incalculables répercussions à une échelle mondiale, particulièrement dans le monde colonial où le Chah d’Iran était aux yeux des masses considéré comme le plus pourri de tous.
La Révolution iranienne a fait trembler les Etats-Unis. Le président américain Jimmy Carter avait été humilié quand les Ayatollahs avaient organisé des mouvements de foule contre l’embassade américaine à Téhéran, où 66 personnes avaient été prises en otage.
En 1983, Ronald Reagan avait été forcé de retirer les troupes américaines hors du Liban en raison des pertes causées par le Hezbollah, qui avait le soutien de l’Iran.
Economie: Un abîme croissant
L’Iran était le second plus gros exportateur de pétrole en 1978, et le quatrième plus gros producteur. Quand les prix du pétrole ont quadruplé entre 1972 et 1975 suite à la guerre israélo-arabe, le Produit National Brut (PNB) iranien avait augmenté de 34% en une seule année. Des milliards sont alors tombés dans les poches du Chah et de sa clique.
Mais avec 45 familles contrôlant 85% des grandes et moyennes entreprises et les 10% les plus riches de la population ayant 40% de l’argent du pays, le fossé entre les classes était chaque jour plus important.
Environ un quart des Iraniens étaient dans une situation de pauvreté absolue. Comme pour illustrer son arrogance en tant que monarque absolu, le Chah avait declaré en 1976, mois de trois avant avant de devoir fuir du pays: "Nous n’avons pas encore demandé au peuple de faire des sacrifices. Au contraire, nous les avons comme couvert d’ouate. Les choses vont maintenant changer. Chacun devra travailler plus et être prêt à faire des sacrifices au service du progrès de la Nation."
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Obama sera-t-il à la hauteur ?
L’élection du premier président «afro-américain », dans un pays dont l’histoire est marquée par le racisme, la ségrégation et l’esclavage, a éveillé les espoirs d’une large couche de la communauté noire. Surfant sur une opinion publique massivement hostile à la guerre en Irak et sur une crise économique qui a jeté le discrédit sur les politiques néo-libérales menées durant les années Bush, les accents « progressistes » du discours d’Obama ont fait mouche.
Jalil (Etudiants de Gauche Actifs-ULB)
Obama arrive pourtant au pouvoir avec en toile de fond la plus profonde crise économique que le capitalisme ai traversé depuis 1929, ce qui l’a rapidement forcé à dilapider l’essentiel de ses promesses électorales : il a prévenu que le système d’assurance-santé pour tous ne serait pas pour cette année. Surtout, face à l’hécatombe qui frappe le marché du travail (2,6 millions d’emplois ont disparu en 2008), ces promesses en termes de création d’emplois paraissent bien dérisoires. Avant d’être élu, il parlait de créer 5 millions d’ emplois. Une fois au pouvoir, le chiffre était retombé à 3 millions . C’est de la « sauvegarde » de 3 millions d’emplois dont il s’agit à présent…alors que le nombre officiel de chômeurs avoisine déjà les 11 millions !
Sauver le capitalisme américain, sur le dos des travailleurs
Obama a décidé de plafonner la rémunération des banquiers à 500 000 dollars. Cette mesure ne s’applique pourtant pas à ceux qui ont bénéficié du plan de sauvetage de Bush, comme les dirigeants de Merryll Linch qui ne seront pas contraints de revenir sur la distribution des 4 milliards de dollars qu’ils s’étaient accordés avant que leur banque soit absorbée par la Bank of America. De plus, les limites imposées ne concerneront pas les dividendes et elles seront levées lorsque les prêts de l’Etat auront été remboursés. Il ne s’agit pas, a déclaré Obama, d’une « prise de contrôle par l’Etat. L’initiative privée suivra son cours mais il faudra rendre des comptes et se montrer responsable».
La notion de “sacrifice” est centrale dans les discours d’Obama : ce dernier se prépare à faire payer la crise sur le dos des travailleurs et des couches pauvres de la population. Le nouveau paquet de sauvetage de près de 800 milliards de dollars va tout au plus atténuer les effets de la crise, mais ne permettra pas d’enrayer la vague de fermetures d’entreprises et de licenciements de masse qui accompagnent la récession. Dans ce plan de relance, 40% des fonds seront destinés à de nouvelles baisses de taxes pour les entreprises et les classes moyennes. Au-delà de l’inefficacité avérée de telles mesures pour relancer l’économie, Obama montre par là sa volonté de tendre la main aux Républicains dans un objectif de réconciliation bipartisane ; le Washington News commentait récemment : “Le président élu propose des baisses de taxes qui pourraient faire rougir George W. Bush”…
Le plan de relance d’Obama est avant tout destiné à sauver le capitalisme américain de la faillite, et non un plan destiné à venir en aide aux travailleurs et à leurs familles. Le déficit budgétaire pour l’année 2009 est estimé à 1,2 trillions de dollars (8,3 % du PIB) avant même la mise en oeuvre du plan de relance. Il est clair que, d’une manière ou d’une autre, ces dettes gigantesques vont devoir être repayées par la collectivité à un stade ultérieur, tandis que les capitalistes et les gros actionnaires continueront de s’octroyer de généreux profits.
Obama : question de race ou question de classe ?
Obama se profile habilement comme un successeur de figures historiques du mouvement noir comme Martin Luther King. De nombreux commentateurs nous présentent aujourd’hui l’élection d’Obama comme la réalisation du « rêve américain » et annoncent l’avènement d’une société « postraciale ». Pourtant , la politique réactionnaire d’une Condoleeza Rice ou d’un Colin Powell dans l’ancienne administration Bush illustrent que le racisme et l’oppression des noirs ne diminueront pas par la simple arrivée au pouvoir d’un président de couleur. Sarkozy a utilisé la même technique en insérant trois ministres « d’ouverture » dans son cabinet (Rahcida Dati, Fadela Amara et Rama Yade). Ce gouvernement continue néanmoins ces politiques d’austérité contre les acquis sociaux, une répression accrue contre les jeunes des quartiers populaires, les sans-papiers et le droit de grève.
La population noire et immigrée traverse une situation sociale dramatique. Premières victimes de la crise, les noirs américains subissent de plein fouet le chômage de masse (l’an dernier, 20.000 noirs ont perdu leur emploi rien que dans le secteur automobile) et les expulsions de logement dues à la crise immobilière. Aujourd’hui, un adulte afro-américain sur quinze est en prison, et les discriminations contre les immigrés sont toujours aussi nombreuses que par le passé. Une enquête officielle provenant du FBI illustre même que les attaques et discriminations à caractère raciste ont tendance à augmenter dernièrement. La répression policière contre les jeunes afroaméricains nous a été rappelée par le récent meurtre d’un jeune afro-américain par un agent de la BART (la police des transports) à Oakland le soir du nouvel an.
La pauvreté énorme de nombreux quartiers aux Etats-Unis et les incessantes discriminations touchant la population noire et immigrée ne pourront être combattue que par une lutte commune des travailleurs et des jeunes de toutes les origines pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, et contre le capitalisme, qui se nourrit de la division et des problèmes sociaux. Telle est la principale leçon du mouvement pour les droits civiques. Cette leçon, Obama ne l’a pas faite sienne, enfermé qu’il est dans une logique capitaliste, et voulant transcender les divisions sociales au nom de « l’unité de la nation ».
Vers une ère de paix ?
Obama a été porté au pouvoir grâce notamment à son positionnement contre la guerre. La promesse de retrait des troupes du bourbier irakien dans les 16 mois a été un élément-clé pour remporter les primaires démocrates contre Hillary Clinton. La réalité est bien moins réjouissante, comme l’atteste la confirmation au secrétariat à la défense de Robert Gates, l’un des principaux va-t-en guerre de l’ancienne administration.
La situation irakienne ne demande plus un tel contingent militaire car les intérêts américains en Irak sont maintenant protégés par le gouvernement fantoche mis en place par les USA. Cependant, la « sécurité » en Irak reste extrêmement précaire, et le plan de retrait reste conditionné à une évolution sur le terrain qui laisse supposer que non seulement un retrait rapide et unilatéral est tout sauf probable (les 16 mois se sont déjà transformés en 23 mois), mais laisserait en outre derrière lui un pays dévasté et en proie à des tensions explosives. L’objectif de doubler les effectifs militaires en Afghanistan permet lui aussi de nuancer les volontés « pacifistes » d’Obama.
Le coup médiatique sur la fermeture de Guantanamo ne peut cacher les dizaines d’autres prisons sans droits éparpillées dans le monde comme Bagram en Afghanistan ou Diego Garcia, un territoire britannique situé dans l’océan Indien. Les ordres signés par Obama ne remettent pas en cause la procédure connue sous le nom d’« extradition extraordinaire », par laquelle les Etats-Unis ont, durant les années Bush, kidnappé des présumés terroristes et les ont envoyés dans des pays étrangers ou des prisons secrètes de la CIA pour les torturer. Le président ne s’est toujours pas expliqué non plus sur ce qu’il comptait faire avec le Patriot Act 1 et 2, qui limite les libertés individuelles au nom des lois anti-terroristes.
Quant au conflit israélopalestinien, les seules prises de position publiques qu’Obama a prises sur le sujet visait à assurer son soutien inébranlable à la sécurité d’Israël, tout en ne soufflant mot sur l’occupation et les bombardements à Gaza. On se souvient également de son plaidoyer devant une association de lobby pro-israélienne aux USA, pour que Jérusalem devienne la “capitale indivisible d’Israël”. Le Congrès -à majorité démocrate- a quant à lui renouvelé pour 10 ans l’aide annuelle de 3 milliards de dollars à l’Etat d’Israël…Tout ça porte à croire qu’à part une plus grande dose de concertation avec les autres grandes puissances, la politique étrangère d’Obama au Moyen-Orient ne va pas subir de changements fondamentaux.