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  • Élections présidentielles vénézueliennes : La menace de la contre-révolution grandit

    Les travailleurs doivent prendre des mesures urgentes pour contrer le capitalisme et la droite

    Lors d’un vote très serré, Nicolas Maduro a réussi de justesse à remporter les élections présidentielles vénézueliennes contre le candidat de droite Capriles, avec seulement 200.000 suffrages de plus. On attendait de Maduro, le successeur attitré de Chavez, qu’il triomphe avec une plus large majorité. Ce succès limité démontre clairement la menace d’une victoire des forces contre-révolutionnaires de droite.

    W. Prieto et J. Rivas, Socialismo Revolucionario (CIO Venezuela)

    Depuis les élections, la droite, qui a exigé un recomptage des votes (tout comme John Kerry, représentant de l’impérialisme américain), semble vouloir freiner la confrontation directe. Elle semble désormais décidée à saper le nouveau faible gouvernement, avec pour objectif de le renverser de force, vraisemblablement avec l’organisation de nouvelles élections dès que possible.

    Après l’annonce de la mort de Chavez le 5 mars de cette année, des millions de personnes ont envahi les rues en affichant leur chagrin et leur soutien à la Révolution Bolivarienne. Cet évènement, combiné aux résultats des élections gouvernementales de décembre lors desquelles le chavisme a remporté 20 sièges sur 23, illustre que les chavistes étaient bien placés pour remporter n’importe quelle élection présidentielle populaire.

    Quand l’élection présidentielle fut appelée le 14 avril, tout indiquait une victoire claire de Maduro, malgré le mécontentement grandissant parmi les masses vis à vis de la situation économique et l’inefficacité et la bureaucratisation des structures étatiques.

    Avant ces élections, Socialismo Revolucionario (SR) avait publié un document basé sur notre position antérieure, celle des élections présidentielles d’octobre 2012, dans lequel nous déclarions : ”Un vote pour Maduro ne suffira pas” (voir la version de ce texte en anglais). SR a défendu un programme de revendications révolutionnaires démocratiques et socialistes pour pousser la révolution en avant, vaincre le capitalisme et corriger le programme actuel qui n’ouvre aucune voie vers l’achèvement de la révolution socialiste.

    La position de SR était clairement en contraste avec celles d’autres organisations de gauche. Beaucoup mettaient en avant la position sectaire d’un vote blanc sans tenir compte des conséquences d’une victoire de la droite, de l’extrême polarisation dans le pays et de la conscience actuelle des masses. D’un autre côté, il y avait un appel opportuniste à voter pour Maduro sans aucune critique du processus ou du programme qu’il défendait.

    Contrairement à bon nombre de ces groupes, nous avons distribué des tracts dans les stations de métro à Caracas lors des jours précédents les élections et pendant la manifestation finale de la campagne électorale de Maduro. Ce faisant, nous avons reçu de vives critiques mais également beaucoup d’intérêt de la part des membres de base du parti de Chavez, le PSUV.

    Ces membres affirmaient penser que la mort de Chavez allait ouvrir un espace pour discuter de la direction de la révolution. Mais dans les faits, la direction du PSUV a fait comprendre qu’il n’était pas temps pour les dirigeants du parti de soulever les critiques car il fallait soutenir la candidature de Maduro.

    Beaucoup de dirigeants chavistes étaient, et sont toujours, menacés d’expulsion, pour avoir fait des critiques même si celles-ci étaient de plus faible mesure que celles défendues par les membres de SR. De telles méthodes visant à empêcher le débat et les critiques internes, une méthode bien connue du stalinisme, ont eu un effet extrêmement négatif, particulièrement au sein d’un parti qui prétend agir au nom du socialisme révolutionnaire.

    Maduro a remporté les élections avec un score minimal. Cela a été une sonnette d’alarme, même pour les membres les moins critiques du PSUV, qui soulève des questions au sein des rangs du parti et qui portera ces critiques sur le devant de la scène. En seulement sept mois après les dernières élections présidentielles, Maduro a perdu près de 700.000 voix des 8 millions qu’avait obtenu Chavez.

    Même Diosdado Cabello, l’actuel président de l’Assemblée Nationale et un des dirigeant du PSUV, s’est interrogé publiquement sur le fait qu’un travailleur puisse voter pour ses oppresseurs (Capriles) et a affirmé que qu’il était désormais temps pour une ”auto-réflexion”.

    La réponse à la question de Cabello est qu’il n’y a aucune alternative révolutionnaire qui soit présentée à la classe ouvrière, aux pauvres et aux exploités, tout comme à des parts de la classe moyenne. Beaucoup, malheureusement, considèrent la droite hypocrite, populiste et opportuniste comme la solution à leurs problèmes. Ces problèmes basiques quotidiens et l’absence de discussion autour de ceux-ci rendent difficile pour certain de soutenir le gouvernement. La réticence des dirigeants soi-disant révolutionnaires pour la discussion a écarté beaucoup de personnes du gouvernement. Le travailleur qui se voit dire que les fréquentes coupures d’électricité sont en partie de la faute de sa consommation et le travailleur qui paie la crise actuelle par la dévaluation monétaire et qui doit faire face à des pénuries alimentaires peuvent malheureusement être séduits par une droite populiste dangereuse qui se dépeint désormais elle-même comme une force démocratique et désirant simplement ”l’unité”.

    Les pénuries alimentaires d’ailleurs sont le résultat de l’existence persistante d’une couche bourgeoise parasitaire au Venezuela aujourd’hui. C’est également la responsabilité du gouvernement qui continue à la soutenir financièrement dans l’importation des produits mais qui ne placera pas cette même industrie dans les mains des travailleurs.

    Et maintenant ?

    Aujourd’hui, nous avons une droite qui a retrouvé sa confiance et obtenu une base sociale importante. Electoralement, elle est presque au même niveau que le chavisme. Cela a été en partie dû à la capacité de la droite de tirer démagogiquement parti des erreurs et des faiblesses du gouvernement et de combler partiellement le vide d’une opposition socialiste d’une gauche critique qui n’a pas été en mesure de se développer dans le processus révolutionnaire.

    Le gouvernement Maduro a maintenant la balle dans son camps. Il peut choisir la voie de la réconciliation avec la droite ou la voie de radicalisation et d’approfondissement du processus vers le socialisme. S’il opte pour cette dernière option – ce que nous espérons et ce pour quoi nous nous battrons – il devra prendre en compte la large base sociale qui voit aujourd’hui la droite comme son alternative pour le changement et proposer une nouvelle voie pour gagner une fois de plus son soutien.

    Après 14 ans de lutte, un affaiblissement général du mouvement et un nombre considérable de mécontentements et d’erreurs accumulés, il faudra une lutte massive pour surmonter ces obstacles et développer un mouvement pour pousser en avant la révolution socialiste sur une base démocratique.

    Cela est l’un des nombreux défis auquel est confronté le gouvernement Maduro. Nous ne pouvons pas tomber dans le piège de penser que les sept millions de personnes qui ont voté pour Capriles sont capitalistes ou oligarques. Comme Fidel Castro l’a dit à Chavez lors d’une réunion il y a quelques années : ”Ne croyez pas que les cinq millions de personnes qui sont aujourd’hui dans l’opposition au Venezuela sont bourgeoises.”

    Socialismo Revolucionario met en garde contre la menace grandissante des forces contre-révolutionnaires de droite. Les travailleurs, les pauvres et tous ceux qui veulent pousser la révolution en avant doivent rapidement tirer les leçons de la montée de la droite dans ces élections. Il est nécessaire de continuer la révolution et de rompre avec le capitalisme.

    Les masses de travailleurs et de jeunes doivent s’unir de toute urgence afin d’abattre la menace de la contre-révolution. Les masses doivent construire leurs propres organisations et leurs propres forces. Par l’occupation des lieux de travail, l’établissement de comité de contrôle démocratique et de défense contre les attaques de la droite. Elles doivent lutter pour la nationalisation des moyens de production (largement restés dans les mains de la classe parasitaire capitaliste) sous le contrôle inconditionnel des travailleurs et des communautés, et non sous le contrôle bureaucratique actuel. Une organisation démocratique des travailleurs et des communautés est nécessaire au sein de comités pour organiser une économie planifiée qui satisfera nos besoins et non pas ceux de la classe dirigeante. Cette économique sera différente de celle qui existe actuellement sous l’appellation biaisée de ”socialisme” au Venezuela.

    De telles mesures ne stopperont pas seulement l’avancée de la droite mais regagneront aussi nos frères et s?urs qui ont été séduits par la droite. Elles gagneront aussi la solidarité internationale de ceux qui se battent pour un véritable changement et nous seront le stimulus pour que ces changements deviennent réalité. De tels pas sont urgents pour contrer le triomphe de la droite.

  • Hugo Chavez est mort, mais la lutte continue !

    Des millions de travailleurs vénézuéliens, de pauvres et de jeunes pleurent la mort du président vénézuélien, Hugo Chavez

    À une époque où le fossé entre les politiciens de l’establishment qui défendent les grandes entreprises et les super-riches d’une part et les masses d’autre part semble se creuser inexorablement, la figure de Chavez se détachait de ce processus. En fait, à l’ère des mesures d’austérité, les décisions qu’il a prises pour lutter contre la pauvreté ont agi tel un phare.

    Tony Saunois, Secrétaire Général du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Les travailleurs et les jeunes du Venezuela sont rejoint dans leur peine par de nombreux autres à travers le monde qui ont été inspirés par le régime d’Hugo Chavez et l’ont soutenu en tant qu’alternative à l’impérialisme, au néolibéralisme et au capitalisme. Face à cela, les plus pernicieux des commentateurs capitalistes n’ont jamais ménagé ni leur peine, ni leur temps, ni leur encre pour décrire leur haine de ce régime.

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    Pour en savoir plus:

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    La douleur du deuil et la colère des masses contre ces attaques doivent être canalisée dans une nouvelle étape de la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme au Venezuela et à l’étranger.

    L’hypocrisie des commentateurs capitalistes

    Depuis sa mort, de nombreux articles ont dénoncé le régime vénézuélien et Chavez ‘‘l’autocrate’’, le ‘‘dictateur’’, le ‘‘caudillo’’. Certains ont tenté de dépeindre sa mort comme la fin d’un autre régime socialiste en faillite. Le torrent de bile de ces commentateurs avait tout d’abord été préparé dans l’espoir que Chavez serait défait aux élections présidentielles d’octobre 2012. Mais tout cela a dû être mis de côté. Contrairement aux attentes des médias dominants internationaux et des politiciens capitalistes, Chavez avait remporté un troisième mandat avec 55% des suffrages, avec un taux de participation de 80%. Les politiciens capitalistes en place en Europe ne peuvent que rêver d’un tel résultat.

    Ces mêmes commentateurs s’étaient fait remarquer par leur silence assourdissant lors de la tentative de coup d’Etat de 2002 réalisé avec le soutien de l’impérialisme américain. Lorsque ces champions autoproclamés de la démocratie s’en prennent à Chavez, ils laissent soigneusement de côté le fait qu’il a fait face à pas moins de 17 élections et référendums depuis 1998, et qu’il en a remporté 16.

    Ces commentateurs, et les politiciens capitalistes qui sont derrière eux, ne peuvent pas supporter le fait qu’un dirigeant qui parle de ‘‘socialisme’’ et de ‘‘révolution socialiste’’, un dirigeant qui a fait face à l’impérialisme américain et à la classe capitaliste, puissent attirer à lui un soutien populaire aussi massif. Ils craignaient également le mouvement révolutionnaire potentiel des masses sur lequel reposait Chavez.

    “Por ahora” – ‘‘Pour l’instant”

    Chavez n’est pas apparu sur la scène politique en tant que dirigeant disposant d’une idéologie et d’un programme bien définis. Il a embrassé diverses idées de façon empirique – sous la pression des événements au fur-et-à-mesure de leur déroulement.

    Chavez a été porté au pouvoir en 1998 avec une majorité écrasante. Initialement, il ne parlait que de ‘‘révolution bolivarienne’’ et de la réforme de l’ancien système corrompu. Chavez, tout comme des milliers de personnes au Venezuela dont les jeunes officiers dont il faisait partie, a été radicalisé par le "Caracazo" qui a secoué le Venezuela en 1989.

    Carlos Perez avait alors remporté les élections en s’opposant au néolibéralisme du Fonds Monétaire International. Mais ce dernier a fait volte-face et a appliqué la ‘‘thérapie de choc’’ du néolibéralisme, déclenchant un soulèvement de masse des citadins pauvres. L’armée a été déployée et environ 3000 personnes ont été abattues. Les opposants de droite de Chavez n’ont que peu de choses à dire sur ces événements. Chavez, de son côté, a été radicalisé et affectées par ces horreurs. En 1992, il a dirigé une révolte populiste militaire de gauche contre le gouvernement assassin de Perez. Suite à la défaite de ce coup d’Etat, il a proclamé la révolution ‘‘terminée. Pour l’instant.’’ Ce ‘‘Por ahora’’ était destiné à être dans l’esprit des masses.

    Sorti de prison deux ans plus tard, il a construit son soutien et a pu parvenir au pouvoir lors des élections de 1998, les masses du pays exigeant la fin du néolibéralisme et un véritable changement.

    Les réformes limitées, mais populaires, que son gouvernement a introduits grâce à la richesse pétrolière du pays ont suffi à faire enrager l’élite dirigeante qui a tenté un coup d’Etat en 2002, suivi par un lock-out patronal. Après 48 heures, le coup d’Etat s’est effondré et Chavez a été ramené à Caracas et au pouvoir. Lors du coup d’Etat, les masses ont envahi la rue pour s’opposer au nouveau régime de droite tandis qu’une révolte a explosé parmi les rangs de l’armée et des officiers subalternes.

    Le coup d’Etat de droite de 2002

    L’effondrement du coup d’Etat de droite dirigé par Pedro Carmona a porté un coup décisif à la classe dirigeante et au capitalisme. La classe ouvrière et les pauvres ont eu l’occasion de prendre en main la gestion de la société. Malheureusement, à ce moment-là, Chavez a choisi de faire appel à ‘‘l’unité nationale’’ pour conclure un accord avec des sections de la classe capitaliste. Le lock-out patronal a été rompu après une lutte de 12 mois. A chaque fois, Chavez a été sauvé par le mouvement de masse issu de la base.

    Ces événements ont extrêmement radicalisé Chavez qui, en 2005, a commencé à parler de ‘‘révolution socialiste’’. C’est dans cette période qu’il a également fait référence aux idées de l’un des dirigeants de la révolution russe, Léon Trotsky, ainsi qu’à celles de Karl Marx et qu’il a appelé à la fondation d’une Cinquième Internationale.

    Cela a empli de rage tant la classe dirigeante vénézuélienne que l’impérialisme américain. Des nationalisations et des nationalisations partielles de sociétés importantes ont été appliquées. La mise en place d’un service de santé de base ainsi que la généralisation de programmes d’éducation et d’alphabétisation ont énormément amélioré la popularité du gouvernement. De manière significative, à l’élection de 2006 – à la suite de ce virage à gauche – Chavez a remporté sa plus grande victoire électorale avec plus de 62% des voix!

    Cette évolution a eu un effet extrêmement positif en mettant la question du socialisme à l’avant plan au Venezuela et, dans une certaine mesure, également en Amérique latine et à l’étranger. L’idée de la ‘‘révolution’’ et même du ‘‘socialisme’’, de même que de réformes radicales, sont largement dominants dans la conscience de la majorité des Vénézuéliens. Il s’agit d’un héritage positif de Chavez. Il ya un clair rejet de toute idée d’un retour à ‘‘l’ancien régime’’.

    Blows to capitalism, but no decisive break

    Cependant, en dépit de cette phraséologie radicale, Chavez et le gouvernement bolivarien, en réponse à la crise économique mondiale qui a commencé en 2007, n’ont pas réagi en développant un programme de rupture anticapitaliste, mais ce sont plutôt déplacés dans la direction inverse.

    La classe capitaliste avait été ébranlée, mais sans être vaincue. Elle est donc restée au contrôle des leviers économiques. De l’intérieur de la République bolivarienne a aussi surgi une nouvelle force : la ‘‘boli-bourgeoisie’’, une couche puissante de la société qui est devenue riche sur le dos du mouvement chaviste.

    Cela, en combinaison avec l’émergence d’une puissante bureaucratie et de la détérioration de la situation économique, a assuré que, malgré les réformes populaires (que le Comité pour une Internationale Ouvrière a soutenues), d’énormes problèmes sociaux de pauvreté, de chômage, de corruption et de criminalité ont demeuré présents. Ces problèmes perdurent et découlent de l’échec à renverser le capitalisme.

    Un mécontentement et une frustration généralisée se sont développé en conséquence de cela et en combinaison avec l’approche de haut en bas et administrative de la bureaucratie, avec une absence de contrôle et de gestion démocratiques des travailleurs dans le processus révolutionnaire, alors que Chavez bénéficiait d’un soutien massif. Les récentes grèves des enseignants et des travailleurs du métal ont été réprimées par l’Etat, toutes ces mesures ayant donné une arme à la droite pour combattre le régime.

    Transformer les aspirations socialistes en réalité

    Si le candidat de droite Henrique Capriles et la droite vénézuélienne espèrent que la mort de Chavez va se traduire en une opportunité aisée pour eux de prendre le pouvoir, ils se trompent. Malgré le mécontentement présent, l’idée de soutenir le processus révolutionnaire, celle du socialisme et la volonté de défendre les réformes sont profondément ancrées dans la société vénézuélienne.

    A court terme, le plus probable est la victoire électorale de Nicolas Maduro, le vice-président nommé par Chavez comme son successeur. Le ralliement des partisans de Chavez et des masses pauvres pour vaincre la droite est déjà en développement. Capriles et la droite font, tout comme Maduro, appel au calme, à la paix et à l’unité. La droite ressent sa faiblesse et prend bien garde à ne pas provoquer de réaction parmi les masses.

    Alors que certains commentateurs de droite ont instrumentalisé la mort de Chavez pour déverser leur haine anti-socialiste, d’autres sections du capitalisme et de l’impérialisme ont été plus prudents. Les déclarations prudentes du président américain Barack Obama ainsi que du secrétaire d’Etat aux affaires étrangères britannique William Hague ont pour objectif d’ouvrir une nouvelle ère de coopération avec un futur gouvernement dirigé par Maduro. Ils sont parvenus à la conclusion que la droite a peu de chance de remporter les élections et ont donc laissé la porte ouverte tenter de collaborer avec le nouveau gouvernement ‘‘chaviste’’.

    Maduro et les autres dirigeants n’auront pas la même autorité que Chavez. Une nouvelle ère s’ouvrira avec ces élections. Les divisions entre courants différents au sein du mouvement chaviste peuvent éclater après la tenue des élections. Des sections de la classe dirigeante sont à la recherche de cela afin de finalement vaincre le mouvement chaviste.

    Ces perspectives soulignent la nécessité urgente de l’unité de la classe ouvrière et des pauvres contre la droite. Les masses doivent reprendre le processus révolutionnaire en leurs propres mains avec des organisations indépendantes et un programme pour transformer les ‘‘aspirations socialistes’’ soulevées par Chavez en réalité. La mort de Chavez ne marque pas la fin de la lutte. Un nouveau chapitre va maintenant commencer.

  • Venezuela : Chavez l'emporte face a la droite, mais il faut de réelles politiques socialistes

    Ils étaient des milliers à affluer vers Miraflores, le palais présidentiel à Caracas, le dimanche 7 octobre au soir afin de célébrer la victoire d’Hugo Chavez à l’élection présidentielle. Certaines scènes rappelaient fortement la défaite du coup d’État de la droite en 2002, avec des soldats de la garde présidentielle brandissant des drapeaux du haut du toit du palais présidentiel tandis que d’autres soldats rejoignaient les travailleurs, les jeunes, les chômeurs et tous ceux qui s’étaient rendus au centre-ville pour célébrer la défaite du candidat de la droite, Henrique Capriles.

    Tony saunois, Caracas.

    La victoire de Chávez, sa cinquième victoire électorale depuis 1998, a infligé une défaite à l’aile droite du Venezuela et est saluée par le Comité pour une Internationale Ouvrière et sa section vénézuélienne, Socialismo Revolucionario, ainsi que par les travailleurs et les véritables socialistes à l’échelle internationale. Une victoire de l’aile droite aurait abouti à une attaque contre la classe ouvrière vénézuélienne, aurait directement signifié de revenir sur le programme de réformes progressistes et aurait initié une politique offensive de la part de la classe dirigeante nationale et internationale destinée à célébrer une nouvelle défaite du ”socialisme”. La participation massive à ces élections (plus de 80% contre 75% en 2006, soit la participation plus élevée depuis des décennies) reflète la polarisation politique et de classe qui continue de se développer dans la société vénézuélienne.

    Au moment où plus de 98% des votes avaient été dépouillés, Chávez en avait gagné 8.133.952 (55,25%), contre 6.498.527 (44,14%), pour Capriles, le riche homme d’affaires. Chávez l’a emporté dans pas moins de 20 des 24 États du Venezuela. S’il termine ce mandat de six ans, Chavez sera à la fin au pouvoir depuis deux pleines décennies. Il deviendra alors le Président le plus longtemps en exercice au Venezuela depuis Juan Vicente Gomez (au pouvoir de 1908 à 1935!) Mais au contraire de la dictature de Gomez, Chávez a été élu avec le soutien des masses. Les politiciens capitalistes et les dirigeants des anciens partis ouvriers en Europe et ailleurs doivent regarder avec envie ces victoires électorales successives et la capacité de Chavez à mobiliser des millions de partisans. Aucun autre leader politique de ces dernières élections n’a en effet eu la possibilité d’attirer des millions de personnes lors de ses meetings électoraux ou encore d’être accueilli par des foules si importantes venant célébrer sa victoire.

    Le caractère populiste de la campagne de la droite

    Cette campagne électorale a été présentée au Venezuela comme étant "historique" et devant déterminer l’avenir du pays au travers d’un choix entre ”deux modèles distincts”. Toutefois, l’argumentation de Chávez au cours de la campagne électorale n’a pas reflété l’existence d’un tel choix et n’a pas défendu un clair programme socialiste destiné à rompre avec le capitalisme. Il n’a pas non plus préconisé cette solution dans son discours face à la foule qui l’acclamait à Miraflores.

    La campagne électorale a reflété des aspects importants et de nouvelles caractéristiques de la lutte qui s’est déroulée au Venezuela au cours de ces quatorze dernières années, suite à la première victoire de Chávez.

    L’une des caractéristiques les plus importantes de cette élection était le caractère de la campagne de la droite. Les politiques appliquées et les luttes qui se sont déroulées au cours de ces quatorze dernières années ont laissé derrières elles un puissant soutien en faveur de politiques sociales radicales et, dans une certaine mesure, en faveur de l’idée générale de ”socialisme”, maintenant profondément ancrée au sein de la conscience politique populaire.

    Compte tenu de la radicalisation de la conscience politique de gauche actuellement dominante dans la société vénézuélienne, Capriles a été contraint de présenter son programme de droite de façon populiste, en masquant son agenda de néolibéral. Cela constitue un changement significatif dans la stratégie de l’aile droite.

    La propagande et les discours de Capriles ont tenté de répondre à la détresse des pauvres et promis de défendre l’Etat-providence. Il a fait valoir qu’il ne démantèlerai pas toutes les ”missions” (le programme de réforme mis en place par Chavez en matière de santé et d’éducation). Il a appelé à la défense des syndicats ”indépendants” et a essayé de gagner le soutien des travailleurs du secteur public en promettant de mettre fin à la participation obligatoire à des rassemblements et à des manifestations Pro-Chávez (une source majeure de mécontentement). Capriles a énergiquement sillonné le pays en essayant de se présenter comme une nouvelle figure ”radicale” en opposition à l’ancienne figure "fatiguée" de Chavez afin de gagner le vote des jeunes. Il a d’ailleurs réussi à obtenir un certain succès dans ce domaine.

    Le véritable programme de la droite était bien caché au fond de son matériel, avec des plaidoyer pour une moindre intervention de l’Etat et un rôle accru de l’investissement privé dans l’économie. Lors du coup d’Etat manqué de la droite en 2002, Capriles joué un rôle dans l’attaque de l’ambassade cubaine par la droite. Si la droite l’avait remporté dans ces élections, un gouvernement Capriles aurait tenté de faire reculer les programmes de réformes de Chávez et d’introduire plus de mesures néo-libérales.

    Ces modifications dans la propagande de la droite sont le reflet de l’équilibre réel des forces politiques à ce stade. Capriles a été contraint de freiner l’extrême-droite. Amplifier les forces de l’extrême-droite ou soutenir explicitement les politiques néo-libérales ne se serait traduit que par une plus grande défaite pour Capriles.

    Un sérieux avertissement

    Malgré la victoire bienvenue de Chávez, ces élections représentent également un avertissement à partir duquel d’importantes leçons doivent être tirées pour éviter une possible future victoire de la droite. Tandis que le pourcentage de votes en faveur de Chavez a diminué de 7,6% par rapport à la dernière élection en 2006, Capriles a augmenté la part de la droite de 7,2%. Sur base d’une plus grande participation aux élections, Chávez a pu augmenter son score de voix en chiffres absolus de 824.872, mais Capriles a augmenté le vote de la droite de 2.206.061! Cela représente un sérieux avertissement. A l’exception du référendum sur la réforme constitutionnelle de 2007, ce fut le plus faible pourcentage obtenu par Chavez lors d’une élection.

    La droite n’a d’accroître son soutien électoral à chaque élection, ce qui reflète une lente mais bien réelle contre-révolution rampante. Mais le soutien aux politiques radicales de gauche reste dominante à ce stade et les masses, y compris certaines sections qui cette fois ont voté pour la droite, sont opposées à toute tentative de revenir à l’ordre ancien qui existait avant Chávez au pouvoir.

    Cependant, le fait est qu’il n’y a pas de rupture avec le capitalisme ni de véritable programme socialiste basé sur le contrôle et la gestion démocratique des secteurs clés de l’économie par la classe ouvrière et tous ceux qui sont exploités par le capitalisme. Cette situation permet à la droite d’exploiter le mécontentement et la frustration qui découlent de la détérioration des conditions sociales, de la corruption et de l’inefficacité qui accompagne la croissance de la bureaucratie chaviste ainsi que l’approche bureaucratique de bas en haut du gouvernement.

    Le plus grand pourcentage de votes jamais obtenu à ce jour par Chávez a été atteint lors des élections de 2006. A l’époque, Chavez avait pu compter sur un soutien électoral de 62%. De manière significative, cette campagne a également été la plus radicale de Chavez, avec la question du ”socialisme” dominant le débat et véritablement placée au premier plan de la campagne. Cette époque était marquée par le développement révolutionnaire qui a suivi la tentative de coup d’Etat de la droite et le lock-out patronal de 2002-03. Toutefois, depuis cette victoire, plutôt que d’avoir avancé dans la mise en place d’un programme visant à rompre avec le capitalisme et à mettre en place un véritable système de contrôle et de gestion démocratique des travailleurs, le processus révolutionnaire est au point mort et est sur la défensive.

    Le gouvernement a de plus en plus collaboré avec la classe dominante et a cherché à parvenir à un accord avec elle, d’où sa politique de ”réconciliation nationale” et les accords passés avec la fédération patronale. Ceci, avec l’émergence de ceux qui se sont enrichis sur le dos du mouvement Chaviste – la ”boli-bourgeoisie” – conduit inévitablement à un mécontentement croissant ainsi qu’à des protestations contre le gouvernement.

    Réformes et désespoir dans les quartiers les plus pauvres

    La réponse du gouvernement face à la crise économique mondiale du capitalisme qui a débuté en 2007 n’a pas été de faire avancer un programme de rupture avec le capitalisme, mais de se déplacer dans la direction opposée et de chercher à l’apaiser en se déplaçant vers la droite. Depuis, des concessions fiscales accrues ont été données aux multinationales. La compagnie pétrolière nationale PDVSA, qui a financé le programme de réforme des ”missions”, a aussi réduit son budget pour ces dernières de près de 30%.

    La répression contre les grévistes de toutes sortes a également été accrue au cours de ces dernières années. Les travailleurs du secteur public sont soumis à la loi de sécurité et de défense de la Nation qui permet l’interdiction des grèves et même de simples protestations dans le secteur public. La police d’Etat dans la ville de Barcelona a ainsi tué deux dirigeants ouvriers à l’usine automobile Mitsubishi. Le gouverneur de cet Etat est un chaviste. Des travailleurs de Toyota ont subi le même sort.

    Malgré les populaires politiques de réforme que sont les ”missions”, qui ont aidé des millions de gens pour leur santé ou encore leur enseignement, les conditions sociales dans les ”barrios” (les quartiers) plus pauvres restent catastrophiques et montrent peu de signes d’amélioration. Celles-ci ont été le terreau d’une hausse spectaculaire de la criminalité, de la violence et des enlèvements visant à soutirer de l’argent aux familles des victimes. Le Venezuela possède l’un des taux les plus élevés de meurtre dans le monde : le chiffre officiel du gouvernement fait état de 19.000 décès en 2011. Ce n’est très certainement là qu’une sous-estimation de l’ampleur du phénomène.

    Le Venezuela est actuellement l’un des pays les plus violents au monde. Dans un district majoritairement riche près de Caracas, El Hatillo, 70 enlèvements ont eu lieu jusqu’à présent cette année! L’expérience des membres du Comité pour une Internationale Ouvrière est typique. Un membre du CIO vivant dans un ”barrio” est arrivé lors d’une réunion le jour précédent l’élection pour parler de l’assassinat de son beau-frère qui s’était déroulé la veille. Un autre a expliqué qu’on avait tiré sur son propriétaire. D’autres parlent de collègues de travail qui ont été enlevés. Un autre encore a parlé d’un incident lors d’un retrait d’argent auprès d’une banque pour le travail, il a été volé cinq minutes plus tard par des jeunes armés sur une moto, un texto avait été envoyé par un employé de la banque pour les avertir du retrait, l’employé ayant touché une partie du butin par la suite. De telles attaques mettent la vie des pauvres et de la classe moyenne dans un état d’anxiété et de peur quasi permanent.

    La situation du logement reste désespérée en particulier dans les quartiers les plus pauvres. Le gouvernement, dans la période qui a précédé l’élection, a lancé un programme de logement de manière précipitées, et il prétend avoir construit plus de 200.000 nouveaux logements. Beaucoup de gens mettent en question ces chiffres. Beaucoup de ceux qui ont vu leurs cabanes emportées par de fortes pluies en 2010 restent dans des refuges. Là, les conditions de vie peuvent être si mauvaises que même des massacres des occupants ont eu lieu par d’autres occupants ou par les cartels de la drogue qui opèrent dans les barrios. Pourtant, ce qui est en cours de construction ce sont en réalités de nouveaux ghettos: des appartements minuscules dans des blocs sans facilités, construits sur n’importe quelle parcelle de terre vide ou expropriée. Une de ces nouvelle construction est isolée avec une seule route pour y aller et en sortir, avec au moins une heure de marche pour parvenir au métro le plus proche.

    La corruption, le manque de planification et de contrôle démocratique ainsi que les méthodes techniques de construction inadéquates ont souvent conduit à ce que des fissures apparaissent dans les blocs avant même qu’ils ne soient occupés!

    Ces conditions sont le terreau potentiel pour le développement de bandes armées de jeunes poussés aux vols avec violence ou aux enlèvements dans le seul but de survivre. Ils sont aussi un terreau de mécontentement sur lequel la droite peut s’appuyer, ce qui pourrait conduire à la démoralisation et l’apathie envers le gouvernement.

    Référence minimale au socialisme

    La campagne de Chávez au cours de cette élection était plus à droite que la campagne menée en 2006. C’était alors peu de temps après que Chavez ait proposé le lancement du PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezuela) en tant que ”parti révolutionnaire”. Chávez faisait à ce moment-là référence à Trotsky, à la révolution permanente et au programme de transition. Il parlait de la construction d’une ”cinquième internationale” des ”partis de gauche”. Mais cette fois ci, dans cette élection, rien de tout cela n’était évident. La référence au socialisme était minime, et quasiment inaudible jusqu’à la dernière semaine de la campagne. Le principal slogan de Chavez était ”Chávez au cœur de la patrie”. Il a pris un caractère très nationaliste avec des promesses de développer la ”patrie”. L’élection a été hautement personnalisée dans les deux camps. Alors que les principales avenues de Caracas étaient pleines lors de la manifestation de clôture, il était manifeste que les pancartes mettaient en vedette Chavez et la ”patrie” sans autre contenu politique. Les bannières du PSUV ou des syndicats étaient absentes. Beaucoup de travailleurs portaient des chemises des entreprises pour lesquelles ils travaillaient et, souvent, ils expliquaient qu’ils étaient là parce qu’ils y avaient été ”obligés” par leurs employeurs.

    Alors que nombreux sont ceux qui se sont ralliés avec enthousiasme à Chávez comme étant leur seul espoir et par crainte de la droite, certains ont tout simplement été mobilisés autour de slogans pour ”Hugo Chávez et la patrie”, sans autre contenu.

    Ces caractéristiques reflètent l’absence d’une force politique indépendante organisée des travailleurs et des pauvres, comme le CIO l’a déjà commenté dans des articles précédents. Ceci, et l’ approche bureaucratique de ha ut en bas du gouvernement, a sérieusement affaibli le mouvement dès sa première période, ce contre quoi le CIO a constamment mis en garde. Cette approche du haut en bas a de nouveau été remarquée durant la campagne électorale. À deux reprises, lorsque Chavez a parlé à des réunions de masse dans le pays, certains scandant "Chávez oui, mais pas…", se référant aux candidats chavistes imposés pour les prochaines élections régionales, en décembre. Chávez a répondu en disant que si les candidats imposés sont rejetés alors ils doivent aussi rejeter Chávez!

    L’absence d’un mouvement ouvrier démocratique et indépendant est l’une des plus grandes faiblesses et un des plus grands dangers de la situation présente. Il a déjà permis à l’aile droite de réaliser des gains et des avancées. Si la classe ouvrière, les jeunes et les pauvres ne construisent pas une force indépendante démocratique organisée, la menace de la droite et l’avance de la contre-révolution se développera. Il n’est pas exclu que l’aile droite obtiennent des gains lors des élections régionales du mois de décembre compte tenu des pourritures que sont certains des candidats chavistes.

    Malheureusement, suite à sa victoire, le président Chávez, en parlant à ses partisans, n’a donné aucune indication afin de prendre des mesures pour renverser le capitalisme. Il a offert le dialogue à l’opposition. "Nous sommes tous des frères de la patrie”, a-t-il tonné après avoir prié l’opposition d’accepter le résultat. Il a parlé de construire un Venezuela uni. Des deux côtés on a insisté sur ce même point vers la fin de la campagne. Comme à la clôture du scrutin, il y avait un barrage de propagande télévisée des deux côtés appelant à la paix, l’unité et la réconciliation. Chávez, comme Capriles ont appelé au ”calme” et à la ”tranquillité”, évidemment par crainte que la polarisation ne puisse entraîner des affrontements et une sorte d’explosion sociale.

    Une ”économie mixte” ou une rupture anticapitaliste ?

    Quand Chavez a salué la foule après sa victoire, il a fait deux références au socialisme. Cependant, elles ont été noyées dans les déclarations que sont les "Viva Bolivar! Viva La Patria! Viva Venezuela!" Pendant la campagne, il a fait valoir que le ”socialisme” de l’Union soviétique a échoué et qu’un nouveau type de système est nécessaire au 21ème siècle. Mais ce n’était pas là un rejet de la mascarade de socialisme qu’a constitué l’ancien régime stalinien totalitaire, ce n’était pas une déclaration destinée à favoriser l’instauration d’un programme favorable à la démocratie ouvrière. Les politiques de Chávez illustrent le fait que ce qu’il entend par ce ”nouveau type de système” est une ”économie mixte” combinant le capitalisme avec des interventions de l’État et des réformes. Les réformes que le Comité pour une Internationale Ouvrière ont soutenues sont maintenant repoussées vers l’arrière et démantelées. Elles ne pouvaient être maintenues et renforcées que sur base d’une rupture avec le capitalisme et de l’introduction d’une planification socialiste et démocratique de l’économie.

    Capriles est clairement en train d’attendre son heure et a maintenant l’intention de consolider sa base dans l’après campagne électorale. Chávez est préparé à poursuivre ses politiques de conciliation et de travail avec les sections de la classe dominante qui sont prêtes à collaborer avec lui. Une telle politique va de plus en plus pousser son gouvernement a entrer en confrontation avec les travailleurs et les pauvres. Le mécontentement social va augmenter. Il est urgent qu’un mouvement ouvrier socialiste, démocratique et indépendant se construise avec un programme de rupture anticapitaliste. Si cela n’est pas fait, alors, face à la désintégration sociale et à l’aliénation, la menace de la droite ne peut que se développer.

    L’approfondissement de la crise économique capitaliste mondiale aura un lourd impact sur le Venezuela. Une baisse significative du prix du pétrole, principal produit d’exportation du Venezuela, d’une valeur de 60 milliards de dollars l’an dernier, peut menacer de saper les politiques de Chávez. On ne peux pas exclure que Chávez pourrait être repoussé vers la gauche et introduire des mesures plus radicales qui empiètent sur le capitalisme. Toutefois, cela est loin d’être certain et elles ne représenteraient pas en elles-même une transformation socialiste. Pour rompre avec le capitalisme et construire une véritable alternative socialiste démocratique, il est encore nécessaire et urgent de construire un mouvement ouvrier socialiste indépendant, démocratique et politiquement conscient.

  • 8 mars Journée Internationale des Femmes: Petit état des lieux international

    Voici différents témoignages et explications de la situation des femmes au Venezuela, en Irlande, à Hong Kong, en Chine, en Inde, en Suède, en Grande-Bretagne, en Italie et en Egypte, recueillis par socialistworld.net, le site internet du Comité pour une Internationale Ouvrière.

    Comité pour une Internationale Ouvrière

    Chine: Les jeunes femmes se battent pour une meilleure vie

    Chinaworker.org

    En Chine, les jeunes femmes constituent la majorité des travailleurs dans l’industrie de la transformation et dans l’assemblage destiné à l’exportation. Dans beaucoup d’usines, elles représentent 80% du personnel. Il n’est dès lors pas surprenant de voir qu’elles ont joué un rôle clé dans plus de 40 grèves qui se sont développées dans l’industrie de l’exportation ces dernières années, des grèves pour de meilleurs salaires et pour des syndicats de base en contrepoids aux syndicats d’entreprise qui sont les seules organisations légales des travailleurs en Chine.

    Les jeunes femmes, encore plus que les hommes, quittent la campagne et rejoignent les forces de travail immigrées parce que la pauvreté et la routine abêtissante de la vie à la campagne les touchent plus spécialement et très durement. Souvent, elles sont retirées des écoles pour travailler dans la ferme de leurs parents, ou alors sont-elles poussées à trouver du travail comme immigrée, souvent à partir de l’âge de 14 ans déjà. Dans quelques régions campagnardes, 40% des jeunes quittent l’école avant d’obtenir un diplôme, contre un degré national de 5%. Les filles font généralement les deux tiers des jeunes qui quittent l’école trop tôt.

    Cela est reflété dans le taux d’analphabétisme en Chine, où 70% des 85 millions d’analphabètes sont des femmes. Malgré le fait qu’il est devenu interdit de demander des frais de scolarité dans l’enseignement primaire en 2005, cela reste une réalité dans beaucoup de régions rurales parce que les gouvernements locaux sont en faillite ou ont dépensés tous les moyens dans des projets d’infrastructure qui stimulent les données économique et qui sont de bonnes opportunités de pots-de-vin pour les bureaucrates. Beaucoup de familles des campagnes ne savent pas se permettre de payer le coût de l’enseignement et considèrent que l’enseignement est moins important pour une fille, ce qui est dû à la pression économique et au manque de moyens pour les pensions et les soins des personnes âgées.

    Les femmes sont sensées se marier et prendre des parents de leur mari, mais pas de leurs propres parents, ce qui explique aussi pourquoi il y a tant d’avortement sélectifs selon le genre du nouveau né à venir, malgré le fait que cela est interdit, avec en conséquence un déséquilibre de genre : pour 100 filles nées en Chine, il y a 119 garçons. Ce déséquilibre croissant signifie que la prostitution imposée et la traite des êtres humains connaissent une développent illimité dans quelques régions du pays. Selon un rapport récent, la Chine a aussi le taux de suicide le plus élevé au monde parmi les femmes – 25% plus haut que chez les hommes. A nouveau, il s’agit surtout de femmes des campagnes. «La moitié des suicides se produisent chez les femmes des régions rurales, qui boivent généralement des pesticides pour en finir avec leur vie», écrit le China Daily. La pauvreté, la pression financière et les mariages malheureux, forcés ou violents sont les causes les plus importantes.

    Hong Kong : Les femmes se battent contre la discrimination et l’injustice sociale

    Socialist Action, CIO Hong Kong

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    Irlande

    L’Irlande du Sud reflète l’énorme changement en attitudes sociales qui a trouvé place ces dernières années. Une recherche comportementale du « Irish Times », faite en octobre 2010, est parvenue aux constats suivant:

    • 60% des -45-ans aideraient une copine à obtenir un avortement
    • Plus de 60% pense que les mariages homosexuels doivent être permis
    • Presque la moitié pense que les couples homosexuels doivent pouvoir adopter des enfants

    Asie

    Les travailleuses dans le textile en Asie subissent des conditions de travail et de vie qui font penser à l’esclavagisme. Forcées de travailler plus de 10 heures par jour, sept jours par semaine, dans des usines sans sécurité, où les harcèlements sexuels sont monnaie courante. Elles sont souvent logées dans des logements surpeuplés. Mais des centaines et des centaines de milliers de jeunes femmes sont entrées en grève pour un salaire viable. Le mouvement a été provoqué par les prix croissants de nourriture et des produits de base. Elles sont restées debout devant le gaz lacrymogène, devant les matraques électriques, devant les canons à eau et d’autres armes d’assaut. Des milliers ont été arrêtées et des centaines ont été blessées, surtout au Bangladesh où la répression était la plus brutale. Cependant, elles ne se sont pas laissé intimidées et elles ont obtenu quelques concessions. La lutte est loin d’être finie et elle est une inspiration pour les travailleuses partout dans le monde.

    Egypte

    En Egypte des milliers de travailleuses sont entrées en grève pour leurs droits et pour la fin du régime. Le 10 février, le personnel, principalement féminin, du Centre de Recherche de la Santé des Animaux Egyptien a fait une manifestation devant la porte de leur centre, où ils demandaient la démission immédiate du directeur:

    “Elle est totalement corrompue”, disait un docteur. ”Elle utilise l’argent prévu pour l’étude et la prévention de la grippe aviaire pour construire des villas personnelles au Caire et en Alexandria”

    “La seule raison pour laquelle elle a cette position est que son frère travaille au bureau du Ministre de la Santé”, disait une autre. D’autres participants à la grève parlaient de mauvaises conditions de travail et du népotisme comme raisons pour leur protestation. A peu près 45 des 150 travailleurs ont commencé à chanter quand le directeur est arrivé en voiture, pour tout de suite repartir quand elle a vu les protestations, après quoi des cris de joie ont résonné.

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    Les femmes, et surtout les femmes de la classe ouvrière, ont beaucoup de raisons de se fâcher sur la manière dont la société est aujourd’hui gérée. Les femmes sont traitées comme des travailleurs de second rang, leurs salaires ont stagné durant les 10 dernières années parce que le patronat a utilisé la crise économique pour garder les salaires au plus bas. Pour les travailleuses et travailleurs, la crise a conduit à une augmentation sensible du temps de travail. Cela touche spécifiquement très durement les femmes, qui ont moins de temps et plus de stress pour être présentes pour leurs enfants. Beaucoup de femmes n’ont pas d’autre choix que d’accepter des boulots précaires ou dans l’économie informelle – leur nombre a doublé ces cinq dernières années.

    Le revenu médian des employées était de 8.500 HK$ en 2009, soit à peu près 30% de moins que pour les hommes. Il est d’usage dans les entreprises de moins payer les femmes pour des emplois identiques. C’est surtout le cas dans le secteur de la restauration.

    Ce n’est donc pas étonnant que le nombre de femmes qui vivent sous le seuil de pauvreté a augmenté entre 1996 et 2008 de 485.000 à 635.000 personnes. Hong Kong a le fossé entre riches et pauvres le plus extrême de toutes les économies développées, et la pauvreté augmente plus vite parmi les femmes. Les femmes sont les plus grandes perdantes de la politique pro-riche et anti-providence de Donald Tsang (chef de l’exécutif de l’administration de Hong Kong) et de ses partisans.

    La discrimination contre les femmes mariées sur le marché du travail a même encore empiré depuis la crise économique. Chaque année, la moitié des 300 plaintes qui entrent à la Commission pour l’Egalité concernant des discriminations sur base du sexe est liée à la question de la grossesse. La discrimination est souvent cachée, comme de faire travailler une femme enceinte sans air conditionné ou en utilisant des autres formes de pression et d’harcèlement.

    En 2010, une importante percée a eu lieu avec la première législation autour d’un salaire minimum à Hong Kong. Cela s’est produit après plus de dix ans de retards, avec une énorme pression sur le gouvernement et le patronat. Mais il faut beaucoup plus que ça. Le niveau du salaire minimum, 28 HK$ par heure, est toujours trop bas. Et la nouvelle loi discrimine aussi les immigrés, les personnes handicapées et les étudiants. Les patrons cherchent aussi des manières de limiter la loi et de couper dans leurs frais – en embauchant plus de travailleurs à temps partiel et en forçant les travailleurs à devenir des pseudo-indépendants.

    Les syndicats à Hong Kong doivent étayer leurs paroles sur de meilleurs salaires et une diminution du temps de travail avec des actions et avec une volonté de réellement passer à la lutte. Nous voulons un salaire minimum juste et totalement inclusif, ainsi que le droit à des négociations salariales collectives pour tous les travailleurs. Cela est lié à la nécessité de transformer les syndicats en organisations de lutte, contrôlées par leurs membres, avec des sections démocratiques au niveau du lieu de travail et avec des dirigeants qui vivent au salaire moyen d’un travailleur qualifié.

    Venezuela : Réformes sous attaque

    Denise Dudley, Socialismo Revolucionario, (CIT/CIO Venezuela)

    Lors des premières années de la Révolution Bolivarienne, des pas en avant importants ont été faits pour les ouvrières, entre autres avec la fondation d’un Ministère pour les Femmes et de différents programmes d’éducation et de santé (Missions) qui avaient pour but de tirer les femmes hors de la pauvreté et de la dépendance financière. Malheureusement, nous avons vu que ces réformes ont de plus en plus été réduites ces dernières années, partiellement en résultat de la récession de deux ans qui a conduit à des coupes budgétaires (jusqu’à 50% en moins des moyens de beaucoup de Missions).

    Le président du Venezuela, Hugo Chavez, a parlé de son gouvernement comme étant “féministe”. Cependant, le Conseil National (le Parlement) récemment élu a aboli la «Commission Femmes» mise sur pied pour combattre le sexisme et le «machismo» qui restent dominant dans la société vénézuélienne d’aujourd’hui. En plus, l’avortement reste illégal, avec un grand impact sur la vie et le bien-être de centaines de milliers de femmes.

    Il y a au Venezuela de grands obstacles pour s’organiser autour de ces questions, notamment l’extrême polarisation politique entre les défenseurs et les adversaires de Chavez. Une des conséquences est que beaucoup de gens à gauche doutent ou refusent de participer à une campagne qui pourrait être vue comme une campagne «contre» le gouvernement et faisant partie de l’aile droite organisée.

    A cette Journée Internationale des Femmes, une Conférence Internationale des Femmes est toutefois organisée à Caracas, ce qui offre un forum et une opportunité de discuter de ces questions et où on espère qu’un plan d’action va être proposé pour mener la lutte pour les droits des femmes.

    Suède : Un nouveau réseau lutte contre la politique de droite

    Elin Gauffin, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)

    Pour le 8 mars de cette année, un nouveau réseau a été mis sur pied en Suède sous le nom “Luttes des Femmes contre la Droite”. La première de ses tâches est l’organisation d’une manifestation à Stockholm pour la Journée Internationale des Femmes.

    Les slogans centraux de la manifestation sont: “Non aux privatisations” ; ”Abolition du RUT” (une réduction d’impôts pour les gens qui emploient du personnel domestique) ; ”Des emplois stables et sûrs” ; ”Pour la providence générale” ; ”Pas de profits sur les corps des femme” ; ”Arrêtez le sexisme” ; ”Solidarité internationale des femmes et justice globale”.

    Après plus de quatre années d’un gouvernement de droite en Suède, l’égalité a été attaquée sur beaucoup de terrains. Les diminutions d’impôts ont fait augmenter le fossé entre le revenu des femmes et celui des hommes à 1.000 Kroon par mois (100 euros). Le fossé entre hommes et femmes au niveau de l’emploi est le plus grand en 20 années, avec 230.000 plus d’hommes que de femmes ayant un emploi – un mauvais rapport pour un gouvernement qui affirme que l’emploi est sa priorité.

    Un emploi pour chacun, la providence générale et un secteur public efficace sont la base nécessaire pour parvenir à une véritable égalité, comme lorsque de bons moyens existaient en Suède pour les soins de santé, les soins aux personnes âgées et aux enfants, en résultat des luttes des femmes et des travailleurs. Aujourd’hui, tout le monde est sensé résoudre de plus en plus de problèmes sur base individuelle.

    Presque 100.000 habitants du district de Stockholm ont obtenu l’an dernier une diminution d’impôts pour employer du personnel domestique. Cela a fait augmenter la division de classe parmi les femmes. Celles qui peuvent se permettre d’employer quelqu’un pour nettoyer leur maison obtiennent une diminution d’impôts alors que ce genre d’emploi est souvent très précaire et le plus souvent très mal payé. Au lieu de ça, il faudrait libérer plus de moyens publics pour l’élargissement des soins aux enfants et aux personnes âgées pour ceux qui en ont besoin.

    Sanna Tefke, secrétaire jeune de Kommunal (syndicat des travailleurs communaux) Section 26, est membre de Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède) et l’une des initiatrices de la manifestation du 8 mars. Elle déclare: ”La privatisation des soins de santé à Stockholm a été si loin que dans beaucoup de districts, il n’y a plus de soins publiquement financés. Des millions de Kroon de l’argent des contribuables va vers les profits et les dividendes des propriétaires privés.”

    “L’initiative “Lutte des Femmes contre la Droite” était nécessaire pour en quelque sorte armer le 8 mars. Nous devons reconstruire un mouvement combatif qui puisse donner une réponse à la contre-révolution qui est menée aujourd’hui. Nous ressentons que les initiatives déjà existantes autour du 8 mars sont trop vagues et trop douces.”

    Une autre question reprise est celle de la violence masculine contre les femmes. Maria Rashidi, de l’ ”Association pour les Droits des Femmes”, nous raconte : ”Chaque jour, je rencontre une femme qui a été abusée par son mari. Les victimes de violence masculine ne sont souvent pas traitées de façon sérieuse par la police et les services sociaux. Les femmes dans une procédure d’asile sont touchées le plus fortement. Beaucoup doivent déménager tous les mois et sont exploitées comme des forces de travail bon marché. Les femmes travaillent par exemple dans des restaurants où elles font la vaisselle pour 20 SEK (2 euros) par heure et elles doivent y rester la nuit.”

    “Je reçois deux ou trois coups de téléphone par semaine de femmes qui ont été abusées comme ”nouvelle mariée par la poste”. Il faudrait avoir un accueil spécifique pour ces femmes. Le 8 mars, il est important de constater le progrès que les femmes ont obtenu, mais aussi de rappeler que, par la lutte, nous pouvons obtenir beaucoup plus.”

    Irlande : La lutte des travailleuses de Laura Ashley en inspire d’autres

    Dans le nord et dans le sud de l’Irlande, des assainissements tels que personne n’en a vu se produisent dans le secteur public, de même que des attaques contre les salaires – y compris une diminution du salaire minimum dans le sud avec 1 euro – touchent très durement les travailleuses et les femmes qui dépendent des services publics. Dans ce cadre, les travailleuses de Laura Ashley sont un exemple édifiant de femmes qui partent en contre-offensive.

    Déléguée et gréviste de Laura Ashley, Laura Waters, écrit sur ses expériences:

    “Avec 15 de mes collègues, surtout des femmes, j’ai été en grève un peu plus de trois mois. J’ai travaillé plus de huit années dans le fleuron de Laura Ashley à Grafton Street, à Dublin. En octobre, l’an dernier, nous avons appris que notre magasin allait fermer après une offre de bail de Disney Group.

    “Deux semaines avant la fermeture, nous avons tous reçu la promesse que nos emplois étaient en sécurité et que nous allions être mutées vers un nouveau magasin. Mais cela ne s’est pas produit, pas même quand Laura Ashley a été mise sous pression pour faire muter du personnel vers d’autres magasins ; la direction n’offrait que six emplois pour 22 travailleurs. La plupart d’entre nous travaillaient à temps plein, mais la meilleure nouvelle offre était un contrat de 16 heures au salaire très bas. Il n’y avait pas d’offre d’emploi semblable aux nôtres et Laura Ashley avait en plus le culot de nous offrir ces nouveaux emplois à condition de toutes passer à nouveau la procédure d’embauche.

    ”Les 22 travailleurs ont donc été confrontés à un licenciement imposé, où Laura Ashley ne voulait pas payer les primes de licenciement légalement prévues, dont il récupère pourtant 60% du gouvernement irlandais. Et cela malgré le fait que Laura Ashley est sur le point d’annoncer pour l’année passée des profits qui dépassent les 21 millions d’euros! Nous pensons aussi qu’il a obtenu une somme d’à peu près 90.000 euros pour la vente de notre magasin à Disney.

    “Pour nous, il ne restait pas d’autre option que les actions de grève afin d’éviter qu’une entreprise rapace et rentable comme Laura Ashley ne marche sur nous tous. Nous avions le sentiment qu’on devait se battre, pas seulement pour nous, mais pour tous les travailleurs qui étaient traités de cette façon.

    “Pendant notre grève de 15 semaines, il est devenu clair que la direction syndicale n’était pas représentative pour de simples travailleurs comme nous. Elle a échoué à chaque opportunité de conduire notre lutte vers une solution, alors que leur manque d’action n’avait pour effet que de tirer en longueur le conflit. La direction syndicale est totalement détachée de la lutte réelle à laquelle sont confrontés ses membres sur le terrain. Ainsi, notre indemnité de grève est de 40 euros par semaine. Je défie chaque fonctionnaire syndical de vivre avec 40 euros par semaine! Cela ne couvre qu’à peine les coûts de déplacement pour aller et revenir du piquet, ne parlons pas de l’hypothèque ou des factures des grévistes.

    “Par mon implication dans cette lutte, je me suis plus largement rendu compte de la crise, pas seulement dans le mouvement syndical, mais dans notre gouvernement et notre société en général. Tel que les choses sont pour l’instant, les simples travailleurs ne sont pas représentés par notre gouvernement, ce qui est tout de suite clarifié par leur volonté d’imposer des mesures d’austérité qui déciment les vies des simples travailleurs. Alors que les banquiers et les spéculateurs qui ont causé cette récession ont été sauvés avec des sommes massives, les simples travailleurs restent en plan, avec une lutte à mener contre l’austérité.

    “Pourquoi est-ce que nous devons continuer à payer pour la crise économique? Pourquoi les simples travailleurs doivent-ils supporter les horribles conséquences de l’austérité ? Pourquoi devons nous supporter les charges des fautes de l’élite riche ? Nous ne devons pas faire ça et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai décidé de rejoindre le Socialist Party (CIO-Irlande). Je crois qu’il y a une alternative réelle et viable contre le système actuel. Je crois à une économie planifiée en fonction des intérêts des travailleurs, en opposition à la pauvreté et à l’inégalité créées par le capitalisme. Nous, la classe ouvrière, sommes la majorité et si nous luttons ensemble, nous pouvons vraiment faire la différence et devenir une force qui sait vraiment changer fondamentalement la société dans laquelle nous vivons.”

    Grande-Bretagne : Les femmes condamnées

    Jane James, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    L’impact des assainissements du gouvernement des Conservateurs et des Libéraux Démocrates (Con-Dem) sur les femmes va être horrible. Tous les groupes d’âge vont être touchés, des jeunes femmes – qui n’auront plus accès à l’aide prévue spécialement pour elles, comme au sujet de la contraception, et des droits pour les grossesses des teenagers – jusqu’aux femmes qui ont la perspective de la pension juste devant elles. Des refuges pour femmes abusées vont fermer, ce qui va rendre encore plus difficile pour les femmes de quitter des compagnons violents.

    Maintenant, déjà 11 milliard de livres ont été retiré du budget des allocations sociales, ce dont les femmes seront les plus grandes victimes. Le gel des allocations familiales et les coupes dans les primes pour les femmes enceintes vont ensemble coûter 2,4 milliards euros. Les familles avec les revenus les plus bas et avec des nouveau nés vont perdre 1.293 livres par an une fois ces mesures totalement appliquées.

    Les femmes constituent les trois quarts du personnel dans le secteur public en Grande-Bretagne, ce qui fait que la perte d’emploi va avoir un effet important sur elles. Malgré la haute représentation syndicale dans le secteur public, il y a peu de signes de lutte dans la plupart des cas. Les travailleuses, ensemble avec les militants syndicaux masculins, vont devoir revendiquer de l’action de leurs dirigeants.

    L’an dernier, c’était le 40e anniversaire de la Loi sur le Salaire Egal en Grande-Bretagne, ce qui a été obtenu par la lute. Cette année, les femmes vont devoir se battre pour sauver leurs emplois.

    Beaucoup de femmes plus âgées que 50 ans sont furieuses de l’augmentation de l’âge de départ en pension dans le secteur public: beaucoup d’entre elles vont devoir travailler au moins un an en plus. Beaucoup de ces femmes sont seules et n’ont pas de pension privée sur laquelle retomber. Cela vient en plus des attaques contre les pensions professionnelles, ce qui peut constituer l’occasion d’une lutte unifiée dans le secteur public.

    Cette année, beaucoup d’organisations féministes mettent en avant la victoire de la lutte pour le droit de vote. Nous soutenons aussi cette victoire, mais le Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles va surtout mettre l’accent sur la nécessité pour les femmes de rejoindre la lutte contre les assainissements avec leurs syndicats et les comités anti-austérité qui sont mis sur pied partout dans le pays.

    Succès pour la campagne “Stop the Strip”

    Une campagne "Stop the Strip" à New Cross, au sud de Londres, a été mise sur pied par des gens du quartier et des membres du Socialist Party et a réussi à obtenir la fermeture d’un bar lap-dance dans le café White Hart.

    Tania Eadie, une des organisatrices, explique l’importance de cette campagne:

    “Nous avons obtenu notre objectif de faire fermer un bar lap-dance, mais il y en a au moins 300 dans le Royaume Uni. Les femmes qui travaillent dans ces bars ne le font pas parce que c’est ”chouette”. Les raisons peuvent être complexes, mais pour beaucoup c’est bien simple : elles ont besoin d’argent.

    “Il ne s’agit, pour plein de gens, pas du choix entre une vacance à l’intérieur ou à l’extérieur du pays; c’est le choix terrible entre la nourriture pour la semaine ou la facture de chauffage. Des lieux comme White Hart semblent offrir la promesse d’argent facile et rapide. En réalité ils offrent ”l’opportunité” de se faire humilier et d’être traité comme un objet sexuel. Ils offrent aussi la chance de travailler dans un environnement violent et dangereux. Il existe aussi de tels lieux, où on attend des femmes qui y travaillent qu’elles aient des relations sexuelles avec les clients.

    “Ces bars augmentent aussi le risque de violence dans un quartier. Quand nous avons eu notre manifestation de 100 personnes, plusieurs femmes nous ont raconté que la présence du lap dance bar dans le quartier leur faisait se sentir en insécurité. Ce n’est pas étonnant dans un quartier qui a le sixième plus haut taux de viols à Londres.

    “Après la manifestation de protestation, un homme qui venait du bar est venait chez nous pour nous expliquer qu’il ne s’agissait que d’un peu de fun. Le lap dance est ”normalisé”. Mais ce n’est pas normal. Ces bars traitent les femmes comme des objets, des choses à regarder. Personne de nous ne devrait accepter cela.

    “Nous avons pu faire fermer le lap dance bar du White Hart-café, mais il y a encore beaucoup de lieux similaires. Les socialistes doivent mener campagne pour les fermer, expliquer pourquoi les femmes y travaillent et mener la lutte pour de bons emplois et de véritable chances pour chacun.”

    Inde : La lutte d’une femme contre l’oppression – Irom Sharmila

    Socialist Alternative, CIO-Inde

    La lutte pour l’émancipation des femmes du sexisme et pour l’égalité sociale, politique et économique continue dans différents mouvements de lutte en Inde. Mais à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, il faut mettre en avant la lutte exceptionnelle d’une femme contre l’Etat indien brutal et son pouvoir draconien. Avec sa lutte déterminée, elle a lancé un défi au pouvoir de l’armée indienne à elle seule.

    Irom Sharmila, une jeune femme Manipuri, se prive de nourriture depuis novembre 2000 en protestation du meurtre d’innocents par les services de sécurité sensé les protéger. Elle s’oppose aux Pouvoirs Spéciaux pour l’armée, une loi introduite pour opprimer la révolte. Sous cette loi, les agents de sécurité peuvent tirer sur n’importe qui ou les arrêter, faire des perquisitions, etc., sur base du seul soupçon de faire partie de la révolte. Souvent, ils prennent des simples personnes comme cible, où utilisent leurs pouvoirs spéciaux. Les journaux font rapport d’innombrables incidents. Des organisations des droits de l’homme ont enregistré des centaines de cas de meurtre, d’arrestation, de viol ou de torture de personnes innocentes.

    A Manipur, les gens vivent dans la peur. De l’un côté, ils ont peur des rebelles, de l’autre côté, des troupes de sécurité. Un cycle de violence a été mis en route par ces deux camps. Les gens se trouvent dans la ligne de feu entre les deux, et ont perdu dans cette belle région tout semblant de vie normale. Loin d’être une mesure effective contre la révolte, la loi sur les Pouvoirs Spéciaux renforce la révolte.

    En novembre 2000, dix personnes innocentes ont été tuées par les troupes de sécurité au Malom, un village près d’Imphal. Irom Sharmila, fille d’une famille d’Imphal, ne pouvait plus accepter cette situation. En réponse à cette tragédie, elle est entrée en jeûne en revendiquant l’abolition de la loi sur les Pouvoirs Spéciaux au Manipur. Elle a refusé de manger jusqu’à ce que cette loi soit abolie. Plus tard le même mois, elle a été arrêtée par le gouvernement, qui lui a imposé de la nourriture forcée. Dès lors, elle a été plusieurs fois libérée et à nouveau arrêtée. Depuis plus de huit ans déjà, elle insiste sur sa revendication et refuse de manger. La plupart de ces années, elle les a passées toute seule dans la prison d’Imphal.

    Alors que nous sommes inspirés par l’énorme courage et la détermination d’Irom Shamila, nous aspirons, avec Alternative Socialiste (CIO-Inde), à construire des organisations et des mouvements qui se basent sur la puissante classe ouvrière indienne. Cette classe va, suivant dans les pas des mouvements de masse dans le Moyen-Orient aujourd’hui, être capable de ne non seulement virer la loi sur les Pouvoirs Spéciaux et l’oppression militaire, mais aussi de faire disparaître tout ce système capitaliste pourri et corrompu et la grande propriété terrienne en Inde. Les femmes devront jouer un rôle vital dans ce mouvement ; sans elles, ce mouvement ne sera jamais capable de gagner.

    Italie : Un million de personnes manifestent contre le sexisme

    Christine Thomas, Controcorrente (CIO-Italie)

    Le 13 février un million de femmes (et d’hommes) ont manifesté dans 230 villes et communes en Italie. C’était une protestation spontanée provoquée par les accusations contre le président Italien Silvio Berlusconi selon lesquelles il aurait entre autres payé pour des relations sexuelles avec une prostituée mineure. Mais il s’agissait de bien plus que ça. C’était une protestation contre la façon dont son propre comportement personnel et son contrôle (direct ou indirect) sur toutes les chaînes de télévision (sauf une) et son empire médiatique dressent un portrait des femmes comme des objets sexuels qui sont là pour être guignées et contrôlées par les hommes.

    Une culture sexiste est créée, dans laquelle quelques jeunes filles pensent maintenant que leur corps est leur seule qualité à valoir quelque chose, et que c’est le seul chemin vers la réussite dans la vie. Dans ce pays, le Ministre pour l’Egalité des Chances est une ancienne modèle topless ! C’est le pays qui se trouve sur la 74 e place (sur 134) dans le classement de fossé de genre (33 places en-dessous de Kazakhstan !).

    Des dizaines de milliers de femmes qui étaient descendues dans la rue disaient qu’il fallait un changement. «Si pas maintenant, quand alors?», était le slogan central de la protestation. Pour beaucoup, ce slogan se référait aussi à la démission de Berlusconi. ”Je suis ici parce que je connais ce que cela signifie de se faire molester par un homme qui pourrait être ton grand-père”, disait une des manifestantes. ”Je suis enceinte”, disait une infirmière, ”mais je ne sais pas le dire au boulot parce que je le perdrai alors.”

    Des membres du CIO distribuaient un tract à ces manifestations avec le titre: “Nous ne sommes pas des marchandises; capitalisme = profits = inégalité”. Les protestations ont rassemblés des femmes de plusieurs classes sociales et de différents milieux, mais nous avons expliqué comment le sexisme et la dépréciation des femmes de Berlusconi sont une expression logique (même extrême) d’un système où les profits sont la chose la plus importante et où tout a son prix, un système basé sur l’inégalité de richesse et l’inégalité de genre. Seule une lutte anticapitaliste impliquant des femmes et des hommes peut poser la base pour la fin du sexisme et peut conduire à une véritable égalité permanente entre femmes et hommes.

  • Venezuela : Des militants, dont des membres du CIO, arrêtés et détenus par les forces de l’Etat

    La répression et la criminalisation des lutes, ce n’est pas du socialisme!

    Ce mardi 2 septembre, 8 camarades du “Comité national contre la criminalisation des protestations sociales et pour la libération des militants sociaux et révolutionnaires”, dont deux membres de Socialismo Revolucionario (CIO-Venezuela) – Johan Rivas et Joseph Alvarado – ont été arrêtés par les forces de l’ordre de la ‘Garde Nationale Bolivarienne’.

    Socialismo Revolucionario (CIO- Venezuela)

    Cela s’est produit alors qu’ils collaient des affiches à Caracas en solidarité avec le dirigeant ouvrier Rubén González, le dirigeants indigène Sabino Romero et le dirigeant étudiant Williams Sanguino, tous arrêtés alors qu’ils ne faisaient que défendre leur droit fondamental de protester. Ces 8 militants ont donc été arêtes et détenus dans une “zone sûre” où ils ont été maintenus une heure et demi sans aucune charge ne pouvant justifier la détention si ce n’est d’avoir ‘disséminé de la propagande politique dans des endroits prohibés’, malgré le fait que les affiches étaient collées aux endroits publics, au côté d’autres affiches de nombreuses organisations sociales, politiques ou encore de publicités.

    Ces camarades ont immédiatement contacté de nombreux réseaux, organisations, mouvements et collectifs pour soutenir leur campagne, les alerter de la situation et de la possibilité que des mesures plus sérieuses soient prises par les forces d’Etat. Toutes les organisations contactées se sont mobilisées, et ont ainsi permis la remise en liberté de ces 8 camarades, sans que leur arrestation n’ait pu recevoir la moindre justification.

    Cet acte de répression n’était rien de plus qu’une façon de tester quel degré d’intimidation et de répression pouvait être utilisé contre les mouvements sociaux, populaires et révolutionnaires indépendants, qui tentent d’élever la voix contre ce qui se développe aujourd’hui sous le nom de “Révolution Bolivarienne”. Les autorités ont choisi de recourir à la force pour résoudre les conflits sociaux et politiques et de criminaliser et d’arrêter les militants et leurs dirigeants.

    De ces 8 militants arrêtes, deux étaient membres de Socialismo Revolucionario (CIO-Venezuela). Nous rejetons toute intimidation et repression contre le mouvement populaire et révolutionnaire.

    Nous exigeons:

    • La voix du people et de la classe ouvrière ne doit pas être étouffée ! La répression et la criminalisation des lutes, ce n’est pas du socialisme !
    • Libération de tous les prisonniers des mouvements politiques, sociaux et révolutionnaires détenus pour avoir défendus leurs droits !
    • Non à la criminalisation des protestations sociales !
    • Non à l’impunité des bureaucrates ! Pour le contrôle démocratique de la justice !
    • Pour la construction d’une alternative révolutionnaire, démocratique et socialiste !
  • Venezuela. La révolution en danger

    La défaite d’Hugo Chávez lors du référendum de décembre marque un point tournant du processus révolutionnaire vénézuelien. Le fort taux d’abstention indique une frustration grandissante quant à la lenteur des changements. Dans le même temps, l’opposition de droite a été fortement encouragée par sa victoire. Tony Saunois analyse la situation présente.

    Tony Saunois

    Le 2 décembre 2007, Hugo Chávez, président du Venezuela, a malheureusement encaissé sa première défaite électorale depuis sa montée au pouvoir en 1998.

    Donner de plus grands pouvoirs au président, autorisant ainsi Chávez à se présenter pour plus de deux mandats, établir ‘le pouvoir populaire’, décrire le Venezuela comme un ‘Etat socialiste bolivarien’, réduire la semaine de travail de 44h à 36h, voilà quelques-uns des 69 amendements proposés pour changer la constitution datant de 1999. Ces amendements ont été rejetés par 50,7 % contre 49,2% des électeurs, et avec un fort taux d’abstention (44%).

    Le rejet de ces propositions pose d’importantes questions quant au futur de la révolution et aux dangers faces auxquels se trouvent maintenant la classe ouvrière et les masses. Cela illustre clairement la nécessité pour tous les socialistes, au Venezuela et internationalement, d’analyser la conjoncture actuelle de la lutte contre le capitalisme et les grands propriétaires, ainsi que les tâches que doivent assumer les militants dans le mouvement.

    La défaite du référendum représente un pas en arrière pour la classe ouvrière et a aidé à renforcer l’opposition de droite pro-capitaliste. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses membres au Venezuela appelaient à voter OUI au référendum. Et cela en dépit des importantes limitations de ces propositions, comme celles qui tendaient à augmenter les pouvoirs centraux de la présidence, qui permettait ainsi à la droite de dépeindre le régime comme ‘dictatorial’. Mais malgré ces faiblesses, cela aurait été une erreur de donner comme consigne l’abstention ou le boycott, comme certains sur la gauche ont pu le faire, comme par exemple le dirigeant syndical Orlando Chirino. En effet, la victoire du non a eu comme effet de laisser ceux qui appelèrent au boycott plus isolés des activistes, rendant ainsi encore plus difficile de formuler des critiques des imperfections et manquements du gouvernement.

    C’est une sérieuse défaite, bien qu’elle ne soit pas décisive. Mais il est aujourd’hui urgent de tirer les leçons de cet épisode si l’on veut pouvoir éviter d’autres défaites -qui risquent de s’avérer plus sérieuses- et faire avancer le processus révolutionnaire.

    Comme nous l’avons commenté à l’époque, l’arrivée de Chávez au pouvoir représentait le commencement de changements importants dans la situation internationale. L’élection de Chávez a signifié un rejet décisif des politiques néolibérales qui ont dominé les années 90 suite à la chute des dictatures bureaucratiques et des économies planifiées dans l’ancienne Union Soviétique et l’Europe de l’Est. Son gouvernement n’était en effet pas prêt à capituler face aux exigences de l’impérialisme en appliquant des politiques néolibérales.

    Initialement, Chávez ne parlait pas de socialisme mais se limitait à l’idée d’une ‘révolution bolivarienne’. Son régime populiste et nationaliste en est venu rapidement à appliquer des réformes radicales qui sont entrés en conflit avec l’impérialisme US et l’oligarchie dirigeante qui dirigeait le Venezuela depuis des décennies. Ces derniers ont organisé une série de tentatives pour renverser son régime. Chacune de celles-ci – une tentative de coup en 2002, un lock-out patronal en 2002-03, un référendum en 2004 pour essayer de démettre Chávez – a échoué grâce au mouvement spontané des masses soutenant Chávez.

    Ces conflits opposants les masses et la classe dirigeante ont provoqué à chaque fois une radicalisation politique. Cela s’est reflété par exemple lorsque Chávez déclara que la ‘révolution’ n’était pas seulement ‘bolivarienne’ mais aussi ‘socialiste’. Il déclara aussi que le Venezuela s’était embarqué sur la route de la construction du ‘socialisme du 21ème siècle’. Après sa victoire électorale de décembre 2006, il est allé plus loin en annonçant son soutien au programme de transition et au concept de révolution permanente développés par Léon Trotsky.

    Compte tenu du contexte d’offensive idéologique dirigée par la classe dirigeante et de ses représentants au sein des anciens partis ouvriers de masse contre le socialisme, ces développements représentaient et représentent toujours des pas en avant importants. Ils ont été reçus de manière très enthousiaste par une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes qui observaient le Venezuela et Cuba – plus récemment, la Bolivie, avec l’élection d’Evo Morales, et maintenant l’Equateur – comme des contrepoids radicaux de gauche face à Bush, Blair et le capitalisme néolibéral.

    Pendant que dans d’autres pays, l’application de politiques néo-libérales entraînait des plans d’austérité et des attaques sur les conditions de vie des travailleurs, le gouvernement de Chávez a introduit une série de réformes populaires, que nous soutenions, comme expliqué dans différents autres articles et dossiers (www.socialistworld.net). Elles ont été financées par le haut prix du pétrole sur le marché mondial et la croissance économique, qui a particulièrement été bénéfique pour la classe moyenne.

    Pauvreté et aliénation

    Quoiqu’il en soit, de nombreux problèmes sociaux persistent, avec un taux de pauvreté qui reste élevé. La frustration qui découle de l’incapacité à résoudre ces problèmes, couplée à la colère par rapport à l’augmentation de la corruption et aux méthodes bureaucratiques ont créé le terreau pour la défaite du référendum. Le taux de chômage est officiellement de presque 10%. L’insuffisance de nourriture, une inflation au dessus des 20 % et l’énorme crise du logement ne peuvent pas être résolus tant que le système capitaliste survit. Le manque de plus de 2,7 millions de maisons, avec environ 1,3 millions d’habitations ressemblant plus à des petites cabanes qu’à des véritables logements, illustre à quel point la situation reste désespérée pour des millions de personnes.

    La pauvreté et l’aliénation dans la société se reflètent par le haut taux de criminalité, et plus spécifiquement de meurtres, qui touche essentiellement les grandes villes. En 2000, le ‘taux de meurtres’ s’élevait à 33,2 pour 100.000 comparé à 1,1 au Japon ou encore 5,51 pour les Etats-Unis. Depuis, la situation s’est encore aggravée et aujourd’hui, la capitale Caracas est plus violente que Rio.

    En novembre 2007, onze meurtres par jour étaient signalés à Caracas. Environ 1000 personnes ont été kidnappées en 2006 pour ensuite exiger des rançons. La criminalité est aujourd’hui un grand sujet de controverse et le gouvernement est considéré comme avoir été incapable de le résoudre. Certains pourraient argumenter qu’il n’est pas correct de blâmer Chávez concernant ce haut taux de criminalité. Mais le crime existera toujours dans des sociétés qui sont touchées par la pauvreté et le malaise social. En dernière instance, cela ne peut se résoudre qu’en se débarrassant définitivement du capitalisme et des conditions sociales qu’il engendre.

    La question de la criminalité est une question cruciale, et il est important pour le mouvement ouvrier de la prendre en compte d’une manière pratique. La police, faisant parti de la machine d’Etat capitaliste, est criblée par la corruption. Les communautés locales doivent s’organiser pour se défendre des attaques criminelles violentes et des gangs. Une des plus grosses faiblesses du mouvement est l’absence d’un mouvement indépendant conscient et organisé de la classe ouvrière et des pauvres. Si un tel mouvement existait, la construction de conseils élus démocratiquement dans les communautés locales pourrait être liée à la formation de comités de défense. Ceux-ci pourraient alors prendre des mesures pour se débarrasser des gangs criminels et offrir une véritable alternative pour tous les jeunes désorientés qui sont attirés par ces bandes.

    En finir avec le capitalisme

    Les problèmes socio-économiques qui continuent à empoisonner le Venezuela proviennent de la continuation du capitalisme. Les discours de Chávez et la propagande pour un « socialisme du 21ème siècle » ne sont pas un programme qu’on peut appliquer.

    Le haut taux de pauvreté, la bureaucratisation et la corruption croissantes, au sein du gouvernement, des directions syndicales et même des organisations sociales et locales, ont exacerbé la colère, la frustration et la déception parmi de larges couches de travailleurs et de pauvres, et particulièrement dans les zones urbaines. Tout cela, ajouté à l’incapacité à faire avancer le processus révolutionnaire, a plongé la situation dans une certaine impasse. La déception est sans doute moins forte dans les zones rurales qui ont pu bénéficier d’un grand nombre de réformes, mais l’ambiance est largement retombée dans les villes.

    La cause plus profonde de tout cela provient de l’incapacité à rompre définitivement avec le capitalisme et à établir un gouvernement des ouvriers et des paysans, basé sur une économie socialiste planifiée démocratiquement. Un grand nombre de personnes ont dû se dire que ne pas voter ne représentait pas une menace contre-révolutionnaire immédiate. Cependant, si on ne sort pas de cette impasse, les forces contre-révolutionnaires vont croître et finalement se débarrasser du régime de Chávez.

    De nouveaux dangers menacent Chávez et son régime. Puisque les réformes ont largement été financées par un prix du pétrole sans cesse croissant, cette situation peut se retourner par les symptômes d’une crise mondiale. Cela pourrait provoquer une chute des revenus tirés du pétrole, et donc un recul dans les réformes.

    Entre ‘74 et ‘79, le régime nationaliste et populiste de centre-gauche de Carlos Andrés Perez avait introduit des réformes sociales significatives qui furent financées par la hausse du prix du pétrole. En ‘79, le baril de pétrole avait atteint les 80$. Peu après, ces réformes devinrent infinançables car une crise faisant chuter le prix du baril à 38$ frappa le Venezuela dans les années ‘80. Le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté explosa de 17% en 1980 à 65% en 1996. C’est un avertissement clair à Chavéz et à la classe ouvrière sur ce qui risque d’arriver si le capitalisme n’est pas remplacé par une économie socialiste démocratiquement planifiée.

    Malheureusement, certains dans la gauche socialiste n’ont envisagé ce problème que pour le traiter de sectaire ou d’inutilement détaillé. Mais maintenant, confronté à ce brusque retour de manivelle du référendum, ils prennent conscience un peu tard des dangers et commencent à s’en faire l’écho. Cela s’illustre par le fait que la Tendance Marxiste Internationale (IMT), qui avait cherché à agir comme conseiller bénévole d’Hugo Chávez, a critiqué, suite à la défaite du référendum, une dangereuse « illusion, qui existe parmi la direction et les masses elles-mêmes, que la révolution serait une espèce de marche triomphale qui pourrait éviter tous les obstacles ». (Alan Woods, La révolution vénézuélienne à la croisée des chemins, 11 janvier)

    Cependant, le groupe vénézuélien de la IMT semble avoir été victime de ce danger précisément, sous-estimant les dangers auxquels doivent faire face les masses et la possibilité de contre-attaque de la part et d’engranger des succès de la part de la contre-révolution. Deux jours avant le référendum, un article publié sur le site de IMT prédisait : « Et nous ne doutons pas que la décision de la majorité sera en faveur du OUI… La victoire du OUI le deux décembre est le premier pas dans ce sens. »

    L’avertissement du référendum

    Les conséquences de l’incapacité à en finir avec le capitalisme commencent à éroder l’enthousiasme pour Chávez et son régime. Il faut souligner que 44% se sont abstenus lors du référendum et le nombre de personnes ayant voté « oui » est de trois millions inférieur au nombre d’électeurs de Chávez lors des élections présidentielles de décembre 2006. Le nombre de votant pour le oui était même inférieur d’un million au nombre d’adhérents revendiqué par le parti récemment lancé Partido Unificado Socialista de Venezuela (PSUV).

    De plus, le NON a triomphé dans les 9 états les plus peuplés des 23 et dans 13 des villes les plus grandes, y-compris Caracas. Le OUI a triomphé dans les 14 états les plus ruraux et les moins peuplés. Dans la capitale, des anciens bastions chavistes, comme Petare, Caricuao et Catia ont enregistré un vote substantiel pour le NON et un haut taux d’abstention. Mais surtout, la droite a pu engranger 300.000 votes de plus que lors de la dernière élection présidentielle.

    Les signaux d’alerte auraient pu être vus lors de la dernière campagne présidentielle en décembre 2006. En dépit du fait que Chávez ait gagné avec une claire majorité, la droite, l’opposition pro-capitaliste, a commencé à se fédérer autour de Manuel Rosales et en est ressortie renforcée. La campagne électorale a été marquée par de plus gros meetings de la droite et un niveau de participation plus faible de la part des supporters de Chavez. Les masses se rallieront derrière Chávez lorsque la menace d’une défaite apparaîtra comme un scénario sérieux.

    Le faible niveau d’activité et de participation dans la campagne électorale illustre une croissance du sentiment de colère et de frustration face à l’incapacité à pousser le processus révolutionnaire en avant. Malgré l’enthousiasme immense qui a résulté des réformes dans la santé, l’enseignement et dans l’approvisionnement de nourriture, la continuation du capitalisme a provoqué un taux de chômage élevé, des pénuries de nourriture, une inflation croissante, une crise massive du logement et une bureaucratisation et une corruption en hausse. En plus de ces problèmes sociaux, il faut souligner l’explosion du nombre de crimes, et spécialement de crimes violents, qui a commencé à mener à la frustration, et même à la désillusion parmi certaines parties des supporters de Chávez.

    Ces questions ont permis à l’opposition de droite de ramener des tranches entières de la classe moyenne sous sa bannière. La menace d’une victoire de la droite aux élections présidentielles avait provoqué un renforcement du soutien à Chávez. Mais cette fois cette menace directe n’a pas été vue par les masses dans le référendum pour changer la constitution. Bien qu’il reste une véritable marge de manœuvre à Chávez et qu’il gagnerait probablement les élections si elles devaient se tenir aujourd’hui, cette défaite est un sérieux avertissement des processus qui commencent à se mettre en place.

    Résurgence de la droite

    Les effets des problèmes socio-économiques ont été renforcés à cause de quelques erreurs commises par Chávez et dont l’opposition a su jouer, utilisant la peur des gens et plus spécifiquement de la classe moyenne. Ils ont accusé Chávez de bâtir une « dictature déguisée ». Le CIO a averti que la décision de refuser à RCTV sa licence (une station radio-télévisuelle de droite pro opposition) permettrait à l’opposition de se réunifier et de se réorganiser. Nous écrivions : Malheureusement, le refus de renouvellement de la licence de RCTV, à cause de son timing et de la manière dont il a été fait, est une erreur tactique du gouvernement de Chávez dont l’opposition pourra jouer ». (RCTV et la question des médias, 20 juillet 2007) Cette question est devenue un point central autour duquel l’opposition de droite a été capable de mobiliser et de redynamiser ses forces. De larges manifestations ont été lancées avec le soutien de couches d’étudiants de la classe moyenne autrefois inactives.

    Ces inquiétudes se trouvèrent renforcées par certains des amendements proposés à la constitution de 1999, qui servaient à renforcer le pouvoir de la présidence sans contrepoids démocratique et comprenaient de forts éléments bonapartistes. La limite du nombre de fois qu’un candidat pouvait être élu allait être effacée et le mandat présidentiel allait être prolongé de 6 à 7 ans – comme c’était le cas en France durant la cinquième république de Charles de Gaulle. Un état ouvrier démocratique ne peut être assimilé à un régime bonapartiste. Dans un véritable état ouvrier démocratique, al question de savoir formellement qui est président et pour combien de temps serait immatérielle. Cependant, le Venezuela n’est pas une démocratie ouvrière et cette question a été perçue par certaines couches de la société comme une attaque sur les droits démocratiques et a été utilisée comme une arme par l’opposition.

    Le président, et non le parlement, devait aussi obtenir le pouvoir de nommer tous les officiers de l’armée. Il devait aussi obtenir le pouvoir de désigner de nouvelles zones géographico-politiques, comme des municipalités fédérales, et de nommer les différentes autorités censées les administrer. Il n’existait pas de définition du niveau de pouvoir de ces nouvelles autorités et districts territoriaux. D’autres propositions telles que la suppression du « droit à l’information » dans le cadre d’une déclaration d’état d’urgence par le président. Les socialistes défendent le droit pour le gouvernement Chávez de prendre toutes les mesures nécessaires à l’empêchement de toute tentative de prise de pouvoir par la droite, à travers un autre coup d’état par exemple. Mais ce ne sont pas des questions constitutionnelles, en les traitant comme telles le gouvernement offre à la droite le bâton pour lui taper dessus. Alors que l’opposition dynamisait ses supporters de la classe moyenne, des pans des supporters traditionnels de Chávez se retrouvaient désorientés dans la campagne.

    Tout cela s’est retrouvé encore renforcé par une colère montante contre la bureaucratie et son approche « par le haut », par l’absence d’un véritable système démocratique ouvrier et d’une participation consciente et active des masses à la lutte. Les supporters de Chávez n’étaient pas prêts à aller de l’avant, ni à soutenir le NON, ils se sont pourtant tenus à l’écart des bureaux de vote. Selon des rapports de nos membres au Venezuela, beaucoup le regrettent aujourd’hui.

    Une des tâches auxquelles sont confrontés les masses et les marxistes dans n’importe quelle révolution est de parvenir à gagner le soutien des couches moyennes dans la société (étudiants, petits commerçants,…) qui sont aussi exploitées socialement et économiquement par le capitalisme. Le mouvement révolutionnaire socialiste a besoin de les convaincre de qui sont leurs véritables ennemis et qu’ils n’ont rien à craindre du socialisme. Au contraire, une société socialiste peut leur offrir une solution à leurs problèmes et développer leurs talents et leurs capacités. Malheureusement, l’attitude adoptée par Chávez a donné l’arme qu’il fallait à la droite pour les récupérer.

    Les marxistes ne considèrent pas vulgairement la classe moyenne et tous ceux qui ont voté NON comme une masse réactionnaire homogène. Cette approche erronée a été amplifiée par le IMT immédiatement après le référendum. Woods a simplement dénoncé « les petits commerçants, les étudiants « gosses pourris des riches », les employés gouvernementaux, pleins de ressentiment face aux avancées de la « plèbe », les pensionnés nostalgiques « des bons vieux jours » de la quatrième république… Ces éléments apparaissent comme une force formidable en termes électoraux, mais dans la lutte des classes, leur poids est pratiquement nul ». (La défaite du référendum – Qu’est-ce que cela signifie ? 3 décembre 2007)

    Ce revirement a revigoré l’opposition et montre clairement la menace croissante de la contre-révolution. D’un autre côté, on n’en est pas encore au point d’une défaite décisive pour le mouvement. La droite pourrait regretter cette tactique, car elle pourrait provoquer une réaction des masses et pousser le mouvement plus à gauche. Il reste encore du temps pour tirer les leçons nécessaires, ce qui permettra de renverser le capitalisme et de définitivement en fini avec lui.

    Mais il existe une nouvelle urgence, une course contre le temps : la contre-révolution essayera de capitaliser sur la situation d’impasse actuelle. Un brusque changement dans la situation économique et une chute du prix du pétrole pourrait accélérer ces développements et donner l’opportunité à la droite de se renforcer et de préparer le terrain pour une défaite plus décisive de Chávez et des masses.

    Il est urgent de tirer le bilan des luttes des travailleurs, des jeunes et des masses des différentes étapes traversées par la lutte depuis la venue au pouvoir de Chávez. A cela, il faudra ajouter les leçons cruciales de la classe ouvrière internationale pour aider les travailleurs et les jeunes à tirer les conclusions nécessaires pour s’assurer la défaite définitive de la contre-révolution et pour s’assurer que la transformation socialiste et démocratique de la société puisse continuer.

    Le pouvoir économique

    Tout en clamant son soutien pour la construction du ‘socialisme du 21ème siècle’, en pratique, Chávez a essayé de construire une économie et un Etat parallèles, côte-à-côte avec les monopoles et la machine d’Etat existants. Bien que Chávez ait augmenté l’intervention de l’Etat dans l’économie, il n’a nationalisé ni les grandes banques ni les monopoles, qui demeurent dans les mains du privé. Jusqu’à présent, il a limité les nationalisations à l’aciérie Venepal, ainsi qu’aux compagnies de télécommunication et d’électricité, CANTV et EDC.

    Malgré les attaques hystériques contre Chávez de la part de l’impérialisme américain, suite à la croissance économique dans le secteur privé, ce dernier compte à présent pour une plus grande part dans l’économie que ce n’était le cas avant l’arrivée au pouvoir de Chávez.

    Malgré les menaces verbales de Chávez de nationaliser les banques, il ne l’a pas fait. Basés sur une croissance du crédit qui a surtout bénéficiée aux classes moyennes, les résultats des banques vénézueliennes ont de quoi rendre jaloux l’ensemble du monde bancaire. Les profits réalisés dans le secteur bancaire ont crû de 33% en 2006. Les retours sur investissement ont dépassé de 33% la norme internationale.

    Les supermarchés d’Etat ‘Mercal’, tout en vendant de la nourriture bon marché pour les pauvres, sont dans une logique de compétition avec les grosses chaînes de magasins et de supermarchés d’alimentation. Même si sous certaines conditions –dans le cas d’une situation de double pouvoir par exemple- des éléments d’économie parallèle peuvent être utiles et permettre de réaliser quelques progrès, une telle situation ne peut jamais durer indéfiniment.

    Pour les marxistes, une situation de double pouvoir peut émerger lorsque la classe dominante n’a plus le contrôle de l’économie ou de l’Etat, du fait que son pouvoir est contesté par un mouvement révolutionnaire parmi la classe des travailleurs. Tout en concurrençant la classe dirigeante, devenue incapable de diriger la société, la classe ouvrière n’a cependant pas encore pris le pouvoir entre ses mains et imposé une défaite décisive aux capitalistes. Cette situation se conclut toujours soit par la prise du pouvoir par les travailleurs, soit par le rétablissement du contrôle de la classe dirigeante.

    Les capitalistes se battront jusqu’au bout afin d’empêcher le secteur étatique d’assumer un rôle de plus en plus important dans ce qu’ils considèrent comme leur chasse gardée, et ne tolèreront jamais de se voir retirer les leviers de leurs pouvoirs économique et politique. Si c’est nécessaire, ils recourront même à la dictature militaire brutale afin d’empêcher un tel mouvement de se développer. Pourtant, procéder à une incursion graduelle de l’Etat dans l’économie capitaliste est exactement ce que Chávez a essayé de faire. Parallèlement, il a laissé le pouvoir économique décisif dans les mains des capitalistes, qui l’ont utilisé par exemple pour imposer des pénuries de café, de riz, de haricots et d’autres aliments de base, comme riposte face aux prix des produits contrôlés par l’Etat.

    Ces pénuries ont joué un rôle important dans la campagne que l’opposition a mené en vue du référendum. Dans un sondage réalisé en novembre 2007, 75% des Vénézueliens pensaient que les pénuries de nourriture étaient volontairement suscitées par le patronat afin de saboter l’action du gouvernement. Cependant, dans un sondage entrepris dans la semaine précédant le référendum, une majorité accusait l’inefficacité et la corruption du gouvernement.

    Il est impossible d’assagir un tigre en retirant une à une chacune de ses griffes. De la même manière, il est impossible de retirer les capitalistes du contrôle de l’économie en grapillant graduellement un secteur après l’autre. Dans les faits, Chávez n’a même pas été jusque là. L’économie du Venezuela est hautement monopolisée. Cinq grosses familles oligarchiques – Cisnero, Mendoza, Caprile, Boulton et Phelps – ainsi que quelques grandes banques, contrôlent les secteurs décisifs de l’économie, à l’exception du pétrole. Aucun de ces conglomérats n’a été touché par Chávez.

    Le fait de ne pas avoir nationalisé ces monopoles laisse à la classe dominante le contrôle de l’économie. Résultat : durant le récent boom économique, qui avait notamment vu une augmentation des dépenses de l’Etat en faveur de différents programmes publics, des profits gigantesques ont été réalisés. Dans le même temps, les capitalistes ont eu tout le loisir d’organiser le sabotage économique afin de miner l’action du gouvernement.

    Les signes d’un ralentissement

    L’ensemble de ces facteurs se sont reflétés dans le référendum. Pourtant, au lieu de réaliser que cette défaite reflète la frustration, la déception et une certaine impasse dans la situation actuelle, ce sont au contraire les masses qui sont accusées d’un ‘manque de compréhension’. Dans son émission télévisuelle hebdomadaire, ‘Alo Presidente’ du 6 janvier, Chávez affirme reconnaître que la population, ainsi que l’appareil d’Etat, ne sont pas “preparés pour faire face à ce qu’impliquait la réforme constitutionnelle, à savoir un renforcement du socialisme”. Plus menaçant, il déclara qu’ils (les habitants de Caracas et d’autres villes) “…ont une dette envers moi. Je l’ai noté dans mon agenda. Nous allons voir s’ils me paieront cette dette ou pas”. (Spanish daily paper, ABC, 9 décembre 2007)

    Cette méthode d’analyses des reculs et des défaites fait écho à celle qu’utilisaient les dirigeants des partis communistes et socialistes réformistes lors de mouvements révolutionnaires historiques, tels que le Chili en 1970-73 ou la révolution espagnole dans les années ’30. Ces derniers justifiaient leur inaptitude à rompre de manière décisive avec le capitalisme en prétextant que les masses n’étaient ‘pas prêtes’ et que cela allait ‘provoquer’ la réaction.

    Ayant dans un premier temps accusé le manque de compréhension des masses pour la défaite, Chávez a finalement conclu qu’il n’avait pas d’autre choix que de ‘ralentir la marche des événements’: “L’avant-garde ne peut pas se séparer des masses. Sa place est avec les masses! Je veux rester avec vous, et pour cette raison, je dois ralentir le rythme.” (6 janvier)

    Les marxistes n’adoptent pas une approche sectaire vis-à-vis des masses, et ne peuvent ignorer le niveau de conscience et de compréhension politique existant. Cela aurait pour résultat d’avancer des slogans et des initiatives politiques qui ne seraient pas compris, et couperaient les révolutionnaires des larges masses. Les marxistes s’engagent activement dans le dialogue politique, dans l’échange des idées et des expériences, et mettent en avant des slogans et des revendications qui peuvent aider les masses à avancer dans leur lutte, et à tirer les bonnes conclusions sur le type de programme, de tâches et de méthodes nécessaires pour aboutir au socialisme.

    Mais utiliser cela comme un argument pour ‘ralentir la marche de la révolution’ est quelque chose de tout à fait différent. Ce ‘ralentissement’ inclut un remaniement ministériel en janvier. Il s’agit surtout de redistribuer les portefeuilles ministériels parmi les ministres actuels. Un élément significatif, cependant, est le fait que l’ex-vice-président, Jorge Rodriguez, a été délogé et remplacé par l’ancien ministre du logement, Ramón Carrizales. La nomination de Rodriguez il y a un an avait été annoncée à l’époque comme un tournant à gauche dans la ‘route vers le socialisme’.

    Il est probable que le ralentissement du rythme des réformes débute par un relâchement des contrôles sur les prix que le gouvernement avait précédemment introduits. En les desserrant, le gouvernement espère pacifier ses relations avec les producteurs et distributeurs du secteur de l’alimentation, qui avaient réagi en créant des pénuries dans la distribution. Il s’agissait de purs actes de sabotage, auxquels le gouvernement s’était montré incapable de réagir en nationalisant ces compagnies.

    Derrière ce ‘ralentissement’, Chávez tente d’établir un ‘consensus national’ et d’apaiser les capitalistes. Dans l’émission ‘Alo Presidente’, Chávez argumentait : “Nous devons procéder à des améliorations dans le cadre de nos alliances stratégiques. Nous ne pouvons pas nous laisser dérouter par des tendances extrémistes. Nous ne sommes pas des extrémistes et ne pouvons l’être. Non ! Nous devons rechercher des alliances avec les classes moyennes, y compris avec la bourgeoisie nationale. Nous ne pouvons cautionner des thèses qui ont échoué dans le monde entier, comme l’élimination de la propriété privée. Ce ne sont pas nos thèses.”

    En d’autres termes, ayant essuyé une défaite lors du référendum, Chávez en conclut qu’un accord doit être recherché avec la classe dominante. Les socialistes ne prônent pas l’élimination de toute la propriété privée, comme par exemple la nationalisation de tous les petits magasins ou la réquisition des maisons des particuliers. Néanmoins, il est nécessaire de nationaliser les monopoles et les banques qui dominent l’économie, et d’introduire une démocratie ouvrière dans le cas où une planification socialiste prend forme. Chávez a également annoncé l’amnistie pour certains personnages impliqués dans l’organisation du coup d’état de 2002, et ce afin “d’envoyer au pays un signal clair comme quoi nous pouvons vivre ensemble malgré nos différences”.

    Il n’y a pas de troisième voie

    Chávez revient en fait à la position qu’il défendait avant qu’il n’embrasse l’idée du socialisme, celle d’une ‘troisième voie’. Cette thèse s’appuie sur la vision erronée comme quoi il serait possible, en travaillant main dans la main avec l’aile ‘progressiste’ de la classe capitaliste, d’en finir avec la pauvreté et la corruption, et de développer une forme de ‘capitalisme plus humain’. Cette idée fait écho à la ‘théorie des deux stades’ avancée dans le passé par les staliniens et certains socialistes réformistes. Ces derniers prétendaient que, dans les pays semi-coloniaux, avant qu’il ne soit possible de renverser le capitalisme, il était nécessaire de développer l’industrie et l’économie en collaboration avec les capitalistes ‘progressistes’, postposant ainsi la question du socialisme aux calendes grecques.

    De telles idées ont mené à la défaite du mouvement ouvrier durant la guerre civile espagnole, ou encore au Chili en 1973, et n’ont jamais abouti à la moindre victoire. A l’époque contemporaine, la classe dominante des pays semi-coloniaux est liée à l’impérialisme et est incapable de développer la société. Cette tâche retombe sur les épaules du mouvement ouvrier, aidé des autres classes exploitées par le capitalisme, et fait partie intégrante de la transformation socialiste de la société.

    Ce n’est pas la première fois que Chávez tente d’apaiser les classes dominantes. Il s’agit en réalité d’une répétition de ce qu’il avait mis en avant suite à la défaite du coup d’état entrepris en 2002 par la réaction. Il demanda alors au peuple de rentrer chez lui, appelant à l’unité nationale et à la construction d’un ‘consensus national’.

    Même le IMT a été obligé de reconnaître le caractère erroné d’une telle politique : “‘Aidé’ par ses conseillers réformistes, le président a tiré certaines mauvaises conclusions du référendum”. (Woods, La révolution vénézuelienne à la croisée des chemins, 11 janvier) Mais il est évident que Chávez porte une part importante de responsabilité également.

    Woods déclare que “Chavez a bien compris le fait que la révolution a besoin de franchir ce saut qualitatif”. (Rencontre avec Hugo Chávez, Avril 2004) Encore une fois, dans La nationalisation de Venepal : qu’est-ce que cela signifie? Woods assure ses lecteurs que “Le président Hugo Chávez a révélé constamment un instinct révolutionnaire infaillible”. (21 janvier 2005) Pourtant, aucune de ces caractéristiques n’est perceptible dans les ‘mauvaises conclusions’ tirées par Chávez.

    Chávez, parlant lors du congrès d’ouverture du PSUV nouvellement formé, fut forcé de reconnaître que le gouvernement restait paralysé par ‘l’inefficacité, la bureaucratie et la corruption’. Il insista également sur la nécessité de résoudre les “problèmes persistants tels que le crime, les pénuries alimentaires et l’inflation.”. “Pourquoi le lait a-t-il disparu? Pourquoi est-ce que la sécurité reste un tel problème…Pourquoi n’avons-nous pas été capables de limiter la corruption (sans parler de l’éradiquer)?”

    Ces questions sont d’une importance cruciale. Malheureusement, la réponse de Chávez se limite à l’affirmation selon laquelle l’année 2008 sera l’année des ‘trois R’ : ‘révision, rectification et relance’. Pourtant les problèmes qu’il identifie ne se résoudront pas en ‘ralentissant la révolution’…

    La conscience de classe se développe

    Quelques jours plus tard, Chávez semblait repartir vers la gauche. Dans ‘Alo Presidente’ du 20 janvier, se référant aux pénuries alimentaires, il brandit la menace de la nationalisation de la terre et des banques. Ce n’est pas la première fois qu’il menace les banques ou d’autres secteurs de nationalisation, et rien ne nous certifie que ces menaces vont être mises à exécution. Ce n’est pas un hasard si ces menaces ont été faites pendant le congrès du PSUV; elles seront utilisées pour tenter de couper l’herbe sous le pied de certains activistes qui critiquent le tournant à droite de Chávez. En même temps, cela illustre que son régime peut toujours balancer vers la gauche et adopter des mesures de gauche plus radicales, y compris la nationalisation.

    La bureaucratie et la corruption sont des problèmes cruciaux auquel le mouvement fait face aujourd’hui au Vénézuela. Pourtant, sans un système de démocratie et de contrôle ouvriers, un véritable bataille contre ces problèmes est irréalisable. Cela reflète une des principales faiblesses du mouvement. Accomplir une révolution socialiste demande l’organisation consciente et indépendante du mouvement ouvrier, soutenu par la jeunesse, les couches pauvres des villes, les sections radicalisées de la classe moyenne et par tous ceux qui sont opprimés par le capitalisme. Du fait de sa conscience de classe collective, qui se développe et s’affermit grâce au rôle qu’elle joue dans la production, la classe ouvrière a besoin de jouer ce rôle dirigeant décisif.

    Jusqu’à présent, cela n’est pas reflété d’une manière pleinement consciente et organisée au Venezuela. Sans ce contrôle conscient et constant de la base, le développement de méthodes bureaucratiques monte inévitablement à la surface, et cela dans n’importe quel mouvement ouvrier ou révolutionnaire. Depuis le début, Chávez et les dirigeants du mouvement ont adopté une approche unilatérale, du sommet vers la base. Le régime s’est contenté du support des masses – et les a lancés dans la lutte lorsque la menace de la contre-révolution était clairement posée – mais les masses n’ont pas consciemment pris la direction du mouvement.

    La fondation du PSUV peut offrir une importante opportunité de construire un nouveau parti de masse pour la classe ouvrière; un tel parti, doté d’un programme révolutionnaire socialiste, peut devenir une arme importante afin de faire avancer le processus révolutionnaire. Au moment où nous écrivons ces lignes se tient le premier congrès du parti, auquel participent 1.600 délégués (et qui est prévu de durer jusqu’à deux mois!) Le PSUV revendique plus de cinq millions de personnes inscrites pour rejoindre le parti, bien qu’il ne soit pas clair si ce sont des gens désirant réellement construire un parti socialiste, ou plutôt des gens enregistrés par les organisateurs locaux à partir du registre des électeurs. Si le PSUV se veut être un instrument pour porter une révolution victorieuse, alors il aura besoin de membres actifs, et pleinement impliqués dans les débats et les prises de décision; un tel parti ne peut se limiter à une addition de tous les partis pro-Chávez déjà existants. Le droit de se constituer en tendances, et de permettre le débat démocratique seront des éléments essentiels pour faire de ce parti une arme efficace pour la classe ouvrière, et pas un instrument docile au service de la politique du gouvernement.

    Malheureusement, le PSUV a été formé du sommet, Chávez nommant un comité comprenant deux anciens généraux chargés de le mettre sur pied. En janvier, Jorge Rodriquez fut nommé responsable de la ‘coordination générale du PSUV’. Le CIO soutient le combat pour un PSUV pleinement démocratique avec un programme révolutionnaire socialiste.

    La démocratisation des syndicats et la construction de comités démocratiquement élus sur les lieux de travail, afin d’établir un système de contrôle ouvrier, font partie des tâches les plus urgentes. De tels comités doivent être également mis sur pied dans les quartiers ainsi que dans l’armée. Structurés et coordonnés au niveau local, régional et national, ces comités pourraient constituer la base d’un gouvernement ouvrier et paysan. A travers la nationalisation des cinq banques et conglomérats familiaux, un plan démocratique et socialiste de l’économie pourrait ainsi être mis sur pied.

    Cela ouvrirait la possibilité de forger des liens avec le mouvement des masses en Bolivie et, accompagné de la construction d’une démocratie ouvrière à Cuba, pourrait permettre le développement d’une fédération socialiste démocratique de ces différents pays. Cette perspective pourrait à son tour constituer un tremplin pour stimuler la révolution socialiste à travers l’ensemble du continent latino-américain. Une telle voie demeure la meilleure garantie afin d’assurer la défaite de la réaction qui, comme le récent référendum l’a illustré, peut reprendre du poil de la bête tant que le capitalisme ne sera pas renversé.

  • Venezuela. Chavez a perdu le référendum sur les réformes constitutionnelles.

    Au Venezuela, le référendum constitutionnel auquel avait appelé Hugo Chavez ce 2 décembre s’est malheureusement et tragiquement soldé par une défaite. Pour la première fois en neuf années, Chavez a perdu une élection. L’opposition de droite tentera de s’approprier cette victoire, qui va l’encourager et la renforcer. Cette défaite pour Chavez est un avertissement concernant la menace de la contre-révolution.

    Karl Debbaut, Comité pour une Internationale Ouvrière, Londres

    Le résultat est que 50.7% des participants ont voté « Non » aux changements proposés, tandis que 49.2% y étaient favorables. Le taux d’abstention a été de 44%. Par rapport aux dernières élections, les présidentielles de décembre 2006, Chavez a perdu 3 millions de voix en convainquant 4 millions de personnes du « Oui ». Il s’agit là d’un nombre de voix inférieur aux 5 millions d’adhérents revendiqué par le PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezela) créé cette année pour rassembler l’ensemble des partis politiques membres de la majorité présidentielle ! La droite, par contre, a gagné 300.000 voix en comparaison de l’élection de décembre 2007.

    Contradictions

    Ce résultat est un recul pour le gouvernement vénézuélien et son projet de « socialisme du 21ème siècle ». Chavez a proposé 69 changements à la Constitution adoptée lors du référendum de 1999. Les changements les plus importants proposés étaient la suppression de la limite concernant la réélection du président, l’instauration de la journée de 6 heures et la reconnaissance des conseils ouvriers et des conseils communaux. La nouvelle Constitution aurait également renommé le Venezuela comme « République Socialiste Bolivarienne ». La raison fondamentale de cette défaite réside dans les contradictions et les faiblesses du programme et des méthodes du gouvernement et de la direction du mouvement. En dépit des importantes réformes progressistes dont ont bénéficié les sections les plus pauvres de la société, le capitalisme subsiste avec des problèmes sociaux désespérés et une bureaucratie grandissante.

    La situation sociale au Venezuela fourmille de contradictions. L’économie vénézuélienne est en plein boom, mais ce sont principalement l’élite dirigeante et la classe moyenne qui en profitent. En même temps, le gouvernement, tout en introduisant des réformes sociales qui ont bénéficié aux couches les plus pauvres, n’a pas pu réduire significativement la pauvreté ou le crime. Le fossé entre riches et pauvres persiste et la situation dans les régions les plus pauvres de Caracas s’est même détériorée. En 2006, Caracas était victime de 5 meurtres par jour. En novembre passé, ce taux était passé en moyenne à 11 meurtres par jour, majoritairement dans les quartiers pauvres. Tandis que les riche et la classe moyenne peut s’offrir le dernier cri de la technologie et manger dans les restaurants les plus fins, la plupart des gens souffre de la pénurie de nourriture causée par les grands producteurs et distributeurs de nourriture.

    Les récents sondages d’opinion ont indiqué que 75% de la population a eu à souffrir de cette pénurie. Il arrive fréquemment que le lait, le riz, les haricots et d’autres produits alimentaires de base soient indisponibles dans les supermarchés soutenus par l’Etat. Le gouvernement a été incapable de résoudre ce problème. Il n’a pas pris des mesures pour exproprier ceux qui sabotent l’économie et le plan de production de nourriture. Au lieu de cela, il a augmenté la dépendance du Venezuelas des importations, ce qui a affecté l’opinion publique. Le mois dernier, un sondage a révélé que 75% des Vénézuéliens pense que la pénurie de denrées alimentaires est due aux employeurs, qui essayent de cette façon de saboter le gouvernement. La semaine dernière, avant le référendum, le même sondage a établi que la plupart des Vénézuéliens critique le manque d’efficacité et la corruption du gouvernement. La frustration et la colère contre les conditions sociales et la bureaucratie gouvernementale croissante s’est notamment exprimée par une faible participation au référendum de la part des couches les plus pauvres de la population. La mobilisation et la participation des riches et de la classe moyenne des districts de l’est de Caracas a par contre été conséquente.

    L’économie vénézuélienne est dominée par cinq grandes familles oligarchiques (Cisnero, Mendoza, Caprile, Boulton, et Phelps) qui contrôlent notamment la production de nourriture. Il ne peut y avoir aucune solution durable à la crise créée par capitalisme aussi longtemps que ces familles resteront aux commandes de l’économie. Un gouvernement socialiste nationaliserait leurs industries sous le contrôle des travailleurs. Mais jusqu’ici, le gouvernement ne s’est pas préparé à le faire. L’opposition pro-impérialiste cherchera à utiliser le résultat du référendum pour déstabiliser plus encore le Venezuela et pour revenir sur les réformes en faveur des pauvres du gouvernement Chavez et sur l’idée de socialisme. Cela n’aura pas seulement un effet au Venezuela, mais également très probablement sur les gouvernements réformistes de Bolivie et d’Equateur. Cuba a averti la semaine dernière qu’une défaite de Chavez dans le référendum pourrait avoir des répercussions sur l’île. Selon le journal espagnol El Pais, Cuba reçoit 7 milliards de dollars d’aide de la part du Venezuela.

    Opposition renforcée et crise politique pour les partis pro-Chavez

    Après les élections présidentielles de décembre 2006, le gouvernement Chavez a opéré un tournant vers la gauche, en renforçant le message du socialisme et en nationalisant la compagnie de télécommunication CANTV et la compagnie d’électricité « Electricidad De Caracas ». Chavez a également parlé de Trotsky et de sa théorie de la « révolution permanente ». Nous avons applaudi à ces étapes, mais avons précisé que pour que ces nationalisations aient réellement un effet, il était nécessaire de placer les secteurs principaux de l’économie sous le contrôle des travailleurs et de commencer à établir démocratiquement un plan de production. Cela ne s’est pas produit.

    Au contraire, le processus de décision « du haut vers le bas » et l’approche administrative et bureaucratique continue de caractériser l’administration Chavez. Les nationalisations et l’introduction de la cogestion dans quelques usines sont un exemple de cette approche. Alors que les travailleurs ont pu pour la première fois donner leur avis sur la manière dont leur entreprise est dirigée, le gouvernement a tenter de garder le contrôle de ce processus en nommant la majorité des directeurs. A chaque fois qu’un conflit s’est développé entre des syndicalistes indépendants de l’UNT et des ministres du gouvernement ou la bureaucratie, le gouvernement a imposé sa volonté. Chavez a menacé ces syndicalistes en disant qu’il n’était pas en faveur de l’indépendance des syndicats et qu’ils devraient tous rejoindre le nouveau parti, le PSUV.

    Chavez a déclaré à plusieurs reprises que le PSUV doit être construit comme une organisation démocratique, c’est-à-dire construit et contrôlé par la base. Cependant, il a continué à insister sur le fait que les partis de la coalition pro-Chavez devraient se dissoudre et rejoindre le PSUV. Les partis qui ont refusé de se plier à ce mot d’ordre ont été isolés et parfois qualifiés de pro-opposition, même quand ce n’était clairement pas le cas, comme avec le Parti Communiste du Venezuela. Maintenant que des sections locales ont été installées et que les délégués ont été élus pour la conférence de fondation, il est clair que cette conférence sera contrôlée du dessus par les politiciens venus des autres partis pro-Chavez.

    Cette approche de haut en bas est un avantage pour l’opposition, qui affirme que Chavez veut installer un régime de parti unique suivant le modèle cubain. Ces accusations ont commencé à recevoir un écho plus large en raison de la bureaucratisation et de la corruption de l’entourage de Chavez et des craintes de l’imposition d’une « dictature rampante ».

    D’autres actions, comme le retrait de la licence de RCTV (une station de télévision pro-opposition qui avait notamment joué un rôle lors du coup d’Etat contre Chavez en 2002), ont également été des éléments sur lesquels l’opposition a pu jouer en lui permettant d’augmenter les craintes de la classe moyenne et d’autres personnes envers la menace d’atteintes à la démocratie et aux droits démocratiques. « L’affaire RCTV » a été une opportunité utilisée par l’opposition pour se regrouper et se réorganiser. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (parti révolutionnaire international auquel le MAS/LSP est affilié, NDLR) avait averti de ce danger dans un article « RCTV et la question des médias » en juillet 2007.

    Et maintenant?

    Le résultat du référendum est un coup pour le gouvernement Chavez. Ce n’est toutefois pas une défaite décisive et cela ne signifie pas que l’opposition pro-USA va pouvoir prendre les commandes du pays ou renverser immédiatement le gouvernement. Mais les conséquences peuvent être que Chavez va se déplacer vers la droite en renforçant la contre-révolution. Mais si la droite tente d’aller à l’offensive, cela pourrait provoquer une confrontation durant laquelle les masses pourraient conduire le mouvement encore plus loin vers la gauche.

    La défaite lors de ce référendum va renforcer et encourager la droite contre-révolutionnaire, c’est un avertissement sérieux à la classe ouvrière et aux masses. Des mesures d’urgence doivent être prises. Une campagne décisive contre la bureaucratie doit être lancée. Le syndicat doit prendre la direction en établissant des comités démocratiquement élus dans les lieux de travail et les quartiers pour mettre en avant les revendications des travailleurs et appuyer la campagne contre la bureaucratie. Ces comités pourraient commencer à organiser une force contre les institutions d’Etat corrompues en établissant un véritable système de contrôle des travailleurs dans les entreprises. La classe ouvrière doit pousser ses propres exigences de manière indépendante et établir ses propres organisations capables de défendre les travailleurs et les réformes du gouvernement.

    Il ne peut y avoir aucun socialisme sans nationalisation des secteurs-clés de l’économie et sans que l’économie ne soit sous le contrôle direct des travailleurs. Il ne peut y avoir aucun socialisme sans démocratie des travailleurs. Ce récent recul subi par Chavez illustre que c’est à la classe ouvrière et à ses organisations de jouer le rôle central dans la lutte pour défaire la réaction et instaurer le socialisme.

  • Vénézuela. Où est la voie vers le socialisme?

    Au Vénézuela, chaque coin de rue est témoin de discussions enthousiastes sur la manière d’avancer vers le socialisme. Parmi les masses vénézuéliennes, une haine formidable contre le néolibéralisme et à l’impérialisme mène à la recherche d’alternatives. Chavez vient de se dire « trotskiste » et partisan de la théorie de la révolution permanente. Il appelle cependant dans la foulée les capitalistes vénézuéliens à soutenir la révolution…

    Luc Janssens

    Marge pour les concessions

    Lors de sa prestation de serment après sa réélection en décembre dernier, Chavez ne s’est pas seulement déclaré trotskiste. Il a également annoncé la possibilité de nationaliser des secteurs-clés de l’économie, dont la plus grande société d’électricité privée, Electricidad de Caracas, et l’entreprise de télécommunication CANTV. Il a aussi avancé la nécessité de la création d’un « parti socialiste unifié du Vénézuela”, afin de réunir les forces de la révolution.

    Grâce aux prix élevés atteints par le pétrole ces dernières années, Chavez a disposé d’une marge de manoeuvre pour introduire des réformes progressistes comme les programmes d’aide aux plus pauvres, entre autres dans l’enseignement, les soins de santé et l’alimentation. Cependant, 25 % de la population vit toujours avec moins d’un dollar par jour, tandis que les 10 % les plus riches représentent 50 % du revenu national.

    C’est la pression des masses vénézuéliennes qui a forcé Chavez à introduire cette série de mesures. Il parle régulièrement de la nationalisation des secteurs-clés, mais les paroles sont plus radicales que les actes. De même, dans le secteur pétrolier, si 84 % des bénéfices allaient avant au secteur privé, celui-ci en conserve encore toujours actuellement 70%. Les contrats pour les multinationales sont plus sévères, mais elles continuent à empocher la majeure partie des bénéfices au détriment de la collectivité.

    La base veut aller plus loin

    L’entreprise de télécom CANTV figure en haut de la liste des entreprises à exproprier et à nationaliser. Depuis plusieurs mois, une lutte très énergique se développe dans cette entreprise où les travailleurs exigent la nationalisation sous contrôle ouvrier. Des luttes similaires se déroulent ailleurs.

    L’enthousiasme pour les réformes de Chavez est très grand parmi de larges couches de la société. Mais il existe également une méfiance face à la bureaucratie qui domine le mouvement « chaviste » et qui s’enrichit sur base de la corruption. C’est sur base de ce constat que Chavez avait déclaré qu’il fallait un Parti Socialiste Unifié (PSUV) qui puisse être construit d’en bas avec des structures démocratiques. Mais les discussions semblent plutôt se restreindre à une couche supérieure sans la participation active des masses.

    Parti Socialiste Unifié?

    Chavez a mis sur pied un comité visant à promouvoir ce parti parmi les travailleurs et dans les quartiers les plus pauvres. Mais trois des petits partis pro-Chavez ont refusé de se dissoudre au sein du PSUV, ce qui a été un premier camouflet pour Chavez. Parmi les forces plus importantes, à côté des deux partis plus à droite au sein du camp de Chavez, le parti communiste ( PCV) a, lui aussi, décidé de ne pas se dissoudre au sein du PSUV. La possibilité qu’une participation active de la base et une vie démocratique se développent dans le nouveau parti est encore incertaine.

    Rompre avec le capitalisme

    Les concessions du gouvernement vénézuélien aux plus pauvres sont des mesures importantes qui montrent le chemin à suivre. Mais afin de sauvegarder ces mesures progressistes, il faudra une rupture avec le capitalisme. Sinon, l’espace sera laissé au développement de la contre-révolution.

    Chavez et son régime « bolivarien » soulèvent des espoirs gigantesques, pas seulement au Venezuela d’ailleurs, mais pour l’ensemble du continent sud-américain et à travers le monde. Lors de sa récente tournée en Amérique Latine, Bush s’est partout heurté aux protestations tandis que Chavez a pu jouir d’une adhésion toujours plus importante dans sa tournée, entre autres lors de sa visite en Argentine.

    Les masses connaissent la différence entre Bush, le guerrier impérialiste, et Chavez qui a introduit une série de mesures pour les travailleurs et le peuple. La bourgeoisie, en revanche, a peur de l’exemple vénézuélien et de la radicalisation qui peut pousser le régime encore plus loin. L’élite vénézuélienne, avec le soutien de l’impérialisme américain, essaiera d’annuler les réformes et de rétablir son contrôle total sur la société.

    Plusieurs fois déjà, les masses vénézuéliennes se sont révoltées contre la bourgeoisie, notamment durant le coup d’Etat soutenu par les Etats-Unis. Mais si une rupture avec le capitalisme ne survient pas, il y aura de nouvelles tentatives pour rétablir la situation antérieure.

    Face à cela, la participation active et massive des travailleurs et des pauvres au débat politique est un élément crucial. Les masses auront besoin de leurs propres organes, mais aussi d’un programme politique qui permette l’accomplissement du processus révolutionnaire avec la destruction du capitalisme et la construction d’une société socialiste. C’est ce que défend Socialismo Revolutionario, notre organisation-soeur au Vénézuela.

  • Vénézuela : « Si il n’y a pas encore eu de révolution, on l’aperçoit cependant à l’horizon ».

    Interview de Johan Alexander Rivas Vasquez, membre de "Socialismo Revolucionario", la section vénézuelienne du Comité pour une Internationale Ouvrière auquel est affilié le MAS/LSP. Il est le porte-parole du syndicat SIRTRASALUD à l’hôpital "El Agodonal", le plus grand hôpital de Caracas (capitale du Vénézuela).

    AS : Quels effets a eu l’élection de Hugo Chavez au poste de président pour la population pauvre ?

    JARV : Les projets du gouvernement, les "missions", ont rendu possible l’accès à l’enseignement et à l’assistance médicale à un tas de personnes pauvres ou de conditions modeste. Un programe d’étude a permi à des millions de personnes d’apprendre à lire et à écrire. Dans ce secteur, il a apporté beaucoup : bien plus de jeunes finissent l’école avec un diplôme et les privatisations dans le secteur educatif ont été stoppées.

    Mais dans d’autre secteurs aussi, son apport peut se sentir. Par exemple, depuis la "grève des entrepreneurs" contre Chavez en 2002 (qui a eu comme conscéquence une augmentation des prix alimentaires et la pénurie de certains aliments), l’Etat subventionne des supermarchés alternatifs qui sont beaucoup moins cher. Mais malgré ces améliorations, la pauvreté persiste encore, comme au "Petare" à Caracas, qui est le deuxième plus grand bidonville d’Amérique Latine.

    AS : Dans son serment, Chavez a parlé de la mise en place du socialisme au Vénézuela et de nationalisations. Comment vois-tu ça?

    JARV : Chavez est très fortement en conflit avec les riches, les capitalistes. Les supermarchés alternatifs que j’ai déjà mentioné sont aussi une réponse au fait que le marché alimentaire est aux mains de trois familles ulrapuissantes.L’opposition de droite est faible pour l’instant, mais elle va à nouveau tenter de faire tomber Chavez.

    En ce qui concerne les nationalisations, nous devons attendre de voir si Chavez va mettre en pratique ses promesses, notamment pour l’entreprise de communication mobile CANDV, qui a été précédemment privatisée.

    Chavez a déjà annoncé plusieurs fois la nationalisation de cette entreprise, mais n’a rien fait jusqu’à présent. Au Vénézuela cependant, l’idée du socialisme est fort présente et on parle d’un "pocessus de développement révolutionnaire". Quelque chose est en mouvement dans la societé. Si pour l’instant une révolution pour accéder à un autre système n’a pas eu lieu, on l’aperçoit cependant à l’horizon.

    AS : Dans ses dernières déclarations, Chavez parle même de la formation d’un "parti de la révolution".

    JARV : En fait, les partis du parlement qui supportent Chavez et qui forment le gouvernement se sont montrés favorables à intégrer ce nouveau parti. L’avenir nous montrera si ce nouveau parti sera seulement un rassemblement des partis gouvernementaux dans un bloc plus homogène et plus structuré ou si des militants du mouvement y entreront.

    AS : Et sur les lieux de travail ?

    JARV : A l’hôpital où je travaille, nous sommes actifs dans le SIRTRASALUD, qui s’est uni à la nouvelle fédération syndicale UNT. Dans beaucoup d’entreprises, les ouvriers s’activent, créent des groupes syndicaux et se battent pour leurs droits.

    Souvent, ils doivent lutter contre l’appareil de la bureaucratie. Un exemple : dans l’entreprise pharmaceutique Russel, quelques collègues ont fondé un syndicat et ont été licenciés. Peu après, Rusel fut fermée. Ce sont surtout de jeunes travailleurs qui s’organisent : dans la plupart des groupes syndicaux, les membres du conseil dirigeant ont entre 20 et 40 ans.

  • Venezuela, un an après le référendum. Quels dangers menacent la révolution maintenant?

    Il y a un peu plus d’un an, le 15 août, le référendum visant l’éjection du président vénézuélien Chavez fut un échec retentissent grâce à la mobilisation des masses vénézuéliennes, particulièrement dans les villes-ghetto, à travers les « unités de combat » électorales et d’autres organisations de la révolution « Bolivarienne ». Cette défaite a ouvert une nouvelle phase dans le processus révolutionnaire. Mais comme Christine Thomas l’explique : même si les forces de l’opposition ont été sévèrement affaiblies, la menace de la contre-révolution subsiste.

    Christine Thomas

    L’élection de Chavez en temps que président en 1998 a représenté un rejet massif de la part des pauvres, des travailleurs et de certaines parties de la classe moyenne de la politique néo-libérale vicieuse orchestrée par l’establishment corrompu de la « quatrième république ». Son populisme anti-impérialiste/anti-néolibéral a radicalisé les couches les plus pauvres de la société vénézuélienne. Ils ont vu en Chavez un leader politique qui les représentait et qui parlait pour eux, plutôt que ces riches oligarques qui dilapidaient les richesses pétrolières : les laissant sombrer plus profondément dans la pauvreté. Sa victoire a créé l’espoir que leurs besoins désespérés d’emplois décents, de soins de santé, d’enseignement et de logements trouveraient enfin une solution. La classe dirigeante vénézuélienne et l’impérialisme américain, de l’autre côté, craignent que les masses déchaînées et radicalisées puissent exiger des mesures plus radicales, se mettent en mouvement dans une direction qui menacerait leurs intérêts. L’impérialisme américain, en particulier, craint l’instabilité dans un pays qui lui fournit 15% de ses besoins en pétrole. Le référendum de l’an dernier était la troisième tentative majeure par la classe dirigeante vénézuélienne, soutenue par l’impérialisme américain, pour éjecter Chavez et écraser toute menace potentielle que le mouvement pourrait poser au Venezuela et partout ailleurs en Amérique latine. Mais toutes les tentatives contre-révolutionnaires (le putsch du 11 avril 2002, le lock-out patronal de deux mois, la tentative de sabotage économique à la fin de la même année et enfin le référendum) ont été bloquées par l’action de masse des pauvres et des travailleurs qui se sont d’avantage radicalisés et dont les espoirs se sont largement développés.

    Dans la période post-référendum, le rapport de force a temporairement glissé en faveur des masses. Les forces de l’opposition (l’élite financière, les partis politiques et leader syndicaux corrompus, l’église catholique, etc.) sont sorties de ces défaites divisées et démoralisées. Chavez, lui-même, a cherché initialement un arrangement avec l’opposition en leur demandant de travailler avec lui à la reconstruction du pays. Mais sous la pression des travailleurs et des pauvres, il s’est d’avantage radicalisé décrivant la révolution bolivarienne pour la première fois comme « socialiste », amorçant une réforme agraire et parachevant les premières nationalisations du régime. Au même moment, il a durci sa rhétorique anti-impérialiste, anti-US et ses actions dans la région.

    Ce tournant à gauche a alarmé la classe capitaliste vénézuélienne et l’impérialisme américain. Ils craignent que les masses, voyant leurs espoirs croître, puissent pousser Chavez dans une direction encore plus radicale, minant leur contrôle économique. Puisque jusqu’à présent, les timides tentatives du régime Chavez avaient laissé ce contrôle largement intact. L’administration américaine a récemment attaqué Chavez au vitriol en l’accusant de soutenir le terrorisme en Colombie et de fomenter des révoltes en Bolivie, en Equateur et partout en Amérique Latine. La secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice a décrit Chavez comme « une menace majeure pour la région entière ». Les relations économiques croissantes avec Cuba de Chavez, dans lesquelles le Venezuela fournit de l’essence à bas prix en retour de médecins cubains etc, ont effectivement brisé l’embargo américain de l’île, lançant une bouée de sauvetage économique tellement nécessaire depuis la chute de l’Union Soviétique qui était son principal appui économique. Chavez est également vu comme un obstacle dans la stratégie américaine qui vise à faire de la Colombie une base de défense des intérêts US en Amérique Latine. Plus important : Chavez a cherché des marchés internationaux alternatifs pour l’essence vénézuélienne, signant des contrats avec la Russie, la Chine, l’Iran autant que d’autres pays latino-américain. Il a menacé d’exercer des représailles contre n’importe quelle agression US en coupant l’approvisionnement en pétrole et au cours de la conférence internationale de la jeunesse à Caracas au mois d’août, il a déclaré que le marché nord américain n’était pas vital pour le Venezuela. Bien qu’une bonne partie de cette rhétorique soit anti-impérialiste, confrontée à une situation déjà instable en Irak et au Moyen-Orient, l’impérialisme américain veut s’assurer que son approvisionnement en pétrole du Venezuela n’est pas menacé. Mais la marge de manœuvre de l’impérialisme US est actuellement limitée. Une combinaison de la faiblesse de l’opposition et des revenus énormes du pétrole à la disposition de Chavez pour financer les réformes sociales profitables aux pauvres (sa principale base sociale) signifie que la situation entre les forces en présence est dans une impasse et que cette situation pourrait être maintenue pour un moment.

    Une invasion directe du Venezuela, comme en Irak, est hors de propos pour le moment. L’Irak a montré les limites de l’hégémonie américaine. Même si la capacité militaire américaine n’était pas déjà dépassée, une invasion du Venezuela serait extrêmement risquée, déclenchant une vague de résistance qui pourrait embraser l’ensemble des Amériques. L’impérialisme américain a donc été forcé à poursuivre dans une approche moins directe, reposant sur un travail dans l’opposition vénézuélienne et dans les forces réactionnaires en Colombie. En décembre de l’an dernier, les forces colombiennes en conjonction avec des sections des forces de sécurité vénézuéliennes sont intervenues directement au Venezuela pour kidnapper un leader de la guérilla FARC, donnant une indication claire de la manière dont ils pouvaient être utilisés pour créer la peur et l’instabilité à l’intérieur du pays. Il n’y a aucun doute sur le fait que certaines parties de l’administration américaine soutiennent l’appel du chrétien fondamentaliste de droite Pat Robertson à l’assassinat ou au kidnapping de Chavez pour amener un « changement de régime » au Venezuela (de telles actions ne peuvent être totalement écartées). Mais chaque mouvement réactionnaire a jusqu’ici donné une impulsion de gauche au processus révolutionnaire et chaque action prématurée pourrait pousser les masses dans une direction encore plus radicale.

    Les parties les plus sérieuses et réfléchies de l’opposition ont donc tiré la conclusion que, après avoir été vaincus à chaque étape par le soutien à Chavez dans la masse de pauvres radicalisés, pour le moment ils n’ont d’autre choix que d’apprendre à « coexister » avec lui. Avec l’équilibre actuel des forces, chaque étape ouvertement contre-révolutionnaire dans le court terme, après celles qui ont été déjà tentées, risque d’accroître la radicalisation du mouvement et de provoquer des mesures qui pourraient menacer d’avantage leur contrôle de l’économie et l’appareil d’état. « Nous devons mordre la poussière de la défaite », a dit le gouverneur de l’état de Zulia quelques jours après le référendum. « Les deux Venezuela doivent se réconcilier, le Venezuela ne peut continuer dans le conflit », a déclaré le patron de Fedecamaras (principale organisation patronale).

    En dépit de l’adoption d’un ton anti-Chavez moins strident, l’administration US semble poursuivre une stratégie à long terme d’épuisement du processus révolutionnaire et préparer un rapport de force qui leur serait plus favorable, avant de lancer des actions de plus grande ampleur contre Chavez.

    Mais malgré cela, sans un mouvement décisif de la classe ouvrière et des pauvres vers une cassure avec le capitalisme et d’établissement d’un état ouvrier démocratique, la contre-révolution réussira par un moyen ou un autre à se ré-affermir. Cela pourrait venir sous une forme extra-parlementaire, un futur putsch victorieux, comme c’est arrivé au Chili en 1973, ou une contre-révolution électorale « démocratique » comme au Nicaragua en 1990. Cette victoire sous n’importe quelle forme signifierait un désastre pour les masses vénézuéliennes. La classe ouvrière vénézuélienne et les pauvres sont confrontés à une tâche urgente, utiliser ce « temps de respiration » pour construire un parti révolutionnaire qui peut fournir un programme qui pousserait le gouvernement en avant et complèterait la révolution socialiste.

    Electoralement, les forces de l’opposition au Venezuela ont été complètement divisées entre une partie qui défendait l’abstention et l’autre qui contestait les élections. Où ils sont restés, ils ont subit défaites sur défaites. Après les élections d’octobre de l’an dernier, ils ne contrôlent plus que deux des 23 états que compte le pays et ont de plus perdu le contrôle de Caracas, la capitale. Aux élections locales et municipales, qui se sont tenues le 7 août de cette année, ils ont obtenu moins de 20% des sièges.

    Le principal quotidien vénézuélien, détenu par des opposants de droite qui ont soutenu unanimement les forces de la réaction à chaque étape, a publié des articles commémorant l’anniversaire du référendum. Ils se sont concentrés sur ce qu’ils considèrent comme le besoin désespéré pour l’opposition « démoralisée, désorientée, manquant de direction » (El Nacional) de s’unir pour fournir une alternative électorale crédible aux « chavistas ». Avec les élections parlementaires attendues pour la fin de l’année et les élections présidentielles en décembre 2006, l’opposition se prépare à de futures défaites électorales.

    Chavez lui-même caracole à 70% d’approbation dans les sondages (l’un des taux les plus hauts de sa présidence). Durant le festival international de la jeunesse, il a parlé confidentiellement de rester en politique jusqu’en 2030 ! Sa confiance a été boostée par les victoires électorales et par le prix élevé du pétrole sur le marché mondial. Le pétrole représente 85% des exportations vénézuéliennes, un quart du PIB et plus de la moitié des revenus du gouvernement. En 2004, les exportations de pétrole ont généré un revenu de 29$ milliards, pour 22$ milliards en 2001 et la somme semble fortement augmenter cette année. Cette énorme aubaine réalisée par le pétrole a permis à Chavez de maintenir et d’accroître les dépenses des « misiones », les programmes de réformes sociales de bien-être qui ont été démarrées en 2003 et largement orientées vers les plus pauvres. Les avantages de ces réformes sont clairement visibles dans les rues des zones les plus pauvres de Caracas. Une superbe nouvelle clinique ou un supermarché d’état Mercal (Mercado de Alimentacion) qui vend de la nourriture de base subsidiée qui se distinguent facilement des immeubles et des infrastructures en ruine des « barrios », les bidonvilles vérolés de pauvreté situés à deux pas de zones d’opulence comme Altamira où vit l’élite.

    Selon les chiffres du gouvernement, 300.000 Vénézuéliens ont surmonté l’analphabétisme (9% des plus de dix ans), deux millions vont à l’école primaire, secondaire et supérieure, et 17 millions ont maintenant accès aux soins de santé de première nécessité grâce aux « misiones ».

    Malgré ces améliorations sociales visibles, une pauvreté noire pourrit encore la vie de millions de Vénézuéliens. 60% des ménages étaient pauvres en 2004, pour 54% en 1999. Même si l’état contrôle les prix de la nourriture de base, l’inflation grimpe à 15-20% et qu’un Vénézuélien sur deux ne dispose pas d’un logement adéquat. Selon un sondage d’opinion récent, le chômage est le problème principal dans la société. Il y a eu des améliorations dans les boulots, à travers des initiatives comme « Vuelvan Caras » , le plan d’état de création d’emplois, principalement dans les coopératives et dans les petites entreprises. Mais 14% de la population reste toujours sans emploi et des millions de personnes sont toujours confrontées à l’insécurité et à l’exploitation dans le secteur informel (comme les vendeurs de rue, les chauffeurs de taxi, etc.).

    Si cela est la situation de la majorité des travailleurs et des pauvres au Venezuela alors que le prix du pétrole est à un niveau si élevé, il est clair que les espoirs des masses ne pourront se concrétiser dans le cadre du capitalisme. Le magazine britannique de droite The Economist résume clairement la situation lorsqu’il écrit : « quand les revenus du pétrole chuteront, tombera dans un enfer de récession et d’inflation »(25 août 2005).

    C’est ce qui est arrivé au Nicaragua. Après la révolution de 1979 qui avait éjecté le dictateur détesté Somoza, les Sandinistes avaient le contrôle de l’appareil d’état. Ils ont nationalisé jusqu’à 40% de l’économie, mais le reste est resté dans les mains de la classe capitaliste qui a utilisé son contrôle économique pour saboter l’économie. Combiné avec la guerre des contras, subventionnée par l’impérialisme US, l’économie plongea dans une crise avec une inflation qui explosa jusqu’à 3600% et un niveau de vie qui périclita de 90% !

    A cause de la démoralisation des masses due à la crise économique, la droite vainquit les Sandinistes aux élections présidentielles de 1990 et poursuivit depuis lors une politique néo-libérale vicieuse à l’encontre des travailleurs et des pauvres nicaraguayens. Si la classe ouvrière au Venezuela n’exproprie pas les monopoles restés dans les mains des capitaliste vénézuéliens et étrangers, si elle n’applique pas une planification de la production sous contrôle démocratique, la crise économique et l’incapacité à satisfaire les besoins des masses mèneront à la démoralisation et à la démobilisation du mouvement, balisant la route pour une victoire de la réaction. Cela serait alors utilisé pour ouvrir une nouvelle ère de répression brutale, en vue de recouvrir un contrôle total de l’économie et de l’état, avec bien sûr une atomisation des organisations et des droits de la classe ouvrière.

    Le haut taux d’abstention (70%) dans les élections locales et régionales du mois d’août représente un avertissement pour le futur. Il est vrai qu’historiquement le taux de participation aux élections locales vues comme en dehors des préoccupations de la plupart des Vénézuéliens a toujours été bas. Une partie de l’opposition appelait également les gens à ne pas voter. Malgré cela, le niveau d’abstention dans les zones pro-Chavez était très élevé alors qu’il avait lui-même souligné l’importance, pour ses partisans, de se mobiliser en masse. Bien que le taux de participation soit susceptible d’être beaucoup plus haut dans des élections parlementaires et présidentielles, des signes de mécontentement commencent à arriver à l’encontre des troupes du mouvement bolivarien. Des activistes étaient mécontents du remplacement bureaucratique de candidats de base par des candidats inconnus des gens des communautés locales. Lors des élections d’octobre de l’an dernier pour le mayorat et le gouvernement d’état, des candidats dissidents se sont présentés contre les candidats officiellement chavistes. Dans les élections locales, des partis pro-Chavez perçus comme plus « radicaux » comme le Parti Communiste Vénézuélien et le mouvement Tupamaros ont augmenté leur nombre de votes dans certaines régions. Le mécontentement, où il existe, ne vise pas principalement Chavez, qui bénéficie encore d’une autorité et d’un soutient immense dans les masses, mais plutôt la bureaucratie qui l’entoure, perçue comme une cassure avec les réformes radicales que ce soit à travers l’inefficacité, la corruption ou le sabotage conscient. Une femme qui protestait contre les actions d’un leader dans l’état de Anzoategui a résumé le sentiment d’une couche d’activistes lorsqu’elle a dit : « Président, ouvrez les yeux… beaucoup de ceux à vos côtés sont en train de vous décevoir. Ecoutez la voix du peuple »(El Nacional).

    La direction du mouvement bolivarien est extrêmement hétérogène. Pour parler franchement, une aile est plus en contact avec les masses et reflète l’atmosphère qui y règne, il y a donc une pression pour qu’elle continue les réformes radicales. L’autre aile, réformiste et pro-capitaliste, dont certains membres ont des contacts avec les forces de l’opposition, essaye à chaque étape de retenir le mouvement et de l’empêcher d’aller dans une direction plus radicale. Ces divisions se sont aiguisées depuis la défaite du référendum. Chavez lui-même a balancé entre ces différentes forces de la société. Sa prise de position la plus récente à « gauche » a été une réponse à la demande d’actions plus radicales de la part des masses. Il a signé un décret nationalisant VENEPAL (l’entreprise de papier en faillite), par exemple, après que les travailleurs aient lancé une lutte déterminée en conjonction avec la communauté locale en occupant l’usine et en demandant sa nationalisation. Depuis janvier, Chavez a qualifié la révolution bolivarienne de socialiste, ceci représentant un développement significatif. La question du socialisme commence à s’ancrer dans la conscience d’une partie des étudiants, des travailleurs et des pauvres. Dans un récent sondage organisé par l’ « Instituto Venezolano de Analisis de Datos », 47,8 % des personnes interrogées déclaraient qu’elles préfèreraient un gouvernement socialiste alors que seulement 22,7% opteraient pour un gouvernement capitaliste.

    Mais Chavez n’a pas une idée claire sur ce qu’ il veut dire par socialisme ni sur la manière d’y arriver. Il parle vaguement de « socialisme au 21ème siècle » qui serait un ‘nouveau type’ de socialisme et il a aussi appelé à son peuple à se débarrasser des vieux préjugés concernant la signification du socialisme. On pourrait interpréter cela comme un rejet du stalinisme. Mais en même temps, Chavez est en train de renforcer ses liens économiques et diplomatiques avec Fidel Castro à Cuba. Il complimente le merveilleux service de santé cubain, dont beaucoup de vénézuéliens sont en train de profiter grâce aux docteurs cubains travaillant au Venezuela, grâce à la formation de docteurs vénézuéliens et aux patients qui sont envoyés à Cuba pour des opérations. Mais en fait Chavez n’est pas critique du tout sur la nature bureaucratique du régime cubain et sur l’absence de véritable démocratie ouvrière.

    Chavez pourrait-il devenir un « second Castro » comme le craingnent une partie de la classe dirigeante vénézuélienne et l’impérialisme américain ? Théoriquement une telle perspective ne pourrait pas être complètement exclue. Arrivé au pouvoir en 1959, Castro n’a pas décidé consciemment de nationaliser l’économie cubaine mais il a pris cette direction en réaction au blocus US et à la pression des masses cubaines. Mais vu que la classe ouvrière n’était pas consciemment à la tête de la révolution, le résultat fut la création d’un état ouvrier déformé, où le capitalisme et le féodalisme ont été éliminés mais où la société était toujours contrôlée du sommet vers le bas par une caste bureaucratique. Le contexte international actuel, après la chute de l’ Union Soviétique, est très différent du temps de la révolution cubaine quand Cuba était soutenu matériellement par la bureaucratie soviétique et ce pour des raisons stratégiques. Quoiqu’il en soit, il n’est pas inconcevable que les masses du Venezuela puissent spontanément prendre possession des usines et de la terre, forçant ainsi Chavez à nationaliser de larges pans de l’économie. Mais un tel régime serait extrêmement instable.

    La révolution serait très certainement vaincue à un certain moment par les forces de la réaction sauf si la classe ouvrière est consciente du rôle qu’elle a à jouer, non seulement en expropriant la classe capitaliste, mais aussi en formant des comités élus démocratiquement qui pourraient faire tourner l’industrie, mettre en place un plan démocratique de production et créer les bases pour un Etat ouvrier dont le programme serait capable d’élargir la révolution à l’Amérique latine et internationalement. C’est pourquoi la lutte pour une véritable ‘politique étrangère’ internationale de la classe ouvrière est si importante aujourd’hui ; soutenant, par exemple, des liens économiques avec Cuba mais utilisant cela pour encourager une réelle démocratie ouvrière au sein du pays et pour étendre la révolution internationalement comme le seul réel moyen de défendre ces acquis qui ont déjà été obtenus.

    La réaction de Chavez à de futurs évènements aura bien sûr un gros impact sur la façon dont les développements se déroulent, particulièrement dans une situation de ralentissement économique. Pour le moment il est en train de répondre d’une façon limitée à la radicalisation des masses et il pourrait aller plus loin dans cette direction. Malheureusement, il y a de nombreux exemples de dirigeants honnêtes qui malgré leur bonnes intentions, une fois confrontés avec la ‘logique’ du marché capitaliste qui se sont mis à réprimer les ‘demandes excessives’ des travailleurs.

    Dans une situation où d’autres options sont trop risquées, une partie de la classe capitaliste du Venezuela s’appuie sur le mouvement de l’aile pro-capitaliste pour freiner les réformes radicales et pour être potentiellement capable de reprendre les acquis de la classe ouvrière et des masses pauvres. Ils préparent ainsi la voie pour une défaite du processus révolutionnaire et pour la victoire de la contre-révolution.

    Il est vrai qu’ils n’ont pas la même autorité au sein de la classe ouvrière et des masses pauvres qu’avaient les sandinistes au Nicaragua après la révolution de 1979 ou qu’avaient les partis socialistes et communistes au Portugal en ’75. Quoiqu’il en soit, si la classe ouvrière n’achève pas complètement la révolution au Venezuela et que la démoralisation s’installe, cette aile pourrait jouer un rôle important en freinant le mouvement et posant les bases pour le triomphe de la réaction capitaliste. Leur façon de définir le socialisme est relativement claire – une économie « mixte » où quelques compagnies d’états et coopératives existent mais dans laquelle les leviers économiques principaux restent dans les mains de la classe capitaliste du Venezuela et étrangère. Chavez parlait récemment d’enquêter sur l’éventuelle expropriation de 136 à1149 entreprises. Mais en réalité toutes ses compagnies étaient en faillite, fermées ou en passe de le devenir. Le ministre de l’industrie a éclairci cette position en déclarant que la nationalisation ne prendrait place que dans des « cas extrêmes », qu’il n’y aurait pas de « vagues d’expropriations » et que les firmes capitalistes ainsi que la « production sociale » pouvaient coexister. De même, la redistribution de 13 000 hectares de terres appartenant au Lord Vesty marquait un pas en avant dans la réforme agraire alors qu’auparavant, seule la terre appartenant à l’Etat avait été redistribuée aux pauvres des campagnes. Mais à ce stade, le gouvernement n’envisage de distribuer que de la « terre non fertile ».

    Quoiqu’il en soit, 158 paysans ont été tués depuis 2000 quand la loi sur la terre a été votée, démontrant que même face à des réformes limitées, les grands propriétaires terriens résisteront brutalement, aidés dans certains cas par les paramilitaires de droite Colombiens.

    Utilisant un langage révolutionnaire, les coopératives sont présentées comme l’embryon de la société socialiste. 79000 coopératives ont été créées les 6 dernières années, majoritairement dans le secteur des services et de l’agriculture. Elles ont eu un certain effet dans la réduction du chômage, qui ne pourra être que temporaire. Ces coopératives sont toujours complètement dans le marché capitaliste avec des compagnies privées et seront dévastées par la crise économique. Beaucoup de ces coopératives en réalité fonctionnent comme des compagnies privées, exploitant la force de travail et dénigrant les droits des travailleurs. Il y a de nombreux exemples d’employeurs privés qui « déguisent » leur entreprise en coopérative afin de recevoir des subsides de l’Etat. En même temps, Chavez encourage « le co-management » des industries d’Etat ainsi que des industries privées. « Ceci est la révolution. Ceci est le socialisme », voilà ce qu’il déclara récemment quand il fit crédit à des taux d’intérêt bas à des patrons de petites entreprises privées qui acceptaient d’introduire des représentant des travailleurs dans les conseils d’administration de leur compagnie.

    Une fois de plus, le ministre de l’industrie utilise clairement cette cogestion, ou participation ouvrière, comme une collaboration de classes pour tromper les travailleurs, augmenter l’exploitation et booster les profits de la classe capitaliste, comme cela a été fait dans des pays comme l’Allemagne. Il déclara : « Il y a une interprétation faussée de ce que signifie la cogestion ». « L’idée est de faire participer les travailleurs à la gestion de l’entreprise, non pas de leur en laisser le contrôle, mais plutôt d’aider à éviter des tensions et des contradictions inutiles. » (El Nacional).

    Chavez, ne voulant pas se confronter à l’économie capitaliste et au pouvoir d’Etat, met en application des contrôles partiels et essaie d’éviter les structures économiques existantes et l’appareil d’Etat. Donc par exemple, en plus des coopératives, il a créé une compagnie aérienne d’Etat, une compagnie de téléphone d’Etat, une station télé d’Etat, et des supermarchés d’Etat vendant des produits basiques jusqu’à 30 % moins chers que dans le secteur privé. Tout ça avec l’intention de rivaliser avec les monopoles privés.

    Ces mesures partielles comme les contrôles des prix sur les aliments de base et les contrôles sur les échanges, servent à rendre la bourgeoisie furieuse, et à augmenter leur détermination à éviter les futurs empiètements sur leur pouvoir économique et sur l’état.

    En même temps, en laissant les grandes entreprises monopolistiques, les banques et les institutions financières, les journaux, etc… dans les mains du privé, il est impossible de planifier démocratiquement l’économie afin d’assouvir les besoins des masses. De plus, la classe dirigeante reste capable de saboter l’économie et de miner le mouvement. Il y a eu une certaine réorganisation du personnel au sommet de l’armée, de la justice, du collège électoral et d’autres institutions d’Etat, mais , sans des élections et le droit de révocation de tous ceux qui ont une position dans l’appareil d’Etat, ainsi que l’existence d’un parti socialiste de masse contrôlant constamment l’Etat, de nouveaux points de soutien à la réaction capitaliste peuvent être générés, même au sein de ceux qui soutiennent Chavez aujourd’hui.

    La classe capitaliste fera clairement tout ce qu’elle peut pour abattre toutes les mesures qui ont été introduites à la demande des masses. Ils utilisent les médias et font pression sur l’aile pro-capitaliste du gouvernement de Chavez pour poursuivre des politiques sociales et économiques plus « réalistes », afin de conquérir les 4 millions de personnes qui ont voté contre Chavez lors du référendum pour sa révocation et afin de ne pas effrayer les investisseurs étrangers. Chavez a lui même encouragé des joint ventures entre du capital étranger et la compagnie pétrolière d’Etat PDVSA. En fait, les multinationales comptent déjà pour plus ou moins 50 % de la production pétrolière au Venezuela, pendant que la production de la PDVSA a, elle, diminué de moitié depuis l’ élection de Chavez, en ’98. Il est vrai que même un Etat ouvrier sain pourrait être forcé de signer des accords économiques et de commerce avec des pays capitalistes ou des compagnies étrangères si la propagation de la révolution internationale était temporairement retardée. Mais cela serait fait sur base d’un plan démocratique de production, d’un monopole d’Etat des exportations et d’une politique consciente d’élargissement de la révolution en appelant la classe ouvrière internationalement.

    Maintenant, en partant d’une politique de préservation du capitalisme, des accords sur des investissements étrangers et sur les commerces seront utilisés pour miner et faire dérailler la révolution. Il y eut un nouvel avertissement quand Chavez a récemment accepté un accord commercial de vente d’armes avec le gouvernement espagnol, le ministre des affaires étrangères de celui-ci, défendant l’accord en réponse aux critiques US en expliquant « le rôle que l’Espagne pourrait jouer au Venezuela pour la satisfaction de Washington, en mettant un frein aux rêves de Chavez d’étendre sa révolution bolivarienne à d’autres pays dans la région » (El Pais, 9 Mai).

    La classe ouvrière, du fait de son rôle dans le processus de production et de son pouvoir collectif potentiel, est la clef capable de mener à bien la révolution socialiste au Venezuela et de vaincre les forces de la réaction. Mais, bien que la classe ouvrière ait été impliquée dans le mouvement de masse dans les moments les plus cruciaux, elle n’a été qu’un élément parmi d’autres. La classe ouvrière n’a pas été consciente de son propre pouvoir ou de la responsabilité qu’elle a de diriger les masses pour transformer la société. A différents moments, Chavez a encouragé la participation des masses mais cela avec des limites strictes. Et sans un programme clair pour faire avancer le processus révolutionnaire, le mouvement risque de stagner et de se démobiliser. Chavez n’a pas encouragé, en particulier, l’indépendance d’action des travailleurs. Pendant, par exemple, une récente grève des travailleurs du métro de Caracas, un conseiller de Chavez a demandé que les grèves soient interdites dans le secteur public et Chavez lui même a menacé d’envoyer la garde nationale contre les grévistes. La tâche principale d’un parti révolutionnaire au Venezuela n’est pas de conseiller Chavez sur la façon de diriger la révolution mais de renforcer et d’étendre les organisations de la classe ouvrière ainsi que de mettre en avant des revendications qui augmenteront la confiance des travailleurs dans leur capacité à changer la société ainsi qu’en augmentant leur compréhension de ce qui est nécessaire à chaque étape d’un processus révolutionnaire. Cela devrait inclure une explication sur la façon dont la classe dirigeante utilisera la cogestion pour défendre ses propres intérêts et sur la nécessité de construire et de renforcer les comités de travailleurs qui seuls pourraient être capables de mettre en application un contrôle réel et une gestion ouvrière des lieux de travail comme un pas en avant vers une planification démocratique de toute l’économie. Des éléments de contrôle ouvrier existent déjà sur certains lieux de travail. Dans la compagnie d’Etat de production d’aluminium ALCASA, par exemple, les travailleurs élisent ceux qui gèrent l’entreprise, ceux-ci ne reçoivent que l’équivalent de leur salaire précédent (comme ouvrier) et peuvent être révoqués. Un récent meeting national des travailleurs, convoqué pour discuter de la cogestion et du contrôle ouvrier a accepté : « d’inclure dans les propositions pour une cogestion révolutionnaire que la compagnie doit être la propriété de l’Etat, sans distribution des actions aux travailleurs, et que chaque profit doit être réparti selon les besoins de la société à travers des conseils de planification socialiste. Ces conseils de planification socialiste doivent être compris comme les organes qui mettent en application les décisions des citoyens réunis en assemblée ». Un véritable programme socialiste révolutionnaire devrait appeler à une démocratisation des organisations de la révolution bolivarienne, à la formation et à l’extension de comités d’entreprises démocratiques et de lier ceux-ci aux comités élus dans les quartiers, dans les forces armées, et ce au niveau local et national.

    En plus de tout ça, des forces de défense ouvrière doivent être formées pour défendre le mouvement contre la réaction. Chavez a reconnu la nécessité de défendre la révolution contre l’agression impérialiste et il a doublé les réserves de l’armée, mis sur pied « des unités de défense populaire » sur les lieux de travail et dans les campagnes. Mais tout cela sera sous son propre commandement et non sous le contrôle démocratique des organisations de la classe ouvrière et des masses pauvres. La solidarité des travailleurs dans le reste de l’Amérique latine et internationalement est aussi un moyen vital de défense. De son point de vue, Chavez est un internationaliste. En imitant son héros, Simon Bolivar, il se voit lui même comme le dirigeant de l’alliance anti-impérialiste en Amérique latine et il utilise le pétrole et les revenus du pétrole pour promouvoir ses objectifs. On voit de récentes initiatives comme par exemple le lancement de Télésur, une compagnie de télé continentale, ainsi que Pétrosur et Pétrocaribe, qui sont des accords avec différents pays d’Amérique Latine et des Caraïbes autour de l’exportation, de l’exploitation et du raffinage du pétrole. Il a aussi utilisé l’argent du pétrole pour racheter la dette de l’Argentine et de l’Equateur en « solidarité » contre les marchés financiers internationaux. Mais Chavez s’est orienté principalement en direction de dirigeants qui appliquent une politique néo-libérale, plutôt que d’en appeler à la classe ouvrières et aux masses pauvres. Le président brésilien Lula, par exemple, a appliqué des politiques d’attaques contre la classe ouvrière et son parti est mêlé à un sérieux scandale de corruption.

    De plus, durant une récente visite, Chavez a félicité Lula et a interprété ce scandale de corruption comme une « conspiration de droite ».

    Chavez est accusé par l’impérialisme d’exporter la révolution à d’autres pays d’Amérique Latine. Mais quand des travailleurs du secteur pétrolier sont partis en grève dans deux Etats d’Amazonie en Equateur en août dernier, demandant que plus de ressources soient investies dans les communautés locales et qu’une compagnie pétrolière US soit virée du pays, Chavez a effectivement joué le rôle de casser la grève, prêtant du pétrole au gouvernement équatorien pour compenser la « perturbation » que les grévistes ont entraînés sur les réserves. En opposition à tout cela, après le passage de l’ouragan Katrina, on a perçu comment une véritable politique internationale de solidarité parmi la classe ouvrière pourrait être menée. Comme Chavez, un gouvernement ouvrier démocratique aurait immédiatement offert de l’aide tout en exposant comment le capitalisme place les profits avant les vies des plus pauvres dans la société, et comment l’impérialisme US est totalement incapable de répondre aux besoins des travailleurs américains en temps de crise ainsi que dans des temps « d’accalmie ». En même temps, il aurait créé des liens avec la classe ouvrière et les organisations des communautés aux Etats Unis pour promouvoir le contrôle démocratique de la distribution de l’aide dans les régions affectées, renforçant ainsi la confiance et la conscience de la classe ouvrière américaine.

    L’Amérique Latine est un continent en révolte. La victoire d’une révolution socialiste démocratique au Venezuela aurait un impact électrique sur la classe ouvrière et sur les masses pauvres de la région et cela aux Etats-Unis même. La classe ouvrière vénézuélienne est maintenant face au défi de construire et de renforcer leurs organisations, ceci incluant la création d’un parti révolutionnaire de masse avec un programme qui sera capable d’assurer la victoire de la révolution dans sa lutte contre la contre-révolution.

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