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Tag: Cameroun
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Southern Cameroons: action pour la libération de prisonniers

Une trentaine de manifestants se sont réunis ce vendredi 16 mars, face au SPF Affaires étrangères, à l’appel du Southern Cameroons Council of Belgium pour protester contre la détention de militants de la cause indépendantiste dans les geôles camerounaises. Certains des prisonniers ont la nationalité belge, et sont pourtant complètement ignorés par l’Etat belge, allié fidèle du régime camerounais de Biya. Le président a souvent usé de brutalité envers la population camerounaise, mais cette répression violente a atteint de nouveaux sommets ces dernières semaines, avec des mises à sac et des massacres dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et le meurtre et l’arrestation de centaines d’opposants et leaders du mouvement de la population anglophone, dont certains au Nigeria voisin. La politique néolibérale dure menée par les autorités, couplée à des discriminations envers les anglophones et la répression brutale de toute contestation a poussé de plus en plus de personnes à soutenir la cause de l’indépendance de ces deux régions, sous le nom de République d’Ambazonie. La solidarité internationale est importante pour condamner la violence de Biya et de ses alliés. Cela peut appuyer cette lutte juste, sur place, dont la structuration sera cruciale pour obtenir une victoire. Celle-ci passera aussi par l’implication de larges couches de la population, y compris dans les régions francophones du Cameroun, pour organiser une lutte d’ensemble contre les politiques néolibérales et répressives.
Une équipe de militants du PSL étaient présents à l’action de ce vendredi, où nous avons diffusé un tract en anglais (disponible sur le site de nos camarades du Nigeria), traduction de l’article présent dans notre édition de mars de Lutte Socialiste.
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Cameroun : une approche marxiste de la crise anglophone

Question nationale. L’austérité et la répression attisent les tensions
Après la Première guerre mondiale, le territoire de l’ancienne colonie allemande du Kamerun a été mis sous mandat de la Société des Nations et son administration divisée entre la France et le Royaume-Uni. La carte ci-dessus indique grossièrement les frontières de 1961, lorsque la partie méridionale de l’ancien Cameroun britannique, le Southern Cameroons, a été rattachée au Cameroun, qui venait de gagner son indépendance l’année précédente. Ce territoire est depuis lors divisé entre les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Un dossier de Stéphane Delcros
Il y a dix ans éclatait la crise économique. La vie de nombreux jeunes et travailleurs a alors basculé. Pour maintenir le taux de profit de l’élite économique, les politiques néolibérales se sont faites plus brutales. Même là où une relative croissance économique est de retour, elle ne bénéficie qu’à cette même infime minorité. Les inégalités sont croissantes, tout comme la colère massivement ressentie contre l’establishment capitaliste et ses institutions. Les jeunes et les travailleurs n’ont pas quitté le chemin de la lutte, mais ils ont besoin d’une alternative pour aller de l’avant.
Là où des discriminations existent – sur base nationale, ethnique, religieuse, linguistique ou autre -, la colère contre la politique antisociale vient s’ajouter à celle contre les discriminations de leurs droits, à des degrés souvent très divers mais en aucun cas négligeables. La volonté d’autonomie accrue, voire d’indépendance, est alors considérée par une couche grandissante de la population comme une solution aux problèmes de son quotidien. La répression de ces tendances de la part des Etats centraux ne fait que renforcer ce sentiment. A côté de l’exemple de la Catalogne, beaucoup d’autres existent. Cette résurgence de la question nationale et des forces centrifuges est un processus qui puise ses racines dans les contradictions du système capitaliste.
Le PSL est depuis quelques temps en discussion avec un groupe d’expatriés camerounais marxistes. En tant qu’internationalistes, nous sommes bien sûr solidaires des populations qui émigrent dans notre pays. Mais pas seulement : nous nous préoccupons de la situation existante dans leur pays d’origine. Notre parti-frère suédois, par exemple, est également en contact avec des expatriés camerounais et se plonge régulièrement dans l’analyse de la situation au Cameroun et des réponses à défendre, tout en impliquant des expatriés dans les luttes concernant la situation suédoise. Notre combat est un combat politique d’ensemble. L’analyse ci-dessous va nous permettre d’approfondir notre connaissance et nos perspectives sur ce pays, particulièrement au regard de la lutte des populations anglophones.

Après la Deuxième guerre mondiale, le territoire de l’ancienne colonie allemande du Kamerun a été mis sous mandat de la Société des Nations et son administration divisée entre la France et le Royaume-Uni. La carte ci-dessus indique grossièrement les frontières de 1961, lorsque la partie méridionale de l’ancien Cameroun britannique, le Southern Cameroons, a été rattachée au Cameroun, qui venait de gagner son indépendance l’année précédente. Ce territoire est depuis lors divisé entre les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. [divider]
Des mobilisations massives de travailleurs et de pauvres pour davantage d’investissements et de considération ont lieu depuis fin 2016 dans les deux régions anglophones du Cameroun, à l’Ouest du pays. Depuis quelques semaines, la répression brutale et meurtrière de la part de l’Etat camerounais a redoublé, entrainant une hausse du sentiment séparatiste.
Les anglophones, estimés à près de 20% de la population du Cameroun, sont habituellement marginalisés par l’Etat central : sous-représentation dans les institutions, l’administration voire l’éducation, où ils subissent des discriminations linguistiques. Depuis le rattachement de l’ex-Southern Cameroons au Cameroun en 1961, et particulièrement après l’abandon du fédéralisme en 1972, ces populations ont le sentiment d’être des citoyens de seconde zone.
Comme dans de nombreux autres Etats africains, le Fonds Monétaire International met pression pour diminuer les dépenses publiques. Au pouvoir depuis 1982, Paul Biya a l’habitude d’appliquer avec autorité les politiques néolibérales notamment exigées par les puissances impérialistes européennes. Ça ne l’a d’ailleurs jamais empêché de se servir au passage. Les décennies de coupes budgétaires et de sous-investissement ont créé des pénuries dans tout le pays, particulièrement dans les régions moins importantes aux yeux des autorités, comme l’Extrême-Nord, en proie au terrorisme de factions de Boko Haram.
Une des principales revendications de la lutte des anglophones est l’exigence de davantage d’infrastructures (hôpitaux, routes,…). Ce sous-investissement pour les besoins de la population contraste fortement avec l’accaparement par l’Etat des nombreuses richesses naturelles, notamment issues de l’extraction pétrolière dans le Golfe de Guinée, au large de la région anglophone du Sud-Ouest. Le mouvement pour davantage d’autonomie voire pour la sécession des régions anglophones est indissociable de la lutte contre le sous-investissement et l’austérité budgétaire.
Répression brutale
Dès le début, Paul Biya et les autorités, y compris une partie de l’élite anglophone avec notamment le Premier Ministre Philémon Yang, ont tenté d’imposer le silence au mouvement (coupures d’internet, couvre-feux, fermeture de stations de radio, interdiction de rassemblements de plus de 4 personnes, etc.). Les manifestations sont réprimées dans le sang tandis que des rafles sont organisées dans des villages.
La tension avait augmenté fin de l’été dernier, lorsque des dirigeants du mouvement sécessionniste, réunis devant des assemblées, avaient symboliquement déclaré l’indépendance (1er octobre) de la République d’Ambazonie couvrant ces deux régions. Mais il est difficile d’avoir des rapports exacts de la situation ; les ONG ont été interdites et rares sont les journalistes qui ont pu s’y aventurer. Ce qui est certain, c’est que la répression a déjà entrainé la mort de centaines de personnes et le déplacement d’au moins 40.000 réfugiés au Nigeria voisin.Les autorités nigérianes, elles aussi confrontées à un important mouvement sécessionniste au Biafra qu’elles répriment sévèrement, collaborent depuis janvier avec les forces camerounaises. Une cinquantaine de dirigeants séparatistes ont ainsi récemment été arrêtés et extradés vers le Cameroun, dont le principal leader Julius Sisuku Ayuk Tabe. En prison, c’est au minimum la torture et potentiellement la mort qui attend les opposants, qui n’ont d’ailleurs plus donné de nouvelles depuis leur arrestation.
Le manque de considération pour les revendications socio-économiques, couplé à l’arrogance et la répression du régime a poussé de plus en plus d’anglophones à se saisir de la cause indépendantiste. Mais le laissez-faire et l’indifférence des partis et figures d’opposition francophone face au droit à l’indépendance, voire leur refus, notamment parmi la gauche, a aussi appuyé cette tendance.
L’absence d’alternative et de perspective politique donne l’espace à Paul Biya et ses amis pour utiliser la division sectaire, pour tenter d’isoler le ‘‘problème anglophone’’. Quand il n’y a rien d’autre à présenter, l’arme de la division est la seule qui reste, à côté de la répression, et Biya en a besoin : il compte bien se faire réélire une 7e fois lors des élections présidentielles fin 2018…
Garantir le droit à l’autodétermination
La seule option pour le mouvement des travailleurs et des pauvres au Cameroun est de s’opposer à chaque forme d’oppression et de division qui serve les intérêts de l’élite dirigeante. Pour éviter que les bolcheviks soient vus juste comme une continuation de la domination Grand Russe sous une autre forme, Lenine avait garanti le droit à l’autodétermination aux nombreuses populations minoritaires dans l’ancien Empire tsariste, y compris jusqu’au droit à la séparation. C’était la seule façon d’assurer l’unité de la classe des travailleurs et des pauvres des communautés opprimées avec la classe des travailleurs et des pauvres du reste de l’ancien Empire. Au Cameroun aussi, comme les bolcheviks, il faudra se comporter en ‘‘démocrates véritables et conséquents’’ afin de souder l’unité des travailleurs et des pauvres dans toutes les régions du pays.
Organiser la lutte et la doter d’instruments
Certaines tentatives d’organisation du mouvement ont mené à davantage de coordination, menant notamment à de réels suivis de l’appel pour des journées ‘‘ville morte’’, forme de grèves du travail généralisées, dans les régions anglophones. Mais ces réussites ne cachent pas le manque général d’organisation et de perspectives pour le mouvement, ce qui pousse aussi différents groupuscules sécessionnistes à user de violence, tuant notamment plusieurs policiers et militaires ces dernières semaines.
Il est crucial que le mouvement de lutte réussisse à organiser son combat, notamment en se dotant des instruments pour canaliser la colère. Des exemples récents ont montré le potentiel en termes d’organisation et de coordination de la lutte, avec des assemblées régulières permettant une implication la plus large possible : Le Balai citoyen au Burkina Faso, Y’en a marre au Sénégal, ou encore Lutte pour le changement (Lucha) en RDC et, plus récemment, Togo Debout qui tente d’organiser la lutte pour une réelle démocratie.
Ces sont des sources d’inspiration, mais elles sont souvent marquées par l’absence ou le manque de volonté de challenger le pouvoir, de se transformer en outil politique doté d’un programme pour un changement profond de la société. C’est ce qui explique que, malgré les luttes exemplaires, au final, l’Ancien régime battu a pu se rétablir, comme au Burkina Faso.
Construire l’unité de classe avec les Camerounais francophones
La population anglophone en lutte aura bien besoin de l’appui des couches les plus combattives de la classe des travailleurs francophone. Cela exige de la direction du mouvement qu’elle garantisse d’ores et déjà des droits pour les minorités en cas de sécession, et construise l’unité de classe : un ‘‘pont’’ unitaire vers la population francophone, également victime du despotisme du clan Biya et de la pauvreté engendrée par l’exploitation capitaliste.
Rompre avec le système et étendre la lutte
Il est important de comprendre qu’une indépendance de l’ex-Southern Cameroons dans le cadre du système d’exploitation capitaliste ne résoudra pas en soi les problèmes. Le système capitaliste est incapable de résoudre une question nationale. C’est pourquoi les travailleurs et les pauvres ne pourront compter sur les élites anglophones qui n’accepteront pas que le combat soit orienté vers ce qui constitue la seule issue favorable : une rupture avec ce système et l’instauration d’une société socialiste démocratiquement gérée par et pour les intérêts des travailleurs et des pauvres.
La lutte courageuse des populations anglophones du Cameroun pourrait alors très vite servir de moteur pour les luttes des populations dans le reste du pays et au Nigeria. Cela pourrait alors être un levier stimulant pour avancer dans la mise sur pieds d’une Confédération d’Etats socialistes démocratiques sur base volontaire du Golfe de Guinée et de la région, comme étape vers un monde débarrassé de la pauvreté, de la politique néolibérale, des pénuries, de la corruption et des divisions et violences sectaires. Un tel changement de système est la base nécessaire pour que les populations organisent elles-mêmes leur futur.
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Augmentation des prix, rébellion et pauvreté.
La flambée des prix de la nourriture a récemment causé une tempête de protestations et ce partout à travers le monde. Ces grèves et manifestations ne sont que la réaction des ouvriers et paysans face à cette envolée des prix.
Robert Bechert, Comité pour une Internationale Ouvrière, Londres (article publié le 23 avril sur socialistworld.net)
Haiti, le Cameroun, l’Egypte ou l’Indonésie ne sont que quelques uns des pays qui ont connu récemment des protestations de masses.
Si les envolées des prix sont choquantes, elles ne donnent qu’un aperçu seulement de ce qui est en train de se passer, des millions de personnes doivent en fait se battre pour arriver à nourrir leurs familles. Les médias ne cessent de nous rapporter ce qui se passe : le riz a augmenté de 75% en deux mois, le blé de 130% durant l’année dernière et en une seule journée, le riz a augmenté& mondialement de 10%.
Des millions de personnes sont forcées d’économiser simplement sur ce qu’ils consacrent à la nourriture et des millions de personnes ressentent une colère immense. Au Salvador, les pauvres mangent deux fois moins qu’il y a un an. La Banque Mondiale a estimé que 100 millions de personnes en plus ont déjà été poussé dans «l’extrême pauvreté». Même dans les pays « développés », les prix augmentent : en Grande Bretagne, un test comparatif reprenant 24 produits de consommations courants a montré que leurs prix avaient augmenté de 15% en une année.
Cette crise a même choqué les institutions capitalistes telles que le Fond Monétaire International ou la Banque Mondiale, principalement car elles en craignent les conséquences. Le président de la Banque Mondiale a déclaré que 33 pays étaient en proie à un «malaise social» à cause de la hausse des prix des denrées alimentaires. Le terme «malaise» est une sous estimation grossière de la situation : la pénurie alimentaire et l’inflation peuvent provoquer des révolutions.
Les travailleurs commettraient une erreur en se reposant sur ces gens, ou sur des philanthropes, pour trouver une solution. Bien sur, ils pourraient organiser une aide d’urgence, mais c’est fondamentalement leur système – l’économie de marché – qui est à l’origine de la crise.
Les demandes d’actions se multiplient.
Mais, quelles sont les causes de la crise ?
Clairement, un grand facteur de la crise est le chaos du marché «libre» et la spéculation qui l’accompagne. Loin d’être le fil conducteur qui guide les progrès humains, le marché aggrave l’inflation du prix de la nourriture. Comme la crise économique mondiale provenant des USA a provoqué un effondrement des possibilités de spéculations financières, les spéculateurs capitalistes se sont reportés sur la nourriture et les matières premières.
Encore inondés des super profits datant de la dernière période de croissance économique, ils se sont accaparé les stocks de nourriture. Comme les gens sont bien obligés de manger pour vivre, ils pensaient ainsi pouvoir s’enrichir encore plus en spéculant sur les prix de la nourriture et des autres matières premières. Depuis le début de l’année, le nombre d’accords financiers conclus quotidiennement sur le marché CME de Chicago (Chicago Mercantile Exchange – bourse de produits des matières premières, particulièrement au niveau de l’alimentation) a augmenté de 20%. L’Ethiopie a tenté de lutter contre cette spéculation en interdisant les accords dans « le futur » (des paris sur les prix à venir de la nourriture et des matières premières). Mais l’action d’un seul pays, a fortiori s’il est issu du monde néocolonial, n’a qu’un impact limité.
Cependant, la spéculation n’est pas la seule cause de la hausse des prix. Certaines autres causes telles que la demande croissante de nourriture, le changement climatique ou encore les «bio» carburants ont été très souvent mentionnés. Lester Brown, directeur du Earth Policy Institute à Washington a déclaré, pas plus tard qu’en avril dernier, que la surface utilisée aux USA pour produire des biocarburants ces deux dernières années aurait pu fournir à 250 millions de personnes leurs rations en grain.
L’hebdomadaire de droite « The Economist » a involontairement mentionné un autre facteur de la hausse des prix : l’offensive néolibérale depuis les années 1980. « The Economist » a expliqué que les rendements des nouvelles récoltes avaient tendance à diminuer naturellement, et que c’était seulement en produisant de nouvelles variétés que l’on pouvait maintenir ou faire progresser les rendements.
Cependant, « la plupart des recherches agronomiques sont financées par des gouvernements qui, dans les années 1980, ont commencé à réduire (…) les dépenses (…) ils ont préféré faire intervenir le secteur privé. Mais, beaucoup des entreprises privées engagées pour remplacer les chercheurs d’Etats se sont révélé n’être intéressés que par le profit. La part de l’agriculture dans les dépenses publiques dans les pays en voie de développement a chuté de moitié entre 1980 et 2004. Ce déclin a eu un impact inévitable… Entre les années 1960 et 1980, dans les pays en voie de développement, le rendement des céréales principales augmentait de 3 à 6% par année. Maintenant, la croissance annuelle est revenue à 1 à 2%, en dessous de l’augmentation de la demande. « Nous payons le prix de 15 ans de négligence » a déclaré Bob Ziegler, directeur de l’Institut international de recherche sur le riz, basé aux Philippines. » (The Economist, 19 avril 2008).
En réalité, ce n’est pas de la « négligence » mais le dogme néolibéral et la recherche de nouvelles zones où faire des profits qui s’est ajouté à cette crise alimentaire.
Qu’est ce qui peut être fait ?
Dans beaucoup de pays, des voix se font entendre pour instaurer un contrôle du prix de la nourriture, pour introduire ou défendre les subsides pour la nourriture ou encore pour une hausse des salaires. Les syndicats devraient exiger une hausse des salaires qui suit l’inflation. Les salaires devraient être liés à un indice des prix qui correspondrait réellement au coût de la vie. Cependant, de telles mesures, bien que bienvenues, ne seraient que provisoire.
Le contrôle de l’approvisionnement en nourriture doit être immédiatement retiré des mains des spéculateurs, des négociants internationaux et des grosses compagnies agroalimentaires. Le mouvement ouvrier doit exiger que ces institutions soient nationalisées pour permettre la mise en place d’un plan de distribution de nourriture, à des prix raisonnables, pour tous.
Mais une telle nationalisation devrait être contrôlée démocratiquement au rique d’être utilisée par les gouvernements pour s’enrichir eux mêmes ainsi que leurs alliés capitalistes.
Dans beaucoup de pays, le contrôle de l’importation ou de l’exportation a toujours été source de corruption et de mercantilisme. L’argentine, le Vietnam ou l’Inde ont déjà interdit certaines exportations de nourriture ou ont instauré des taxes sur celles-ci. Mais de telles mesures n’abaissent pas automatiquement le coût de la nourriture, et peuvent mener de petits fermiers à la rébellion.
Seul un contrôle et une gestion des ressources par les travailleurs combinée à une comptabilité ouverte pourra assurer la répartition équitable de la nourriture et ce sans marché noir. Les petits fermiers et les petits commerçants doivent donc se voir attribuer des revenus et une place dans la chaîne de distribution de la nourriture. Si le rationnement doit être imposé, il doit être laissé sous le contrôle démocratique des travailleurs, pas sous celui des gouvernements corrompus servant des élites.
Des mesures doivent être prises pour « booster » l’approvisionnement en nourriture. Les entreprises produisant les graines, le fertilisant,… doivent également être nationalisées sous le contrôle des travailleurs. Alors, de nouvelles récoltes pourront être développées pour répondre aux besoins et non pas pour réaliser des profits. Les engrais pourront aussi être rendus plus accessibles.
Les banques, dont beaucoup ne survivent plus que grâce aux aides de l’Etat, devraient également être nationalisées et leurs ressources employées pour fournir aux petits fermiers des crédits bon marchés.
Les grands producteurs agricoles, eux aussi, devraient encore être nationalisés. Sur cette base, il serait possible de commencer à planifier l’augmentation de la production de nourriture avec l’aide de progrès dans l’irrigation ou dans d’autres techniques, pour répondre aux besoins et non pour s’adapter au marché.
Pour sauver notre planète, le capitalisme doit être éliminé.
Fondamentalement, cela signifie contester le système capitaliste en lui-même. La crise financière a vu des banquiers courir auprès des gouvernements pour demander de l’aide. L’argument néo libéral selon lequel l’Etat ne peut intervenir dans le marché s’écroule, poignardé en plein cœur par les capitalistes eux mêmes.
Cependant, l’Etat n’est pas neutre. Dans les pays capitalistes, l’Etat agit pour protéger les intérêts des capitalistes. La nationalisation d’entreprises, voir même d’un secteur entier de l’économie, n’est pas en soi une cassure vis-à-vis du capitalisme. La propriété publique avec la nationalisation des secteurs clés de l’économie est la vraie alternative au système du marché qui produit régulièrement des convulsions.
Déjà dans un certain nombre de pays, ce sont les organisations de travailleurs, telles que les syndicats, qui ont été forcées de défendre les « norme de vie ». Le mouvement des travailleurs a la responsabilité d’agir, de prévenir la faim et d’offrir une alternative. Les travailleurs, organisés internationalement, ont la capacité de décider de l’utilisation des ressources du monde.
Cependant, ce n’est pas juste la question de la popularisation de l’alternative socialiste; c’est un but. Récemment, lors d’un discours aux Nations Unies à New York, le président bolivien, Evo Morales, a déclaré que : « pour sauver la planète, il faut éliminer le capitalisme. » C’est absolument correct, mais de tels appels verbaux doivent mener à des conclusions concrètes à moins de ne rester que du vent. Si Morales est sérieux, son gouvernement peut servir d’exemple en mobilisant les pauvres et les travailleurs pour briser le capitalisme, et montrer que cela peut être fait. Cela sera un appel aux pauvres et aux travailleurs du monde entier pour suivre le même parcours.
L’impact brutal de l’augmentation des prix de l’alimentation va, comme le craint la Banque Mondiale, ouvrir une nouvelle période de lutes révolutionnaires et de possibilités pour construire une force socialiste de masse capable de mettre fin au capitalisme, capable de mettre fin à la misère, capable de mettre fin à la pauvreté et à la faim.
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Rage globale contre les hausses de prix de la nourriture
Les protestations contre les hausses de prix des produits alimentaires se multiplient dans le monde. Il y a déjà eu des émeutes, des manifestations ou des grèves dans 37 pays. Depuis 2000, à l’échelle mondiale, les prix de la nourriture ont augmenté de 75%. Selon Strauss-Kahn, le grand patron du FMI, des centaines de milliers de gens vont littéralement crever de faim si ces augmentations continuent. Robert Zoellick, de la Banque Mondiale, a déclaré pour sa part que 100 millions de personnes risquent de retomber dans la pauvreté.
Les hausses de prix des produits d’alimentation ont déjà mené à des actions massives à Haïti, en Egypte, au Cameroun, au Burkina Faso ou encore en Côte d’Ivoire. En Egypte, 20% des 78 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté de 2 $ par jour et 20% se trouvent juste au-dessus. Les dépenses d’une famille égyptienne pour la nourriture ont augmenté en moyenne de 50% depuis janvier. La viande devient un produit de luxe, mais le pain aussi coûte de plus en plus cher. La plus grande usine du Moyen-Orient, l’usine de textile Misr (qui compte 30.000 travailleurs) a été occupée par la police après des actions de grève.
En Côte d’Ivoire, des centaines de milliers de gens, surtout des femmes, ont manifesté dans les rues d’Abidjan pour protester contre les nouvelles augmentations des prix de la nourriture et des combustibles. Ici aussi, il y a eu des confrontations avec la police et au moins une personne a trouvé la mort. A Haïti, les manifestants ont pris d’assaut le palais présidentiel et il y a eu des morts.
Y a-t-il un manque de nourriture sans le monde ? La récolte de blé de l’année dernière a atteint 2,1 milli-ards de tonnes, dépassant de 5% l’ancien record. Pour d’autres céréales, le mauvais temps a eu un effet partiel, de même que l’augmentation de la production des agrocarburants qui dévorent des terres agricoles. Mais les causes principales de ces augmentations de prix doivent être cherchées dans la crise économique mondiale – notamment la hausse galopante du prix du pétrole et la spéculation massive qui accompagne la crise financière – et dans la répartition inégale des richesses.
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Côte d’Ivoire: Lutte victorieuse contre l’augmentation des prix de la nourriture !
Lutte victorieuse contre l’augmentation des prix de la nourriture !
L’augmentation des prix de l’alimentation est un phénomène mondial. En Afrique, les protestations augmentent, couronnées de succès en Côte d’Ivoire.
Jan Rybak, Sozialistische LinksPartei, section autrichienne du CIO
Les travailleurs et les pauvres de Côte d’Ivoire ont prouvé que la lutte contre l’augmentation des prix est non seulement possible, mais aussi qu’elle peut être victorieuse.
Des centaines de milliers de personnes, principalement des femmes, ont manifesté dans les rues d’Abidjan – la capitale de la Côte d’Ivoire – contre l’augmentation massive des prix de la nourriture et du carburant. La manifestation a été confrontée à une réponse brutale de la part de la police, qui a chargé la foule et a employé des gaz lacrymogènes. La police a aussi tiré sur la foule et a ainsi tué une femme et sérieusement blessé dix autres personnes.
La foule s’est défendue en brûlant des pneus, tout en appelant la police à les rejoindre dans leurs protestations. Après deux jours de protestations de masse, le président Gbagbo a été forcé de céder et a donc réduit le prix des denrées alimentaires de base et de l’essence.
L’augmentation importante des prix des principaux aliments signifie que chaque jour la famine touche plus de personnes. Josette Sheeran, responsable du programme alimentaire mondial de l’ONU, a commenté l’apparition d’un nouveau genre de crise alimentaire : « Nous voyons plus de faim dans les villes que jamais auparavant. Nous remarquons régulièrement qu’alors qu’il y a assez de nourriture sur les étagères, les gens sont affamés parce qu’ils ne peuvent pas se permettre d’acheter. »
Des protestations similaires à celles de Côte d’Ivoire augmentent partout à travers l’Afrique. Dans des pays comme le Cameroun, le Burkina Faso et le Sénégal, des mouvements de protestation semblables contre l’augmentation des prix de la nourriture ont eu lieu ces dernières semaines.
Ce qui s’est produit en Côte d’Ivoire est une victoire pour les travailleurs et les pauvres. Cela va élever leur confiance ainsi que leur conscience et pourrait ouvrir la voie pour de nouvelles protestations et mouvements de masse.
Pour en savoir plus:
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Cameroun : Grève générale de masse contre la hausse des prix
Interview d’un socialiste camerounais
Une grève de masse conte la hausse des prix de l’essence, de la nourriture et d’autres produits de base a paralysé la plupart du Cameroun depuis le lundi 25 février. Quelques concessions mineures ont été accordées mardi soir par le gouvernement (telles que de baisser le prix de l’essence de 600 a 594 francs camerounais) dans une tentative de mettre un terme a la grève, mais sans succès. Du gaz lacrymogène a été lancé sur les manifestants à Douala et à Yaoundé, la capitale, et on dit qu’au moins six personnes ont été tuées.
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Courrier de lecteur
Ne pas confondre émeutes et grève générale
Le titre du dernier article sur la grève au cameroun ne reflète pas correctement la réalité.
En fait, il n’y a pas eu de grève générale au Cameroun, mais une grève des transporteurs (chauffeurs de taxi pour la plupart), remarquablement suivie. Au moins là-bas, la question du "droit au travail" lors d’une grève ne se pose pas, ou alors à coup de barres de fer dans le pare-brise…
Il a bien été question d’une extension du mouvement vers le 27/2, mais le syndicat des transporteurs a vite baissé son pantalon quand il a vu que le mouvement lui échappait, et contre une réduction symbolique du pris du carburant (6 FCFA). A propos, le Franc camerounais n’existe pas, il s’agit du franc CFA, monnaie commune à plusieurs pays de la région. 1000 FCFA = 1,5 €.
Toujours est-il que la grève a empêché beaucoup de travailleurs de rejoindre leur poste…
Certains ont sans doute refusé de faire 10 km (ou plus) à pied par solidarité, mais on ne peut pas parler de grève générale décidée et organisée consciemment par la classe ouvrière camerounaise dans son ensemble.
Par contre, l’article passe sous silence certains aspects moins réjouissants de ce mouvement, tels que:
– Emeutes et pillages dans les quartiers populaires de Douala (capitale économique) et dans d’autres villes
– Violences et vandalisme dans ces même quartiers.
– Répression policière dont le bilan, difficile à évaluer, tourne autour d’une vingtaine de morts.En conclusion, d’après les nombreux témoignages que j’ai pu récolter, il n’y a pas eu de grève générale, mais une grève sectorielle très bien suivie, sur laquelle s’est greffée un large mouvement de révolte spontanée et anarchique, alimenté par l’inflation galopante et les provocations du pouvoir (projet de modification de la constitution, fermeture d’une chaîne de télé indépendante…).
Je ne critique pas ici ce mouvement spontané ni même ses manifestations les moins reluisantes, je dis simplement qu’il faut qualifier correctement ces développements.
Car c’est justement, comme l’explique le camarade camerounais, l’absence d’alternative politique réelle et cohérente, qui donne lieu à ce type de mouvement sans direction ni but précis.
La conséquence est très claire : aucune avancée pour les revendications de la population, et une répression féroce en prime. Seul point positif, il n’y a pas eu de dérapage ethnique au Cameroun.
Dans un pays ou la corruption règne en maître, la construction d’un parti ouvrier intègre et indépendant du pouvoir est plus difficile mais d’autant plus indispensable si l’on veut qu’un jour les travailleurs puissent venir à bout des parasites qui les dirigent et des autres serviteurs zélés de l’impérialisme européen.
Ce mouvement montre le pouvoir immense que possèdent les masses laborieuses et les pauvres lorsqu’ils entrent en action. Cela fait trop longtemps que le gouvernement de Paul Biya, qui dirige le pays depuis 1982, est resté impuni tandis qu’il ignore la pauvreté et les luttes de la population, qui s’est trouvée de plus en plus désespérée, tandis que l’élite corrompue se remplissait les poches. La situation est aggravée par la faillite des partis d’opposition à réellement représenter les intérêts des travailleurs et des pauvres. Ce mouvement de grève est une réelle opportunité, non seulement pour forcer le gouvernement à baisser les prix, mais aussi pour le début de la fondation au Cameroun d’un parti de masse des travailleurs et des pauvres, basé sur la lutte.
Naomi Byron (Parti Socialiste d’Angleterre et du Pays de Galle) a pu interviewer Charles Pa Douala:
« Depuis ce matin (le 26 février), plus aucune voiture ne bouge, et toute activité a stoppé, parce que les gens ne peuvent pas aller au travail. Les routes sont barricadées par la population avec des morceaux de bois et toutes sortes de matériaux, à l’exception de quelques-unes ou les véhicules de la police et de l’armée peuvent passer. Les routes ont été transformées en terrain de football par les enfants. »
« Il n’y a aucune activité; toutes les boutiques sont fermées. Aujourd’hui seulement, il y a une certaine tolérance – les gens qui vendent de la nourriture ont eu l’autorisation d’ouvrir, mais hier, ils ne pouvaient pas parce que même les magasins d’alimentation étaient bloqués. »
« Au début, c’est le syndicat des chauffeurs de transport qui a organise la grève a cause de la hausse du prix de l’essence, mais maintenant tout le monde est impliqué. Maintenant que la population a repris la grève, nous demandons la fin de la hausse du coût de la vie. Les prix doivent être abaissés, ceux du pétrole comme ceux des denrées de base comme le savon, l’huile et la farine. »
« Le prix de l’essence monte tous les mois. Ce qui a vraiment énervé les gens, c’est que le jour de notre victoire contre la Tunisie (pendant la Coupe de football des nations africaines), tandis que nous faisions la fête, le prix du pétrole a encore été augmenté. Certains d’entre nous veulent que le Cameroun soit éliminé de la Coupe des nations, parce que lorsque notre équipe nationale est en train de jouer, tout le monde est content de regarder le match et personne ne s’implique dans les luttes politiques. »
« En ce moment, le pain coute toujours 150 FC, mais le prix a en fait augmenté parce que les boulangers ont diminué la taille du pain, même si le gouvernement prétend que le volume est resté identique. Le prix de l’huile de palme, dont nous nous servons pour cuisiner, est passé récemment de 500 à 750 FC, alors que nous avons les palmiers qui la produisent ici, au Cameroun. »
« Le savon, jusqu’il y a peu, coutait encore 250 FC, mais il est maintenant à 350 FC alors que la plupart des Camerounais vivent avec moins d’un dollar par jour. Avec ces hausses de prix, nous ne pouvons plus rien acheter, même pas du savon. C’est pour ça que le gens sont si motivés par cette grève. »
« Hier, il y avait étonnamment très peu de violence de la part de la police. La police a laissé les manifestants tranquilles, se contentant d’accompagner les cortèges et de modérer les actions. Hier après-midi, dans un quartier de Douala, la foule est parvenue à capturer 21 policiers et les a gardés plusieurs heures avant de les laisser partir. Mais aujourd’hui (mardi 26 février), ils sont venus avec des véhicules armés et des lacrymos pour disperser la foule. Dès qu’ils voient une manifestation, ils tentent de la disperser. La police et l’armée n’ont pas besoin d’utiliser la force, ils ont besoin d’utiliser le dialogue. Mais parce que les décisions ne viennent pas d’eux-mêmes, ils sont obligés de suivre les ordres d’en haut. Cependant, on nous a dit : si vous voyez un officier qui utilise la violence, ne résistez pas ; trouvez simplement son nom et son adresse, et on s’en occupera. Les flics le savent, ils ont tous très peur. »
« Juste maintenant, à la prison New Bell a Douala, il y avait une grande foule de gens qui se dirigeaient vers la prison, disant qu’ils allaient défoncer les murs et libérer les prisonniers, mais ils ont été interceptés, avec des tirs de semonce pour les dissuader d’avancer. Ils voulaient rentrer dans la prison parce qu’il y a beaucoup de dirigeants du gouvernement qui ont été emprisonnés parce qu’ils ont volé de l’argent de la collectivité; la foule disait que ça ne valait pas la peine de les laisser en prison, mais qu’il valait mieux aller les rechercher et les forcer à rendre l’argent qu’ils ont volé au pays. »
« Le gouvernement doit tenter de baisser les prix. Ils disent qu’ils n’ont pas un contrôle total sur l’essence, qu’ils ne peuvent pas simplement diminuer les prix comme ça et qu’on doit leur laisser le temps. Mais on leur a donné une liste des prix auxquels les marchandises devraient être vendues pour satisfaire les gens. C’est la solution que nous recherchons. Tant que rien n’est fait, la grève continuera aussi longtemps qu’il le faut. Jusqu’à demain, s’il n’y a aucun développement favorable, les marchés resteront fermés, mais mardi, on les laissera s’ouvrir pour que les gens puissent acheter à manger; le reste de la journée, nous continuerons la grève. C’est un mouvement très populaire, d’un genre qu’ont n’a jamais vu auparavant au Cameroun. C’est une grande première ! »
« Aujourd’hui, les gens n’ont que très peu de confiance dans les figures de l’opposition, parce qu’ils ont leurs propres problèmes. Ils se concentrent sur la campagne contre la nouvelle constitution proposée par le gouvernement (qui permettrait au président Biya de rester au pouvoir après son mandat actuel qui doit expirer en 2011) mais nous, le peuple, disons que le coût de la vie est trop cher. C’est pourquoi les chefs de l’opposition refusent de diriger ce mouvement, parce qu’ils ont leurs propres intérêts à défendre, tandis que les masses continuent à construire le mouvement tandis que nous discutons. C’est plus puissant que ce que quiconque aurait cru. »
Liens:
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Cameroun: Non à la dictature ! Non au RDPC !
Récemment, le RDPC, le parti du président du Cameroun, a convoqué une réunion à Liège. Mis au courant grâce à l’un de nos camarades camerounais, plusieurs membres du Mouvement pour une Alternative Socialiste se sont rendus à cette réunion pour protester contre la dictature et contre l’implantation d’une cellule locale du RDPC en région liégeoise.
Dictature et corruption sur le dos du peuple
La situation au Cameroun, comme d’ailleurs partout en Afrique, est particulièrement préoccupante. Depuis la fin des années ’60, le pouvoir est exercé par un seul parti, l’Union Nationale Camerounaise, devenue en 1985 le Rassemblement « Démocratique » du Peuple Camerounais. Il aura fallu attendre 1991 et de nombreuses révoltes et émeutes contre la dictature pour qu’un multipartisme de façade soit instauré.
Cependant, lors des élections de 1992, le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, a réussi à se maintenir à la tête du pays en truquant les élections, comme il le fait toujours d’ailleurs. Son pouvoir est exorbitant. Entre autres :
- il est le président du parti majoritaire absolu au parlement, et chef du gouvernement,
- il nomme, récompense ou punit les magistrats,
- en tant que chef suprême des forces armées, il gère directement la police et la gendarmerie,
- il nomme les emplois civils et militaires,
- il nomme le conseil constitutionnel, la cour des comptes, ceux qui vérifient le bon déroulement des élections,…
Il faut ajouter à cela le contrôle des journaux, des radios, de la télévision…
Les études de l’ONG Transparency International font ressortir que cette dictature a deux fois été le N°1 mondial en terme de corruption (en 1999 et 2000). En 2006, le Cameroun n’était « plus » que 25e sur 163 pays… Le journal “The African Independent” a par exemple dénoncé le fait que l’ancien directeur des impôts aurait acheté son poste de ministre des finances pour 2 milliards de francs CFA (un peu plus de 3 millions d’euros). En 2004, plus de 50% des ménages camerounais ont reconnu avoir versé au moins un pot-de-vin.
Toujours d’après Transparency International, en 2005, chaque ménage camerounais aurait dépensé environ 102.500 francs CFA (156 euros) en moyenne en pot-de-vin. Cela représenterait de un tiers à un cinquième des revenus des ménages les moins aisés. Selon Christol Georges Manon, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption au Cameroun, 40% des recettes enregistrées chaque année ne servent pas le développement pour cause de corruption. La dictature a bien tenter de donner le change, mais comme le dit un avocat camerounais: « les poissons ne peuvent pas voter un budget pour l’achat des hameçons »…
Les multinationales et entreprises occidentales ne sont pas étrangères à ce processus. Le parquet de Paris a par exemple ouvert un enquête contre Total pour soupçons de corruption dans l’exploitation et la commercialisation de pétrole au Cameroun.
Les violations des droits de l’homme sont monnaie courante dans ce pays où la peine de mort est toujours d’actualité. En 2005, un exemple a particulièrement ému l’opinion internationale, celui d’une dizaine de gays camerounais emprisonnés à cause de leur orientation sexuelle différente. L’homosexualité est en effet considérée comme une infraction… Des idées que l’ont pourrait retrouver sans aucune difficulté au Front National par exemple. Il est vrai que Chantal Biya, la femme du président, est en excellents termes avec Jany Le Pen, et a d’ailleurs souhaité bonne chance à Jean-Marie Le Pen pour les élections…
Une réunion fort révélatrice…
Alors que la réunion à Liège devait commencer à 17h00, la délégation officielle n’est arrivée que sur le coup de 21h00…
Nous avons mis à profit ce long temps d’attente pour discuter avec la cinquantaine de Camerounais qui s’était déplacée. La majorité des présents étaient là pour demander des comptes aux représentants du pouvoir en place, chose qu’ils ne peuvent pas faire au pays sous peine d’emprisonnement dans des conditions extrêmements pénibles. Nous avons été très bien reçu avec nos pancartes « Non à la dictature, non au RDPC » et « Non à la Répression Dictatoriale du Peuple Camerounais », comme en témoigne la diffusion de notre mensuel, l’Alternative Socialiste, parmi la communauté camerounaise présente. Les messages de solidarité ont fusé des deux côtés, sous quelques regards un peu plus sombres…
Quand enfin la délégation officielle est arrivée, nous sommes également rentrés, silencieux, mais en brandissant toujours fièrement nos pancartes. Une discussion vive et animée s’est engagée et la police a été appelée, sous les protestations d’une partie des participants. Le temps que nous soyons jetés dehors, nous avons toutefois pu voir comment était orientée la discussion de la tribune.
L’orateur a pris la parole sans un mot d’excuse pour les 4 heures de retard, avant qu’un Camerounais indigné ne lui fasse la remarque. Pour beaucoup, c’était assez révélateur de la manière dont les choses se passent au Cameroun : on traite la population comme autant de chiens galeux, aucune raison de s’excuser de quoi que ce soit… Ensuite, les personnes présentes ont pu voter pour la seule et unique liste de responsables de la section locale qui était constituée, selon les remarques ironiques de notre camarade, majoritairement d’étudiants qui voient dans ces fonctions une manne d’argent pour faire face au coût des études qu’ils ont entrepris en Belgique.
C’est à ce moment que la police est arrivée, avec le responsable du local, bien désolé de se rendre compte un peu tard qu’il avait loué la salle à un parti dictatorial.
Quel droit avons-nous de critiquer ?
Comme nous l’ont fait remarqué certains, la Belgique est mal placée pour donner des leçons sur beaucoup de points (Charleroi, entre autres exemples, a désormais une renommée internationale…). Cependant, nous ne nous définissons pas comme des moralisateurs attachés à la Belgique, mais comme des activistes politiques attachés au sort des travailleurs, quelles que soient leurs nationalités. C’est-à-dire contre les Etats, belges ou camerounais, qui ne servent qu’à préserver l’ordre établi et l’exploitation.
S’il est vrai que la situation est bien différente en Belgique, il faut aussi voir d’où cela vient. Et là, il faut constater que la richesse d’un pays ne veut pas dire nécessairement la richesse d’une population et qu’elle se construit souvent sur le dos d’autres pays. Que dire de la colonisation du Congo par exemple ? On parle peu en Belgique de l’exploitation gigantesque qui a assassiné plusieurs millions de Congolais uniquement sous Léopold II.
Vis-à-vis du Cameroun, l’activité de certaines entreprises belges, sous le silence complice de nos dirigeants, révèle un cynisme extraordinaire. Une étude réalisée au Cameroun précise par exemple que la Belgique est le deuxième pays exportateur de poulets congelés vers le Cameroun. Ces exportations sont un véritable drame pour toute l’Afrique de l’Ouest qui voit ces arrivages de Belgique ou d’ailleurs inonder les marchés locaux à des prix 2 ou 3 fois moins chers. Conséquence : la pauvreté augmente de façon gigantesque en parallèle avec les problèmes de santé de la population.
Autre exemple, chez nous cette fois : une jetée a été construite à Nieuport – avec l’aval des autorités flamandes – en azobé, un bois en provenance du Cameroun. Problème : il ne s’agit pas de bois certifié, c’est-à-dire que la coupe a été faite de manière illégale et dans une région à la biodiversité exceptionnelle où vivent des populations subsistant directement de la forêt. Ces abattages illégaux auraient déjà fait perdre 75 millions d’euros de taxe au Cameroun. Il faut dire que la population n’aurait de toute façon pas trop vu la couleur de ces taxes et que la corruption du pays encourage ce genre de pratiques… Le relatif bien-être que nous avons dans les pays dits développés se fait en partie sur le dos de l’exploitation des populations du Tiers-Monde. Cela rend-t-il nos gouvernements moins odieux ?
Contre cette logique de profit qui mène la planète à la catastrophe, nous opposons la lutte et la solidarité des travailleurs pour une autre société, une société socialiste.
