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Présidentielles françaises : Le volcan de la lutte des classes est prêt à entrer en éruption
Le dimanche 18 mars, anniversaire de la Commune de Paris, environ 100.000 personnes (selon la plupart des rapports des médias), chantant l’internationale, ont défilé dans les rues de Paris en réponse à l’appel du candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon, pour ‘‘reprendre la Bastille’’ et commencer ‘‘une insurrection civique’’. Son discours à la manifestation était plein de références au passé révolutionnaire de la France. Mélenchon a déclaré que sa campagne électorale veut ‘‘ouvrir une brèche vers le volcan français que toute l’Europe attend’’.
Leila Messaoudi, Gauche Révolutionnaire (CIO-France)
Si, en surface, la France apparait relativement calme en comparaison à la tempête de manifestations massives et de grèves générales qui se déroulent en Europe du Sud, la lave du ‘‘volcan’’ français est en fait bouillonnante. Les élections présidentielles de cette année prennent place dans un contexte de colère sociale imminente et contagieuse. En ce moment, ceci s’exprime dans un paysage électoral très polarisé, dont le rassemblement du Front de Gauche dans la capitale ce dimanche est la plus récente manifestation, et certainement la plus claire.
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Au moment ou nous publions cet article sur la France, les tueries récentes à Toulouse ont laissé le pays en état de choc. Le CIO condamne sans ambigüité ces actes terribles. Ces évènements peuvent potentiellement affecter le développement de la campagne électorale des présidentielles dans les prochains jours et semaines. L’article ci-dessous, qui aborde la question des élections, a été écrit avant ces meurtres dramatiques.
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Il est significatif que tous les candidats à l’élection présidentielle aient été vus à la télé devant ou à l’intérieur des grandes entreprises industrielles qui risquent la fermeture, entourés par les médias. Jamais auparavant les candidats à la présidence n’avaient visité si volontiers les usines de tout le pays, dans l’espoir de se montrer comme des politiciens ‘‘amis de la classe ouvrière.’’
Polarisation
Les gens qui veulent voter n’espèrent pas nécessairement de grands changements, mais beaucoup veulent utiliser ces élections pour se débarrasser du détesté Sarkozy et lui donner une bonne claque. C’est pourquoi le camp de Sarkozy essaie désespérément de remonter ses faibles scores dans les sondages, dont en essayant de jouer la carte du « peuple » contre ‘‘l’élite’’ – comme si Sarkozy ne faisait pas partie intégrante de l’élite – en multipliant les provocations racistes pour regagner des électeurs au Front National, ou en prenant un virage populiste ‘‘anti-Europe’’ et protectionniste, après avoir profilé le président en sauveur du continent et de la monnaie commune.
En 2 ans, Sarkozy a perdu de plus en plus de soutien de la population. Depuis son élection en 2007, sa base électorale s’est drastiquement rétrécie. Attirer une partie entière de l’électorat de la classe ouvrière vers sa campagne, comme il a su le faire il y a 5 ans, parait à présent infaisable. Dans un sondage début février, seuls 12% des travailleurs manuels et 17% des employés ont déclaré qu’ils voteraient pour Sarkozy au premier tour.
Le soi-disant “Président du Pouvoir d’Achat” est maintenant largement identifié comme “le président bling-bling”, ami seulement des super-riches. Les déclarations de sa femme multimillionnaire Carla Bruni selon lesquelles le couple présidentielle vit très modestement, ou de son Ministre de l’Intérieur Claude Guéant prétendant que Sarkozy vit une vie ‘‘extrêmement austère’’ ont seulement eu pour effet d’empirer l’insulte que le mode de vie de Sarkozy représente pour les millions de personnes qui ont souffert d’une série sans fin d’attaques aux conditions de vie sous son règne.
Huit millions de personnes en France sont maintenant officiellement pauvres. Depuis que Sarkozy est au pouvoir, le chômage a monté de 20 %, mais 3 millions de chômeurs ont disparu des chiffres officiels, rayés des listes et laissés sans revenus. Une grande partie de la population est inquiète pour des raisons sociales. Une enquête publiée le 23 février par La Croix, un journal chrétien, a annoncé que 79% des gens interrogés sentaient que leur pays était en crise complète dont 66% qui déclarent qu’ils devront réduire leurs dépenses en 2012.
La campagne de Francois Hollande
Dans ce contexte, le candidat du Parti Socialiste François Hollande a compris que quelque chose devait être fait pour rattraper le large mécontentement qui existe dans la société. C’est pourquoi on peut entendre parfois des choses un peu plus à gauche dans sa campagne. Hollande se décrit comme le candidat “du changement” et de l’”unité”, et essaie de mettre l’accent sur la croissance plus que sur l’austérité dans sa campagne. Il plaide pour la création de 60.000 emplois d’enseignants s’il est élu, et se dit pour l’annulation des 29 milliards de réductions d’impôts introduites par Sarkozy. Il a aussi surpris beaucoup de monde (dont sa propre équipe de conseillers) en défendant tout à coup un impôt de 75% sur ceux qui gagnent plus d’un million d’euros par an. Il a promis de séparer les banques de détail des banques d’investissement, dénoncé les revenus des banquiers, ‘‘indécents’’, et pointé le monde de la finance comme son ‘‘pire ennemi’’.
Cependant, c’est la seule face de la médaille. Quand il a visité Londres début mars, le candidat du PS, dans une interview de presse, expliqué que ‘‘la gauche a été au gouvernement pendant 15 ans durant lesquelles nous avons libéralisé l’économie, ouvert les marchés à la finance et aux privatisations. Il n’y a rien d’inquiétant.’’ Hollande défend clairement le projet de l’Union Européenne et la diminution des déficits budgétaires. Il veut assurer qu’il soit bien clair qu’il est un administrateur responsable et tranquille, sérieusement engagé à équilibrer les comptes du pays. Par exemple, sa promesse de 60.000 enseignants supplémentaires n’est pas basée sur des dépenses publiques, mais seulement sur la limitation des embauches dans d’autres secteurs, déjà en sous-effectif.
Hollande essaie, d’un côté, de se montrer plus à gauche et plus populaire, mais de l’autre, de ne pas perdre sa crédibilité devant les marchés qu’il ne veut pas s’aliéner sur cette question. C’est pourquoi les propositions les plus ‘‘gauchistes’’ de son programme électoral sont régulièrement ‘‘corrigées’’, parfois de manière complètement contradictoire, par des manœuvres plus à droite, visant à rassurer la classe capitaliste – de même que l’aile droite de son propre parti – sur ses intentions.
Les propositions d’Hollande d’augmenter les impôts des millionnaires peuvent recueillir un certain soutien, compte tenu de l’énorme colère de classe qui existe parmi les votants français contre l’élite ultra-riche. Les profits obscènes des 40 plus grosses entreprises françaises cotées en bourse (qui atteignent 73,5 milliards d’euros en 2011), ou les 24 % d’augmentation, l’année dernière, des salaires des grands patrons (déjà les plus hauts en Europe) ne peuvent que donner des arguments à de telles propositions.
En tant que socialistes authentiques, nous sommes évidemment en faveur de toute mesure qui va dans la direction d’une répartition plus juste des richesses. Mais il est important de comprendre que même si ces impôts sont mis en place (ce qui est loin d’être certain), aussi longtemps que les principaux leviers de l’activité économique restent dans des mains privées, les possesseurs de capital n’hésiteront pas à utiliser leur pouvoir économique pour amoindrir les mesures comme celle-ci, notamment en menaçant de faire fuir leurs capitaux.
C’est pourquoi les propositions de Hollande de ‘‘taxer les riches’’ serait de courte durée ou pourrait ne même pas voir la lumière du jour. Le tête-à-queue humiliant vers l’austérité entrepris par le gouvernement PS-PCF de François Mitterrand en 1983, deux ans après son entrée en fonction, est un bon exemple qui montre qu’une politique de réformes sociales qui ne touche pas à la domination de l’économie par le capital est absolument insoutenable.
Alors que 58 % de la population française considère que François Hollande ‘‘représente un changement’’, il lui est plus facile de miser sur la haine envers le président que de tenir ses promesses une fois au pouvoir, surtout dans un contexte de crise économique où la classe dominante a partout engagé une guerre de classe acharnée contre les travailleurs et les pauvres. Pas moins significativement, selon un sondage, 61% des gens qui vont voter pour Hollande expliquent leur vote par l’idée de battre Sarkozy, et seulement 39 % par le soutien au projet de Hollande !
Le bilan néolibéral du PS au gouvernement pendant les années de la “gauche plurielle” de 1997 à 2002 était celui des privatisations qui allaient encore plus loin que ce que la droite avait fait auparavant quand elle était au pouvoir. De même, l’héritage de son parti dans les administrations régionales avertit que le pendule du PS pourrait revirer à droite très rapidement.
Néanmoins, sous pression de la classe ouvrière et ses attentes qu’Hollande amènerait “quelque chose de différent”, il pourrait essayer de gagner du temps en lâchant quelques concessions et des mesures sociales limitées dans les premiers temps de sa présidence. Son but affiché de renégocier le traité fiscal européen a soulevé des inquiétudes chez les dirigeants européens sur ses possibles tournants dans cette direction, ce qui pourrait le mener à des conflits avec l’austérité ‘‘orthodoxe’’, défendue surtout par la classe dominante allemande.
En ce qui concerne les travailleurs et les jeunes, certaines couches vont voter Hollande uniquement pour frapper un coup à Sarkozy, quoi qu’ils pensent de Hollande lui-même. Pour le moment, ces couches essaient surtout de limites les conséquences de la crise pour eux-mêmes et leurs familles, et leur principale préoccupation est, qui sera le meilleur candidat contre Sarkozy ? Dans la plupart des sondages, Hollande l’emportait au premier tour aussi bien qu’au second récemment. Cependant, les sondages des principales organisations d’enquêtes d’opinion suggèrent que le fossé entre lui et Sarkozy va maintenant diminuer, certains mettant même Sarkozy devant le candidat du PS au premier tour. Un sondage récent donnait 30% à Sarkozy et 28 % à Hollande.
S’il y a une remobilisation autour de Sarkozy, elle vient bien plus de l’appareil de son propre parti (l’UMP) que d’une vraie vague d’enthousiasme dans la société. En pratique, il a gagné peu de nouveaux électeurs depuis l’annonce officielle de sa candidature. Mais ces développements, couplés avec le scepticisme parmi certaines couches envers le passé du PS et ce qui est vu assez largement comme les ‘‘vagues promesses’’ de Hollande, ont augmenté les questionnements de certains sur la force suffisante du candidat du PS pour gagner même contre Sarkozy. Bien que ce ne soit pas la plus probable, on ne peut pas écarter l’hypothèse d’une victoire de Sarkozy. Un tel scénario ouvrirait sans doute une crise énorme dans les rangs du PS ainsi qu’une nouvelle phase de confrontation de classes explosive dans le pays.
Mélenchon et le Front de Gauche
De plus, de nouveaux troubles sont apparus dans le camp de Hollande, car un autre candidat fait de plus en plus de vagues dans la campagne présidentielle et complique l’idée d’une victoire facile pour le PS au premier tour; c’est-à-dire Mélenchon.
Pour la plupart des couches radicalisées de la classe ouvrière qui ont essayé de riposte à la politique de Sarkozy pendant 5 ans, la question des élections est double. Ce n’est pas seulement celle de virer Sarkozy mais aussi de mettre en avant en même temps une vraie alternative aux politiques des capitalistes, représentés plus ou moins par les principaux candidats de l’ordre établi.
Dans ce contexte, Mélenchon, le candidat du Front de Gauche, est vu par beaucoup de travailleurs comme le seul candidat de gauche. Environ 300.000 exemplaires du programme du Front de Gauche (l’Humain d’Abord !) se sont vendus en quelques mois.
Le Front de Gauche a été formé par une alliance entre le Parti Communiste Français et le parti de Mélenchon, le Parti de Gauche, plus petit avec pour modèle ‘‘Die Linke’’ en Allemagne. la carrière de Mélenchon a d’importantes similitudes avec celle d’Oskar Lafontaine, un dirigeant de cette organisation. Mélenchon est un ancien membre du PS et un ancien Ministre délégué à l’éducation professionnelle sous le Premier Ministre Lionel Jospin entre 2000 et 2002.
Beaucoup de travailleurs – surtout ceux qui viennent de la classe ouvrière traditionnelle et d’une culture PCF – ainsi qu’une part notable de la jeunesse assistent à ses énormes rassemblements. Notamment, à ce rassemblement de dimanche, un certain nombre de délégations de travailleurs venant d’entreprises qui sont en moment en lutte étaient présents.
Le dynamisme et l’attraction de sa campagne se reflètent dans le fait que, alors que pour la première fois depuis 1974 le PCF n’a pas de candidat à lui, le candidat que ce parti soutien trouve un écho bien au-delà de l’électorat traditionnel du PCF. Alors que Mélenchon était encore à 5-6% en septembre dernier, et 3,5% il y a un an, il a reçu un soutien de 11% dans le dernier sondage d’opinion. (Un nouveau sondage, publié le 22 mars par le journal Les Echos, lui donne 13%, seulement un demi point en dessous de la candidate Marine Le Pen du Front National, NDLR). En comparaison, aux dernières élections présidentielles il y a 5 ans, la candidate du PCF Marie-Georges Buffet n’avait obtenu que 1,93% des voix.
Mélenchon combine une rhétorique républicaine influencée par la Révolution Française et un mélange d’adresses à la classe ouvrière. Il appelle le peuple à ‘‘prendre le pouvoir’’, plaide pour une ‘‘révolution citoyenne’’, une ‘‘insurrection civique’’, et d’autres slogans paraissant radicaux qui, bien que vagues, trouvent un écho positif parmi ces couches de travailleurs, de militants et de jeunes qui cherchent quelque chose à gauche, plus radical et différent de la campagne démagogique de Hollande.
Défiant l’idée que la classe ouvrière doit payer la crise du système et accepter les politiques d’austérité, s’attaquant aux marches financiers et aux medias de masse, parlant de “planification écologique”, des droits des femmes et de l’avortement, Mélenchon ouvre un certain nombre de portes au débat que la classe dominante n’a pas forcément envie de mettre en avant.
Il plaide pour un salaire minimum de 1700 € et la retraite à 60 ans, pour la nationalisation de l’entreprise de pétrole Total rentable et des autres producteurs d’énergie. Le caractère de classe des arguments de Mélenchon contre le FN, démasquant la politique pro-capitaliste de ce parti, contraste aussi avec ce qui est entendu ces dernières années de la part de la plupart des politiciens.
Dans la crise actuelle de représentation politique de la classe ouvrière, renforcée par l’échec du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) à apporter une réponse à ce problème, les socialistes authentiques ne peuvent ignorer ces développements mais doivent, au contraire, engager un dialogue fraternel avec les couches des travailleurs et des jeunes qui regardent vers la campagne de Mélenchon avec sympathie.
En même temps, il est également nécessaire de montrer les faiblesses politiques et les limites de ce programme. Alors que Mélenchon mentionne le capitalisme, et appelle à ‘‘la fin des privilèges du capital’’, ses propositions ne vont pas jusqu’à donner un vrai moyen d’en finir avec le système, et ne montrent par une représentation compréhensible de ce que l’alternative au système pourrait être. En réalité, son programme reflète une certaine tentative de s’en prendre au capital spéculatif et financier, plutôt que de défier le fonctionnement capitaliste de l’économie en tant que tel.
Se réclamant de l’héritage de la révolution française, Mélenchon tempère sa référence au drapeau rouge, à l’Internationale et à la commune de Paris avec le drapeau tricolore de la révolution bourgeoise, la République Française et la Marseillaise. D’un côté, Mélenchon parle de solidarité avec les luttes des travailleurs Grecs ou autres, mettant en avant quelques éléments de la perspective internationaliste nécessaire ; d’un autre côté, le côté ‘‘républicain français’’ de sa rhétorique, particulièrement mis en avant dans son discours à Paris dimanche dernier, pourrait être un obstacle à s’adresser en particulier aux couches immigrées de la population. Beaucoup de personnes présentes à la manifestation dimanche n’ont pas manqué de noter le contenu faible et abstrait du discours de Mélenchon.
Plutôt que de soutenir la prise des banques et des grandes entreprises par la classe ouvrière, le projet de Mélenchon soutient dans les faits une économie hybride, avec des nationalisations limitées et un secteur public plus fort. Ainsi, si nous sommes fondamentalement d’accord avec l’idée générale que la classe ouvrière devrait ‘‘prendre le pouvoir’’ et si nous sommes en faveur d’une lutte commune, s’adressant à la classe ouvrière large, à faire campagne dans ce but, malheureusement nous pensons qu’un tel slogan de la part de Mélenchon vise tout simplement à gagner du soutien pour lui-même dans les élections, plutôt que de constituer un engagement à construire une lutte sérieuse par la majorité pour défier le capitalisme et construire une société socialiste.
Cela dit, nous croyons encore qu’un bon score pour Mélenchon serait un signe positif pour la classe ouvrière et déplacerait le débat sur la manière de construire la riposte et les politiques nécessaires contre les attaques capitalistes. Si, en ce moment, l’essentiel des militants qui maintiennent la campagne de Mélenchon sont des membres du PCF et que l’autre composante du FdG, le Parti de Gauche, reste surtout une étiquette électorale, cela ne signifie pas dire que les choses vont rester ainsi. Nous devons suivre attentivement ce que va devenir ce soutien dans la période à venir. Un appel public large de Mélenchon, suivant un fort score électoral, pour rejoindre dans les faits la riposte et transformer le succès électoral du Front de Gauche en un nouveau parti de la classe ouvrière massif, trouverait surement un écho chez beaucoup de travailleurs, de jeunes, de chômeurs et de retraités, et encouragerait la continuation de ce qui reste un débat urgent dans la situation actuelle (un débat qui a d’une certaine façon été ‘‘inaudible’’ à cause du cours désastreux suivi par le NPA) : comment construire un parti politique de masse qui pourrait défendre les millions de travailleurs et non les millionnaires.
Cependant, toute nouvelle initiative dans cette direction devra tirer les leçons de l’expérience du NPA. Ce dont la classe ouvrière a besoin n’est pas une machine électorale, mais un instrument combattif et démocratique pour l’aider à construire ses propres luttes. Un instrument qui se positionnerai sans compromis du côté des travailleurs et des opprimés, défierai l’inertie des bureaucraties syndicales, et développerai un programme qui lie les luttes de la classe ouvrière avec une réelle stratégie politique pour en finir avec la dictature des 1%.
Le NPA et la campagne Poutou
Aujourd’hui, il n’y a pas un important soutien pour les organisations de gauche comme Lutte Ouvrière ou le NPA, auparavant la Ligue Communiste Révolutionnaire. Ils font ensemble 1% dans les sondages, contre presque 10% en 2002 et plus de 5% en 2007. Cela illustre l’incapacité de ces partis à construire à partir de leurs succès électoraux passés et à s’adresser à de nouvelles couches de travailleurs et de jeunes. Le NPA n’a eu aucun profil notable dans la dernière période, et refuse de proposer une stratégie réellement anticapitaliste, basée sur la lutte contre les licenciements, appelant à la nationalisation sous le contrôle ouvrier des secteurs-clés de l’économie, et défendant une société socialiste. Le retrait d’Olivier Besancenot de la candidature NPA à la présidentielle indiquait que la direction du NPA refusait de tirer les bénéfices d’une situation politique favorable.
Le candidat du NPA, Philippe Poutou, a un bon profil comme représentant des luttes de la classe ouvrière et de ses aspirations. C’est un ouvrier industriel, un syndicaliste à l’usine Ford à Bordeaux où ils ont été victorieux contre un plan de licenciements. Sa candidature pourrait être une expression des aspirations des ouvriers à en finir avec ce système, bien qu’elle ne soit pas assez offensive contre le capitalisme. Cependant, le manque d’un réel parti derrière lui, le fait que sa candidature n’est pas connue à une échelle de masse et l’absence d’une perspective sérieuse de développer le NPA comme un outil politique indépendant pour la classe ouvrière et les jeunes va obligatoirement limiter l’attrait de Poutou. (Pour une analyse plus approfondie du NPA, lisez notre article.)
Le danger du FN
Dégoûtés par les résultats désastreux des politiques pro-capitalistes des partis traditionnels, une autre partie de la classe ouvrière et de la classe moyenne va voter pour la candidate d’extrême-droite Marine Le Pen, qui a tenté de mettre de côté les liens néo-fascistes de son père, excluant quelques néo-fascistes du parti. Marine Le Pen a eu quelques succès électoraux, surtout dans le Nord désindustrialisé, en se présentant comme la ‘‘candidate des travailleurs’’, dénonçant l’élite politique (‘‘l’UMPS’’ comme elle dit) et le ‘‘système mafieux’’, et par-dessus tout, blâmant les immigrés pour la crise par une énorme campagne raciste, visant en particulier les musulmans.
Quelques sections de la classe ouvrière, des jeunes et des pauvres, surtout ceux qui ne se sentent pas représentés (les gens des quartiers pauvres, les 2èmes et 3èmes générations des familles immigrées, etc.) n’iront pas voter du tout. Le niveau d’abstention, qui augmente à chaque élection, va probablement être encore plus élevé au premier tour, alors que la situation et l’ambiance ainsi qu’une certaine pression à aller ‘‘voter utile’’ pour virer Sarkozy ou Le Pen du 2ème tour, peuvent tempérer cela dans certaines couches (notamment parmi ceux qui sont toujours influencés par le spectre de ce qui s’est passé en 2002, quand Jean-Marie Le Pen a éliminé Jospin, candidat du PS, et est allé au 2nd tour). Cependant, à cette étape, le FN n’est pas encore vu comme aussi fortement qu’en 2002 comme un moyen de rejeter la politique du gouvernement et il n’est pas probable qu’il va répéter ce résultat.
Des luttes importantes mais isolées
Alors que maintenant la champagne électorale fait les gros titres et domine la situation politique, les lutes des travailleurs ne se sont pas arrêtées.
En effet, une autre facette de la crise, c’est les luttes qui prennent place dans les usines contre les fermetures et les licenciements et dans le service public contre les coupes budgétaires. Des luttes dans beaucoup d’entreprises (comme Peugeot et Lejaby) ont fait les gros titres des journaux pendant 2 mois et les luttes locales se développent.
Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui quittent leur emploi a un effet énorme sur le service public, surtout dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Depuis l’annonce de février des prochains budgets de l’éducation primaire, les parents et les profs luttent contre les coupes dans les écoles primaires et maternelles. Dans certaines villes, des actions continuent à être organisées pour sauver les classes et une éducation publique décente pour les enfants. Parfois, un village entier ou une ville est impliqué. Il en est de même pour les coupes dans les hôpitaux ou les fermetures de cliniques. Les grèves, dont des grèves d’une heure, se sont développées à Renault Cléon pendant deux semaines et dans d’autres usines comme à l’aciérie LME près de Valenciennes, dans le Nord de la France. Les travailleurs de la poste sont engagés dans de véritables vagues de luttes dans plusieurs endroits, certaines très longues, de plus de 50 jours, dans la région parisienne.
Malgré tout cela, il y a un manque cruel d’un quelconque lien entre les luttes pour une riposte sérieuse à l’échelle du pays. Dans la raffinerie emblématique de Pétroplus à Petit-Couronne (près de Rouen), les travailleurs ont organisé leur propre lutte depuis fin décembre avec l’implication de l’Union Locale de la CGT et un soutien important de la population locale. Tous les principaux candidats à la présidence ont rendu visite aux travailleurs. Mais le principal dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, est venu seulement le 10 février – presque à la fin de la bataille – pour soutenir surtout de ‘‘faire pression sur les politiques’’. Alors que la situation des travailleurs de Pétroplus est similaire à celle de beaucoup d’autres dans tout le pays, la direction de la CGT n’a jamais appelé à un vrai jour de grèves national contre les licenciements, les coupes budgétaires et l’austérité.
Plus généralement, il n’y a eu aucun appel des dirigeants syndicaux à lutter ensemble, n’y d’appel à une journée nationale de manifestations. Néanmoins, un énorme potentiel existe. Le 29 février, la ‘‘journée européenne contre les plans d’austérité’’, ils étaient des dizaines de milliers dans les rues bien qu’il n’y ait pas d’appel à la grève. Il y a un vrai potentiel pour une réponse massive de la classe ouvrière française et des jeunes. Mais pour le moment, elle ne trouve pas d’expression collective.
Nous ne savons pas quels vont être les résultats de l’élection, mais ce que nous tenons pour certain, c’est que la classe ouvrière et les jeunes de France n’ont pas baissé la tête.
Les luttes continuent et à cette étape, la crise est un accélérateur pour la lutte de classe et une opportunité de s’opposer aux attaques contre les conditions de vie. Mais pour que des changements conséquents arrivent et pour stopper les attaques contre nos conditions de vie, nos emplois et nos services publics, une vraie lutte dans la rue et sur les lieux de travail devra être menée. Comme de plus en plus vont tirer cette conclusion dans la période à venir, l’audience pour notre programme socialiste va augmenter, de même que la chance de tester notre programme dans le développement concret des luttes à venir.
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Réforme ou révolte ? Comment la traite des esclaves a-t-elle été abolie ?
Le commerce des esclaves entre la côte occidentale de l’Afrique et les Amériques, qui s’est étalée sur une période de 300 à 400 ans, a été une des périodes les plus barbares de toute l’histoire de l’exploitation. La capture et la vente d’Africains a fait des commerçants d’esclaves et de leurs mécènes des hommes riches ; leurs clients utilisaient le travail de leurs esclaves afin de s’enrichir à leur tour.
Hugo Pierre, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
L’accumulation de cette richesse a joué un rôle majeur dans le développement du capitalisme en Europe. Mais les souffrances infligées aux esclaves étaient immenses, et l’héritage de ce commerce est toujours bien vivant parmi nous. Cette migration forcée et brutale a été très différente par rapport aux formes d’esclavage qui existaient en Europe et en Afrique au Moyen-Âge ou même à l’Antiquité.
Nous avons des preuves que les marchés aux esclaves qui existaient à ces époques dans diverses régions d’Europe et d’Afrique étaient surtout utilisées en tant que moyens de punition, en particulier de débiteurs, ou pour l’utilisation de prisonniers de guerre. Aux Antilles, on a tout d’abord déporté des esclaves européens afin de les faire travailler dans les plantations qui produisaient les cultures et les biens destinés à la consommation européenne.
Ceci s’avéra bien problématique pour les propriétaires, puisque certains s’échappaient et n’étaient plus retrouvés, ou refusaient de se remettre à travailler. Même l’utilisation de serviteurs contractuels – des gens qui échangeaient une dette ou leur libération de service en échange d’une période de travail aux Amériques – était un problème pour leurs « propriétaires », puisque souvent les contrats étaient rompus.
L’utilisation par les Portugais d’esclaves en provenance d’Afrique occidentale fut presque accidentelle, mais ceci devint la méthode préférée d’approvisionnement en main d’oeuvre pour le système de plantations aux Amériques tout au long du 17ème siècle.
Les propriétaires des plantations développèrent un système basé sur la violence afin de réprimer les esprits de leurs captifs déjà désorientés et facilement identifiables, et une idéologie, le racisme, afin de s’octroyer la supériorité et la justification de leurs actions. Il est estimé que, grâce à la vente de 2,5 millions d’Africains, les marchands d’esclaves britanniques obtinrent 12 millions de livres de profits (l’équivalent de 900 millions de livres actuelles).
Les vies des Africains capturés étaient perçues comme autant de « marchandises » périssables par les marchands et les planteurs. De nombreux mouraient au cours du « passage » entre l’Afrique et les Amériques – dans certains cas, jusqu’à 45% des membres d’une « cargaison » mouraient au cours du voyage, mais en moyenne ce chiffre tournait autour de 30%.
L’espérance de vie sur la plantation n’était guère meilleure. En 1764, la Barbade comptait 70 706 esclaves, 41 840 autres furent amenés par négrier jusqu’en 1780. Le décompte des eclaves en 1783 révélait que ce chiffre avait baissé de 62 258 unités au cours des neuf années écoulées.
Un commerce mortel
Ce commerce d’humains n’était pas effectué que par la Grande-Bretagne, même au 18ème siècle, mais la richesse qui en découla créa de puissants partisans en faveur de sa poursuite. Il est dit qu’en conséquence de ce commerce, la ville de Bristol toute entière devint une cité de petits commerçants.
Liverpool fut transformée d’un petit village de pêcheurs en un lieu de commerce international, sa population passant de 5000 personnes en 1700 à 34 000 en 1779. Sur une période de soixante ans, 229 525 Africains furent embarqués sur des vaisseaux esclavagistes à partir de ce port. La propriété n’était souvent pas détenue par un individu, mais par un groupe d’actionnaires composé de petits commerçants et de marchands, avides de s’octroyer une part des profits.
La traite des esclaves n’était pas sans danger pour ceux qui s’y adonnaient. Les captifs eux-mêmes ne prenaient pas à la légère leur condition d’esclaves. Nous disposons de nombreux récits de vaisseaux dévastés par les esclaves surgis de leurs cales, avec même dans un cas la capture du vaisseau tout entier par les esclaves, après qu’ils aient jeté tout l’équipage à la mer.
Le système esclavagiste pratiqué dans les plantations requérait la formation d’une milice locale afin de le réguler, et l’utilisation fréquente de la Marine afin de mettre un terme à de graves troubles. Une des premières révoltes d’esclaves à la Barbade, en 1683, incluait un appel à l’unité dans la rébellion de tous les esclaves, rédigé en anglais.
A la Jamaïque, il ne se passait que rarement une décennie sans une nouvelle rébellion, qui menaçait souvent l’ensemble du système des plantations. Dans certains cas, un accord de paix était obtenu avec les rebelles en leur permettant de gérer leurs propres communautés.
Afin d’effectivement obtenir le renversement de l’esclavage, la riposte des esclaves devait être renforcée par d’autres forces de classes au sein du centre impérial lui-même. A ce sujet, en cette année du deux-centième anniversaire de l’abolition du commerce des esclaves, on parlera beaucoup du rôle de William Wilberforce, présenté comme le militant qui abolit la traite des esclaves grâce à un travail parlementaire acharné et diligent. En conséquence, Melvin Bragg, le présentateur de la BBC, a récemment consacré cet homme comme étant le plus grand de tous les politiciens anglais.
Des arguments lui furent donnés par son ami proche, William Pitt le Jeune, Premier Ministre de l’époque, selon qui l’esclavage devait être aboli parce que bien plus coûteux que l’utilisation d’ouvriers. Le point de vue de Pitt était celui d’un disciple de l’économiste du marché libre, Adam Smith, à la suite de la Guerre d’Indépendance qui avait induit la perte des colonies britanniques en Amérique.
En réalité, la principale préoccupation de Pitt était le fait que les négriers vendaient une grande partie de leurs esclaves aux colonies françaises, en particulier celle de Saint-Domingue (Haïti), renforçant par là une puissance rivale. En 1787, Wilberforce rejoignit la campagne déjà existante et connue sous le nom de Société pour l’Abolition, qui était essentiellement un groupe d epression.
Wilberforce dépensa la plupart de son énergie en rédaction de législation parlementaire. L’humeur de la jeune classe ouvrière et des pauvres était en faveur d’un changement radical. Parmi eux, se trouvaient approximativement 10 000 noirs – anciens esclaves, serviteurs et fugitifs. Le gouvernement Pitt n’avait pu parvenir à mettre en avant des réformes constitutionnelles, en particulier sur le plan électoral (à cette époque, seule une petite minorité de la population avait le droit de vote) – il considérait l’abolition comme un moyen de détourner l’attention.
Mais dans l’espace d’un an, le lancement d’une pétition, couplée à des rassemblements de masse dans les villes, petites et grandes, organisés par d’anciens esclaves tels qu’Olaudah Equiano, venus raconter leur vécu, s’articula autour des préoccupations globales des masses ouvrières et pauvres.
A Manchester, 10 000 hommes (les femmes n’étaient pas encouragées à signer la pétition, bien qu’elles trecherchaient souvent à le faire) signèrent la pétition – plus de la moitié de la population mâle adulte de la ville. Malgré cela, la première action de Wilberforce au Parlement fut refusée par la Chambre des Communes en 1789. Mais de plus grands événements allaient intervenir.
La révolution française
A partir des années 1870, la colonie française de Saint-Domingue était devenue la plus prospère des îles des Caraïbes. Elle produisait plus de sucre, de café et de tabac qu’aucune autre, non seulement en termes de quantité, mais aussi de qualité. Ceci permit à la France et aux marchands impliqués dans lîle de s’enrichir.
De la même manière que Liverpool, Bristol et London s’étaient développées sur base du commerce des esclaves, les villes de Nantes, Bordeaux et Marseille grandissaient. En 1789, les tensions sous-jacentes entre la richesse de la nouvelle classe de marchands et la monarchie explosèrent en un mouvement de masse, avec la prise de la Bastille et le début de la Révolution française.
Cette révolution fut le signal de la fin du féodalisme en France, et posa les bases d’une société capitaliste moderne. Bien que cette révolution n’était pas une révolution socialiste, mais bourgeoise, ce furent les masses pauvres, les sans-culottes, qui menèrent le processus révolutionnaire de plus en plus en avant.
Dans les colonies, la révolution divisa les Blancs en différents camps. Les métis libres et parfois riches de Saint-Domingue (qu’on appelait les « mulâtres ») choisirent leur camp, et firent pression pour obtenir plus de droits. Les Blancs déclenchèrent contre eux et contre la majorité noire de la population la terreur et la violence. Mais les divisions entre les Blancs fournirent à tous les autres l’occasion de dresser la bannière de la liberté.
En particulier, à la fin de 1789, les « mulâtres » demandèrent à l’Assemblée Constitutante en France d’être traités comme des égaux par rapport aux Blancs. Ils désiraient toujours avoir accès à de la main d’oeuvre sur leur île, et par conséquent ne demandèrent pas de droits pour les Noirs.
L’Assemblée était alors dominée par l’aile droite de la révolution, qui désirait obtenir des droits pour les nouveaux riches capitalistes, mais était terrifiée par le potentiel des masses qui avaient saccagé la Bastille. Après beaucoup d’hésitations, seule une minorité des métis purent obtenir des droits.
Mais les divisions parmi les classes dirigeantes – la royauté et l’aristocratie contre la nouvelle couche émergente de capitalsites –, comme dans toute révolution, allait donner confiance aux masses. Ceci se vérifia pour les ouvriers et paysans de France mais aussi pour les Noirs de Saint-Domingue, qui croyaient à la nécessité de faire pression pour leurs revendications, mais cette fois-ci, jusqu’au bout.
A partir de 1791, Saint-Domingue explosa et une guerre de classe débuta, qui sépara aussi les Blancs, les Noirs et les métis. Très rapidement, Toussaint L’Ouverture émergea en tant que dirigeant des esclaves. Son armée emprunta de très nombreuses différentes routes et positions afin de se battre pour l’émancipation.
Mais la France révolutionnaire était aussi attaquée sur le plan international. Parmi les agresseurs se trouvait l’impérialisme britannique, qui luttait contre les Français pour l’hégémonie dans les Antilles, et qui lança une guerre en vue de conquérir les possessions françaises, en particulier Saint-Domingue.
Saint-Domingue étant dans les faits divisée sous le contrôle de trois forces différentes, et devant faire face à l’invasion britannique, le nouveau gouverneur n’avait d’autre option que de déclarer l’abolition totale de l’esclavage, en 1793, et de mettre sous ses ordres l’armée de Toussain L’Ouverture. Les masses en France s’étaient également mises en branle pour défendre leurs intérêts, et en 1794 l’Assemblée, maintenant contrôlée par les Jacobins – la gauche – abolit l’esclavage.
Révolte dans les Antilles
Le drame de la révolution fut dans son ensemble joué à Saint-Domingue. Mais les conséquences de la Révolution française ébranlèrent l’ensemble des Antilles françaises : des révoltes d’esclaves se produisirent à la Martinique, en Guadeloupe, et à Tobago. La bannière « Liberté, égalité, fraternité » inspira les esclaves.
A Sainte-Lucie, les esclaves prirent le contrôle de l’île de 1795 à 1796, après en avoir expulsé les troupes britanniques. Une fois que la Grande-Bretagne eût repris le contrôle, elle obtint la « paix » en acceptant de transformer l’armée d’esclaves en un régiment Ouest-Africain. La Marseillaise était toujours chantée par les jeunes dans les villages dans les années 30 et 40 !
Les travailleurs et les radicaux britanniques reprirent eux aussi la bannière de la Révolution française, et soutinrent Tom Paine lorsque celui-ci rédigea ses Droits de l’Homme.
La guerre contre la France affaiblit le soutien parlementaire en faveur de l’abolition. A cette époque comme maintenant, le Parlement décréta une série de mesures répressives afin de faire taire l’opposition à la guerre qui vivait parmi la classe ouvrière et les pauvres. En 1795, en l’espace de trois semaines, trois manifestations fortes de plus de 150 000 personnes défilèrent sous les slogans de « A bas Pitt ! », « Non à la guerre ! », « A bas le roi ! ».
Wilberforce soutint la politique étrangère de Pitt contre la France, de même que sa politique intérieure de répression. A ce moment, il ne fit que maintenir ses suggestions visant à ouvrir un débat sur l’abolition au Parlement.
La révolution en France devait encore connaître de nombreuses vicissitudes. Dix ans après qu’elle ait débuté, Napoléon Bonaparte arriva au pouvoir. De nombreux gains de la révolution en faveur des sans-culottes furent annulés, mais le passage d’un système de propriété féodale à un système de propriété capitaliste fut maintenu.
Napoléon réinstaura l’esclavage, mais Toussaint L’Ouverture avait prédit la réaction des esclaves de Saint-Domingue dès 1797 dans une lettre au Directoire français :
« Pensent-ils que des hommes qui ont été capables d’apprécier la bénédiction de la liberté vont calmement la leur voir arrachée ? Ils ne supportaient leurs chaînes que tant qu’ils ne connaissaient pas d’autre condition de vie plus heureuse que l’esclavage. Mais aujourd’hui, alors qu’ils l’ont quittée, quand bien même ils disposeraient d’un millier de vies, ils les sacrifieraient toutes plutôt que d’être à nouveau contraints à l’esclavage. »
Les masses noires de Saint-Domingue lancèrent une insurrection qui allait mener à la fin de la tutelle française et à l’indépendance. Le joyau colonial de la France, que la Grande-Bretagne avait tenté de lui voler, resterait exempt de l’esclavage.
Le mouvement radical en Grande-Bretagne reflua vers la voie parlementaire. A partir de 1806, des parlementaires plus radicaux (bien que capitalistes) furent élus au Parlement. L’impérialisme britannique, libéré de la lutte pour Saint-Domingue, se tourna de plus en plus vers les richesses de l’Inde plutôt que vers celles des Caraïbes.
Qui plus est, la flotte française, décimée à Saint-Domingue, ne représentait plus la même menace pour la politique et les intérêts britanniques. Aux Antilles, il était clair que la menace de révolte constante allait accroître par l’import continu de nouveaux esclaves en provenance d’Afrique. La loi d’Abolition de l’Esclavage fut signée en 1807, pour être mise en application en 1808.
L’héritage du mouvement
Des dizaines de milliers d’Africains furent encore capturés et vendus pendant des décennies. On trouva rapidement des lacunes dans la Loi, et le recours à des activités illégales telles que l’utilisation de contrebandiers, de fronts étrangers pour les marchands britanniques, de même que toute une série d’autres mécanismes, permirent aux colons de satisfaire leur soif de main d’oeuvre pour leurs plantations.
Mais le commerce des esclaves et l’esclavage lui-même furent finalement abolis en Grande-Bretagne en 1833 par l’action de la classe ouvrière et les révoltes et la résistance continues des Noirs maintenus en captivité.
Aujourd’hui, la classe dirigeante ne peut même pas souffrir de devoir faire des excuses pour les atrocités de l’esclavage, de peur d’être assaillie de demandes de réparations.
En 1833, vingt millions de livres (l’équivalent de 1,5 milliards de livres actuelles) furent offertes aux propriétaires d’esclaves en compensation. L’héritage dévastateur laissé par l’esclavage – l’idéologie raciste, la destruction des civilisations et communautés africaines, la mort et la déportation de 10 à 30 millions de gens, la destruction de la vie des familles noires dans les colonies – persiste encore de nos jours.
Toutefois, l’héritage laissé par le mouvement pour l’abolition consiste en la preuve que les masses, et en particulier la classe ouvrière et les pauvres – Noirs comme Blancs – peuvent lutter ensemble pour obtenir des changements décisifs. De nos jours, seul le contrôle socialiste, la distribution et l’utilisation démocratique de l’énorme richesse qui existe partout dans le monde peuvent mettre un terme à leur exploitation et à leur divison de manière décisive.
« Victimes de l’avarice »
« Enfin, lorsque le vaisseau dans lequel nous nous trouvions eût chargé toute sa cargaison, ils s’apprêtèrent, avec de nombreux bruits effrayants, et nous fûmes tous placés sous le pont, de sorte que nous ne puissions pas voir comment ils manoeuvraient leur embarcation. Mais cette déception était le moindre de mes soucis.
La puanteur de la cale, alors que nous étions encore sur la côte, était si intolérable, si répugnante, qu’il était dangereux pour nous d’y demeurer même pour une courte période, et certains d’entre nous avaient reçu l’autorisation de rester sur le pont pour y profiter de l’air frais ; mais maintenant que l’ensemble de la cargaison du vaisseau y était confinée, l’air y devint absolument pestilentiel.
L’étroitesse de l’endroit et la chaleur du climat, ajoutées au nombre de gens dans le vaisseau, qui était si plein que chacun y avait à peine assez d’espace que pour se retourner, nous suffoquèrent presque.
Ceci produisit une copieuse perspiration, de sorte que l’air devint bientôt inapte pour la respiration, chargé d’odeurs répugnantes, et amena une maladie parmi les esclaves, parmi lesquels de nombreux périrent, devenant par là victimes de l’avarice irréfléchie, si on me permet de l’appeler ainsi, de leurs acheteurs. »
Olaudah Equiano, ex-esclave et militant anti-esclavage
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France. Les syndicats appellent à un jour de grèves et d’actions nationales.
Un front commun des confédérations syndicales françaises préparent un jour d’actions et de grèves ce mardi 04 octobre. Cela sera le troisième jour d’actions nationales cette année, se déroulant dans une période de colère montante au sujet des salaires, de la sécurité de l’emploi et des privatisations.
Karl Debbaut
Les syndicats dénoncent la vague de réformes néolibérales introduites par le gouvernement français, dirigé par le Premier Ministre Dominique de Villepin et le ministre sans portefeuille, Nicolas Sarkozy.
Ils ont, par exemple, introduit des nouveaux contrats de 2 ans pour des personnes travaillant dans des firmes employant moins d’une vingtaine d’employés. Cela dans le but de miner les droits des travailleurs et de faciliter les licenciements. En même temps, ils discutent beaucoup de renforcer les contrôle sur les allocations sociales, d’accélérer la privatisation de Gaz de France et d’Electricité de France et de vendre les péages d’autoroute au secteur privé.
Cette grève est un premier grand test pour Dominique de Villepin, le nouveau Premier Ministre, en poste depuis seulement quatre mois. En effet, celui-ci remplaça son ‘camarade de parti’ Raffarin, qui, lui, avait été frappé de plein fouet par le NON au référendum sur la Constitution Européenne. De Villepin a passé son premier mois à faire des déclarations dans lesquelles il défendait le ‘modèle social français’. Nicolas Sarkozy, le ‘patron’ du parti au gouvernement, l’UMP, est lui aussi un fervent politicien néolibéral. Il se prépare à un nouveau défi : devenir le prochain président français, en appliquant de féroces attaques sur les droits des travailleurs, sur les allocations et sur l’emploi dans le secteur public. Toute cette politique de répression ne peut être stoppée que si les syndicats organisent sérieusement la lutte pour la défense de leurs membres.
Les marins protestent contre les plans de privatisation
Le mardi 26 septembre, l’élite des forces armées du GIGN ont débarqué sur un ferry Corse, celui-ci étant au centre de la lutte contre la privatisation de la SNCM. Les marins protestaient contre les plans du gouvernement français de vente de la part de l’Etat français de la compagnie de Ferry SNCM à une compagnie française d’investissements (Butler Capital Partners). Cette compagnie annonça qu’elle comptait réorganiser la SNCM, ligne de ferry qui transporte 1,25 millions de passagers par an entre Marseille et la Corse, et qu’elle pourrait licencier jusqu’à 400 travailleurs de la compagnie qui en compte 2400.
En protestation à ces plans de licenciements, environ 30 marins, membres de la CGT et de la STC ont prit le contrôle de l’un des bateaux de la compagnie et ont quitté le port de Marseille mardi passé. Le GIGN, force d’intervention anti-terroriste, est intervenu avec une dizaine d’hommes à l’aide d’hélicoptères Puma et ont reprit contrôle du bateau. Les marins ont été menottés, enfermés dans les cabines du bateau, forcés de se mettre à genoux sur le pont du bateau et arrêtés pour détournement, un crime pour lequel ils peuvent être condamnés jusqu’à 20 ans de prison.
La dramatique démonstration de force des autorités françaises n’a pas impressionné les travailleurs des ports de Marseille et Bastia. A Bastia, des émeutes se dont déroulées et la police a dû intervenir avec 200 policiers anti-émeute. Une bataille rangée avec plus de 1000 travailleurs s’est déroulée pendant 4 heures la nuit de mardi passé. La CGT a ensuite appelé à une grève de 24 heures à Marseille, qui a, en fait, complètement paralysé le plus gros port français. Les travailleurs ont aussi alors voté l’extension de la grève, bloquant ainsi l’accès au complexe pétrochimique et au port pétrolier clé de Fos-sur-Mer.
Manifestations et grèves le 4 octobre
Les syndicats ont appelé à des manifestations à Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg, Bordeaux et Montpellier pour ce mardi 04 octobre. Ces manifestations vont attirer des milliers de personnes et seront accompagnées de grèves dans le secteur public et dans certaines compagnies du secteur privé. Des membres de la Gauche révolutionnaire (section sœur du MAS en France) participeront à ces actions.