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  • Liège. Il faut retirer la photo d’Aung San Suu Kyi de l’exposition ‘‘Plus jamais ça’’!

    L’exposition permanente ‘‘Plus jamais ça’’ des Territoires de la Mémoire à La Cité Miroir, à Liège, constitue une bonne et accessible introduction aux horreurs du fascisme. Elle se veut engagée et appelle à la résistance. Il est bien entendu important que de telles expositions existent.

    Par Liesbeth et Geert (Anvers)

    Malheureusement, à la fin de l’exposition, cet appel à la résistance se limite à quelques représentations d’institutions internationales du capitalisme et de personnalités connues. Comment l’Union européenne pourrait-elle bien constituer une solution face aux organisations fascistes contemporaines telles qu’Aube Dorée en Grèce ? La croissance du soutien de ce parti d’extrême droite a justement reposé sur le désastre social causé par la politique austéritaire dictée par l’UE. L’exposition se termine par des images de trois personnalités considérées comme des symboles de la résistance : Martin Luther King, Nelson Mandela et Aung San Suu Kyi. L’image de cette dernière personnalité clôture l’exposition.

    Pour des activistes politiques tels que nous, ce fut le choc : il est impensable qu’une dirigeante politique qui laisse des extrémistes bouddhistes racistes commettre un génocide contre la population Rohingya au Myanmar puisse être reprise comme un symbole de résistance contre le racisme ! En 2015 déjà, nous nous sommes impliqués dans l’organisation de la première manifestation belge contre le génocide commis contre les Rohingyas. Nous avons continué à mener campagne contre ce génocide et nous voyons maintenant Aung San Suu Kyi dans un musée de la résistance contre les horreurs du fascisme, de racisme et du génocide…

    Les auteurs de l’exposition doivent tout de même avoir remarqué qu’Aung San Suu Kyi a non seulement refusé de dénoncer le génocide contre les Rohingyas, mais aussi qu’elle est même allée plus loin en défendant cette violence et s’en prenant aux opposants de cette politique. Même l’ONU qualifie les Rohingyas de minorité la plus persécutée au monde.

    Dans le meilleur cas, la représentation d’Aung San Suu Kyi dans cette exposition est une erreur commise il y a quelques  années de cela (l’exposition existe depuis 4 ans). Mais après les événements survenus ces trois dernières années, le temps n’a pas manqué pour corriger cela.

    Cette aberration résulte probablement d’une approche trop ancrée dans la logique néolibérale dominante qui présente les processus historiques comme étant l’œuvre de l’activité d’individus. Cela était déjà frappant dans la manière d’expliquer l’accession d’Hitler au pouvoir. L’exposition fait à juste titre référence à la période de crise et de chômage de masse instrumentalisée par les nazis afin de disposer d’une assise plus large dans la société. Mais cela ne valait visiblement pas la peine de mentionner l’existence de mouvements de masse et d’explosions révolutionnaires de la part du mouvement ouvrier allemand. Cependant, l’impact du désespoir contre-révolutionnaire des fascistes sur la société ne peut être compris qu’en parlant de l’échec de l’espoir révolutionnaire d’un meilleur avenir et d’une autre société. C’est cet échec qui a ouvert la possibilité au mouvement fasciste de disposer d’un soutien plus large. Le danger révolutionnaire est également ce qui a conduit certains grands capitalistes à activement soutenir le mouvement fasciste. Ce n’est peut-être pas possible d’aborder tous ces éléments dans le cadre d’une exposition qui se veut très accessible, y compris pour des lycéens. Mais ce silence réduit en grande partie l’essor du fascisme à la personnalité d’Adolf Hitler.

    Si le problème se réduit essentiellement à une question de personnalités, alors la résistance peut, elle aussi, être présentée de cette façon. L’appel à la résistance n’est d’ailleurs pas présenté comme une adresse à chacun d’entre nous – même si l’exposition commence fort avec une référence au fameux poème de Martin Niemöller (‘Quand les nazis ont arrêtés les communistes’) – et surtout pas comme un appel à construire un mouvement organisé. Mais il est bien entendu dangereux de mettre en avant la résistance en utilisant l’image d’une personnalité de l’establishment capitaliste : l’oppression, la guerre et le génocide sont enracinés dans ce système.

    Nous avons besoin d’une résistance antifasciste et antiraciste pour assurer que ce qui s’est passé avec le fascisme ne puisse plus jamais se reproduire. Nous n’y parviendrons pas en plaçant nos espoirs dans l’establishment capitaliste, sous couvert ou non de vagues références à la démocratie et aux droits humains comme alternative au fascisme et à l’extrême droite (sans donner un contenu de classe à ces alternatives). Le fascisme est né de la crise du capitalisme et de l’échec du mouvement ouvrier à offrir une issue. Le mouvement des travailleurs est la seule force capable d’offrir une alternative à la crise du capitalisme et au fascisme. Aujourd’hui, les extrémistes de droite (des néo-fascistes traditionnels aux populistes de la prétendue nouvelle droite) peuvent encore disposer d’un certain espace, même s’il est beaucoup plus limité que celui dont ont bénéficié les nazis de l’époque.

    Notre lutte antifasciste exige de disposer d’un programme et d’un mouvement en faveur d’un progrès social pour tous. A notre avis, cela implique de rompre avec le capitalisme. Pour parvenir à une autre société, toute forme de division représente un obstacle. De plus, la lutte contre une forme d’oppression est affaiblie si l’on reste silencieux sur d’autres formes d’oppression. Voilà pourquoi, en tant qu’antifascistes marxistes, nous avons été les premiers en Belgique à organiser une manifestation en juillet 2015 à Anvers en compagnie d’activistes d’origine asiatique contre la persécution des Rohingya en Birmanie ou encore pourquoi nous avons mené une campagne à la VUB pour que le doctorat honoris causa d’Aung San Suu Kyi lui soit retiré.

    Nous espérons que La Cité Miroir et les Territoires de la Mémoire retireront l’image d’Aung San Suu Kyi de cette exposition, ne fut-ce que par respect envers les victimes Rohingyas de Birmanie.

  • Nettoyage ethnique en Birmanie. Silence assourdissant d’Aung San Suu Kyi

    Quand la VUB va-t-elle lui retirer son doctorat honorifique ?

    Le conflit entre le gouvernement du Myanmar (Birmanie) et la population Rohingya de l’État d’Arakan (que le régime birman actuel appelle Rakhine) s’est intensifié ces derniers mois en raison d’une crise humanitaire majeure. Plus de 400.000 personnes ont fui vers le Bangladesh voisin. Des dizaines de milliers de personnes tentent de survivre dans des camps de réfugiés.

    Par Clare Doyle

    Le Premier ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a déclaré que ces réfugiés devraient revenir. Un grand camp temporaire a été installé, mais il a tout d’une prison. Il est interdit aux populations locales de donner assistance aux réfugiés même s’ils sont de la même famille. Le gouvernement du Myanmar interdit même toute intervention des organisations humanitaires. Le Conseil de sécurité de l’ONU a formellement condamné la violence en cours, le secrétaire général Antonio Guterres parlant ouvertement de nettoyage ethnique.

    Aung San Suu Kyi

    Aung San Suu Kyi est de facto devenue la dirigeante politique du Myanmar après que son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), ait obtenu 60% des voix aux élections législatives de 2015. Il s’agissait des premières élections libres après 50 ans de régime militaire. Aujourd’hui, les critiques s’élèvent partout à travers le monde contre Aung San Suu Kyi et son immobilisme face aux violences dont les Rohingyas sont victimes.

    Lorsqu’elle a enfin rompu son silence, après deux semaines, elle a simplement déclaré que les événements avaient fait l’objet de ‘‘beaucoup de désinformation’’. Pareil déni de la réalité fait penser à Donald Trump. Au même moment, les preuves de crimes et de massacres de civils innocents s’étalaient dans les médias du monde entier.

    Amnesty International a qualifié le discours d’Aung San Suu Kyi au parlement du Myanmar le 19 septembre d’‘‘un mélange de contrevérités et de blâme des victimes’’. Elle n’a pas abordé la violence militaire soutenue par les autorités et a affirmé que le gouvernement avait amélioré les conditions de vie des musulmans de Rakhine.

    Divers défenseurs des droits de l’Homme et institutions universitaires réclament que le prix Nobel de la paix d’Aung San Suu Kyi lui soit retiré. Cette récompense lui avait été accordée pour son opposition au régime militaire, opposition qui lui avait valu 15 ans d’assignation à résidence.

    Nous avons toujours défendu que la résistance passive d’Aung San Suu Kyi ne serait pas suffisamment forte pour en finir avec les décennies de régime militaire et que les masses devaient être mobilisées. Pour le capitalisme occidental, Aung San Suu Kyi a longtemps été un intéressant partenaire. Elle a ouvert le pays au commerce et aux investissements extérieurs. Mais il semble maintenant que la politique du Myanmar soit beaucoup plus déterminée par le contexte militaro-industriel chinois, dont l’influence est croissante dans la région.

    Des excuses pour les meurtres de masse

    L’armée du Myanmar détient le pouvoir fermement en main, à la fois dans la société et dans l’industrie. Les exactions commises à l’encontre de la population Rohingya (plus d’un million de personnes) sont présentées comme des opérations anti-terroristes. Mais c’est la terreur que fait régner l’armée avec le soutien des extrémistes bouddhistes nationalistes qui pousse certains jeunes dans cette direction.

    Le 25 août, les combattants de l’Armée du salut des rohingya de l’Arakan (ARSA) ont attaqué 30 postes de police et bases militaires. L’armée a déclaré qu’ils avaient aussi appelé la population à ‘‘l’émeute’’. Un peuple opprimé a le droit de se défendre, de manière armée si nécessaire. Mais, sans mouvement de masse, une telle tactique ne peut en soi fournir de solution à long terme. L’État instrumentalise cela comme prétexte pour réprimer toute une population.

    La riposte de l’armée face aux attaques du mois d’août fut une sanglante campagne de vengeance sans précédent. Des centaines de civils ont été tués, au moins 500 villages ont été brûlés et des centaines de milliers de personnes ont dû prendre la fuite, y compris des non-Rohingyas.

    Les Rohingyas

    Les Rohingyas vivent depuis le XIIe siècle dans cette région qui fait depuis partie du Myanmar. À l’époque coloniale, l’Empire britannique a joué sur les tensions ethniques pour asseoir sa domination.

    Des combattants tels que Aung San, le père d’Aung San Suu Kyi, ont joué un rôle crucial pour mettre un terme à la domination coloniale britannique et pour accéder à l’indépendance en 1948. Peu avant cela, Aung San et ses compagnons avaient été tués. En 1962, les généraux qui ont pris le pouvoir et ont procédé à des nationalisations de secteurs économiques, mais sans qu’il n’y ait de droits démocratiques ou de contrôles par la population.

    Plus tard, en août 1988, un soulèvement héroïque d’ouvriers et d’étudiants a failli renverser la dictature. Mais ils n’y sont pas parvenus, faute d’avoir accumulé l’expérience nécessaire et de disposer d’un parti théoriquement équipé pour poursuivre la révolution. Une intense période de répression s’en est suivie qui n’a été que temporairement interrompue par un nouveau mouvement en 2007.

    Les droits des minorités

    Le Myanmar comporte une majorité bouddhiste. Les Rohingya ont longtemps été une minorité opprimée. 135 groupes ethniques sont reconnus dans le pays, mais les Rohingya n’en font pas partie. Depuis 1982, ils ne sont même plus reconnus comme résidents du pays. Aux élections de 2015, le parti d’Aung San Suu Kyi ne disposait d’aucun candidat de cette communauté.

    Parmi les diverses minorités ethniques, beaucoup ont voté pour Aung San Suu Kyi dans l’espoir que ces élections puissent conduire à une plus grande autonomie locale et à un système fédéral face à une armée qui a pillé les richesses naturelles dans les régions du pays où vivent les minorités ethniques. Mais Aung San Suu Kyi ne s’intéresse pas au sort des Rohingyas et des autres minorités.

    Plusieurs pays d’Asie du Sud-Est comportent une majorité musulmane, parmi lesquels la Malaisie, un pays relativement riche. Cependant, tous les pays de la région ferment leurs portes aux Rohingyas.

    Stopper le cauchemar

    Beaucoup de gens se demandent comment mettre un terme à la souffrance des Rohingyas. Des actions de solidarité ont eu lieu au Myanmar, organisées par des personnes issues d’autres communautés. Des actions ont également eu lieu au Bangladesh, en Indonésie et ailleurs.

    La lutte pour défendre les minorités persécutées ne peut pas être détachée du combat de tous les travailleurs contre notre ennemi commun le patronat et les défenseurs de ce système. Les politiciens capitalistes et les institutions internationales réclamant la justice ne peuvent rien faire ou se contentent de verser des larmes de crocodile. Ces politiciens et leur système mènent à la guerre et à la division. Ils ont peur d’une révolte massive des travailleurs et des pauvres.

    Les défenseurs du socialisme se renforceront dans les mouvements sociaux à venir. Il est nécessaire de créer une nouvelle société dans laquelle les droits de toutes les minorités seront reconnus, jusqu’au droit à l’autodétermination, au sein d’une fédération volontaire d’États socialistes.

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    Docteur honoris causa à la VUB

    Lorsque Kris Peeters s’est rendu au Myanmar pour parler à Aung San Suu Kyi, il voulait lui remettre un doctorat honoris causa de l’Université catholique de Louvain. Cela ne s’est pas fait, mais un doctorat honoris causa lui a tout de même été donné par la VUB (Vrije Universiteit Brussels). La VUB reviendra-t-elle sur cette décision ? Les politiciens traditionnels qui s’étaient rendus jadis avec tant d’enthousiasme au Myanmar vont-ils enfin publiquement se prononcer contre la violence à l’encontre des Rohingyas?

  • La “zone d’exclusion aérienne” et la gauche

    Les puissances impérialistes ont mis en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye afin de protéger leurs propres intérêts économiques et stratégiques et de restaurer leur prestige endommagé. Il est incroyable de voir que certaines personnes de la gauche marxiste soutiennent cette intervention militaire.

    Peter Taaffe – article paru dans Socialism Today, le magazine mensuel du Socialist Party (CIO – Angleterre et Pays de Galles)

    La guerre est la plus barbare de toutes les activités humaines, dotée comme elle l’est dans l’ère moderne de monstrueuses armes de destruction massive. Elle met aussi à nu la réalité des relations de classe, nationalement et internationalement, qui sont normalement obscurcies, cachées sous des couches d’hypocrisie et de turpitude morale des classe dirigeantes. Elle est l’épreuve ultime, au côté de la révolution, des idées et du programme, non seulement pour la bourgeoisie, mais égalemet pour le mouvement ouvrier et pour les différentes tendances en son sein.

    La guerre en cours en ce moment en Libye – car c’est bien de cela qu’il s’agit – illustre clairement ce phénomène. Le capitalisme et l’impérialisme, déguisés sous l’étiquette de l’“intervention militaire à but humanitaire” – totalement discréditée par le massacre en Irak – utilisent ce conflit pour tenter de reprendre la main. Pris par surprise par l’ampleur de la révolution en Tunisie et en Égypte – avec le renversement des soutiens fidèles de Moubarak et de Ben Ali – ils cherchent désespérément un levier afin de stopper ce processus et avec un peu de chance de lui faire faire marche arrière.

    C’est le même calcul qui se cache derrière le massacre sanglant au Bahreïn, perpétré par les troupes saoudiennes, avec un large contingent de mercenaires pakistanais et autres. Aucun commentaire n’est parvenu du gouvernement britannique quant aux révélations parues dans l’Observer au sujet d’escadrons de la mort – dirigés par des sunnites liés à la monarchie – et au sujet de la tentative délibérée d’encourager le sectarisme dans ce qui avait auparavant été un mouvement non-ethnique uni. Les slogans des premières manifestations bahreïniennes étaient : « Nous ne sommes pas chiites ni sunnites, mais nous sommes bahreïniens ».

    De même, les “dirigeants du Labour” – menés par le chef du New Labour Ed Miliband, qui a promis quelque chose de “différent” par rapport au régime précédent de Tony Blair – sont maintenant rentrés dans les rangs et soutiennent la politique de David Cameron en Libye et l’imposition de la zone d’exclusion aérienne. 

    Il est incroyable de constater que cette politique a été acceptée par certains à gauche, y compris quelques-uns qui se revendiquent du marxisme et du trotskisme. Parmi ceux-ci, il faut inclure Gilbert Achar, qui a écrit des livres sur le Moyen-Orient, et dont le soutien à la zone d’exclusion aérienne a au départ été publié sans aucune critique dans International Viewpoint, le site internet du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (SUQI). Son point de vue a toutefois été répudié par le SUQI par après.

    Mais on ne peut par contre pas qualifier d’ambigüe la position de l’Alliance pour la liberté des travailleurs (Alliance for Workers’ Liberty, AWL). Les cris stridants de cette organisation, en particulier dans ses critiques d’autres forces de gauche, sont en proportion inverse de ses faibles forces et de son influence encore plus limitée au sein du mouvement ouvrier. L’AWL a même cité Leon Trotsky pour justifier l’intervention américaine avec la zone d’exclusion aérienne. Un de leurs titres était : « Libye : aucune illusion dans l’Occident, mais l’opposition “anti-intervention” revient à abandonner les rebelles » Un autre titre impayable était : « Pourquoi nous ne devrions pas dénoncer l’intervention en Libye » (Workers Liberty, 23 mars).

    Ces derniers exemples sont en opposition directe avec l’essence même du marxisme et du trotskisme. Celle-ci consiste à insuffler dans la classe ouvrière et dans ses organisations une indépendance de classe complète par rapport à toutes les tendances de l’opinion bourgeoise, et à prendre les actions qui en découlent. Ceci s’applique à toutes les questions, en particulier pendant une guerre, voire une guerre civile, ce dont le conflit libyen comporte clairement des éléments.

    Il n’y a rien progressiste, même de loin, dans la tentative des puissances impérialistes que sont le Royaume-Uni ou la France de mettre en place une zone d’exclusion aérienne. Les rebelles de Benghazi ne sont que menue monnaie au milieu de leurs calculs. Hier encore, ces “puissances” embrassaient Mouammar Kadhafi, lui fournissaient des armes, achetaient son pétrole et, via Tony Blair, visitaient sa “grande tente” dans le désert et l’accueillaient au sein de la “communauté internationale”. Ce terme est un complet abus de langage, tout comme l’est l’idée des Nations-Unies, utilisée à cette occasion en tant qu’écran derrière lequel cacher que l’intervention en Libye avait été préparée uniquement en faveur des intérêts de classe crus de l’impérialisme et du capitalisme.

    Il ne fait aucun doute qu’il y a des illusions parmi de nombreux jeunes et travailleurs idéalistes qui attendent de telles institutions qu’elles résolvent les problèmes que sont les guerres, les conflits, la misère, etc. Certains sont également motivés dans leur soutien à la zone d’exclusion aérienne parce qu’ils craignaient que la population de Benghazi serait massacrée par les forces de Kadhafi. Mais les Nations-Unies ne font que rallier les nations capitalistes, dominées de manière écrasante par les États-Unis, afin de les faire collaborer lorsque leurs intérêts coïncident, mais qui sont de même fort “désunis” lorsque ce n’est pas le cas. Les guéguerres de positionnement et les querelles entre les différentes puissances impérialistes quant à l’intervention libyenne illustre bien ceci.

    Éparpillement américain et incertitude

    Les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont tout d’abord révélé l’incertitude – voire la paralysie – de la plus grande puissance impérialiste au monde, les États-Unis, quant à l’intervention adéquate. L’administration de Barack Obama a été forcée de tenter de se distinguer de la doctrine de George Bush d’un monde unipolaire dominé par l’impérialisme américain, avec son écrasante puissance militaire et économique. Les USA conservent toujours cet avantage militaire comparés à leurs rivaux, mais il est maintenant sapé par l’afaiblissement économique des États-Unis.

    Il y a aussi le problème de l’Afghanistan et la peur que cela ne mène à un éparpillement militaire. C’est ce qui a contraint Robert Gates, le secrétaire à la défense américain, à dès le départ déclarer son opposition – et, on suppose, celle de l’ensemble de l’état-major américain – par rapport à l’utilisation de troupes américaines terrestres où que ce soit ailleurs dans le monde. Il a aussi affirmé être “certain“ qu’Obama n’autoriserait aucune troupe au sol américaine à intervenir en Libye. Il a souligné cela lors de son interview où il se déclarait “dubitatif par rapport aux capacités des rebelles”, décrivant l’opposition comme n’étant en réalité rien de plus qu’un groupe disparate de factions et sans aucun véritable “commandemet, contrôle et organisation”. (The Observer du 3 avril).

    Obama, a sur le champ cherché à formuler une nouvelle doctrine diplomatique militaire, en ligne avec la nouvelle position des États-Unis sur le plan mondial. Il a tenté de faire une distinction entre les intérêts “vitaux” et “non-vitaux” de l’impérialisme américain. Dans les cas “vitaux”, les États-Unis agiront de manière unilatérale si la situation le requiert. Cependant les États-Unis, a-t-il proclamé de manière arrogante, ne sont plus le “gendarme du monde”, mais agiront dans le futur en tant que “chef de la gendarmerie” mondiale. Ceci semble signifier que les États-Unis accorderont leur soutien et seront formellement à la tête d’une “coalition multilatérale” tant que cela ne signifie pas le déploiement effectif et automatique des troupes.

    Malgré cela, la pression qui s’est effectuée pour empêcher un “bain de sang” a obligé Obama à signer une lettre publique avec Nicolas Sarkozy et Cameron, déclarant que ce serait une “trahison outrageuse” si Kadhafi restait en place et que les rebelles demeuraient à sa merci. La Libye, ont-ils déclaré, menace de devenir un “État déchu”. Ceci semble jeter les bases pour un nouveau saut périlleux, en particulier de la part d’Obama, qui verra l’emploi de troupes terrestres si nécessaire. Lorsqu’il a été incapable d’intervenir directement, à cause de l’opposition domestique par exemple, l’impérialisme n’a pas hésité à engager des mercenaires pour renverser un régime qui n’avait pas sa faveur ou pour contrecarrer une révolution. Telle était la politique de l’administration Ronald Reagan lorsqu’elle a employé des bandits soudards, les Contras, contre la révolution nicaraguayenne.

    L’impérialisme a été forcé dans la dernière intervention par le fait que Kadhafi semblait sur le point de gagner ou, en tous cas, d’avoir assez de force militaire et de soutien résiduel pour pouvoir éviter une complète défaite militaire, à moins d’une invasion terrestre. Les rebelles ne tiennent que l’Est, et encore, une partie seulement. L’Ouest, dans lequel vivent les deux tiers de la population, est toujours en grande partie contrôlé par Kadhafi et par ses forces. Ce contrôle n’est pas uniquement dû à un soutien populaire par rapport au régime. Ses forces possèdent la plupart des armes, y compris des armes lourdes, des tanks, etc. Il a toujours surveillé l’armée régulière de peur qu’un coup d’État n’en provienne. Patrick Cockburn a écrit dans The Independant du 17 avril : « L’absence d’une armée professionnelle en Libye signifie que les rebelles ont dû se fier à de vieux soldats à la retraite depuis longtemps pour entraîner leurs nouvelles recrues». Kadhafi est aussi capable d’attirer un soutien de la part des tribus, de même que du capital politique qu’il a accumulé pour son régime grâce au bon niveau de vie en Libye (avant le conflit) par rapport aux autres pays de la région.

    La révolution espagnole

    De nombreux partisans de la zone d’exclusion aérienne ont pris cette position en supposant que l’impérialisme ne serait pas capable d’aller plus loin que ça. Mais que feront-ils si, comme on ne peut l’exclure, des troupes au sol sous une forme ou une autre sont déployées avec la complicité des puissances impérialistes que sont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ?

    Lors du débat à la Chambre des Communes (House of Commons) du 21 mars, Miliband (le nouveau chef du Parti travailliste) a accordé un soutien enthousiaste pour l’action militaire de Cameron. Voilà encore une nouvelle confirmation de la dégénerescence politique du Labour Party, qui d’un parti à base ouvrière, est devenu une formation bourgeoise. Les rédacteurs de la classe capitaliste reconnaissent eux aussi platement cette réalité : « Il fut un temps où le Labour party était le bras politique de la classe ouvrière organisée. Tous les trois principaux partis constituent maintenant le bras politique de la classe capitaliste organisée. Ce phénomène n’est pas propre à la Grande-Bretagne. Presque chaque démocratie avancée, surtout les États-Unis, lutte pour contrôler le monde des affaires » (Peter Wilby, The Guardian du 12 avril).

    Comparez seulement la position du dirigeant “travailliste” actuel avec celle de son prédécesseur Harold Wilson au moment de la guerre du Vietnam. Au grand regret de Lyndon Johnson, le président américain de l’époque, Wilson – bien qu’il n’aurait pas été contre l’idée de soutenir des actions militaires à l’étranger s’il avait cru pouvoir s’en tirer après coup – a refusé d’impliquer les troupes britanniques. Toute autre décision aurait provoqué une scission du Labour de haut en bas, ce qui aurait probablement mené à sa démission. En d’autres termes, il avait été forcé par la pression de la base du Labour et des syndicats à refuser de soutenir l’action militaire de l’impérialisme américain.

    Aujourd’hui Miliband soutient Cameron, en provoquant à peine un froncement de sourcils de la part des députés Labour ou de la “base”. Il a invoqué le cas de l’Espagne pendant la guerre civile afin de justifier le soutien au gouvernement, déclarant ceci : « En 1936, un politicien espagnol est venu au Royaume-Uni afin de plaider notre soutien face au fascisme violent du général Franco, disant “Nous nous battons avec des bâtons et des couteaux contre des tanks, des avions et des fusils, et cela révolte la conscience du monde qu’un tel fait soit vrai” » (Hansard, 21 mars).

    Le parallèle avec l’Espagne est entièrement faux. C’était alors une véritable révolution des travailleurs et des paysans pauvres qui se déroulait, avec la création (tout au moins au cours de la période initiale après juillet 1936) d’un véritable pouvoir ouvrier, de comités de masse et avec l’occupation des terres et des usines. L’Espagne était confrontée à une révolution sociale. Cette révolution a surtout été vaincue non pas par les forces fascistes de Franco, mais par la politique erronnée de la bourgeoisie républicaine qui a fait dérailler la révolution, aidée et soutenue par le Parti communiste sous les ordres de Staline et de la bureaucratie russe. Ceux-ci craignaient à juste titre que le triomphe de la révolution espagnole ne soit le signal de leur propre renversement.

    Dans une telle situation, la classe ouvrière du monde entier se rassemblait pour soutenir la revendication d’envoyer des armes à l’Espagne. Alors l’impérialisme, et en particulier les puissances franco-anglaises, ont tout fait pour empêcher l’armement des travailleurs espagnols. Pourtant, le député Tory Bill Cash était entièrement d’accord avec Miliband pour affirmer qu’il y a en effet “un parallèle avec ce qui s’est passé en 1936”, et soutenait donc “l’armement de ceux qui résistent contre Kadhafi” à Benghazi. Cela n’est-il pas un indicateur de la nature politique de la direction actuelle à Benghazi et à l’Est, qui inclut d’anciens partisans de Kadhafi tels que l’ancien chef des forces spéciales Abdoul Fattah Younis ? Si la tendance au départ à Benghazi (des comités de masse avec la participation de la classe ouvrière) s’était maintenue, il n’y aurait maintenant pas la moindre question d’un soutien de la part des Tories de droite ! Miliband a donné une nouvelle justification pour son soutien de la zone d’exclusion aérienne : « Il y a un consensus international, une cause juste et une mission faisable… Sommes-nous réellement en train de dire que nous devrions être un pays qui reste sur le côté sans rien faire ? »

    Aucune force de gauche sérieuse ne peut prôner une politique d’abstention lorsque des travailleurs sont soumis aux attaques meurtrières d’un dictateur brutal tel que Kadhafi. Il est clair qu’il fallait donner un soutien politique à la population de Benghazi lorsqu’elle a éjecté les forces de Kadhafi de la ville par une insurrection révolutionnaire – et ceci était la position du CIO dès le départ. Voilà une réponse suffisante pour ceux qui cherchent à justifier le soutien à l’intervention militaire de l’extérieur, sur base du fait que la population de Benghazi était sans défense. Les mêmes personnes ont utilisé les mêmes arguments au sujet de l’impuissance du peuple irakien qui se trouvait sous l’emprise d’un dictateur brutal pour justifier le bombardement puis l’invasion de l’Irak, avec les résultats criminels que nous voyons à présent. Mais cet argument a été mis en pièces par les révoltes des populations tunisienne et égyptienne qui ont écrasé les dictatures, sous leurs puissants millions.

    Les gens de Benghazi ont déjà vaincu les forces de Kadhafi une fois. Cela a été réalisé lorsque des méthodes révolutionnaires ou semi-révolutionnaires ont été employées. Ces méthodes semblent maintenant avoir été reléguées à l’arrière-plan par des forces bourgeoises et petites-bourgeoises qui ont mis de côté les forces véritablement révolutionnaires. Sur base de comités ouvriers de masse, une véritable armée révolutionnaire – plutôt que le ramassis de soudards qui soutient le soi-disant “gouvernement provisoire” – aurait pu être mobilisée afin de capturer toutes les villes de l’Est et d’adresser un appel révolutionnaire aux habitants de l’Ouest, et en particulier à ceux de la capitale, Tripoli.

    Il y a dans l’Histoire de nombreux exemples victorieux d’une telle approche, en particulier dans la révolution espagnole à laquelle Miliband se réfère mais qu’il ne comprend pas. Par exemple, après que les travailleurs de Barcelone aient écrasé l’insurrection fasciste de Franco en juillet 1936, José Buenaventura Durruti a formé une armée révolutionnaire qui a marché à travers la Catalogne et l’Aragon jusqu’aux portes de Madrid. Ce faisant, il a placé les quatre-cinquièmes de l’Espagne entre les mains de la classe ouvrière et de la paysannerie. C’était bel et bien une guerre “juste” de la part des masses qui défendaient la démocratie tout en luttant pour une nouvelle société socialiste, plus humaine. En outre, cette guerre bénéficiait d’un réel soutien international de la part de la classe ouvrière européenne et mondiale. Les critères utilisés par Miliband pour décider de ce qui est “juste” ou pas se situent dans le cadre du capitalisme et de ce qui est mieux pour ce système, et non pas pour les intérêts des travailleurs qui se trouvent dans une relation opposée et antagoniste par rapport à ce système, et de plus et plus aujourd’hui.

    Le “deux poids, deux mesures” des puissances occidentales

    Notre critère pour mesurer ce qui est juste et progressiste, y compris dans le cas de guerres, est de savoir dans quelle mesure tel ou tel événement renforce ou non les masses ouvrières, accroit leur puissance, leur conscience, etc. Tout ce qui freine cette force est rétrograde. L’intervention impérialiste capitaliste, y compris la zone d’exclusion aérienne, même si elle devait parvenir à ses objectifs, ne va pas renforcer le pouvoir de la classe ouvrière, ne va pas accroitre sa conscience de sa propre puissance, ne va pas la mener à se percevoir et à percevoir ses organisations comme étant le seul et véritable outil capable d’accomplir ses objectifs. Au lieu de ça, l’intervention attire l’attention des travailleurs de l’Est vers une force de “libération” venue de l’extérieur, abaissant ainsi le niveau de conscience des travailleurs de leur propre puissance potentielle.

    Comme l’ont fait remarquer même les députés Tory lors du débat à la Chambre des Communes, Miliband semble complètement adhérer à la “doctrine Blair” – une intervention militaire soi-disant humanitaire en provenance de l’extérieur – dont il avait pourtant semblé se distancier lorsqu’il avait été élu dirigeant du Labour. Ceci revient à justifier les arguments de Blair comme ceux de Cameron concernant le où et quand intervenir dans le monde. Miliband s’est rabattu sur la vague affirmation suivante : « L’argument selon lequel parce que nous ne pouvons pas faire n’importe quoi, alors nous ne pouvons rien faire, est un mauvais argument ». “Nous” (c’est-à-dire l’impérialisme et le capitalisme) ne pouvons pas intervenir contre la dictature en Birmanie, ne pouvons pas hausser “notre” ton contre les attaques meurtrières de la classe dirigeante israélienne contre les Palestiniens de Gaza. “Nous” sommes muets face aux régimes criminels d’Arabie saoudite et du Bahreïn. Néanmoins, il est “juste” de “nous” opposer à Kadhafi – même si “nous” le serrions encore dans “nos” bras pas plus tard que hier – et d’utiliser “notre” force aérienne (pour le moment) contre lui et son régime.

    C’est le journal “libéral” The Observer qui a fait la meilleure description de l’approche hypocrite arbitraire du capitalisme : « Pourquoi ce régime du Golfe (le Bahreïn) a-t-il le bénéfice du doute alors que d’autres dirigeants arabes n’y ont pas droit ? Il est clair qu’il n’est pas question d’intervenir au Bahreïn ou dans tout autre État où les mouvements de protestation sont en train d’être réprimés. L’implication en Libye ne laisse aucun appétit pour le moindre soutien actif, diplomatique ou militaire, pour les autres rébellions. S’il fallait choisir de n’attaquer qu’un seul méchant dans l’ensemble de la région, alors le colonel Kadhafi était certainement le meilleur candidat. » (The Observer du 17 avril)

    Ce qui est par contre entièrement absent de cette argumentation, ce sont les véritables raisons derrière l’intervention en Libye, qui sont les intérêts matériels du capitalisme et de l’internationalisme, pour le pétrole avant tout – la Libye comporte quelques-unes des plus grandes réserves de toute l’Afrique. Certains ont nié cet argument – ils ont dit la même chose à propos de l’Irak. « La théorie de la conspiration pour le pétrole … est une des plus absurdes qui soit » affirmait Blair le 6 février 2003. Aujourd’hui, The Independant (19 avril) a publié un mémorandum secret de l’Office des affaires étrangères datant du 13 novembre 2002, à la suite d’une rencontre avec le géant pétrolier BP : « L’Irak comporte les meilleures perspectives pétrolières. BP meurt d’envie de s’y installer ».

    Un soutien honteux pour l’intervention militaire

    Tandis que la position de Miliband et de ses comparses n’est guère surprenante étant donné l’évolution droitière des ex-partis ouvriers et de leurs dirigeants, on ne peut en dire de même de ceux qui prétendent s’inscrire dans la tradition marxiste et trotskiste. Sean Matgamna de l’AWL cite même Trotsky pour justifier son soutien à l’intervention militaire en Libye : « Un individu, un groupe, un parti ou une classe qui reste “objectivement” à se curer le nez tout en regardant des hommes ivres de sang massacrer des personnes sans défense, est condamné par l’Histoire à se putréfier et à être dévoré vivant par les vers ». Dans ce passage tiré des écrits de Trotsky sur la guerre des Balkans avant la Première Guerre mondiale, celui-ci dénonce les porte-paroles du capitalisme libéral russe qui restaient silencieux face aux atrocités commises par la Serbie et la Bulgarie à l’encontre des autres nationalités.

    Il ne justifiait pas le moins du monde le moindre soutien en faveur des dirigeants d’une nation contre l’autre. Cela est clair à la lecture de la suite de ce passage, que Matgamna ne cite pas : « D’un autre côté, un parti ou une classe qui se dresse contre chaque acte abominable où qu’il se produise, aussi vigoureusement et décidément qu’un organisme réagit pour protéger ses yeux lorsqu’ils sont menacés par une blessure externe – un tel parti ou classe est pur de cœur. Le fait de protester contre les outrages dans les Balkans purifie l’atmosphère sociale dans notre propre pays, élève le niveau de conscience morale parmi notre propre population… Par conséquent, une opposition obstinée contre les atrocités ne sert pas seulement l’objectif d’autodéfense morale au niveau de l’individu ou du parti, mais également l’objectif de sauvegarde politique de notre peuple contre l’aventurisme caché sous l’étendard de la “libération”. »

    Le dernier point de cette citation ne peut être à tout le moins compris qu’allant à l’encontre de la position de l’AWL, qui soutient l’intervention impérialiste cachée sous l’étendard trompeur de la “libération”. Et pourtant, nous trouvons ici l’affirmation surprenante selon laquelle : « La soi-disant gauche s’emmêle encore une fois dans un faux dilemme politique : la croyance selon laquelle il est obligatoire de s’opposer de manière criarde à l’“intervention libérale” franco-britannique en Libye au sujet de chacun de ses actes (ou au moins de chacun de ses actes militaires), sans quoi cela reviendrait à lui accorder un soutien général. En fait, ce dilemme n’est que de leur propre invention ». Tentant de trouver la quadrature du cercle, Matgamna ajoute ensuite que : « Bien entendu, les socialistes n’accordent aucun soutien aux gouvernements et aux capitalistes au pouvoir au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, ni aux Nations-Unies, ni en Libye, ni nulle part ailleurs ».

    Même un enfant de dix ans se rendrait compte que le fait de soutenir la moindre forme d’action militaire est une forme de “soutien politique actif”. L’AWL prétend pouvoir nettement séparer le soutien pour ce type d’action des perspectives plus globales concernant les puissances qui entreprennent ce type d’action. Mais elle agit dans la pratique comme un défenseur de la France et du Royaume-Uni : « L’ONU, se servant du Royaume-Uni et de la France, a fixé des objectifs très limités en Libye. Il n’y a aucune raison de croire que les “Grandes Puissances” veulent occuper la Libye ou sont occupées à quoi que ce soit d’autre que d’effectuer une opération de police internationale limitée sur ce qu’elles perçoivent comme constituant la “frontière sud” de l’Europe ». L’AWL ajoute même gratuitement que : « Les âpres leçons du bourbier iraqien sont encore très vives dans la mémoire de ces puissances ». Et poursuit avec ceci : « Au nom de quelle alternative devrions-nous leur dire de ne pas utiliser leur force aérienne pour empêcher Kadhafi de massacrer un nombre incalculable de ses propres sujets ? Voilà quelle est la question décisive dans de telles situations ». Et quiconque ne s’aligne pas sur ce non-sens est selon l’AWL un pacifiste incorrigible.

    Pour montrer à quel point ces annonciateurs “trotskistes” sont éloignés de la réelle position de Trotsky par rapport à la guerre, regardons sa position au cours de la guerre civile espagnole concernant la question du budget militaire du gouvernement républicain. Max Shachtman, qui était en ce temps un de ses partisans, s’est opposé à Trotsky qui défendait en 1937 le fait que : « Si nous avions un membre dans le Cortes [le parlement espagnol], nous voterions contre le budget militaire de Negrin ». Trotsky a écrit que l’opposition de Shachtman à sa position « m’a étonné. Shachtman était prêt à exprimer sa confiance dans le perfide gouvernement Negrin ».

    Il a plus tard expliqué que : « Le fait de voter en faveur du budget militaire du gouvernement Negrin revient à lui donner un vote de confiance politique… Le faire serait un crime. Comment expliquer notre vote aux travailleurs anarchistes ? Très simplement : Nous n’accordons pas la moindre confiance en la capacité de ce gouvernement à diriger la guerre et à assurer la victoire. Nous accusons ce gouvernement de protéger les riches et d’affamer les pauvres. Ce gouvernement doit être broyé. Tant que nous ne serons pas assez forts que pour le remplacer, nous nous battrons sous son commandement. Mais en toute occasion, nous exprimerons ouvertement notre méfiance à son égard : voici la seule possibilité de mobiliser les masses politiquement contre ce gouvernement et de préparer son renversement. Toute autre politique constituerait une trahison de la révolution » (Trotsky, D’une égratignure au risque de gangrène, 24 janvier 1940). Imaginons maintenant à quel point Trotsky dénoncerait le soutien honteux de l’AWL à l’intervention impérialiste en Libye aujourd’hui.

    Une position de classe indépendante

    On reste sans voix devant le fait que l’AWL, avec son apologie de l’intervention impérialiste, prétende défendre par-là une “politique ouvrière indépendante”. Mais il n’y a pas le moindre atome de position indépendante de classe dans son approche. Nous nous opposons à l’intervention militaire, tout comme s’y sont opposées les masses de Benghazi au cours de la première période. Les slogans sur les murs proclamaient en anglais : « Non à l’intervention étrangère, les Libyens peuvent se débrouiller par eux-mêmes ». En d’autres termes, les masse avaient un instinct de classe bien plus solide, une suspicion par rapport à toute intervention militaire extérieure, en particulier par les puissances qui dominaient autrefois la région – le Royaume-Uni et la France. Elles craignaient à juste titre que la zone d’exclusion aérienne, malgré les grands discours proclamant le contraire, ne mènent à une invasion, comme cela a été le cas en Irak.

    Cela signifie-t-il que nous nous contentons de rester au niveau de slogans généraux, que nous restons passifs face à l’éventuelle attaque de Kadhafi sur Benghazi ? Non. Mais dans une telle situation, nous insistons sur la nécessité d’une politique de classe indépendante, sur le fait que les masses ne doivent avoir confiance qu’en leur propre force, et ne pas accorder le moindre crédit à l’idée que l’impérialisme agit pour le bien des masses. Il est tout à fait vrai que nous ne pouvons en aucun cas répondre à l’argument du massacre potentiel par des affirmations du style : “La triste réalité est que les massacres sont une caractéristique chronique du capitalisme. La gauche révolutionnaire est, hélas trop faible pour les empêcher » (Alex Callinicos, un des dirigeants du SWP britannique).

    Les forces du marxisme peuvent être physiquement trop faibles pour empêcher des massacres – comme dans le cas du Rwanda par exemple. Nous sommes néanmoins obligés de défendre le fait que le mouvement ouvrier large adopte la position la plus efficace afin de défendre et de renforcer le pouvoir et l’influence de la classe ouvrière dans toute situation donnée. Par exempe, en Irlande du Nord en 1969, les partisans de Militant (prédécesseur du Socialist Party) se sont opposés à l’arrivée des troupes britanniques pour “défendre” les zones catholiques nationalistes de Belfast et de Derry contre l’attaque meurtrière des milices B-specials à prédominance loyaliste. Le SWP, bien qu’il l’ait plus tard nié, soutenait le débarquement des troupes britanniques. Lorsque les troupes sont arrivées, elles ont protégé ces zones des attaques loyalistes et ont été accueillies en tant que “défenseurs”. Mais, comme nous l’avions prédit, à partir d’un certain point ces troupes se transformeraient en leur contraire et commenceraient à être perçues comme une force de répression contre la minorité catholique nationaliste. Et c’est exactement ce qui s’est passé.

    Toutefois, confrontés au massacre potentiel de la population catholique, nous n’avons pas adopté une position “neutre” ou passive. Dans notre journal Militant de septembre 1969, nous appelions à la création d’une force de défense unitaire ouvrière, au retrait des troupes britanniques, au démantèlement de la milice B-specials, à la fin des discriminations, à la création d’emplois, de logements, d’écoles, etc. pour tous les travailleurs. En d’autres termes, nous étions donc en faveur d’une unité de classe et pour que les travailleurs se basent sur leurs propres forces et non pas sur celles de l’État capitaliste. Une approche similaire, basée sur l’indépendance de classe la plus complète, et adaptée au contexte concret de la Libye et du reste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, est la seule capable de mener à la victoire de la lutte des travailleurs dans une situation aussi compliquée.

    Nous ne pouvons suivre Achar non plus, lorsqu’il dit : « Selon ma conception de la gauche, quiconque prétend appartenir à la gauche ne peut tout bonnement ignorer la demande de protection émanant d’un mouvement populaire, même de la part des ripoux impérialistes, lorsque le type de protection demandé n’en est pas un par lequel le contrôle sur leur pays peut être exercé. Aucune force progressiste ne peut se contenter d’ignorer la demande de protection provenant des rangs des insurgés ».

    Il est erroné d’identifier “les insurgés”, qui provenaient au départ d’un authentique mouvement de masse – comme nous l’avons fait observer – à leur direction actuelle, bourrée d’éléments bourgeois et pro-bourgeois, y compris de renégats en provenance du régime de Kadhafi. Qui plus est, il est entièrement faux – comme certains l’ont fait – de comparer l’acceptation de la part de Lénine de nourriture et d’armes fournies par une puissance impérialiste pour en repousser une autre, sans aucune condition militaire ou politique liée, à un soutien à la zone d’exclusion aérienne. La question pour les marxistes n’est pas de ce qui est fait, mais de qui le fait, comment et pourquoi.

    Défendre la révolution

    Au final, l’objectif de l’intervention impérialiste est de sauvegarder sa puissance, son prestige et son revenu de la menace de la révolution qui se développe dans la région. Comme l’a bien expliqué un porte-parole de l’administration Obama, la principale source d’inquiétude n’est pas ce qui se passe en Libye, mais bien les conséquences que cela pourrait avoir en Arabie saoudite et dans les États du Golfe, où sont concentrées la plupart des réserves pétrolières desquelles dépend le capitalisme mondial. Les impérialistes considèrent une intervention victorieuse en Libye comme étant un rempart contre toute menace de révolution dans ces États et dans l’ensemble de la région. Ils sont aussi inquiets de l’influence régionale de l’Iran, qui s’est énormément accrue en conséquence de la guerre d’Irak.

    La situation en Libye est extrêmement fluide. La manière dont se résoudra le conflit actuel est incertaine. En ce moment, il semble que cela se termine par une impasse, dans laquelle ni Kadhafi ni les rebelles ne sont capables de porter un coup décisif pour s’assurer la victoire dans ce qui est à présent une guerre civile prolongée. Ceci pourrait mener à une réelle partition du pays, ce qui est déjà le cas dans les faits. Dans cette situation, toutes les divisions tribales latentes – qui étaient en partie tenues en échec par la terreur du régime Kadhafi – pourraient remonter à la surface, créant une nouvelle Somalie au beau milieu de l’Afrique du Nord, avec toute l’instabilité que cela signifie, en particulier en ce qui concerne la lutte pour les réserves de pétrole de la Libye. D’un autre côté, l’impérialisme cherche désespérément à éviter de donner l’impression que Kadhafi ait obtenu une victoire partielle dans cette lutte, ce qui renforcerait la perception d’impuissance des puissances impérialistes à pouvoir décider de l’issue des événements.

    Mais la responsabilité du mouvement ouvrier au Royaume-Uni et dans le monde est claire : opposition absolue à toute intervention impérialiste ! Que le peuple libyen décide de son propre destin ! Soutien maximum de la part de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier mondial aux véritables forces de libération nationale et sociale en Libye et ailleurs dans la région, y compris sous la forme d’un approvisionnement en nourriture et en armes !

    L’impérialisme ne sera pas capable d’arrêter la marche en avant de la révolution en Afrique du Nord et dans le Moyen-Orient. Certes, comme le CIO l’avait prédit, il existe une grande déception parmi les masses, qui estiment que les fruits de leurs victoires contre Moubarak et Ben Ali ont jusqu’ici été volées par les régimes qui les ont remplacés. L’appareil de sécurité et la machine d’État tant haïs qui existaient auparavant demeurent largement intacts, malgré les puissantes convulsions de la révolution. Mais ceux-ci sont en train d’être combattus par des mouvements de masse.

    Les révolutions tiennent bon, et des millions de gens ont appris énormément de choses au cours du mouvement. Espérons que leurs conclusions mèneront à un renforcement de la classe ouvrière et au développement d’une politique de classe indépendant. Un tel renforcement serait symbolisé par le développement par les travailleurs de leurs propres organisations, de nouveaux et puissants syndicats et partis ouvriers, avec l’objectif de la transformation socialiste de la société, accompagnée par la démocratie en Libye et dans l’ensemble de la région.

  • Royaume-Uni : Une révolution très britannique ?

    Pour une extension de la démocratie authentique

    “Une révolution très britannique” a bruyamment titré le Telegraph, après l’expulsion de Michael Martin, Président de la Chambre des Communes, une première depuis 1695. Jonathan Freedland poursuivait dans le Guardian : «Le Président de la Chambre sort, tandis qu’une odeur de révolution se répand dans l’air. I say, tant mieux… Nous vivons en effet une époque révolutionnaire – et ce changement radical, anticonventionnel est possible».

    Peter Taaffe, Secrétaire Général du Socialist Party, CIO-Angleterre et Pays de Galles

    Car article est la suite d’un précédent texte paru sur socialisme.be: Raz-de-marée de scandales politiques au Royaume-Uni : à bas les voleurs et leur système!

    Est-ce là le spectre du “jacobinisme”, ou juste une hyperbole journalistique ? Pas si on écoute les voix enragées de la “rue”, dans les transports en commun, dans les conversations sur les lieux de travail ou sur la BBC à «Question on Time». Qui plus est, plutôt que de retomber, la vague de colère et d’amertume de masse, face à l’avidité sans gêne de leurs «représentants parlementaires» a grandi sans cesse avec les révélations quotidiennes de nouveaux faits de pillage de notre argent par les parlementaires. Par exemple, le parlementaire Tory Douglas Hogg, qui avait réclamé des milliers de livres pour le nettoyage des douves de son château, a maintenant été mis de côté pour les prochaines élections. Un travailleur, résumant l’humeur générale, a déclaré au Sunday Times que «L’électorat britannique doit envier Ali Baba. Lui n’a eu affaire qu’à quarante voleurs!» Un autre faisait ce commentaire : «A partir de maintenant, je vais utiliser le mot «parlementaire» au lieu de «grippe-sou»».

    La parlementaire New Labour Margaret Moran a conservé sa propriété, mais a maintenant promis de rembourser l’argent dépensé sur sa résidence secondaire à Southampton. Mais cela n’a nullement adouci le commentaire d’une personne interrogée par le Sunday Times : «C’est bien simple. Elle devrait être arrêtée. Ils devraient tous être arrêtés».

    Comme le Socialist (journal du Socialist Party, NDLR) l’a fait remarquer, les révélations du Telegraph ont totalement discrédité la soi-disant élite de la «classe politique», constituée des dirigeants et de l’immense majorité des parlementaires des trois principaux partis politiques. Afin de détourner l’attention, ces dirigeants ont eu recours à des mesures cosmétiques – la démission du Président de la Chambre, la «mise à pied» d’une poignée de parlementaires, y compris des démissions et la promesse de «se tenir à l’écart» des prochaines élections générales, et la promesse de Gordon Brown d’une «enquête extérieure» concernant les demandes de remboursement de frais des parlementaires dans le futur. Mais seule une «enquête» par des comités impliquant des travailleurs ordinaires peut réellement commencer à constituer une menace pour les parlementaires. Il est probable qu’aucune des mesures proposées ne sera capable de satisfaire la masse des gens, totalement dégoûtée des parlementaires qui ont demandé le remboursement de «télévisions à écran plat» – comme l’inénarrable parlementaire New Labour de droite Gerald Kaufman – ou un «matelas pour enfant» – comme Michael Glove, ce «vautour de la culture» -, etc.

    En réalité, le Telegraph n’a pas appelé à une révolution – pas même à une «révolution politique» dans le cadre du capitalisme – mais à des mesures minimales. Tout en jetant des accusations à la tête des parlementaires, l’ancien propriétaire du Telegraph – un des journaux les plus à droite du Royaume-Uni, si pas du monde – languit en ce moment dans une prison de Floride pour une corruption d’une ampleur qui fait de l’ombre même aux actions honteuses des parlementaires britanniques. Dans les faits, le Telegraph, les médias capitalistes et les dirigeants des trois grands partis capitalistes ne souhaitent que retoucher quelque peu leur système. Ils ont ouvertement utilisé le licenciement du Président de la Chambre afin d’échapper à leur responsabilité dans des pratiques douteuses du même acabit ; eux aussi ont bénéficié de «remboursement de frais» inacceptables.

    Peu de publicité a été donnée au fait que la belle-mère de Cameron (le porte-parole des Tories) a offert des meubles à un parlementaire Tory qui, à son tour, en a réclamé le remboursement au bureau de la Chambre des Communes ! Clegg, le dirigeant Libéral-Démocrate, est lui aussi impliqué, de même que Gordon Brown lui-même. C’est chez les anciens électeurs Labour – broyés par le chômage de masse, les coupes dans le niveau de vie et dans les salaires – que se fait ressentir le plus grand dégoût aux hypocrites du New Labour.

    Il y a également une acceptation tacite, inexprimée, qu’il ne faut s’attendre à rien d’autre venant des «aristos» dans les Tories. Mais de nombreux travailleurs et personnes de la classe moyenne, surtout ceux de l’ancienne génération – malgré l’expérience brutale de Blair pendant la guerre d’Irak et les attaques menées par Blair et Brown sur les droits des travailleurs – gardaient un vague espoir que le New Labour était quelque peu « différent ». Cet espoir a maintenant été totalement mis en pièces, avec la révélation que le New Labour ne diffère en rien des Tories et des Libéraux-Démocrates, remettant en cause son droit à être considéré comme une représentant des travailleurs.

    La plupart des “mécréants” qui se retrouvent dans cette situation – en réalité, des gens plongés jusqu’au cou dans la corruption – ne subissent d’autre blâme qu’un appel à «rembourser» ce qu’ils ont volé. Mais comme le disait un pensionné, «Si moi j’allais au magasin et prenait une bouteille de shampoing sans la payer, on ne me demanderait pas seulement de la rembourser, mais je serais aussi arrêté et je devrais payer une amende». Assiégé par cette rage de masse, le gouvernement, poussé par les Tories et la presse, y compris le Telegraph, souhaite concentrer la discussion sur la manière dont on pourrait «améliorer» le Parlement, plutôt que de mettre un terme au «déficit démocratique» criant du Parlement dans sa forme actuelle. Un allié de Gordon Brown a confié à Seamus Milne, chroniqueur du Guardian, que «Il y a un dangereux vide. Si l’élite au pouvoir ne saisit pas l’opportunité, les gens vont la renverser».

    Mais le besoin pressant de changer le Parlement est maintenant mis à l’avant dans la vision du peuple britannique. Le fait de remplacer Martin avec n’importe quel autre parlementaire parmi les candidats au poste de Président de la Chambre – de la manière la plus incroyable, certains parlementaires New Labour ont mis en avant pour ce poste John Bercow un ancien Thatchérien de la ligne dure, qui se trouve maintenant au centre-gauche des Tories – ne va pas changer la situation d’un iota. Le dégoût de masse ressenti vis-à-vis des parlementaires de tous les partis, et même du Parlement lui-même dans sa forme actuelle, ne pourra pas être atténué par des mesures dérisoires, même déguisées en «révolution».

    Le Socialist Party se bat pour l’établissement d’une société socialiste démocratique et d’un Etat ouvrier démocratique gérés et contrôlés à tous les niveaux par les travailleurs. Même sans les récents développements, la masse des gens au Royaume-Uni accepte et soutient le concept de démocratie, y compris le Parlement, dans un sens général. Mais ce que nous avons au Royaume-Uni est une démocratie capitaliste, dans laquelle la classe salariée peut dire ce qu’elle veut – et même cela est attaqué par la «société de surveillance» – tant que les grands capitalistes et leurs représentants politiques restent ceux qui prennent les véritables décisions.

    N’est-ce pas ce que nous avons vu avec trois partis quasiment identiques, qui défendent encore le «marché libre» qui est en train de causer tant de dévastation économique pour le peuple britannique ? Les élections au Parlement sont des choix périodiques afin de savoir lequel des trois principaux partis capitalistes aura la chance d’opprimer et d’attaquer la classe salariée et les pauvres pendant les cinq prochaines années. Les «gagnants» sont récompensés avec la plus grosse part du butin : prestige, limousines gouvernementales, salaires énormes, etc. Mais même les «losers» se retrouvent dans une situation de «gagnant-gagnant», comme l’a révélé le récent scandale. Non contents de faire partie des 5% des plus hauts salariés du pays – sur base de leur salaire uniquement – ils ont «rehaussé» ce traitement grâces aux pratiques répugnantes révélées par le Telegraph.

    Nous défendons tous les droits démocratiques acquis par les travailleurs à travers la lutte, y compris l’élection de représentants à un Parlement, ce qui est le niveau actuel de compréhension et de perspective de la majorité des gens au Royaume-Uni. Toutefois, la réalité est, comme tous les analystes sérieux l’admettent maintenant, que le Parlement actuel n’est rien de plus qu’un grand parloir, et encore. Les parlementaires ne sont qu’un bétail votant pour la politique décidée par une petite cabale du gouvernement et son armée de Ministres, chefs de cabinet, secrétaires privés parlementaires – le « personnel votant ». Les véritables affaires sont dirigées par le gouvernement et, de plus en plus, par une petite cabale autour du Premier Ministre lui-même. Ils règnent à travers l’Etat y compris la fonction publique, qui exécute leurs décisions. Mais, comme l’Histoire l’a montré, des périodes de grandes convulsion sociale – et nous traversons une telle période en ce moment – voient la classe salariée se mettre en branle pour tenter de combler le fossé entre le «législatif» – le Parlement – et l’«exécutif» – le gouvernement et la machine d’Etat.

    La réponse face à la situation antidémocratique que nous vivons à présent n’est pas de se débarrasser des institutions de représentation telles que le Parlement, mais de mettre en oeuvre une démocratie plus généreuse, une expansion des moyens d’implication de la masse des gens dans la formulation et dans la mise en œuvre des décisions, avec un contrôle direct sur leurs représentants. Ceci signifierait, en premier lieu, l’abolition de la Chambre des Lords (la «Chambre des Fraudes») et de la monarchie. Ces institutions ont été gardées en réserve, pas pour des raisons décoratives ou historiques, mais en tant qu’armes potentielles qui peuvent être utilisées contre un Parlement ou un gouvernement radical qui menacerait le pouvoir des grandes entreprises à l’avenir.

    Sous le capitalisme, un système bicaméral – deux chambres parlementaires – n’est pas un sceau «démocratique» sur la législature principale. Ce système peut être utilisé afin de contrecarrer la volonté populaire, en particulier au cours d’une période radicalisée, révolutionnaire, en utilisant la «Chambre supérieure» ou le «Sénat» contre les mesures dans la législature qui menaceraient les intérêts des classes possédantes.

    Par conséquent, ce dont le Royaume-Uni a besoin est d’une Assemblée unique, qui combine les pouvoirs législatifs et exécutifs. Celle-ci devrait être élue par un élargissement de la franchise électorale, en particulier en impliquant les jeunes en leur donnant le droit de vote dès l’âge de seize ans.

    Le fait d’élire des parlementaires pour une période de quatre ou cinq ans à un poste où ils reçoivent un salaire indécent mène inévitablement à la situation qui scandalise en ce moment le peuple britannique. Une forme de représentation proportionnelle véritablement démocratique devrait immédiatement être mise en œuvre afin de briser le monopole des trois partis pro-capitalistes, et permettre à ce qu’une authentique voix des travailleurs émerge, en particulier via l’édification d’un nouveau parti de masse des travailleurs.

    Les capitalistes n’ont aucun fétiche par rapport aux arrangements électoraux. Ils vont passer de l’un à l’autre, en fonction de quelle forme d’élections servira le mieux leurs intérêts et leurs partis. Voyons par exemple l’étourdissant carrousel organisé par les capitalistes italiens lors des cinquante dernières années, passant sans arrêt d’une forme de représentation proportionnelle à une autre et vice-versa, avec maintenant la tentative de Berlusconi de créer un système «bipartite» à l’américaine.

    Leur position est déterminée non pas par «principe», mais par la meilleure manière de s’assurer que la majorité soit détenue par les partis de droite pro-capitalistes (y compris la social-démocratie). De la même manière, les véritables socialistes luttent pour la meilleure et la plus équitable forme d’expression pour le point de vue de la majorité de la population.

    Dans les années ‘70 et ‘80, lorsque la menace d’un gouvernement Labour de gauche – mené par une figure publique telle que Tony Benn – était une réelle possibilité, les capitalistes se préparaient à abandonner au vénéré système du «tout au premier», pour le remplacer par un système de représentation proportionnelle. La plupart de leurs suggestions ont pris la forme du Vote Alternatif, qui visait à mettre au pouvoir les coalitions pro-capitalistes, avec un «cordon sanitaire» autour d’un Labour alors radicalisé.

    Nous rejetons toute forme d’élections antidémocratique telle que celle-ci, qui a la faveur des Libéraux-Démocrates et même aujourd’hui de certains analystes capitalistes. Des élections organisées une fois tous les deux ans seraient un avantage par rapport au cycle actuel de cinq ans. Mais même des élections organisées sur une base encore plus régulière – comme la revendication des Chartistes qui voulaient des élections chaque année – ne pourraient surmonter l’absence frappante de tout contrôle au jour le jour sur les représentants au Parlement qui a été révélée par cette crise.

    Le fait d’élire les parlementaires via des assemblées locales démocratiquement organisées et élues (plutôt que par une campagne d’affichage et dans les médias) serait un grand pas en avant. De même en ce qui concerne le suivi et le contrôle permanent des parlementaires par leurs électeurs, et le droit de révocation immédiate par ces mêmes gens.

    Dans certains pays – comme les Etats-Unis ou le Venezuela – il existe des mesures permettant la “révocation” des représentants du peuple, essentiellement à travers toutes sortes de référendums. Mais un moyen plus direct d’exercer la révocation n’est pas nécessaire dans le système actuel, ce qui fait que le Parlement et les parlementaires actuels restent hors de contrôle.

    Les parlementaires ne devraient pas recevoir plus que le salaire moyen d’un travailleur qualifié. Il est remarquable de noter que cette revendication, qui a constitué une pierre d’angle du programme du Socialist Party trouve maintenant un écho dans certaines couches de la presse capitaliste. Par exemple, Aditya Chakrabortty, dans l’article «Une nouvelle politique» paru dans le Guardian, a écrit que «Le salaire de 64.766 £ par an les place confortablement parmi les 5% des personnes au plus grand revenu. Le salaire médian au Royaume-Uniest de 25.100 £ ; mais si on regarde du côté des pensionnés et des allocataires sociaux, on se rend compte que la moyenne de la population vit avec 16.000 £ par an». Sa solution est de «lier les salaires des parlementaires au revenu moyen. Mettons-les, disons à deux fois le salaire moyen, et n’augmentons leur salaire que en fonction de l’évolution du revenu moyen. Ceci devrait rappeler aux politiciens que leur job est de représenter leur électeurs – et leur donner un intérêt dans l’amélioration du sort de ces électeurs».

    Nous applaudissons cette proposition. Sa suggestion ne va sans doute pas le mettre dans les petits papiers des parlementaires, mais trouvera sans doute un écho parmi la population, de même que les positions de Dave Nellist, Terry Fields et Pat Wall (d’anciens parlementaires du Labour, représentants de l’aile marxiste qui existait alors en son sein et qui est le prédécesseur du Socialist Party, NDLR) ont pu en trouver un, et constituent encore maintenant un véritable exemple. Chakrabortty est trop généreux en suggérant qu’un parlementaire devrait recevoir deux fois le salaire moyen – puisqu’il montre bien que la plupart des gens vivent sous le salaire moyen – mais il se dirige dans la bonne direction.

    Nos suggestions sont là pour aider à faciliter la lutte des travailleurs contre l’offensive du capital, qui ne peut que s’aggraver à cause de la crise organique du capitalisme. Il ne fait aucun doute qu’il y a dans la campagne menée par le Telegraph un élément de tentative de «coup d’Etat» contre le gouvernement Brown, campagne reprise par l’ensemble de la presse capitaliste et par la direction Tory. L’effondrement probable du soutien au Labour lors des élections de juin sera utilisé comme un levier non seulement pour se débarrasser de Gordon Brown, mais aussi en tant que plaidoyer pour des élections nationales anticipées, qui pourraient maintenant être organisées bien avant que le mandat parlementaire actuel se termine en juin 2010.

    Un gouvernement Cameron est maintenant clairement perçu par les patrons comme la meilleure option pour leur système. Dave le «Compatissant» appartient au passé, vu qu’avec chaque jour qui passe, Cameron ressemble un peu plus à une réincarnation de Thatcher. Les analystes capitalistes parlent ouvertement de la nécessité d’un gouvernement Cameron, le seul qui serait prêt à lancer l’offensive contre le mouvement ouvrier et la classe salariée. Selon leur raisonnement, ceci sera nécessaire afin de résorber le gigantesque déficit budgétaire, qui s’élèvera probablement à 12-13% du PNB, pour une valeur de 175 milliards de livres. Ils sont forcés de tolérer ce déficit pour l’instant, afin d’éviter une dépression totale. Mais sur une base capitaliste, ce déficit ne peut être réellement résorbé que par une offensive brutale, en particulier contre les salaires des travailleurs du secteur public et le massacre à la tronçonneuse généralisé des services publics.

    Comme dans la période qui a précédé l’arrivée au pouvoir de Thacther, c’est là l’objectif conscient des capitalistes britanniques. Par conséquent, un gouvernement Cameron serait bien pire dans ses intentions que ne l’était même celui de Thatcher à son début. Un tel objectif garantit une confrontation ouverte entre le gouvernement les classes qu’il représente d’une part, et la masse des travailleurs d’autre part. D’énormes conflits sociaux, y compris la grève générale, seront à l’ordre du jour.

    Par conséquent, dans la crise actuelle, nous nous battons pour la forme la plus large possible, la plus extensive, de démocratie, afin de rehausser la lutte de la classe ouvrière. Mais nous reconnaissons aussi que, du point de vue de la classe salariée et du mouvement ouvrier, il n’existe dans le cadre du capitalisme aucune forme « parfaite » de démocratie ou d’arrangement électoral. Par exemple, la Chambre des Représentants américaine organise des élections tous les deux ans, mais ne représente d’aucune manière que ce soit la majorité de la population américaine. La masse de la classe salariée américaine est confrontée à près de 500.000 licenciements par mois, un nombre incroyable de saisies immobilières, et l’intention de massacrer les emplois et les services dans le secteur public, comme on peut le voir en ce moment en Californie.

    Mais aucune véritable solution ne peut provenir n’aucune des deux chambres du Congrès américain. La «démocratie» américaine est dominée par de gigantesques machines capitalistes bâties autour des partis républicain et démocrate, lesquelles sont à leur tour au service des milliardaires et de leur «démocratie du dollar», agissant comme un écran de protection pour leur système. Tout comme au Royaume-Uni, il y a un besoin urgent de l’alternative d’une nouvelle opposition radicale de masse pour la classe salariée, qui peut alors chercher à utiliser cette démocratie électorale théorique en sa faveur.

    La même tâche se pose aujourd’hui au Royaume-Uni. La classe salariée disposait dans le passé une voix politique de masse, jusqu’aux années ‘70 et ‘80, dans la base ouvrière du Labour Party, lequel s’est aujourd’hui effondré dans son avatar du New Labour, sous la coupe de Blair et Brown. Par conséquent, si on doit même se contenter de la mise en œuvre des revendications démocratiques nécessaires, le facteur le plus urgent pour contribuer à cette réforme est la création d’un nouveau parti des travailleurs de masse. Sans cela, toutes sortes de faux prophètes, de démagogues irresponsables de la droite, et toute une série d’ «indépendants» vont apparaître pour s’installer dans le vide politique qui existe aujourd’hui.

    La tentative d’Esther Rantzen (une présentatrice télé active dans des programmes de charité pour les enfants maltraités ou pour la Birmanie) de prendre le siège de Margaret Moran (une parlementaire Labour dont le total des «remboursements de frais» s’élève à 168.569 £) – “Je suis une célébrité, donnez-moi un siège” – pourrait être le signe avant-coureur de l’arrivée de toutes sortes de soi-disant «indépendants» – Martin Bell (un célèbre reporter de guerre, qui a été en 1997 le premier élu indépendant au Parlement britannique depuis 1951) est lui aussi en train de dépoussiérer son costume blanc – ce qui montre le dangereux vide qui existe à l’heure actuelle. Mais ces indépendants ne seront capables d’occuper le vide que s’il un nouveau parti des travailleurs de masse, ou des pas en avant vers la création d’un tel parti, ne sont pas urgemment entrepris. C’est pourquoi la campagne «No2EU, Yes to Democracy» soutenue entre autres par le Socialist Party et le RMT (le syndicat des transports), est si importante. De même, la décision du PCS (le syndicat du secteur public et des ex-secteurs publics) d’entamer une discussion quant à la présentation et au soutien de candidats syndicalistes est une nouvelle étape cruciale dans la création d’une telle force.

    Le New Labour a démontré encore et encore – et de manière encore plus évidente dans cette crise-ci – qu’il se tient fermement dans le camp du capitalisme. Alice Mahon a enfoncé le clou en prenant la décision de quitter le New Labour après dix-huit ans au Parlement, déclarant que le New Labour est «irréformable». Par conséquent, dans ce débat autour Parlement, les véritables socialistes et les travailleurs doivent réclamer une extension de la démocratie réelle, en luttant pour des réformes démocratiques et pour la forge d’armes politiques, et par-dessus tout la création d’un parti des travailleurs de masse, capable de défier les partis capitalistes et leur système, en combattant pour une démocratie socialiste véritable.


    Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO

    Cet article est issu de la section Angleterre et Pays de Galles du CIO.

    Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

  • Birmanie : Le désastre du cyclone. Les richesses et les privilèges passent avant l’aide.

    Birmanie : Le désastre du cyclone.

    Les effets effroyables du cyclone qui a frappé le vaste delta du fleuve Irrawaddy ont choqué partout à travers le monde. Mais le régime militaire s’avère incapable d’aider les victimes. La dévastation ainsi que le nombre de décès et de blessés sont probablement plus grands que ceux qui ont été entraînés par le tsunami de 2004.

    Keith Dickinson, Socialist Party (section de notre internationale en Angleterre et Pays de galles).

    Jusqu’ici, il est possible que 100.000 personnes aient décédé et 1,5 million de personnes sont en danger. Les travailleurs et les paysans luttaient déjà avant simplement pour survivre sous les privations et la répression du régime militaire, maintenant, dans les secteurs frappés par le cyclone, des millions de personnes souffrent également du manque d’abri, de la famine et de la propagation de maladies.

    Dans ce pays grand producteur de riz, ce sont les principales régions productrices de riz qui ont été frappées. Dans les médias britanniques, il a été dit que certaines des installations gazières et pétrolières en mer d’Andaman pourraient également avoir été endommagées par le cyclone, ce qui pourrait grandement préoccuper les généraux au pouvoir.

    Ces généraux ont principalement été financés par l’exploitation des gisements de gaz naturel et d’autres ressources minérales. L’année dernière, la Thaïlande voisine a importé de Birmanie pour 2,7 milliards de dollars en gaz naturel, ce qui représente 45% de toutes les exportations birmanes. L’investissement thaï en Birmanie s’est élevé à 1,34 milliards de dollars et continue d’augmenter.

    Le militant des droits de l’homme Benedict Rogers a écrit avant l’arrivée du cyclone dans la revue Far East Economic Review que le premier ministre thaï a décrit les généraux, après avoir conclu une nouvelle affaire d’investissement avec eux en mars, comme de « bons bouddhistes » parce qu’ils « ont médité », en dépit de leur massacre de moines bouddhistes en septembre passé.

    En février, le dirigeant de la Karen National Union, le plus grand groupe ethnique armé birman, a été assassiné en Thaïlande sur les ordres du régime birman, probablement avec l’assentiment des autorités thaïes. En mars, la police thaïe a fait des raids contre 14 organisations Karen en exil en Thaïlande.

    Ainsi le gouvernement thaï a « améliorer ses relations » avec les généraux birmans. Les gouvernements occidentaux l’incite maintenant à convaincre les généraux – qui résistent énergiquement à toute intervention extérieure – de permettre à la charité des travailleurs occidentaux d’organiser l’aide et la distribution de vivres désespérément requise.

    Il est intéressant de noter que le ministre des affaires étrangères thaï a déclaré que les généraux birmans sont inquiets de l’aide occidentale après les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan. En septembre passé, un des commentateurs du gouvernement birman a condamné les « puissances globales qui pratiquent l’hégémonisme ». La nouvelle prétendue « constitution » birmane, conçue pour préserver la dictature militaire, comprend des clauses qui interdisent le stationnement de troupes étrangères en Birmanie.

    Les gouvernements du monde condamnent le manque de démocratie du régime birman, mais ce ne sont pas les intérêts des birmans qui les préoccupent, mais bien les efforts des généraux birmans pour limiter l’influence et l’exploitation des puissances impérialistes afin de défendre leurs propres richesses et privilèges. Tandis que les différents gouvernements invitent leurs propres travailleurs – déjà frappés par la crise du crédit – à faire des dons pour organiser l’aide après le passage du cyclone, ils courtisent le régime birman.

    La Russie fournit de la formation nucléaire, de la technologie, de l’équipement et des armes à la Birmanie. L’Inde continue à investir et le Japon possède 19,3% du gisement de gaz naturel de Yetagun, entre autres projets importants, alors que Singapour est l’endroit préféré des généraux pour encaisser l’argent, l’investir, faire des achats, obtenir des soins médicaux, instruire leurs enfants et faire leurs accords sur les armes.

    Chine

    Le monde des entreprises de Grande-Bretagne, des USA et de France investissent eux aussi en Birmanie, mais c’est la Chine qui est le principal appui économique des généraux birmans, et le pays leur donne accès à l’Océan Indien.

    Avant le cyclone, le secrétaire général de la fédération birmane des syndicats a déclaré: « Quand le régime était sur ses genoux en 1998, les compagnies Chevron et Total l’ont remis sur pieds. C’est la même situation maintenant. Politiquement, le régime est dans un mauvais état. Mais c’est l’argent de Chevron et de Total qui leur permet de tenir. Ainsi, c’est la politique des multinationales qui soutient le régime. »

    Le peuple birman doit se débarrasser du régime répressif ; il a démontré à de nombreuses reprises, comme en 1988 et l’année dernière, sa capacité et volonté de lutter pour surmonter tous les obstacles afin d’améliorer son sort. Mais il ne peut compter que sur l’action et l’aide internationale des travailleurs et non sur « l’aide » des gouvernements capitalistes.

    Après les dévastations causées par le cyclone, alors qu’il est urgent d’obtenir l’approvisionnement en nécessités de base pour tous ceux qui en ont besoin, il est également nécessaire de reconnaître, comme un auditeur l’a fait remarqué à une radio, que: « la résistance et les ressources des Birmans à travailler en tant que collectivité pour s’entre aider». C’est évident après deux semaines, et cela le sera encore plus en changeant de régime.

    Les profits, pas les droits de l’homme.

    Le pipeline de pétrole et de gaz naturel de Yadana passe à travers la Birmanie du Golfe d’Andaman vers la Thaïlande. Ce pipeline, dont les associés sont Total et Chevron, a entraîné le travail forcé des masses ainsi que d’autres abus des droits de l’homme commis par l’armée sous l’œil bienveillant des multinationales. Durant les protestations pro-démocratiques de l’année dernière sous la conduite des moines bouddhistes et qui ont été brutalement réprimées par les généraux birmans, un porte-parole de PTTEP, un partenaire thaï de Total, a déclaré: « Les affaires continuent comme d’habitude. Je ne vois aucun impact dans un avenir proche » du malaise. « Quand nous avons un contrat avec un gouvernement, il n’importe pas vraiment de savoir quel gouvernement c’est. »


    Liens

  • Mouvements de masse en Birmanie et ailleurs : quelle solution pour les peuples opprimés?

    En Birmanie, après les mouvements du mois passé, le calme est revenu. La répression a – temporairement – fait taire la colère des masses. C’est la hausse subite des prix des carburants qui a été le déclencheur de la “révolution safran” : le moindre prétexte pourrait à tout moment faire redescendre les masses dans la rue. Dans d’autres pays aussi, de telles hausses de prix ont déclenché des émeutes spontanées : c’était le cas notamment en Iran cette année.

    Gilles

    Notre époque est celle d’une grande instabilité au niveau mondial, d’un ras-le-bol généralisé : nous devons donc nous attendre, de plus en plus, à ce que d’autres “petites choses”, auparavant insignifiantes, puissent représenter pour beaucoup de gens “la goutte qui fait déborder le vase”, et être dans un futur proche à l’origine de luttes plus âpres, en Occident également.

    D’autre part, cette année et la précédente ont vu se développer de nombreuses luttes “pour la démocratie” (Népal, Ukraine, Géorgie, Thaïlande, Mexique, etc.). Bien que la plupart de ces luttes aient été victorieuses jusqu’à un certain point, aucune n’est réellement parvenue à concrétiser tous les espoirs qui avaient été placés en elles.

    L’élection de Iouchtchenko, par exemple, a été l’une des plus grandes déceptions de l’histoire ukrainienne. La campagne pour la libération d’Aung San Suu Kyi fait penser à celle pour la libération de Mandela en son temps (encore que Mandela avait un profil nettement plus marqué à gauche). Pourtant, en Afrique du Sud, malgré la fin de l’apartheid, la situation des travailleurs ne s’est guère améliorée en vingt ans…

    De la même manière, outre les quelques libertés démocratiques et éventuelles avancées sociales qui accompagneraient certainement la venue au pouvoir d’Aung San Suu Kyi, nul ne doit s’attendre à ce que la situation de la Birmanie en ce qui concerne le chômage, la pauvreté, le pillage par les multinationales et la soif d’autonomie des minorités natio-nales ne change fondamentalement. Un argument flagrant dans ce sens est le soutien qui a été donné à la “révolution safran” par la plupart des Etats impérialistes et leurs institutions. Ce qu’espèrent ces organisations, c’est la mise en place d’un gouvernement plus « conciliant », avec lequel elles pourront accomplir leur business. Et leur empressement soudain à exiger la démission des militaires vient beaucoup plus de leur crainte de voir la population s’organiser et le mouvement se radicaliser, que de leur soif de liberté : “Donnons-leur vite leur “démocratie”, tant qu’ils ne demandent rien de plus !”

    La situation actuelle du capitalisme mondial est telle que, sans une mobilisation permanente de la population, Aung San Suu Kyi ne s’avérera être rien de plus qu’une marionnette au service des multinationales, capable de faire passer toutes sortes de « réformes » antisociales au nom de « la reconstruction du pays ».

    Une réelle émancipation du peuple birman ne peut être obtenue que par une réelle démocratie socialiste, sous la direction de la classe ouvrière. Ce n’est que sur base de la socialisation de l’économie, sous contrôle populaire, dans le cadre d’une confédération socialiste régionale, qu’une démocratie authentique pourra être obtenue en Birmanie.

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