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Tag: Biden
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États-Unis. Un an plus tard, les travailleurs ne sont pas mieux lotis avec Joe Biden

Plus d’un an après avoir voté dans l’espoir d’éloigner le pays de la droite, des millions de personnes sont confrontées à la menace imminente d’un raz-de-marée républicain lors des élections de mi-mandat, les midterms.Par Grace Fors, Socialist Alternative (section d’ASI aux États-Unis)
Lors d’une conférence de presse marquant la première année de mandat du président démocrate Joe Biden, un journaliste a demandé : « L’inflation est en hausse, votre législation nationale phare est bloquée au Congrès et, dans quelques heures, un effort au Sénat pour traiter de la législation sur la réforme électorale va échouer. Le COVID-19 continue de coûter la vie à 1.500 Américains chaque jour et les divisions de la nation sont aussi vives qu’il y a un an. Avez-vous fait des promesses excessives au public américain ? » Joe Biden a simplement répondu : « Je n’ai pas fait de promesses excessives. »
C’est très loin de l’état d’esprit de la plupart des Américains. La moitié des Américains déclarent se sentir « frustrés » et « déçus » par la présidence de Biden. Si l’élection de 2024 avait lieu aujourd’hui, 60 % des Américains ne voteraient pas pour Biden. Plus d’un an après avoir voté dans l’espoir de détourner le pays de la droite, des millions d’Américains sont confrontés à la menace imminente d’un raz-de-marée du GOP (Grand Old Party, surnom du parti républicain) lors des élections de mi-mandat.
Joe Biden a été élu par des électeurs qui avaient davantage confiance en lui que dans Trump pour gérer la pandémie de manière adéquate. Pourtant, durant l’année 2021, il y a eu plus de cas de COVID, plus de décès et moins d’aide pour faire face à la pandémie qu’en 2020. Aujourd’hui, selon le fameux institut de sondage Gallup, l’inquiétude face à la pandémie n’a jamais été aussi forte qu’avant le déploiement des vaccins : 58 % des personnes interrogées estiment que la situation s’aggrave. Au cours de la troisième année de la pandémie, l’aide fédérale s’épuise, ce qui, ajouté à la pression d’une inflation record depuis 40 ans, crée un stress économique insoutenable pour les travailleurs. En fait, l’inflation a dépassé le COVID-19 en tant que principale préoccupation des Américains. L’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’essence fait un trou dans le portefeuille des gens, mais Biden refuse de prendre le problème au sérieux.
Une femme du Nevada interrogée par CNN a résumé les sentiments de beaucoup : « Je ne veux pas dire ça, mais quand Donald Trump était là, ce n’était pas du tout comme ça. »
L’incrédulité de Biden face à cette situation est encore plus exaspérante que ses échecs. Nouveaux variants, obstruction au Congrès et inflation : qui donc aurait pu prévoir tout ça ? Quasiment tous ceux qui font attention.
Le plan de sauvetage américain de 1.900 milliards de dollars adopté en mars 2021 a apporté un soulagement crucial aux travailleurs et aux familles. Des millions de personnes ont pu se faire vacciner au début de 2021. Mais au moment du barbecue du 4 juillet organisé par la Maison Blanche pour célébrer l’indépendance du Covid, il manquait 7,4 millions de vaccins à l’objectif de Biden. À ce moment-là, le variant Delta était déjà en route, et il n’a pas fallu longtemps pour que la « lune de miel Biden » s’arrête net.
Parallèlement, les États-Unis ont refusé de s’attaquer sérieusement à la distribution de vaccins de qualité à l’échelle mondiale, ce qui, si rien n’était fait, n’allait faire qu’accroître le nombre de variants. Au lieu d’utiliser le Defense Production Act comme il l’avait promis pour produire des tests en masse, Biden a déclaré la guerre aux non-vaccinés. Alors que les personnes vaccinées et non vaccinées attendaient dans les files d’attente pendant des heures et parcouraient les étagères vides pour trouver des kits de test, l’attachée de presse de la Maison Blanche, Jen Psaki, a ridiculisé l’idée d’envoyer les tests directement dans les foyers.
Le chômage et les différentes aides sociales sont à sec tandis que Joe Biden a renoncé à sa promesse d’annuler une partie de la dette étudiante, déclarant au contraire que la reprise du remboursement de la dette était une priorité absolue de son administration (41 millions de personnes bénéficient actuellement d’un moratoire sur le remboursement de leur dette étudiante, NdT).
Le programme « Build Back Better » de Joe Biden proposait des programmes sociaux extrêmement populaires devant être financés par l’imposition des riches. Pourtant, en octobre, seuls 10 % des personnes interrogées déclaraient connaître les détails de ce plan, qui aurait pu inclure des congés payés parentaux, des programmes d’éducation préscolaire universels, des collèges communautaires gratuits, un élargissement de l’éligibilité à Medicare et des mesures pour le climat. Suite à l’opposition des sénateurs démocrates conservateurs de Virginie-Occidentale Joe Manchin et de l’Arizona Kyrsten Sinema, en novembre, la grande majorité des programmes qui auraient aidé les travailleurs avaient été supprimés. Aujourd’hui, Biden et la direction du parti démocrate parlent de réduire encore plus le paquet de mesures et d’en supprimer jusqu’au nom. L’objectif est de créer une nouvelle législation qui réponde à toutes les exigences du baron du charbon Joe Manchin : avant tout, « pas d’assistanat ».
L’abyssale stratégie des démocrates
Au beau milieu d’une poussée du variant Omicron et alors que sa cote de popularité n’a jamais été aussi basse, la vice-présidente Kamala Harris a déclaré lors d’une interview : « Il est temps pour nous de faire ce que nous avons fait, et ce temps, c’est tous les jours. » Elle a raison – dans le sens où chaque jour, les démocrates se tirent une balle dans le pied. Il n’est pas difficile de voir où les choses pourraient aller à partir de là. Vingt-six démocrates se retirent de la Chambre. Alors que les démocrates se dirigent vers un désastre de mi-mandat avec pratiquement rien à montrer comme concrétisation de leurs grandes promesses, ils feront probablement campagne sur des proclamations alarmistes concernant les « menaces existentielles pour notre démocratie ». Il est absolument vrai que les droits démocratiques sont attaqués dans les États dirigés par les Républicains. Mais si c’est tout ce que les Démocrates ont à dire, ce sera assez difficile à vendre.
L’ère Trump a montré l’ampleur des dégâts que le parti républicain peut faire avec ne serait-ce qu’un pouce de pouvoir pour faire passer en force des réductions d’impôts pour les riches, publier des décrets de droite, remplir la Cour suprême de cinglés ultraconservateurs. Et depuis que les démocrates sont au pouvoir, les plus grandes menaces pour les travailleurs proviennent des législatures d’État de droite.
Pourquoi ne déclarent-ils pas la guerre à Sinema et Manchin ?
Nous sommes censés croire que l’invincibilité divine des sénateurs démocrates conservateurs Sinema et Manchin est la seule raison pour laquelle nous ne pouvons espérer aucun gain législatif de cette administration. Plus récemment, l’incapacité à faire avancer la réforme cruciale du droit de vote a donné un ton lugubre à la Journée Martin Luther King. Les Démocrates ont utilisé une discipline de parti rigoureuse pour réprimer la gauche. Les menaces que les dirigeants de la Chambre des représentants ont proférées à l’encontre d’Alexandria Ocasio-Cortez pour qu’elle change son vote négatif en vote positif concernant le financement du Dôme de fer israélien pourraient être également appliquées à Sinema et Manchin. La campagne qui a poussé les élus de gauche réunis dans « The Squad » (la brigade) à faire l’éloge de l’administration Biden et à s’aligner sur la direction du parti pourrait être reproduite.
Il serait également possible d’utiliser l’autorité des structures du parti. Tous ces textos et courriels ennuyeux du Comité national démocrate demandant de l’argent pourraient plutôt être des appels à la pression publique sur Manchin et Sinema pour qu’ils adoptent le programme des Démocrates. Plusieurs budgets de plusieurs millions (DSCC, Senate Majority PAC) pourraient faire de même. D’innombrables outils existent, mais les Démocrates ne les utilisent pas. Pourquoi ? parce qu’ils ne le veulent pas.
Les progressistes comme Bernie Sanders ont commencé à parler des défis que représentent Sinema et Manchin. Mais même avec ces deux-là hors du chemin, qu’est-ce qui empêcherait un autre élu de devenir le nouveau « méchant » ? Il suffit que le lobby des entreprises les courtise et que les dirigeants démocrates tendent l’autre joue. Quoi qu’il en soit, ni l’un ni l’autre ne se présente aux élections avant 2024, alors que, pour autant que nous sachions, nous pourrions être sous une majorité républicaine et cela ne ferait guère de différence.
Une alternative de gauche audacieuse est la seule issue possible
Dire que le bilan des démocrates « ouvre la porte » au populisme de droite est un euphémisme. Les échecs de l’administration Biden sont une marque géante et clignotante pour les populistes de droite et l’extrême droite que les travailleurs ont désespérément besoin de changement. Pour la gauche, il s’agit soit de sombrer avec le navire en perdition des Démocrates, soit de se réunir et de se soulever pour offrir une alternative. Si nous ne sommes pas honnêtes sur la dure réalité de ce que le leadership démocrate a signifié pour les travailleurs, et sur la futilité du vote de « moindre mal », la frustration et la déception ne feront qu’exacerber la menace de la droite, et non alimenter le mouvement pour ce dont nous avons vraiment besoin.
Il ne pourrait être plus clair que pour réformer le parti démocrate, il faudrait le transformer à un niveau fondamental par une révolte de la base au sommet. Les candidats qui refusent l’argent des entreprises et s’engagent à adopter une approche combative pour les revendications de la classe ouvrière devraient défier les démocrates capitalistes à tous les niveaux, parallèlement à une révision complète des structures antidémocratiques du parti. Si la “réforme du parti” nécessite une telle bataille acharnée, pourquoi le faire au sein du parti démocrate, qui dispose d’outils intégrés pour saboter les campagnes de gauche comme celle de Bernie et punir son flanc gauche ? Construire notre propre parti de gauche est la seule voie rationnelle à suivre.
Alors que la cote de popularité de Biden a baissé dans tous les domaines, les frustrations des jeunes et des travailleurs ont été les plus prononcées. C’est à eux que la gauche peut s’adresser en proposant une alternative politique. La formation d’un large parti de gauche pour sauver les travailleurs de l’échec de la stratégie démocrate et de la droite n’a jamais été aussi urgente.
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Le capitalisme fait-il payer les riches ? Réponse socialiste au sujet de Biden, du FMI et des hausses d’impôts

Bien que la proposition de Biden fasse payer plus d’impôts à Google dans certains pays, c’est aussi un moyen d’éviter différents types de taxes numériques à différents niveaux (Photo : Outreach Pete / Flickr CC). Pourquoi le FMI, Joe Biden et le gouvernement britannique, parmi de nombreuses autres institutions et gouvernements capitalistes, préconisent-ils soudainement une augmentation des impôts ? Ces mesures résoudront-elles les problèmes qui s’accumulent dans l’économie capitaliste ?
Per-Ake Westerlund, Rattvisepartiet Socialisterna (ISA en Suède)
En un court laps de temps, les propositions suivantes ont été annoncées :
- Le gouvernement britannique conservateur va augmenter l’impôt sur les sociétés de 19 à 25 % au cours des quatre prochaines années.
- Le nouveau président américain, Joe Biden, propose d’augmenter l’impôt sur les sociétés de 21 à 28 %, ainsi que l’impôt sur les personnes gagnant plus de 400.000 dollars par an, afin de financer un plan d’infrastructure de 3 à 4 billions de dollars. En outre, la nouvelle administration souhaite la création d’une limite mondiale (minimale) pour l’imposition des sociétés.
- Le Fonds monétaire international, FMI, préconise que “les hauts revenus et les entreprises qui ont prospéré pendant la crise du coronavirus devraient payer des impôts supplémentaires en signe de solidarité”.
Ces propositions marquent-elles un changement politique important ? Voici un commentaire pour illustrer la réponse : « L’autre semaine, j’ai vu en gros titre que le FMI mettait en garde contre les réductions de dépenses et des emprunts publics. Le rapport m’a arrêté dans mon élan. Après avoir été, pendant un demi-siècle environ, le gardien de la flamme sacrée de la prudence budgétaire, le FMI disait aux responsables politiques des riches nations industrielles qu’ils ne devaient pas s’inquiéter outre mesure de l’énorme accumulation de la dette publique pendant la crise du Covid-19. John Maynard Keynes avait été déterré, et le monde était sens dessus dessous. (…) C’était le FMI qui parlait… C’est l’organisation qui, des années durant, ne disposait que de quelques réponses simples pour tous les problèmes économiques auxquels vous pouviez penser : réduction des dépenses budgétaires, réduction de la taille de l’État et/ou libéralisation du marché. Ces conseils ont été baptisés « consensus de Washington » en raison de la localisation du FMI. » (Philip Stephens, commentateur politique en chef, Financial Times, 19 février)
Il est également révélateur que ces propositions émanent principalement des mêmes partis et gouvernements qui ont lancé la vague néolibérale dans les pays capitalistes « avancés », les États-Unis et la Grande-Bretagne, dans les années 1980 et 1990. Le plan de Biden comporte les toutes premières augmentations d’impôts aux États-Unis depuis 1993.
Pourquoi cela se produit-il ?
Pour reprendre les termes de l’OCDE : « En 1980, les taux d’imposition des sociétés dans le monde étaient en moyenne de 40,11 %… Depuis lors, les pays ont pris conscience de l’impact que des taux élevés d’imposition des sociétés ont sur les décisions d’investissement des entreprises, de sorte qu’en 2020, la moyenne est désormais de 23,85 pour cent. »
L’OCDE répète le prétexte officiel des réductions d’impôts néolibérales en faveur des riches : libérer les « investissements des entreprises ». En réalité, avec les attaques contre les finances du secteur public dont ces réductions d’impôts faisaient partie, parallèlement à la réduction des salaires et à la détérioration des conditions de travail, la classe capitaliste menait une guerre de classe contre la classe ouvrière, afin d’augmenter ses profits.
Cette « libération » des forces du marché n’a jamais atteint les objectifs de stabilité, de croissance et d’amélioration de la vie de toutes et tous que ces politiciens promettaient lorsqu’ils s’adressaient à un public de masse. Au contraire, elle a entraîné une augmentation record des inégalités, détruit le bien-être là où il existait et accéléré la crise climatique. Il y a environ 20 ans, ce système avait déjà été profondément remis en question par le mouvement contre la mondialisation capitaliste.
La crise financière de 2008-2009, suivie de la « grande récession », a souligné la fragilité du système. Des idées telles que la « taxe Tobin » sur les transactions financières et des propositions similaires de l’économiste Thomas Piketty reflétaient la prise de conscience croissante parmi les capitalistes et leur personnel politique que quelque chose devait être fait. Certains milliardaires ont commencé à préconiser une augmentation des impôts et même le FMI a mis en garde contre les inégalités.
Mais aucun gouvernement n’a franchi la ligne. L’austérité pour le peuple et les milliards pour les riches, voilà quelle était la médecine des années 2010. Cela a créé vague après vague de luttes et de mouvements de travailleurs et d’opprimés au cours de cette décennie. Alors qu’elle touchait à sa fin en 2019, une vague de révoltes de masse s’est répandue sur la planète, qui s’est poursuivie depuis, avec seulement une courte pause lorsque la pandémie a commencé.
Par conséquent, ce tournant dans les politiques gouvernementales repose sur les raisons fondamentales suivantes : 1) L’échec complet de l’idéologie néolibérale à stabiliser l’économie durant les décennies précédentes. 2) La crainte d’un mécontentement et de révoltes de masse venant d’en bas, sapant davantage le capitalisme et ses partis politiques.
Bien entendu, la pandémie et la crise qu’elle a déclenchée ont joué un rôle important. Dans la plupart des pays, une intervention massive de l’État a été nécessaire pour éviter un effondrement économique total. Les entreprises ont été payées pour ne pas faire faillite et même les travailleurs ont reçu un peu d’argent, surtout aux États-Unis, pour maintenir la consommation (qui compte pour 70 % de l’économie américaine).
L’OCDE explique : « Les estimations pour l’ensemble de l’OCDE en 2020 suggèrent une augmentation de 5 points de pourcentage du PIB du déficit primaire ajusté au cycle économique (une mesure de l’orientation budgétaire) ; et une augmentation de près de 17 points de pourcentage du PIB pour la dette publique brute. » La dette moyenne des États du G20 est passée de 82,1 % du PIB en 2019 à 103,2 % en 2021.« Sans ces mesures fiscales et monétaires, la contraction mondiale de l’année dernière aurait été trois fois plus grave. Cela aurait pu être une nouvelle Grande Dépression », a commenté la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva.
Guerre fiscale et paradis fiscaux
Depuis plus d’une décennie, l’OCDE et les pays du G20 négocient pour trouver des solutions mondiales à la concurrence fiscale entre gouvernements. Les écarts entre les impôts sur les sociétés, bien qu’ils aient été réduits partout, restent importants : 5,5% à la Barbade, 9% en Hongrie, 12,5% en Irlande, 32% en France et environ 35% dans de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine. Il existe parallèlement des pays à la fiscalité nulle, des paradis fiscaux tels que les îles Caïmans, Jersey, les Émirats arabes unis, etc.
Le site web de l’ONG « Global Alliance for Tax Justice » estiment que « les pays perdent au total plus de 427 milliards de dollars d’impôts chaque année à cause de l’évasion fiscale des entreprises internationales et de l’évasion fiscale privée, ce qui coûte aux pays l’équivalent du salaire annuel de près de 34 millions d’infirmières chaque année – ou le salaire annuel d’une infirmière toutes les secondes. »
Les systèmes d’évasion fiscale ont été exposés, par exemple, par les Panama papers, divulgués en 2016, qui ont démontré la culpabilité de grandes banques et entreprises renommées. Les entreprises se livrent à toutes sortes de transactions et de manœuvres pour dissimuler l’ampleur de leurs bénéfices afin d’échapper à l’impôt. Les paradis fiscaux sont d’autre part grands ouverts aux criminels et au blanchiment d’argent.
La guerre fiscale entre les pays a longtemps été décrite comme une course vers le bas. La diminution des revenus pour le secteur public a évidemment aidé les gouvernements de droite favorables aux réductions budgétaires et aux privatisations. Les États-Unis disposaient d’un taux d’imposition des sociétés de 35 %, mais Trump et les républicains l’ont abaissé à 21 % en 2017, juste en dessous de la moyenne mondiale. L’augmentation proposée par Biden, à 28 %, ne fait donc finalement que le rétablir à mi-chemin du niveau précédent.
En Europe, l’Union européenne a été le principal vecteur du néolibéralisme en poussant à la privatisation et à la déréglementation. Au sein de l’UE, la concurrence fiscale s’est poursuivie. Lorsque la Commission européenne a ordonné à Apple de payer 13 milliards d’euros d’impôts à l’Irlande, le gouvernement irlandais a refusé d’accepter la décision en déclarant qu’Apple avait déjà payé « le montant correct ». Le Socialist Party (section irlandaise d’Alternative Socialiste Internationale et parti-frère du PSL/LSP) a souligné à quel point la faible taxation des grandes entreprises s’accompagnait d’une forte austérité pour les travailleurs.
Que peut donc faire Biden ?
L’augmentation des impôts américains proposée par Biden est censée accroître les revenus de l’État de 2 à 2,5 billions de dollars. Comme elle s’étale sur une période de 15 ans, il s’agit en fait d’une augmentation modeste. Elle peut être comparée à la valeur du marché boursier américain, qui dépasse les 50.000 milliards de dollars.
La proposition internationale de Biden a été diffusée auprès de 135 gouvernements dans le cadre des négociations fiscales de l’OCDE. Elle a reçu des réponses positives de Berlin et de Paris, et une proposition finale est censée être prête d’ici l’été.
Cette proposition comprend ce que l’OCDE appelle deux piliers : 1) un taux minimum mondial d’impôt sur les sociétés de 21 % et 2) une proposition selon laquelle les multinationales devraient payer des impôts en fonction de leurs ventes dans chaque pays. Cette dernière proposition était clairement rejetée par Trump, qui a préféré la poursuite des réductions d’impôts. La proposition de Biden, même si elle implique que Google ou Microsoft paient plus d’impôts dans certains pays, est toutefois un moyen d’éviter les taxes numériques à différents niveaux mises en œuvre par les gouvernements nationaux.
Un minimum mondial augmenterait également les recettes fiscales aux États-Unis, car il y aurait moins de raisons de déplacer les sièges sociaux à l’étranger pour des raisons fiscales, et pour les entreprises américaines à l’étranger qui paient aujourd’hui 10,5 % d’impôts. Il y a un fort élément nationaliste dans la proposition apparemment « mondiale » de Biden. D’autres nouvelles annonces politiques de Biden, telles que le renforcement du rôle de l’État et les plans d’investissement dans les infrastructures, font également partie de la stratégie des Etats-Unis dans la nouvelle guerre froide avec la Chine.
Cette proposition globale est également très modeste. Elle profitera aux pays les plus riches et ne fera rien pour arrêter l’augmentation des inégalités dans le monde. Elle ne couvre que moins de dix pour cent des 2.300 entreprises figurant dans le plan initial de l’OCDE pour les impôts mondiaux.
La popularité à court terme de M. Biden, qui découle de ses mesures de relance et des pronostics récemment plus positifs concernant l’économie américaine, lui confère certains avantages. Néanmoins, la droite républicaine et une partie au moins des grandes entreprises s’opposeront à son plan. Et bien sûr, de nombreux gouvernements auront des objections à l’égard d’un taux d’imposition mondial, surtout en cette période de nationalisme croissant des capitalistes et des partis politiques.
Les propositions du FMI sont également limitées, bien qu’elles signifient un changement de cap. Ce que le FMI propose, c’est une taxe temporaire et limitée pour les superprofits réalisés pendant la pandémie.
Vitor Gaspar, responsable de la politique fiscale du FMI, a déclaré : « La vaccination sera probablement le projet d’investissement mondial au rendement le plus élevé jamais envisagé ». Avec tant de personnes affectées négativement par la crise, une « taxe de solidarité » sur les bénéfices extraordinaires aurait un « impact symbolique », a-t-il ajouté.
Si le FMI a également formulé des commentaires positifs sur l’impôt sur la fortune et l’impôt sur les successions, tant le FMI que l’OCDE soulignent que toute mesure de soutien et toute dépense publique seront temporaires. Les travailleurs ne doivent pas s’habituer à l’aide de l’État.
Les marxistes et l’impôt
Les politiciens et les médias qualifient souvent les impôts élevés de politiques socialistes. Et bien sûr, nous sommes en faveur d’une augmentation des impôts pour les milliardaires et les grandes entreprises. Dans le même temps, nous mettons en garde contre les limites d’une politique d’augmentation des impôts.
Dans le cas de Biden, les mesures positives telles que l’augmentation des allocations familiales portent le message suivant : « Le président s’occupe du problème, pas besoin d’un mouvement de masse organisé démocratiquement ». Dans le cadre du capitalisme, chaque mesure n’est que temporaire et, dans ce cas, il y a même une limite temporelle explicite à la mesure : septembre ou décembre 2021. Même si Biden propose de rendre cet avantage permanent, il n’y a en fait aucun réel gain à long terme pour les travailleurs dans la loi de relance de 1,9 billion de dollars adoptée en mars.
L’augmentation des impôts ne sera pas tout simplement acceptée en silence par les entreprises et les riches. Ceux-ci engageront des milliers d’experts en évasion fiscale et ils augmenteront les prix ou réduiront les salaires afin de transférer la charge sur la classe ouvrière.
Pendant toute une période, de 1945 à 1980 environ, la Suède était considérée comme un modèle où l’augmentation des impôts et le bien-être public allaient de pair pour améliorer la vie des travailleurs. Mais cela a pris fin, car les impôts n’ont pas modifié l’équilibre réel du pouvoir économique et de la propriété. Les capitalistes ont pu riposter, car la social-démocratie a accepté de rester dans le cadre du capitalisme. Une « économie sociale de marché » à la Piketty est impossible.Il est vrai que des augmentations d’impôts relativement faibles suffiraient à financer des logements moins chers, des retraites plus élevées, le financement des écoles et des hôpitaux, etc. Mais sous le capitalisme, de telles mesures sont temporaires. Toute mesure de ce type dans le cadre du capitalisme est temporaire. La facture finira par peser sur les travailleurs et les pauvres, au niveau national et international.
Le récent changement de politique ne sauvera pas le capitalisme de la crise. Les tensions et les contradictions nationales, la dette massive et le danger d’inflation s’ajouteront plus tard à tous les autres facteurs de crise de ce système.Les marxistes ne sont pas des pom-pom girls pour les politiciens qui augmentent les impôts. Nous soutenons les réformes positives, et nous nous préparons aux luttes pour les défendre et les améliorer. Au cours de l’année à venir, il est probable que les politiciens rentreront en eaux troubles dès lors qu’ils tenteront d’abolir les mesures temporaires d’assistance aux travailleurs. Nous avons besoin de partis politiques de la classe ouvrière et de mouvements sociaux de masse et démocratiques qui luttent pour un changement de système, pour abolir le capitalisme et établir une société socialiste démocratique.
Contrôler les grandes entreprises, les Amazon et les Jeff Bezos, avec des taxes est aussi difficile que d’arrêter la crise climatique en essayant de contrôler les compagnies pétrolières privées. Pour les marxistes, taxer la richesse privée ne suffit pas, la question clé est celle de la propriété de la richesse. Pour prendre un réel pouvoir sur l’économie, la nationalisation des grandes entreprises est nécessaire, sous le contrôle démocratique des travailleurs et des pauvres, dans le cadre d’une véritable coopération internationale.
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La politique étrangère des États-Unis : le retour à l’impérialisme normal ?

L’administration Biden va-t-elle, comme ce dernier l’a déclaré, “réparer les dégâts causés par le président Trump et tracer une voie fondamentalement différente pour la politique étrangère américaine dans le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui” ?
Par George Martin Fell Brown, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux Etats-Unis)
Avec Trump, la politique étrangère américaine a pris la forme d’un nationalisme erratique. Sous le slogan “America First”, Trump s’est éloigné des alliés traditionnels de l’impérialisme américain, a déclenché des conflits commerciaux et tarifaires et a promis de nous sortir des “guerres sans fin”. Parallèlement, Trump a défendu les intérêts de l’impérialisme américain de manière encore plus nue, en livrant à de dangereux coups de sabre en Chine et en Iran, tout en défendant les politiques les plus réactionnaires d’Israël et de l’Arabie Saoudite.
On peut s’attendre à ce qu’une administration Biden prenne rapidement des mesures qui distingueront nettement la nouvelle administration, au moins au niveau de la rhétorique, par rapport à celle de Trump. Cependant, tout espoir de “remise à zéro” pose problème. La tendance au protectionnisme, les guerres commerciales, la mondialisation et la rivalité entre les États-Unis et la Chine ne sont pas le fruit de la personnalité d’un seul homme. Cela résulte de la profonde crise du capitalisme mondial et l’administration Biden sera incapable de la résoudre.
Le statu quo que Biden veut rétablir ne mérite pas d’être célébré. Alors qu’il était au Sénat, Biden fut un ardent défenseur de l’impérialisme américain, de la “guerre contre la drogue” en Amérique latine à la “guerre contre le terrorisme” au Moyen-Orient. Il a soutenu avec enthousiasme l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan. Toutes ces guerres ont été menées dans l’intérêt des grandes entreprises américaines. Cela s’est poursuivi pendant son mandat de vice-président d’Obama. Voilà l’approche que Biden promet de reprendre. Toute “réinitialisation” des relations mondiales avec l’administration Biden ne représentera pas les intérêts des travailleurs, ni à aux Etats-Unis, ni à l’étranger.
Rétablir les relations
L’un des principaux slogans de politique étrangère de la campagne électorale de Biden était de “renforcer la coalition des démocraties qui nous soutiennent”. Pour ce faire, il faut reconstruire les relations entre les États-Unis et leurs alliés traditionnels mis à mal par l’administration Trump. Biden cherchera à réintégrer l’Accord de Paris sur le climat et l’Organisation mondiale de la santé, que les États-Unis ont quitté avec Trump. Plus largement, l’administration Biden va renouer avec les institutions capitalistes mondiales, telles que l’OTAN et l’Union européenne, dont Trump avait cherché à s’éloigner ou dont il avait activement cherché à saper l’autorité.
Mais les capacités de Biden de “tracer une voie fondamentalement différente” ont leurs limites. L’Accord de Paris sur le climat, par exemple, est extrêmement limité. Le retour des États-Unis ne signifiera pas en soi un changement sérieux dans la course effrénée vers la catastrophe climatique. Le capitalisme européen sera heureux que Biden s’appuie davantage sur l’UE et l’OTAN, adopte une approche plus antagoniste à l’égard de la Russie et s’oppose au Brexit. Mais la crise politique et économique en Europe ne saurait être résolue par une reconstruction des alliances. Le Brexit est considéré comme une affaire réglée et d’autres crises menacent l’unité du capitalisme européen.
La fin de la rhétorique “America First” de Trump peut ralentir la croissance du protectionnisme. Mais si tout cela représente un certain changement et sera perçu, au moins pendant un certain temps, comme faisant partie d’un retour à la “normale” dans les relations mondiales, l’énorme affaiblissement des institutions capitalistes mondiales ne sera pas fondamentalement inversé. La tendance à la déglobalisation ne sera pas non plus inversée.
“Chine. Chine. Chine. Russie.”
Un des conseillers de Biden a été cité dans le Financial Times, décrivant la politique étrangère de Biden comme “Chine. Chine. Chine. Russie”. L’administration Trump était dominée par une guerre tarifaire croissante avec la Chine qui allait à l’encontre de l’orthodoxie néolibérale que Biden représente. Mais il y a des limites à ce que Biden peut, ou même veut, pour changer la dynamique de ce conflit.
Biden peut chercher à conclure un accord avec la Chine pour réduire les droits de douane, mais la politique américaine d’”engagement” avec la Chine, qui a commencé avec la visite de Nixon en 1972 et a conduit à l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2000, est maintenant définitivement terminée. L’idée que la Chine puisse être réformée pour devenir un “partenaire” des États-Unis et des puissances occidentales a été remplacée par la crainte de sa montée en puissance. Une partie de la classe dirigeante américaine souhaite maintenant un changement de régime en Chine. Cela se reflète dans la rhétorique grossière de Mike Pompeo qui a récemment déclaré que les pays étaient confrontés à un choix entre “la barbarie d’un côté et la liberté de l’autre… Nous les avons réveillés à la menace posée par ce monstre marxiste-léniniste”. La rhétorique des Démocrates sera différente, sans pour autant désamorcer le conflit.
Même avant Trump, l’objectif d’Obama avec l’alliance commerciale du Partenariat Trans Pacifique (TPP) dont Trump s’est retiré, était d’”encercler” la Chine et de contenir son développement. Bien que l’administration Obama se soit abstenue de mener une guerre commerciale de grande envergure, il a déclaré dans une récente interview accordée à The Atlantic que “si nous n’avions pas traversé de crise financière, ma position envers la Chine aurait été plus explicitement litigieuse sur les questions commerciales”. Michèle Flournoy, le choix proposé par Biden pour le poste de ministre de la défense, a également adopté une ligne dure en faveur du renforcement de la présence militaire américaine dans la mer de Chine méridionale.
Le refroidissement de la rivalité américano-chinoise n’est pas simplement une question de ce que le gouvernement américain est prêt à offrir. C’est aussi une question de ce que le gouvernement chinois est prêt à accepter. En outre, on peut s’attendre à ce qu’une administration Biden adopte une ligne plus dure que Trump à l’égard de la Russie.
On peut s’attendre à ce que Biden et l’impérialisme américain insistent sur les “droits humains” dans une bien plus large mesure que Trump. Nous pouvons également nous attendre à une diminution des propos sinophobes comme les références de Trump au “virus chinois”. Par contre, il ne faut pas s’attendre à un changement sérieux dans le conflit sur la technologie, y compris l’exclusion par les États-Unis du réseau 5G de Huawei. Nous ne devons pas non plus nous attendre à un renversement de la tendance en cours vers le découplage des économies américaine et chinoise, avec des entreprises qui réduisent ou retirent leurs activités en Chine et l’éclatement de la chaîne d’approvisionnement mondiale en chaînes d’approvisionnement régionales. Mais si l’impérialisme américain peut être en mesure de constituer un front commun contre la Chine parmi un certain nombre de pays capitalistes clés, il le fera dans une position de faiblesse significative par rapport à il y a même une décennie. En réalité, le conflit a affaibli et continuera d’affaiblir les deux puissances.
Les attaques de Biden contre la Chine mettront en lumière la répression du régime du parti “communiste” à Hong Kong et la détention de près d’un million de musulmans ouïgours dans la région du Xinjiang. Le régime du PCC est en effet une dictature brutale et chauvine. Mais les crimes de l’impérialisme américain sont encore pires. Du Vietnam à l’Irak, les Etats-Unis ont massacré des millions de personnes dans le but de défendre le système de profit. En tant que socialistes, nous nous opposons à tout impérialisme, y compris et surtout au “nôtre”.
Le Moyen-Orient
Au Moyen-Orient, une “réinitialisation” des relations mondiales ne serait pas une bonne chose. Biden était un fervent partisan de la “guerre contre le terrorisme” de Bush et de sa poursuite sous l’administration Obama. Pendant l’élection, Biden a consciemment courtisé des personnalités de l’administration Bush comme Colin Powell. Les membres du cabinet qu’il a proposés comme responsables des relations mondiales – Michèle Flournoy pour la défense et Anthony Blinken pour la secrétaire d’État – sont tous de fervents représentants de l’approche impérialiste pourrie vis-à-vis du Moyen-Orient, qui repose sur le soutien aux dictateurs et la conduite de guerres pour maintenir le contrôle du pétrole.
Biden et son équipe vont certainement essayer de poursuivre une approche différente de celle de Trump vis-à-vis du régime iranien. Ils sont certainement déterminés à essayer de relancer l’accord nucléaire iranien dont Trump s’est retiré mais, en pratique, cela pourrait s’avérer impossible. L’Iran exigera la fin des sanctions imposées par Trump, ce qui serait probablement politiquement impossible à accepter pour Biden. Même dans ce cas, l’administration n’aura pas les coudées franches pour relancer l’accord nucléaire. Blinken a assuré que “nous poursuivrons les sanctions non nucléaires contre la mauvaise conduite iranienne dans d’autres domaines”. Sur les dernières semaines de l’administration Trump, Trump et son allié Netanyahu, le premier ministre israélien, ont tenté de provoquer l’Iran dans un conflit direct pour rendre la tâche de Biden encore plus difficile. La dernière action en date est l’assassinat du principal scientifique nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh, très probablement par Israël.
Certains éléments indiquent que Biden adoptera une attitude moins amicale à l’égard du régime saoudien. La relation avec Nétanyahou sera tout aussi glaciale. Mais cela en dit plus long sur l’amitié que Trump avait avec les gouvernements saoudien et israélien que sur l’hostilité de Biden. Sous l’administration Obama, Biden, Blinken et Flournoy ont maintenu des liens étroits avec les deux pays, soutenant l’invasion saoudienne du Yémen et augmentant le financement du programme de défense israélien.
L’engagement de Biden en faveur d’une “coalition des démocraties” sera sérieusement mis à l’épreuve au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L’approche de Biden et d’autres a été remise en question lors du processus de révolution et de contre-révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord il y a dix ans, lors des soulèvements de masse dirigés contre les alliés traditionnels des États-Unis en Égypte et en Tunisie. La dictature d’Abel el-Sisi en Égypte, qui est arrivée au pouvoir par un coup d’État contre-révolutionnaire, servira de test pour déterminer l’engagement de Biden en faveur de la démocratie. Trump était un fervent admirateur de Sisi et Obama, tout en critiquant Sisi, a néanmoins rétabli les relations entre les États-Unis et l’Égypte.
L’Amérique latine
Sous l’administration Clinton, Biden a été l’un des principaux architectes du “Plan Colombie”, une réponse fortement militarisée au commerce de la drogue, axée sur des aides militaires massives au gouvernement de droite en Colombie. Ce plan était accompagné d’une aide économique à la Colombie liée à un engagement de privatisations, de libre-échange et d’austérité. Cela a entraîné des violations massives des droits humains et une pauvreté croissante. Néanmoins, Biden a présenté le Plan Colombie comme l’une de ses principales réalisations en matière de politique étrangère pendant les élections.
Sous l’administration Obama, Biden a supervisé l’Alliance pour la prospérité et le Programma Frontera Sur en Amérique centrale et au Mexique. Ces programmes visaient à stopper l’immigration à la source en fournissant une aide financière pour soutenir les forces de police hautement militarisées dans la région. En pratique, cela a permis de renforcer la répression et la corruption que les gens fuyaient au départ.
Comme pour la politique chinoise, Biden évitera le racisme flagrant mis en avant par Trump. Mais il poursuivra sa propre politique passée de soutien aux gouvernements de droite favorables aux États-Unis dans la région.
L’Amérique latine a connu récemment une recrudescence des luttes de masse. Des manifestations de masse ont eu lieu en Équateur et au Chili en 2019. En Bolivie, le Mouvement vers le socialisme a obtenu une victoire en octobre et a renversé le coup d’État de droite qui avait déposé Evo Morales en 2019. Actuellement, nous assistons à de nouvelles luttes de masse au Pérou et au Guatemala. Toutes ces luttes sont dirigées contre les politiques et les gouvernements que Biden a encouragés par le passé. Une administration Biden ne sera qu’un obstacle à ces luttes et à celles à venir.
La nouvelle vague de luttes en Amérique latine constitue une alternative aux approches de l’impérialisme américain, qu’il soit dirigé par Trump ou Biden. La lutte ouvrière internationale et la solidarité peuvent ouvrir la voie à une véritable “autre voie” pour la politique mondiale.
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Chaos au Capitole : Il faut construire un mouvement pour vaincre l’extrême droite

Nous avons d’abord reçu la notification : “La foule pro-Trump s’introduit dans le bâtiment du Capitole.” Ensuite, “Les membres du Congrès sont priés de se cacher sous leurs chaises”, puis “Ils ont tiré dans les salles”.
Par Keely Mullen, Socialist Alternative
La prise d’assaut du Capitole a choqué des centaines de millions de personnes aux États-Unis et dans le monde entier. Le chaos qui a eu lieu à l’intérieur de l’un des piliers de la puissance américaine est à bien des égards une incarnation des crises à multiples facettes qui ont englouti le pays. Pendant des heures, le Capitole a été occupé par une foule, dirigée par des éléments d’extrême droite et fascistes, déterminés à renverser les résultats des élections de novembre.
Peu après la percée du Capitole, les membres du Congrès ont été déplacés dans un “lieu sûr” alors que l’extrême droite prenait d’assaut les salles de la Chambre et du Sénat. Ils ont erré dans les couloirs du Congrès, volant le courrier de Nancy Pelosi, démolissant des tableaux. Un homme est même sorti par la porte d’entrée en tenant un podium entier.
L’impréparation totale de la police du Capitole face à l’attaque du Capitole contrastait fortement avec la façon dont la police a répondu aux manifestations de Black Lives Matter l’été dernier. Des milliers de gardes nationaux ont été mobilisés pour “protéger le Capitole” lors des manifestations du 1er juin, tandis que des tactiques brutales étaient utilisées dans les villes. Il a été révélé que l’extrême droite planifiait ouvertement cette opération sur les médias sociaux depuis des semaines, et même cela n’a pas déclenché une réponse des forces de l’ordre.
Dans les semaines et les mois qui ont précédé “l’insurrection”, M. Trump n’a pas tenté de cacher ses ambitions de coup d’État. Jusqu’à hier soir, il a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne concéderait ni ne respecterait les résultats de l’élection. Il a préparé le terrain pour les événements de ce 6 janvier tout au long de sa campagne électorale. Il a mis en garde contre la fraude électorale généralisée et l’escroquerie aux bulletins de vote par correspondance. Trump a clairement indiqué que tout ce qui aurait été moins qu’une victoire éclatante ne serait qu’une élection volée.
Après l’élection, Trump, en plus d’avoir intenté 60 procès, a cherché à contraindre les responsables républicains des principaux États à annuler les résultats. Plus récemment, il a cherché à intimider le secrétaire d’État géorgien, Brad Raffensperger, pour “trouver” 11.000 votes lors d’un appel téléphonique qui a fait l’objet d’une fuite. Il a engagé des discussions avec des théoriciens du complot sur la déclaration de la loi martiale. Enfin, il a tenté d’obtenir du vice-président, Mike Pence, qu’il accepte d’annuler unilatéralement les résultats des élections lors de la certification par le Congrès.
“Détruisez le GOP !”
Avant de se rendre au Capitole hier, Trump a tenu un rassemblement “Sauvez l’Amérique” où il a dénoncé les républicains déloyaux comme Mike Pence et Mitch McConnell, qui allaient de l’avant en certifiant la victoire de Joe Biden. Trump a appelé ses partisans à se rendre au Capitole et à cibler les “républicains faibles”.
Lors d’un rassemblement pro-Trump en décembre à Washington pour “stopper le vol”, Nick Fuentes, figure de proue d’extrême droite et avoué suprémaciste blanc, a crié : “Nous avons promis que si le GOP (Grand Old Party, le Parti républicain, NdT) ne faisait pas tout ce qui est en son pouvoir pour garder Trump au pouvoir, alors nous détruirions le GOP.” Cette déclaration a été suivie d’un chant enthousiaste de la foule : “Détruisez le GOP !” Trump lui-même a demandé l’emprisonnement du gouverneur républicain de Géorgie et a dénoncé les républicains qui s’opposaient à lui comme des “RINO” (Repubican in Name Only).
Comme nous l’avons constamment averti, malgré la défaite électorale de Trump et la probabilité que ses tentatives de renverser l’élection échouent en raison de l’opposition de l’élite pro-entreprises et des éléments clés de l’appareil d’État, l’extrême droite progresse. Avec l’administration Biden et dans le cadre de la crise capitaliste actuelle, elle est prête à se développer encore davantage.
Si les groupes fascistes et quasi-fascistes actuels restent relativement petits, il est fort possible que nous assistions aujourd’hui aux premiers stades d’une scission du Parti républicain et au développement d’un nouveau parti populiste de droite composé du noyau dur autour de Trump.
Les lignes de division au sein du Parti républicain ont été illustrées de façon frappante lors des débats au Congrès avant-hier. Lorsque le Sénat s’est réuni à nouveau après que les forces d’extrême droite aient finalement été éliminées, la plupart des Républicains qui allaient soutenir les “objections” aux résultats ont fait marche arrière.
Le débat a montré à quel point les événements d’avant-hier ont ébranlé l’establishment et la classe dirigeante – ce que le Sénat reflète plus fidèlement. L’accent a été mis en particulier sur les dommages que cela causerait à la “position des États-Unis dans le monde” (c’est-à-dire à la capacité de l’impérialisme à utiliser ses références “démocratiques” pour protéger ses intérêts). Les objections à la ratification des élections par le Sénat ont été balayées de 96 voix contre 3 et de 93 contre 6. À la Chambre, en revanche, la majorité des républicains (plus de 120) ont refusé de reculer, même face à des attaques cinglantes, y compris de la part d’une minorité de membres républicains du Congrès.
Dans l’ensemble, les événements de ce 6 janvier ont été une défaite pour Trump. Il a formellement dû céder face à l’énorme pression de la classe dirigeante. Il n’avait pas l’intention de le faire au début de la journée. Il est bien sûr possible qu’il change à nouveau de cap dans les jours à venir, mais l’ensemble de l’establishment politique, y compris des éléments clés de la direction républicaine, se prépare à l’expulser de la Maison Blanche s’il tente de rester après le 20 janvier.
Les divisions républicaines sont également une des raisons principales pour lesquelles les Républicains en place ont perdu leurs sièges au Sénat pour la Géorgie. Une partie de la base de Trump a refusé de voter pour Loeffler et Purdue, en partie à cause du sentiment général parmi les partisans de Trump que l’élection serait truquée. L’ancien avocat de Trump, Lin Wood, a pris la parole lors de plusieurs rassemblements pour décourager les partisans de Trump en Géorgie de voter pour Loeffler ou Perdue parce qu’ils n’ont pas été suffisamment fidèles à Trump. Il a déclaré “Ils n’ont pas mérité votre vote. Ne le leur donnez pas”.
Après la tempête
Alors que la poussière commence à se dissiper, des millions de personnes se demandent : que diable va-t-il se passer ensuite ?
L’establishment politique des deux partis de Wall Street – Républicains et Démocrates – fait entendre sa voix au sujet de la nécessité de reconquérir l’âme du peuple américain. Il veut un retour à la normale. Biden a d’ailleurs derrière lui une longue histoire de collaboration avec les républicains réactionnaires. Il pourrait considérer dans le fait que des figures de premier plan du Parti républicain comme McConnell s’éloignent de Trump comme un signal pour aller encore plus loin dans cette voie.
Face à la crainte de la croissance des forces d’extrême droite, la gauche et le mouvement ouvrier sont confrontés à une tâche urgente. L’histoire nous enseigne que la seule véritable riposte contre l’extrême droite – qui est un produit de la décadence du capitalisme – est un mouvement de masse de la classe ouvrière, au-delà de la couleur de peau. C’est encore ce que nous avons constaté il y a quelques années à Boston, quand 40.000 personnes avaient manifesté contre l’extrême droite dans le sillage des événements de Charlottesville (où une antifasciste avait été tuée). Celle-ci s’était retrouvée sur la défensive pendant toute une période.
Mais au lieu de saisir les événements du 6 janvier comme une occasion d’appeler à une action de masse contre la tentative de coup d’État, les dirigeants de gauche comme Alexandria Ocasio-Cortez ont été dans la mauvaise direction. Plutôt que de lancer un appel à des manifestations de masse, ou même d’exhorter vaguement la gauche et le mouvement ouvrier à s’organiser, elle a tweeté : “Impeach” (en référence à une procédure de destitution). Les membres The Squad (La Brigade, un groupe d’élues progressistes) ont ensuite travaillé dans la précipitation pour rédiger de nouveaux articles de mise en accusation. Dans la même veine, Cori Bush, membre nouvellement élue de cette équipe, a présenté une résolution visant à expulser les membres du Congrès qui ont “incité à cette attaque terroriste intérieure”.
Ces tactiques légales seraient très positives si elles accompagnaient une stratégie de mobilisation plus large des travailleurs, mais ce n’est pas ce que font ces dirigeants de gauche. Ils ne vont pas plus loin que les Démocrates établis comme Chuck Schumer qui demande d’invoquer le 25ème amendement et de démettre Trump de ses fonctions.
AOC et The Squad devraient appeler à des manifestations de masse et à une organisation soutenue contre l’extrême droite. Elles devraient souligner que c’est précisément le programme néolibéral des deux partis de Wall Street qui a fertilisé le sol pour l’extrême droite. Les élus de gauche doivent défendre l’ensemble des réformes nécessaires pour réduire cette polarisation vers la droite, y compris des chèques de relance de 2 000 dollars pour la population, l’assurance maladie pour tous, un Green New Deal et un impôt important sur les riches.
Le développement de la droite est très dangereux pour les travailleurs, les opprimés et toute la gauche. Nous avons besoin d’une direction de gauche décisive et audacieuse pour y faire face.
Et maintenant ?
Les Démocrates contrôlent maintenant les deux chambres du Congrès et la Maison Blanche. De nombreux Américains, dont le loyer est dû et les factures s’accumulent, seront heureux de voir partir Mitch McConnel qui a bloqué les chèques de relance de 2.000 dollars par ménage que même Trump soutenait.
Ce sera un grand soulagement de voir que Trump et Mitch McConnel ont tous deux été éliminés comme obstacles immédiats à la résolution de cette crise. Les Démocrates seront probablement obligés d’envoyer des chèques de relance de 2.000 dollars et de fournir une aide substantielle aux États. Biden pourrait être prêt à prendre des mesures décisives pour renforcer les infrastructures de vaccination, par exemple en utilisant la loi sur la production de défense pour stimuler la production d’équipements de vaccination.
Cela pourrait bien offrir à Biden et aux Démocrates une certaine lune de miel temporaire, mais leur victoire en Géorgie (qui leur offre la majorité au Sénat) est par ailleurs une mauvaise nouvelle pour l’establishment capitaliste. Cela signifie qu’ils n’ont aucune excuse et aucun croque-mitaine républicain à blâmer pour délivrer une assurance maladie pour tous, un Green New Deal, une taxe sur les riches et les grandes entreprises.
Les deux prochaines années vont probablement permettre de clarifier pour des millions de personnes que les démocrates ne sont généralement pas dignes de confiance lorsqu’il s’agit de se battre pour les travailleurs. Cela mettra clairement sur la table la nécessité de l’indépendance politique de la classe ouvrière vis-à-vis des démocrates.
L’establishment s’opposera résolument à des mesures progressistes largement populaires comme l’assurance maladie pour tous, qui sont un anathème pour les responsables des finances de leurs entreprises. Sans un républicain à blâmer, ils seront obligés d’expliquer leur hostilité à la politique progressiste. La façon dont l’équipe et Bernie Sanders s’y prendront dans les deux prochaines années aura des conséquences dramatiques pour la gauche.
Battre la droite, construire la gauche
C’est comme si un siècle entier était condensé dans le cycle des actualités d’avant hier. Il est tout à fait possible que dans les deux prochaines semaines, d’autres manifestations d’extrême droite tentent d’empêcher un transfert de pouvoir, des manifestations ayant déjà été organisées dans un certain nombre d’États. L’extrême-droite a peut-être été un peu calmée par les concessions de Trump, bien que des manifestations aient déjà été organisées dans plusieurs villes et semblent se poursuivre.
Nous ne croyons pas que l’establishment démocrate ou l’État lui-même puisse ou veuille neutraliser cette menace, et il est crucial que la gauche et le mouvement ouvrier prennent l’initiative d’organiser des manifestations de masse pour faire taire l’extrême droite et unir la classe ouvrière au-delà de la couleur de peau autour d’un programme de changement réel. Partout où ils tentent de se tailler une place, nous devons nous y opposer en faisant preuve d’une grande unité de la classe ouvrière. Les dirigeants de la gauche et des syndicats ont un rôle énorme à jouer dans la popularisation de ce message, mais nous devons également poser rapidement les bases d’un parti indépendant qui représente les intérêts des travailleurs et des opprimés.
Nous devons rompre avec la politique de l’establishment capitaliste et nous organiser maintenant pour vaincre la droite et gagner les réformes cruciales nécessaires pour les travailleurs, sur la voie de la fin du système capitaliste qui engendre l’inégalité, le racisme, le sexisme et le fascisme.
Manifestation antifasciste à New York ce 7 janvier
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États-Unis : Trump vaincu, il faut maintenant s’attaquer à son monde !

Au moment d’écrire cet article, Trump niait toujours sa défaite. Il venait même de limoger le patron de l’agence gouvernementale en charge de la sécurité des élections car ce dernier contestait les accusations du milliardaire républicain de fraudes « massives » à la présidentielle. Alors que la pandémie faisait toujours rage (elle a tué à ce jour plus de 242.000 personnes aux USA), Trump et ses partisans les plus fidèles préfèrent s’enfermer dans un étrange monde parallèle régi par les « faits alternatifs ».
Dossier de Nicolas Croes publié dans l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
Trump restera président jusqu’au 20 janvier, date à laquelle le président élu Biden devrait entrer en fonction. D’ici là, Trump jettera-t-il le gant ? Son incroyable égo le poussera-t-il toujours plus loin dans la provocation ? La mobilisation du 14 novembre constitue en tout cas un dangereux avertissement . Ce jour-là, des dizaine de milliers de personnes ont convergé vers Washington pour scander leur soutien à Trump. Parmi eux se trouvaient nombre de militants et de groupes d’extrême droite. La menace qu’ils représentent n’a cessé de croître ces 4 dernières années et, une fois libéré de la fonction présidentielle, un Trump déchaîné pourrait servir de figure de ralliement à ces multiples courants réactionnaires, du KKK aux Proud Boys. Pour efficacement faire face à ce danger ainsi qu’aux défis à venir, il faut correctement estimer ce que représente la photographie des États-Unis illustrée par ces élections et la placer dans le film des événements.
« Au plus je regarde ces élections, au moins je les comprends »
Cette citation provient du Prix Nobel de l’économie Paul Krugman, l’un des rares à avoir anticipé la crise économique de 2008-09. « La Floride fut une triomphale surprise pour Trump et a également voté pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure », a-t-il poursuivi. « Selon un sondage de sortie des urnes de Fox News, une majorité se dégage en faveur d’un plan sanitaire du gouvernement et d’une plus grande intervention de l’État en général alors que des sénateurs républicains qui veulent noyer l’État ont été élus ».
Le résultat des élections fut très serré en de nombreux États, beaucoup plus que ce que les sondages laissaient présager. Pour les responsables officiels du Parti démocrate, l’explication ne fait aucun doute : on a trop entendu de voix de gauche durant la campagne électorale. On a trop entendu parler de ce maudit Bernie Sanders durant la primaire démocrate avec ses appels au socialisme ! On a trop entendu la congressiste Alexandria Ocasio Cortez et sa clique de gauchistes ! Les États-Unis ne sont pas prêts pour ces discours ! C’est évidemment ce message qui est relayé dans les médias internationaux dominants. Et tant pis si cela ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Différentes élections se déroulaient au même moment que la présidentielle. Pour la Chambre et le Sénat fédéraux, mais aussi pour les États fédérés. Parmi toutes les candidates et candidats, 112 soutenaient ouvertement le projet d’une assurance maladie universelle (Medicare for All). Toutes et tous ont été élus. 98 soutenaient le plan d’investissements massifs dans les infrastructures et pour une transition écologique Green New Deal : un seul n’a pas été élu. Les quatre élues démocrates qui se disent « socialistes » – The Squad (La Brigade) – Ilhan Omar, Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley ont toutes été brillamment réélues au Congrès.
Divers projets de loi étaient également présentés aux électeurs, dont en Floride comme cela est sus-mentionné. Au Nevada – l’un de ces fameux « swing state », les États-charnières au vote indécis d’une élection à l’autre – c’était le cas du mariage homosexuel. Il y a dix-huit ans, les électeurs avaient largement voté pour réserver l’institution du mariage aux couples hétérosexuels et uniquement à eux. Cette fois-ci, les électeurs se sont très majoritairement (62%) prononcés pour la suppression de la mesure et l’inscription dans la Constitution de l’État de la reconnaissance des unions entre époux du même sexe, une première aux États-Unis. C’est une claire illustration du changement d’atmosphère qui saisit le pays. Mais, dans ce même État, Biden et Trump ont fini au coude-à-coude : 50.06% contre 47.67%. Et Paul Krugman continue à se gratter la tête.
Les Démocrates ont mené une lutte acharnée… contre la politique progressiste
Une chose est certaine : de plus en plus de gens en ont marre. Marre de ces milliardaires et de Wall Street qui s’enrichissent tandis que des gens dorment dans la rue et que les infrastructures s’effondrent. Marre de ces entreprises qui profitent de l’incarcération de masse dans des prisons privées. Marre que les jeunes sortent de leurs études la corde au cou. En 2019, 45 millions d’Américains cumulaient une dette de 1.600 milliards de dollars (1.482 milliards d’euros) pour payer leurs études supérieures !
Si Bernie Sanders avait été le candidat démocrate aux élections, il aurait remporté ses élections à la suite d’un véritable tremblement de terre politique. Mais l’appareil et la direction du Parti démocrate ont déployé beaucoup plus d’efforts pour lui barrer la route au cours des primaires démocrates que pour vaincre Trump. L’establishment démocrate était horrifié par la perspective d’une victoire d’un candidat qui faisait appel à la volonté de se battre des travailleuses et des travailleurs. Il est d’ailleurs scandaleux que Sanders ait accepté la situation et soit resté dans le parti.
L’establishment démocrate n’a renoncé à aucune manœuvre pour l’écarter et présenter un candidat gênant au point d’être le pire (à l’exception d’Hillary Clinton, peut-être) pourvu qu’il soit inoffensif aux yeux des grandes entreprises. Au vu de la manière dont ces primaires se sont déroulées, on peut comprendre que certains doutent de la validité du processus électoral.
Au final, Biden et Trump ont tous les deux mené une campagne déconnectée de la réalité, chacun dans son style. Il faut savoir que bien que le pays ait été confronté au plus grand mouvement de masse de son histoire – contre le racisme systémique et les violences policières – Biden a recommandé à deux reprises que la police prenne plutôt l’habitude de tirer dans les jambes ! Beaucoup d’électeurs démocrates ont plutôt voté « contre Trump » que « pour Biden » (58% selon un sondage Axios). Les Démocrates ont tout fait pour aider Trump à se présenter comme un outsider anti-système alors que ce milliardaire était le président sortant !
Trump a cherché à mobiliser les électeurs blancs conservateurs avec un cocktail de racisme, de sexisme, d’autoritarisme, d’appels à l’extrême droite, de théories du complot et de rhétorique de maintien de l’ordre. Mais ses électeurs n’étaient pas qu’un bloc monolithique d’électeurs blancs racistes. Beaucoup de gens ont été horrifiés par la gestion calamiteuse de la pandémie par Trump. Mais ses appels répétés à « ouvrir l’économie » ont trouvé un écho parmi une masse de gens inquiets pour leur avenir dans un pays où la sécurité sociale telle que nous la connaissons n’existe pas.
Les sondages de sortie des urnes montrent que les électeurs qui ont considéré la pandémie comme l’enjeu principal ont voté pour Biden avec une marge de 82 %, tandis que ceux qui considéraient l’économie comme l’enjeu principal ont voté pour Trump avec une marge tout aussi importante. C’est ainsi que beaucoup de personnes d’origine latino-américaine ont voté pour Trump en dépit de son discours ouvertement raciste. En fait, sans la pandémie et sa gestion criminelle aux Etats-Unis, Trump aurait probablement facilement vaincu Biden.
Sortir de la camisole de force Démocrate
Entre 2008 et 2010, les Démocrates contrôlaient les deux chambres du Congrès. Pendant cette période, ils ont prolongé les réductions d’impôts de Bush et ont renié leurs engagements pour faciliter l’organisation des syndicats. Ils ont rejoint les Républicains dans une campagne acharnée pour privatiser et détruire l’enseignement public. Pour couronner le tout, la réponse d’Obama à l’immigration à travers la frontière sud a été d’expulser plus de personnes que tout autre président précédent.
Les dirigeants des syndicats et d’autres organisations progressistes avaient refusé de résister à ces attaques en raison de leur totale soumission à l’establishment démocrate. L’aile populiste du Parti républicain a saisi ce vide pour exploiter le mécontentement économique, ce qui a conduit à la naissance du Tea Party en 2009, qui à son tour a ouvert la voie à Donald Trump. De même, sous une présidence Biden, la menace de l’extrême droite pourrait bien s’accroître.
Le Parti démocrate est totalement inféodé aux intérêts capitalistes. Dans un premier temps, il est possible que l’élection de divers élus de gauche sous l’étiquette Démocrate entretienne l’illusion que c’est par ce biais que l’on peut offrir un outil politique pour les luttes sociales. Mais l’administration Biden/Harris ne résoudra aucun des problèmes cruciaux auxquels sont confrontés les travailleuses et travailleurs. L’école de la réalité donnera plus d’écho à l’idée de la création d’un nouveau parti, un parti de lutte, un parti reposant sur la force des travailleuses et des travailleurs, un parti totalement indépendant de Wall Street, un parti qui réunira dans l’action les différents mouvements sociaux (de Black Lives Matter aux syndicalistes des fast-food et d’ailleurs) pour repousser les racistes et défendre un programme qui découle des intérêts des masses. Un tel parti entrerait directement en confrontation avec les limites du capitalisme et devrait revendiquer son renversement pour construire une société socialiste démocratique. Nos camarades de Socialist Alternative feront tout leur possible pour aider chaque pas en cette direction.
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A peine élu, Joe Biden trahit les écologistes qui l’ont soutenu

Lors de sa campagne, le démocrate Joe Biden avait promis le retour immédiat des États-Unis dans l’Accord de Paris, assorti d’un plan climatique. Après les années Trump, grand partisan des énergies fossiles et responsable de la réduction des budgets de l’United States Environmental Protection Agency (EPA), on peut comprendre celles et ceux qui ont poussé un soupir de soulagement.
« La victoire historique de Joe Biden est la première étape pour éviter la catastrophe climatique », a ainsi commenté sur Twitter la directrice exécutive de Greenpeace, Jennifer Morgan. Elle espère qu’il sera « le champion » de la cause environnementale. Durant sa campagne, Biden a promis un plan à hauteur de 1.700 milliards de dollars pour lutter pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2035. Il a déclaré que la cause écologiste est l’une de ses principales priorités.
Dis-moi qui sont tes amis et je te dirai qui tu es
Il faut toutefois rester prudent vis-à-vis de ses annonces électorales conçues pour plaire aux électeurs alors qu’au cours de l’année 2019, des millions de personnes ont été évacuées et des centaines de milliers ont perdu leur maison à cause d’incendies et d’inondations. Le thème du changement climatique s’est invité de force dans le débat électoral.
Durant la campagne électorale déjà, de nombreuses voix ont souligné l’impossibilité d’obtenir la neutralité carbone en refusant de s’en prendre à la fracturation hydraulique (méthode d’extraction de pétrole et de gaz emprisonnés dans le sous-sol en y injectant des fluides à forte pression). Biden ne souhaite pas l’arrêt de cette technique très controversée qui représente pas moins de 35% de la production énergétique des États-Unis.
Lors d’un des débats télévisés avec Donald Trump, Biden a déclaré qu’il était pour une « transition » de l’industrie pétrolière vers des énergies renouvelables, avant de se reprendre et de dire qu’il se limiterait à empêcher que des fonds gouvernementaux soient versés à l’industrie pétrolière. « Nous n’allons pas nous débarrasser des énergies fossiles. Nous allons nous débarrasser des subventions pour les énergies fossiles », a-t-il précisé. Dire le contraire aurait signifié se retourner contre des personnes telles qu’Andrew Goldman, co-fondateur de la société de production de gaz naturel Western LNG, qui a co-organisé diverses activités de levées de fonds à la faveur du candidat démocrate.
Autre élément inquiétant, l’une des premières personnes désignées pour faire partie de son administration est l’actuel député Cédric Richmond, qui servira de liaison entre la Maison Blanche et le mouvement pour le climat. Au cours des dix ans qu’il a passés au Congrès, Richmond a reçu environ 341.000 dollars de donateurs de l’industrie du pétrole et du gaz. Richmond est d’ailleurs connu pour avoir a rompu à plusieurs reprises avec son propre parti dès lors qu’il s’agissait de votes sur le climat et l’environnement. Il s’est ainsi joint aux républicains pour voter en faveur de l’augmentation des exportations de combustibles fossiles et de la promotion du développement des pipelines, s’est opposé à une législation démocrate visant à (très peu) limiter la pollution due à la fracturation hydraulique,…
La nomination a un goût de trahison pour des activistes comme Varshini Prakash, directeur exécutif du mouvement écologiste Sunrise Movement qui a fait partie du groupe de travail politique de Biden durant la campagne électorale. Cette nomination est « un affront aux jeunes qui ont rendu la victoire du president-élu possible. »L’écologie, mauvaise pour l’emploi ?
Les États-Unis constituent le premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Ce secteur emploie 10 millions de personnes. Trump n’a d’ailleurs pas hésité à jouer sur les craintes de pertes d’emplois causées par une transition verte pour s’attirer les votes de travailleurs. Et il faut dire que Biden n’avait rien à répondre… Pourtant, pour chaque emploi perdu dans les énergies fossiles, une réelle transition écologique en créerait au moins 10.
La catastrophe climatique n’arrive pas, elle est déjà là. Si les émissions de carbone continuent d’augmenter comme elles le font actuellement, dans 30 ans, un demi-million de foyers américains seront inondés chaque année. D’ici 2070, 28 millions de personnes seront touchées par des méga-feux d’une taille équivalente à Manhattan.
Les services d’incendie et de secours en général ainsi que de protection de la nature nécessitent de toute urgence une injection massive de personnel. Pour répondre à la crise du logement aux États-Unis et assurer que les infrastructures puissent résister aux conditions climatiques extrêmes qui deviennent hélas la norme, il faut un programme public massif de construction et de rénovation. Des millions d’emplois verts, socialement utiles et bien payés pourraient être créés ainsi. La reconversion des travailleuses et travailleurs des entreprises polluantes ne pose aucun problème.
Mais on ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. Un véritable plan pour le climat devra s’appuyer sur l’expropriation des multinationales pétrolières afin de les empêcher de nuire et d’utiliser leurs fonds dans la réparation des dégâts qu’elles ont causés. La seule issue qui nous permettra d’échapper à l’enfer sur terre est la planification écologique socialiste.
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USA. Trump ? Plus jamais ! Il nous faut un parti de la classe ouvrière
Aux États-Unis, les travailleuses et travailleurs sont confrontés à une crise de grande ampleur. Des décennies d’attaques néolibérales contre les syndicats et les conquêtes sociales ont engendré le plus haut niveau d’inégalité en un siècle ainsi qu’une précarité massive. Les coupes budgétaires drastiques opérées dans les hôpitaux publics ces dernières années, auxquelles s’ajoute le fait que des millions de personnes sont privées d’assurance maladie, ont laissé le pays dans un dangereux état d’impréparation face à cette pandémie, tout particulièrement pour les pauvres.Par Tom Crean, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)
Dans l’immédiat, il n’existe aucun plan national pour faire face à la pandémie. Le nombre de nouveaux cas de contamination atteint des records et les hôpitaux de nombreuses régions du Midwest se dirigeant vers l’effondrement total. Le fait que les Républicains et les Démocrates n’aient pas accepté de prolonger l’allocation exceptionnelle de chômage de 600 dollars signifie que des millions de personnes vivent sur leur carte de crédit et ne peuvent rester chez elles qu’en raison du moratoire fédéral sur les expulsions. Sans assistance supplémentaire, des centaines de milliers de petites entreprises vont faire faillite.
Entre-temps, l’épidémie de brutalité policière a déclenché une rébellion antiraciste de masse qui transcende la couleur de peau. A cela s’ajoute le plus grand défi auquel nous sommes confrontés : celui du désastre climatique, illustré aux Etats-Unis par la saison des feux de forêt dévastateurs dans les États de l’Ouest.
Toutes ces catastrophes sont des sous-produits du capitalisme en déclin de cette période. Donald Trump est également un sous-produit du capitalisme en déclin et, pendant ses quatre années de mandat, il s’est efforcé d’aggraver presque tous les problèmes auxquels les travailleuses et travailleurs sont confrontés. Mais il n’a certainement pas créé ces problèmes. Si des dizaines de millions de personnes ici et dans le monde entier se réjouissent, à juste titre, de la fin de son règne, il nous faut aller plus loin que son éviction pour résoudre ces problèmes. Pour cela, il faut analysé la manière dont le système politique pro-entreprises à deux partis – et en particulier le Parti démocratique – a travaillé sans relâche afin de maintenir la domination de l’élite milliardaire.
Les Démocrates, le parti du capitalisme néolibéral
Les Démocrates, l’un des deux principaux partis capitalistes aux États-Unis depuis le XIXe siècle, ont derrière eux une histoire longue et complexe. Le parti de l’après-Seconde Guerre mondiale reposait sur une alliance entre les ségrégationnistes du Sud (les “Dixiecrat” ) et une coalition de travailleurs, d’immigrés blancs et de noirs du Nord. Dans le sillage du mouvement des droits civiques, les blancs conservateurs du Sud ont commencé à se rapprocher des Républicains.
Cela a été suivi par le changement d’orientation de la classe dirigeante vers ce que l’on appelle aujourd’hui le néolibéralisme, à la fin des années ’70. Les Démocrates ont adopté le programme néolibéral de déréglementation, de réduction du rôle des autorités, de promotion du libre-échange et de recul des syndicats (tout en acceptant des dizaines de millions de dollars de contributions des syndicats à leurs campagnes électorales). Cela représentait l’abandon de la prétention de représenter les intérêts des travailleuses et des travailleurs, une prétention qui remonte au New Deal. Au lieu de cela, le parti a prétendu se soucier des discriminations racistes et sexistes afin de se distinguer des Républicains qui, de leur côté, ont de plus en plus utilisé des sujets tels que les armes à feu, l’avortement et la discrimination positive pour mobiliser leur base.
Au cours des huit années de mandat de Bill Clinton, de 1992 à 2000, les Démocrates se sont appuyés sur ce que les régimes réactionnaires de Ronald Reagan et George Bush « père » avaient accompli au cours des douze années précédentes. Ils ont entrepris de « mettre fin à l’assistance sociale telle que nous la connaissons », en vidant de leur substance les programmes de lutte contre la pauvreté qui avaient été adoptés sous pression de la lutte de masse dans les années ’60 et ’70. Ils ont adopté la Crime Bill de 1994, une législation qui a accéléré l’incarcération de masse visant la population noire. Ils ont adopté le plus grand accord commercial néo-libéral, l’ALENA (Accord de Libre Échange Nord Atlantique), qui a entraîné la perte de centaines de milliers d’emplois industriels. A la demande de Wall Street, ils ont même abrogé la loi Glass Steagall des années 1930 qui avait imposé une réglementation de base aux banques. Cela a contribué à alimenter le casino financier qui a déclenché la crise économique de 2008-2009.
Après l’arrivée au pouvoir de George W. Bush en 2000 au cours d’une élection volée, les Démocrates ont capitulé, une question après l’autre. Après le 11 septembre 2001, ils ont voté pour le Patriot Act qui a massivement augmenté les pouvoirs de surveillance du gouvernement. La plupart des Démocrates ont soutenu avec enthousiasme la désastreuse invasion de l’Irak deux ans plus tard. Un grand nombre d’entre eux ont également soutenu les réductions d’impôts pour les riches et la réduction de l’impôt sur les sociétés de Bush, ce qui a contribué à accroître encore les inégalités.
Les Démocrates sont revenus à la Maison Blanche en 2008 avec la victoire d’Obama, alors que l’économie était au milieu de sa crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. L’élection du premier président noir avait suscité un immense espoir, mais la rhétorique d’Obama ne contenait aucun engagement à changer de cap par rapport au néolibéralisme de Bill Clinton. Une fois au pouvoir, la solution de son administration à l’effondrement économique a été de renflouer les banques à hauteur de milliers de milliards de dollars tout en restant sourds aux millions de personnes qui perdaient leur maison.
Entre 2008 et 2010, les Démocrates contrôlaient les deux chambres du Congrès. Pendant cette période, ils ont prolongé les réductions d’impôts de Bush et ont renié leurs engagements pour faciliter l’organisation des syndicats. Ils ont rejoint les Républicains dans une campagne acharnée pour privatiser et détruire l’enseignement public. Pour couronner le tout, la réponse d’Obama à l’immigration à travers la frontière sud a été d’expulser plus de personnes que tout autre président précédent.
Les dirigeants des syndicats et d’autres organisations progressistes ont refusé de résister à ces attaques en raison de leur totale soumission à l’establishment démocrate. L’aile populiste du Parti républicain a saisi ce vide pour exploiter le mécontentement économique, ce qui a conduit à la naissance du Tea Party en 2009, qui à son tour a préparé le terrain pour Donald Trump. De même, sous une présidence Biden, la menace de l’extrême droite pourrait bien s’accroître, les Démocrates supervisant une crise massive sans indiquer aucune issue.
Voilà le bilan désastreux du Parti démocrate au cours des quarante dernières années. Ils défendent des politiques rejetées par leur base au niveau local et national, comme le fait de donner à la police et à l’armée toujours plus de moyens. En même temps, ils refusent de soutenir des politiques comme l’assurance maladie pour tous et la taxation des riches, mesures soutenues par des majorités importantes de toute la population, tout simplement parce que cela s’oppose aux grandes entreprises qui sont les bailleurs de fonds des Démocrates.
Au cours des dix dernières années, d’énormes luttes ont contribué à reconstruire la gauche aux États-Unis, du mouvement Occupy à la révolte des enseignants de 2018 en passant par le mouvement Black Lives Matter. En 2016 et de nouveau en 2020, les campagnes présidentielles de Bernie Sanders ont démontré le potentiel dont dispose une alternative de gauche de masse construite autour d’un programme de lutte pro-travailleurs. Sanders était le défenseur de l’assurance maladie pour tous, d’un New Deal vert, de la fin des incarcérations de masse, d’un salaire minimum fédéral de 15 dollars et d’un enseignement gratuit.
Mais malgré la radicalisation massive de ces dernières années, en particulier parmi la jeunesse, le changement que les gens veulent réellement n’était pas au programme lors des élections de novembre. De façon incroyable, nous avons eu Joe Biden, le pire représentant du néolibéralisme démocrate à l’exception peut-être d’Hillary Clinton. Joe Biden, qui a été au Sénat ou à la Maison Blanche (comme vice-président) pendant 44 années consécutives, a été l’architecte du projet de loi sur la criminalité de 1994 et un ardent partisan de l’ALENA et de la guerre en Irak. Cette situation s’explique par le fait que le Parti démocrate est fermement détenu par les grandes entreprises américaines. Et tant que Sanders, AOC, les syndicats et les forces progressistes accepteront le cadre des Démocrates, ce genre de résultat se produira encore. Il est aujourd’hui bien tragique de voir Sanders briguer un poste dans le cabinet de Biden.
Faut-il s’attendre à une différence ?
A quoi ressembleront les Démocrates au pouvoir cette fois-ci ? Ils ont promis de “dépenser de l’argent”. Cela peut sembler être un mouvement vers la gauche par rapport à leur soutien passé aux coupes budgétaires dans les services sociaux. Cependant, ce n’est pas du tout radical dans le contexte de la crise économique mondiale actuelle. Toutes les principales institutions financières capitalistes du monde, y compris le FMI, la Banque mondiale et la Réserve fédérale américaine, préconisent des mesures de relance budgétaire massives en plus de ce qui a déjà été dépensé (bien plus que les années 2008-09). Elles craignent à juste titre que l’économie ne soit au bord d’un profond marasme si elles ne continuent pas à injecter de l’argent.
Mais il y a une grande différence entre “dépenser de l’argent” pour une extension temporaire des allocations de chômage et de l’aide aux petites entreprises – ce qui est tout à fait nécessaire – et s’engager réellement dans des programmes à plus long terme. Biden et Harris ont clairement indiqué qu’ils s’opposeraient activement à l’assurance maladie pour tous malgré sa grande popularité. Au cours de la campagne, ils ont renouvelé leur opposition à l’interdiction de la fracturation hydraulique et, tout en affirmant qu’il faudrait s’éloigner des combustibles fossiles, ils se sont catégoriquement opposés à un Green New Deal, qui créerait pourtant des millions d’emplois décents. Ils ont même déclaré qu’ils seraient favorables à un financement accru de la police !
Dans les jours qui ont suivi l’élection, la députée Abigail Spanberger s’est exclamée avec insistance que la raison pour laquelle le parti a perdu des sièges à la Chambre est qu’il s’est associé à la politique progressiste. La conclusion de Spanberger à l’intention du parti est la suivante : “Ne dites plus jamais ‘socialisme’.”
Les Démocrates chercheront à la première occasion à mettre en œuvre des coupes d’austérité sauvages pour faire payer à la classe ouvrière le coût de la crise. Ils résisteront à toute proposition sérieuse de taxation des riches et des grandes entreprises et ils chercheront à maintenir autant que possible le programme néolibéral. Mais ils seront confrontés à d’énormes problèmes parce que la masse de la population rejettera l’austérité et la poursuite des politiques des dernières décennies.
Construire un nouveau parti
Si les Démocrates ne sont pas le véhicule qui nous permettra d’arracher le changement dont nous avons besoin, comment gagner l’assurance maladie pour tous, le Green New Deal, et placer la police sous un véritable contrôle démocratique ? L’histoire de ce pays montre que les gains réels pour les travailleuses et les travailleurs ne sont obtenus que par des mouvements de masse et la lutte sociale. Citons par exemple la campagne de syndicalisation de masse et la vague de grèves des années 30 ou encore le mouvement des droits civiques des années 50 et 60.
Face à une classe de milliardaires qui a amassé près d’un trillion de dollars supplémentaires au cours de cette pandémie, il est clair que nous devons de toute urgence reconstruire un mouvement ouvrier combatif. Les enseignants, les travailleurs de l’hôtellerie et de l’automobile ont montré la voie en 2018-19.
Mais pour prendre en charge les intérêts bien ancrés de la classe des milliardaires, nous avons également besoin d’un parti politique qui représente nos intérêts. Les deux campagnes présidentielles de Bernie Sanders ont montré non seulement le niveau de soutien potentiel pour une alternative politique de gauche, mais aussi concrètement comment des centaines de millions de dollars pourraient être récoltés auprès des gens ordinaires sans accepter un centime de l’argent des entreprises. Depuis des décennies, on nous dit qu’il est impossible de mener des campagnes sérieuses sans l’argent des entreprises. Si les campagnes de Sanders n’ont rien fait d’autre que de détruire ce mythe, elles ont fait une chose très précieuse.
À quoi devrait ressembler un nouveau parti de gauche basé sur les intérêts des travailleuses et des travailleurs ? Avant tout, ce devrait être un parti de lutte, et non pas simplement une machine électorale. Comme Socialist Alternative l’a démontré en organisant des campagnes victorieuses à Seattle qui ont permis d’élire Kshama Sawant au conseil de ville à trois reprises, la clé est de construire des mouvements dans la rue et d’imposer ces mouvements dans les couloirs du pouvoir. C’est ainsi que nous avons gagné pour la première fois les 15 dollars de l’heure de salaire minimum dans une grande ville et que nous avons gagné la Taxe Amazon, qui permettra de récolter des centaines de millions de dollars auprès des grandes entreprises pour construire des logements abordables et répondre à d’autres besoins essentiels à Seattle.
Un parti national de travailleuses et de travailleurs devrait représenter toutes les luttes de la classe ouvrière, de plus en plus multiraciale et multigenre, y compris la lutte pour mettre fin aux politiques d’expulsion massive et pour les droits de citoyenneté des travailleurs immigrés ; pour défendre le droit à l’avortement et les droits des personnes LGBTQI contre les attaques de la droite réactionnaire enhardie ; pour mettre fin à toutes les politiques de “gerrymandering” (découpage électorale des quartiers pour noyer le vote progressiste) et de suppression des électeurs.
Nous avons besoin d’un parti où nos représentants élus sont responsables devant les membres et où ils sont tenus de voter pour les revendications figurant dans le programme du parti. La responsabilité signifie également que les représentants publics du parti ne gagnent pas plus que le salaire moyen des travailleurs, à l’instar de Kshama Sawant.
Dans un tel parti, les marxistes se battraient pour une plate-forme anticapitaliste claire qui préconise de faire entrer dans le giron de l’État des secteurs clés de l’économie, notamment les banques, les soins de santé, les grandes entreprises ainsi que les secteurs de l’énergie, de la logistique et des transports. C’est la seule façon de commencer à orienter les ressources de la société vers l’élimination des inégalités massives et du racisme structurel, ainsi que vers une transition rapide des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables.
Une question qui est souvent posée est de savoir d’où viendront les forces de ce nouveau parti. Notre réponse est qu’il existe un énorme potentiel de soutien de la part de ceux qui ont soutenu les campagnes de Sanders, de syndicalistes progressistes et de jeunes gens actifs dans la lutte contre le racisme, le sexisme et les catastrophes climatiques. Mais il est absolument vrai qu’il faudra d’importantes organisations importants pour lancer ce parti.
La gauche américaine compte des personnalités de premier plan comme Sanders, AOC et la nouvelle élue Cori Bush, membre du Congrès du Missouri. Nous avons besoin qu’ils entendent leurs partisans qui ont tiré la conclusion que le Parti démocrate ne peut pas être réformé. Nous applaudissons des personnalités comme Cornel West, Nina Turner (présidente de Our Revolution) et Roseann De Moro (ancienne présidente de National Nurses United), qui vont déjà dans cette direction. Nous avons besoin que les démocrates-socialistes d’Amérique (DSA), qui ont atteint les 70.000 membres ces dernières années et se sont formellement engagés à soutenir la formation d’un parti ouvrier, fassent réellement de cet effort une priorité. Une mesure immédiate pourrait consister à commencer à présenter des candidats socialistes pour les postes locaux sur une base indépendante du Parti démocrate, avec une plate-forme commune et un objectif de construction du mouvement.
Plus jamais de Trump
Nous devons être très clairs sur le fait que, si nous ne commençons pas à prendre des mesures plus sérieuses pour construire une nouvelle force politique basée sur la classe ouvrière multiraciale et multigenre, nous serons confrontés à de sérieux dangers dans les années à venir. Donald Trump et la droite populiste ont construit une base politique massive, qui comprend une aile d’extrême droite croissante.
Si la situation de 2008-10 se répète, avec des travailleurs et des sections de la classe moyenne qui souffrent du fait que les banques et les entreprises sont dirigées par une administration démocrate, l’extrême droite aura la possibilité de se développer davantage.
Aux États-Unis, il aurait été possible de créer un parti des travailleurs dans les années 1930, 1970 et 1990. Pour diverses raisons, ces possibilités ont été dilapidées. Aujourd’hui, il est plus clair que jamais pour des millions de personnes, en particulier les jeunes, que le capitalisme est un système en faillite. Le temps est venu de construire un puissant mouvement, organisé sur les lieux de travail, dans les quartiers et les universités et reflété dans les urnes, qui peut remettre en cause de manière décisive le règne des milliardaires. Ce mouvement ne doit s’arrêter à rien pour mettre fin à la domination destructrice et parasitaire du capital en Amérique et s’unir aux travailleuses et travailleurs du monde entier pour construire un avenir socialiste pacifique, prospère et égalitaire.
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Trump est battu : analyse socialiste et prochaines étapes de la lutte

Joe Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Il s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et plus généralement.
Déclaration de Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)
Les célébrations ont commencé. Trump a clairement perdu, et il quittera la Maison Blanche au début de l’année prochaine. Des dizaines de millions de personnes dans tout le pays et des centaines de millions dans le monde entier poussent un soupir de soulagement. Pourtant, nous devons reconnaître que la pandémie, le changement climatique, la crise économique et le racisme institutionnel ne disparaîtront pas lorsque Trump quittera ses fonctions. Biden lui-même a déclaré qu’il ne souhaitait pas de changement fondamental et qu’il “tendrait la main” aux républicains. Nous aurons encore besoin de mouvements de masse déterminés pour arracher des conquêtes sociales pour les travailleurs, pour lutter contre l’extrême droite et pour contester le règne désastreux de la classe des milliardaires.
Bien entendu, Trump continue de prétendre que les résultats sont frauduleux et que l’élection lui a été volée. On ne peut pas exclure que certaines parties de ses partisans se mobilisent pour s’opposer à ce qu’il quitte ses fonctions. Si Trump tente de rester, il faudra organiser des mobilisations de masse pour le chasser.
Mais il est également assez évident que la classe dirigeante ne veut pas de nouveau chaos. Les médias et même certaines sections de l’establishment républicain ont eu du mal à souligner que la démocratie capitaliste “fonctionne”. Même les tribunaux, dont Trump espérait qu’ils interviendraient pour arrêter le comptage des voix totalement ou en partie, ont jusqu’à présent refusé de le faire. Il est également peu probable que les comptages effectués dans plusieurs États modifient le résultat.
Pourquoi Trump était-il si proche de la victoire ?
Les sondages et les experts se sont encore trompés. Il n’y a eu ni large percée de Biden ou de vague démocrate prenant une majorité au Sénat. Les Démocrates ont également perdu un certain nombre de sièges à la Chambre et subi des pertes au niveau des États. Quelques victoires progressistes ont toutefois eu lieu à la Chambre avec l’élection de Cori Bush et de Jamaal Bowman qui vont maintenant rejoindre “The Squad” aux côtés d’Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et d’autres.
Durant la campagne électorale, la répression des électeurs (décourager les électeurs d’aller voter, une spécialité républicaine) a atteint des niveaux inédits dans le contexte de la pandémie. De plus, le collège électoral figure parmi les institutions les plus antidémocratiques (avec la Cour suprême) dans un système politique américain déjà conçu à la base pour masquer la domination de la classe des milliardaires. Cette répression des électeurs a eu un effet mais, en réalité, les propos incessants de Trump sur la fraude du vote par correspondance et l’état du service postal n’ont fait que rendre les gens plus déterminés à venir voter. C’est ce qui a conduit à une participation électorale vraiment remarquable, le plus haut pourcentage d’électeurs inscrits depuis 1908.
Les experts libéraux supposaient que cette participation massive favoriserait fortement les Démocrates. Mais l’issue fut loin d’être décisive. En fait, Trump aurait facilement pu être battu, surtout si Bernie Sanders avait été le candidat démocrate. Trump a l’un des taux d’approbation les plus faibles de tous les candidats présidentiels en exercice, et les Démocrates ont mené une très faible campagne contre lui avec un candidat pro-entreprise horriblement peu inspirant.
Dans un sondage de Fox News, 72% des électeurs se sont déclarés en faveur d’un programme de santé géré par le gouvernement. En Floride, où Trump l’a emporté, 61% des électeurs ont également voté pour une mesure en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure dans tout l’État. Cela illustre qu’un appel clair aux électeurs de la classe ouvrière, ce que Bernie Sanders aurait pu faire efficacement, aurait probablement battu Trump d’une manière écrasante.
Trump a mal géré la pandémie de COVID-19 (qui a fait des centaines de milliers de morts aux États-Unis) et a supervisé le développement d’un chômage de masse tandis que des millions d’Américains sombraient dans la pauvreté. Et pourtant, les Démocrates ont quasiment fait tout ce qu’ils pouvaient pour perdre.
Ils ont présenté un candidat gênant au point qu’il a été tenu à l’écart du public. Ils n’ont pas mené de campagne de terrain dans les principaux États charnières. Ils ont refusé de défendre des politiques très populaires comme l’assurance maladie pour tous et la taxation des riches. Ils n’ont pas mené de campagne d’inscription massive sur les listes d’électeurs afin de gagner des millions de nouveaux électeurs qui méprisent Trump. Pourtant, les plus grands échecs des Démocrates n’étaient en aucun cas des “erreurs” : il s’agit plutôt d’une expression de leur nature fondamentale de parti pro-entreprises contrôlé par des bailleurs de fonds milliardaires.
Les sondages de sortie des urnes montrent que les électeurs qui ont considéré la pandémie comme l’enjeu principal ont voté pour Biden avec une marge de 82 %, tandis que ceux qui considéraient l’économie comme l’enjeu principal ont voté pour Trump avec une marge tout aussi importante. Ces chiffres montrent que le Parti démocrate n’a littéralement rien eu à dire aux travailleurs ou même à une grande partie de la classe moyenne, qui a extrêmement peur de l’avenir ou qui est déjà aux prises avec des dettes, des pertes d’emploi, etc. Le message de Trump “d’ouvrir l’économie” a résonné chez beaucoup de personnes inquiètes pour leur avenir. Il n’est pas exagéré de dire que sans la pandémie et la mauvaise gestion criminelle de Trump – ou s’il avait été un peu plus compétent – il aurait facilement vaincu Biden.

L’hostilité des Démocrates à l’égard de la politique progressiste
Au cours des derniers jours de la campagne, Biden a clairement fait savoir qu’il n’interdirait jamais la fracturation hydraulique, qu’il ne réduirait jamais le financement de la police et qu’il accepterait un nouvel ajout de droite à la Cour suprême. En réponse aux meurtres racistes de la police, il a (encore !) déclaré que les flics devraient plutôt tirer dans la jambe des suspects ! Il a refusé de soutenir le principe d’une assurance-maladie pour tous alors que ces élections prenaient place au plus fort de la pandémie. Il n’est pas surprenant qu’un sondage Axios ait montré que plus de 58% des électeurs démocrates étaient été motivés à voter “contre Trump” plutôt que “pour Biden”.
Tout cela a laissé de la place à Trump pour se présenter comme un “outsider” malgré sa présence à la Maison Blanche ! Trump a critiqué Biden de la “gauche” au sujet de son projet de loi raciste de 1994 concernant la criminalité, ainsi que pour son soutien aux guerres en cours et aux accords commerciaux favorables aux entreprises. Il a combiné ces attaques à un cocktail de racisme, de sexisme, d’autoritarisme, d’appels à l’extrême droite, de théories du complot et de rhétorique de maintien de l’ordre qui a permis à Trump de trouver un écho auprès d’une certaine partie des électeurs blancs conservateurs.
Dans sa déclaration aux médias du 4 novembre, Trump est allé jusqu’à dire que “les Démocrates sont le parti des grands donateurs, des grands médias, de la grande technologie, semble-t-il. Et les Républicains sont devenus le parti du travailleur américain“. Bien sûr, pour un milliardaire qui a rempli son cabinet d’autres super riches, dire cela est très absurde. En fait, les électeurs qui gagnent moins de 100.000 $ par an ont voté pour Biden plutôt que pour Trump avec une marge importante. Mais le fait que cela puisse trouver un écho nous en dit beaucoup sur l’establishment démocrate.
Pourtant, les experts libéraux chercheront à prétendre que cette situation est due à des personnes qui n’ont pas voté (surtout les personnes de couleur), à des électeurs qui ont voté pour des candidats indépendants, aux idées racistes dans la classe ouvrière blanche (ce qui est un facteur réel que nous abordons plus bas), ou à l’association des Démocrates avec la “gauche radicale”. La direction du Parti démocrate doit plutôt se regarder dans le miroir pour constater qui a offert à Trump la possibilité de tenter de voler ces élections. Sanders lui-même n’aurait pas dû capituler devant Biden. Il n’aurait pas dû s’autocensurer au sujet de ses précédentes critiques du Parti démocrate. Cela a permis à Trump de se présenter comme un candidat anti-establishment.
Le jeu des reproches
Les experts libéraux et certains activistes de gauche minimisent la nature peu inspirante et pro-entreprises de la campagne de Biden. Ils affirment que l’augmentation du vote de Trump à partir de 2016 n’est due qu’au racisme de la classe ouvrière blanche. Bien sûr, la société aux États-Unis est profondément raciste. L’extrême droite s’est développée et continuera à constituer une menace contre laquelle les socialistes et le mouvement ouvrier doivent lutter.Mais cela seul n’explique pas les gains réalisés par Trump lors de cette élection et ce serait une très grave erreur de passer cela sous silence en considérant que ses partisans ne sont qu’un seul bloc monolithique d’électeurs blancs racistes. En fait, le seul segment de la population où son pourcentage de soutien a diminué est celui des électeurs blancs non diplômés de l’enseignement supérieur. Cela ne change rien au fait que les deux tiers de cette population ont soutenu Trump, mais cela montre que c’est loin d’être monolithique.
Le soutien de Trump s’est par contre accru parmi les électeurs noirs et latinos, des votes considérés comme acquis aux Démocrates depuis longtemps. En fait, il a remporté le plus grand nombre de voix parmi les personnes de couleur de tous les candidats républicains à la présidence en 60 ans ! Un certain nombre de facteurs entrent en jeu, mais un élément important qui explique pourquoi une partie des électeurs noirs et latinos de la classe ouvrière a choisi Trump est à nouveau dû à l’économie et à l’échec complet des Démocrates à parler de la crise à laquelle les travailleurs sont confrontés en ce moment.
Les organes capitalistes comme le New York Times voient un avantage à résumer cette élection de cette manière, puisque cela peut ébranler la foi dans le potentiel de solidarité multiraciale de la classe ouvrière tout en détournant l’attention des échecs des démocrates. Bien qu’ils ne le disent pas ouvertement, ils s’opposent activement à l’émergence d’un mouvement de masse multiracial centré sur la classe ouvrière qui prendrait le pouvoir de la classe des milliardaires qu’ils défendent. Quand les grandes entreprises se saisissent de la question du racisme, ce n’est que dans le but de défendre la domination capitaliste.
Là encore, il est cependant indéniable que Trump a profité des sections de la société américaine ayant les idées les plus arriérées concernant le racisme en utilisant une rhétorique de maintien de l’ordre.
Le besoin d’une véritable unité de la classe ouvrière face au racisme est crucial. Mais par quels moyens réaliser cette unité dans une société aussi extrêmement polarisée ? La réponse est complexe. Nous estimons que c’est possible sur base d’un programme de lutte qui comprend à la fois des revendications qui améliorent la vie des travailleurs dans leur ensemble et une position claire en faveur de la libération des Noirs et des droits des immigrants.
Le soulèvement multiracial massif de cet été – et le large soutien au soulèvement dans la société – à la suite du meurtre de George Floyd par la police a précisément illustré le potentiel d’une lutte unie contre le racisme et les inégalités économiques. Mais le manque de leadership, d’organisation et de stratégie claire a donné à la classe dirigeante l’occasion de se ressaisir. Cela a également donné à Trump et à l’extrême droite une possibilité d’exploiter les craintes des gens vis-à-vis du chaos. La réaction contre le soulèvement (en particulier dans les zones rurales) est réelle mais ne doit pas être exagérée.
À quoi ressemblera cette présidence ?
Il est clair qu’une administration Biden/Harris ne résoudra aucun des problèmes clés auxquels sont confrontés les travailleurs. Il est prévisible qu’ils se cacheront derrière le contrôle républicain potentiel du Sénat pour justifier l’impossibilité d’apporter des changements. Même pendant la campagne, alors que les Démocrates essayaient de gagner le contrôle du Sénat, Biden a déclaré qu’il “travaillerait avec les républicains”, l’excuse éternelle pour accepter des attaques massives contre les intérêts des travailleurs. Il y a plus de chances de voir de riches républicains dans le cabinet de Biden que Bernie Sanders.Dès le départ, ce sera une administration faible qui supervisera la crise profonde de la pandémie et la dévastation économique. La Réserve fédérale et les économistes capitalistes sont presque unanimes pour dire qu’il faut beaucoup plus de mesures de relance budgétaire pour éviter un effondrement encore plus important. Mais si le complément de 600 dollars aux allocations de chômage doit être rétabli d’urgence, ce n’est pas du tout la même chose que d’apporter des changements fondamentaux dont nous avons besoin comme le New Deal vert et l’assurance maladie pour tous. Malheureusement, les dirigeants démocrates sont très clairement opposés à ces deux programmes pourtant très populaires.
Une victoire finale
Nous devons de toute urgence construire un mouvement de masse pour lutter en faveur d’un plan de relance d’urgence pour les travailleurs, d’un Green New Deal socialiste, d’un contrôle communautaire de la police, d’un système de santé pour tous, et bien plus encore.Nous ne pouvons pas compter sur les Démocrates contrôlés par les entreprises pour changer fondamentalement la situation. Biden a répété à maintes reprises qu’il ne proposera pas les politiques dont nous avons si désespérément besoin.
Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Il s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et à la politique mainstream en général.
Dans ce contexte, l’extrême droite pourrait se développer encore plus sous une présidence Biden. Afin de lutter efficacement contre les racistes, nous avons besoin d’un programme qui puisse mobiliser les travailleurs dans l’action. Nous ne pouvons pas limiter nos exigences à ce qui est acceptable pour la direction du parti Démocrate et ses bailleurs de fonds milliardaires. Nous devons plutôt nous battre pour les besoins de milliards de personnes dans le monde entier plutôt que pour les milliardaires. Ce type de lutte entrerait inévitablement en conflit avec le système capitaliste lui-même.
Cette élection montre que les Démocrates ne peuvent pas vaincre l’extrême droite de manière décisive. Socialist Alternative estime que nous avons besoin d’un nouveau parti reposant sur la classe ouvrière. Nous préconisons que ce nouveau parti s’empare des richesses des grandes entreprises et les place sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs. Trump n’est qu’un symptôme. La maladie, c’est le capitalisme et le remède : le socialisme.

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La question concerne des millions de personnes : comment stopper Trump ? Certainement pas avec Biden !
Stopper Trump et le Trumpisme se fait par la lutte socialeL’année de crise 2020 n’est pas encore terminée, mais elle pourrait devenir encore plus turbulente. Les manifestations “Black Lives Matter”, qui constituent la plus grande mobilisation sociale de l’histoire américaine, se poursuivent. On constate une hausse effrayante de la violence des milices d’extrême droite en coopération avec la police militarisée. Le changement climatique (notamment la virulence des ouragans) et les économies réalisées en matière de prévention des incendies provoquent des dégâts sans précédents. Les conséquences de la pandémie sont exacerbées par l’incompétence de Trump et un système de santé tout entier dévolu aux profits du secteur privé. Quel que soit le résultat des élections présidentielles, tous ces problèmes ne feront qu’empirer tant qu’aucun mouvement de masse ne sera pas forgé pour fondamentalement changer de société.
Un dossier de Bart Vandersteene
Les démocrates ne peuvent que perdre
Trump est détesté par des dizaines de millions d’électeurs. Mais il semble que nous nous dirigeons encore une fois vers une autre élection qui ne peut qu’être perdue par les Démocrates. L’avance de Biden dans les sondages en juillet est beaucoup plus faible aujourd’hui. Comme en 2016 avec Hillary Clinton, l’establishment démocrate, qui défend les intérêts des grandes entreprises, mène une campagne complaisante. La campagne de Biden ne fait pas de porte-à-porte, ne mobilise pas les jeunes électeurs pour qu’ils s’inscrivent, même dans les ‘swing states’ (États charnières), comme le Michigan. Pendant ce temps, la campagne de Trump frappe à la porte d’un million de foyers par semaine. Le duo Biden / Harris ne parvient pas à présenter un programme électoral qui inspire les travailleurs, les millions de chômeurs ou les jeunes. Pour vaincre Trump, une participation massive des électeurs sera nécessaire. Mais les Démocrates ne semblent pas en mesure de le faire.
Trump fait campagne autour de l’idée qu’il préconise une politique de “la loi et de l’’ordre”. Il affirme que le pays sous la direction des Démocrates est en train de glisser dans l’abîme. Il dépeint les grandes villes dirigées par les Démocrates comme des bastions de la violence et de la misère. Il décrit les Démocrates comme la “gauche radicale”. Il encourage la violence de droite contre les militants de Black Lives Matter (BLM).
En même temps, il tente de répondre aux critiques justifiées de la gauche en prenant lui-même des mesures sociales temporaires, telles que l’augmentation des allocations de chômage et un moratoire temporaire sur les expulsions. Cela doit donner l’impression que le président est du côté des plus faibles de la société. Le contraire est bien sûr vrai. Les plus riches n’ont jamais été aussi bien lotis que sous Trump. Le fossé entre riches et pauvres n’a fait que se creuser. Depuis le début de la pandémie, les 643 milliardaires se sont enrichis de 29% ! Au cours de la même période, 50 millions d’Américains ont perdu leur emploi.
Robert Reich, ancien ministre sous Bill Clinton, a déclaré que le capitalisme américain a complètement déraillé. L’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, pourrait donner à tous les employés d’Amazon (et ils sont nombreux !) 105.000 dollars et toujours être aussi riche qu’avant la pandémie. Ces records pourraient bientôt être battus par l’industrie pharmaceutique qui recherche des méga profits sur les vaccins contre le coronavirus.
Le Parti démocrate a peur des mouvements sociaux
Aux États-Unis, les socialistes ont joué un rôle de pionnier dans la lutte contre la politique de droite, raciste et antisociale de Trump. La direction du Parti démocrate, en revanche, a offert une très faible “résistance”. À aucun moment, cette direction n’a tenté de mobiliser la colère présente dans un mouvement. Au lieu de cela, les dirigeants démocrates ont parlé de “Russiagate”, une question qui n’a pas incité les gens à agir. La raison est simple : les Démocrates ont peur des mouvements sociaux et d’une base active. Après tout, ils savent que les mobilisations de masse peuvent se retourner contre eux avec la même détermination.
Dans cette campagne électorale contre un Trump affaibli mais toujours dangereux, le Parti démocrate ne peut pas aller plus loin qu’un candidat qui se met dans l’embarras, lui et son parti. Alors que le monde est en feu, Joe Biden se montre le moins possible en public. Beaucoup y voient une “incompétence” du candidat et du parti. Il n’y a pas que ça. L’establishment du Parti démocrate est entièrement contrôlé par le monde des affaires. Au début de cette année, il a coordonné une campagne extraordinaire pour battre Bernie Sanders lors des primaires démocrates. Le problème avec les dirigeants du Parti démocrate n’est pas qu’ils sont incompétents, mais qu’ils sont essentiellement une institution capitaliste qui vise à maximiser les profits de la classe des milliardaires. Pour faire cela, ils doivent essayer d’empêcher les mouvements de travailleurs et d’opprimés de remporter des victoires. C’est là leur véritable programme.
Malgré la popularité croissante de la demande d’accès généralisé à une assurance maladie, ‘Medicare for All’, Biden et Harris s’y opposent avec véhémence. Il n’y a qu’une seule raison à cela. C’est parce que leur parti et leur campagne sont financés par des compagnies d’assurance et des entreprises pharmaceutiques.
Est-ce que Biden ramènera la “normalité” ?
Si Biden remporte les élections, ce ne sera pas grâce à l’enthousiasme qu’il suscite, mais plutôt en raison de la haine profonde ressentie envers Trump. Beaucoup de gens vont faire la fête en cas de défaite de Trump. Bien sûr, les socialistes seraient heureux si Trump disparaissait, mais sans illusions : nous savons que Joe Biden n’apportera pas de changement fondamental à la Maison Blanche.
Sous la direction du président Biden, les Démocrates devront gérer la plus grande crise que le pays ait connue depuis la guerre civile. La polarisation politique va se poursuivre. Les groupes d’extrême-droite et les forces franchement fascistes continueront à renforcer leur soutien parce que les Démocrates n’apporteront pas de changement substantiel. Trump a pu devenir président en 2016 sur base de l’échec de la politique traditionnelle. Les forces et organisations encore plus à droite que Trump peuvent connaître un essor sous une présidence Biden.
Pour lutter efficacement contre l’extrême droite, nous avons besoin d’un mouvement social et, en fin de compte, d’un nouveau parti qui se batte dans l’intérêt de la classe ouvrière. Dans la constellation actuelle du système bipartite, le système politique continue de se déplacer vers la droite. C’est l’une des raisons pour lesquelles Socialist Alternative, notre organisation-sœur aux États-Unis, rejette la logique du “moindre mal”.
Dans ces élections, un vote de protestation pour le candidat vert Howie Hawkins, malgré toutes les faiblesses du Parti Vert, peut être un pas en direction de la création d’un parti de gauche pour la classe ouvrière. En plus d’une tactique pour les élections, il est encore plus important de construire par en-bas un mouvement ouvrier militant, de lutter contre le racisme, le sexisme et l’homophobie, de lutter contre les expulsions imminentes, de protester contre le changement climatique,… En fin de compte, nous avons besoin d’une rébellion pure et simple contre toutes les injustices du capitalisme. Ce combat va mettre en existence les bases du type de parti dont nous avons besoin.Trump peut-il voler l’élection ? Comment la gauche doit-elle réagir ?
Le 12 septembre, dans un tweet, Donald Trump a exhorté ses électeurs à voter deux fois : par correspondance et en personne. Il tente également de discréditer le vote par correspondance en répandant des mensonges sur la perte de votes, en réalisant de nouvelles mesures d’austérité sur les services postaux et en menaçant de poursuites judiciaires contre le comptage des votes par correspondance avant le jour des élections. Les électeurs qui votent par correspondance votent en plus grand nombre pour les Démocrates. Il y a aussi la campagne habituelle pour limiter le nombre d’électeurs inscrits, réduire le nombre de bureaux de vote dans certains quartiers plus susceptibles de voter Démocrate,…
A cela s’ajoute la pandémie. Même sans les mesures d’austérité réalisées par Trump à l’US Postal, il n’y avait pas suffisamment d’infrastructures pour répondre à la demande accrue de vote par correspondance. Le vote par correspondance pourrait entraîner le chaos. On s’attend également à ce que de nombreux préposés aux bureaux de vote ne se présentent pas, ce qui entraînera leur fermeture. Toutes ces restrictions des droits démocratiques toucheront principalement les plus faibles, les plus pauvres et les personnes de couleur.
Dans un sondage de la NBC/WSJ, 26 % des électeurs de Biden ont déclaré qu’ils voteraient en personne le jour du scrutin, tandis que 66 % des partisans de Trump ont déclaré qu’ils voteraient de cette façon. Cela signifie que les résultats le soir des élections peuvent être extrêmement trompeurs. Trump peut avoir un résultat beaucoup plus fort le soir de l’élection que lorsque tous les votes ont été comptés.
Trump a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il n’a pas l’intention de quitter la Maison Blanche, même s’il perd les élections. Il a semé le doute sur la légitimité des élections pendant des semaines. On spécule déjà beaucoup sur le fait que Trump pourrait se déclarer vainqueur à tort le soir de l’élection, alors qu’il est en tête, même si seulement une petite partie des voix a été comptée. Certains groupes progressistes se préparent à ce scénario avec des plans de protestations de masse et de désobéissance civile, ce qui est un bon pas en avant.
Si un “vol” électoral menace, Trump ne pourra être arrêté que lorsque des millions de travailleurs feront grève, soutenus par des manifestations de masse bien organisées dans chaque ville. Il est préférable que ces actions soient organisées indépendamment des dirigeants du Parti Démocrate. En 2000, la direction du Parti Démocrate a montré qu’elle préférait perdre plutôt que de construire un mouvement de masse pour défendre le résultat du vote. Bush junior a ainsi pu voler les élections de 2000.
Les syndicats devraient être en première ligne pour protéger ces manifestations contre d’éventuelles violences de la part des militants de droite. Face à une crise économique, un chômage de masse, une pandémie mondiale, des assassinats policiers racistes et des incendies de forêt sans précédent, un mouvement de masse devrait exiger bien plus que le simple départ de Trump de la Maison Blanche.
Des millions de personnes en grève et en manifestation contre le vol des élections renforceraient le pouvoir de la classe ouvrière organisée. Cela pourrait être le point de départ d’une nouvelle phase dans la lutte contre le racisme et toutes les formes d’inégalité et de discrimination.
Bernie a loupé une occasion historique
Début 2020, il semblait que Bernie Sanders pouvait surmonter tous les obstacles pour remporter les primaires démocrates. En fin de compte, l’establishment a réussi à manipuler la campagne de telle sorte qu’un candidat qui leur était sûr, Joe Biden, s’en est sorti. Malheureusement, Bernie s’y est résigné. Comme en 2014, Bernie avait un puissant mouvement derrière lui pour mener une campagne indépendante, séparée des Démocrates et des Républicains, en novembre, dans laquelle il aurait pu vaincre à la fois Trump et Biden. S’il avait déjà fait ce choix en 2014, Trump n’aurait peut-être jamais été élu.
Même si Trump avait remporté une telle élection entre trois candidats (Sanders, Biden, Trump), la gauche aurait au moins disposé d’une force indépendante pour lutter contre la droite. Une telle campagne aurait posé les bases d’un nouveau parti de masse pour la classe ouvrière et aurait donné un énorme coup de pouce à tout mouvement pour la justice sociale.
En raison de la capitulation de Sanders, un sentiment de déception et de défaitisme règne parmi une couche d’activistes. Heureusement, le mouvement historique BLM est entré en scène, ce qui a rapidement éliminé ce sentiment. Mais la question d’une représentation politique propore aux travailleurs n’est pas encore résolue.