Tag: Benazir Bhutto

  • Un changement dans la politique extérieure des Etats-Unis ?

    Déjà avant les élections, le président Obama avait annoncé le retrait progressif des troupes US d’Irak. Depuis lors, il a créé une ouverture pour des négociations avec l’Iran et même avec les Talibans « modérés » d’Afghanistan. Un nouvel élan a aussi été donné à la collaboration entre l’OTAN et la Russie. Ces éléments indiquent-ils un vrai changement dans la politique extérieure des Etats-Unis ?

    La « nouvelle » position d’Obama n’implique pas une rupture avec la politique impérialiste de son prédécesseur. Le retrait des troupes d’Irak sera utilisé pour envoyer plus de troupes vers l’Afghanistan afin d’y mener la « guerre contre le terrorisme ». Pourtant, après presque huit années de guerre, il n’y a aucune perspective de victoire pour les troupes de l’OTAN. En outre, l’avancée des Talibans au Pakistan a coupé des itinéraires de ravitaillement cruciaux pour l’OTAN entre ce pays et l’Afghanistan.

    Afin de pouvoir envoyer un plus grand nombre de soldats en Afghanistan (Obama parle de 17.000 militaires en plus), les Etats-Unis ont du changer leur attitude envers la Russie et l’Iran. Ils avaient besoin de la Russie pour transporter leur ravitaillement vers l’Afghanistan ainsi que de l’Iran pour conclure des accords et des alliances avec des populations afghanes qui parlent le persan (comme en Iran).

    La volonté affichée par Obama de parler avec les Talibans « modérés » en Afghanistan ne marque pas non plus une rupture fondamentale avec la politique impérialiste des Etats-Unis. Au cours de la guerre civile en Afghanistan, les partenaires pakistanais et saoudiens des USA ont créé puis soutenu les Talibans, d’abord contre les troupes soviétiques dans les années ’80, puis ensuite dans la guerre entre les divers «seigneurs de guerre» durant les années ‘90. Ils ont été soutenus tacitement par les Etats-Unis.

    Actuellement les Talibans progressent au Pakistan, le pays où ce mouvement a été mis en place sous la surveillance et même avec le soutien des pouvoirs militaires et politiques locaux (y compris le PPP de Benazir Bhutto). L’impérialisme américain veut aujourd’hui empêcher un développement des Talibans dans toute la région et essaie d’utiliser sa vieille politique de diviser-pour-régner.

    Pendant qu’Obama tente de créer une ouverture pour des négociations avec le régime religieux en Iran, il évoque aussi la possibilité de mener davantage d’actions militaires au Pakistan. A côté des opérations dans la province nord-ouest (où se trouve entre autre le district de Swat, dans lequel le pouvoir des Talibans est plus ou moins officiellement reconnu par les autorités pakistanaises et où ils appliquent la sharia), il pourrait y avoir une augmentation des actions dans la province du Balouchistan. Cela peut faire monter les tensions régionales et accroître l’instabilité politique au Pakistan avec la possibilité de graves conséquences pour le régime en place qui dispose de l’arme nucléaire.

    Les tentatives d’Obama pour jouer avec les différences ethniques en Afghanistan sont vouées à l’échec. La même politique a été utilisée dans les années 1970 par plusieurs grandes puissances (URSS, USA, GB) dans l’espoir de bloquer une radicalisation des travailleurs et paysans dans le pays. Le résultat a été un carnage terrible et une guerre civile qui apparait interminable et que la nouvelle politique des Etats-Unis va relancer. La guerre civile risque en plus de s’étendre, en particulier vers le Pakistan. Plus que jamais, l’impérialisme risque de mener à la barbarie.

  • Pakistan : Malgré l’appel au changement, aucune grande modification en vue

    Comme prévu, le parti du président Musharraf a subi une défaite lors des élections pakistanaises. L’appel au changement a amené certains à voter pour les partis d’opposition – le PPP (parti du peuple pakistanais, mené par Asif Ali Zardari, le veuf de Benazir Bhutto) et le PML-N (la Ligue musulmane, menée par Nawaz Sharif) – et d’autres à s’abstenir. S’il est clair qu’on a voté contre Musharraf, on ne peut pas dire que la confiance soit grande envers les partis d’opposition.

    Article de Geert Cool

    Les chiffres

    Lors des élections de ce lundi 18 février, 272 sièges ont été directement attribués dans les circonscriptions électorales, 70 autres sièges sont réservés à des femmes et à des minorités religieuses et seront attribués proportionnellement aux résultats des partis. Au total, le parlement pakistanais comptera donc 342 sièges.

    Les élections ayant été reportées à certains endroits, il n’y a provisoirement que 337 sièges : 113 pour le PPP, 84 pour le PML-N de Sharif et 55 pour le parti de Musharraf, le PML-Q. Le parti nationaliste local MQM, allié fidèle de Musharraf, obtient 25 sièges à Karachi. Les fondamentalistes musulmans du MMA ont été quasiment évincés dans la province frontalière du nord-ouest. Ils ont subi une lourde défaite, après une période de participation au gouvernement de coalition provincial. Nationalement, Le MMA n’obtient plus que 7 sièges, contre 63 en 2002. Le fait que les islamistes soient rayés de la carte n’a pas fait la « une » des médias occidentaux mais a assurément une grande importance.

    Les chiffres indiquent que, avec 197 sièges, une majorité PPP et PML-N serait possible. Cependant, ils devront s’allier avec d’autres partenaires s’ils veulent atteindre la majorité des 2/3 requise pour pouvoir modifier la Constitution.

    Les médias occidentaux se sont surtout focalisés sur le rôle du PPP et avaient prévu une grande victoire pour le parti de Benazir Bhutto. Le PPP a, en effet, obtenu un bon score (avec un gain de 32 sièges) mais c’est surtout le score important du 2e parti, le PML-N, qui est frappant, alors qu’il était moins attendu par les médias. Le PML-N passe de 19 à 84 sièges (avec de bons scores surtout dans la province du Punjab). Ce n’est pas étonnant : le chef du parti, Nawaz Sharif, s’était résolument élevé contre Musharraf et est ainsi apparu, encore plus que le PPP, comme une figure d’opposition.

    La direction du PPP avait, quant-à-elle, communiqué le fait qu’un gouvernement de coalition avec le parti de Musharraf ne constituerait pas un problème fondamental pour elle. Un tel partage du pouvoir était le point de départ du PPP avant l’assassinat de Bhutto mais le scénario n’a pas été changé après sa mort.

    En outre, dans les cercles politiques pakistanais, une grande importance est accordée au rôle d’un chef de parti, considéré comme le centre de ce parti. La disparition de Benazir Bhutto a, de ce fait, très certainement eu un effet négatif pour le PPP.

    A la suite des résultats, le PPP a modifié son attitude en annonçant vouloir former des coalitions avec d’autres partis d’opposition. Il veut réaliser de telles coalitions dans les 4 provinces et au niveau national. Le leader du parti, Zardari, a clairement mentionné le PLM-N comme un partenaire de coalition potentiel. Il a, en même temps, fait savoir qu’il ne songeait aucunement à une coalition avec le PLM-Q.

    L’attitude à adopter envers le président Musharraf sera certainement un point important de la discussion. En effet, Nawaz Sharif veut la démission de Musharraf, tandis que le PPP serait satisfait si le président ne remplissait plus qu’une fonction purement protocolaire, avec transmission du pouvoir au 1er ministre.

    La réalité derrière les chiffres

    Le faible taux de participation est le reflet du manque de confiance dans l’establishment politique. Il y a une immense insatisfaction, encore activée par les fortes augmentations des prix, ces derniers mois : la nourriture est devenue très chère. Aucun parti traditionnel n’a apporté de réponse à cela.

    Ces élections sont une défaite pour Musharraf mais pas encore une victoire pour les partis d’opposition qui vont peut-être former un gouvernement. Dans quelle mesure ces partis sont-ils prêts à rompre avec la politique néolibérale de Musharraf ?

    La seule raison pour laquelle Musharraf a renversé Nawaz Sharif par un coup d’Etat en 1999 était que celui-ci avait tenté de s’approprier le pouvoir sur l’armée. Il n’y avait pas de différence politique fondamentale, c’était uniquement une question de pouvoir.

    Quant au PPP, malgré son passé de force populaire de gauche et ses discours sur une « économie socialiste », il a aussi un programme néolibéral. Cela a été démontré à l’époque où Bhutto était au pouvoir, fin des années ’80 et dans les années ’90. L’insatisfaction est profonde et les élections démontrent la victoire de celui qui s’est exprimé le plus fort contre Musharraf. Les partis qui avaient localement participé à des coalitions provinciales ont aussi été sanctionnés. C’est, entre autres, le cas des islamistes dans la province frontalière du nord-ouest.

    Il n’y a pas de doute, la fraude et la corruption n’ont pas été absentes de ces élections. Une majorité des sièges avait été fixée au préalable, comme cela avait déjà été le cas en 2002 et, lors d’élections précédentes. Cela a déjà conduit bien des fois à des réactions et des bagarres. A la fin des années ‘70, la fraude électorale et la réaction contre celle-ci ont mené à la chute définitive du père de Bénazir Bhutto, Zulfikar Ali Bhutto (qui avait déjà perdu son soutien parce qu’il n’avait pas rompu avec le capitalisme).

    Mais, indépendamment de la fraude, le résultat général est assurément une expression relativement correcte du sentiment qui prédomine au Pakistan : un sentiment de dégoût envers Musharraf et sa clique.

    Et après ?

    La question centrale n’est pas tellement de savoir quel gouvernement de coalition sera formé et qui y prendra quelle fonction. Les mêmes grandes et puissantes familles qui contrôlent l’élite politique depuis déjà bien des années continueront de le faire.

    La question principale est de savoir quelle sera l’attitude de l’armée. Celle-ci contrôle une grande partie des services publics mais aussi un bon nombre d’entreprises privées du pays. De plus, l’armée est partout présente, dans la vie sociale et dans la rue. Il est peu probable celle-ci s’accroche au président Musharraf qui en a récemment démissionné pour pouvoir continuer à siéger en tant que président civil.

    L’armée essayera probablement d’arriver à un compromis avec le nouveau gouvernement. Si jamais celui-ci tentait de limiter le pouvoir de l’armée, il ne serait pas exclu qu’elle se remette à jouer un rôle politique plus actif comme en 1999, lorsque Musharraf, alors chef militaire, a, avec le soutien de l’armée, fomenté un coup d’Etat. Il est probable que l’armée admette que Musharraf soit sacrifié en tant que symbole et qu’il doive quitter la scène, mais la restriction de la puissance militaire ne pourra beaucoup déborder du terrain symbolique.

    Une autre question est de savoir quelle sera l’attitude des USA et ce que deviendra le soutien du Pakistan à la guerre américaine contre le terrorisme. Bush a déjà déclaré qu’il continuerait, avec Musharraf ou n’importe quel gouvernement démocratique.

    Cela ne sera assurément pas difficile : les leaders du PPP ont déjà tenté bien des fois de « se mettre bien » avec les USA et affirment vouloir mener le combat contre le fondamentalisme musulman. Cependant, la population pakistanaise éprouve une grande aversion envers l’impérialisme américain, notamment suite à la guerre en Afghanistan et en Irak. Si le nouveau gouvernement veut quelque peu conserver le fragile soutien de la population, il devra en tenir compte. D’autre part, la pression internationale venant des USA risque d’être très forte.

    Le nouveau gouvernement va se trouver devant le même dilemme que Musharraf : se laisser utiliser en tant qu’allié des USA dans la guerre contre le terrorisme (malgré l’aversion que la population éprouve pour cela) ou alors se déclarer « isolé », avec les sanctions qui pourraient en découler et le risque d’une confrontation avec l’armée pakistanaise qui pourrait profiter d’un affaiblissement international du gouvernement pour reprendre les rênes en main. En résumé, tous les ingrédients sont réunis pour aller vers une période d’instabilité et les partis traditionnels n’auront pas de solution à apporter.

    Quels que soient les choix des partis établis, la clé du changement ne se trouve pas chez eux. Les ouvriers et les paysans pauvres pakistanais doivent s’organiser dans leur opposition contre le pouvoir néolibéral, qui est défendu par tous les partis traditionnels et aussi par l’armée.

    Il est indispensable de rétablir à nouveau la tradition des organisations de travailleurs, sous la forme de syndicats et au niveau politique. La population pakistanaise a une énorme tradition de lutte pour le changement. Le mouvement révolutionnaire de 68-69 a totalement renversé la scène politique, avec un fort appel pour un changement socialiste. Aujourd’hui, l’appel au changement ne s’exprime peut-être pas aussi fort en termes d’alternative socialiste, mais l’insatisfaction à l’encontre des effets du capitalisme est grande.

    Le Socialist Movement Pakistan, notre organisation-sœur au Pakistan, y travaille, en construisant une force socialiste active dans la création de syndicats combatifs et la formation de cadres politiques susceptibles d’intervenir dans des situations de changement rapide, en présentant un programme socialiste conséquent.

    Liens

  • Pakistan. Après l’assassinat de Benazir Bhutto : Opposition de masse face aux militaires et au régime de Musharraf

    Le comité exécutif central du Pakistan People’s Party et la réunion du Conseil fédéral tenue dans la maison de la défunte Benazir Bhutto, dans la province de Sindh le 30 décembre, n’ont livré aucune surprise à ceux qui connaissent un tant soit peu le PPP et la politique pakistanaise. Le fils de Benazir Bhutto âgé de 19 ans, Bilawal Bhutto, a été nommé Président du parti, la coprésidence revenant au mari de Benazir, Asif Zardari. La direction du PPP a aussi décidé de contester l’élection générale prévue le 8 janvier et de poursuivre les politiques adoptées par Benazir Bhutto.

    Khalid Bhatti, Lahore, Socialist Movement Pakistan (section de notre internationale – le CIO – au Pakistan).

    Beaucoup de commentateurs politiques considèrent cette réunion comme une deuxième fondation du PPP, avec une nouvelle direction. Toutefois, en réalité, cette nouvelle direction ne fait que confirmer le règne de la famille Bhutto au-dessus du PPP, selon les volontés laissées par Benazir pour sa famille et le parti. Elle avait ainsi demandé à son mari de prendre la direction du PPP. Si ce dernier a laissé la présidence à son fils, c’est pourtant bien lui, Asif Zardari, qui continuera dans les faits à dominer le parti au nom des Bhutto.

    Cette tradition de transmission familiale du pouvoir avait déjà été utilisée par Zulifqar Ali Bhutto en 1979 quand il a remis la direction du parti à sa fille, Benazir, sans aucune consultation. La tradition féodale dynastique est ainsi toujours d’application au 21ème siècle…

    L’avenir de la politique du PPP

    La disparition soudaine de Benazir Bhutto a créé un vide énorme non seulement au sein du PPP, mais également dans la politique nationale, où elle était une personnalité incontournable avec derrière elle une histoire de lutte et de sacrifice contre l’establishment et la dictature militaire. Son image anti-établissement s’était cependant considérablement fanée, particulièrement ces derniers mois, en raison des accords qu’elle essayait de conclure avec le général Musharraf, avec le soutien de l’impérialisme occidental.

    Malgré tout, la mort violente du chef du PPP a fait d’elle un symbole de la lutte ou encore du courage contre le fondamentalisme et la dictature. Cette situation va la laver de plusieurs trahisons et erreurs politiques qu’elle a commises durant sa carrière politique.

    La direction du PPP va utiliser la vague de sympathie et de peine pour poursuivre les politiques qui servent leurs propres intérêts. Le PPP est maintenant plus susceptible de maintenir intacte son unité et d’éviter de grandes scissions à court terme tout en étant plus capable de remporter une majorité lors des prochaines élections pour la formation d’un gouvernement. La direction féodale du PPP emploiera l’atmosphère actuelle et la colère contre le régime pour rassembler à son avantage le soutien des masses pour se tailler un nouvel accord avec l’establishment militaire afin de partager le pouvoir.

    Une fois au gouvernement, le PPP devra traiter des véritables problèmes. Les masses laborieuses ne vont pas donner énormément de temps à un gouvernement du PPP pour résoudre leurs problèmes. S’il est une chose qui est très claire, c’est que le parti de Bhutto ne saura pas résoudre les problèmes rencontrés par la classe ouvrière et les pauvres : il ne possède aucun programme alternatif ni aucune stratégie pour cela. Ce parti ne fera que poursuivre les politiques économiques soumises au marché « libre » que les précédents gouvernements du PPP avaient appliquées, avec en conséquence une baisse de son soutien. Le plus probable est que le PPP poursuive sa politique pro-américaine et soutienne la prétendue « guerre contre la terreur ».

    Le PPP comporte beaucoup de factions et de groupes résultant du culte des personnalités au sein du parti. Les dirigeants les plus connus du PPP ont chacun leurs propres groupes de supporters basés non pas sur des idées, des principes ou des programmes différents, mais bien sur le simple soutien à des figures connues pour en retirer le maximum de gains politiques. Ces groupes et factions peuvent s’engager dans une bataille ouverte pour obtenir le contrôle de l’appareil du parti. Asif Zardari ne pourra pas maintenir le PPP intacte pendant une longue période. De grandes ou plus modestes scissions peuvent apparaître autour de différentes questions.

    Alors que le PPP souffre de l’absence d’un programme clair capable de l’unifier, il n’y a maintenant plus de chef charismatique pour rassembler le parti sur le long terme, à la manière de Benazir Bhutto. À l’avenir, la PPP peut se diviser en différents groupes qui peuvent mener à de nouvelles formations.

    Si un mouvement de la classe ouvrière commence à se développer dans les prochains temps, alors une formation plus radicale pourrait se développer, autour de dirigeants comme Aitzaz Ahsan (le chef du récent mouvement des avocats). La taille et la nature de n’importe quelle scission du PPP dépendra des conditions concrètes du moment mais une chose est claire : la route politique sur laquelle le PPP s’engage le conduira dans le désordre et la crise la plus profonde.

    Sentiments de la classe ouvrière

    La probable victoire électorale du PPP sera décrite par de nombreux commentateurs comme la renaissance d’une tradition politique. Le PPP va assurément gagner un certain appui électoral sur base de la vague de sympathie et de peine. L’assassinat de Benazir Bhutto a certainement enclenché une colère contre l’establishment auprès des masses. Cette sympathie et cette colère peuvent s’exprimer en assez de voix pour que le PPP puisse défaire les partis pro-Musharraf. Mais ce phénomène a des limites et ne sera que de courte durée. Il ne changera pas fondamentalement la conscience et l’attitude de la classe ouvrière envers le PPP.

    Le plus probable est que le PPP sera incapable de rétablir sa base et son appui dans la classe ouvrière. Toute sympathie disparaîtra dès que ce parti arrivera au pouvoir pour appliquer les mêmes mesures contre les travailleurs et les pauvres. Quelques sections de la classe ouvrière sortiront pour diriger leurs votes contre le régime et, en l’absence d’une alternative viable pour la classe ouvrière, ces voix iront en faveur du PPP.

    Il n’est pas possible pour le PPP de redevenir le parti des masses comme il a pu l’être dans le passé. Il sera vu différemment. Les couches les plus avancées des travailleurs ne sont pas prêtes à accorder leur confiance à la direction du parti. Même dans les couches plus larges, la sympathie ne se manifeste pas en appui pratique. La majorité écrasante de la classe ouvrière n’est pas prête à s’exprimer politiquement pour la plateforme du PPP.

    La province de Sindh pourrait toutefois être une exception dans cette situation. Le PPP bénéficie de l’appui des masses à l’intérieur de cette province (les régions les plus rurales et féodales) en raison d’une montée du nationalisme sindhi. Faute d’alternative pour les travailleurs, le PPP peut maintenir un important appui électoral parmi des sections des masses laborieuses. Néanmoins, il n’est pas possible pour la direction du PPP de transformer le parti en force politique capable de rencontrer les espoirs répandus parmi les masses.

    Dans la période qui a précédé sa mort, Benazir Bhutto n’a pas réussi à mobiliser les masses derrière son parti. Ses meetings électoraux et publics comprenaient moins de monde en comparaison des campagnes électorales précédentes.

    Les seules personnes au Pakistan à croire encore que le Pakistan People’s Party peut être remanié ou transformée en une organisation radicale de gauche, une organisation de combat pour la classe ouvrière sont les prétendus marxistes révolutionnaires qui travaillent en son sein. Néanmoins, il est possible que quelques dirigeants ou sections du PPP, sous la pression des masses, adoptent – au moins verbalement – des positions plus à gauche, radicales, anti-impérialistes ou sociale-démocrates.

    Des leçons qui n’ont pas été tirées

    Zulifqar Ali Bhutto – père de Benazir et président-fondateur du PPP – avait tiré les conclusions de ses échecs politiques avant de se retirer en 1979. Dans son dernier livre écrit en prison, « Si j’étais assassiné », il concluait ainsi : « Je passe mon temps dans cette cellule de mort parce que j’ai essayé de faire des compromis entre deux classes en lutte – la classe ouvrière et la classe dirigeante. Aucun compromis ne peut être fait entre ces classes aux intérêts contradictoires. Cette guerre de classe finira seulement avec la défaite décisive d’une des classes. C’est la leçon de ma condition présente ».

    Bhutto n’a pas eu l’opportunité d’une seconde chance après avoir tiré cette conclusion mais sa fille a refusé d’apprendre les leçons de son expérience. Z.A. Bhutto a eu la chance de pouvoir transformer la structure d’Etat et le système politique, mais il n’a finalement fait que le renforcer : il a appliqué des réformes qui ont blessé la classe régnante et l’ont décidé à prendre sa revanche. Bhutto a essayé de reformer l’Etat et le système, mais a échoué.

    Benazir Bhutto avait essayé la même chose et a misérablement échoué. Elle n’a pas défendu et ni favorisé les intérêts de la classe ouvrière et des masses pauvres, mais a par contre fait tout ce qui était possible pour passer des compromis avec l’establishment, sans toutefois jamais réussir à obtenir leur confiance. Ses efforts se limitaient à apaiser la classe dirigeante pakistanaise et à sembler acceptable pour l’impérialisme.

    La lutte pour la liberté, la démocratie, les droits fondamentaux, pour une transformation politique et sociale, pour résoudre tous les problèmes rencontrés par la classe ouvrière et les masses pauvres du Pakistan est une lutte pour changer le système et la structure d’Etat. Cela signifie une lutte contre le capitalisme, le féodalisme, l’impérialisme et l’Islamisme politique de droite – tout cela en même temps. Chaque aspect est lié avec les autres ; n’importe quel effort contre un seul d’entre eux échouera parce que les autres viendront à son secours.

    Benazir Bhutto a voulu en finir avec le fondamentalisme religieux réactionnaire sans en finir avec le capitalisme, l’impérialisme et le féodalisme. C’est irréalisable. La lutte contre la pauvreté, le chômage, l’inflation des prix et la faim est liée à la lutte pour le renversement du capitalisme et pour l’instauration du socialisme.

    La direction actuelle du PPP n’est pas prête à engager cette lutte contre le capitalisme et le féodalisme. Au lieu de cela, ce parti veut renforcer le « statut-quo » : le système actuel tel qu’il est putréfié. La direction du PPP n’est pas prête à apprendre les leçons du passé et semble prêt à en reproduire les erreurs. Les travailleurs et les pauvres, cependant, seront disposés à tirer des conclusions sur base de leur expérience et des déceptions amères qu’ils auront eues. Au regard de la manière dont la « succession » de Benazir Bhutto a été réglée et de l’absence de volonté de la part des chefs du PPP pour une véritable rupture avec le féodalisme, le capitalisme et l’impérialisme, il ressort clairement que la nécessité d’un mouvement et d’un parti indépendant pour les travailleurs et les pauvres est un besoin urgent. Ce serait là une force avec laquelle pourrait être engagé le combat pour un réel changement des conditions de vie des masses de la population du Pakistan et pour mener la lutte pour le socialisme.

  • Nos camarades pakistanais condamnent l’assassinat de Benazir Bhutto

    La mort de la dirigeante du Parti du Peuple Pakistanais, tuée lors d’une attaque suicide, suscite une aggravation de la crise politique et du chaos régnant dans le pays.

    Khalid Bhatti, Socialist Movement Pakistan (CWI), Lahore

    Benazir Bhutto, dirigeante du Parti du Peuple Pakistanais (PPP), a été tuée lors d’une attaque suicide après avoir parlé à un rassemblement publicà Rawalpindi ce jeudi 27 décembre. Sa mort tragique a une fois de plus exposé la volatilité de la situation qui règne dans le pays. Le gouvernement pointe un doigt accusateur en direction d’un groupe lié à Al-Qaeda, mené par Baitullah Mashud, un seigneur tribal.

    Benazir avait déclaré à de nombreuses reprises que certains éléments au sein de l’appareil d’Etat désiraient la tuer.Elle a survécu à une attaque suicide mortelle lors de la cérémonie de réception pour son retour d’exil à Karachi, le 18 octobre, dans laquelle près de 150 personnes avaient perdu la vie. Elle était sur la liste noire d’Al-Qaeda et d’autres groupes islamistes ractionnaires. Un orte-parole d’Al-Qaeda en Afghanistan a revendiqué la responsabilité de sa mort. Selon ce porte-parole, sa mort aurait été causée par son alliance avec les « infidèles », et parce qu’elle aurait été un agent des Américains.

    Tandis que la nouvelle de sa mort se répandait à travers tout le pays, la violence éclatait. Le Sindh, la province natale de Benazir, a été ravagé par des foules en colères, qui ont partout incendié les banques, les bâtiments gouvernementaux, les stations d’essence et de gaz, les gares, les trains, les voitures, ls bus, et les magasins. Plus de 24 personnes sont déjà décédées au cours de ces émeutes. C’est le pays tout entier qui s’est arrêté en guise de protestation, et le gouvernement a également annoncé trois jours de deuil. Tous les trains ont été annulés, les autres transports ont été bloqués de même.

    Cette situation est semblable à une grève générale, mais une grève spontanée qui n’aurait été organisée par personne, et qui acquiert même un carctère semi-insurrectionnel dans certaines zones. De nombreux travailleurs et pauvres, qui n’étaient pas des partisans de Bhutto, ont exprimé leur colère envers le régime tout entier. Cette colère pourrait être canalisée à travers la fédération de comités de défense démocratiques unis en un mouvement qui s’étendrait à l’ensemble du Pakistan, capable de mettre à bas le gouvernement Musharraf tant haï.

    Les Etats-Unis perdent une partisane essentielle de leur « Guerre contre la Terreur »

    Nous ne pouvons pas ignorer l’implication dans cet assassinat de couches réactionnaires au sein de l’appareil d’Etat. Les éléments réactionnaires fondamentalistes et nationalistes dans l’appaeil d’Etat sont liés de près à divers groupes armés islamiques réactionnaires. Beaucoup de ces groupes ont été créés et développés par l’appreil d’Etat lui-même, et en particulier par les services secrets. Ces éléments n’étaient pas satisfaits de la politique pro-USA mise en avant par Benazir, et en prticulier de son opposition verbale à l’extrémisme et à la militance islamiste. Elle était une partisaneenflammée de la « Guerre à la Terreur » menée par les Etats-Unis, et se déclarait en faveur des opérations militaires contre les groupes militants. Il ne fait donc aucun doute que des forces extrémistes réactionnaires sont derrière son assassinat.

    Benazir est le qutrième membre de la famille Bhutto à être assassiné pour ses opinions politiques. Son père et ses deux frères furent éliminés par l’appareil d’Etat. Malgré la pendaison en 1979 de son père, Zufikar Ali Bhutto, fondateur du PPP, aux mains du Général Zia-ul-Haq, le dictateur militaire de l’époque, elle a tenté tout son possiblé pour obtenir un compromis avec l’establishment militaire.

    Benazir a abandonéé la politique en faveur des masses pour apaiser l’establishment. Malgré cela, elle n’a jamais totalement obtenu la confiance de l’armée ni des larges couches de l’élite dirigeante pakistanaise.

    Mobiliser les travailleurs et les pauvres contre la réaction

    Le Socialist Movement Pakistan condamne rigoureusement l’assassinat de Benazir Bhutto, t nous rejetons les actes terroristes et les méthodes des forces extrémistes religieuses réactionnaires. Toutefois, le SMP a toujours clarifié son opposition à la politique pro-impérialiste et capitaliste de Benazir Bhutto, et à la direction du PPP, qui travaille à défendre le système actuel. Même à son épqoue la plus radicale, la direction du PPP n’a jamais promis que des réformes au sein du système capitaliste et féodal pourri du Pakistan, sans jamais expliquer comment ces mesures pourraient être mises en oeuvre. Une fis au pouvoir, les dirigeants du PPP se sont toujours retrouvés à remplir leurs propres poches et à attaquer le niveau de vie des travailleurs ainsi que leurs droits démocratiques. Mais nous condamnons également les actes de terrorisme individuel ou d’Etat menés par des individus ou des groupes. Le SMP croit à la lutte indépendante et massive des travailleurs afin de renverser le système pourri actuel, capitaliste et féodal.

    Le SMP est certain du fait que l’extrémisme religieux ne peut être battu que par un mouvement massif des travailleurs et des masses pauvres. Le régime actuel a échoué dans sa lutte cntre les forces réactionnaires de l’extrémisme religieux. La classe ouvrière st la seule force dans la société qui est capable de vaincre la dictature et l’extrémisme religieux. Une action politique massive et bien organisée peut vaincre les forcs de la réaction, ce que ne pourra pas accomplir la vague de violence que nous observons aujourd’hui. Au contraire, les travailleurs ont besoin d’un mouvement politique massif et organisé, avec des objectifs clairs et un programme qui reprenne les intérêts de la majorité de la population, tels que la hausse terrible des prix de l’alimentation, le chômage de masse et la pauvreté galopante.

    Nous avons toujours expliqué que les élections prévues pour le 8 janvier ne seraient rien d’autre qu’une farce – en aucun cas démocratiques – et avons appelé à ce que les élections soient tenus sur une base différente, càd visant à l’élection de représentants à une assemblée constituante révolutionnaire qui préparerait la voie à un gouvernement des travailleurs et des pauvres.

  • Le Pakistan divisé par la lutte pour le pouvoir

    Début novembre, le général Musharaf a renforcé son contrôle sur le pays en déclarant l’Etat d’urgence en utilisant le prétexte d’une décision de la Cour Suprême annulant son élection. La Constitution, qui rend impossible qu’un dirigeant de l’armée se fasse élire président, a été temporairement suspendue.

    Thomas

    L’image « démocratique » du dirigeant de l’armée et du pays a donc été ternie, situation problématique tant pour la dirigeante de l’ « opposition » Benazir Bhutto du PPP (Pakistani Peoples Party, qui avait précédemment conclu une alliance avec Musharaf) que pour les alliés américains du président.

    Mais ces mesures d’exception ne sont que le produit du contexte dans lequel évolue le pays. Après les attentats du 11/09/01, le Pakistan a été contraint de choisir le camp des USA dans la « guerre contre le terrorisme », ce qui l’a obligé à modifier son attitude favorable aux Talibans et à l’Afghanistan. En contrepartie, les USA ont accordé un soutien à Musharaf pour opprimer l’opposition interne.

    Malgré le coup d’Etat militaire par lequel Musharaf est arrivé au pouvoir, malgré la possession d’armes nucléaires, malgré les années de course à l’armement engagée avec l’Inde, Bush présentait le Pakistan comme une forteresse de la démocratie! Le Pakistan est déchiré par des contradictions externes et internes. La position centrale du pays dans la région le place au centre d’une lutte d’influence et de pouvoir où s’exercent des pressions tant de la part des USA que de la Chine. Sur le plan interne, le Cachemire et le Baloutchistan luttent pour leur autonomie tandis que des régions de la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP) sont hors du contrôle de l’autorité centrale.

    Et c’est encore sans compter la lutte de pouvoir entre l’armée et la bureaucratie de l’administration bourgeoise (y compris les magistrats et les avocats). En 1999, Musharaf a écarté cette bureaucratie en se basant notamment sur les fondamentalistes islamistes, ce qui a permis au dirigeant de l’armée de devenir président. Mais, après le virage de 2001, pour plaire à son allié américain, Musharaf avait besoin d’une image relativement démocratique et laïque. Cette tension a conduit à l’invasion de la Mosquée Rouge tenue par les intégristes l’été dernier.

    Le dictateur militaire a perdu une grande partie de son soutien, non seulement au sein de l’appareil judiciaire et des fractions de l’armée, mais aussi dans la population qui subit depuis des années les conséquences de sa politique d’austérité. L’abandon de ses fonctions militaires ne changera rien, seule la création d’un instrument politique des travailleurs et des pauvres capable de se diriger vers une transformation socialiste de la société est une solution.

    Socialist Movement Pakistan

    Notre parti-frère pakistanais fait face à des difficultés extrêmement pénibles suite à la répression et à la violence. Ainsi, les semaines dernières, il n’était plus possible de rentrer en contact avec nos camarades de la vallée de Swat, ni d’ailleurs dans le NWFP. Dans d’autres villes, le SMP a participé aux mobilisations où l’armée est intervenue de manière très répressive et brutale.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop