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Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (3)
La Belgique – un pays riche
68. Nous avons montré dans la partie internationale de ce texte la façon dont la crise a accru les divisions parmi la bourgeoisie, au point qu’elle en arrive à une impasse. Ses diverses factions sont en désaccord sur plusieurs choses, mais surtout sur la question de savoir s’il faut mettre tout de suite le couteau sur la gorge des travailleurs ou s’il ne vaut mieux pas le faire graduellement, afin de ne pas causer de réaction incontrôlée. La bourgeoisie belge s’est heurtée plusieurs fois au mouvement ouvrier belge par le passé. La classe ouvrière belge est une des plus productives au monde, qui combine de plus le degré d’organisation du mouvement ouvrier d’Europe du Nord, à la spontanéité de l’Europe du Sud. De ce fait, elle est l’un des mouvements ouvriers les plus effrayants au monde. Les leçons que la bourgeoisie a tiré de cela est qu’elle ferait mieux d’éviter les confrontations directes, en concluant des accords avec les dirigeants d’au moins un des deux syndicats.
69. Cela a plutôt bien fonctionné pour la bourgeoisie belge. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les travailleurs belges ont gagné en termes de productivité, passant du dessous au top cinq mondial. Cette position est tenue depuis déjà trente années. À côté de la position géographique de notre pays, de son infrastructure, et de son niveau d’éducation (et en particulier la connaissance des langues), le fait qu’il s’agit d’une porte d’accès pour l’Europe, que les institutions européennes opèrent à partir de Bruxelles, et le régime fiscal extrêmement favorable pour les multinationales expliquent la productivité des travailleurs belges (c’est-à-dire, la quantité de bénéfice obtenue pour chaque euro payé en salaire, NDT) et la force d’attraction de la Belgique pour les investissements étrangers. Notre pays fait déjà depuis des années partie des destinations privilégiées pour les investissements étrangers directs. L’an dernier, il s’agissait de 62 milliards de dollars, ce qui place notre pays à la quatrième position mondiale. Seuls les USA (228 milliards de dollars), la Chine (106 milliards de dollars) et Hongkong (69 milliards de dollars) ont fait mieux.
70. Une partie de ces investissements doit être nuancée parce qu’ils sont liés à la fonction de port de transit de notre pays. De là, le haut montant d’investissements directs de l’étranger sortants (38 milliards de dollars), soit le dixième plus élevé au monde. Et puis, il y a encore la déduction des intérêts notionnels, qui rend très intéressant pour les entreprises d’artificiellement gonfler leur base de capital afin d’utiliser cette déduction de façon maximale. En 2010, la Flandre était la destination de 68% des investissements étrangers en Belgique, Bruxelles de 13%, et la Wallonie de 19%. En Flandre, la moitié de ces investissements seraient constitués de ce qu’on appelle les “greenfields”, de vrais nouveaux investissements et non pas l’élargissement de projets existants, des participations ou rachats. Ce nombre serait encore plus grand si on le prenait à l’échelle de toute la Belgique.
71. Ces bonnes prestations ont fait de la Belgique un pays riche. La fortune financière des familles est de 931 milliards d’euros, à peu près 270% du PIB. Après avoir retiré les dettes (surtout des emprunts hypothécaires), il reste en tout 732 milliards d’euros en net, soit 210% du PIB – de loin le chiffre le plus élevé de toute l’Europe. Dans la zone euro, ce chiffre est en moyenne de 128%. Les 10% des revenus les plus élevés en Belgique représentent 30% de tous les revenus du travail, mais 53% de la fortune financière et même 32% de la “fortune financière à valeur de marché” (obligations, actions, fonds d’investissement, soit tout ce qui n’est pas cash, dépôts, bons de caisse et investissements dans les sociétés d’assurance et fonds de pension). Ces hautes fortunes sont à peine imposées. Selon l’agence “PricewaterhouseCoopers”, le revenu d’un investissement de 5 millions d’euros – une moitié en actions, l’autre moitié en obligations –, est en Belgique imposé de 15%, aux Pays-Bas de 26%, en Allemagne et en Grande-Bretagne de 30% et en France de 37%.
72. Les entreprises payent elles aussi de moins en moins d’impôts dans notre pays. La CSC a démontré que le taux d’impôt réel pour les entreprises a été raboté de moitié en dix ans : de 19,9% en 2001 à 11,8% en 2009, principalement par la déduction des intérêts notionnels. En 2009, les entreprises avaient réalisé un profit avant impôt de 94 milliards d’euros. Elles ont payé 11 milliards d’euros d’impôts d’entreprise. Au tarif de 2001, l’Etat aurait eu 7,6 milliards d’euros supplémentaire et au tarif légal de 33,99% il aurait été question de 21 milliards d’euros supplémentaires. Parce que la déduction des intérêts notionnels peut être transmise durant 7 ans, les grandes entreprises ont un surplus déductible cumulé de 12,6 milliards d’euros. Si elles utilisent cela, le gouvernement rate encore 4 milliards d’euros. Ici aussi, la règle est que les plus riches s’en vont avec les plus grandes pièces. En 2009, 17,3 milliards d’euros d’intérêts notionnels ont été accordés, dont seul 925 millions d’euros, 5% du total, a été attribué aux PME. En moyenne, ces dernières payent un impôt réel de 21%.
73. Tout cela vient en plus de la fraude fiscale, qui est de 30 milliards d’euros par an. Les grands dossiers de fraude débouchent systématiquement sur un cul-desac. Ça a été le cas pour la KBC, ce l’est maintenant pour Beaulieu. Il n’en ira pas autrement pour la fraude récemment dévoilée dans le secteur diamantaire. D’où vient alors cette thèse selon laquelle la Belgique a un taux d’impôts très élevé ? Des 150 milliards d’euros d’impôt que l’État encaisse, seuls 2,5 milliards sont issus des fortunes, et 10 milliards des impôts sur les sociétés. Notre salaire indirect, les contributions sociales ou la parafiscalité indirecte donnent 50 milliards d’euros. Les impôts indirects (surtout la TVA), rapportent encore 44 milliards et l’impôt sur les personnes physique une somme comparable. En bref : la pression fiscale est haute, mais pas pour les fortunes ni pour les entreprises.
D’où provient la dette de l’État ?
74. Dans la période d’après-guerre, les patrons belges étaient prêts à céder aux revendications pour de meilleurs salaires et une plus grande protection sociale. Les profits étaient élevés, la productivité montait rapidement et le mouvement ouvrier avait fait sentir plusieurs fois qu’il n’allait pas se laisser faire. La bourgeoisie belge n’a jamais excellé sur le terrain du renouvèlement de ses outils de production. Quand les secteurs traditionnels sont passés en crise, elle a préféré les voies plus sûres et depuis longtemps utilisées du capital financier, c’est-à-dire vivre de ses rentes. Elle a laissé au gouvernement la construction de l’infrastructure nécessaire et aux syndicats la livraison de la main d’oeuvre par lesquelles étaient attirées les multinationales. Pour la classe moyenne flamande, c’était l’opportunité de promotion sociale par excellence. Quelques-uns sont devenus fournisseurs pour les multinationales, d’autres devenaient managers. De temps en temps, cette classe moyenne se pose en tant que bourgeoisie, mais elle ne s’est jamais libérée de son mélange de jalousie et de flatterie envers la véritable grande bourgeoisie, ni de sa haine pour le mouvement ouvrier.
75. Quand la crise est arrivée dans notre pays en ’75, au début, la bourgeoisie n’osait pas la confrontation avec le mouvement ouvrier. La perte de 250.000 emplois dans l’industrie a été compensée par la création de 350.000 emplois à l’État. Mais cela ne devait rien rapporter à l’État : ainsi, il était interdit à La Poste d’offrir des produits d’épargne à ses clients parce que cela faisait trop concurrence aux banques. Les secteurs en difficulté ont été restructurés aux frais de la collectivité, tandis que les parties intéressantes étaient vendues au plus offrant pour une bouchée de pain. La nationalisation des pertes et la privatisation des profits n’est vraiment pas quelque chose de nouveau qui aurait été inventé pour Dexia. En poussant la facture vers l’État, les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates (essentiellement), cherchaient à éviter une confrontation entre patrons et travailleurs. Qui plus est, les politiciens se présentaient de plus en plus en tant que représentants de leur propre groupe linguistique et revendiquaient avec la fameuse politique du “moule-à-gaufre” (c’est-à-dire, que chaque investissement dans une région oblige à faire le même investissement dans l’autre) des compensations à chaque fois qu’ils pensaient que leur communauté avait moins reçu que l’autre. Tous les partis ont participé à cette politique, sauf les verts qui n’existaient pas encore.
76. Ceci explique le haut degré d’endettement de l’État belge. Pour la bourgeoisie belge traditionnelle, cette dette n’était au début pas un très grand problème. Au contraire, la dette du gouvernement belge était un bon investissement. En ce temps-là, 90% de la dette de l’État se trouvait encore entre les mains d’investisseurs institutionnels belges. Avec l’introduction de l’euro, ce chiffre a diminué de plus de moitié. À ce moment-là, on partait encore de l’idée que la dette allait diminuer une fois l’économie relancée. Mais cela ne s’est pas passé comme ça. Les dettes ont bientôt atteint 100% du PIB, et on a commencé à craindre un effet “boule de neige”, par lequel il fallait faire de nouveaux emprunts uniquement pour payer les intérêts des emprunts précédents. Il fallait arrêter de “vivre audessus de ses moyens”. On a d’abord essayé de faire passer cela avec des coalitions de droite reprenant libéraux et chrétiens-démocrates, mais cela a conduit à une résistance du mouvement ouvrier, avec le dirigeant de la CSC Houthuys qui à un certain moment s’est mis à crier que Verhofstadt (qu’il qualifiait de “gamin”) lui rendait impossible la tâche de continuer à contrôler sa base. Après une crise gouvernementale longue de 148 jours (qui était à ce moment la plus longue de notre histoire), la bourgeoisie est revenue à sa vieille tactique éprouvée : arriver à un deal avec les dirigeants syndicaux.
77. Cette tactique éprouvée a donné les résultats espérés. La réduction de la dette de l’État, de son point culminant de 134% du PIB en 1993, à son point le plus bas (provisoirement), de 84,2% du PIB en 2007, est aujourd’hui considérée comme un modèle au niveau international. Avec le Plan global, on nous a imposé de “vivre selon nos moyens”. Le taux de pauvreté officiel est grimpé de 6% à 15%, la partie des salaires dans le revenu national a diminué de 10%, les investissements dans les soins de santé, les logements sociaux, l’enseignement, l’infrastructure, etc., ont été postposés. Mais ce n’était pas tout le monde qui devait assainir. Les profits des entreprises battaient chaque année de nouveaux records sur lesquels elles étaient toujours moins imposées. On entend parfois dire que la Belgique est pays de “citoyens riches avec un État pauvre” : ce n’est pas vrai. Quelques citoyens sont ultra-riches, mais la plupart ne peuvent que rêver de la fortune financière moyenne, valant officiellement la somme de 85.000 euros, dont devrait disposer chaque Belge en moyenne. De moins en moins de familles ouvrières se sentent impliquées quand on dit que “nous” vivons au-dessus de nos moyens. Ils ont jeté l’argent par les fenêtres
78. C’est cependant là-dessus que les politiciens se disputent depuis déjà des années : de quelle manière imposer aux travailleurs et à leurs familles de se serrer la ceinture après des années de haut niveau de vie ? De temps en temps, nos politiciens chuchotent aux oreilles des institutions internationales de pseudo conseils à donner “pour notre pays”. Nous en connaissons le contenu : nos salaires sont trop hauts, nous devons travailler plus longtemps, les chômeurs doivent être activés, les dépenses de l’État doivent être diminuées. Tous les politiciens sont d’accord – avec des nuances certes, mais sans plus. La dette de l’État a recommencé à monter depuis la crise du crédit internationale en 2007. Le gouvernement a dû intervenir pour sauver les véritables grands dépensiers : les banques et les spéculateurs. Ceux-ci ont utilisé notre épargne comme garantie pour, grâce à plusieurs leviers, augmenter leurs comptes jusqu’à un montant valant plusieurs fois le PIB du pays. Quand cela a mal tourné, le gouvernement a dû mettre 25 milliards d’euros et donner des garanties pour 80 milliards d’euros. 20
79. Selon Leterme et les autres politiciens, cela ne va rien coûter aux contribuables : pour ces 25 milliards d’euros, ont a reçu des actions BNP-Paribas et pour les garanties, un dédommagement a été donné. Ces actions sont néanmoins cotées à une fraction du prix auquel le gouvernement les a achetées, et cela va prendre beaucoup de temps pour qu’elles retournent à leur ancien niveau – si toutefois cela peut encore se produire. Entretemps, il faut construire des écoles, soigner des malades et construire des routes. Avec quoi ? Le gouvernement devrait en plus emprunter de l’argent et payer des intérêts. Il est vrai qu’il existe un dédommagement pour les garanties mais, si les choses tournent mal, c’est au gouvernement de payer les couts. Le fait que tout cela pouvait bien mal tourner est illustré par Dexia. Selon Paul De Grauwe, cette banque avait dégénéré en un simple hedgefund qui se contentait de faire de l’arbitrage – ce qui dans ce cas, signifiait jouer entre l’intérêt à long terme et celui à court terme. Dexia maximalisait le risque pour obtenir un rendement aussi haut que possible. 80. Les banques n’ont-elles donc rien appris de la dernière crise ? Le retour des bonus et des salaires variables présageait le pire. Aux USA et au Royaume- Uni, des pas ont été faits afin de séparer les fonctions traditionnelles d’une banque et les activités “business”, mais pas en Europe. Le fait que les actionnaires principaux de Dexia sont le Holding communal, la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) et le holding coopératif Arco rend tout cela encore plus scandaleux. Le Holding communal a été mis sur pied en 1996 avec comme actionnaires les communes et les autorités provinciales. Arco a 800.000 actionnaires particuliers, avec pour actionnaire de référence les organisations sociales liées au Mouvement ouvrier chrétien. La CDC française est l’ancienne Caisse des pensions d’État, qui a été utilisée pour stabiliser et maintenir entre des mains françaises l’actionnariat des entreprises. Le conseil d’administration de Dexia était bourré de politiciens. Ceux qui pensaient que l’État et une association coopérative seraient plus éthiques en tant que banquiers et prendraient moins de risques sousestimaient la mesure dans laquelle tous ces gens se sont idéologiquement entièrement ralliés à la pensée néolibérale. À l’occasion de l’opération du sauvetage de Dexia – sans doute une nationalisation temporaire dont le coût sera d’environ 4 milliards plus des garanties pour 54 milliards d’euros (15% du PIB !) –, Moody’s a annoncé son intention de diminuer la note de la Belgique. Aucun cout ?
Une peau de banane communautaire
81. Les tendances qui existent à l’échelle internationale existent aussi en Belgique. Mais ici, cela prend une couleur communautaire : assainir d’abord au niveau fédéral, ou au niveau régional ? Le capitalisme belge se base traditionnellement sur un compromis historique entre bourgeoisie, État, et dirigeants syndicaux. L’État fournit l’infrastructure, comme par exemple un climat favorable aux investissements, et achète la paix sociale si nécessaire. La bourgeoisie investit dans l’augmentation de la productivité et est récompensée avec un régime fiscal favorable. Les travailleurs reçoivent un salaire brut raisonnable avec des prévisions sociales relativement bonnes. A côté des couts, cela demande des impôts relativement élevés, essentiellement prélevés sur le Travail, d’ailleurs. Pour le travailleur, c’est un coût que l’on sait supporter si cela donne de bonnes prévisions sociales. Pour les classes moyennes, par contre, c’est une source de grande frustration. Elles n’ont pas la productivité des grandes entreprises, mais payent quand même de haut salaires bruts, et elles ne peuvent pas profiter des mêmes mesures de régime fiscal favorable.
82. La marge économique et la possibilité qu’a l’État de jouer son rôle dans le compromis se rétrécissent déjà depuis la crise de ’74-’75. Pour la bourgeoisie, ce n’est pas un drame. Elle dispose des moyens nécessaires pour utiliser de façon maximale les opportunités qui surviennent avec la crise. Pendant la crise des secteurs industriels traditionnels, elle n’a pas seulement mis les pertes sur le dos du gouvernement mais, avec le développement de holdings, elle a aussi trouvé le moyen de distribuer son capital entre différent secteurs. Ce que quelques uns interprètent comme la disparition de la bourgeoisie belge, n’est rien d’autre que la nouvelle stratégie anticrise de cette bourgeoisie, par laquelle elle distribue son capital également sur le plan international, surtout chez ses partenaires commerciaux les plus importants. Au cours des neuf premiers mois de 2011, il y a déjà eu pour 20 milliards d’euros de rachats et de fusions dans les entreprises belges – il ne s’agit là que des transactions dont le prix est connu, en réalité cette somme est encore plus grande. Dans les quinze plus grandes transactions, il y en avait onze où l’acheteur était belge, bien qu’il y en avait aussi un certain nombre où tant l’acheteur que le vendeur étaient belges.
83. Pour les travailleurs, ça a été un drame. De plus en plus de gens ont dû faire appel aux allocations sociales. Les allocations de chômage, de pensions et d’invalidité ont souvent été démantelées tranche par tranche – en concertation avec les syndicats – afin de “répondre à la demande croissante”. Pour les classes moyennes, ça a aussi été un drame, parce qu’elles ne disposaient ni d’une batterie de spécialistes fiscaux, ni des capitaux nécessaires. Le compromis historique et les partis qui le représentaient, surtout le CVP, ont commencé à perdre des plumes. Chez les travailleurs, surtout en Flandre, on en avait assez de toujours être prévenus de la volonté d’austérité, premièrement du “danger bleu”, puis du Vlaams Belang, puis de la NVA, alors que les partis liés aux syndicats, le CD&V et le SP.a, n’arrêtaient pas d’assainir durant toute cette période. Pendant sa participation au gouvernement, Groen n’est pas non plus apparu comme voulant se battre contre la politique d’austérité. Le “populisme” était le reproche principal fait à ceux qui voulaient répondre aux véritables aspirations de la population. Parce que les directions syndicales continuaient à coller aux partis qui appliquaient les mesures d’assainissement, et que par conséquent, le mouvement ouvrier n’offrait ni alternative, ni perspective, beaucoup de travailleurs ont commencé à voter “merde”, à se détourner des partis traditionnels, et à devenir réceptifs aux ragots des populistes de droite.
84. Chez les couches moyennes, les frustrations étaient encore plus grandes. Les perspectives de promotion sociales semblaient se fermer, les avantages fiscaux de la bourgeoisie et la haute productivité devenaient inatteignables. Aucune des deux classes principales n’offrait une issue : ni la bourgeoisie, ni le mouvement ouvrier. La classe moyenne a été laissée à elle-même et a commencé à tirer sur le gouvernement, qui voulait bien encaisser des impôts élevés, mais qui n’offrait rien en récompense. Puis elle s’est retournée sur les “profiteurs”, qui voulaient bien recevoir les avantages de la protection sociale, mais qui ne voulaient pas y contribuer en travaillant. Puis sur les immigrés, qui minent les moyens de notre système social, et enfin sur les transferts financiers de la Flandre vers la Wallonie. Les partis traditionnels ont participé à ce petit jeu, avec leur mythe du “flamand travailleur”. Pour eux, l’idée derrière tout ça était de diviser et d’affaiblir les travailleurs. Pas un parti, pas un politicien, pas un dirigeant syndical ne donnait de réponse à cela. De cette manière, on a creusé le lit pour un parti de la classe moyenne, basé sur un nationalisme flamand de droite radicale.
85. Le CD&V n’a pas compris quel monstre de Frankenstein il a fait sortir du placard lorsqu’il a joué la carte flamande de l’opposition, dans le but d’obtenir des profits électoraux. La NV-A a vu son opportunité se profiler. De Wever savait que le CD&V faisait trop partie de l’establishment et était trop lié à la CSC que pour pouvoir continuer à jouer cette carte flamande. Il savait que ce parti allait devoir lâcher cette ligne à un certain moment. L’heure avait sonné pour la N-VA, sur base d’un nationalisme flamand libéral et de droite. Ça fait déjà des années que l’opinion publique en Flandre est principalement formée par cette couche moyenne, faute de réponse du mouvement ouvrier. Celle-ci s’est accrochée à des dossiers symboliques représentant de la meilleure manière l’essence même de leur point de vue. Elle est ainsi bien décidée à ne pas se faire mettre à genoux. Concernant le district électoral de BHV, cette classe moyenne flamande veut une politique d’asile et de migration plus stricte, mais son point le plus important est la question socio-économique. Elle pense pouvoir introduire elle-même en Flandre les assainissements qu’elle ne parvient pas à imposer au niveau fédéral. La classe moyenne flamande est aujourd’hui devenue assez forte que pour pouvoir bloquer le compromis “à la belge” traditionnel, dans lequel il n’y a plus rien pour elle. C’est cela qui a conduit le pays à une impasse politique qui a duré quatre années, et dont la fin n’a commencé à se pointer à l’horizon que lorsque son représentant politique le plus important, la N-VA, a finalement été mis de côté. 86. En Flandre, on répand le mythe selon lequel les politiciens en Wallonie et à Bruxelles ne veulent pas appliquer l’austérité. Pourtant, sur les 8890 chômeurs qui ont vu leurs allocations suspendues durant les six premiers mois de 2011, 5.224 étaient wallons, 2.196 étaient flamands, et 1470 bruxellois. Mais il est vrai que la tendance dominante de l’opinion en Wallonie et à Bruxelles est qu’il faut au moins donner l’impression qu’on assainit de façon équilibrée. Cela s’est exprimé dans la note de Di Rupo (http://www.socialisme.be/psl /archives/2011/07/06/note.html). Il y a là tout un nombre de mesures antisociales orientées contre les chômeurs, lesquels vont avoir plus difficilement accès à leurs allocations ; les régions recevraient même un bonus pour chaque suspension. Les chômeurs vont retomber beaucoup plus rapidement sur le minimum absolu, comparable au revenu minimum d’insertion. Les pensionnés recevront un bonus s’ils continuent de travailler après 65 ans. D’ailleurs, quand on voit le montant actuel des pensions, on se rend compte que la plupart n’auront tout simplement pas le choix. Les prépensions vont être encore plus découragées. Dans les services publics, les pensions des nouveaux arrivés seront calculées sur base des dix dernières années, au lieu des cinq dernières années. Dans les soins de santé, la norme de croissance est limitée à 2% au lieu de 4,5%. En échange de tout ça, Di Rupo veut maintenir l’index et l’âge des pensions à 65 ans.
87. La note Di Rupo représente un “tsunami fiscal”, clament les organisations patronales et les libéraux, NVA en tête. C’est ainsi qu’ils qualifient la proposition d’un impôt temporaire de 0,5% sur les fortunes supérieures à 1,25 million d’euros après déduction de la partie destinée au logement ou à l’activité professionnelle. Sans cadastre de fortune ni abolition du secret bancaire, cette mesure est par ailleurs inapplicable. En plus de cela, il y a le plafonnement de la déduction de l’intérêt notionnel, à 3% au lieu de 3,42%, et surtout, l’abolition de la possibilité de transférer à l’année suivante la partie de la déduction qu’on ne prend pas à une année donnée. Les PME pourraient par contre déduire un demi-pourcent supplémentaire. Le fait que l’exonération fiscale sur les comptes d’épargne soit calculée selon la déclaration d’impôts est une mesure superflue, tout comme d’ailleurs l’augmentation du précompte mobilier sur l’intérêt de 15 à 20%, qui va aussi et surtout toucher les petits épargnants. Tout ceci va être instrumentalisé pour miner la légitimité de l’ensemble des mesures. Un impôt sur les plus-values de 25% sur la vente des effets entre une et huit années après achat, et surtout de 50% pour la vente avant une année, vise les profits des investissements spéculatifs, mais la mesure est minée si l’on accepte le fait que les moinsvalues sont calculées sur la somme des plus-values imposables.
88. Tout cela n’est donc pas grand chose. C’est insuffisant que pour pouvoir faire avaler les mesures antisociales aux syndicats. Mais comparé à ce que revendique la majorité de droite des politiciens flamands, c’est énorme. En Wallonie et à Bruxelles, ils n’ont que le MR pour tenir pareille position. Il y a quelques années, certains pensaient encore que c’en était fini avec le PS, que le MR allait prendre la première place, que Reynders allait devenir le tout premier Premier ministre francophone depuis Van den Boeynants en ’79, qu’une coalition orange-bleue était en préparation, que BHV ne serait jamais scindé sans élargissement de Bruxelles, et que contrairement au cartel CD&V – N-VA, le MR – formé en 1993 par la fusion du PRL, du FDF et du MCC – ne pouvait plus être séparé après toutes ces années, ou encore qu’une scission de la Belgique était à l’ordre du jour pour au tout au plus les cinq années à venir (c’était en 2007), et qu’on allait tous un jour d’une manière ou d’une autre se réveiller dans une confédération. C’est toujours bien de revenir en arrière sur les vieux arguments pour pouvoir les comparer avec ce qui s’est réellement produit.
89. Encore un peu de patience : le gouvernement n’est pas encore là, et un obstacle peut encore arriver. Mais entretemps, le prix d’un échec devient tellement grand qu’il faudrait déjà bien déconner avant de pouvoir stopper la formation de ce gouvernement. Quand cela arrivera, ce sera une tripartite classique, éventuellement combinée aux verts. Ce gouvernement sera dirigé par Di Rupo, et pas par Reynders. Celui-ci a perdu sa dernière chance avec l’annonce du départ de Leterme vers l’OCDE. Postposer la réforme de l’État et élargir les compétences du gouvernement en affaires courantes est dès lors devenu impossible. BHV va être scissionné – pas immédiatement, pas totalement sans compensation, mais sans élargissement de Bruxelles. Le PS reste le parti politique dominant en Wallonie ; la scission du MR n’est certainement pas comparable à celle du cartel CD&V – N-VA, mais la pratique a maintenant prouvé que la scission de vieilles formations est possible. Sur une base capitaliste, il est impossible de garder la Belgique unie sur le long terme. Toute “scission de velours” est cependant exclue tant qu’il n’y a pas de majorité claire en sa faveur ni dans le mouvement ouvrier ni dans la bourgeoisie.
90. La 6e réforme de l’État qui est annoncée est importante – extrêmement importante même, selon Wilfried Martens. Elle fait suite à la plus longue crise politique de l’histoire belge, mais elle n’est pas pour autant copernicienne. Nous ne nous sommes pas encore réveillés dans une confédération. On a fini par trouver un compromis typiquement “à la belge”, où les deux communautés linguistiques peuvent présenter le bilan comme si elles avaient obtenu quelque chose. Cette fois-ci, cela a duré beaucoup plus longtemps que par le passé, presque 500 jours – et cela, après qu’il ait déjà fallu 194 jours en 2007 pour former un gouvernement. Ces longs délais proviennent du manque de moyens pour huiler ces réformes d’État pour les rendre plus faciles à avaler, comme c’était le cas habituellement auparavant. Bref, les Flamands peuvent être fiers d’avoir scissionné la circonscription électorale de BHV avec un minimum de compensations ; les francophones quant à eux peuvent parler du fait que dans les six communes à facilité, on peut maintenant voter pour des listes bruxelloises. En cas de non-nomination, les bourgmestres peuvent aller en appel devant la réunion générale bilingue du conseil d’État, ce que Damien Thierry du FDF appellent la “roulette russe”. Bien qu’elle puisse temporairement aider à supporter le poids écrasant de la surenchère communautaire, cette 6e réforme d’État ne va elle non plus pas conduire à une paix communautaire définitive. Au contraire, le développement des négociations et l’accord final contiennent déjà de nombreux ingrédients pour de nouvelles explosions communautaires.
91. Les inconditionnels du communautaire vont utiliser les frustrations au maximum dans le but d’augmenter les tensions. Par exemple, le fait qu’avec le transfert de la politique du marché de l’emploi, seul 90% du budget est transféré. En Flandre, les 461 millions d’euros prévus pour le refinancement de Bruxelles seront présentés comme un chèque en blanc qui fera que les besoins sociaux en Flandre manqueront des moyens nécessaires. La phase de transition de la nouvelle loi de financement, qui compense Bruxelles et la Wallonie pour leur arriération durant les 10 prochaines années, se traduira par un transfert des moyens flamands vers la Wallonie et Bruxelles. A Bruxelles, le FDF va expliquer le manque de moyens dans l’enseignement, le logement social et l’emploi comme étant une concession de trop à la Flandre. Le FDF va probablement aussi essayer de donner une traduction communautaire au manque de moyens en Wallonie. Libéré de sa volonté d’être acceptable pour l’establishment, le FDF peut mettre sur pied ses propres mobilisations dans la périphérie – contre la circulaire Peeters per exemple, ou à l’occasion de la nomination d’un bourgmestre, ou encore pour revendiquer des moyens pour le social. Il n’est pas non plus exclu que le FDF essaye de présenter des listes francophones – probablement sous le nom de UDF (Union des francophones) – dans la circonscription de Louvain, ce qui, du côté flamand, sera perçu comme étant une provocation.
92. Le FDF va-t-il devenir la N-VA francophone ? Il l’aimerait bien, mais ce n’est vraiment pas probable. À côté d’un sentiment national belge, il vit effectivement quelque chose comme un sentiment d’ensemble parmi les francophones, tant en Wallonie qu’à Bruxelles, mais il n’existe pas de nationalisme francophone comme il existe un nationalisme flamand. Nous devons d’ailleurs ajouter que ce sentiment national flamand ne se traduit généralement pas en un sentiment anti-belge. Chaque nouveau sondage confirme cela. Même après quatre ans de débats communautaires, il n’y a toujours que 22% des Flamands qui se prononcent résolument pour l’indépendance ; 75% sont contre la disparition de la Belgique, et 42% des Flamands se prononcent résolumment contre l’indépendance. La N-VA se base surtout sur les frustrations de la classe moyenne qui se sent freinée dans son aspiration à la promotion sociale. Son programme est libéral, de droite et flamingant mais, temporairement, la N-VA a réussi à tourner à son avantage électoral le manque d’alternative offert par le mouvement ouvrier. Il n’est pas exclu que le FDF puisse, avec une rhétorique anti-austérité, attirer à lui une partie des travailleurs. Après 18 années de participation au MR – et même à l’aile droite du MR –, cela ne sera pas tout de suite crédible. De plus, le poids social des couches moyennes en Wallonie (et, dans une moindre mesure, à Bruxelles) et dans la périphérie n’est pas comparable à celui qu’elles ont en Flandre.
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[DOSSIER] Ce système est pourri… jusqu’à la moelle !
Il y a quinze ans, notre pays a été touché par une explosion massive de protestations et de colère. Après une semaine d’actions spontanées et de manifestations a suivi la Marche Blanche du 20 octobre 1996 à Bruxelles, avec 300.000 manifestants. Le “Mouvement blanc” a illustré la vitesse à laquelle un mouvement peut se développer. Quinze ans plus tard, il est utile de revenir sur ces actions, mais aussi sur le rôle de la Justice. Après quinze années, qu’est-ce qui a réellement changé ? Quelle est la position des marxistes concernant le système judiciaire ? Nous publions ici un dossier de Geert Cool, actif à l’époque dans le mouvement en tant que militant marxiste.
Le mouvement blanc : une explosion de colère dans les rues
Le Mouvement blanc, créé en 1996, est apparu à la suite de l’affaire Dutroux et a exprimé la profonde tristesse éprouvée face au destin des jeunes victimes de Dutroux & Co. Mais au fur et à mesure que les obstacles s’amoncelaient autour de l’enquête, la tristesse est devenue colère.
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres a été le dessaisissement du dossier du juge d’instruction Connerotte après avoir commis le ‘‘crime’’ de manger une assiette de spaghetti lors d’une soirée de soutien aux familles des fillettes disparues… Il ne pouvait dès lors plus être considéré comme “impartial”. Connerotte était considéré comme un personnage dynamique écarté de l’affaire par les manœuvres bureaucratiques de l’establishment judiciaire sur le coup de cet “arrêté spaghetti”. Beaucoup de gens craignaient une nouvelle opération ‘‘sourde oreille’’.
Les actions ont largement démontré que les politiciens avaient perdu tout crédit auprès de la population, tout comme diverses institutions bourgeoises : Justice, police et médias. Les frustrations s’accumulaient et les travailleurs de Volkswagen-Forest ont lancé le mouvement en cessant le travail le 14 octobre. Très vite, ils ont été imités dans l’ensemble du pays, une semaine de manifestations spontanées et de protestations de masse a suivi.
L’establishment a en partie perdu le contrôle sur la situation, et s’est vu contraint de lancer de appels désespérés pour que les élèves retournent en classe et les travailleurs au boulot. L’establishment entier ne faisait qu’un, du gouvernement au Roi en passant par l’Église, dans leur frayeur face au mouvement. Il leur fallait absolument que la Marche blanche reste apolitique. De fait, les politiciens traditionnels n’avaient aucun contrôle sur les idées politiques en développement dans ce mouvement dont l’ampleur, la spontanéité et la rapidité ont surpris tout l’establishment.
Ce n’était pas seulement la Justice, mais l’ensemble de la société qui était remis en question. Nous avons accompagné ce sentiment avec notre slogan “Le système est pourri jusqu’à la moelle”. Là où nous avons su avoir un certain impact, comme à Gand, ce slogan a été repris de manière massive. Nous avons aussi dépensé beaucoup d’énergie pour organiser cette explosion de colère spontanée, avec la mobilisation d’une grande manifestation générale le vendredi 18 octobre 1996 à Gand. L’appel à cette manifestation est venu du Syndicat estudiantin (Studentenvakbond, SVB), dans lequel nos membres jouaient un rôle actif.
Nous nous sommes rendus aux entreprises, écoles et campus tout en intervenant dans les manifestations spontanées. Les journées étaient fort chargées. Le matin, il fallait se lever tôt, attraper un mégaphone et chercher la première manifestation spontanée qui nous tombait sous la main pour la renforcer et appeler la population à la rejoindre. Ce rituel s’est répété pendant plusieurs jours. La manifestation de Gand du 18 octobre 1996 a été massive : avec 25.000 participants, elle a été la plus grande manifestation du mouvement après la Marche blanche nationale.
À ce moment, le mouvement était de plus en plus poussé par les travailleurs et leurs familles, sans que cela n’aie toutefois été consciemment en tant que classe, mais plutôt en tant que parents ou enfants. Pourtant, il était possible d’éveiller leur conscience. Un simple mot d’ordre des directions syndicales aurait suffi à donner une orientation au mouvement et à lui permettre de se développer davantage. Nous défendions qu’il fallait un appel à la grève générale et à la formation de comités d’action pour la préparer, ce qui l’aurait placée sous le contrôle de la base. Mais les directions syndicales étaient aussi effrayées que les politiciens par l’idée d’une grève générale.
Cette attitude a offert à l’establishment l’opportunité de récupérer le mouvement. Faute d’une direction de la part du mouvement syndical, ce sont les parents des enfants disparus, bien souvent contre leur gré, qui ont été proclamés porte-paroles et dirigeants du mouvement. Ils étaient présents dans tous les médias et, tout à coup, toutes les portes – jusqu’à celles du Palais royal ! – leur étaient ouvertes. L’establishment a fait tout son possible pour transformer la Marche blanche en un cortège apolitique où toute critique de l’establishment était interdite. Cela a été couplé avec la répression ad hoc ; nos militants qui, toute la semaine, s’étaient tenus à l’avant des manifestations ont brusquement et impitoyablement été arrêtés pour la simple raison qu’ils avaient des tracts. La liberté d’expression n’était pas permise. Cette récupération a conduit le mouvement à l’impasse.
Justice de classe pour servir les intérêts des riches
L’appareil judiciaire suit des règles et des lois qui servent les intérêts de l’establishment. Indépendamment de la composition ou de la structure exacte des tribunaux, il est certain que toutes les décisions doivent être en accord avec les règles qui protègent les privilèges du Capital. L’État bourgeois tel que nous le connaissons aujourd’hui ne fait que protéger le système capitaliste, dont il est d’ailleurs issu, malgré toute la rhétorique sur l’indépendance et l’impartialité de la Justice.
Sous le capitalisme, le principe central du système législatif est la protection de la propriété privée des moyens de production. Cela vaut aussi bien sur le plan du droit bourgeois (les dettes, les contrats, etc.) que sur le plan du droit pénal. Nous ne défendons clairement pas le fait que les comportements asociaux (tels que la violence, les cambriolages…) ne doivent pas être punis. Mais nous constatons que le droit pénal est appliqué de façon différente en fonction du milieu familial ou de la position sociale. Un grand fraudeur du secteur diamantaire peut bien plus se permettre qu’un simple ouvrier.
La “neutralité” du droit n’est pas évidente. Les règles sont les mêmes pour tous : riches ou pauvres. Voler une pomme est interdit, quand bien même tu crèves de faim. Mais grâce à toute leur technologie légale très chèrement payée, les riches s’en sortent généralement bien – il suffit de voir comment une personnalité telle que DSK se dépêtre aussi facilement d’une affaire de viol. Les décisions sont prises par des juges habituellement eux-mêmes issus du petit monde de l’élite. Beaucoup de juges ont toute une carrière d’avocat derrière eux et peuvent compter sur un revenu fort confortable. Il n’est pas question d’un contrôle démocratique de la Justice par la population.
Les véritables socialistes appellent au démantèlement de l’appareil judiciaire existant. Nous sommes en faveur de la formation de nouveaux tribunaux, avec des juges élus de manière démocratique par la majorité de la population et révocables à tout moment par la base.
Dans une société socialiste, le nombre de conflits diminuera. Aujourd’hui, la plupart des débats sont liées à des conflits sur la propriété. Les cas de criminalité et de comportement asocial seront évidemment punis, mais en gardant un œil sur la prévention de ce genre de comportement, et avec compensation du tort causé à la société. Une approche purement répressive ne résout rien et ne conduit pas à la baisse de la criminalité, comme le prouve la situation aux Etats-Unis. Nulle part ailleurs dans le monde il n’existe un tel pourcentage de la population en prison, sans que le pays ne devienne plus sûr pour autant.
“Tous sont égaux devant la loi”. Certains plus que d’autres…
Exagérons-nous lorsque nous parlons de Justice de classe ? Penchons-nous seulement sur un cas récent.
Selon une estimation faite en Suisse, le secteur du diamant à Anvers a fraudé pour un montant d’au moins 700 millions d’euros. La chance que cela entraîne une condamnation est proche de zéro. Cette fraude est presqu’aussi grande que celles de Beaulieu (du patron du textile De Clerck) et de la KB-Lux prises ensemble – ces deux entreprises ayant chacune fraudé pour environ 400 millions d’euros, sans condamnation. Moralité : pas de soucis pour les gros profits. Faites bien attention à payer vos amendes de circulation, mais dormez tranquille si vous fraudez pour 700 millions d’euros.
Les fraudeurs diamantaires peuvent compter sur leurs soutiens politiques. À Anvers, ce secteur dispose de son propre échevin : Ludo Van Campenhout (N-VA, ex-VLD). Celui-ci a déclaré que l’affaire “a été exagérée par les médias” et que des mesures “très strictes” ont été prises. L’échevin des diamantaires fraudeurs veut empêcher toute possibilité d’enquête. Quant au secrétaire d’État à la lutte contre la fraude (Carl Devlies, CD&V) : ‘‘Il y a déjà beaucoup de mesures, et je pense qu’elles sont suffisantes’’. Pour le secteur du diamant et les autres fraudeurs, ces mesures paraissent effectivement suffisantes.
Le secteur diamantaire a lui-même engagé de coûteux avocats pour obtenir les dossiers du fisc via le Conseil d’État. Ainsi, le secteur veut savoir ce que le fisc sait, afin de pouvoir ensuite conclure un accord avec lui. Voilà comment les riches lavent leur linge sale en famille.
Quand les hauts magistrats d’Anvers déclarent au début de l’année judiciaire que la sécurité sociale est affaiblie par la forte augmentation du travail au noir, ils ne s’attaquent pas aux organisateurs de ces circuits illégaux. Ils se limitent à des appels pour s’en prendre à l’afflux de travailleurs immigrés, les victimes des circuits occultes : les petites victimes du travail au noir sont embarquées tandis que les grands fraudeurs sont libres.
Petite parenthèse ; pour rester dans le cas d’Anvers, les pénuries sont énormes. Des crèches aux écoles, en passant par les loisirs, l’emploi et les services publics, de plus en plus de choses font défaut. De grandes parties de la population perdent pied, et deviennent des proies faciles pour les criminels (tels que les trafiquants de drogue). La politique de droite a conduit au chaos et la réponse pour chaque proposition du type de créer de véritables emplois avec un salaire décent – ou investir dans de véritables logements de même que dans l’enseignement – est invariablement qu’il n’y a “pas de moyens”. Mais qui oserait encore le dire maintenant que l’on sait que les diamantaires peuvent tranquillement frauder pour 700 millions d’euros ?
Encore plus pourris
Notre niveau de vie est attaqué, l’establishment politique ne s’est fait remarquer ces dernières années que par ses chamailleries, la Justice ne s’occupe toujours que de défendre les intérêts des riches (qu’on pense seulement à l’affaire Fortis), et les médias inondent l’ensemble d’un flot de variétés abêtissantes.
Les politiciens se trouvent à des lieues des réalités quotidiennes. En tant que parlementaires, ils gagnent 10.000 euro par mois et reçoivent des dédommagements jusqu’à 300.000 euros en plus d’une pension bien garnie (après seulement 20 ans de travail). Ensuite, ils peuvent boucler leur fin de carrière avec les postes lucratifs que leur proposent les grandes entreprises dans leurs conseils d’administration. L’indignation face au montant de la prime de départ de Sven Gatz en tant que député (300.000 euros) a bien illustré que le mécontentement envers les politiciens traditionnels est aujourd’hui exceptionnellement élevé. Qui croit encore ces politiciens ?
La Justice a été réformée ici et là. Des éléments de la structure ont été supprimés, mais son mode de fonctionnement de base n’a pas été touché. Cela reste aussi un petit univers en-dehors du monde, composé de “gens qui se connaissent”. La manière dont le palais de Justice de la place Poelaert à Bruxelles se dresse au-dessus du centre-ville, symbolise bien la situation. En 2009, on a découvert un vaste système de chantage et de corruption impliquant des avocats, des magistrats et des dirigeants d’entreprise autour de la juge De Tandt à Bruxelles. L’enquête à ce sujet a été perturbée pendant des années par le parquet-général, qui craignait que l’image de la Justice n’en soit ternie. Ces pratiques avaient notamment été révélées quand la juge De Tandt avait rendu un jugement dans l’affaire Fortis qui était un copier/coller d’un projet de condamnation émanant des avocats qui représentaient le gouvernement dans le procès. C’est tout à fait courant. Les syndicalistes savent bien que la justice se laisse facilement atteler au carrosse du patronat pour littéralement prendre le relais des requêtes unilatérales des avocats patronaux pour briser les grèves. Qui croit encore ces juges ?
Entre-temps, la confiance envers les médias est elle aussi en berne. Nous n’avons pas encore eu chez nous de scandales tels que celui de Murdoch au Royaume-Uni (les journalistes mouchardaient les téléphones de particuliers pour obtenir des scoops bien juteux). Le journal de Murdoch, News of the World, a dû fermer boutique. Chez nous aussi, de plus en plus de gens se posent la question : comment pouvons-nous encore croire ces journalistes ?
Au sommet de la police, de la Justice, du monde des affaires et de la politique, tout le monde se connait, des alliances mutuelles existent et vont plus loin que ce que l’on s’imagine d’ordinaire. En vertu du maintien de ces alliances, on joue de manière “créative” avec la législation et la juridiction. Même les interventions policières peuvent être ordonnées de manière elles aussi très créatives. La soi-disant séparation des pouvoirs est une idée plus théorique qu’autre chose, destinée à donner un semblant d’impartialité. Dans la pratique, l’ensemble de l’establishment est absolument uni en un seul grand cercle d’amis cernant les différents pouvoirs.
Dans le contexte d’un système en crise, des divergences d’opinion peuvent se développer au sommet. Mais le développement le plus important est celui d’une défiance croissante envers l’ensemble de l’establishment. Dans leur lutte pour un niveau de vie décent, les travailleurs et leurs familles entrent en confrontation avec cet establishment. Comme ce système n’offre aucun avenir décent à la majorité de la population, tout ce que nous pouvons faire est d’expliquer que ce système est pourri jusqu’à la moelle.
Le Mouvement blanc, 15 ans après
Un large mouvement spontané qui fait trembler l’establishment jusqu’à ses fondations – il y a 15 ans, c’était là un événement absolument exceptionnel. Aujourd’hui, dans le contexte de la vague de révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cela nous parait naturellement un peu moins spectaculaire. Il est pourtant important d’expliquer que chez nous aussi, il est possible de voir apparaitre un véritable mouvement, et que même pour des faits divers en apparence insignifiants, une explosion peut se produire. La vitesse et l’ampleur du Mouvement blanc sont une réponse à tous ceux qui pensent que rien ne se passe jamais dans notre pays, ou que les mouvements n’y sont pas à l’ordre du jour en ce moment. Les conditions pour un mouvement tel que celui de 1996 sont aujourd’hui beaucoup plus présentes. Il y a clairement encore plus de mécontentement, de sorte que la moindre goutte pourrait aboutir à des protestations de rues.
L’absence d’implication active de la direction syndicale a assuré que le mouvement garde un caractère flou quant à sa nature de classe. D’autres couches de la société ont également participé au mouvement. Mais cela est une donnée statique. Le patronat avait déjà décroché à partir du moment où les actions de grève ont commencé. Les classes moyennes avaient auparavant joué un rôle actif dans la diffusion d’affiches des enfants disparus et avaient une sympathie envers les actions, mais n’en avaient pas la direction.
Parmi les intellectuels, il y avait une certaine condescendance envers le caractère “populaire” de ce mouvement. C’est après la grève de Volkswagen à Forest que le mouvement a acquis un caractère de masse, et qu’il a été de plus en plus porté par les travailleurs et leurs familles. Le Mouvement blanc a également montré la force potentielle des travailleurs. C’est pourquoi il est essentiel pour les forces de gauche d’éveiller la conscience et de donner des perspectives au mouvement à partir d’une position de classe.
Le Mouvement blanc n’a pu être récupéré que parce que le mouvement ouvrier n’y a pas donné une direction consciente. Il manquait de mots d’ordre et d’une organisation appropriée. Là où il y avait une direction au mouvement, surtout à Gand, il y a eu une grande manifestation de 25.000 personnes et des slogans clairs tels que “Le système est pourri jusqu’à la moelle”.
Cela montrait le potentiel qui aurait pu se réaliser si seulement les directions syndicales s’étaient impliquées de manière active dans ce mouvement. Voilà pourquoi il est extrêmement important d’organiser les syndicalistes et militants actifs, tant sur le plan syndical que politique. Nous devons refonder tout un nombre de traditions du mouvement ouvrier, de sorte que lors de nouveaux moments décisifs, l’initiative ne puisse pas forcément être abandonnée pour être récupérée par d’autres forces.
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La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Quatrième partie)
Dans cette partie, nous analysons les propositions à l’approche des négociations pour un accord interprofessionnel. Nous soulevons les difficultés pour boucler les budgets de 2008 et de 2009, qui devraient être finalisés le 14 octobre. Dans la dernière partie, nous révélons les drames sociaux déjà présents même avant que la crise se soit étendue à l’économie réelle.
Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.
Handicap salarial ?
112. Mais d’où vient alors cette ténacité chez les travailleurs à se mettre tout de même en action ? C’est vrai que nous n’avons pas encaissé les profits des entreprises, les dividendes des actionnaires ou encore les augmentations salariales des managers, mais nos salaires augmentent quand même plus vite que dans les pays voisins, n’avons-nous pas un handicap salarial ? Notre salaire horaire nominal a été relevé de 7,5% en 2007 et 2008, largement plus que la norme salariale de 5,1% que les syndicats avaient eu dans l’accord de février 2007. (1) Mais avec les statistiques, tout peut être prouvé. Le chiffre du Bureau du Plan de 2007-2008 est une estimation. En outre, le Bureau du Plan s’attend à une inflation de 6.5% pour la même période. Après déduction de l’inflation, il ne reste donc que 1% d’augmentation salariale. Cela doit représenter aussi bien l’augmentation de la productivité que les glissements des salaires et les augmentations barémiques. La Banque Nationale estime que l’augmentation de la productivité en 2007 a été plus basse que 1%, et ce pour la première fois depuis 2001. Elle estime le glissement des salaires sur 1% cette même année, c’est le phénomène d’augmentation du salaire moyen par le fait que le nombre d’emplois non qualifiés diminue pendant que le nombre d’emplois qualifiés augmente. (2) De plus, il s’agit ici de moyennes qui sont déformées par certaines catégories.
113. En août, le Bureau du Plan a dégagé des chiffres qui donnent le vertige. Les salaires bruts réels, adaptés à l’inflation, des ouvriers masculins dans l’industrie auraient, dans le meilleur cas, diminués de 2.6% de juillet 2007 à juillet 2008. (3) Cela confirme une étude similaire précédente du Bureau du Plan en février de cette année, lorsque les salaires bruts réels de ces mêmes travailleurs avaient, à ce moment là, diminué de 2% sur base annuelle. (4) Les chiffres de la Banque Nationale ont confirmé que cette tendance valait aussi pour les employés et les ouvriers des autres secteurs. Comme raison principale, le Bureau du Plan met en avant l’index santé. Pourtant, déjà avant, la situation n’était pas positive. Fin 2007, il semblait déjà que « le paiement des salariés belges », le salaire, y compris les cotisations sociales, était pour la première fois depuis ’71 en dessous de 50 % du PIB. (5) Dans sa réaction, Cortebeeck, le président de la CSC, avait dit: “cela ne peut pas durer”, tandis que Rudi Thomaes de la FEB avait qualifié ces chiffres de “purement symboliques”.
114. Des études ont paru, pour un oui ou pour un non, afin d’affirmer que les coûts salariaux belges déraillent, que le handicap du coût salarial augmente, etc. La plupart du temps, ce sont des études de l’OCDE qui reçoit ses chiffres des gouvernements nationaux qui, eux, les reçoivent des patrons. Selon la FEB, le handicap salarial s’élève à 12%. On se demande alors comment la Belgique reste un pays si attractif pour les investisseurs. Un coup d’oeil sur les frontières nous l’explique rapidement. Il semble que dans les pays voisins, on raconte les mêmes histoires. Le but de l’OCDE, des gouvernements nationaux,… n’est jamais de parler des salaires à voix haute, au contraire. La Banque Nationale est toutefois, elle, obligée de publier les chiffres réels. Il semble dès lors que les coûts salariaux par heure de travail dans le secteur privé, entre 1996 et 2007, ont diminué en Allemagne de près de 10%, en Belgique de 1% et a augmenté en France et au Pays-Bas de, respectivement, 6% et un peu plus de 15%.(6) La fête en Allemagne se prolonge d’ailleurs jusqu’à la fin. IG-Metall, le syndicat faisant autorité dans toute l’Europe avec ses 3.5 millions de membres, a exigé cette année 8% d’augmentation, revendication la plus élevée depuis 16 ans. Aujourd’hui, près de la moitié a été obtenu, mais cela aurait pu se finir autrement.(7)
115. Il n’est donc pas étonnant que les attaques du président de la BCE Trichet sur l’indexation aient peu impressionné.(8) Les patrons ne sont pas réellement chauds pour une confrontation là-dessus, mais avec une adaptation de l’index à la fin 2007, deux fois en 2008, et probablement encore une fois dans la première partie de l’année 2009, l’avidité patronale peut être stimulée. Lorsque Thomas Leysen est devenu président de la FEB, qui selon lui représente 33.000 entreprises, il a déclaré : « il faudra bien que quelque chose se passe. » (9) Guy Quaden, gouverneur de la Banque Nationale, a suggéré une indexation en chiffres absolus plutôt qu’en pourcentage. De cette manière, les revenus les plus élevés feraient des économies sur l’indexation. Les syndicats ne sont pas tombés dans le piège. Luc Cortebeeck a répondu : « En tirant une partie de l’index à celui qui gagne un peu plus, on mine la portée de tout le système. » (10)
Un accord interprofessionnel en fin d’année
116. Contrairement à ce que les patrons suggèrent tout le temps, le travailleur belge n’a rien à se reprocher. A chaque fois, il apparait qu’il se trouve au top de la productivité. En terme de valeurs produites par heure de travail, avec une moyenne de 53,4$ par heure, il ne laisse passer devant lui que les travailleurs luxembourgeois (71,3$) et norvégiens (53,5$).(11) En Norvège, c’est principalement dû au secteur pétrolier. Les travailleurs américains (52,3$), néerlandais (52,2$), allemands (49,3$), français (51,3$) et surtout japonais (37,5$) sont tous moins productifs. En termes de valeur produite par travailleurs, les belges sont « seulement » à la cinquième place. C’est parce que les travailleurs belges travaillent en moyenne 1.610 heures par an, les américains 1.785 et les irlandais 1.870. Les néerlandais, par contre, travaillent en moyenne 1.413 heures, les français 1.559 et les allemands 1.432. (11)
117. Mais pour certains, ce n’est jamais assez. Le provocateur Van Eetveelt, d’Unizo, ne nous a pas réellement surpris lorsqu’il a prétendu qu’il n’y aurait pas d’espace pour des augmentations salariales. « Ce serait déjà tout un art de pouvoir sauvegarder notre système d’indexation. » Pour la diminution des charges par contre, il voit encore quelques possibilités. (12) Son rêve ? « Travailler 6 jours, pas d’augmentation. Pourquoi ne pas augmenter la semaine de travail de 38 à 48 heures ? Pendant des périodes chargées, on doit pouvoir prester plus. » (13) Ainsi, Van Eetvelt joue son rôle classique : il lance des pistes là où d’autres n’osent pas se prononcer. La FEB va aussi aux négociations pour l’accord interprofessionnel avec des mots d’ordre clairs. Ils en ont 5 : le pouvoir d’achat n’est pas un problème, les salaires sont trop élevés, le marché du travail n’est pas assez flexible, les belges travaillent trop peu et les autorités n’ont pas une vision à terme car malgré l’augmentation de l’espérance de vie, les carrières restent trop courtes. Peter Timmermans, directeur général, rajoute que les négociations d’un accord seront plus difficiles que jamais.
118. Il y a déjà quelques années que nous disons que les petites et moyennes entreprises de livraison seront très vulnérables dans le cas d’une récession. Les 8 premiers mois de 2008, on comptait déjà 5.191 faillites, 8,3% de plus qu’en 2007 et nous sommes sur la voie de casser le record de 2004 de 7.935 faillites. Ces faillites ont entrainé la perte de 12.000 emplois, il s’agissait surtout de petites entreprises. L’assainissement du groupe pharmaceutique UCB où 555 emplois sont menacés à Bruxelles et à Braine-le-Comte, n’en fait pas partie. Il ne s’agit pas d’une faillite. Mais c’est bien un affront pour le gouvernement wallon, puisqu’il appartient au secteur de pointe du plan Marshall. La plus grande augmentation des faillites s’est produite à Bruxelles (+20%), en Wallonie (+10%) et beaucoup moins en Flandre (+1,4%) où 2.387 faillites ont néanmoins été enregistrées. Mais tout ceci avant que la récession n’ait réellement commencé. (14)
119. En septembre, une accélération s’est produite aussi en Flandre. Déjà avant l’été, Beekaert avait fermé sa production de cables d’acier à Lanklaar : une perte de 136 emplois. En été, Punch International a fait de même avec son usine d’enjoliveurs à Hoboken : -315 emplois. En septembre, Barco a décidé de railler 113 emplois dont 2/3 en Belgique. Ce même mois, Picanol a annoncé la perte de 190 emplois à Ypres. L’entreprise de textile Beaulieu restructure à Wielsbeke, -209 emplois et ferme sa filiale à Ninove, -178 emplois. Chez Gilbos à Herdersem, construction de machines de textile, 48 emplois disparaissent en conséquence du démantèlement d’activités de livraison. Domo Gand ferme sa filiale Cushion Floor à Zwijnaarde, 91 ouvriers et 47 employés perdent leurs emplois. En termes de faillites, il y a la fermeture d’UCO-Gand, -400 emplois et du fabricant de meubles Sint-Jozef à Aarschot, -33 emplois. Tout cela seulement en septembre 2008.
120. Pour le patronat, c’est la situation rêvée pour faire monter la pression et se débarrasser de personnel superflu. Probablement espère-t-il effrayer les travailleurs et en même temps procurer une arme pour paralyser la base aux amis secrétaires syndicaux, tels que Herwig Jorissen de la centrale des métallos de la FGTB qui vient d’être divisée sur base communautaire. Bien que la vague de faillites pourrait provoquer des doutes pendants quelques semaines, nous ne croyons pas que cela va paralyser le mouvement des travailleurs. L’appel confus de la FGTB pour une journée d’action le 6 octobre l’exprime. Les différentes centrales interprètent la situation de manière différente.
121. Certains plaident à juste titre pour démarrer la mobilisation par une manifestation nationale. Le 25 septembre déjà, les travailleurs des autorités locales et régionales de Bruxelles ont bloqué toute la ville par des blocages filtrants. A Belgacom, les trois syndicats ont organisés une assemblée commune pour la première fois en 40 ans. (15) Dans la centrale des métallos de la FGTB Wallonie et Bruxelles, on voulait partir immédiatement en grève durant 48 heures, entrainant le danger d’être trop en avance sur la conscience qui vit dans d’autres secteurs. La Centrale Générale et le Setca ont plaidé pour organiser d’abord une manifestation nationale. A De Lijn et à la STIB, on a pratiquement immédiatement commencé à organiser la journée de grève du 6 octobre. En Flandre orientale, en préparation, des assemblées interprofessionnelles sont organisée. A Anvers, on veut organiser un blocage filtrant du port. Cette situation chaotique va restaurer l’atmosphère d’action qui existait avant l’été et préparer les forces pour une confrontation à l’approche des négociations sur l’accord interprofessionnel (AIP).
122. Dans les appareils syndicaux, la contradiction sera poussée jusqu’au bout entre ceux qui veulent totalement atomiser le mouvement et rêvent probablement déjà d’une carrière ailleurs, et d’autres plus sensibles aux pressions de la base et veulent le refléter même si ce n’est que de façon très limitée. Les parties plus radicales des organisations patronales (Voka, Unizo, VKW, Agoria) vont vouloir se baser sur cette contradiction pour lancer des revendications de plus en plus osées et aboutiront probablement à un discours très communautaire. Les parties plus intelligentes du patronat, le sommet de la FEB, reflèteront de temps en temps la pression de ces fragments radicaux et l’utiliseront lorsque cela leur conviendra, mais essaieront en général de temporiser pour permettre aux dirigeants syndicaux de ne pas perdre leur contrôle sur la base et pour permettre aux politiciens de rétablir la stabilité.
123. Il y a probablement une partie des organisations patronales qui estime ne pas avoir besoin d’un accord interprofessionnel. Les grosses entreprises et leurs représentants, par contre, considèrent un accord interprofessionnel comme un instrument pour freiner une vague d’actions et de grèves dans les secteurs et entreprises et seront probablement en faveur d’un accord même si cela exige des concessions limitées. Mais un des problèmes, c’est que le gouvernement ne dispose pas de moyens pour aider à venir à un accord avec des moyens supplémentaires.
La création d’un budget
124. Le gouvernement a d’ailleurs un gros problème. Après s’être chamaillé pendant 15 mois sur le communautaire, il doit toujours faire aboutir son premier budget. Le précédent, était a à l’époque été fait par les ministres de la violette. Le fait que Melchior Wathelet, le ministre du budget sous Leterme Ier, soit devenu le « secrétaire d’Etat au Budget », alors qu’il est en plus responsable de la politique des familles, était déjà un signe. Avec Reynders sur les finances, c’est fatal, celui-ci s’est de nouveau trompé dans ses comptes. Selon le service d’étude des finances, les impôts en 2008 rapporteront 1,1 milliards d’euros en moins que prévu lors du contrôle budgétaire de juillet.(16) Ce sont surtout les revenus de la TVA, et les précomptes professionnels, qui ont été décevant, l’un à cause de l’affaiblissement de la consommation, l’autre à cause des diminutions de charge sur les heures supplémentaires, le travail de nuit et en équipe. Mais pour Reynders, un déficit de -0,3% n’est pas problématique. Cela pourrait d’ailleurs devenir -0,5%. La contribution de Suez de 250 millions d’euros n’est toujours pas réalisée et celle du gouvernement flamand, presque 400 millions d’euros, ne rentrera pas puisqu’il n’y a pas encore de réforme d’Etat.
125. La construction d’un budget pour 2009 sera encore plus difficile. Pour le Bureau du Plan, la croissance diminue jusqu’à 1,2% et si la politique appliquée n’est pas changée, il faudra au moins trouver 5 milliards pour arriver à un équilibre. De plus, le gouvernement a promis de lier les allocations au bien être (200 millions en 2009), de diminuer encore les charges sur les entreprises et de réaliser une marge de 0,3%. (17) Leterme prétend chercher 5 milliards, mais selon Knack et Trends, il devrait en trouver 7. Le 14 octobre, il doit prononcer son discours sur sa politique dans le parlement fédéral. Luc Coene, vice-gouverneur de la Banque nationale, de cachet VLD, a lancé déjà quelques pistes début septembre. « Les années précédentes, les dépenses sociales ont connu une croissance de 2,3% du PIB de plus que prévu. Ce rythme de croissance des dépenses doit diminuer. » Il trouve aussi que « les dépenses publiques doivent être tenues sous contrôle. »
126. Coene ne veut évidemment pas dire que le gouvernement doit quitter sa politique de baisse des charges. Evidemment non, car il prétend que « Après la suède, la Belgique est toujours à la deuxième place sur le plan mondial en ce qui concerne la pression fiscale. » Que faut-il alors ? Voici une sélection du Standaard. Celui-ci titre le 6 mai 2008 : « 40% des fonctionnaires partent en pension d’ici 5 ans ». Le 22 mai, « remplacer seulement un fonctionnaire sur 3 ». Le 26 juin, « Avec 72.000 fonctionnaires de moins, cela marche également ». Finalement, Van Eetvelt a écrit dans une carte blanche à la presse : « L’Etat doit vivre selon ses moyens, comme toute entreprise ». Qui vient de décider que l’Etat est une entreprise ? Il ne le mentionne pas. Pour Van Eetvelt, les dix prochaines années, 11.000 fonctionnaires peuvent disparaitre, et ceci sans bain de sang social et sans diminuer l’efficacité des autorités. Ainsi Van Eetvelt veut répondre à quelques experts financiers qui venaient de déclarer il y a quelques jours qu’ils ne croient pas en des économies sur les fonctionnaires et les soins de santé. (18)
127. Selon ces experts, une économie sur les 80.000 fonctionnaires fédéraux ne rapporte que très peu. Le gros des coûts salariaux se trouve d’ailleurs dans les communautés et les administrations locales. Ils disent ne pas conseiller d’économiser sur les enseignants. Et évidemment, Van Eetvelt et compagnie ne sont pas d’accord. Ils savent aussi qu’une entreprise sur trois est en infraction selon l’inspection sociale (19), que l’administration fiscale est en manque systématique de personnel. Ne plus remplacer les fonctionnaires fédéraux qui partent en pension signifie parallèlement l’érosion de services publics gênants tels que l’inspection sociale et la lutte contre la fraude fiscale. En ce qui concerne l’enseignement, Van Eetvelt et compagnie ont leur réponse : l’immigration économique, c’est meilleur marché. Avec la ministre Open-VLD Turtleboom, ils ont installé une dame de fer sur cette matière.
128. Les spécialistes trouvent aussi que faire des économies sur les soins de santé est irréaliste. « A cause du vieillissement, les dépenses pour les soins de santé croissent systématiquement ce qui rend difficile d’économiser. » Marc Devos, du groupe de réflexion ultralibéral Itinera, totalement hors de soupçon d’une quelconque sympathie de gauche, dit que les soins de santé sans réforme vont directement vers des déficits. Ce que les patients paient pour les soins de santé a augmenté systématiquement contre la tendance européenne et ceci pendant que la qualité a systématiquement reculé. L’OCDE place nos soins de santé à la 18e place (sur 26) en termes de performance. Le nombre de soins prestés est bon mais les résultats sur la santé, tels que l’espérance de vie, la mortalité infantile, les décès dus à des cancers guérissables,… tirent notre système vers le bas. Aux USA, au Canada, en Suisse, en Espagne et au Portugal, les patients eux-mêmes paient une plus grande partie de soins de santé. Pourtant, Itinera plaide pour une limitation de la croissance du budget : « Puisque, autrement, la volonté de réforme n’est pas stimulée. »
129. Van Eetvelt a calculé qu’en diminuant la norme de croissance de 4,5 à 2,8% en 2009, 365 millions d’euros peuvent être économisés sur les soins de santé. « Sans problème pour la santé de la population », ajoute-t-il. Sur le terrain, on n’en est pas convaincu. Là, on montre du doigt le fait qu’il faut tenir compte des développements techniques et scientifiques. Les prothèses des genoux, des hanches, ou les opérations de la cataracte sont heureusement devenus beaucoup plus accessibles qu’à la fin des années ‘80, mais la facture augmente. La norme de croissance actuelle menace d’ailleurs tout le secteur. Des hôpitaux se plaignent de déficits structurels. A Bruxelles, plusieurs hôpitaux sont au bord de la faillite. Au rythme actuel, on évolue de plus en plus vers des soins de santé à 2 vitesses, avec des soins de base pour ceux qui ne peuvent plus se le permettre. On fait d’ailleurs appel de plus en plus à des aides soignants mal payés et la charge du travail est systématiquement augmentée.
130. Où les experts voient-ils alors les possibilités pour équilibre le budget ? « Du côté des revenus, il y a encore des possibilités. C’est déjà la deuxième année consécutive que les revenus des impôts sont en retard de 1 milliards sur le schéma. Avec plus de contrôle, une partie du problème budgétaire serait résolu. » Et plus encore : « Le gouvernement fédéral doit quitter les recettes classiques et taxer le capital. » La crise de crédit internationale et l’indignation généralisée sur l’avidité d’une infime minorité aux dépend de la grande majorité de la population traversent toute la société. C’est ce qui explique le sens soudain des réalités de quelques experts qui voient dans l’avidité de Van Eetvelt et compagnie une menace pour la légitimité du système de profits. Nous sommes ici témoins d’un phénomène classique, c’est-à-dire que la révolution se manifeste d’abord au sommet de la société et non comme on le pense souvent à la base de celle-ci.
131. Pour la majorité des stratèges (petits-) bourgeois et leurs marionnettes politiques, le danger n’est aperçu que lorsqu’il se trouve déjà sous leur nez. En général, ils y ajoutent encore une cuillère. En juin encore, le VLD a revendiqué une baisse des charges à hauteur de 4,4 milliards d’euros. Au niveau de la Flandre, le VLD voulait en plus une diminution de taxe, de ce que l’on nomme le job-korting, à la hauteur de 600 euros, une diminution de l’impôt des sociétés à hauteur de 350 millions d’euros et une augmentation de l’exonération des précomptes professionnels sur le travail de nuit et d’équipe de 10,7 à 15,6%. Finalement, le VLD veut aussi de plus grands avantages fiscaux pour des heures supplémentaires.(20) A la fin de février 2009, tous les flamands qui ont un travail recevront une diminution de taxe de maximum 300 euros, avec un maximum de 600 euros par foyer. Cette diminution ne sera cette fois pas éparpillée sur les 12 mois, mais calculée dans le précompte professionnel sur le salaire de février, trois mois avant les élections. « De cette manière, la diminution est visible pour chaque flamand. »
132. Sur le plan fédéral, le VLD a aussi un liste de revendications : activation plus intensive des 50 ans et plus, réduction des termes d’invitation des chômeurs à un entretien de contrôle, dégressivité des allocations, remplissage plus souple de la semaine de 38 heures et immigration économique. Et, enfin, l’Open-VLD veut s’attaquer aux fraudes sociales. Selon Rik Daems, on peut aller y chercher 3 milliards d’euros, ce qui n’est pourtant qu’un dixième de la fraude fiscale estimée dans une étude de Mc Kinsey et de la VUB à 30 milliards d’euros annuellement. Daems ne vise évidemment pas les cotisations sociales non payées par les patrons, ni les heures supplémentaires payées en noir ou les patrons qui emploient illégalement des travailleurs. Il vise exclusivement ceux qui combinent une allocation avec un peu de travail en noir à gauche et à droite. Selon la criminologue de l’ULB Carla Nagels, Daems a une vision extrêmement libérale de la lutte contre la fraude sociale.
Drame social en construction
133. Daems et compagnie sont à peine capables de s’imaginer ce qui pousse des gens à accepter du travail au noir, pour autant que ça les intéresse. Dans une étude pour l’institut du développement durable, Philippe Defeyt, président du CPAS de Namur, est venu à la conclusion que de plus en plus de familles refusent dorénavant de prendre en charge leurs enfants. Un jeune de moins de 25 ans sur vingt est dépendant d’une allocation du CPAS.(21) Le nombre de personnes dépendantes d’un revenu d’insertion sociale a augmenté de 75.400 en 2005 à 82.000 en janvier 2008.(22) Un belge sur 7 (14,7%) a un revenu inférieur à 60% du revenu médian, le seuil de pauvreté officiel. Celui-ci est de 860€ pour une personne isolée et de 1.805€ pour une famille avec deux enfants. (23) En Wallonie, ils sont 17%, en Flandre 11,4%. Le salaire minimal est de 1.355,78€ brut. 260.000 belges combinent deux ou plusieurs emplois. Selon Elsy Verhofstadt, chercheur à la RUG, ils le font principalement « pour pouvoir gérer les prix de mazout, d’immobilier ou de nourriture. » (24)
134. Les propositions du VLD pour augmenter la politique d’activation et pour la dégressivité des allocations arrivent à un moment où une personne sur 8 en Belgique vit dans une famille sans emploi. En Europe (27), seules le Royaume-Uni et la Hongrie font un plus mauvais score sur ce plan là. 16% des européens vivent avec un revenu en dessous du seuil de pauvreté, dont la moitié fait partie d’un foyer où au moins une personne travaille. Le phénomène du « travailleur pauvre » se produit donc aussi en Europe.(25) Depuis 2004, 12.516 chômeurs se sont vus suspendre leurs allocations, dont 3.605 définitivement, les autres temporairement, en général pour 4 mois. Plus de la moitié des suspensions ont été faites sur la seule année 2007 ! En Flandre, on laisse sousentendre systématiquement que la politique d’activation en Wallonie et à Bruxelles serait appliquée de manière insuffisante. Pourtant, bien que la Flandre compte 32,96% des chômeurs au niveau national, « seulement » 28,63% des suspensions y ont été appliquées. La Wallonie, avec 49,62% des chômeurs, compte 50,02% des suspendus. Pour Bruxelles, 17,42% des chômeurs et 21,35% des suspendus. (26)
135. On aurait l’impression que le chômage n’est pas vraiment un problème, à l’exception de quelques profiteurs acharnés. En 2007, 116.000 emplois auraient été créés. Le nombre total de travailleurs est de 4,4 millions contre 3,6 millions au début des années 80. Nous avons toujours dit que des bons emplois étaient remplacés par des mauvais, des emplois flexibles, partiels et temporaires, évidemment aussi avec un salaire bas et partiel. De plus, la majorité de ces emplois font partie de ceux qui sont payés avec des moyens publics tels que les chèques-services. Selon l’enquête des forces de travail (EFT) du service public fédéral, 3,9% de la population active en Flandre était sans emplois, 10,3% de celle en Wallonie et 16,3% de celle à Bruxelles. Les chiffres d’EFT utilisent la définition de sans-emploi du Bureau International du Travail et sont plus bas que ceux de l’ONEM. (27)
136. En 1964, le nombre d’heures de travail prestées annuellement en Belgique a reculé pour la première fois en dessous de 8 millions, en 1973 en dessous de 7 millions. En 1964, cela se faisait avec 3.740.000 travailleurs, en 1973 avec 3.777.000 travailleurs. C’était la conséquence de la réduction du temps de travail arraché par la lutte des travailleurs. En 1999, nous étions pour la première fois plus de 4 millions de travailleurs et ensemble nous avons presté 6,5 millions d’heures de travail. Ce n’était plus le résultat d’une lutte pour une réduction du temps de travail, mais plutôt de l’augmentation de l’emploi à temps partiel jusqu’à 19,5%. En 2007, 4.337.000 travailleurs, dont déjà 23,7% à temps partiel, ont presté 6,9 millions d’heures de travail, fortement moins que pendant les golden sixties. (28) A cette époque, un salaire par foyer suffisait pour s’en sortir, aujourd’hui c’est devenu intenable. Surtout ceux qui gagnaient le moins dans le foyer, sont obligé de combiner l’entretien de la famille avec un emploi à temps partiel ; 42,6% des femmes travaillent à temps partiel, 7,8% des hommes. (29)
137. Mais tout ceci, c’était avant que la crise ne se traduise dans l’économie réelle. Entre-temps, le nombre de faillites augmente de manière spectaculaire. Les récessions précédentes menaient systématiquement à de fortes explosions du chômage. Celle de 74-75 a rayé 350.000 emplois dans l’industrie. Ceci a été compensé parce que les autorités ont créé à peu près 250.000 emplois dans les services publics, mais les chiffres de chômage de la période précédente, autour de 75.000, appartenaient définitivement au passé. La crise de ‘81-83 a doublé le nombre de chômeurs officiels jusqu’à 500.000, un chiffre en dessous duquel on n’a plus jamais réellement été. Depuis, les gouvernements consécutifs ont commencé à modeler les statistiques. Mais cela n’a pu empêcher une augmentation forte du degré de chômage officiel lors de la crise de ‘90 de moins de 9% à 15% dans la deuxième partie de ‘95. La mini crise de 2008 a fait sauter le nombre de chômeurs de presque 200.000. Ces dernières années, le chômage est descendu, mais malgré les chèques services et d’autres types de statuts, même pas jusqu’au niveau du point le plus bas précédent, de juin 2001, ne parlons même pas de celui du début des années ‘90. (30) En août 2008, De Tijd s’est demandé : « Un orage d’automne menace-t-il le marché de l’emploi ? » Le journal fixe notre attention sur le fait que le marché du travail ne réagit qu’avec un retard d’une demi-année sur des changements conjoncturels et que pour la fin de l’année, il y a bien des raisons de se faire des soucis. (31) A Bruxelles, depuis, le chômage est remonté de 18,8% avant l’été à 19,4% en septembre 2008. (32)
138. Leterme avait probablement espéré autre chose, mais il peut se préparer à une augmentation forte des dépenses sociales. Celles-ci avaient légèrement reculé dans la période 2003-2007 de 23% du PIB à 22,5%. Pendant cette même période, la sécurité sociale a connu trois fois un surplus, une fois un déficit (2003) et une fois un équilibre (2005). En 2007, les recettes de la sécurité sociale étaient de 64 milliards d’euros. C’est composé principalement de salaires différés – nommées cotisations patronales et les cotisations des travailleurs – pour 43 milliards d’euros et de ce que l’on nomme les contributions des autorités, pour 18 milliards d’euros, principalement des financements alternatifs (presque 10 milliards d’euros). Encore en 2007, la sécurité sociale a dépensé 62,5 milliards d’euros, principalement dû à ce qui était son but, c’est-à-dire les allocations sociales et les coûts du personnel, mais aussi de plus en plus pour des subsides aux entreprises (1,6 milliards déjà). Des allocations sociales en 2007, 21 milliards ont été dépensés aux soins de santé, 19 milliards aux pensions, 7,8 milliards au chômage (comprenant aussi une partie des prépensions), 4,5 milliards aux allocations familiales, et 4 milliards aux incapacités de travail. (33)
139. Pendant des années, on nous a effrayé avec le vieillissement et le fait que nos pensions seraient impayables. Pour chaque personne de plus de 60 ans, il y a aujourd’hui 2,5 travailleurs actifs, en 2015 ce ne sera plus que 2,1 travailleurs actifs. Presque tout le monde connait l’ordre de grandeur de ces chiffres. Via la télé et d’autres médias, ils ont été imprégnés dans notre conscience de la même manière que l’on marque le bétail au fer rouge. Cela servait à nous faire accepter l’érosion de notre pension. Pendant des décennies, des économies à charges de nos personnes âgées n’auraient provoquées que des indignations. Encore aujourd’hui, il n’y a rien de pire que quelques jeunes qui se moquent, volent ou maltraitent des personnes âgées, ou qui les laisse tout simplement à leur propre sort. C’est pourtant l’exemple que nos gouvernements donnent depuis des années. L’allocation de retraite moyenne d’un salarié masculin n’est plus que de 1.000 euros, d’une salariée féminine, de 700€. Les recherches démontrent que les « pensions supplémentaires » arrivent pratiquement exclusivement chez ceux qui ont déjà une pension légale élevée. (34)
140. Entretemps, la pension moyenne après taxation n’est plus que de 64,4% du salaire moyen. En Grèce et aux Pays-Bas, c’est plus de 90%. Au Luxembourg, un pensionné reçoit, pendant sa vie, si on totalise toutes ses allocations, en moyenne 664.240€ contre 179.056€ en Belgique, moins qu’en Grèce qui connait pourtant un niveau de vie en moyenne beaucoup plus bas (35). Délaisser les personnes âgées de telle manière est l’expression la plus écoeurante d’une société basée sur l’avidité. Après avoir réalisé ce drame, le Bureau du Plan nous amène des nouvelles : le vieillissement sera dans les prochaines années moins fort qu’on ne l’avait prévu. Mais ceci n’est pas une raison de ne plus rien faire : en 2050 (la date a reculé de 35 ans), il y aura 44 personnes âgées de plus de 65 ans (on n’y a ajouté 5 ans) sur 100 travailleurs actifs. Les voyants du Bureau du Plan prévoient 30,38 personnes âgées de plus de 65 ans sur 100 travailleurs actifs pour la région Bruxelles-Capitale, 42,68 en Wallonie et 47,38 en Flandre. (36)
141. Nous avons déjà traité des économies sur les salaires et sur les conditions de travail des salariés, des emplois flexibles et sous-payés des jeunes, de l’immigration sélective, des attaques sur les chômeurs, les malades et les pensionnés. Et pourtant nous ne sommes pas encore à la fin. Selon l’Agence flamande des personnes handicapées, les listes vacantes pour les personnes handicapées ont augmenté de 5.689 en 2003 à 8.200 en 2007. (37) Pour une région qui est capable de donner le fameux « job-korting » et d’autres cadeaux à l’approche des élections, cela témoigne de mauvais goût.
(1) Bureau Fédéral du Plan, communiqué du 12 septembre 2008
(2) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 97 et 99
(3) De Tijd, 27 août 2008, Reële lonen werknemers dalen
(4) De Tijd, 27 février 2008, Lonen kunnen prijzen niet volgen
(5) De Tijd, 3 octobre 2007, Lonen stijgen trager dan BBP. Entre 2002 et 2006, les salaires (nominaux) et les allocations sociales ont augmenté de 13% pour atteindre 158,2 milliards €, dans cette même période, le surplus d’exploitation brut et les revenus mixtes, principalement composé des revenus des entreprises, a connu une croissance de 26% pour atteindre 121 milliards €. Le PIB était de 316,6 milliards €.
(6) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 103, graphique 41
(7) De Tijd, 9 septembre 2008, IG Metall eist 7 tot 8 procent meer loon
(8) Des 15 Etats-membres, 6 possèdent une indexation automatique ou partielle : la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne, la Slovénie, Chypre et Malte. Dans certains pays, il existe en plus une indexation du salaire minimum.
(9) De Morgen, 19 avril 2008, De index is geen ideaal systeem
(10) La Belgique et le Luxembourg sont les seuls pays avec une indexation automatique. Le système se base sur les prix de 507 produits. Dès que l’index atteint un certain, niveau, appelé l’index pivot, une adaptation à l’index s’applique. Pour les allocations dans le mois qui suit, pour les services publics et quelques secteurs du privé dans le deuxième mois qui suit. Si certains perdaient une partie de leur indexation, cela minerait leur attachement à l’index et détricoterait le front en défense de l’indexation.
(11) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre – summary statistics et total economy database, janvier 2008 – en 2007 US $
(12) De Tijd, 25 juillet 2008, Unizo trekt streep onder loonsverhogingen
(13) Het Nieuwsblad, 17 septembre 2008, Zes dagen werken, geen opslag
(14) De Tijd, 2 septembre 2008, Faillissementen op record na acht maanden
(15) De Tijd, 2 septembre 2008, CAO-overleg Belgacom nog onzeker
(16) De Tijd, 3 septembre 2008, Belastingsinkomsten met 1,1 miljard in het rood
(17) Knack, 24 septembre 2008, Rolverdeling met een hoge prijs
(18) De Tijd, 4 septembre 2008, We moeten besparen, maar waar?
(19) De Tijd, 8 février 2008, Een op drie bedrijven overtreedt wet
(20) De Tijd, 6 juin 2008, Open VLD eist 4,2 miljard minder lasten
(21) Le Soir, 12 septembre 2008, Un tiers de jeunes dans les CPAS
(22) Le Soir, 5 juillet 2008, Le public des CPAS continue de s’élargir
(23) Le revenu médian est la somme qui compte autant de gens avec un revenu supérieur que de gens avec un revenu inférieur. Le revenu moyen est la somme de tous les revenus divisée par le nombre de personnes ayant un revenu.
(24) Laatste Nieuws, 26 mars 2008
(25) De Tijd, 26 février 2008, Een op de acht Belgen leeft in gezin zonder job
(26) De Tijd, 21 février 2008, RVA-activeringsbeleid leidde sinds 2004 tot 12.500 schorsingen
(27) De Tijd, 15 mai 2008, 116.000 extra banen in recordjaar 2007
(28) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre –total economy database, janvier 2008
(29) Site des autorités fédérales, emploi et chômage
(30) Taux de chômage en pourcentage de la population active
(31) De Tijd, 2 augustus 2008, Dreigt herfststorm op arbeidsmarkt
(32) Le Soir, 4 septembre 2008, Deuxième mois de hausse consécutive pour le chômage
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[carte blanche] L’employeur-voleur et le collectif
Commençons d’abord par rayer le terme « employeur » du dictionnaire. Voleur d’emploi nous semble plus approprié. De tout part ils utilise la crise pour voler le travail des gens. Parfois pour causes raisonnables mais souvent à tort. Ils volent des emploi et suppriment la sécurité de la classe ouvrière. Soyons claire, le gouffre entre riche et pauvres s’accroît. Parler en termes d’employeur et employer est du temps passé. Nous nous retrouvons en pleine lutte des classes.
Rudi Dom (FGTB Agfa Anvers) et Sven Naessens (FGTB Total Anvers)
La pendule est reculée de quelques décennies. L’employeur n’est plus, le "voleur d’emplois" est né. En plus de ça, la spirale socio-économique négative qui a commencé par la perte du pouvoir d’achat, se voit renforcée. Les “voleurs d’emplois” l’activent. La classe ouvrière crève la faim.
Et les "voleurs d’emploi" se sentent bien dans leur peau de "Charles Woeste". La classe ouvrière doit travailler plus longtemps, gagner moins et le patronat doit être récompensé. Tous les droits sont assaillis. Chaque groupe ou individu qui ne se conforme pas aux directives se fait défoncer la tête.
Le mot d’ordre est: "infraction à la vie privée, représailles violentes et mesures répressives".
Le mensonge lui aussi est en vigueur. Aux personnes ayant un contrat à durée déterminée, on annonce que leur contrat prendra fin s’ils participent aux actions. Le personnel à contrat indéterminé est appelé par téléphone et mis sous pression. On leur fait même peur. Dans les média, "l’employeur-voleur" les appelle des volontaires au travail.
Et ce n’est pas tout. Toutes les règles sont bafouées. Le droit au travail n’est pas un droit repris dans la constitution, sinon tout chômeur pourrait convoquer un huissier de justice et aller n’importe ou réclamer du travail.
En temps que collectif on peut faire deux choses. On peut jouer le jeu honnêtement. Essayer d’arranger les choses par le dialogue. Choisir une stratégie de défense.
Ou on peut choisir de réagir de manière collective. De dire "maintenant c’est fini". Et ça bouillonne au sein du collectif. L’éruption n’est plus lointaine, une nouvelle guerre des classe se présente devant la porte. Les "voleurs d’emplois" ont lancé le gant, le collectif est prêt à le ramasser.
Qui aura le rôle de DAENS dans cette histoire ? c’est encore la question….
SOS Droit de grève en péril
Les huissiers, le licenciement des délégués…
Nous connaissons ces problèmes depuis des années.
Des actions de solidarité sont organisées à chaque fois.
A chaque fois, des appels sont diffusés pour soutenir les camarades touchés.
La dernière semaine, ce thème été très actuel.
Nous avons tous entendu parler de Beaulieu, de Carrefour, de nos camarades de la Croix Rouge …
Les délégations syndicales qui souscrivent à cet appel, exigent que cette problématique soit rapidement prise en considération par-delà toutes les centrales interprofessionnelles.
Aujourd’hui ce sont eux, demain ce serra notre tour.
Le coeur du syndicat, ce sont les militants qui s’engagent quotidiennement. Ne les laissez pas tomber lorsqu’ils ont des problèmes. Aidez-les afin qu’ils puissent continuer à défendre leurs camarades.
Souscrire via: syndicalevrijheden@gmail.com
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Le textile rayé de la carte en Flandre
Le secteur textile est en train de disparaître en Flandre, envoyant des milliers de travailleurs au chômage. Doit-on simplement accepter ces fermetures et se contenter de négocier de « bons » accords sociaux ? Ou une vraie lutte pour sauver les emplois est-elle possible ?
En Belgique, l’industrie textile est un secteur industriel actuellement en grande difficulté. Au premier trimestre 2007, il avait déjà connu une baisse de production de 8 % en moyenne. Ces dernières semaines, plus de 2.000 travailleurs de ce secteur ont été licenciés. En même temps, les directions ont annoncé la délocalisation de certaines productions. L’entreprise Bekaert Textiles, par exemple, a l’intention de produire ses tissus à matelas à moindre coût (lire : à de moins bonnes conditions de travail et de salaire) en Turquie et en Tchéquie.
Ces fermetures s’expliquent par le recul des ventes dans des pays qui sont les débouchés les plus importants du textile belge : 15% en Grande-Bretagne (notamment à cause de la position très faible de la livre sterling face à l’euro) et même 30% en Espagne. De plus, il est probable que ces deux pays entrent bientôt officiellement en récession. Une baisse des investissements ou de la consommation là-bas aura également des répercussions ici sur la demande de main d’œuvre dans le secteur textile. La suite logique est une spirale négative de baisse des salaires et du pouvoir d’achat ainsi qu’une augmentation du chômage.
« Comme au chantier naval Boelwerf et pour les mines, on laisse purement et simplement tout tomber »
Face à la vague de licenciements de ces dernières semaines, les politiciens n’avaient visiblement pas de solution à apporter ; ils n’en ont donc rien dit. Et pourtant, c’est toute une région qui est sinistrée. La fermeture de Domo, à Zwijnaarde, a signifié la perte d’emplois pour 91 ouvriers et 47 employés. Chez Uco, à Gand, 393 personnes ont perdu leur boulot ; la production déménage en Roumanie. Chez Beaulieu, à Wielsbeke et à Ninove, 387 emplois ont volé à la trappe. Une semaine plus tard, Bekaert Textiles, à Waregem, a fermé à son tour : 281 emplois disparus. Et ce n’est pas encore fini.
Lors de la journée d’action pour le pouvoir d’achat, les travailleurs du textile ont manifesté à Gand. Dans les discours, l’accent a été mis sur l’obtention de bons accords sociaux, mais aucune proposition claire n’est venue pour éviter les fermetures. Pourtant, le MAS pense que c’est possible en se servant des bénéfices engrangés ces dernières années pour maintenir l’emploi et mettre la production sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes. Pour une perte de plus de 2.000 emplois, seuls 158 travailleurs devraient être recasés ? Que fait-on des années d’expérience des autres travailleurs ? Où doivent-ils aller ?
Quel chemin suivre ?
Les faillites placent les travailleurs dans une position délicate parce qu’il serait soi-disant impossible de continuer à faire tourner l’entreprise. Mais si l’on considère les bénéfices de Bekaert par exemple, on obtient une tout autre image. Début août, cette entreprise a annoncé une augmentation du bénéfice net de 73% en 2007 pour atteindre 126 millions d’euros. Avec cette somme, des tas d’emplois peuvent être créés en plus des emplois existants. Pourtant, les licenciements ont été « justifiés » parce qu’il n’y avait pas assez de bénéfices.
Il existe pourtant des exemples de lutte réussie pour le maintien des emplois dans des entreprises condamnées. Ainsi, les Forges de Clabecq, une entreprise métallurgique du Brabant wallon, a été sauvée après une longue lutte acharnée à la fin des années ’90. Cette lutte, animée par une délégation syndicale très combative, s’est maintenue jusqu’à la reprise par le groupe Duferco.
Comme le disait Roberto D’Orazio, le délégué principal FGTB, « Cela fait des années que l’on essaye de convaincre les travailleurs de ce pays que les fermetures sont inévitables. Le système mène sans interruption une campagne consciente et programmée de démoralisation. Le message est simple : regardez autour de vous, la résistance des travailleurs est un coup d’épée dans l’eau. Mais à Clabecq, cela s’est passé autrement. Dans nos esprits, il n’y avait pas de place pour l’exclusion, le chômage, la privation et l’injustice. Et finalement, notre combat a connu un une issue positive: le redémarrage de l’usine… »
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Bouhouche et De Clerck. Une lutte très sélective contre la criminalité et la fraude
Le gouvernement annonce qu’il va à l’avenir intensifier la lutte contre la fraude. Il pense entre autres aux “fraudes aux allocations”, aux chômeurs qui perçoivent une allocation alors qu’ils n’en ont pas le droit en suivant strictement les règles. La lutte contre le terrorisme est elle aussi rendue plus intense par l’introduction croissante de mesures répressives. Mais parallèlement, la lutte contres les grands fraudeurs et criminels est loin d’être aussi sévère.
Geert Cool
Famille De Clerck: 400 Millions d’euros de fraude fiscale
L’an dernier, le contrôle de 25.000 dossiers de chômeurs par l’ONEM a rapporté 9,7 millions d’euros. La vitesse à laquelle fonctionne la procédure est stupéfiante. Mais ces chômeurs ne font pas partie de la famille De Clerck. Dans une enquête – qui dure depuis déjà 15 ans! – visant les sommets de l’entreprise Beaulieu contrôlée pâr la famille De Clerck, la décision pour un éventuel renvoi devant un tribunal est postposée en juin. Pourtant, on parle ici d’un cas d’escroquerie pour une somme de 400 millions d’euros!
Le lent fonctionnement de la justice peut mener au classement pour prescription et sans aucune conséquence d’une des plus grandes affaires de fraude. Et il faut le faire: frauder 400 millions d’euros et ne pas être condamné!
Mais la famille De Clerck appartient aux plus hauts cénacles: à la fête d’anniversaire de Roger De Clerck en 1999 se trouvaient notamment George Bush sr. et Margaret Thatcher.
Bouhouche: une retraite paisible dans le sud de la France
On a vu récement un renforcement des mesures répressives dans la lutte contre le terrorisme. Un ex-terroriste de haut vol, Madani Bouhouche, a toutefois pu jouir d’une vie tranquille dans sa ferme dans le sud de la France. Nous le savons maintenant pour une seule raison: il est décédé.
Loin d’être un petit terroriste, il a avoué – après la prescription des faits – un vol retentissant d’armes ultramodernes à la brigade anti-terroriste de ce qui était encore la gendarmerie belge, le soir du reveillon de nouvel an de 1981. Lorsqu’il était encore à la BSR, il a été impliqué dans un règlement de compte contre son propre chef, Vernaillen. Une fusillade eut lieu chez celui-ci, qui rendit sa femme invalide permanente à 40%. Après cela, l’enquête de la BSR a été dirigée par Madani Bouhouche lui-même…
Bouhouche provenait des milieux d’extrême-droite actifs au sein de la Sûreté de l’Etat et de la gendarmerie. Il fut membre du Westland New Post (WNP), tout comme Christian Smet (commissaire à l’Administration de la Sûreté de l’Etat et responsable de l’enquête sur les groupes d’extrême-droite à Bruxelles et dans le Brabant Wallon). Lors d’une perquisition, une quantité non négligeable de propagande d’extrême-droite a été retrouvée chez Bouhouche, notamment une collection de photos d’Adolf Hitler. Le nom de Bouhouche est aussi cité pour le meurtre (en prison) de Latinus, dirigeant du WNP, et pour celui de l’ingénieur de la FN Juan Mendez,… A la gendarmerie et à la Sûreté de l’Etat se trouvaient beaucoup de sympathisants et d’activistes d’extrême-droite se protégeant les uns les autres. Même l’ancien chef de la Sécurité d’Etat, Albert Raes,a été cité dans plusieurs scandales.
La série de braquages sanglants dans les supermarchés au début des années 1980 a plongé le pays dans la terreur. Les tristement célèbres tueurs du Brabant n’ont laissé que mort et de destruction dans leur sillage. Bouhouche a plusieurs fois été cité comme une figure impliquée dans ces attentats. Il apparaissait aussi clairement qu’il s’agissait d’un réseau d’extrême-droite avec des ramifications, et non des moindres, dans l’establishment.
Lors d’une interview accordée des années plus tard, Bouhouche déclarait: “C’est évidemment grave, ces 28 personnes qui ont été tuées par la Bande. Je trouve cela horrible moi-même. Mais chaque année, il y a beaucoup plus de gens qui décèdent dans la circulation. Est-ce qu’on vient m’emmerder avec ça?”
Ces dernières années, Bouhouche a pu aller vivre de ses rentes dans le sud de la France. Sans aucun problème avec la justice, l’ex-terroriste a pu garder des contacts avec ses anciens amis. Il était même actif dans une société de location de son vieil ami Weyskamp, lui aussi ancien membre du WNP. Il possédait également une collection d’armes.
La soi-disant “lutte contre le terrorisme” est utilisée aujourd’hui pour faciliter les écoutes téléphoniques et les perquisitions,… En même temps, plus de 20 ans après les premiers attentats des tueurs du Brabant, il n’y a toujours pas de clarté sur les vrais responsables de cette vague de terrorisme.
Apparemment la lutte contre la fraude et le terrorisme suit d’autres règles quand elle concerne l’establishment…