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Vienne. Contre le terrorisme, le racisme et le sectarisme, la solidarité

L’attaque terroriste de Vienne exige une réponse déterminée du mouvement ouvrier. Un premier pas significatif serait que la gauche, les antifascistes et les syndicats organisent un rassemblement contre le terrorisme, le racisme, le sectarisme et leurs causes pour envoyer un signal fort d’unité de la classe ouvrière, sans distinction d’origine nationale, de race ou de religion.
Déclaration du comité exécutif du Sozialistische LinksPartei, section autrichienne d’Alternative Socialiste Internationale (ASI)
Le choc de l’attaque terroriste de lundi soir dans le centre de Vienne est encore ancré en nous tous. Nos pensées vont aux victimes de ce cruel attentat. Même si l’on ne sait pas encore grand-chose de l’attentat, il est déjà clair que le ou les assassins ont utilisé ces attaques brutales pour tuer des personnes qui voulaient profiter de leur dernière soirée avant le confinement, ainsi que des employés de la restauration et des passants. L’objectif était d’attiser la peur, de diviser et d’intimider.
Les infirmières, les ambulanciers, les travailleurs sociaux et autres sont tous touchés, des travailleurs qui, en plus du fardeau énorme de la crise du Corona, travaillent maintenant à plein régime pour prendre soin des victimes et de leurs familles. Un représentant du personnel des services médicaux d’urgence de Vienne a déclaré dans la nuit à la station de radiodiffusion Zeit im Bild (ZIB,) : « J’appelle tous mes collègues à se présenter au travail et à se rendre sur leur lieu de travail. J’ai été politiquement inspiré par l’ancien maire Zilk, qui a déclaré : « Je garantis à chaque Viennois une ambulance et un lit d’hôpital ». Maintenant, nous avons le COVID-19 et même cette attaque terroriste en plus, et cette ville a grandi, mais pas le nombre d’ambulances ».
Le mouvement ouvrier doit maintenant trouver une réponse à cette attaque et aux groupes réactionnaires du fondamentalisme islamique de droite, au danger de l’arsenalisation du racisme par la classe dirigeante et la droite ainsi que fournir un programme contre le terrorisme, le racisme et la division.
Le danger des forces d’extrême droite et du fondamentalisme islamique
Il n’est pas encore clair si la principale cible de l’attaque était la synagogue et si le principal motif était l’antisémitisme. Mais nous savons déjà qu’au moins l’un des attaquants était un adepte de « l’État islamique ». Les attentats terroristes de ces dernières semaines en France nous ont montré le danger que l’intégrisme islamique de droite représente pour la classe ouvrière. La haine et la violence qui émanent de ces forces touchent toujours en premier lieu les travailleurs ordinaires et les jeunes qui sont la cible la plus fréquente de ces attentats. C’est aussi parce que les riches et les puissants vivent et profitent de leur temps libre séparés de la population normale.
En Autriche aussi, des forces réactionnaires ont tenté de passer à l’offensive ces derniers mois. Cet été, lorsque les Loups gris fascistes ont attaqué des activistes de gauche et des syndicalistes kurdes et turcs dans un centre de gauche du 10e arrondissement de Vienne, la Ernst-Kirchweger-Haus (EKH), c’est la gauche et les antifascistes qui ont mené la lutte contre l’attaque. Parralèllement, le parti politique conservateur ÖVP, qui a montré sa sympathie à la suite des événements d’hier, a exigé la fermeture de l’EKH.
Aujourd’hui encore, seul le mouvement ouvrier peut trouver une réponse efficace à ces attaques à l’échelle internationale. La classe dirigeante peut faire de grands discours et manifester une inquiétude peu sincère, mais en réalité, ce sont leurs gouvernements qui, par leurs politiques, sont en partie responsables de ces attaques. Afin de soi-disant « défendre nos valeurs », la classe dirigeante a déjà restreint précisément ces « valeurs », telles que les droits démocratiques fondamentaux, après le 11 septembre. Il est à craindre que le gouvernement du chancelier Sebastian Kurz, du parti conservateur ÖVP, ait des projets similaires. Comme le montrent les mesures de « lutte contre le terrorisme » en France et dans d’autres pays, le danger émanant des fondamentalistes islamiques de droite ne diminuera pas avec plus de répression et de surveillance. Au contraire, la “guerre contre le terrorisme” menée par les États-Unis, l’état d’urgence en France et l’augmentation des incitations racistes à l’encontre des migrants et des réfugiés n’ont fait qu’aggraver la situation car ils ont contribué à la division de la société. Quiconque veut lutter contre la terreur doit s’attaquer à ses causes profondes.
L’hypocrisie du gouvernement Kurz et des partis politiques au pouvoir
Les paroles du chancelier Kurz, du ministre de l’intérieur Nehammer et Cie après cette attaque ressemblent déjà en partie à la rhétorique du gouvernement français, qui a parlé ces derniers jours de “guerre contre l’Islam”. Kurz, en tant que l’un des principaux hommes politiques de la droite populiste de la bourgeoisie en Europe, est en partie responsable de l’exclusion croissante des catégories de migrants et de musulmans de la population en Autriche et en Europe par ses incitations et sa politique racistes.
Les politiques du gouvernement Kurz ont déjà coûté des milliers de vies en Méditerranée, dans les zones de guerre, dans les centres de détention pour déportation et dans les hôpitaux pendant la Corona. Le racisme, l’exclusion et la haine font toujours le jeu des forces réactionnaires comme l’ISIS. Lors des récentes élections locales à Vienne, le parti conservateur ÖVP, le parti d’extrême droite FPÖ et d’autres partis ont de nouveau fait délibérément campagne pour plus d’expulsions, d’isolement et d’exclusion en alimentant le racisme. En même temps, le gouvernement fédéral coopère avec des régimes réactionnaires comme celui de la Turquie ou de l’Arabie Saoudite et exporte des armes utilisées dans les guerres sanglantes du Moyen-Orient. Et ce gouvernement veut maintenant être considéré comme le défenseur d’une “société libre” contre le fondamentalisme islmaique réactionnaire ? Cette hypocrisie doit être dénoncée !
Ce qui est particulièrement répugnant, c’est que Kurz & Co sont prêts à tout pour utiliser l’attaque à leurs propres fins. La classe dirigeante autrichienne veut détourner l’attention de sa politique de racisme et d’austérité, particulièrement visible lors de la crise sanitaire, et parle d’« unité nationale » contre l’ « ennemi extérieur ». Nous avons vu ce discours d’« unité nationale » récemment au début de la crise sanitaire. On nous dit que nous sommes tous dans le même bateau, mais notre expérience quotidienne montre combien cela est erroné.
En ce moment, le mouvement ouvrier et les syndicats ne doivent pas céder à cette pression. Ils doivent critiquer les mesures du gouvernement fédéral : le manque de lits d’hôpitaux, le manque de compensation des coûts de la crise pour la classe ouvrière et les réactions répressives à venir en réponse à cette attaque terroriste. La référence du représentant du personnel des services médicaux d’urgence de Vienne au manque de ressources était non seulement compréhensible, mais aussi nécessaire. Le syndicat ne doit pas accepter que de telles critiques aient été omises dans les rapports ultérieurs.
Nous devons nous préparer aux tentatives de renfort de la répression et la surveillance de l’État sous le prétexte de la “sécurité intérieure”. Les politiciens qui remercient aujourd’hui les infirmières, les ambulanciers et les autres services d’urgence sont également responsables des conditions de travail désastreuses de ces travailleurs, telles que l’insuffisance des équipements et le manque de financement. Les mêmes personnes qui vont maintenant réclamer et allouer plus d’argent à la police n’ont pas fourni de fonds supplémentaires pour le service de santé au cours des derniers mois et sont donc également responsables de l’augmentation des décès dus au coronavirus.
Les causes du terrorisme
Ce sont les guerres, les exportations d’armes et l’agitation des gouvernements européens et américains qui ont fait que le fondamentalisme islamique de droite s’est répandu dans un premier lieu. Les populations qui fuient l’Irak, la Syrie et d’autres pays fuient la terreur et les régimes terroristes qui ont vu le jour aux guerres. Quels que soient les auteurs de ces actes, il est essentiel de quitter le terrain sous la terreur.
Depuis des années, des groupes tels que Daesh comptent sur la discrimination systématique des migrants et des musulmans en Europe. Le journaliste Karim El-Gawhary l’a clairement indiqué dans un post sur Facebook : « Dans un manifeste publié en 2015 dans le magazine en ligne Dabiq de Daesh, on décrit une dynamique que les islamistes militants veulent exploiter à leurs propres fins. L’idée était relativement simple. Avec chaque attaque islamiste en Europe et en Occident, l’atmosphère anti-islamique grandit. Il en résulte une polarisation et, comme on l’appelait à l’époque, « l’élimination de la zone grise », à mesure que la coexistence entre musulmans et non-musulmans se redéfinit. Avec l’exclusion des musulmans en Occident, il serait plus facile de les pousser dans les bras des militants islamistes et de leur idéologie et ils seraient faciles à recruter. »
Si le racisme en Autriche augmente suite aux attentats et est délibérément attisé par des aspects de la politique actuelle, alors les auteurs auront atteint leur but. Ils savent très bien que ces attaques sont armées de racisme et que cela joue en leur faveur. La montée du racisme, mais aussi les problèmes sociaux croissants dus à la crise mondiale du système capitaliste font que des forces réactionnaires de différentes sortes peuvent se présenter comme des sauveurs et ainsi recruter pour leurs idéologies. La pauvreté, le chômage, les difficultés sociales et le manque de perspectives ont conduit à une radicalisation de la droite en Autriche, en particulier au sein d’une génération qui est complètement isolée et exclue. Le fondamentalisme islamique est une face de la médaille, l’extrémisme de droite autrichien en est l’autre.
Il est évident que la grande majorité des musulmans n’ont pas plus à voir avec le terrorisme que la grande majorité des chrétiens ont à voir avec les auteurs des actes à Christchurch (une série d’attaques terroristes d’extrême droite commise le 15 mars 2019 par Brenton Tarrant contre deux mosquées de la ville de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et qui ont fait 51 morts et 49 blessés). Mais cela en dit long sur le climat raciste qui règne lorsque de nombreux musulmans se sentent obligés de prendre explicitement leurs distances par rapport à de tels actes, ce qui n’est pas souvent le cas des adeptes d’autres religions au nom desquels des actes terroristes sont commis. Le terrorisme d’extrême droite, qu’il soit fasciste ou fondamentaliste islamique, doit être combattu par le mouvement ouvrier. C’est pourquoi une alternative de gauche est nécessaire pour canaliser la colère contre ce système, afin que ces forces réactionnaires n’aient plus de base pour répandre ler haine.
Ce qu’il faut maintenant, c’est un programme efficace contre le terrorisme, la haine, l’agitation et le racisme : plus d’argent pour le bien-être social, l’emploi, des salaires plus élevés, l’éducation et la santé ; une lutte contre toutes les formes de racisme, de sexisme et de discrimination ; la fin des politiques de guerre et des exportations d’armes des impérialismes européen et américain ; et une offensive de gauche et syndicale pour l’unité de la classe ouvrière.
Il faut plus d’argent pour les centres de jeunesse et autres établissements de soins similaires, car ils peuvent être des lieux qui brisent l’isolement social des jeunes, en particulier pendant la crise de la Corona. Des milliards sont nécessaires pour investir dans les écoles et les établissements d’enseignement, pour augmenter le personnel, les enseignants et les travailleurs sociaux. Il est urgent d’étendre et de financer entièrement les services d’urgence et le secteur de la santé, et d’augmenter le personnel. Il est inacceptable que ces services soient déjà sollicités au maximum en « temps normal », mais ils ont besoin de ressources suffisantes pour pouvoir garantir des soins sans problème dans les situations de crise. Cesser d’exporter des armes et de coopérer avec les partisans de la terreur fondamentaliste en Turquie, en Arabie Saoudite, etc. Cesser toute coopération militaire avec l’OTAN et avec les autres pays belligérants. Nous avons besoin d’une économie et d’une société qui offre, surtout aux jeunes, un avenir qui vaut véritablement la peine d’être vécu.
Construire la solidarité
C’est précisément en ces heures que l’on peut ressentir l’immense solidarité de la classe ouvrière : les deux jeunes hommes qui, au risque de leur propre vie, ont sauvé deux blessés et dont les médias bourgeois ont à peine parlé, peut-être parce qu’ils sont musulmans, les innombrables personnes qui ont offert leur maison comme refuge, les travailleurs des services d’urgence et les bénévoles qui étaient dans un délai très court, et bien d’autres exemples encore.
Nous avons assisté à des manifestations de solidarité similaires après les attentats terroristes d’extrême droite en Allemagne, aux États-Unis et ailleurs. Par leur engagement, leur sympathie et leur solidarité, les gens ont montré que leur capacité à s’unir doit et est peut être plus forte que la terreur et la haine. Cela doit être notre base. Au lieu d’un deuil national dans le but d’une “solidarité nationale” dans l’intérêt de la classe dirigeante, nous avons besoin d’une réaction décisive du mouvement ouvrier et des syndicats.
Ce serait un premier pas significatif si la gauche, les antifascistes et les syndicats appelaient à un rassemblement contre le terrorisme, le racisme et le sectarisme et leurs causes. De même, les syndicats pourraient organiser de courtes actions de grève afin d’envoyer un signal fort en faveur de l’unité de la classe ouvrière, indépendamment de l’origine nationale, de la couleur de peau ou de la religion. Un plan d’action syndical permettrait de dénoncer les véritables auteurs et les causes de ces atrocités.
Le capitalisme traverse sa crise la plus profonde dans le monde entier qui coûte chaque jour des vies. Cette année nous a brutalement montré à tous le vrai visage de ce système putride. Ce système n’a pas d’avenir : il produit des pandémies, de la terreur, de la guerre, de la haine et de la misère. Cette barbarie capitaliste doit être combattue au niveau international avec détermination par nous, la classe ouvrière, et dans la perspective d’une alternative socialiste.
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L’Autriche après les élections

En mai 2019, le gouvernement autrichien s’est effondré. Cette coalition qui réunissait l’extrême droite (le FPÖ) et le parti conservateur (ÖVP) n’a pas survécu à un scandale de corruption autour du vice-chancelier de l’époque et dirigeant du FPÖ, Heinz-Christian Strache. Sebastian Kurz, arrivé à la tête de l’ÖVP avant les élections de 2017, a orienté son parti vers le populisme de droite du FPÖ tout en essayant préserver un profil sérieux et favorable aux grandes entreprises.
Par Sebastian Kugler, Sozialistische LinksPartei (SLP, CIO-Autriche)
Ces dernières ont forcé Kurz à mettre fin à la coalition ÖVP-FPÖ et à appeler à la tenue d’élections anticipées à l’automne. Il a ensuite perdu un vote de défiance – une première depuis la fondation de la république – ce qui signifiait la mise en place d’un gouvernement technocratique d’”experts”.
Mais cela n’a pas affaibli Kurz à l’approche des élections anticipées. Les couches les plus bourgeoises des partisans du FPÖ se sont tournées vers l’ÖVP, désormais quasiment aussi raciste que le FPÖ mais plus “sérieux”, tandis qu’il n’y a pas eu d’opposition sérieuse de la part du mouvement syndical et de la gauche. L’ÖVP a donc remporté une victoire décisive. Kurz a remporté 37 % des voix en bénéficiant d’une confortable et historique marge de 15 % sur le deuxième parti.
Mais cela rend la formation d’un nouveau gouvernement encore plus compliquée. L’aile ouvertement pro-big business du FPÖ, regroupée autour de Norbert Hofer, souhaite poursuivre la coalition et son programme politique pour les super riches même si les pertes électorales du FPÖ s’élèvent à 10%. Mais Hofer a dû céder à la pression d’autres forces au sein de son parti, autour d’Herbert Kickl, qui souhaitent que le parti d’extrême droite se refasse une santé dans l’opposition.
Kurz a ouvertement défendu la poursuite de la politique du dernier gouvernement. Il regrette toutefois que “le FPÖ ne soit pas à la hauteur”. En ce sens, Kurz fait écho à l’atmosphère qui domine au sein des principales grandes entreprises autrichiennes. Ces dernières se sont félicitées des coupes budgétaires et des attaques brutales contre les droits des travailleurs du dernier gouvernement ainsi que de son offensive idéologique nationaliste.
Théoriquement, Kurz pourrait entrer en coalition avec le SPÖ “social-démocrate” arrivé en deuxième position. Mais les 22% obtenus par le SPÖ marquent un nouveau plancher historique pour ce parti. Son déclin semble irréversible et une nouvelle crise est à l’œuvre en son sein. Certains de ses membres appellent à une “refondation” et à un “retour aux sources” de la social-démocratie. Mais ces appels manquent d’une base sérieuse prête à agir avec un programme qui défie l’appareil du parti. Il y a de grandes chances que cela ne soit qu’une tempête dans un verre d’eau, comme cela fut le cas lors des dernières crises de cette sorte.
Le SPÖ serait prêt à entrer au gouvernement, même au prix d’une nouvelle descente aux enfers électorale. Cette force politique est celle qui incarne le plus la “stabilité politique” de l’Etat bourgeois. N’ayant pas de racines historiques au sein d’une faction précise des capitalistes, il se considère comme la représentation politique idéale du capital national dans son ensemble, comme le parti de l’État. Pour le bien de la “stabilité”, il est prêt à se sacrifier, à l’instar de l’Allemagne où le SPD est entré dans une coalition en sachant pertinemment que cela aurait un coût. Mais puisque Kurz a conçu l’ensemble de son projet politique en se différenciant du SPÖ, s’allier à lui pour former un gouvernement ressemblerait à un désaveu.
La coalition FPÖ-ÖVP est arrivée au pouvoir pour mettre fin à la lenteur des gouvernements traditionnels de l’ÖVP et du SPÖ. La base du pouvoir du SPÖ repose sur un “partenariat social” institutionnalisé entre syndicats et capital. Ce parti s’est avéré être un allié fiable pour la politique d’austérité, pour autant que cette dernière ne sape pas la base matérielle du pouvoir de la direction du SPÖ ni la stabilité politique de l’Etat.
Cela a mis certaines limites à la rapidité et à l’intensité de l’austérité et a nourri les souhaits d’un gouvernement reposant sur la ” doctrine du choc” pour que l’offensive antisociale passe à un autre niveau. Le dernier gouvernement s’y est employé, en instaurant la journée des 12 heures (il est désormais légal de travailler plus d’heures supplémentaires, jusqu’à 12 heures par jour soit 60 heures par semaine) et en restructurant l’assurance maladie publique dans le but d’”économiser de l’argent” (c’est-à-dire de réduire la prestation de service). Mais il a également démontré son incapacité à garantir la stabilité. Il semble maintenant que le capital préfère affronter la prochaine crise économique avec un gouvernement moins audacieux, mais plus fiable.
La vague verte
Le parti vert, après avoir été expulsé du Parlement lors des élections de 2017, a célébré son retour triomphal avec un des meilleurs résultats pour un parti vert en Europe à ce jour. Cependant, ce succès n’est pas tant le fait des Verts que d’un facteur externe : le mouvement mondial pour le climat, qui a suscité une large prise de conscience sur les questions environnementales. Même si la politique concrète du parti – qui était encore représenté dans de nombreuses collectivités locales et régionales – n’est en aucun cas vraiment “verte”, elle a été considérée comme le choix logique de beaucoup de ceux qui ont été influencés ou actifs dans le mouvement. Un facteur était que l’aspiration à une opposition de gauche a été projetée sur le parti “manquant” au Parlement puisque le SPÖ ne prétendait même pas en être une.
Un gouvernement ÖVP-vert serait favorablement accueilli par différentes couches de la société. Certains pourraient même penser que les Verts pourraient quelque peu “dompter” les conservateurs. Ces illusions pourraient être nourries par la flexibilité de Kurz sur certains terrains. Kurz est un caméléon néolibéral : il a déjà essayé de se faire passer comme un progressiste sur les questions de migration et de genre, puis a complètement changé de position. Un tel gouvernement ne copierait pas la politique hardcore d’austérité ouvertement raciste de son prédécesseur, mais il ne reviendrait pas non plus sur aucune des coupes budgétaires de la dernière période. Bien au contraire.
Ce gouvernement entrera en fonction dans le cadre d’un capitalisme entré en période de turbulences de plus en plus aiguës. Et il devra servir les intérêts du capital. Compte tenu de la forte dépendance de l’économie autrichienne à l’égard des exportations, tout particulièrement vers l’Allemagne, cela se traduira par une baisse des coûts de production pour rester compétitif sur les marchés internationaux. Parallèlement, la crise à venir va accroître la nécessité d’un certain type d’intervention de l’État. Non pas dans le sens de mesures keynésiennes anticycliques visant à stimuler la consommation, il s’agira plutôt de plans de sauvetage pour les entreprises et de plans de relance pour certaines pans de l’industrie autrichienne hautement spécialisées dans certains domaines afin de leur donner un avantage commercial. Il pourrait même s’agir d’investissements dans les énergies “vertes”, mais pas d’une nature suffisante pour assurer une véritable transition vers les énergies renouvelables.
Les résultats électoraux ne sont qu’un instantané des développements en cours. Ils n’ont pas reflété la prise de conscience croissante selon laquelle l’establishment politique ne résoudra pas ni la crise climatique, ni la crise sociale. Ces dernières années, nous avons assisté à la renaissance de grèves dans le secteur de la métallurgie et chez les cheminots. Dans le secteur social, des grèves éclatent depuis deux années consécutives, ce qui rend les choses très difficiles à contrôler pour la bureaucratie syndicale. Les infirmières ont commencé à s’organiser de façon indépendante pour arracher de meilleures conditions de travail et mettre leurs dirigeants syndicaux au pied du mur. Des milliers de personnes ont participé aux manifestations hebdomadaires contre le gouvernement précédent au cours de l’année écoulée. 120.000 personnes ont manifesté le même jour contre les 12 heures de travail. C’était à l’époque la plus grande mobilisation que l’Autriche ait connue depuis des décennies, mais ce nombre a été dépassé par les 150.000 manifestants de la 3e journée de grève internationale pour le climat de septembre dernier.
Nous avons besoin d’une alternative de gauche combative
Le désir d’un nouveau parti de gauche devient de plus en plus concret, tout particulièrement parmi les activistes. C’est un pas dans la bonne direction et nous nous en félicitons. Mais il ne suffit pas de proclamer la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs : nous devons montrer comment une telle force peut être construite. A l’approche de plusieurs élections régionales, les luttes et mouvements mentionnés ci-dessus doivent constituer le point de départ de la gauche pour développer une alternative viable sur le terrain électoral. Cela implique de rompre avec la tradition de vagues alliances électorales de gauche conclues bureaucratiquement dans les coulisses autour du vieux parti communiste KPÖ.
Si les activistes des divers mouvements de lutte et les groupes politiques qui y ont joué un rôle constructif formaient des alliances pour les prochaines élections, cela pourrait représenter un pas dans la direction d’un nouveau parti des travailleurs, même sans bénéficier d’un grand succès électoral au début. L’intensification des luttes syndicales ainsi que les syndicalistes et délégués syndicaux combattifs qui s’organisent aux côtés de la bureaucratie syndicale, et parfois contre elle, pourraient affaiblir celle-ci et faire place à une nouvelle couche de syndicalistes militants prêts à mettre fin à la mainmise suffocante du SPÖ sur les syndicats.
Le Sozialistische LinksPartei (section autrichienne du CIO) s’est présenté aux dernières élections dans l’État de Haute-Autriche, non pas en ayant l’illusion de pouvoir entrer au Parlement, mais dans l’objectif d’utiliser le caractère politisé de la période électorale afin de défendre un programme socialiste et de nous renforcer. Avec plusieurs nouveaux membres et un profil plus fort, l’effort sera payant. Dans la rue, sur les lieux de travail et sur les bulletins de vote, le Sozialistische LinksPartei s’impliquera dans les mois à venir pour construire une alternative ouvrière au prochain gouvernement des riches, quel qu’il soit.
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Autriche : 100.000 manifestants contre l’allongement des journées de travail
Ce samedi 30 juin, une énorme foule de manifestants s’est réunie à Vienne. La fédération syndicale autrichienne ÖGB avait appelé à manifester contre l’augmentation de la limite légale du temps de travail, un appel suivi par des syndicalistes et des travailleurs de toute l’Autriche. Les premiers rangs du cortège avaient atteint l’arrivée avant même que la majorité des participants n’ait commencé à marcher ! La police n’a initialement parlé que de 25.000 manifestants, mais elle a dû rapidement changer son estimation officielle pour parler de 80.000. Il était toutefois évident que bien plus de monde était présent.Par Sonja Grusch, Sozialistische Linkspartei (SLP)
Le SLP, la section autrichienne du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), a participé à la manifestation avec un contingent dynamique. Nous avons vendu plus de 250 journaux, distribué plus de 2.500 tracts et nos pancartes appelant à la grève ont été chaleureusement accueillies.
NON au 12 et au 60 !
La manifestation visait à s’opposer à la volonté du gouvernement autrichien d’étendre à 12 heures par jour et à 60 par semaine la durée maximale autorisée de travail. L’actuelle législation autorise un maximum de 10 heures par jour et de 50 heures par semaine (il existe déjà des exceptions). Le gouvernement – qui réunit le Parti populaire (ÖVP), « modernisé » et encore plus néolibéral, et le Parti de la liberté (FPÖ) d’extrême droite, qui a très ouvertement dévoilé son caractère capitaliste brutal depuis son arrivée au pouvoir – ne ménage pas ses efforts pour satisfaire tous les souhaits des patrons. Cela comprend la réduction des droits des locataires, une ségrégation raciste dans les écoles et des horaires de travail plus « flexibles ».Le gouvernement tente de présenter le passage de la durée maximale du travail à 12 heures par jour et à 60 heures par semaine en affirmant que personne ne serait « obligé » de travailler ce nombre d’heures, que tout serait « volontaire » et que cela permettrait aux travailleurs d’avoir des week-ends plus longs. Pour la majorité des gens, il est toutefois absolument évident que quasiment rien n’est « volontaire » dans u emploi, ce sont les patrons qui décident qui travaille et quand. La mesure coûterait également de l’argent aux travailleurs, car la rémunération des heures supplémentaires serait réduite.
La mobilisation syndicale
Ce projet « 12/60 » était connu depuis près d’un an, mais le gouvernement a attendu cette année, une fois les élections locales passées. L’annonce d’aller de l’avant avec le « 12/60 » a été publiée quelques heures à peine après la fin du congrès de juin de la fédération syndicale ÖGB. Le gouvernement n’a même pas suivi la procédure parlementaire normale, il a rusé pour éviter les discussions au Parlement et accélérer l’adoption de la mesure. Leur projet était d’adopter la nouvelle loi d’ici le 4 juillet, soit au début de la période des vacances.
En moins de deux semaines, l’ÖGB a organisé des conférences de délégués syndicaux dans toutes les grandes villes. Dans des centaines d’entreprises, des réunions ont également eu lieu sur le lieu de travail avec la participation de milliers ou de dizaines de milliers de personnes. Dans les entreprises où les membres du SLP travaillent ou sont délégués syndicaux, la question d’une grève comme prochaine étape du mouvement faisait partie de la discussion.
Entre la manifestation et la mise en œuvre prévue de la législation, un plus grand nombre de réunions sur le lieu de travail ont lieu dans un certain nombre de grandes entreprises. Le lundi 2 juillet, les cheminots et le personnel de certains autres réseaux de transport public ont tenu des réunions de travail, qui étaient des grèves de fait. Graz, la deuxième plus grande ville d’Autriche, n’avait pratiquement pas de transports publics le lundi matin et de nombreux trains ont été retardés ou annulés. L’ÖGB a appelé les bataillons lourds du mouvement ouvrier à participer à cette série de réunions sur le lieu de travail, car certaines des principales industries, comme l’entreprise sidérurgique VOEST, ont également été à l’arrêt.
La colère de la classe ouvrière contre le « 12/60 » était forte et claire lors de la manifestation, qui a été inondée d’une mer de pancartes et d’affiches. Il ne s’agissait pas seulement de celles préparées par les syndicats, mais aussi de celles faites à la main. Les sondages d’opinion montrent qu’une majorité s’oppose au projet et soutient l’idée de riposter. La classe ouvrière montre quel est son pouvoir. Tout la question est de savoir ce qu’il adviendra par la suite.
Il faut un plan d’action !
L’ÖGB a une tradition de “partenariat social”, une tradition de collaboration de classe avec le gouvernement et les employeurs. Souvent, le fait d’être invité à la table de négociation semble plus important que ce qui est négocié aux yeux des dirigeants syndicaux. Mais les différentes organisations de la classe ouvrière sont attaquées par ce gouvernement, qui veut réduire l’influence des organisations de travailleurs dans le secteur de la santé et de la sécurité sociale, ainsi que sur les lieux de travail. Les emplois des bureaucrates syndicaux eux-mêmes sont donc en danger. En même temps, la pression augmente à partir de la base, car la classe ouvrière entend chaque jour la propagande faisant état d’une croissance économique, mais elle n’en ressent rien dans ses poches.
Dans la période précédant le congrès de l’ÖGB, le SLP a pris l’initiative de former une plate-forme plus large pour un syndicalisme de combat. Elle est intervenue dans le congrès de l’ÖGB. “ÖGB aufrütteln” (‘Réveille-toi, ÖGB’) est soutenue par des délégués et des militants syndicaux. L’initiative est arrivée juste à temps. Un autobus a été loué pour la manifestation et divers délégués syndicaux et activistes ont pris la parole et ont marché ensemble, dont le contingent du SLP. L’appel à la grève s’est fait entendre dans la manifestation et a été favorablement accueilli par beaucoup de collègues.
Le SLP a publié une déclaration et un tract comprenant une proposition de plan d’action. Nous avons expliqué pourquoi une lutte ne peut être remportée que si les collègues des différents lieux de travail participent activement aux décisions et aux préparatifs. Nous avons plaidé pour le rassemblement des différentes protestations, car le gouvernement n’est pas seulement à l’offensive sur cette question, mais aussi sur d’autres qui suscitent également une riposte.
Le tract du SLP qui a été distribué lors de nombreuses réunions de délégués syndicaux ainis que lors de la manifestation appelait à la grève et indiquait clairement comment l’organiser, pourquoi nous ne pouvons pas attendre que la mesure soit adoptée au Parlement et pourquoi il est nécessaire de répondre à l’attaque généralisée par une riposte généralisée : une grève générale.
Nous avons également abordé la question politique. Les militants du SLP ont participé à un certain nombre de réunions de délégués syndicaux. En Haute-Autriche, où il était possible de prendre la parole de l’assemblée, Gerhard Ziegler, membre du SLP et délégué syndical, a déclaré qu’une grève était une absolue nécessité. Le Parti social-démocrate (SPÖ), qui a perdu la plupart de son pouvoir et de son influence au cours de ces dernières décennies, tente de se présenter comme une opposition et fait semblant de « lutter » contre le « 12/60 ». Mais, dans le cadre de ses plans gouvernementaux, le SPÖ avait également défendu une telle approche, quoique d’une manière plus « douce ». Le SPÖ ne fait pas de tentative sérieuse de lutter pour les intérêts de la classe ouvrière – son « combat » est essentiellement une manoeuvre populiste. Son objectif principal est de moderniser l’économie autrichienne afin qu’elle soit en mesure de faire face à la concurrence internationale. C’est essentiellement le même objectif que le chancelier et leader de l’ÖVP, Sebastian Kurz. La question d’une alternative politique doit donc également être soulevée.
Quelle est la stabilité du gouvernement ?
Le paradoxe de la situation est que le gouvernement bénéficie encore de bons résultats dans les sondages d’opinion et n’a pas beaucoup perdu depuis son élection en octobre 2017. Cela ne s’explique pas uniquement par sa communication très professionnelle et bien maîtrisée, c’est également en raison de l’absence de toute alternative sérieuse et du sentiment général que ce gouvernement représente quelque chose de nouveau et qu’il semble réellement fonctionner.
Chaque fois que le gouvernement s’en prend à la classe ouvrière, il instrumentalise la « crise des réfugiés » et fait tout pour dévier l’attention. Cela fonctionne en partie, car les partis traditionnels ont mené une politique raciste durant des années sans qu’aucune réponse ne soit donnée aux questions sociales liées au “problème” des réfugiés. Cela a conduit à une acceptation plus large des politiques racistes.
Mais ce serait une erreur de dire que ce gouvernement est stable. Des tensions existent concernant la politique internationale, même si le gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour les dissimuler. Ces tensions augmenteront non seulement autour des questions européennes, mais aussi au fur et à mesure que le FPÖ subira des pressions croissantes de la part de son électorat.
Il serait toujours faux de penser que le FPÖ serait le nouveau “parti des travailleurs”, comme l’ont dit certains commentateurs. Mais il est vrai que beaucoup de gens de la classe ouvrière ont voté pour ce parti en croyant (ou en plaçant ses espoirs) dans la propagande du FPÖ au sujet de ses politiques « sociales ». Le vice-chancelier Strache, du FPÖ, qui est très actif sur Facebook, a rapidement appris de la colère de masse contre le « 12/60 » et d’autres mesures rendues publiques. En exerçant la présidence de l’UE, le chancelier Kurz, présenté comme l’étoile montante des forces politiques bourgeoises en Europe, découvrira qu’il ne peut résoudre facilement aucun des problèmes auxquels son gouvernement est confronté.
Enfin et surtout, la classe ouvrière n’a fait que commencer à bouger. Le gouvernement a dû annoncer des changements à la loi 12/60, mais c’était trop peu, trop tard.
L’ÖGB a fait beaucoup d’erreurs. La fédération veut que la situation se calme et espère retourner à la table des négociations. Par-dessus tout, l’ÖGB veut contrôler la classe ouvrière. Mais, de l’autre côté, des centaines de milliers de travailleurs sont en colère et aspirent à se battre. Ils ne sont pas prêts à être appelés à protester et à accepter un accord pourri. La situation est très ouverte. Mais ce qui est sûr, c’est que la lutte n’est pas terminée.
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Le nouveau gouvernement autrichien immédiatement confronté à la résistance

Le lundi 18 décembre, le troisième gouvernement “noir” (le Parti Populaire conservateur – ÖVP),”bleu” (le Parti de la liberté, d’extrême droite – FPÖ) de la deuxième république autrichienne de l’après 1945, a prêté serment.
Par Sonja Grusch, SLP (section autrichienne du Comité pour une Internationale Ouvrière) et membre dirigeante du mouvement de 2000 contre le précédent gouvernement ÖVP-FPÖ.
Les dirigeants de partis Kurz (Parti Populaire) et Strache (Parti de la liberté) ont tiré les leçons du fiasco de la corruption gouvernementale des années 2000. Ils ont tenté de se présenter comme des hommes d’État responsables, dont le gouvernement a six postes ministériels occupés par des femmes et ont tenu compte des souhaits du président de la République, le Vert Van der Bellen. Tout cela ne change toutefois en rien la composition réelle de ce gouvernement. Parmi ses ministres se trouve un grand nombre de prêcheurs de haine issus des fraternités nationalistes pan-germanistes. Le programme du gouvernement déborde de racisme et de préjugés à l’égard des musulmans et des réfugiés (la violence à l’égard des femmes est par exemple abordée dans le programme gouvernemental à proximité du chapitre “migration”).
Le programme gouvernemental : 180 pages d’attaques enveloppées de belles paroles
Le gouvernement bleu-noir a l’intention de se débarrasser des conquête sociales obtenues par les travailleurs pendant la période de radicalisation internationale et de mouvements de masse qui a pris place après 1968.
Le programme gouvernemental parle plusieurs fois de “patrie”, d’”identité” et de “valeurs”. Le christianisme doit avoir plus de place dans l’État et ses concepts moraux doivent être appliqués, par exemple, dans le contexte du droit de la famille et du droit des femmes à l’émancipation. Dans les universités, outre le projet d’introduire des frais de scolarité, l’espace pour les politiques de gauche et socio-critiques doit être réduit. Ce qu’ils appellent la “culture autrichienne” est censé être encouragé et un “degré autrichien” (pourcentage de culture “autrichienne”) dans les médias serait instauré. Nous pouvons supposer que, dans les deux cas, les aspects culturels les plus progressistes et favorables aux travailleurs seront exclus.
Mais ce sont les projets économiques et sociopolitiques du gouvernement qui sont particulièrement effrayants pour les travailleurs. Le gouvernement veut brider les syndicats. Il veut introduire la journée de travail de douze heures, supprimer la représentation syndicale des jeunes et instaurer un modèle d’allocations de chômage similaire au modèle allemand “Hartz IV”, ce qui signifie que les chômeurs de longue durée ne bénéficieront d’aucune aide financière de l’État. Les changements prévus dans la législation du travail se feront aux dépens des petits salariés.
Le programme regorge de termes tels que : “débureaucratisation”,”Etat allégé” et “réforme fiscale”. Derrière cette rhétorique se cachent des coupes budgétaires dans les services et les aides aux salariés socialement défavorisés. L’argent ainsi épargné servira à accorder des cadeaux fiscaux aux entreprises.
Le mot “sanction” revient aussi régulièrement. Contre les parents d’élèves qui abandonnent l’école, contre les migrants prétendument “réticents à s’intégrer” (le nouveau gouvernement déclare parallèlement que l’intégration des réfugiés n’est pas souhaitée) ou contre les élèves trop critiques. Il est par contre question de réarmement et de militarisation.
Ce ne sont là que quelques-unes des politiques du programme gouvernemental de 180 pages. Si les commentateurs bourgeois se plaignent de son manque d’audace, ils oublient que le nouveau gouvernement entend être prudent dans les quatre premiers mois de 2018, avant la tenue de quatre élections régionales. Le gouvernement régional de Haute-Autriche (au pouvoir depuis 2015) a de même retardé l’introduction de nombreuses mesures pour attendre les élections générales d’octobre 2017. La formulation souvent vague du programme du nouveau gouvernement laisse également beaucoup de place à des attaques brutales contre la classe ouvrière.
Un gouvernement potentiellement instable
Ce gouvernement sera confronté à des résistances dans un certain nombre de domaines, y compris le secteur public. Kurz planifie de s’en prendre au secteur public, en ayant habilement laissé Strache en charge du dossier pour tenter de préserver la base du Parti populaire dans ce secteur. Des mesures de centralisation sont également prévues à différents niveaux, ce qui affaiblira les provinces et municipalités fédérales. De nombreux politiciens du Parti populaire sont toutefois présents dans ces structures, des conflits sont donc inévitables. Les manœuvres de Kurz n’empêcheront pas l’opposition de s’exprimer. Sur la page facebook de Strache, une bataille numérique au sujet de la journée de travail de 12 heures a déjà eu lieu, ce qui a donné au FPÖ un avant-goût de l’impopularité que le parti va engendre auprès de sa base électorale avec de telles attaques néolibérales.
De toute évidence, le fossé est grand entre l’auto-présentation du FPÖ en tant que “parti de la patrie sociale” et la réalité des mesures néolibérales. L’idéologise raciste et misogyne du FPÖ exigera également l’introduction de mesures qui ne sont pas compatibles avec les souhaits des grandes entreprises. Mais Kickl (ministre de l’intérieur, FPÖ) et Strache sont enfin au pouvoir et ils ne voudront pas quitter leurs postes. Même si une crise du type de celle de Knittelfeld en 2002 n’est pas directement à l’agenda, le FPÖ devra faire face à des pressions internes. A l’époque, les conflits au sein du FPÖ avaient conduit à la démission de plusieurs ministres et à de nouvelles élections.
D’autre part, la situation économique de l’Autriche n’est positive qu’en surface. La croissance économique nationale est fragile et dépend des développements internationaux. La possibilité d’accorder des avantages fiscaux aux grandes entreprises, qui se chiffrent en milliards de dollars, est très limitée. Le capitalisme autrichien, dont certains représentants ont largement participé à l’élaboration du programme économique du gouvernement, attend beaucoup de la réduction des coûts salariaux. Ce “nouveau style” qui emble harmonieux ne durera pas. Kurz, l’espoir de la bourgeoisie, perdra probablement sa crédibilité aussi rapidement que d’autres “nouveaux” dirigeants récents, comme Macron ou Trudeau.
La résistance augmente
Le jour de l’investiture du nouveau gouvernement, 6.000 à 10.000 personnes ont manifesté à Vienne. Le samedi précédent, des centaines de manifestants avaient manifesté à Graz, tandis que des centaines de manifestants étaient également dans les rues de Salzbourg le lundi, de même qu’environ 2 000 dans la petite ville d’Innsbruck, dans le Tyrol. Peu de temps avant cela, à plusieurs reprises, entre 2 000 et 4 000 personnes sont descendues dans les rues de Linz pour protester contre le gouvernement régional bleu-noir de Haute-Autriche. Les pancartes et banderoles artisanales caractérisaient ces mobilisations à l’atmosphère combative. De nombreuses jeunes femmes se sont jointes au mouvement. Les projets antisociaux du gouvernement, comme la journée de travail de 12 heures ou les frais de scolarité, ont poussé beaucoup de gens à reprendre le chemin de la rue.
Dans les médias, ces protestations ont été comparées au “mouvement de résistance” de 2000 avec l’objectif de ridiculiser les protestations actuelles. Mais un millier de jeunes ont participé à une grève écolière à Vienne et des manifestations d’étudiants du supérieur ont également pris place. Dans la rue, il n’y avait pas seulement que “la gauche”. Il y eut aussi les “grand-mères contre le bleu-noir” et d’autres expressions de la mobilisation de la population qui a – à juste titre – peur du nouveau gouvernement et de ses politiques.
Bien sûr, le “mouvement de résistance” de 2000 ne se répétera pas. Si nous voulons construire aujourd’hui un mouvement de cette échelle, il faut aussi tirer les leçons du passé. Après tout, ce mouvement ne fut pas victorieux, essentiellement parce qu’il s’était limité à des manifestations sans s’orienter vers les syndicalistes et sans soutenir les actions de la classe des travailleurs. Si les “vétérans” de 2000 rejoignent les manifestations d’aujourd’hui, ils doivent apprendre des faiblesses du passé. Il est important que ces manifestations politisent toute une génération. La grande participation des jeunes aux manifestations est un très bon point de départ. Il s’agit maintenant de s’organiser. Beaucoup cherchent comment agir de la meilleure manière. C’est pourquoi il est important de débattre. Il ne s’agit pas seulement de discuter, mais d’élaborer ensemble un plan d’action visant à stopper ce gouvernement et son programme tout en proposant une alternative.
Lors de la prestation de serment du gouvernement, les syndicats étaient malheureusement invisibles. Sur sa page d’accueil, la fédération syndicale ÖGB déclarait:”L’ÖGB ne participera pas à la manifestation annoncée contre le gouvernement ÖVP-FPÖ. Nous l’évaluerons [le nouveau gouvernement], aussi sérieusement que d’habitude”. Il s’attend à ce que les “partenaires sociaux” (les organisations syndicales et patronales) soient invités et à ce que leurs arguments soient entendus “parce que cela permet d’éviter beaucoup de frictions”. Cette approche est absurde. La direction syndicale veut attendre une invitation, puis (si elle est invitée) expliquer son point de vue. Mais même si une telle réunion est organisée, l’avis des syndicats sera largement ignoré. Et que proposeront alors les dirigeants syndicaux?
Les objectifs du nouveau gouvernement sont très clairs. Il n’ y a pas de temps à perdre. Les syndicats ont la responsabilité d’informer leurs membres au sujet du programme brutal du gouvernement, par exemple avec des assemblées sur les lieux de travail. Il leur incombe non seulement de participer aux manifestations, mais aussi d’organiser activement la résistance. Si les syndicats ne le font pas, de nombreux membres remettront en question leur affiliation. Nombreux sont déjà ceux qui ne sont pas d’accord. Cela s’exprime pour l’instant surtout sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la participation des syndicalistes aux manifestations. Le développement d’un syndicalisme combatif est attendu depuis longtemps.
Lors des dernières élections, la déception vis-à-vis des sociaux-démocrates de droite a permis au FPÖ d’être le plus grand parti parmi les ouvriers. La participation du FPÖ à une offensive contre les travailleurs et les pauvres offre l’occasion de démasquer ce parti en tant que “faux ami” des travailleurs. Pour cela, il est nécessaire de construire une véritable alternative à la fois contre ce nouveau gouvernement et contre les politiques des anciennes coalitions des sociaux=démocrates et du Parti populaire.
Le 13 janvier, un appel a été lancé pour une grande manifestation nationale. Le défi est de réunir les différentes couches de travailleurs menacées par le gouvernement. Cela doit être un signal fort: la première étape pour organiser une résistance capable de repousser les mesures. Nous devons contrer la guerre de classes brutale d’en haut avec une résistance déterminée d’en bas.
Nous ne pouvons compter sur aucun des partis de l’establishment. Van der Bellen, le président de la république membre du parti vert, a ainsi présidé à l’intronisation de ce nouveau gouvernement, sans rien critiquer et sans jouer aucun rôle dans les manifestations.
Nous devons organiser des comités d’action. Les travailleurs doivent connaître les conséquences des mesures prévues par le gouvernement. Il nous faut mener campagne dans les écoles, les universités, sur les lieux de travail, vers les migrants et les réfugiés, dans les médias, les secteurs culturels, sanitaires, sociaux et éducatifs afin de se réunir autour des forces syndicales. Ce n’est pas le moment de faire l’autruche ou de se retirer dans la vie privée. Il est temps de s’organiser. Ensemble, nous sommes plus forts et nous pouvons construire une alternative politique et sociale à ce gouvernement.
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Autriche. Solidarité massive avec les réfugiés
Il y a quelques jours, 71 réfugiés ont été retrouvés morts dans un camion au sud de l'Autriche. Hier, environ 25.000 personnes ont manifesté à Viennes et ailleurs en solidarité avec les réfugiés et pour contester l'Europe-Forteresse. Au même moment, environ 1000 réfugiés sont arrivés en Autriche via la Hongrie pour essayer de traverser le pays afin d'arriver en Allemagne. Spontanément, des centaines de personnes ont accueilli les réfugiés à la gare, en achetant notamment tout ce que contenait le supermarché local afin de leur offrir nourriture, eau, médicaments et jouets pour les enfants. Les cheminots ont organisé un train pour les réfugiés, un grand restaurant a ouvert ses portes et offert des places où dormir à ceux qui étaient trop fatigués pour continuer leur route directement. Des frontières ont été franchies et des lois ont été brisées sous la pression de la solidarité.
Nos camarades du SLP, Sozialistische LinksPartei (section autrichienne du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL) étaient présents à la manifestation de Viennes avec une délégation combattive qui avait notamment pour slogan : "Que les réfugiés restent, exproprions les riches!"
L'énorme sentiment de solidarité qui existe parmi la population ordinaire s'est reflété dans l'assistance immédiate qui a été fournie aux réfugiés lors de ces évènements et d'autres. La politique du gouvernement ou la rhétorique raciste de l'extrême droite, notamment, ne font visiblement pas l’unanimité dans la population. Il ne faut pas bien entendu nier l'impact de la politique de division semée par l'extrême droite, mais en organisant concrètement la solidarité avec les réfugiés, une image différente est clairement montrée : celle de l'unité entre les opprimés et de la solidarité avec ceux qui en ont besoin. Il est d'ailleurs à noter qu'alors que le gouvernement ne parvient pas à aider les réfugiés – il ne reste de moyens que pour les banquiers – la population ordinaire refuse de rester inactive face à la catastrophe humanitaire et s'engage dans le soutien des autres être humains.
Le 3 octobre, une nouvelle grande manifestation est prévue en Autriche. Pour faire de cette manifestation un succès, il faut bien sûr mobiliser parmi les réfugiés mais aussi dans les écoles, particulièrement là où de jeunes réfugiés sont scolarisés, de même que dans les quartiers et sur les lieux de travail. Assurer que la mobilisation soit la plus large possible est d'une aide cruciale pour permettre de limiter l'espace pour la rhétorique de droite.
A notre avis, il faut insister sur le lien à faire entre la crise des réfugiés et la résistance nécessaire contre le capitalisme, dont le fonctionnement même conduit directement tant à l'austérité qu'au drame qu'endurent les réfugiés.

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Grève de la SNCB : Tract de militants syndicaux critiques et combatifs
Aujourd’hui soir, dès 22 heures, les cheminots entreront en grève pour 24 heures. Nous avons déjà publié sur ce site un tract d’appel à la solidarité des voyageurs avec les travailleurs du rail (voir ici) qui a par exemple été distribué ce matin devant la gare de Liège Guillemins et en cet fin d’après midi devant la gare d’Anvers, entre autres. Nous publions ici un tract qui sera distribué sur les piquets de grève par des syndicalistes critiques et combatifs.
Tract de Libre Parcours
Chers collègues,
Aujourd’hui, nous faisons grève contre le démantèlement du groupe SNCB qui doit préparer à la libéralisation. Si le gouvernement réussit à nous imposer sa volonté, la société holding sera dissoute tandis que la SNCB et Infrabel seront déparés. La SNCB sera aux prises avec la plupart des activités déficitaires et les dettes. Le gouvernement veut provoquer une faillite. L’exemple de la Sabena est encore frais dans nos mémoires, qui a conduit au lancement de SN Air Holding (devenue Brussels Airlines) et TUI Airlines Belgium (maintenant Jetairfly). Certains membres du personnel ont pu retourner au travail en tant que contractuels, mais ils avaient perdu leur ancien statut et leurs nouvelles conditions de salaire et de travail étaient pires. En ce sens, notre statut et nos conditions de travail sont aujourd’hui menacés.
Le personnel dépendant d’Infrabel peut-il dormir sur ses deux oreilles ? Non. En Grande-Bretagne, tout a été privatisé, y compris le gestionnaire de l’infrastructure. Après de nombreux accidents, il a fallu revenir sur la privatisation de l’infrastructure. Aux Pays-bas, une scission a été opérée en 1998. Au vu de l’exemple britannique, le gestionnaire de réseau Pro-rail est resté public, mais scindé entre Pro Rail et Key Rail, respectivement responsables de l’infrastructure pour les voyageurs et pour les marchandises. En Belgique, en 1995, les cheminots ont perdu leur statut de fonctionnaire. Cela a déjà clairement posé problème aux travailleurs d’Infrabel. Avec la centralisation prévue des cabines de signalisation, 2000 postes statutaires de cadres sont perdus. De plus en plus de projets d’infrastructure sont confiés au privé. Les poseurs de voie statutaires sont en voie de disparition. Infrabel est au régime façon De Wever et doit être amené à sa portion congrue tandis que le secteur se payera la part du lion avec la sous-traitance.
L’objectif du gouvernement est clair: après les secteurs de l’énergie, de l’aviation, des services postaux, des communications,… c’est au tour du rail de se rendre à l’avidité du secteur privé. Dans de nombreux cas, nous constatons que le secteur privé est alors mieux financé. Le rail britannique coûte à l’Etat 4 fois plus qu’avant la privatisation. Pourtant, le voyageur paie jusqu’à 10 fois plus que partout ailleurs en Europe, et pour un service plus mauvais ! Un premier jugement de la Cour européenne de justice concernant un chemin de fer unifié en Allemagne et en Autriche confirme que le gouvernement nous ment, se cache derrière ‘’l’Europe’’ et ne prend pas la responsabilité de ses propres choix politiques.
Chaque grève ouvre grand les vannes de la propagande antisyndicale. Nous connaissons bien ceux qui contrôlent les médias. Il ne faut pas les laisser induire qui que ce soit en erreur, nous avons des intérêts identiques à ceux des voyageurs et nous avons besoin d’eux pour notre victoire et pour qu’ils s’engagent dans la lutte pour nos transports en commun. Les tracts de la CSC-Transcom et de la CGSPCheminots du 19 septembre dernier étaient un premier pas dans cette direction. Si nous voulons que les gens nous soutiennent, en dépit de toutes les attaques de la presse, nous devons les informer tout au long de l’année dans un langage compréhensible.
Pour ceux qui doutent que nous pourrions forcer le gouvernement à laisser tomber cette restructuration, deux exemples récents illustrent que la la lutte paie effectivement. Après les grèves bien suivies de décembre et de janvier, les négociations concernant la réforme des retraites n’ont pas abouti à un accord. Mais un changement de loi est en préparation et rendra plus difficile de remplir les conditions d’âges et de périodes de travail pour avoir accès à la pension. Ensuite, la semaine dernière, les conducteurs du fret ont obtenu ce que beaucoup considéraient comme impossible. Ils ne seront pas remplacés par des contractuels ou mis à disposition et ils peuvent continuer de travailler à leurs conditions actuelles.
Il est clair que nous n’obtiendront pas la victoire en une seule grève. Il y a un préavis de grève pour les 10 et 11 octobre. Nous avons besoin d’un plan d’action pour augmenter la pression sur le gouvernement. Des réunions d’information ont déjà été organisées au sein du personnel, mais une campagne plus massive et intense est nécessaire si on veut impliquer tout le monde dans l’action. Nous devons également regarder vers les autres luttes et les lier ensemble. Les camionneurs ont annoncé de nouvelles actions. Le gouvernement flamand veut économiser 100 millions d’euros sur les fonctionnaires, ce qui concerne les enseignants, les éclusiers, le personnel de De Lijn,… Les syndicats menacent de mener des actions. Après les élections du 14 octobre, nous serons confrontés à des économies dont personne ne parle dans la campagne. Toutes ces luttes doivent être unifiées.

